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Fondements de la Valeur Economique: Prologue Introduction I. Nature de la Valeur Economique 1. La valeur économique est un « rapport » d'adéquation 2. Rapport réel d'adéquation complémentaire 3. Rapport « concret » et « réel » d'adéquation 4. Rapport d'adéquation « ultime » et future 5. Rapport d'adéquation « future» 6. Du concept d'adéquation parfaite en économie II. Les Matieres Premiers: Cause Materielle de la Valeur Economique 1. La puissance passive des biens matériels 2. Le besoin radical de ressources naturelles 3. Les limites de la croissance en termes purement physiques 4. Quelques solutions pour orienter la « domination » de la nature II. Le Travail Humain: Cause Efficiente de la Valeur 1. Importance du travail dans l'histoire de la pensée économique 2. Le travail : cause active de la valeur 3. La nécessité de prendre en considération les finalités dans le travail 4. La priorité du travail humain sur les biens matériels IV. Les Biens Du Capital: Cause Instrumentale de la Valeur Economique 1. La causalité instrumentale des biens du capital théories qui soulignent son efficacité 2. Les biens du capital agissent sous la direction du travail humain 3. Extension du concept de capital V. L'utilite: Cause Subjective Finales 1. Bref corollaire des premières théories sur la valeur 2. La renaissance des théories subjectives de la valeur 3. L'incorporation des causes finales à la théorie sur la valeur 1

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Fondements de la Valeur Economique:

PrologueIntroductionI. Nature de la Valeur Economique

1. La valeur économique est un « rapport » d'adéquation2. Rapport réel d'adéquation complémentaire3. Rapport « concret » et « réel » d'adéquation4. Rapport d'adéquation « ultime » et future5. Rapport d'adéquation « future»6. Du concept d'adéquation parfaite en économie

II. Les Matieres Premiers: Cause Materielle de la Valeur Economique1. La puissance passive des biens matériels2. Le besoin radical de ressources naturelles3. Les limites de la croissance en termes purement physiques4. Quelques solutions pour orienter la « domination » de la nature

II. Le Travail Humain: Cause Efficiente de la Valeur1. Importance du travail dans l'histoire de la pensée économique2. Le travail : cause active de la valeur3. La nécessité de prendre en considération les finalités dans le travail4. La priorité du travail humain sur les biens matériels

IV. Les Biens Du Capital: Cause Instrumentale de la Valeur Economique1. La causalité instrumentale des biens du capital théories qui soulignent son

efficacité2. Les biens du capital agissent sous la direction du travail humain3. Extension du concept de capital

V. L'utilite: Cause Subjective Finales1. Bref corollaire des premières théories sur la valeur2. La renaissance des théories subjectives de la valeur3. L'incorporation des causes finales à la théorie sur la valeur4. Influence des causes finales subjectives à la cause efficiente5. Influences des objectifs subjectifs de l'être humain sur l'activité économique6. Dérivations postérieures de la théorie sur la valeur au sens subjectif

VI. La Causalite Objective de la Valeurature de la Valeur Economique1. A la recherche des finalités objectives qui donnent du sens à la théorie sur la

valeur2. L'existence de causes finales objectives de la valeur économique3. Conséquence de l'existence des finalités objectives4. L'inaccessibilité des finalités objective

VII. La Finalite de L'activite Economique: Consommation Versus Travail1. Considérations hédonistes sur l'objectif de la production2. La consommation : bien intermédiaire3. Littéralement : la consommation équivaut à destruction de la valeur, le

travail à sa création4. Le travail : une nécessité

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5. La consommation : input indispensable. Consommation productive et improductive

6. Importance du capital humain. La consommation : investissement en capital humain

7. Le travail à venir régit la consommation présente8. Critère du consommateur : obtenir le bénéfice maximal en terme de valeur

économique9. La finalité : action avantageuse. L'économie : science des moyens

   

I. Nature de la Valeur Economique L'augmentation de la valeur économique appartenant aux individus qui constituent une société devient la finalité de toute action économique et, concrètement, des pouvoirs publics dans l'exercice de leurs politiques économiques. L'enrichissement du peuple et du souverain, comme l'indiquait Adam Smith est l'objectif final de l'Economie Politique. Mais il convient d'expliquer, le plus minutieusement possible, en quoi consiste cet enrichissement, que voulons-nous augmenter ?

Les discussions autour de la valeur économique sont au centre des divergences entre les différentes écoles. Il ne pouvait en être autrement, car tout en économie renvoie au concept fondamental de valeur. J'oserai affirmer qu'il n'y a pas de définition d'économie possible si on ne définit pas la valeur. Tout en respectant d'autres définitions, je considère que l'économie a pour objet matériel (selon la terminologie classique) toutes les réalités matérielles, tout l'univers matériel. Cet objet matériel nous délimite le champ de la réalité que la science économique étudie. Mais ce domaine est étudié par d'autres sciences selon des points de vue différents. Selon quel point de vue, l'économie étudie-t-elle cet univers matériel ? Quel est l'objet formel caractéristique de la science économique ? La valeur.

La valeur, ce que valent les choses, devient la perspective à partir de laquelle l'analyste économique étudie les différents composants de cet univers matériel.

Que les réalités matérielles soient considérées comme objet matériel ne veut pas dire que nous n'ayons pas pris en compte les nécessités supérieures de l'être humain ou les forces et effets moins visibles de la nature. Parce que l'homme est un être parfaitement homogène, composé de corps matériel et d'esprit, nous pouvons considérer qu'il fait également parti de l'univers matériel bien qu'il ne puisse le transcender. Ses nécessités et activités supérieures ne sont jamais totalement comblées par des réalités matérielles. Pour réaliser une investigation scientifique et pouvoir ainsi améliorer nos connaissances, il faut, dans beaucoup de secteurs, des instruments hautement sophistiqués qui servent d'appui pour augmenter le savoir. La condition matérielle se trouve aussi, par exemple, dans la création artistique où le génie de l'artiste se manifeste esthétiquement au travers de réalités matérielles. L'homme transfigure la matière en la faisant porteuse de valeurs d'un genre supérieur [1]

Tout effet moins matériel doit se référer à un sujet qui le produit et qui, parce qu'il possède ces

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qualités, peut être estimer.

La nature de la valeur économique, sa définition, sa description, devient, aujourd'hui comme hier, l'objet inévitable de toute recherche économique. Que représente la valeur économique ? Quelle est sa nature ? Quelles sont les forces qui la produisent ? Pourquoi augmente-t-elle ou diminue-t-elle ? Essayer de donner une réponse à ces questions est le but de ce travail.

En se plongeant dans la richesse multiple des choses, l'économiste tente de mieux comprendre cette réalité en cherchant et en découvrant sa valeur pour l'homme. Il cherche, analyse, expérimente, corrige, reprend sa recherche sur les différentes nuances trouvées dans cette réalité aux connexions multiples, en rectifiant des affirmations antérieures. Tout cela, il le réalise pour observer un aspect de cette réalité, la valeur, différente de la beauté, la quantité, la couleur, la vérité?, bien que dans tous les cas la source de connaissance soit la même : l'essence des choses. Il compare la valeur de certaines choses avec d'autres, il découvre que certaines valent plus que d'autres ; il cherche pourquoi quelques-unes valent plus aujourd'hui qu'hier et pourquoi certaines valent moins. Si la réalité matérielle a différents grades d'existence, de même les différentes réalités ont une valeur différente. La richesse multicolore pleine de nuances de la valeur économique se nourrit de la plénitude, toujours difficile à cerner dans sa totalité, de l'essence des choses.

Dans les chapitres suivants nous étudierons les causes de la production, l'augmentation ou diminution de cette valeur économique. Si la finalité est l'accroissement de la valeur, nous devons étudier les causes qui sont à la base de cette augmentation. Il est logique que si nous étudions la nature de la valeur économique, nous nous interrogions sur ses causes. Carl Menger signale que « Toutes les choses sont sujettes à la loi de cause à effet?Le constant progrès humain ne tend pas à invalider ce principe, mais plutôt à le confirmer, à étendre, chaque fois davantage la connaissance de sa zone d'application » [2] W. Stanley Jevons, en faisant référence à la précision de l'économie, et sa problématique due à sa dépendance face aux changements humains et sociaux, affirmait que c'est une science très stricte, une sorte de mathématiques qui calculent les causes et effets de l'activité de l'homme et qui montre comment elle pourrait être mieux appliquée.

Mais pour étudier les causes nous devons d'abord connaître ce qui est causé, chercher la nature de la valeur économique. C'est l'objet du chapitre suivant, plus que de définir la valeur économique, il s'agit de la décrire. Nous essaierons de décrire concrètement quelle est cette réalité que nous appelons valeur.

1 MILLÁN PUELLES, Economía y libertad , Confederación española de Cajas de Ahorros, Madrid 1974, I.a Parte, 1.

2 MENGER, Principios de Economía política , Union Editorial, Madrid 1985, p.47.

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1. La valeur économique est un « rapport » d'adéquation  

Daniel Defoe nous raconte les pensées de Robinson Crusoé, le seul survivant du naufrage de son bateau, au moment de son arrivée sur « son » île. Les économistes ont maintes fois utilisé ces pensées pour exprimer avec simplicité leurs idées à propos d' une situation d'activité humaine isolée.

«Je sentis bientôt mon contentement diminuer, et qu'en un mot ma délivrance était affreuse, car j'étais trempé et n'avais pas de vêtements pour me changer, ni rien à manger ou à boire pour me réconforter? A la tombée du jour, le c?ur plein de tristesse, je commençais à considérer quel serait mon sort s'il y avait en cette contrée des bêtes dévorantes?La seule ressource qui s'offrit alors à ma pensée fut de monter à un arbre épais et touffu, semblable à un sapin, mais épineux, qui croissait près de là, et où je résolu de m'établir pour toute la nuit? Je m'éloignai d'environ un demi-quart de mille du rivage, afin de voir si je ne trouverais point d'eau douce pour étancher ma soif : à ma grande joie j'en rencontrai. » [3]

L'homme a besoin de biens matériels. Etant composé de matière et d'esprit, il a besoin de réalités matérielles pour survivre, pour vivre, pour vivre mieux. L'activité économique est une nécessité qui trouve ses fondements dans d'autres nécessités concrètes qui ne sont pas inventées mais bien réelles et que la nature humaine manifeste au fil du temps. Ses propres besoins le poussent à agir pour les faire disparaître. Ses actes se dirigent tous vers les biens matériels, puisqu'il est conscient que c'est là qu'il trouvera de quoi assouvir ses besoins.

Cette dépendance de l'homme par rapport aux choses matérielles est la base de la valeur économique. Cette relation de dépendance de l'homme permet l'apparition, réciproquement, d'une relation réelle de convenance des choses matérielles envers l'homme.

« Il est clair que l'existence des nécessités humaines insatisfaites est la condition de toutes et de chacune des Güterqualitäten , ce qui induit que les biens perdent leur Güterqualität dès que disparaissent les nécessités que devaient satisfaire ces biens » [4] .

Robinson évalue, estime, les différentes choses en fonction de cette relation de convenance, et pour sa part, la convenance évolue, effectivement, de la survie à la stabilité et à l'amélioration des conditions de vie. Il s'agit d'abord de survie : « Le premier je le remplis de provisions, savoir : du pain, du riz, trois fromages de Hollande, cinq pièces de viande de chèvre séchée, dont l'équipage faisait sa principale nourriture, et un petit reste de blé d'Europe mis à part pour quelques poules que nous avions embarquées et qui avaient été tuées. » Et tout de suite après on pense à la stabilité : « Ce ne fut qu'après une longue quête que je découvris le coffre du charpentier, qui fut alors, en vérité, une capture plus profitable et d'une bien plus grande valeur, pour moi, que ne l'eût été un plein vaisseau d'or. » Pour sa part, la stabilité doit aussi être assurée par la défense : « Je pensais ensuite aux munitions et aux armes ; il y avait dans la grande chambre deux très bons fusils de chasse et deux pistolets ; je les mis d'abord en réserve avec quelques poires à poudre, un petit sac de menu plomb et deux vieilles épées rouillées. » Mais une fois la stabilité solutionnée, on ne peut que songer à améliorer les conditions de vie : « Dans la soute aux rechanges du maître charpentier, je trouvai deux ou trois sacs pleins de pointes et de

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clous, une grande tarière, une douzaine ou deux de haches, et, de plus, cette chose d'un si grand usage nommée meule à aiguiser. Je mis tout cela à part, et j'y réunis beaucoup d'objets appartenant au canonnier, nommément deux ou trois leviers de fer, deux barils de balles de mousquet, sept mousquets, un troisième fusil de chasse, une petite quantité de poudre, un gros sac plein de cendrée et un grand rouleau de feuilles de plomb. »

Et il ajoute : « Je n'avais pas perdu de temps ni épargné mes efforts pour sortir du bateau tout ce qui pourrait me servir. »

Effectivement, on doit anticiper l'amélioration des conditions de vie, mais dans cette ?uvre de Defoe sa réussite est manifeste, puisque le personnage a atteint une situation un peu plus confortable et désire la stabiliser. Robinson commente : « Je n'employai plus le temps en choses vaines et parfois désespérantes mais je voulais le consacrer à partir de ce moment à introduire à ce style de vie toutes les améliorations possibles. » [5]

Les réalités matérielles se trouvent à une extrémité et les nécessités et objectifs de l'être humain de l'autre. En économie, on étudie une extrémité par rapport à l'autre. La valeur est, par conséquent, un rapport et concrètement un rapport de convenance.

C'est un rapport entre substances, entre des substances matérielles et des êtres humains. Si une des deux extrémités vient à manquer, la relation ne peut exister et la valeur économique disparaît. L'erreur qui consiste à considérer que la valeur est en train de « flotter » dans l'éther s'est répétée constamment dans la littérature économique, parfois même avec vantardise : « On supposait qu'il existait une valeur objective, quelque chose qui était plus dans l'objet que dans les esprits de l'acheteur et du vendeur. Dans l'actualité nous avons eu une expérience suffisante et nous avons examiné le problème en profondeur pour savoir qu'une telle valeur n'a jamais existé. »

Jevons fixe ce qu'est l'utilité dans un rapport : « Il serait peut être plus exact de le décrire comme une circonstance des choses qui surgit de son rapport avec les nécessités humaines. » [7]

La valeur économique est l'utilité des choses et par conséquent consubstantielle à elle, mais c'est aussi un rapport . La valeur économique est un agencement qui va d'une chose à une autre. Un rangement qui en dernier lieu part d'une chose pour aller vers l'homme, vers ses nécessités, ses objectifs. Elle n'a pas d'autres raisons d'être que de se diriger vers son but ; c'est la propre orientation vers l'homme, c'est « un vers l'homme », une tension.

La valeur économique n'est ni l'agent de la relation ni son but mais la cause pour laquelle elle s'oriente de ce point vers ce but. Nous pouvons dire que la valeur d'une chose est son degré d'humanité. Sa capacité à servir l'homme, à lui être utile.

Carl Menger dit ainsi : « A ces choses qui ont la vertu de pouvoir entrer en relation fortuite avec la satisfaction des nécessités humaines nous les appelons utilités, choses utiles. » [8]

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On peut dire d'une table qu'elle est haute, qu'elle est blanche, qu'elle est lourde, qu'elle est dans le salon, qu'elle est entière? ; nous pouvons aussi dire qu'elle est utile, qu'elle a une valeur déterminée que nous pouvons estimer.

La valeur économique, en définitive, est quelque chose que nous attribuons aux choses avec une référence, en relation, à l'homme.

Les différentes choses qui composent l'univers ne sont pas des pièces isolées mais au contraire elles forment entre elles un réseau compliqué d'interrelations très diverses : certaines sont identiques, quelques-unes sont les conséquences d'autres, certaines sont dépendantes entre elles, etc. Plus elles sont en accord avec les objectifs humains, plus elles ont de valeur ; plus les possibilités d'accord dont grandes plus elles auront de rapport.

La valeur économique, étant un rapport, n'affecte pas, en soi, les choses auxquelles nous donnons une valeur mais constitue simplement « une référence » à l'homme. Son existence est dirigée vers l'homme. La valeur économique est purement tournée « vers l'homme », mais cela ne conditionne pas son existence.

Il faut remarquer, enfin, que dans ce rapport trois concepts différents apparaissent nécessairement : les deux extrémités de la relation et la relation en soi.

Pour que nous puissions attribuer une valeur à une chose, il faut en premier lieu que cette chose existe, c'est à dire quelque chose ayant une valeur potentielle ainsi comme une référence à l'homme. L'homme est, en définitive, le sujet final de la relation de valeur. C'est ce qu'affirme C. Menger : « Ce qui est primordial, à notre avis, est la compréhension de la connexion causale entre les biens et la satisfaction des nécessités humaines et de la relation causale entre ces dernières et les biens. » [9]

Selon cette analyse, il faudra distinguer trois aspects : le sujet de départ, le sujet final et la relation en soi qui est la valeur économique. [10]

3 DEFOE, Robinson Crusoe, Folio, p.113.

4 MENGER, op.cit., p.18.

5 DEFOE, op.cit. , pp. 40-56

6 GAS, ?Economic Rationalism in the Late Middle Ages?, Speculum, VIII, 3, Julio 1953, p. 305.

7 JEVONS, The principles of Economics , Augustus M. Kelley, New York 1965, p.53.

8 MENGER, op. cit., p. 47.

9 MENGER, op. cit, p. 53.

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10 MENGER:? Pour qu'une chose se convertisse en bien, ou dit autrement, pour qu'il atteigne cette qualité de bien, les quatre conditions suivantes doivent être remplies :

? Une nécessité humaine.

? Que la chose ait les qualités requises pour maintenir une relation ou connexion causale dans le but de satisfaire la nécessité précédemment citée.

? Connaissance, de la part de l'homme de cette relation causale.

? Pouvoir de disposition de cette chose de telle sorte qu ?elle puisse être utilisée pour satisfaire la nécessité précédemment citée. (op. cit., p.48).

2. Rapport réel d'adéquation complémentaire Après avoir vérifié la nécessité d'un sujet de départ et d'un sujet final pour que la valeur existe, nous observons que cette relation ne fait pas seulement référence au sujet final mais aussi à d'autres éléments qui se conjuguent à l'objet estimé pour permettre l'existence de la relation ultime. Dans notre étude, il apparaît de manière évidente qu'il est nécessaire de considérer la complémentarité entre les différents biens avec, en dernier lieu, une référence aux biens finaux ou de premier ordre dans la terminologie de Menger.

« Aristote affirme dans ses Topiques ? un livre rarement lu par les économistes? que nous pouvons mieux juger de la valeur d'un bien si nous y ajoutons ou soustrayons un groupe de marchandises. Plus la perte que nous ressentons lors de la destruction de ce bien est grande, plus « désirable » devient cette marchandise. » [11]

Pour que l'on attribue une valeur à une chose, c'est à dire pour qu'elle ait une utilité, il faut, en plus du sujet de départ et du sujet final, un ensemble de richesse auquel l'objet estimé vient s'incorporer et avec lequel il se conjugue. Les biens de cet ensemble de richesse se divisent en biens complémentaires et substitutifs du sujet de départ.

C'est pour cette raison que dans la valeur économique des biens intermédiaires, des facteurs de productions, il apparaît également, en plus de la relation principale du sujet de départ au sujet final, une relation à d'autres produits qui sont complémentaires du premier dans la production.

La valeur d'une marchandise augmente :

1) avec l'accroissement de la valeur de la richesse totale, du produit final ;

2) avec l'importance de cette marchandise dans l'ensemble de la richesse ;

3) avec la diminution de la quantité de ses équivalents ;

4) avec l'accroissement de la quantité et de l'importance de ses complémentaires.

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Le concept de propriété apparaît déjà comme une partie importante de la considération de la valeur économique en englobant tout un ensemble de choses, le capital humain et différents capitaux physiques, ayant un destin commun, avec une unité intrinsèque entre les parties, en raison de cette finalité commune. Les sujets de départ et de fin de ce rapport ne sont pas suffisant, il faut aussi prendre en considération l'ensemble des réalités avec lequel cet objet évalué a été mis en connexion. Sa valeur est différente selon le patrimoine auquel on l'incorpore.

La disposition libre et responsable de cet ensemble de choses par son propriétaire lui confère une unité complémentaire. Les problèmes inhérents à la complémentarité ont été traités en détails et avec minutie dans l'analyse économique.

« Menger signale que les biens d'ordre plus élevé ont la caractéristique de ne pouvoir produire des biens d'ordre inférieur sans la coopération de biens « complémentaires » du même ordre. On en déduit donc, que si les biens complémentaires d'ordre élevé viennent à manquer, le « bien » en question ne peut satisfaire les nécessités, même de manière indirecte, et n'est plus utile, c'est à dire qu'il n'est plus un bien » [12]

« Il est vrai que nous avons une quantité suffisante de bien d'ordre inférieur seulement par le biais de quantités complémentaires de bien d'ordre supérieur ; mais il est également vrai que nous pouvons incorporer à la production une quantité de biens d'ordre supérieur qui ne soit pas obligatoirement fixe, comme cela se passe dans les mélanges chimiques? L'expérience générale nous apprend que toute quantité définie de biens d'ordre inférieur est obtenu à partir de quantité différentes de biens d'ordre supérieur » [13]

11 KAUDER: ?Génesis de la teoría de al utilidad marginal, desde Aristóteles hasta finales del siglo XVIII », The Economic Journal , septiembre 1953, en El pensamiento económico?..

12 STIGLER: ?El pensamiento económico en Carl Menger?, The journal of Political Economy, abril 1937, en El pensamiento económico?

13 MENGER, op. cit., p.98.

3. Rapport « concret » et « réel » d'adéquation  

Le rapport qui constitue la valeur est un accident de l'objet estimé qui s'oppose au concept de substance. Les valeurs économiques ne sont pas des substances autochtones qui se répandent à leur guise dans l'univers. Les substances se nourrissent d'elles même. Le rapport, lui, doit se nourrir d'une substance.

Pour s'approcher du concept de valeur, nous devons déterminer tout d'abord ce qu'elle n'est pas. La valeur économique n'est pas une substance. Ce n'est pas quelque chose en soi, subsistant par lui-même. La valeur a besoin s'appuyer sur une substance, de se fixer sur un sujet, elle n'a pas d'essence propre, différente de celle de tous les autres. Cet aspect peut induire en erreur comme le signalait déjà Böhm-Bawerk : « Nous, les économistes, nous aimons beaucoup différencier nos catégories scientifiques de la base matérielle vulgaire sur laquelle elles se révèlent dans la

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réalité pour les élever au rang d'idéaux libres ayant une existence propre. La « valeur » des biens, par exemple, nous semble trop noble pour être toujours associée aux biens matériels comme si c'était leur incarnation. Par conséquent nous libérons la valeur de son enveloppe indigne et nous la transformons en un être ayant sa propre existence, suivant ses propres chemins, indépendant et ayant même le pouvoir d'être néfaste pour son vil porteur. Nous faisons en sorte que la « valeur » soit perdue sans son bien et que le bien soit rien sans sa « valeur » Nous faisons en sorte que les biens puissent être détruits et que leur valeur survive ou qu'au contraire, les « valeurs » périssent sans que ses porteurs ne subissent aucun préjudice. Et nous considérons aussi qu'il est trop simple d'attribuer la catégorie de capital à un ensemble de biens matériels. Par conséquent, nous distinguons cette catégorie de ces biens et convertissons le capital en quelque chose qui flotte parmi les biens et qui survit même si ses composants disparaissent. » [14]

Les valeurs sont nécessairement unies aux biens évalués. La valeur est une propriété de ces biens, c'est un type déterminé d'accident qui existe forcément dans un « autre» C'est une propriété, en étroite relation avec la substance, mais tout de même une propriété. Elle a une dépendance absolue quant à la substance. C'est une certaine perfection qui est comprise dans la chose estimée. Si l'objet évalué n'existe pas, la valeur n'a pas de réelle essence.

La valeur économique est un rapport réel, qui n'a été mis en place par la raison.

Il est fondé sur la réalité de l'objet de départ, des objets complémentaires et de l'objet

final. Si une des extrémités de ce rapport n'est réelle mais fictive, la valeur ne peut exister. Ce n'est pas un rapport créé par la raison, ni un rapport entre concepts, ni un rapport entre des extrémités fictives. C'est un rapport factice qui repose sur des êtres réels. Les êtres réels se différencient des êtres de « raison » parce que les premiers ont une véritable entité alors que les êtres de « raison » sont simplement pensés, sans densité ontologique, comme disent les philosophes. Ainsi, la valeur économique a une existence vérifiable quand les sujets initiaux, complémentaires et finaux sont des êtres matériels.

C'est pour cela que nous ne pouvons pas affirmer que les valeurs économiques sont des formes subjectives, mentales, simplement pensées pour regrouper des phénomènes mais qu'au contraire, elles constituent des formes réelles liées à la saisie de vrais objets.

La valeur économique est nécessairement liée aux choses réelles. Ce n'est pas quelque chose en soi, mais c'est une manière d'être de ces choses, et donc elle ne peut exister sans elles.

« Nos biens matériels et leur utilité, nos capitaux-choses et leur action productive font réellement partie de la sphère matérielle même quand ils ne se trouvent pas seulement réduits à elle ; les idéaliser n'aide pas à les comprendre mais au contraire les dénature » [15]

Parce que c'est un rapport réel, il affecte intrinsèquement la substance évaluée en la déterminant par rapport à l'être humain. La valeur économique possède une essence propre qui détermine sa substance de manière originale.

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C'est pour cette raison que nous pouvons affirmer que la valeur est une réalité et une notion. On peut parler de réalité car elle s'identifie absolument à la réalité de l'objet que nous estimons ( par rapport à une qualité ou une propriété de l'entité en question). Sa réalité coïncide avec l'objet à évaluer, si cet objet est détruit, sa valeur disparaîtra à son tour. La valeur de la chose évaluée convient à l'homme qui l'estime et ce rapport d'adéquation est capté par l'intelligence mais n'est pas crée par elle. La valeur économique qui est fondée sur la réalité de l'objet estimé ne découle pas réellement de l'intelligence ou de la volonté de l'homme, mais au contraire c'est l'intelligence et la volonté de l'homme qui suivent la découverte de la véritable valeur économique. La valeur ne dépend pas de notre connaissance ni de notre volonté puisque les choses ont une valeur dans la mesure ou elles ont une réalité, et pas seulement parce qu'elles sont connues ou désirées.

De ce fait, la valeur économique n'est pas crée, elle est découverte. En découvrant ce potentiel de relation à l'humain qu'ont les choses, l'homme tente d'extraire cette capacité et de la diriger vers l'accomplissement des finalités humaines.

La complémentarité horizontale et verticale, comme caractéristique typique du rapport réel de la valeur, introduit un nouveau facteur substantiel à prendre en compte. Une fois établie cette trilogie de sujets, en rapport avec la valeur, nous pouvons conclure que nous avons trois voies distinctes pour accroître notre connaissance des valeurs économiques des choses :

? En développant notre connaissance des caractéristiques de ce que nous voulons estimer.

? En connaissant mieux les caractéristiques, la nature et les objectifs du sujet final.

? En étudiant davantage les relations de complémentarité entre le sujet d'origine et toutes les choses nécessaires à l'élaboration de l'objectif du sujet final.

Ces trois voies par lesquelles nous améliorons notre connaissance de la valeur commencent avec la perception des caractéristiques externes de ce que nous étudions puis passent par la compréhension des caractéristiques plus profondes et fondamentales. Une fois les caractéristiques fondamentales connues, nous devons étudier à nouveau les caractéristiques externes dans le but de les appréhender de manière plus complète. Ce procédé de va et vient de l'accidentel vers le substantiel et inversement sera constant puisque notre objectif consiste à mieux comprendre la valeur économique des choses.

Améliorer notre connaissance de la valeur économique sous-entend des constants va et vient de l'accidentel vers le substantiel et inversement que l'on s'intéresse au sujet de départ, à l'objectif final ou aux objets qui complète l'objet initial pour le transformer en objet final.

La première caractéristique qui rend un objet utile est le fait qu'il existe, qu'il soit accessible, disponible ici et maintenant, à un endroit et un moment précis.

D'autre part, tous les biens sont différents les uns des autres, ils sont tous uniques, on ne peut en substituer un par un autre, ils sont tous complémentaires. Ils ont donc tous, une valeur différente.

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Dans les modèles mathématiques, on fait toujours abstraction d'une multitude de qualités, et bien souvent de l'espace et du temps. Il faut toujours avoir ces paramètres en tête au moment d'appliquer ces modèles à la vie réelle. Dans la vie réelle il n'y a pas de biens que l'on puisse remplacer et il faut toujours tenir compte du temps et de l'espace. Le sujet économique final, auquel nous nous référons au moment de l'estimation occupe toujours un espace et un moment qui lui sont propres.

La tendance qui consiste à raisonner exclusivement en terme d'argent, qui est une expression abstraite, nous éloigne de cette concrétisation propre à toute réalité économique.

Le principe important de la diminution de l'utilité marginale est un reflet de la réalité et de l'originalité de chaque unité d'un bien déterminé.

Puisque l'utilité, même des aliments et de l'eau, selon Jevons « semble disparaître ?au-delà d'un certain point » il est essentiel de « différencier l' utilité totale d'une marchandise et l'utilité d'une portion de celle-ci » [16] .

Si la concrétisation originale des différents biens réels est une caractéristique prédominante dans la considération de la valeur, la concrétisation du sujet humain final l'est davantage.

Il est nécessaire d'approfondire la richesse originale de cette concrétisation sans faire d'abstractions simplistes sur sa nature et sans établir des modèles de comportements humains généraux et homogènes qui nous éloignent de l'individualité concrète de chaque être humain.

Marshall, pour sa part, affirmait que « sur tous ces sujets (les économistes) considèrent à l'homme tel qu'il est, non comme un être économique abstrait mais comme un être de chair et d'os » [17]

14 BOHM-BAWERK, Capital e interés, FCE, México 1986, p.509.

15 BOHM-BAWERK, op.cit., p.510.

16 JEVONS, op.cit., p.54.

17 MARSHALL , Principios de Economía , Aguilar , Madrid 1963, p 24.

4. Rapport d'adéquation « ultime » et future  

Ce rapport réel de compatibilité est intrinsèque au sujet d'origine mais il implique un « vers », un « envers » le sujet final c'est pourquoi l'utilité d'un objet a toujours un référence ultime à ce sujet. L'évaluation des différents moyens de production, par exemple, fait toujours référence aux biens de consommations finale.

Un produit achevé a toujours une plus grande valeur qu'un produit inachevé parce que son rapport à l'homme est d'un niveau plus élevé. Les produits intermédiaires ont une valeur dérivée de celle des produits achevés qu'ils aident à produire. Dans le déroulement du processus, ils sont

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subordonnés les uns aux autres puisque « Un bien de second ordre peut dépendre de l'aptitude à satisfaire les besoins d'un bien de premier ordre » [18]

Il existe une utilité « primaire » des choses constituée par les multiples virtualités de l'objet. Tout être, toute chose a cette utilité primaire.

L'utilité secondaire est plus pragmatique, elle se réfère à la finalité que l'objet va acquérir, ce service que l'objet va rendre à l'homme.

Il en sera de même pour l'utilité tertiaire, la suivante, etc. La dernière utilité sera donnée au produit achevé, c'est la consommation, le dernier usage qui est fait de l'objet.

Nous pouvons distinguer une utilité finale de production qui est marquée par ce que le producteur désire produire, une adéquation avec l'usage qui est marquée par l'utilisation effective que le consommateur ou l'utilisateur da au produit fini.

Un objet atteindra son utilité finale quand il aura maintenu, au maximum, son utilité primaire, secondaire, tertiaire, ?et finale.

L'utilité finale d'une tache, d'un produit, est celle qui donne plus ou moins d'utilité à tous ses composants, même au plus petit. La finalité donne le point de référence qui permet d'évaluer l'utilité.

Les objectifs finaux de l'homme, individuellement et socialement, permettent de mesurer l'utilité finalité ainsi comme les utilités primaires, secondaires, etc.

L'efficacité (rentabilité de l'action) consiste à profiter au maximum des potentialités de la réalité en fonction de leur utilité. Un même objet est parfait pour produire des objets ou des effets totalement différents.

L'étude des finalités est, en définitive, la première étape de l'étude des utilités des biens naturels, des biens artificiels, des services et des être humains dans leur activité de production économique.

En observant la grande variété des besoins, désirs et aspirations de l'homme, mais aussi les grands progrès qui permettent de les assouvir, on peut penser que le but de toute activité économique consiste à atteindre une plus grande humanisation de la nature et de l'homme. Ce qui implique une revalorisation de la finalité ( l'individu) par rapport au moyen (les objets) ; la finalité est également prioritaire par rapport à l'origine. L'homme mérite plus de considération que les choses matérielles. Inverser l'ordre de préférence rend négatif le rapport de la valeur. Si la relation change de sens, si le matériel devient la finalité et l'humain, le moyen, la valeur économique devient alors antiéconomique. Cela reviendrait à voir le monde à l'envers.

Le sens de la relation dont découle la valeur, part des biens matériels vers l'homme et non l'inverse. Si nous changeons l'ordre des priorités dans cette relation, au lieu de revaloriser la

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réalité, nous nous dévalorisons nous même. Au lieu d'augmenter le niveau d'humanisation des marchandises, nous amplifions le niveau de matérialisation des humains.

Mathieu, pour sa part, indique que si un changement en direction de l'objet se produisait, l'économie régresserait : « Si, au contraire, à cause d'un certain « fétichisme de la marchandise » le producteur était subordonné au produit, l'expérience montre ( à l'Ouest, et encore plus à l'Est) que nous allons au devant d'un désastre économique et moral à la fois. Privé de la liberté de s'organiser pour son propre profit, privé de la liberté de contrôle (ou feed- back )qu'exerce le marché sur la fécondité ou stérilité de la production, l'homme est soumis à « la production de l'inutile », qui détruit tout encouragement au travail. Une conception purement matérielle de l'économie mène à la mort de l'économie ». [19]

Historiquement, l'économie insiste sur le produit, les marchandises, et à laissé au second plan les individus, leurs besoins, leurs obligations, leurs désirs, leurs capacités, leurs ressources non-matérielles. Elle a oublié que ce qui donne une valeur authentique au produit, et par conséquent aux facteurs qui ont contribué à sa réalisation, c'est son adéquation. Et tout particulièrement, son adéquation finale, qui fait référence aux personnes, aux gens ; ce bien sert-il à augmenter leur bien être, leur réalisation en tant qu'être humain ? On a oublié la finalité de l'économie. On mesure le développement en insistant sur l'aspect quantitatif, sur ce qui a été produit, sur les marchandises.

On ne mesure pas le développement d'un pays en tenant compte du niveau de réalisation personnelle de ses habitants ni du niveau d'humanisation de ses conditions matérielles. Ce qui nous intéresse vraiment, ce n'est pas tant de savoir combien d'unités ont été produites mais plutôt comment les personnes vont pouvoir en bénéficier en terme de réalisation personnelle. La finalité de l'économie ne consiste pas à produire de plus en plus. La finalité de l'économie (seul l'homme peut réaliser une activité économique proprement dite) c'est l'homme, l'être humain avec toutes ses limitations et sa grandeur, avec toute sa pauvreté et sa richesse. La loi du plus grand profit avec un minimum de perte nécessite un point de vue plus personnel et moins quantitatif. Les termes de bénéfices et de perte ont comme ultime référence l'être humain et non une référence quantitative en terme de possession de marchandises.

Les objectifs finaux de l'homme doivent être présents tout au long du processus de production si nous voulons que ce processus soit positif en termes économiques. Si nous oublions l'extrémité la chaîne qui constitue la valeur, nous pouvons la convertir en antiéconomique.

La production doit reverser sur l'individu un futur de possibles besoins : « On peut prévoir à l'avance quand le plan se dirige vers un objectif préalablement fixé (par exemple : le profit) mais on ne peut prévoir à l'avance quand on ne connaît pas l'objectif à atteindre » [20]

Même Becker attribuera une grande importance à l'opinion de Hicks quand il confirme la nécessité de finalités déterminées dans le marché de libre concurrence : « Les analyses les plus récentes suggèrent qu'il est plus probable que le comportement finaliste (orienté vers l'exécution d'objectifs prédétermines) survive à la concurrence du marché que le comportement aléatoire ou autre conduite non finalistes » [21]

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L'homme évalue les produits finis et disponibles pour sa consommation, pour satisfaire un besoin concret ; il évalue les produits inachevés en estimant l'effort nécessaire pour les terminer. Il les soupèse en fonction de ses objectifs, de manière à les rendre accessibles pour atteindre son but. Tous les moyens matériels sont jaugés avec les règles de la nature dans la mesure ou l'homme s'efforce avec son activité de la dominer et de l'adapter à ses besoins. La règle n'est pas purement mathématique, ce n'est pas seulement 1+1=2. En économie, la logique mathématique n'est pas la seule valable. La norme de l'économie réelle, c'est à dire l'économie non-théorique, est celle qui est définie par les obligations de la nature humaine ; sa seule logique est donc celle de la nature humaine. Cette norme et cette logique marquent les doses, les combinaisons, les formes, les proportions et les mesures des différents biens et services. En Economie, la norme pour la consommation mais aussi pour l'investissement, la production et le travail est toujours celle de l'homme. Les finalités de l'homme sont les bases nécessaires à la création de la valeur économique.

18 MENGER, op. cit., p.35.

19 MATHIEU, V, ?Aspecto financiero y aspecto humano de la empresa?, Cuadernos Empresa y Humanismo, n °1, Universidad de Navarra, Facultad de Filosofias y Letras, Pamplona 1987, P.20.

20 HICKS, Valor y Capital, FCE, México 1974, p.275.

21 BECKER, Tratado sobre la familia , Alianza Editorial, Madrid 1987, p.253.

5. Rapport d'adéquation « future»  

En analysant les deux aspects, les théoriciens ont toujours observé l'importante relation entre l'économie et le cours du temps :

« L'idée de causalité est toujours reliée à celle du temps. Tout processus de changement signifie une apparition, une construction, une transformation, et cela n'est imaginable qu'en tenant compte du facteur temps. Il est également impossible de comprendre totalement le lien de causalité entre les phénomènes de ce processus si on ne prend pas le temps en considération » [22]

La valeur des biens primaires et intermédiaires n'est pas due à leur capacité à satisfaire des besoins immédiats mais à leur capacité potentielle à atteindre des besoins humains qui seront effectifs dans le futur quand le processus productif sera terminé.

« Les biens d'un ordre supérieur affirment leur qualité de bien sans faire référence aux nécessités du présent immédiat mais en se rapportant aux besoins, qui de même que les attentes de l'individu, n'apparaissent qu'à la fin du processus de production » [23]

Böhm-Bawerk a donné un élan important au concept de la variable temporelle en relation avec le phénomène de l'intérêt du capital et de son explication. Son analyse lui fait considérer le temps comme un facteur de production supplémentaire : « Tout comme pour la valeur du tronc du

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chêne, la valeur de tous les produits n'est pas seulement le fruit du travail mais aussi le fruit du temps. » [24]

La valeur regarde toujours vers le futur. Le temps est une réalité qu'il faut toujours prendre en compte. C'est un bien économique de caractère gratuit. C'est une ressource toujours nécessaire. C'est un bien économique qui se consomme et qui nous donne la possibilité de produire, travailler, découvrir des richesses, et rapporter de l'argent. Le temps se mesure en terme de valeur par rapport à sa capacité à produire des richesses futures, sa productivité, son aptitude à s'adapter ou à être utile. De fait, tout processus implique un certain laps de temps, sans ce processus on ne pourrait parler d'objet produit.

Le temps est un bien économique si le temps souhaité ? pour réaliser une activité donnée grâce à laquelle on pourra obtenir un résultat concret- est supérieur au temps disponible. Le manque, cette caractéristique économique de base qui indique la différence entre besoin et ressource, peut aussi s'appliquer au temps.

Le facteur temps est à l'origine de la théorie classique erronée de la valeur-travail. Le travail était considéré comme étant incorporé, passé, une caractéristique de la valeur. La valeur est une référence tournée vers le futur et non vers le passé. Böhm-Bawerk révéla cette erreur.

« Enfin, les théories qui dépassent cette vielle superstition qui voulait que la valeur des biens doit se chercher dans leur passé et non dans leur avenir, occupent un rang supérieur. Ces doctrines savent ce qu'elles doivent expliquer et savent aussi dans quelle direction elles doivent l'expliquer » [25]

Tout comme Böhm-Bawerk, Hicks a critiqué le caractère statique des études historicistes dans le domaine économique. Selon lui, le temps marquera les différences entre l'immobilité et la dynamique économiques : « Le concept de l'économie que l'on a enseigné à la majorité d'entre nous se basait sur la théorie statique , c'est pourquoi maintenant, quand nous nous trouvons face aux lignes principales d'une théorie dynamique, nous découvrons de grandes différences et nous ne pouvons qu'admettre que notre vision de l'ensemble change. » [26] « Je donne la dénomination d'économie statique à ces parties de la théorie économique ou nous ne prenons pas la peine de dater les évènements ; l'économie dynamique est celle ou tout doit être daté » [27]

La référence temporelle, future, est inhérente à la valeur. Böhm-Bawerk, encore lui, l'a magistralement mis en évidence : « Dans notre manière d'attribuer une valeur à un bien que nous possédons, nous respectons le principe de l'anticipation des utilités pour l'avenir. Nous n'estimons pas la valeur de nos biens en ne nous referant qu'à leur utilité immédiate, nous prenons aussi en considération ce qu'ils nous rapporteront dans le futur. Notre estimation d'un lopin de terre en friche tient compte des éventuelles récoltes à venir ; nous donnons une valeur aux briques, aux poutres et aux clous dipersés, qui dans cet état ne nous sont d'aucune utilité, parce que dans le futur, une fois assemblés pour former une maison, ils nous rapporteront ; si nous faisons une évaluation du moût que l'on ne peut utiliser dans cet état, c'est parce que nous savons qu'avec le temps il deviendra du vin. Et de la même manière, nous pourrions donner une valeur au vin qui vient d'être tiré parce que nous savons que dans la cave il deviendra un vin excellent, nous ferions ainsi référence à l'utilité future de ce vin » [28]

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Le temps et l'espace sont complètement intégrés aux autres caractéristiques des biens matériels, on ne peut d'ailleurs les en dissocier. Cela signifie, non seulement, qu'un bien peut avoir des valeurs différentes selon le lieu ou il se trouve ou le moment ou le prend en considération, mais en plus, que l'objet en question devient différent et par conséquent a une valeur distincte. Nous pouvons faire abstraction du temps et de l'espace pour observer les autres complémentarités entre les biens mais si nous ne le faisons pas, la diversité complémentaire augmente considérablement.

Les modèles abstraits d'équilibre doivent essayer d'incorporer les variables spatiales et temporelles s'ils veulent s'approcher de la réalité des valeurs économiques dans leurs prédictions.

« A l'opposé de notre « économie immédiate » pure, nous avons un autre modèle : notre « économie a priori » pure. »

« En examinant le système de prix que nous pourrions établir dans une économie a priori, nous pouvons vérifier si ce système de prix maintient l'équilibre au fil du temps avec une série déterminée de conditions variables » [29]

Le passé, en économique, n'est qu'une expérience de laquelle on tire des enseignements pour le futur. En termes de valeur économique, le passé « n'existe déjà plus. »

« Même le ciel n'a pas de pouvoir sur le passé. » De manière concrète, cela signifie que nous devons considérer comme définitif l'équipement matériel de la communauté. « Dorénavant, le problème économique consistera à distribuer les ressources, héritées du passé, pour satisfaire les besoins présents et futurs » [30]

Il faut distinguer la consommation d'aujourd'hui de celle de demain. La finalité de la consommation d'aujourd'hui consiste à produire (travailler) puis, le lendemain, on consomme à nouveau pour continuer à travailler le jour suivant. La consommation d'un jour, d'un mois ou d'un an a pour objectif le travail de cette journée-là, ce mois-là ou cette année-là mais aussi la consommation et le travail du lendemain, du mois suivant ou de l'année suivante. La consommation vise toujours la possibilité d'une activité future et l'amélioration de celle-ci.

« Quand les individus isolés ou les habitants de régions entières ou de groupes de régions, sont unis entre eux par l'échange, ils s'efforcent de prévoir les besoins qu'ils auront dans le futur et de calculer la quantité de biens dont ils disposent pour les couvrir. » [31]

22 MENGER, op.cit. , p.6.

23 Id, ib, p.62.

24 BÖHM-BAWERK, op.cit , p.515.

25 Id, ib, p.518.

26 HICKS, op.cit., p359.

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27 HICKS, op.cit., p 129.

28 BÖHM-BAWERK, op.cit , p.502..

29 HICKS, op.cit., p162.

30 Id. , ib., p.149.

31 MENGER, op. cit., p.83

6. Du concept d'adéquation parfaite en économie   Au fil de notre définition de la valeur économique et comme conclusion pratique, je considère qu?il est utile de glisser un nouveau terme qui inclus, plus naturellement, les caractéristiques d?usage de la valeur et vient se substituer au concept ambigu et généralement hédoniste de l?utilité.

 

Parmi toutes les choses utiles, nous appelons adéquate la plus utile, celle qui économiquement convient le mieux. Un bien ou un service a la qualité d?être approprié quand entre tous il est le plus utile par rapport à la finalité visée.

 

Le concept d?adéquation parfaite incorpore une série de caractéristiques qui complètent et améliorent le concept d?utilité puisque dans ce même concept sont intégrés :

 

1. Le principe fondamental de l?économie : atteindre le profit maximum avec le minimum de perte.

2. La caractéristique de réalité, d?existence réelle du bien estimé, du sujet de départ.

3. La référence a une finalité qui nous permet de mesurer le concept.

4. Le besoin de complémentarité, conjonction et harmonie entre les différentes parties de l?ensemble de richesses auquel appartient le sujet de départ.

5. La référence à la relation entre le sujet final et son objectif ultime.

6. La décantation de l?objectif final en évaluant, de la consommation et la satisfaction plus ou moins hédoniste du travail, la production et l?activité future.

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L?adéquation parfaite est l?aptitude, la virtualité, le potentiel : la capacité réelle d?une chose à en produire une autre, à produire un effet.

Pour qu?une chose soit parfaitement adéquate pour en obtenir une autre, il faut, tout d?abord que cette chose existe vraiment ou qu?elle puisse devenir réelle à partir de quelque chose qui existe déjà.

Le concept d?adéquation parfaite fait aussi référence à quelque chose d?inachevé, d?incomplet, qui a besoin d?une opération pour atteindre le but fixé.

La caractéristique essentielle qu?il est intéressant de souligner est que ce concept fait obligatoirement référence à une finalité. Une réalité est adéquate pour l?obtention de quelque chose. « Une des taches les plus importantes pour une société consiste à distinguer les finalités des moyens pour les atteindre, avoir un point de vue cohérent et l?entente nécessaire à ce sujet »[32]

Ce concept fait aussi référence à la perfection, à ce qu?il y a de meilleur pour atteindre l?objectif visé. L?adéquation implique aussi le concept de complémentarité : une chose est appropriée pour obtenir le résultat escompté quand elle se complète avec d?autres choses qui à leur tour lui permettent d?exister. Une roue est une pièce adéquate pour construire une bicyclette si d?autres pièces existent : des pédales, un guidon, des freins, etc., L?adéquation d?une partie ne peut avoir de sens qu?en la complétant avec d?autres pièces pour former une unité qui, elle-même, devient adéquate.

Cette notion implique ce qui est meilleur, ce qui est le plus utile, ce qui est le plus efficace. Ce concept est plus objectif que celui de l?utilité. L?utilité est plus subjective puisqu?elle dépend de ce que l?acteur économique considère utile. L?adéquation parfaite fait référence à l?utilité objective de telle ou telle consommation à un moment déterminé par rapport au bonheur authentique, selon le but ultime et objectif de l?être humain. Ce concept implique l?idée d?utilité maximale, le bénéfice maximum avec le minimum de perte.

32 SCHUMACHER, Lo pequeño es hermoso, Herman Blume, Madrid 1978, p.90.

1. La puissance passive des biens matériels  

Nous disons généralement que la terre est la cause matérielle de la valeur parce que la cause matérielle est ce qui nous permet de faire quelque chose.

Sans la matière il n?y avait aucune possibilité de produire ou d?obtenir quoi que ce soit. Les forces de la nature étaient considérées comme les véritables forces productives. L?

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homme, par son travail, ne pouvait que transformer la matière mais en aucun cas la produire. L?agriculture était considérée comme le principal secteur de production de tout le système économique.

Les Physiocrates, avec Quesnay et Mirabeau à leur tête, raisonnèrent sur ces fondements en affirmant la prépondérance du facteur terre : « D?une graine sortent plusieurs graines et d?une vache plusieurs veaux, mais à partir de la toile d?une chemise on ne peut obtenir qu?une chemise et par conséquent il n?existe pas de produit net* [en français dans le texte] ou de surplus »[1]

Si nous confondons création physique avec création économique, il est évident que l?agriculture devient le seul secteur productif. L?origine de la valeur des choses se trouve dans la terre ou dans le grain qui est son produit essentiel. La valeur de toute chose devrait être mesurée par la quantité de terre nécessaire à sa production. L?agriculture devient la pierre angulaire du Tableau économique* [en français dans le texte] des Physiocrates. On ne rend à la terre qu?une partie de sa production, elle est exploitée : l?excédent pourrait être considéré comme sa « plus -value ». Les changements technologiques qui permettent d?économiser de la terre sont les seuls qui pourraient permettre l?augmentation d?excédent. La théorie de la valeur des Physiocrates est une théorie de la valeur-terre. Si nous appliquons au Tableau économique* les tableaux des entrées-sorties de Leontief, l?agriculture apparaît comme étant l?unique secteur qui produit de la valeur ajoutée. La source qui alimente et génère le flux circulaire de richesses est la fécondité de la nature. L?industrie et tous les procédés de manufacture ont été considérés stériles. La valeur n?était rien d?autre que l?expression monétaire de la quantité de matière première contenue dans un produit et chaque travailleur ne peut ajouter au produit que la valeur des moyens de subsistance qu?il a consommés.[2]

Malgré l?aspect réducteur de la théorie de la valeur des Physiocrates, leur insistance au sujet de la productivité inhérente aux ressources naturelles en fit une cause importante de la valeur pour la pensée économique postérieure. L?idée que la valeur fasse toujours référence aux ressources naturelles est restée latente même si d?autres théories ont souligné l?importance de la valeur-travail ou celle de la finalité subjective.

Considérer de manière exclusive que la terre est la cause matérielle unique de la valeur est une simplification intolérable dans une analyse économique. Mais de la même manière, éliminer la terre comme cause matérielle a entraîné des erreurs très graves dans les approches purement subjectives de la théorie de la valeur.

Pour que le rapport de la valeur puisse naître, l?apport de biens matériels pouvant être améliorés, est nécessaire. Un produit plus fini que le précédent (et ayant, donc, une valeur supérieure, le rapport entre la limite d?origine et la limite finale étant plus étroit) ne peut être produit si le produit précédent n?a pas un certain potentiel. Entre l?existence et la non existence, il existe un état intermédiaire qui est l?existence potentielle.

Sur ce point, notre analyse diffère de celle de Menger qui manifeste une attitude trop subjective en insinuant que l?utilité n?est pas une qualité naturelle des choses et en ajoutant que ce n?est pas une propriété inhérente au bien qui est estimé. [3]

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Pour être nommé « bien », le bien doit posséder quelque chose en soi, quelque chose qui ne lui a pas été donné par l?homme dont il doit satisfaire les besoins. Cette adéquation, cette utilité, ce service a un fondement dans la réalité. L?homme ne fait que les définir. Si ce n?était pas le cas, il n?y aurait pas de différence entre les biens réels et les biens imaginaires que Menger définit. Pour les biens imaginaires, c?est effectivement l?homme qui attribue à la chose une valeur qu?elle n?a pas réellement. Il lui attribue une propriété qui ne lui est pas intrinsèque.

La valeur économique est incluse dans le bien, elle en a besoin pour exister. Les réalités matérielles ont un potentiel sur lequel s?appuie le rapport réel de la valeur.

Dans notre système complexe d?échanges, dans lequel la valeur s?exprime à travers la valeur d?échange : l?argent, moyen d?échange universel, devient une mesure de la valeur. Cette tendance habituelle exigée pour une plus grande flexibilité des échanges présente l?inconvénient, si on n?y prend pas garde, d?encourager l?attitude de ceux qui pensent seulement en terme d?argent. Au lieu de considérer la réalité concrètement, la valeur est séparée de la réalité pour être associée à d?autres valeurs abstraites et être exprimée en terme d?argent. Il est paradoxal que la science économique, qui a comme sujet les réalités matérielles et qui devrait souligner leur contribution à la valeur, participe à l?extension de cette erreur qui peut avoir de graves conséquences. Le danger qui consiste à tout réduire au dénominateur commun monétaire peut faire oublier les obstacles naturels constitués par la terre, le travail ainsi que les biens du capital.

Dans le cas du bien du capital humain, du travail humain, l?affirmation de Menger pourrait nous amener à la conclusion que la valeur, l?utilité, l?adéquation d?un travailleur n?est pas une qualité, une capacité du travailleur puisque cette valeur lui est donnée par la personne à qui bénéficie son activité.

Les réalités matérielles ont, en elles, la capacité de satisfaire certains objectifs humains. La réalité matérielle a une « vocation » humaine, elle a été créée de telle manière qu?elle contient cette capacité à servir les besoins de la nature humaine. L?homme, grâce à son intelligence, découvre ce potentiel et par son activité, son travail, il le transforme en réalité.

Le potentiel de la matière a été mis en avant par la découverte de Watt de la machine à vapeur en 1769. Cette découverte a permis la multiplication des machines, de plus en plus sophistiquées, qui utilisaient de la matière inanimée. Les ressources naturelles non-biologiques représentaient des sources d?énergie très importantes au service des objectifs de l?homme. Ce transfert des forces biologiques vers les forces physiques a fait découvrir l?énorme potentiel de la matière. Jamais auparavant, on n?avait reconnu et autant profité des forces libérées de la matière. La conception humaine de la nature connaissait ainsi une révolution décisive[4] . Jusque là, seul le monde vivant avait été dominé et, dorénavant le monde inerte commencera à l?être. La force brute de travail, nécessaire pour transformer la vie matérielle de l?homme, se trouvait là, à notre disposition, enfermée dans la matière. Dans tout le processus de production, la dépendance à la matière devenait plus évidente. Les ressources naturelles, et plus seulement les organismes vivants, devenaient les protagonistes à l?origine de la production des biens.

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L?homme a pu augmenter la matière dont il disposait en exploitant le sous-sol. La base des activités humaines qui auparavant se limitait au sol comme source des forces biologiques s?est agrandie. L?activité agricole était l?unique activité productive. C?était, en effet, la seule dont le produit obtenu était bien supérieur au travail humain grâce au concours gratuit des forces de la nature. Dans notre civilisation, non seulement les agriculteurs, mais aussi les ouvriers et les artisans, travaillent avec la collaboration gratuite des forces issues de la nature, du sous-sol plutôt que du sol, de la matière inerte plus que de la biologique, de la matière inanimée qui auparavant était inconnue, latente et qui aujourd?hui est activée. Grâce à la plus grande contribution de la cause matérielle, la productivité a notablement augmenté.

Nous pouvons dire que tout produit fini dépend des semi-finis et ceux-ci des primaires. Le facteur terre, les ressources naturelles qui n?ont pas été produites par l?homme, sont la cause matérielle de l?apparition et de l?accroissement postérieur de la valeur économique. Parce qu?elle est associée au sujet d?origine, la valeur dépend de ses principes constitutifs.

Pour atteindre le produit fini en terme de valeur il faut partir des ressources naturelles qui n?ont pas été produites par l?homme mais dont celui-ci dispose. La terre est le principe potentiel de toute marchandise et donc de tout rapport réel de valeur. La terre contient, en elle, potentiellement, tous les produits finis.

1 ARGEMI, Las raíces de la ciencia económica, Barcanova, Barcelona 1987, p.101.

2 MARTINEZ ECHEVARRIA, Evolución del pensamiento económico, Espasa Calpe, Madrid 1983. pp.40-45.

3 MENGER avait affirmé : « Un bien ? considéré depuis la perspective de son utilisation- a une relation causale quelques fois proche et d?autres fois plus distante par rapport à la satisfaction d?une nécessité humaine, et il ne s?agit donc pas d?une propriété inhérente au bien »( Principios de economía política, Unión Editorial, Madrid 1985, p.53.

4 B. de Jouvenel a dit: « La grande mutation qui m?obsède est le transfert des forces biologiques aux forces physiques? La matière est considérée comme passive ; mais c?est cette nouvelle passivité qui se convertit en nouvelle source de mouvement : une révolution pour la conception humaine de la nature.

Ni le génie chinois ni, plus proche de nous, le génie italien du XVI siècle n?ont été capables de mettre au service de leur inventivité les forces libérées de la matière » ( La civilización de la potencia, Editorial Magisterio Español, pp.20-21)

2. Le besoin radical de ressources naturelles  

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L a matière parce qu?elle représente un potentiel est quelque chose d?inachevé, d?indéfini. L?homme, par son travail, en utilisant sa liberté et sa raison, agit sur l?une des réalisations possibles de la matière.

 

L?homme, tout au long du processus de production, peut transformer les produits mais ne peut pas les créer. Il a besoin de produits qui existent déjà. La caractéristique fondamentale des ressources naturelles est qu?elles n?ont pas été créées par l?homme mais que celui-ci a toujours besoin d?elles pour créer la valeur économique. J?ai, sur ma table, une montre digitale de marque japonaise, de couleur argentée et dont le bracelet est aussi argenté. Il s?agit d?une montre ronde ayant un poids déterminé. Je peux imaginer une montre ayant les même caractéristiques que celle qui se trouve sur ma table : une montre ronde, digitale, de la même marque japonaise, également de couleur argentée et ayant le même poids. Ce qui fait la différence entre cette montre imaginaire et la montre posée sur mon bureau, c?est la réalité, l?existence de cette dernière. Cette réalité, l?homme ne peut pas la donner. Il la trouve dans les ressources naturelles. C?est pour cela qu?elles lui sont indispensables.

Mais souvent, l?homme a tendance à vouloir s?approprier le premier rôle de la matière.

« L?espèce humaine, qui régnait déjà sur l?espèce animale a franchi les limites que la force biologique avait mises à ses projets. Elle s?est lancée dans des entreprises inouïes pour lesquelles elle croyait avoir des possibilités illimitées. Cette disparition des limites a modifié non seulement l?existence humaine et ses institutions mais aussi l?esprit, la conscience que l?espèce humaine a d?elle-même » [5]

Le progrès accéléré de la science et de la technique dans de nombreux domaines a créé, dans l?opinion publique, une orgueilleuse sensation de pouvoir sans limite. L?ignorance qui grandit chaque fois davantage nous fait croire inconsciemment que les énergies primaires qui soutiennent notre civilisation sont une création de l?homme. C?est totalement faux. L?homme est incapable de les créer. L?homme, avec son intelligence et sa volonté n?a rien fait d?autre que de les découvrir. Ces immenses forces, ces imposantes énergies existaient déjà et depuis toujours dans la nature. L?homme s?est limité à les découvrir et à essayer de les mettre à son service. Ce n?est pas l?homme qui les a créées, et pourtant, depuis sa création, la nature possède en elle cette capacité à être utile à l?homme.

L?homme, en exagérant ses possibilités, est arrivé à s?approprier la puissance contenue par la nature. Le silicium, par exemple, a les même propriétés aujourd?hui qu?il y a 2000 ans et pourtant, c?est seulement récemment que l?on a découvert son utilité dans les industries modernes de l?informatique et de l?électronique.

« L?illusion de pouvoirs illimités, alimentée par les étonnants progrès scientifiques et techniques a créé l?illusion d?avoir résolu le problème de la production. Cette illusion se base sur l?incapacité à distinguer ce qui est le revenu de ce qui est le capital. Et ce là où cette distinction est la plus importante?quand il s?agit du capital irremplaçable que l?homme n?a pas créé mais simplement découvert et sans lequel il ne peut rien faire » Schumacher ajoute : « Une des erreurs

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les plus funestes de notre époque consiste à croire que le problème de la production a été résolu » [6]

Les problèmes énergétiques des années 70 ont constitué un appel à reconsidérer les attitudes occidentales orgueilleuses d?autosuffisance face aux ressources naturelles réelles.

Pour la première fois, les ressources naturelles venaient à manquer et nous découvrions notre dangereuse dépendance par rapport à elles. La croissance démesurée de la production matérielle présentait des effets négatifs qui pouvaient miner les bases de la propre civilisation occidentale.

Les appels scientifiques à caractère écologique sont de plus en plus nombreux, et expriment ces réalités.

5 DE JOUVENEL, op.cit., p.31 .

6 SCHUMACHER, Lo pequeño es hermoso, Hermann Blume, Madrid 1978, pp.13-14.

3. Les limites de la croissance en termes purement physiques  

En plus du danger qui existe quand on utilise de manière inadéquate les forces du monde matériel et quand on transforme ainsi les forces productives en forces destructives, il faut aussi souligner l?existence d?effets secondaires. Le système industriel moderne, avec sa spectaculaire croissance, a tendance a consommer ses propres bases. Plus la vision purement economico-materielle (à la manière de l? homo oeconomicus de Mill) s?impose, plus le danger des effets secondaires destructeurs devient important. Gandhi avait raison de dire que la terre est suffisante pour satisfaire les besoins de chaque homme mais pas leur cupidité .

L?objectif d?une croissance économique matérielle sans limites, à la recherche de l?abondance généralisée, est questionnable ; le manque de disponibilité de produits de base ainsi comme la capacité limitée de notre environnement ne peut absorber le niveau élevé d?interférences qu?implique la superproduction industrielle. Les problèmes de la couche d?ozone, de la destruction des déchets radioactifs, de l?avancée de la désertification, etc. deviennent évidents. Sans tomber dans le conflit politique ou idéologique, il est clair qu?une reconsidération des finalités de la croissance est indispensable, tout comme une réflexion sur l?usage des ressources naturelles.

La croissance économique, si elle est comprise comme une simple augmentation des produits matériels (et non comme une augmentation de la valeur) n?a pas de limites appréciables d?un point de vue économique, physique, chimique ou technologique. Cependant cette conception matérialiste de la vie, qui cherche la réalisation de l?homme dans l?accumulation de richesses physiques, est limitée par l?environnement. Le milieu naturel tente de nous dire que certaines demandes sont devenues excessives. Curieusement, comme le signale le professeur Commoner,

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les problèmes les plus récents et les plus pressants ne sont pas des conséquences d?échecs accidentels mais de succès de la technologie et de cette croissance économique purement physique et matérialiste. L?homme a été doté du « pouvoir » sur ce qui a été créé, mais il n?a pas le droit de torturer, de ruiner et d?exterminer, comme il essaie parfois de le faire. Il faut considérer la terre comme un capital inestimable dont l?homme doit prendre soin pour pouvoir s?en servir véritablement et de manière pérenne.

Le but de la productivité matérialiste n?est pas le seul à exercer ce « pouvoir » ; il existe d?autres finalités, comme la santé, la beauté, et la permanence de tout ce dont la productivité serait un sous-produit. La vie urbaine, par exemple, peut être un facteur de destruction psychologique, économique et biologique de l?environnement humain. De nombreuses personnes essaient d?abandonner la ville, ce qui est symptomatique de cette réalité.

Un système économique utilisant 40 % des ressources primaires pour approvisionner moins de 6% de la population mondiale, ne peut être considéré comme un système efficace. Il l?est d?autant moins, que ces 6% de la population n?atteignent pas un niveau de bien être, de culture, de paix et d?harmonie satisfaisant.

Les ressources naturelles doivent être maîtrisées et conservées judicieusement. Tirer profit de ces ressources doit représenter un intérêt sur le long terme, il faut aussi prendre en considération les générations futures. Par exemple, il est aussi important pour les pays exportateurs de pétrole que pour les pays importateurs, que la « vie utile » du pétrole soit prolongée le plus longtemps possible. Les pays exportateurs ont besoin de temps pour développer des sources alternatives de revenus et les importateurs pour ajuster leur économie, dépendantes du pétrole, au fait que celui-ci devienne plus cher et plus rare.

Si le seul problème qui préoccupe l?opinion publique et les différents gouvernements, est la perspective ou non de bénéfices strictement physiques, nous pouvons continuer à développer des actions qui sont paradoxalement anti-économiques. « Aucun niveau de prospérité ne pourrait justifier l?accumulation de grandes quantités de substances hautement toxiques que nous ne savons pas rendre « sures » et qui constituent un danger imprévisible pour toute la création durant des périodes historiques et même géologiques »[7]

Une forme de vie qui se base sur un matérialisme aberrant et mal compris et sur un expansionnisme permanent et sans limites dans un environnement déterminé, ne peut durer longtemps. Son espérance de vie devient plus courte au fur et à mesure que ses plans expansionnistes atteignent le succès.

Parce que la terre est la cause matérielle de la valeur économique, nous plaidons en sa faveur, pour que nous prenions soin en particulier de cette richesse incommensurable et gratuite. Nous risquons de l?abîmer et même de la détruire en faisant un usage pernicieux de sa passivité.[8]

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7 SCHUMACHER, op.cit., p.126.

8 A ce sujet, Schumacher affirme : « Le système industriel moderne, avec toute sa sophistication intellectuelle, consomme ses propres bases » et ajoute « Que pouvons-nous faire maintenant ? Développer un nouveau style de vie, avec de nouvelles méthodes de production et de nouvelles normes de consommation, un style de vie dessiné pour la permanence » ( op.cit.p.19) Il complète cette opinion ainsi : « L?idée de la croissance économique illimitée, plongée dans l?abondance, doit être sérieusement mise en cause, au moins sur deux points : la disponibilité de produits de base, ainsi que la capacité du milieu naturel à absorber de manière satisfaisante le niveau d?interférences que cela implique » ( op.cit.p.27)

4. Quelques solutions pour orienter la « domination » de la nature  

Il s?agit d?agir, économiquement parlant, en direction de la durée. Léopold Kohn a décrit combien la technologie et les opérations à petites échelles sont importante dans la perspective de la durée. Ces opérations, bien qu ?elles soient moins nombreuses, sont toujours moins dangereuses pour l?environnement que les opérations à grande échelle puisque leur force individuelle est inférieure à la force de récupération de la nature.

Il faut retrouver le respect de la nature, le respect des objets qui sont à notre service, ainsi, nous rendrons hommage au don que nous a fait la terre et au fruit du travail. La civilisation de l?éphémère, dénoncée par Bertrand de Jouvenel, a tendance à rendre futile ce respect des objets. Il faudrait inverser le lieu commun et imprimer une image durable à tous les objets même à ceux d?usage quotidien. Notre système de production, par contre, rejette les produits de plus en plus vite, ce qui entraîne la nécessité de les détruire. Une des conclusions que les faits corroborent, admet que toutes les activités centrées sur la destruction ou le recyclage devront continuer à se développer dans le futur car elles deviendront absolument nécessaires. L?homme moderne détruit ses propres ?uvres à un rythme qui s?accélère chaque fois davantage.

Une solution, proposée par Jouvenel, qui peut paraître idéaliste mais qui ne l?est pas, consisterait à observer le monde entier au lieu de ne regarder que les pays développés où existe le phénomène de la superproduction de l?éphémère. Il s?agit de canaliser cette superproduction matérielle vers les pays sous-développés, non par des dons gratuits, mais en payant plus cher, aux pays dont la population est importante, les matières premières que nous leur achetons. Si la propension à développer les capacités productives ne s?est pas heurtée à une base de consommation trop étroite, comme l?avait prédit Marx, ce fut grâce à l?augmentation de la rémunération des salariés. Nous pouvons appliquer le même raisonnement au niveau mondial en augmentant le pouvoir d?achat, et par conséquent la demande de consommation des pays surpeuplés. La hausse du prix des matières premières permettra le fonctionnement des activités de recyclage.

Que cette solution soit viable ou non, il est certain que la réduction de la durée de vie des biens de consommation est un phénomène général qui s?étend même au logement et qui reflète le mépris orgueilleux de notre culture occidentale envers les matières premières, qui représentent, pourtant, la cause matérielle indispensable de toute valeur économique.

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Il n?est pas logique de parler de croissance économique en faisant abstraction, comme c?est souvent le cas, des conditions physiques. La théorie qui considère, avec insistance, que le travail est la source de la valeur, arrive à nous faire croire que le flux de biens dépend uniquement du travail humain et ce, sans tenir compte du milieu naturel. La nature est représentée comme un espace de conquête violente et non comme un lieu de domination intelligente. Il faut pourtant tenir compte de la variable écologique, dans cette domination du naturel.

L?écologie étudie les relations entre les différents composants matériels et les différentes espèces dans l?univers naturel. Même si, en apparence, tout ce que l?homme utilise est le produit du travail humain, en substance, ce que l?homme utilise vient de la nature. William Petty avait déjà affirmé que dans l?objectif du profit humain « Le travail est le père et la terre, la mère » Il faudrait réfléchir sur les liens de ce mariage, et concrètement, se demander si l?attitude du travail envers la terre est violente ou plutôt aimable. La fécondité de la terre dépendra, dans tous les cas, de cette attitude.

Le fait, qu?en peu de temps, l?environnement se soit converti en un thème d?actualité constitue, à mon avis, un phénomène transcendantal et fortement positif si on le dégage de toutes considérations politiques ou idéologiques extravagantes. Les efforts pour créer un environnement humain et harmonieux deviennent évidents quand on entend les expressions toutes faites du type : pollution, protection de la nature, environnement humain. Peu à peu, on passe de la répulsion provoquée par les maux, au respect envers les biens matériels et leur défense.

Dans notre vision purement productiviste, la trajectoire des marchandises n?a qu?un sens, des producteurs vers les consommateurs. Dans la réalité, cette trajectoire est circulaire. La matière des marchandises provient de l?environnement, les marchandises altérées retournent dans le milieu naturel. Nous devrions chercher des systèmes appropriés pour ajuster, le plus possible, les coûts externes et internes des entreprises.

Si l?industrie du papier, par exemple, devait payer un impôt pour couper les arbres et un autre impôt pour le papier jeté à la poubelle, et que parallèlement, les industries du recyclage et récupération recevaient une prime pour la préservation des arbres et une indemnisation pour l?enlèvement des déchets, il y aurait une répercutions sur les prix des effets produits sur le capital naturel.[9]

Il faut envisager, avec sérénité et logique, les erreurs d?approche de la cause matérielle de la valeur, de manière à envisager la croissance de la richesse matérielle à long terme sans tomber dans l?absurde. Les solutions semblent provenir d?un nouveau style de vie, avec des nouvelles méthodes de production et des modèles de consommation différents orientés vers la durée et non plus vers le mirage de l?éphémère.

* * *

La mauvaise utilisation des ressources naturelles a ressuscité, ces derniers temps, la prépondérance, déjà ancienne, du facteur terre comme cause de la valeur. Mais ce facteur prend, réellement, toute sa dimension comme cause matérielle de la production.

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La valeur étant un rapport réel, c?est à dire non imaginaire, la matière, même si elle est passive, est sa cause. La matière est une puissance passive, dépourvue de toute activité, incapable de subsister si elle n?est pas actualisée.

Le processus de transformation de ces réalités matérielles en autres réalités matérielles, a une cause matérielle : les ressources que l?homme trouve gratuitement dans la nature. C?est cet ensemble de ressources naturelles que nous appelons facteur de production terre. Son rôle dans la théorie de la valeur n?est pas prépondérant mais il est important. On ne peut ni tomber dans le mépris subjectiviste qui consiste à oublier que les intentions ne sont pas suffisantes et que la valeur doit être matérialisée, ni oublier les autres causes de la valeur.

9 DE JOUVENEL, op.cit.p.159.

1. Importance du travail dans l'histoire de la pensée économique 

L?importance du travail comme cause efficiente de la valeur et du progrès économique a été évidente tout au long de l?histoire de la pensée économique. C?est pour cette raison que les théories de la valeur-travail ont toujours été très importantes :

« A l?aube du mercantilisme, est apparu l?objectif du plein emploi de John Hales qui a écrit que l?Etat devrait adopter des mesures tendant à assurer « une grande abondance » de biens ce qui exigeait l?emploi aux champs ou à la ville de toutes personnes en mesure de travailler »

William Petty a expliqué l?importance de l?emploi dans sa célèbre théorie selon laquelle, plus la population de la nation augmente, plus la richesse augmente. [1]

D?autres figures importantes du Mercantilisme, comme William Temple (1671), Nicholas Barbon (1690), Josiah Child (1690), Sir Dudley North (1691), Charles Davenant (1695), John Law (1720), John Cary (1745), Josiah Tucker (1750), l?évêque Berkeley (1751) ou Malachy Posttlethwayt (1759) ont affirmé que le travail est la cause prioritaire de la richesse d?un pays. Selon eux, l?amélioration de l?emploi favorise la croissance économique et l?augmentation de l?offre monétaire a comme effet important l?augmentation de l?emploi et donc de la richesse. A leur avis, la taille de la population est un facteur décisif de la capacité économique d?un pays. Ils pensent, par ailleurs, que la majorité des mesures de politique économique peuvent s?expliquer en admettant que le plein emploi est l?objectif fondamental pour atteindre un pouvoir économique plus important.[2]

Plus tard, les théories d?Adam Smith, Ricardo et Marx, n?ont donné de l?importance qu?à la création de la valeur, ces théories de la valeur-travail ont dominé la pensée économique durant un siècle.

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Grâce à Ricardo et Karl Marx, l?importance indiscutable de l??uvre de Smith dans l?histoire de la pensée économique et son influence prépondérante dans le domaine de la théorie de la valeur-travail, ont été réelles jusqu?au dernier tiers du XIXème siècle.

Ses prédécesseurs écossais, Gershom Carmichael et son maître Francis Hutcheson, qui avaient, eux-même, repris la tradition aristotélicienne par l?intermédiaire de Grocio et Pufendorf, avaient anticipé l?analyse des « ciseaux marshalliens » et avaient, également, établi les éléments basiques de l?utilité et de la rareté.

Ces deux idées sont essentielles dans le traitement de la théorie de la valeur, néanmoins, Smith a eu tendance à s?éloigner de ces concepts, il a plutôt insisté sur l?importance du rôle du travail.[3] La découverte de l?efficacité de la division du travail l?a, peut être, éloigné de la problématique de la valeur et l?a amené à s?intéresser exclusivement au facteur du travail.[4]

Si les Physiocrates ont, uniquement, mis l?accent sur la valeur de la terre, Adam Smith, lui, a jeté aux oubliettes les idées d?utilité et de rareté et a centré son approche sur la valeur-travail. Si les Physiocrates avaient mis en avant une cause originaire de la valeur : la cause matérielle, Smith en a souligné une autre, une cause efficiente.

L?erreur ne consistait pas à considérer le travail comme une cause, puisque c?en est une, mais plutôt à identifier la valeur avec le travail, et ainsi oublier l?utilité, les causes finales, la demande.

Il serait intéressant d?insister sur les différences entre ces considérations et les idées contenues dans ses Lectures, mais on ne peut nier que l?influence de La richesse des Nations a été définitive. Par la suite, c?est Ricardo qui a insisté à nouveau sur le travail.

Pour Adam Smith, il existait une double interprétation du travail : le labor contained et le labor comanded. Dans la théorie de Ricardo, c?est le travail incorporé qui est le plus important malgré son interprétation sui generis de Cassels. [5]

L?interprétation, que nous assignons habituellement à Ricardo, se fonde sur la considération du travail comme travail incorporé.

Le travail utilisé pour la production des biens est réellement la base de la valeur d?échange des biens, à l?exception de ceux que l?homme ne peut transformer. « Si la quantité de travail contenue dans les marchandises régule leur valeur d?échange, chaque augmentation de la quantité de travail doit accroître la valeur de la marchandise, de même que chaque diminution doit la réduire » « La valeur d?échange des marchandises ou la règle qui détermine quel bien on doit donner en échange d?un autre, dépend presque exclusivement de la quantité de travail qui a été employée pour chacun d?eux »[6]

Ricardo s?incline pour le labor contained et reproche à Smith sa défense de deux théories qui s?excluent mutuellement : le travail incorporé à la marchandise et le travail obtenu

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en échange de la marchandise : « Les deux quantités ne sont pas égales. Le labor contained est le standard invariable qui permet d?indiquer correctement les variations des autres biens. L?autre, le labor comanded est l?objet de nombreuses fluctuations, tout comme les marchandises auxquelles il est comparé »[7]

Essayer d?évaluer en comparant avec le labor comanded revient à expliquer les valeurs par les prix. Ricardo, lui, tente de faire le contraire, c?est à dire, expliquer les prix par les valeurs.

Si le labor comanded est exclu, il ne reste que le labor contained pour expliquer la valeur. Ce travail ne peut s?évaluer qu?en consultant le prix du travail sur le marché. C?est une qualité objective et commune à tous les travaux : l?effort, qui rend cette évaluation possible. Le travail, c?est la sueur, les efforts musculaires et intellectuels, toil and trouble, comme disait Adam Smith, la désutilité, selon les marginalistes. Cette définition du travail est la seule véritable, celle qui doit permettre de le mesurer.[8]

La valeur dépend du travail incorporé, en terme de toil and trouble. Ricardo raisonne par exclusion. Il élimine, d?abord, les autres causes possibles de la valeur- utilité, rareté, marchandise, travail- et il ne reste plus que le labor contained dans sa conception de l?effort.

Ricardo considère que la valeur du travail-marchandise ou salaire naturel correspond au travail nécessaire à la fabrication des éléments qui sont indispensables pour maintenir le travailleur en vie. C?est la fameuse « loi de fer » des salaires.

Mais il existe un manque d?homogénéité entre les différentes formes de travail. Comment comparer, par exemple, une heure ou une journée d?un certain type de travail avec une heure ou une journée d?un autre travail ? Smith comme Ricardo ont essayé de traiter le problème en ayant pour argument la capitalisation antérieure à chaque emploi. La capitalisation d?un médecin est différente de celle d?un aide maçon. Cependant, la quantité de toil and trouble est plus importante pour l?aide maçon que pour le médecin. Pour toutes les théories de la valeur-travail, le problème sera identique. Même le capital est considéré comme du travail ajouté aux objets du marché lors des opérations antérieures à leur fabrication.

Karl Marx a repris la doctrine de Ricardo selon laquelle la valeur d?échange des marchandises est régulée par le travail contenu. Même si Marx distingue valeur d?usage et valeur d?échange, et qu?il affirme que la valeur d?échange est une notion imaginaire, qui a été inventée, il la mesure par le labor contained.

« Quel est l?unique point commun entre toutes les marchandises qui puisse servir à expliquer la valeur d?échange ? Si nous ne tenons pas compte de la valeur d?usage, la seule propriété commune à toutes les marchandises est celle d?être des produits du travail »[9]

Selon Marx, ce qui permet d?estimer la valeur d?un bien est la force-travail. En essayant de répondre aux difficultés rencontrées par Ricardo, il indique que même si les types de travail sont différents, ils ont quelque chose en commun que nous pouvons appeler : force-

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travail. Cette force-travail se mesure par sa durée temporelle, en heure, jour, mois, etc.

Le travail, pour Marx, est l?unique origine de toute valeur. En admettant ce postulat réducteur, le corollaire de la plus-value est inévitable. Celui qui possède de l?argent achète la force de travail et les matières premières en échange d?une quantité d?argent D1. Ce qui est acheté et transformé en marchandises, est vendu au marché. Pour cette marchandise, on reçoit une quantité d?argent D2 qui est supérieure à D1. Si c?est uniquement le travail incorporé à la marchandise qui a créé sa valeur, le profit du capitaliste (D2-D1) est injuste. Le travailleur a été exploité par le capitaliste. La valeur de la force de travail achetée par le capitaliste est inférieure à la valeur créée par cette même force de travail. L?emploi de la force de travail est ce qui produit la plus-value.

Le raisonnement de Marx réduit le principe de valeur au travail, mais, en plus, il n?entend par travail que le concept de force. La tâche du capitaliste ou chef d?entreprise, qui consiste à organiser la production d?une certaine forme, selon un certain modèle, n?est pas considérée comme un travail. On admet, comme une évidence, que le chef d?entreprise ne travaille pas. Si l?activité du capitaliste était reconnue comme étant un travail, la distinction entre les capitalistes et les travailleurs disparaîtrait. Les deux seraient des travailleurs avec des fonctions distinctes qui échangeraient leurs services pour obtenir le meilleur produit final.

Reconnaître que le capitaliste effectue un travail créateur de valeur est le principe central des théories qui expliquent que l?intérêt du capital est l?équivalent du salaire correspondant au travail réalisé par le capitaliste. Les auteurs qui ont défendu ces théories sont les économistes anglais : James Mill et McCullock, les économistes français : Courcelle-Seneuil et Cauwes et les économistes allemands : Schäffle et Wagner.

Marx, lui, considère les capitalistes comme de simples propriétaires sans aucune fonction positive de travail. Selon lui, les biens naturels ne sont pas des causes de la valeur. Par conséquent, ses théories de la plus-value et de l?exploitation du travailleur semblent logiques.

Ces deux théories ont été les armes du socialisme moderne, bien que leurs fondements scientifiques ne soient pas satisfaisants ; elles ont eu des conséquences importantes au niveau social tout au long du XIXème siècle, avec des manifestations et des résultats qui s?étendent au XXème siècle.

La conclusion habituelle des théoriciens de la plus-value, qui consiste à dire que l?intérêt du capital est une partie du produit du travail, obtenu grâce à l?exploitation de la situation de pénurie de l?ouvrier, a eu des conséquences sociales d?une grande magnitude.

Cette révolution sociale dérivée des théories de l?exploitation est née de la transformation qu?a subit la théorie économique de la valeur des biens après les travaux de Adam Smith et surtout de Ricardo.

Parmi les premiers théoriciens de l?exploitation, nous pouvons citer William Thompson en Angleterre et Sismondi en France. Prudhom, Rodbertus et Lassalle, ainsi que

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Marx, sont les socialistes scientifiques, que nous retiendrons pour leur travail de diffusion de cette théorie, tout au long du XIXème siècle.

Dans cette théorie, les causes sont réduites à une seule cause : la cause efficiente, le travail ; et on réduit le travail à ses manifestations matérielles.

L?importance du travail comme cause de la valeur est soulignée par tous les défenseurs de la théorie de la valeur-travail. Cependant, Peter F. Drucker raconte une anecdote révélatrice pour notre propos. Lors d?un séminaire à Cambridge, un des élèves de Keynes lui demanda pourquoi il n?existait pas une théorie de la valeur dans sa Théorie Générale. La réponse de Keynes fut catégorique « Parce que la seule théorie appropriée de la valeur est celle de la valeur-travail et qu?elle est totalement discréditée » [10]

Dans le chapitre suivant, je n?essaierai pas de réviser l?opinion des penseurs qui historiquement ont souligné l?importance du travail, mais plutôt de réfléchir sur la véritable signification du fait que le travail est la cause efficiente de la valeur économique.

1 GRAMPP, ?Los elementos liberales en el mercantilismo ingles?, The Quaterly Journal of Economics, LXVI, noviembre, 1952, cit. en El pensamiento económico?, P.78.

2 Id, pp. 79-80.

3 ROBERTSON, H.M, y TAYLOR, W.L, ? El enfoque de la teoria del valor en Adam Smith?, The Economic Journal, LXVII, junio 1957, Cfr. El pensamiento económico de Aristoteles a Marshall.

4 SMITH, A, Investigación sobre la naturaleza y causas de la riqueza de las naciones, Fondo de Cultura Económica, México1982, pp.3-7.

5 CASSELS, ? Nueva interpretación de la teoría del valor de Ricardo », The Quaterly Journal of Economics, XLIX mayo 1935, en El pensamiento?

6 RICARDO, D, Principios de economia politica y tributacion, Ayuso, Madrid, 1973, p. 7.

7 Id, p.8.

8 MENDEZ, José Maria, Relaciones entre economía y ética. Confederación española de Cajas de Ahorro, Madrid 1970, p.43.

9 MARX, Karl, El capital. Critica de la economia politica, 2a ed, Siglo XXI, Madrid 1975, p.47.

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10 DRUCKER, ?Toward the next economics?, in BELL-KRISTOL ( eds), The crisis in economic theory, Basic Books, New York, 1981, p.17.

2. Le travail : cause active de la valeur  

En analysant la cause matérielle de la valeur économique, nous avons vu que c?est seulement en vertu d?un principe extérieur que la matière change de forme, se transforme. En soi, la matière est une cause passive. Il faut que la matière soit manipulée, pour qu?elle puisse acquérir une nouvelle forme. La matière ne suffit pas, le travail est indispensable.

L?étude des causes matérielles de la valeur nous a conduits, tout naturellement, à la considération de la cause efficiente. De plus, cette dernière est prioritaire sur la cause matérielle, puisque sans un travail antérieur, la matière ne pourrait être une cause de la valeur. Le travail humain est la cause active tandis que le facteur productif sur lequel il agit est la cause passive.

Malgré toute la richesse de la Nature, sa passivité comme cause matérielle implique que le concept de rareté se rapporte uniquement au travail, à la cause efficiente. « Si l?offre de travail augmente, la production augmente aussi. L?effort est toujours précieux, il n?est jamais de trop, il est toujours utile pour améliorer les conditions de vie » « Le travail est le plus rare de tous les facteurs primaires de production »[11]

Tout cela implique que les autres facteurs, en vertu de leur complémentarité naturelle avec la valeur, ne peuvent être employés que dans la mesure où le travail le permet. C?est ce qui explique pourquoi il existe des terres, des richesses sous-marines, des gisements, des usines ou des installations qui ne sont pas exploités. Dans notre monde, il y a une insuffisance de potentiel de travail, c?est dans cette direction que se dirige l?activité économique consacrée à l?augmentation de la valeur de la richesse matérielle.

La substitution technologique de certains systèmes par d?autres plus efficaces, n?empêche pas que le travail soit considéré comme rare, puisque de nombreux facteurs matériels qui pourraient améliorer les conditions de vie, ne sont pas exploités. Les progrès contribuent à accroître la production et sont bénéfiques puisqu?ils augmentent la quantité et la qualité des biens disponibles mais ils n?engendrent pas le chômage car la rareté du facteur travail est toujours en vigueur.

La théorie classique du travail est née du contraste fondamental entre la terre, facteur passif que l?homme ne peut accroître, et le travail, facteur actif pouvant être augmenté. La quantité de force de travail était, donc, la variable essentielle qu?il fallait réussir à développer.

Selon ces modèles, la valeur économique et sociale augmentait selon l?expansion de l?accumulation de capital et de population.

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On peut définir le travail comme étant une activité humaine qui transforme directement ou indirectement la réalité matérielle, le cosmos en général, tout en cherchant à s?approcher le plus possible des objectifs.

L?homme travaille quand, en se servant de son énergie vitale, il transforme et humanise la matière ; quand, au lieu de laisser ses facultés physiques et nerveuses se manifester spontanément, il les utilise volontairement pour atteindre des buts satisfaisants pour lui et pour les autres.

« Une activité est humaine - et en cela elle se différencie de l?activité animale ou d?un événement cosmique - quand le sujet se fixe un objectif et comprend le sens de l?action, c?est à dire qu?il comprend le sens du but et des moyens pour l?atteindre »[12]

« Transformer l?eau en une force, cette force en kilowatt et le kilowatt en électricité ; convertir une société de paysans qui vivent misérablement en une société industrielle en expansion, domestiquer les microorganismes et les réunir pour former une pluralité indéfinie de stratégies thérapeutique ou transformer les recoins de l?univers en centres de loisirs ou parcs pour enfants » [13] Tout cela revient à « humaniser » l?univers matériel et pour cela, le travail de l?homme est nécessaire.

Les causes matérielles, les ressources naturelles, la terre, le facteur de production originaire, doivent subir une transformation qui les améliore pour augmenter le rapport réel de la valeur. Cette amélioration, en terme de valeur, est le fruit de l?intervention d?un agent externe qui a appliqué une force active sur un produit passif dans le but d?obtenir un meilleur produit. Les différents produits intermédiaires, entre l?original qui n?a pas été produit par l?homme, et le produit fini, dépendent du produit qui les précède dans la chaîne. Entre les produits finis et les matières premières, nous trouvons, à l?intérieur de chaque catégorie, de moins en moins de différences entre les biens. Plus nous nous éloignons des biens de consommation, plus les produits sont similaires. La parenté productive des biens augmente avec leur position, leur ordre dans la chaîne. Si nous arrivons aux éléments ultimes, nous nous trouvons face aux ressources naturelles.[14]

Ce processus, quand il s?agit du travail de l?homme, est parcouru en sens inverse. La terre, en tant que cause matérielle, perd peu à peu son état amorphe et sa passivité grâce au travail. Les biens reçoivent, tout au long de leur transformation, de nouvelles et de meilleures spécialisations. Ils acquièrent, peu à peu, des qualités de plus en plus précises. Le travail, cause active et efficiente, incorpore aux différents biens la valeur économique, la possibilité de satisfaire les objectifs finaux de l?homme. Les éléments de base de toute production sont la terre et le travail. Tous les biens sont des ensembles formés par une combinaison des deux. « A partir de cette base, Malthus tenta de démontrer que la condition fondamentale d?une transformation réussie des ressources productives de la société en un bien?être économique dépend d?un échange flexible. Il ne s?agit pas vraiment d?échanger des marchandises mais plutôt d?échanger des marchandises contre du travail humain. »[15]

La conception physiocratique qui insistait sur la productivité de la terre a également influencé les théoriciens de la valeur-travail qui ont toujours reconnu qu?elle était indispensable. La valeur

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intrinsèque d?un bien correspondait à la mesure des quantités de terre et de travail nécessaires à sa production. Il fallait toujours prendre en compte la fertilité de la terre et la qualité du travail. Ils argumentaient que cette valeur intrinsèque correspondait à la vraie valeur, mais ils reconnaissaient aussi que, bien souvent, sur le marché, la vente des marchandises ne coïncidait pas avec cette valeur. Pire encore, les prix dépendaient, la plupart du temps, des caprices et des habitudes de consommation des hommes. Même si ces théoriciens pressentaient les causes finales de la valeur, ils insistaient plutôt sur les causes originaires, et en particulier sur la terre et le travail. Selon leur perspective, la primauté du travail semblait logique. Si on excluait les objectifs humains dans la conception de la valeur, la cause efficiente, l?homme par son travail,devait être considérée comme supérieure à la cause matérielle, la terre. Le facteur le plus spirituel, l?humain était supérieur au purement matériel.

Si nous considérons que la valeur est un rapport réel d?adéquation à l?homme, nous pouvons appeler cette relation : humanisation. Cette « humanisation » ne peut être appliquée à une marchandise sans l?intervention d?un agent humain. La cause matérielle ne suffit pas, si l?effet escompté est l?humanisation, seul l?homme peut produire cet effet. L?activité humaine appliquée à la réalité matérielle est nécessaire pour produire la valeur. « Personne ne donne ce qu ?il n?a pas »

L?intervention d?un agent humain extérieur est indispensable. La fonction du travail consiste à donner aux produits des formes plus accessibles à l?usage humain, au meilleur usage humain possible. Le travail est la cause efficiente de la valeur économique.

Dans le processus du travail, notre corps sert d?instrument à notre esprit pour transformer les réalités matérielles extérieures. Le corps devient un instrument, plus nous améliorons cet instrument, plus notre capacité à dominer la nature qui nous entoure sera grande. Nous pourrons ainsi, grâce à notre corps, convertir la nature en un autre instrument à notre service. La production en terme de valeur s?obtient par le travail, en appliquant notre savoir, nos objectifs, notre esprit, sur la matière par l?intermédiaire de notre corps. Produire, en définitive, consiste à imprégner la matière d?esprit humain. Le travail n?est pas simplement un facteur de plus, ce n?est pas une marchandise de plus ; l?esprit humain qui est transmis par cette activité est la note essentielle du travail, celle qui l?élève au-dessus des ressources matérielles et des instruments du capital. [16]

Le travail demande du temps. Le travail humain qui est une action a besoin d?utiliser cette ressource gratuite indispensable. Le temps se réfère donc clairement à l?homme. Sa « rareté » est dérivée de celle du travail qui demeure le moyen fondamental de poursuivre la tâche d?humanisation de la matière.

Selon les théories de la valeur-travail, ce n?est pas l?humanisation de la matière mais l?effort qui a été fourni lors de cette tâche qui est important pour estimer la valeur . De tout temps et en tous lieux, comme l?indiquaient Smith et plus tard Ricardo et Marx, ce qui nécessite beaucoup de travail et d?efforts est cher, ce qui n?en nécessite pas beaucoup est bon marché. Ce travail constituait la valeur intrinsèque des choses et son prix réel. L?argent n?était rien d?autre que son prix nominal. Ils oubliaient, cependant, la qualité du travail, son efficacité en terme d?utilité pour l?homme. Ils oubliaient que le travail est une cause efficiente, indépendamment de l?effort, grâce

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à sa capacité à dégager l?utilité humaine des choses. Le travail, en tant qu ?effort, ne sert à rien s?il n?atteint pas l?objectif escompté, de fait ce n?est même plus du travail. Balayer les feuilles de l?automne, sur un chemin pavé, face au vent, ne sert à rien, même si on met du c?ur à l?ouvrage. De même, si les buts sont négatifs, la valeur et le travail, eux aussi, seront négatifs. Il serait préférable de ne pas l?exécuter.

L?homme est le seul capable d? « humaniser » (objectif principal de l?économie), rien ni personne ne peut le faire à sa place. Et pourtant, la tâche économique consiste précisément à « humaniser » l?univers matériel, à le mettre à la disposition de l?homme.

Seul l?homme peut le faire, car sa raison lui permet de réaliser ses objectifs par son action, et ce, de manière consciente. Le travail est un travail intellectuel, ajouté à la composante physique, parce qu?il exige la prise en compte, même pour les plus petits détails, la finalité des activités productives.

11 MISES,L. La acción humana, Union Editorial, Madrid 1986, p.216.

12 CHOZA, ?Sentido objectivo y subjectivo del trabajo? en Estudios sobre la ? Laborem Exercens?, BAC, Madrid 1987, p.233.

13 CHOZA, op.cit.p.261.

14 SCHUMPETER, Teoria del desenvolvimiento econónomico, FCE, México 1978, P.30.

15 MYINT, Teorias de la economia de bienestar, Instituto de Estudios Politicos, Madrid 1962, p.72.

16 VER ALVIRA, ?Qué significa trabajo??, en Estudios sobre la « Laborem Exercens », cit.

3. La nécessité de prendre en considération les finalités dans le travail  

  Le facteur le plus rare mais aussi le plus utile est le travail humain. Le travail humain est le seul qui permet de dégager « l?utilité » de tous les biens naturels et artificiels.

On apprécie de moins en moins la routine minutieuse, exacte et lente du technicien-fonctionnaire qui s?ajuste à l?engrenage de la planification, par contre, on valorise la prise de décisions innovatrices et la capacité à comprendre des situations complexes. On recherche de plus en plus, dans le travail, une meilleure liaison entre travail et savoir. Travailler ne suffit pas, il faut savoir travailler. L?enseignement professionnel continu est une exigence des rapides changements technologiques. Le savoir est un travail et le travail est un savoir.

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Si nous voulons accroître la valeur économique, nous devons essayer d?apprendre davantage et de mieux penser. En profitant de la ressource de l?intelligence humaine, il est possible de mieux organiser et appréhender le progrès technique et scientifique, tout comme les actuelles structures sociales, pour obtenir une augmentation quantitative et qualitative en terme d?humanisation. Il faut intensifier la recherche d?une certaine «  humanité » dans cette société technocratique pour que l?homme puisse redécouvrir sa richesse intérieure, les vastes horizons de son savoir et la force créative de sa liberté.

Le travail de l?homme constitue une activité économique essentielle puisque seul l?homme est capable de découvrir les utilités des biens et de les transformer en biens de consommation. Il fait émerger cette « potentialité » des biens primaires pour la rendre réelle.

Avec sa raison, sa liberté et sa capacité à être objectif, l?homme découvre puis s?approprie les qualités essentielles de tous les êtres matériels pour les rendre réelles par son travail physique. La capacité inventive de l?homme est illimitée puisque la richesse de l?essence des choses est illimitée. Le doute de Malthus consistait à questionner cette capacité de l?homme à être objectif, cette capacité de l?homme à vouloir accroître la valeur économique en découvrant les secrets de la nature.

Il ne suffit pas de projeter, il faut réaliser, il faut matérialiser. Pour qu?un projet devienne réalité, il faut non seulement le penser mais aussi croire en ses possibilités et l?exécuter. « L?être humain n?est pas seulement un homo sapiens c?est aussi un homo agens »     

4. La priorité du travail humain sur les biens matériels   Le travail (cause efficiente) est prioritaire par rapport au produit (cause matérielle) puisque l?objet ne peut être considéré comme une cause sans avoir été, auparavant, le produit d?un travail antérieur. L?être humain est le départ de toute action ayant comme effet l?augmentation de la valeur économique.

La méthodologie générale du travail est influencée par l?intelligence de l?homme capable de capter les objectifs et de découvrir les moyens pour les atteindre. On ne peut appliquer la même méthodologie à un pays peu peuplé et ayant des ressources naturelles abondantes qu?à un pays surpeuplé et pauvre en richesses naturelles. Il est absurde d?appliquer dans ce dernier cas, comme on l?a souvent fait, des systèmes technologiques de développement économique cherchant à économiser le travail et peu regardant en dépense de ressources matérielles. Cette méthodologie est adaptée à un pays peu peuplé et riche en ressources mais on ne peut l?appliquer à d?autre cas comme si c?était le système le plus efficace. Les politiques de développement doivent tenir compte du facteur travail, du capital humain concret de la région à développer, avec son tempérament, ses qualités et ses limitations. Le capital physique d?un pays n?est pas décisif, ce qui est décisif c?est le capital humain. Il y a des exemples concrets dans l?économie mondiale de pays pauvres en ressources naturelles qui, grâce à la stimulation de leur capital humain, ont pu atteindre des niveaux élevés de développement. A l?inverse, il existe aussi des pays et des régions qui, ayant de grandes richesses physiques, se trouvent dans une étape de sous-développement économique.

Le travail humain est au-dessus de l?infrastructure matérielle à tous les niveaux économiques : économie domestique, entreprise, région, pays. Parmi les causes de la pauvreté, les facteurs

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matériels sont secondaires : les causes les plus importantes sont les déficiences de l?éducation, de la culture et de l?organisation.

Dans le domaine de l?entreprise, on observe également un changement positif, le capital humain est davantage pris en considération. Le directeur d?une entreprise n?est plus une personne simplement capable de combiner les facteurs de production aux meilleures circonstances technologiques et économiques. Considérer que le travail est un facteur fixe et conventionnel, presque passif comme la matière, n?est plus approprié au contexte de l?entreprise actuelle qui a besoin d?imagination créative dans la recherche des objectifs de son activité. Le « software » humain est, en définitive, celui qui alimente et vivifie le « hardware » matériel de l?entreprise. On ne peut pas faire le bilan d?une organisation économique en se basant simplement sur sa production physique. La caractéristique la plus importante pour faire ce bilan est la capacité humaine pour le travail présent et surtout futur, car c?est elle qui permettra la continuité de son activité. La capacité productive des personnes est le point le plus important pour une organisation économique. Les politiques de développement régional devraient changer de stratégie générale, et donner plus d?importance aux personnes qu?aux marchandises.

Généralement, il se passe le contraire : les préjugés économiques font leur apparition et on construit des modèles très compliqués qui incorporent des abstractions telles que le PNB, l?épargne, l?investissement en capitaux fixes, les importations ou le rythme des exportations etc., qui ne représentent que des produits matériels et on délaisse le capital humain qui devient un simple paramètre générique et quantitatif : la population. Non seulement on le délaisse, mais, en plus, on le rend coupable de l?échec éventuel du modèle de développement, ce qui est une contradiction inadmissible. Les modèles de développement doivent davantage prendre en considération les variables et les causes humaines de la croissance, plus en accord avec la reconnaissance du travail humain en tant que cause efficiente de la valeur économique.

Je considère que certaines affirmations qui s?appliquent habituellement à l?importance de l?accumulation du capital physique, sont plus appropriées pour parler du capital humain.

« Le capital est le futur. C?est la provision pour les risques, les incertitudes, les changements et les travaux de demain. Ce n?est pas un coût important mais c?est tout de même un coût. Une économie qui n?accumulerait pas suffisamment de capital pour couvrir ses frais futurs, est une économie qui se condamne toute seule à la récession et à une crise continue, la crise de stagflation »[17]

Pour sa part, Hayek signalait que « Si les peuples occidentaux disposent de plus de richesses que les autres pays, cela est du, en partie seulement, à une plus grande accumulation de capital (physique) C?est surtout l?utilisation effective du savoir qui leur a donné la suprématie »[19]

Cette priorité de l?homme sur la nature ne lui permet pas une exploitation abusive. Comme nous l?avons déjà vu dans le chapitre précédent, les deux sont intégrés dans la même tâche. Si la prépondérance de l?homme devient agressive, l?homme sera perdant. Sa relation avec la nature doit être une domination aimable et féconde. D?ailleurs, le sentiment de respect envers la nature est un composant implicite et naturel de toute attitude de respect envers autrui.

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Pour que le travailleur puisse atteindre son objectif d?augmentation de la valeur, il faut qu?il domine le produit et non l?inverse. Une « ambiance » de travail, révélatrice d?une philosophie de travail adéquate, c?est à dire une philosophie selon laquelle le dominé est la marchandise et non le travailleur, est de plus en plus importante pour l?efficacité de la production. L?automatisation peut servir à humaniser cette ambiance en libérant l?homme de tâches purement physiques, mécaniques ou routinières. Mais la technologie moderne a parfois privé l?homme d?un travail créatif, utile, où ses mains et son cerveau participent du même effort, en exigeant de lui un travail fragmenté, spécialisé, plus routinier.[19]

Le déplacement d?une activité du secteur primaire vers le secteur secondaire, et particulièrement du primaire ou secondaire vers le tertiaire, vient renforcer une tendance qui s?observe dans les économies des pays les plus développés et qui est en relation directe avec ce besoin d?ambiance plus humaine au travail : on valorise de plus en plus le travail autonome, sans sortir de chez soi. Ce ne sont plus les personnes qui se déplacent vers leur lieu de travail, mais le travail qui vient vers elles. L?informatique et les communications rendent cette tendance possible. [20]

Le travail augmente sa valeur s?il nous permet de nous exprimer, si c?est un moyen de matérialiser nos énergies créatives, si nous le contrôlons c?est à dire si ce n?est ni le travail, ni la marchandise, ni la machine qui nous contrôle. Les bénéfices de l?industrialisation, en terme de production physique, ont été notablement réduits par la tendance à transformer les gens en automates. Schumacher distinguait les outils, les serviteurs de l?humanité puisqu?ils élargissent son champ d?action et sa capacité, des machines, qui sont nos maîtres en nous obligeant à travailler à leur rythme, à nous adapter à leurs exigences, à aller où elles se trouvent. Convertir les instruments en outils sans nous transformer en machines, voilà ce qu?il y a de plus important.

Le travail est la cause motrice dans la création de la valeur, il transmet au produit quelque chose qui lui est propre, un peu d? « humanité » en somme, qui est incorporé au produit fini. Le travailleur transmet au produit, par son travail, quelque chose qui lui ressemble, quoique inférieur et un peu différent. L?homme, dirigé par sa raison et sa volonté, peut produire des effets visant à «humaniser » très différents les uns des autres.

La richesse intérieure du travailleur se déploie dans l?ensemble des actions que constitue son travail. Par le travail, nous humanisons ce sur quoi nous agissons. Le niveau d?humanité de celui qui travaille est transmis au produit de son action. Meilleur est le travailleur, meilleures sont ses possibilités de créer de la valeur par son activité. On comprend, donc, mieux pourquoi le concept de capital humain est si important.

La nature humaine se manifeste principalement par le travail. L?exercice des opérations rationnelles et volontaires, nécessaire à tout travail, démontre la spiritualité de l?homme. Il agit grâce à ses différentes facultés et capacités. Lors du travail, ces diverses facultés se complètent entre elles. L?amélioration de chacune de ces facultés ou de leur complémentarité constitue le but des investissements en capital humain : la formation professionnelle.

L?économie est aussi normative, car c?est une activité humaine pour laquelle le capital humain est, de plus en plus clairement, la ressource principale, la ressource essentielle. L?

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économie doit organiser ce capital humain, elle doit l?ordonner selon une certaine norme. Cette norme dérive de la réalité positive, de l?essence de la nature. L?économie positive nous mène à l?économie normative. Si les choses et l?homme sont d?une certaine forme, et nous voulons atteindre cet objectif, nous devons agir en conséquence.

Une certaine économie considère seulement l?efficacité de l?action humaine quand celle-ci est capable de produire plus et mieux et oublie toute autre valeur personnelle de cette action. Cette perspective est dangereuse car elle nous fait oublier combien il est important d?augmenter, par cette même action, l?humanité du travailleur pour permettre une plus grande efficacité qualitative lors de travaux postérieurs.

Il est réducteur de juger un travail, en se référant seulement qu?aux produits. Il faut aussi évaluer l?amélioration ou non du propre sujet travailleur. Considérer les conséquences du processus de production ne suffit pas. L?entreprise doit aussi observer les répercutions de ce processus sur les agents qui y participent. La richesse matérielle d?une entreprise est secondaire comparativement à sa richesse en capital humain. On a découvert que le composant d?une organisation humaine est la ressource décisive pour une entreprise ayant de bons résultats et c?est également un élément de continuité.

Les activités techniques de l?entreprise se nourrissent de relations humaines, c?est pour cela qu?il faut, de plus en plus, insister sur ce point.

Un déplacement du capital matériel au capital humain est en train de se produire et, à l?intérieur de ce dernier, nous passons du composant purement physique aux composants intellectuel et créatif.

Diriger ne consiste plus seulement à commander. Dans une entreprise, il faut aussi savoir dialoguer et échanger pour atteindre des buts communs. L?intellect et la liberté créative de celui qui obéit aux ordres sont très importants. Réaliser de grands objectifs suppose l?accomplissement de tâches qui ont été imposées c?est à dire la réponse à des ordres qui ont été donnés. Ces ordres donnés par les dirigeants s?adressent à des sujets qui, eux aussi, sont libres. C?est, donc, tout un jeu de libertés qui doivent se combiner. Celui qui dirige ne doit pas se limiter à donner des ordres, il doit aussi se faire comprendre. L?ordre doit être compris pour être réalisé.

L?activité de l?employé n?est pas seulement mécanique, semi-passive, il doit être incorporé au système de décisions pour pouvoir prendre ses propres décisions afin de mieux accomplir les objectifs généraux. Améliorer l?organisation du travail ne consiste pas seulement à payer davantage le travailleur pour son efficacité productive. Il s?agit plutôt de viser un modèle de fonctionnement plus humain, et donc, plus intelligent, dans lequel les individus ordonnent et obéissent, en alternance, pour améliorer les produits et leur propre travail.

A cette dualité d?objectifs et de fonctions du travail, nous ajouterons, dans les chapitres suivants, le fait que l?entreprise veuille obtenir un meilleur service pour ses clients potentiels. Ainsi, nous obtenons les trois fonctions du travail, en tant que cause efficiente : humaniser la matière, s?humaniser soi-même en accomplissant cette tâche et humaniser les personnes que

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nous visons à travers cette activité. Il s?agit d?améliorer la valeur de la matière en essayant d?augmenter la valeur du patrimoine d?autrui mais aussi en élevant la valeur du propre patrimoine humain.

17 DRUCKER, op.cit, p. 11.

19 HAYEK, Los fundamentos de la libertad, Unión Editorial, Madrid 1975, p. 73.

19 SCHUMACHER, Lo pequeño es hermoso, Hermann Blume, Madrid 1978, p.133.

20 HANDY, el futuro del trabajo humano, Ariel, Barcelona 1986, p.106.

1. La causalité instrumentale des biens du capital théories qui soulignent son efficacité 

Tous les biens matériels sont les fruits de l?harmonisation de la nature et du travail. Mais il y a un type de biens manufacturés dont la fonction finale est de contribuer à la production d?autres biens. Ces biens, qui aident à en produire d?autres, sont les biens d?équipement.

Nous pouvons, ici, citer un passage de l??uvre de Defoe : « Il me manquait quantité de choses. De ce nombre était premièrement l?encre, ensuite une bêche, une pioche et une pelle pour fouir et transporter la terre ; enfin des aiguilles, des épingles et du fil [?] Ce manque d?outils faisait que dans tous mes travaux je n?avançais que lentement, et il s?écoula près d?une année avant que j?eusse entièrement achevé ma petite palissade ou parqué mon habitation. Ses palis ou pieux étaient si pesants, que c?était tout ce que je pouvais faire de les soulever. Il me fallait longtemps pour les couper et les façonner dans les bois, et bien plus longtemps encore pour les amener jusqu?à ma demeure. Je passais quelques fois deux jours à tailler et à transporter un seul de ces poteaux, et un troisième jour à l?enfoncer en terre »[1]

La révolution industrielle a transformé progressivement la base productive de notre société. Nous sommes passés d?un système où la terre prédominait à un système où les instruments de l?industrie l?ont supplantée.

L?importance des biens naturels en tant que cause de la valeur a été démontrée par l?école Physiocratique. Cette théorie a été reprise dans de nombreuses études critiques, comme par exemple, les théories de Turgot selon lesquelles tout se résumait à la possibilité d?échanger le capital avec des terres. Les théories que Böhm-Bawerk appelait de la productivité du capital s?en inspirent également puisqu?elles prônent la capacité productive du capital physique.

Ces théories, en partant de celles de Say et Lauderdale, ont été importantes dans l?histoire de la pensée économique. Tout en reconnaissant l?importance du facteur travail, elles insistent sur la prépondérance du capital physique, en considérant, en de nombreuses occasions, la terre comme source primaire de production des biens d?équipement. C?est pour cette raison que bien

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souvent, on considère que l?association des biens physiques (terre et biens d?équipement) et du travail se concrétise en un produit fini porteur d?une certaine valeur.

D?autres auteurs, comme Malthus, Carey, Peshine, Thünen, Storch, De Nehenius et Marlo, mais aussi Hermann, Mangold, Glaser, Roesler, Strasburger et Schäffle ont souligné le rôle décisif, mais pas exclusif, du capital pour obtenir une augmentation de la valeur économique. Des économistes plus modernes, tels que Henry George, Marshall et même Sraffa ont développé des théories similaires sur ce sujet.[2]

Les vérités partielles des Physiocrates et celles des théories de la valeur-travail ont permis à Say d?élaborer son concept des trois facteurs de production : la nature, les biens d?équipement et le travail ou sa version plus synthétique de travail et capital.

Le travail de l?homme et l?action des forces naturelles (terre, vent, soleil, etc.) sont les forces originelles de la valeur des biens.

La séparation des biens d?équipement et des biens naturels n?est jamais apparue de manière claire dans la littérature économique, puisque les ressources naturelles peuvent être considérées comme des instruments et donc être inclues au capital. On peut aussi penser que les biens d?équipement, parce qu?ils sont issus des ressources naturelles, peuvent être considérés comme leurs conséquences. Dans les deux cas, on vise la simplification, en distinguant le capital physique (terre et biens d?équipement) du capital humain (le travail).

Les théories de la fructification et de la productivité insistent sur la capacité productive inhérente au capital, indépendamment de celle du travail. Ils ont tendance à distinguer les valeurs produites par le capital et les valeurs produites par le travail. Dans tous les cas, il faut isoler les théories de la productivité les moins élaborées, qui attribuent au capital la possibilité de créer de la valeur, comme si le capital était doué d?une vertu magique lui permettant d?insuffler de la valeur aux produits. Parmi les auteurs qui ont adopté cette perspective peu convaincante nous trouvons, en plus de Say, les économistes allemands Schön, Riedel, Roscher et Kleinmächer, les Français Rossi, Molinari, Garnier et Leroy-Beaulieu ainsi que l?Italien Scialoja. Les autres théories de la productivité conçoivent la productivité du capital comme une productivité de type physique. Les auteurs qui prônent cette dernière théorie sont ceux qui figurent dans la première liste que nous avons indiquée antérieurement (voir page précédente).[3]

Si nous revenons aux théories les plus simples, nous pouvons leur appliquer la critique de Böhm-Bawerk qui disait que nous ne pouvons raisonnablement pas parler de production de valeur. On ne peut pas produire la valeur, la valeur ne se produit pas. On produit des choses concrètes, des formes, des structures de matière, des marchandises. Ces marchandises ont de la valeur, mais le capital ne peut produire que des choses, pas de la valeur.

Certaines théories de la productivité du capital affirment que, grâce à sa capacité naturelle, le capital crée la valeur, elles confondent une partie avec l?ensemble. Le capital peut être considéré comme une cause de la valeur mais en aucun cas comme la cause de la valeur.

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En réalité, les causes de la valeur sont, à la fois, le travail, les facteurs naturels et le temps. Les facteurs du capital sont des étapes intermédiaires dans le processus de production, entre les ressources naturelles et l?objectif des biens de consommation. Celui qui utilise les biens d?équipement atteint le but plus rapidement. Les instruments permettent de parcourir le chemin plus vite et dans de meilleures conditions.

Parce que le travail humain utilise ces instruments pour améliorer la production, nous pouvons dire que les biens d?équipement constituent une force instrumentale servant à la création et à l'accroissement de la valeur économique.

Adam Smith expliquait comment la productivité du travail, moteur fondamental du développement, augmente grâce à l?augmentation du nombre de machines ou à leur perfectionnement, en facilitant le travail. Pour une division et une distribution plus appropriée des tâches, un capital supplémentaire est nécessaire.[4]

Les biens d?équipement réalisent une fonction de médiation entre le travail et les marchandises pour obtenir des biens adaptés aux nécessités humaines. En utilisant la terminologie de Menger, nous pouvons dire que, grâce à la médiation des instruments dirigés par le travail humain, les biens d?ordre supérieur se transforment progressivement en un bien de premier ordre pour, finalement, réaliser les objectifs humains. [5]

Sans avoir la capacité de satisfaire de manière immédiate les besoins humains, ils servent à la production de biens du premier ordre, s?intégrant ainsi à un processus de satisfaction de ces nécessités. [6]

Les biens d?équipement permettent de renforcer l?essence, la nature du produit du travail humain ainsi que d?augmenter sa quantité et sa qualité. Grâce au progrès technologique, nous essayons de simplifier nos activités et nous tentons aussi de dominer davantage la nature, en réussissant à rendre réelles des possibilités jusque là inédites. Les instruments du capital accompagnent toujours l?homme dans sa volonté d?humaniser son monde.

1 DEFOE, Robinson Crusoe, Orbis, Barcelona 1988, p.55.

2 BÖHM-BAWERK, Capital e interés, Fondo de Cultura Económico, México 1986.

3 Pour plus de précisions sur les théories de la productivité du capital, nous recommandons les oeuvres de Schön, Riedel, Roscher, Kleinmächter, Rossi, Molinari que Böhm-Bawerk a largement traitées.

4 SMITH, A. Investigación sobre la naturaleza y causas de la riqueza de las naciones, FCE,

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México 1982, p.310.

5 MENGER. Principios de economía política. Cit. p55.

6 MENGER. op. cit. p. 52.

2. Les biens du capital agissent sous la direction du travail humain Les biens d?équipement renforcent le travail de l?homme dans sa tâche d?humanisation de la matière. L?erreur de Malthus consiste à ne pas avoir été suffisamment attentif au fait que l?apparition de nouvelles machines a permis à la société de produire des « biens salaires » - selon la terminologie de Malthus- avec une quantité moins importante de travail-force. Avec sa vision négative du progrès économique qui n?offrait aucune solution pour améliorer le niveau de vie des masses, il ne put observer que l?épargne des gens pouvait être investie dans la production de biens d?équipement permettant ainsi une plus grande efficacité du travail futur.

« Aujourd?hui,à mesure que la richesse générale augmente, le rôle des machines et des outils est de plus en plus important. Les merveilleux progrès économiques des deux cents dernières années ont pu être réalisés grâce aux biens d?équipements engendrés parles épargnants et l?apport intellectuel d?une élite de chercheurs et de chefs d?entreprises »[7]

Les biens d?équipement sophistiqués, dont nous pouvons profiter à l?heure actuelle, sont à notre disposition grâce à l?épargne des générations passées. Nous avons le privilège de vivre à l?ère de l?informatique et de la communication, et sans nous en rendre compte, nous sommes en train de profiter des fruits de l?épargne originelle, celle de pêcheurs primitifs qui, en fabriquant les premiers filets et les premières embarcations,avaient consacré une partie de leur temps à faire des provisions pour un futur lointain. Nous avons, aujourd?hui, les moyens d?améliorer notre travail grâce à ce que, jadis, produisirent, nos ancêtres.

Les biens d?équipement, facteurs intermédiaires produits hier, sont les instruments parfaits pour augmenter la productivité du travail actuel.

Les biens d?équipement exercent une influence sur l?origine du rapport réel de la valeur parce qu?ils sont dirigés par la cause efficiente, c?est à dire par l?activité humaine.

Ces instruments ayant été produits grâce à l?intervention de la terre et surtout du travail, de nombreux auteurs ont considéré qu?ils représentaient un capital uni aux ressources matérielles, naturelles. D?autres, comme, par exemple, les défenseurs de la théorie de la valeur-travail, considèrent ce capital comme un travail incorporé parce que, selon eux, il est le produit du travail humain du passé et a pour finalité l?augmentation de l?efficacité du travail humain.

Selon la théorie de la productivité marginale, l?intérêt était la rétribution de l?usage de ce capital parce que celui-ci permettait l?augmentation de la productivité de la force de travail. D?autre part, les biens d?équipementsqui demandent la même quantité de travail pour être fabriqués recevaient la même rétribution. La rémunération de tout capital est déterminée par la rétribution

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correspondant à la dernière unité ajoutée de capital.

Attribuerun rendement propre aux biens d?équipement ne correspond pas à la réalité, le capital n?est efficient que dans la mesure où il est utilisé par le travailleur. L?homme est prioritaire sur les biens d?équipement, c?est lui qui leur transmet leur finalité et par conséquent leur valeur. Ce serait une erreur d?attribuer aux biens d?équipement un pouvoir indépendant. Il faudrait même différencier la production de plus de marchandises et la production de plus de valeur, la productivité physique ou technique et la productivité économique. Puisqu?il est difficile de séparer la productivité physique du travail, il serait également faux d?attribuer aux biens d?équipement une productivité en terme de valeur, car cette productivité fait référence auxfinalités que, seul, le travail peut donner.

Les biens d?équipement sont toujours engendrés par la réunion de deux facteurs : les ressources naturelles et le temps. Ils n?ont donc pas de capacité propre de production. Mais nous devrions aussi, comme Mises, prendre en considération le facteur temps.

Pour les biens d?équipement, il faut distinguer deux effets : celui qui est causé par le seul instrument et celui qui naît de l?intention de son utilisateur. Dans l?exemple classique du pinceau de l?artiste, on observe que le pinceau facilite l?application de la peinture sur la toile grâce à ses propres caractéristiques, cependant, la beauté du paysage du tableau est due au génie de l?artiste qui a su utiliser le pinceau. Le génie permanent du peintre est acquis de forme transitoire par le pinceau dans la mesure où l?artiste l?utilise. Le bon peintre a toujours la capacité de peindre un bon tableau ; le pinceau, lui, ne peut le faire que s?il est utilisé par la main de l?artiste. Le pinceau n?a pas de capacité de production en terme de valeur. Dans les mains du peintre il ne peutqu ?aider à créer de la valeur.

Pour que les instruments puissent exercer leur tâche de médiation, il faut qu?ils soient adaptés aux biens matériels qu?ils transforment mais aussi et surtout, aux caractéristiques de l?homme qui les utilise. Le développement technologique revient aux nécessités réelles de l?activité humaine, à la taille réelle de l?homme, en évitant la démesure technologique qui déshumanise et par conséquent autodétruit. [8]

C?est ce que Schumacher défend en prônant l?expansion d?une technologie intermédiaire, à petite échelle, plus décentralisée, une technologie qui utilise plus de main d??uvre, comme au Japon où elle a contribué à son développement vigoureux. Le développement technologique doit aller de paire avec un développement culturel du travail humain. Si ce n?était pas le cas on créerait des îlots de démesure technologique entourés d?unemasse de personnes marginalisées ayant des niveaux technologiques primitifs.

Pour obtenir une croissance rapide et harmonieuse, une technologie intermédiaire, à mi-chemin entre une technologie primitive et une technologie sophistiquée, est plus effective. La technologie hautement sophistiquée qui demande de grands investissements est inaccessible pour la majorité des travailleurs. De plus, elle stimule la tendance à ne plus réaliser ce qui, au préalable, se faisait avec des techniques plus primitives.

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La technologie ne doit pas seulement s?adapter à l?homme elle doit aussi pouvoir se fondre à l?environnement culturel dans lequel elle va être utilisée. Le choix de technologies intermédiaires appropriées ouvre des voies d?action constructive dans une perspective de développement plus dynamique. Les différentes manières d?appliquer les connaissances ne doivent pas forcement être sophistiquées, comme par exemple dans le cas des pays ayant un excèdent de main d??uvre. Les différences entre le secteur technologique moderne et le secteur technologique traditionnel doivent être réduites. Dans le cas contraire, la désintégration sociale, qui se manifeste par unchômage massif et une migration à grande échelle, continuera.

Des instruments adéquats aux caractéristiques physiques et intellectuelles des êtres humains sont le minimum requis pour contribuer à une activité économique visant l?humanisation.

A tout moment, la cause efficiente doit contrôler les biens d?équipements si on veut que ces derniers soient réellement productifs. Si on perd le contrôle des machines, celles-ci ont tendance à travailler de manière automatique sans aucune visée humaine, en suivant leurs principes et leurs lois mécaniques. Les machines peuvent même se transformer en forces destructrices au lieu d?augmenter l?efficacité productive en terme de valeur, en terme d?humanisation. La croissance de la production physique, grâce à l?intervention des biens d?équipement n?implique pas nécessairement la croissance de la valeur économique en tant que rapport d?adéquation des réalités matérielles aux besoins de l?homme. La croissance est un élément essentiel de la vie. Mais il s?agit d?associer à l?idée de croissance la notion de qualité, ce qui doit nous inciter à penser que si certaines choses doivent croître, d?autres, au contraire, devraient diminuer. Le point fondamental, quand nous parlons de progrès technologique, consiste à déterminer, en termes de qualité, ce quifait le progrès.

7 MISES, La acción humana, Unión Editorial, Madrid 1986, p.458.

8 SCHUMACHER, Lo pequeño es hermoso, Hermann Blume, Madrid 1978, cap. 12.

3. Extension du concept de capital  

Au sens strict, le terme de capital s?applique aux instruments de production, aux machines et à la structure technologique ; mais peu à peu ce concept s?est étendu pour finalement regrouper tous les moyens servant à la production. Les produits intermédiaires sont compris dans la catégorie de capital et sont exprimés en termes monétaires, abstraits. Certains auteurs, à ce sujet, insistent sur le fait qu?il faut éviter de commettre l?erreur de considérer le capital de forme abstraite. La valeur d?un capital ( abstrait) dépend de la valeur des biens d?équipement qui l?intègrent. Le capital « libre » n?existe pas. Il apparaît toujours sous des formes spécifiques. Même le plus spécifique des biens du capital, l?argent, est affecté par les fluctuations du pouvoir d?achat et si nous faisons référence à des titres monétaires à la solvabilité du créancier. On ne peut parler de convertibilité parfaite puisqu?il faut toujours prendre en compte les variations qui se sont produites ou celles qui pourraient se produire. [9]

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Cependant, il existe une forte tendance à considérer le capital de façon abstraite età penser que c?est lui quipermet au chef d?entreprise de contrôler tous les biens concrets dont il a besoin puisqu?il peut les acheter. Le capital engloberait, donc, tous les services des agents naturels tels que les machines, les matières intermédiaires et même le travail. Ce pouvoir d?achat et de contrôle ? que le chef d?entreprise pourra utiliser pour réorganiser continuellement la production dans le but de réaliser de nouvelles combinaisons jugées plus intéressantes ? devient un nouvel instrument. On peut, par conséquent, considérer le capital comme une cause instrumentale fondamentale de la production aux mains du chef d?entreprise. Le chef d?entreprise deviendrait alors, le travailleur qui utilise pour réaliser sa tâche l?instrument que représente lecapital. Un capital qu?il emploierait pour acheter et disposer de tous les autresfacteurs de production.

La force du capital s?est développée de manière singulière quand est apparuel?association de capitaux à responsabilité limitée. Auparavant, les promoteurs d?utilité publique étaient les seuls qui pouvaient accéder aux grands projets, avec ce changement, on a assisté à l?incorporation automatique d?une multitude de promoteurs privés. C?est ce grand changement légal qui a permis d?entreprendre des projets de plus grande envergure, il coïncide avec les origines de la révolution industrielle.

Cette capacité du chef d?entreprise à faire plus d?achats est une cause efficiente dont les conséquences doivent être attribuées à celui qui la dirige et non à l?instrument.

Ce pouvoir d?achat plus général a une influence sur l?augmentation ou sur la baisse de la valeur économique, mais indirectement puisque, dans ce cas, c?est le travail du capitaliste qui en est la cause efficiente.

Dans l?histoire de la pensée économique, on a exalté le pouvoir du capital en oubliant de le considérer aussi comme un moyen de créer de la valeur. Pendant une longue période de l?histoire, les trois facteurs de base : la terre, le travail et le capital ont occupé les postes les plus importants, se transformant ainsi en axes principaux du processus économique. Avec la révolution industrielle, le capital devient l?axe essentiel : la terre et les différentes formes de travail pouvant être achetées par l?argent. Une nouvelle dynamique centrée autour de l?argent se forma, créant ainsi le marché où les trois facteurs originaires circulaient avec une mobilité sans précédent dans l?histoire. Cette révolution fut baptisée, à juste titre, capitalisme. Cette prépondérance du capital se développa d?abord au détriment du travail, provoquant ce qu?on a appelé la question sociale. Dernièrement, la supériorité du capital par rapport à la terre est en train de créer le problème écologique. [10]

Si le capital n?est plus un moyen mais une fin, il est dénaturé. La finalité est la croissance de la valeur pour l?homme des réalités matérielles. Les biens d?équipement, sont des instruments de la réalisation de cet objectif. La primautéde la cause efficiente sur la cause matérielle et instrumentale est une constante dans toutes les réflexions sur les causes de l?augmentation de la valeur.

9 MISES, op.cit. pp. 744-746.

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10 CHOZA, ?Sentido objectivo y sentido subjectivo del trabajo?, Estudios sobre la encíclica Laborem Exercens, BAC, Madrid 1987, pp.244-245.

1. Bref corollaire des premières théories sur la valeur  

La lente formalisation des théories classiques sur la valeur a été secouée par des vicissitudes analytiques quisoulignaient, tour à tour, le rôle primordial de la terre, du travail ou du capital. Il existe, cependant, un point commun : l?insistance obsessive sur le rôle de l?offre et des coûts. Les questions concernant la demande ont, elles, souvent été oubliées ; « L?habitude de Ricardo de donner une importance excessive aux coûts de production a été pernicieuse pour l?analyse des causes déterminant la valeur d?échange »[1]

Cette obsession pour les coûts, présente dans les théories d?Albert Magneet de l?école franciscaine, trouve sa justification dans l?idée que le bien-être est en relation directe avec une plus grande production de biens physiques. Cette opiniona été confirmée par Myint qui pensait que les économistes classiques ne s?intéressaient pas seulement « au problème consistant à optimiser la satisfaction des consommateurs, au sens moderne du terme, mais aussi à celui d?augmenter la production physique totale. Le principe central qui unit les diverses doctrines économiques classiques, en partant de celle de A. Smith jusqu?à celle de John Stuart Mill, comprend la proposition fondamentale qui suit : Le bien-être économique d?une société peut être développé : 1) en augmentant la productivité physique du travail, 2) en augmentant le volume total de l?activité économique au lieu d?accepter sagement la quantité donnée de ressources productives et de faire des ajustements raffinés dans la répartition de ceux-ciaux différentes industries. On en déduit, par conséquent, les deux canons principaux de la politique économique classique : 1) le libre commerce qui accroît laportée de la division du travail et apporte de nouvelles ressources au cadre productif 2)l?accumulation du capital qui permet à la société de maintenir une plus grande quantité de travail »[2]

Le caractère péremptoire des besoins matériels de l?homme pour sa subsistance, justifiait cette vision excessivement physique de la valeur mettant en relation les biens produits et la valeur produite. Dans ce contexte, les causes originaires de la production de marchandises en termes physiques seconfondent avec les causes originaires de la valeur.

La terre comme le travail et le capital ne peuvent se passer l?un de l?autre. Ils ne peuvent être séparés, ils ont besoin de se compléter pour atteindre une certaine finalité. La terre, le travail et le capital sont des causes distinctes de la production de biens et c?est leur collaboration solidaire qui rend possible l?augmentation du nombre de biens porteurs d?une plus grande valeur.

De manière très claire, les finalités de la production ont été oubliées dans tout le raisonnement classique antérieur. On a essayé de chercher les causes de la valeur dans le passé alors que c?est vers le futur que la valeur est tournée. Le moteur de la production se trouve dans les besoins futurs et dans les objectifs du sujet qui demande. Les théories subjectives et les causes subjectives de la valeur que Thomas d?Aquinmet en relief dans son interprétation de la doctrine aristotélicienne sont restées enfouies pendant plus d?un siècle jusqu?à ce que Jevons, Menger et Walras les aient fait réapparaître dans le dernier quart du XIX ème siècle.

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1 MARSHALL, Principios de economía, Aguilar, 4a ed. , Madrid 1963, p.74.

2 MYINT, Teorías de la economía del bienestar, Instituto de Estudios Politicos, Madrid 1962, p.25.

2. La renaissance des théories subjectives de la valeur  

Si nous oublions les causes finales de la valeur, elle disparaît. Il n?existe aucun facteur de production, aussi important soit-il, qui puisse incorporer à ses produits une valeur déterminée si nous ne prenons pas en compte les finalités de cette production.

Nous avions déjà indiqué antérieurement que, de manière surprenante, Adam Smith avait tronqué la tradition aristotélicienne de l?analyse de l?offre et de la demande qui grâce à Crocio, et via Pufendorf, était arrivé jusqu?à ses maîtres Carmichael et Hutcheson.

Quand, avec une coïncidence chronologique surprenante, Jevons, Menger et Walras, ont changé de perspective et ont adopté l?utilité comme axe central de la théorie sur la valeur, ils n?ont fait que ressusciter une vieille tradition. Ils ont raisonné avec plus de rigueur mathématique et ont redécouvert quelque chose qui dans la vieille tradition avait déjà été ébauché.

Emil Kauder a suivi la trace des lignes directrices du concept d?utilité depuis la diffusion européenne des écrits aristotéliciens jusqu?au mythique triumvirat en 1870. [3]

Les aspects subjectifs abondent dans l?évaluation économique autant pendant le Moyen-âge qu?à la Renaissance ou à l?époque de l?Illustration.

Son perfectionnement au fil des années a atteint un tel niveau que Kauder en est arrivé à affirmerqu?il aurait été possible, au temps d?Adam Smith, de fonder un systèmeéconomique basé sur le calcul de l?unité marginale.

Selon cette tradition aristotélicienne, la valeur des biens économiques découle de leur utilité individuelle, de leur rareté et de leur coût.De nombreux auteurs ont intégré cette tradition dans leurs travaux, tout d?abord, Thomas D?Acquin,Henri de Gand et Jean Buridan ? durant les XIII et XIVème siècles ? puis Léonard Lessius et Lottini - aux XVI et XVIIème siècles- ainsi queles autorités du Droit naturel pendant le XVII ème siècle, Hugo de Groot (Grotius) et Samuel von Pufendorf. Des économistes italiens et français ont lu les ?uvres de ces auteurs dont l?influence grandissait grâce en particulier à Lottini, Davanzatti, Montanari et Galiani qui avaient formé une école avec le principe commun de la valeur d?usage aristotélicienne, expliquant entre autres choses, la valeur de l?argentselon une base totalement subjective. L?axiome très populaire de Davanzatti « Tant ?altre cose vale, tant oro vale » démontre son importance.

Galiani est même arrivé à indiquer que ce n?est pas le coût du travail qui détermine la valeur mais plutôt la valeur qui détermine le coût du travail.

La théorie de Galiani sur la valeur a été reprise par Turgot qui a élaboré une théorie sur le change pratiquement identique àcelles que formuleront postérieurement Menger et Wicksell.

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Le mathématicien Daniel Bernoulli, en écrivant sur les jeux de hasard, a découvert douze ans avant Galiani, la théorie de la valeur marginale.

Pour sa part Condillac, a assumé, telle quelle, la théorie de Galiani, insistant sur le fait que les coûts ne sont pas la cause de la valeur, mais, qu?au contraire, c?est la valeur qui est la cause des coûts.

« Le père de notre science économique, écrivit que l?eau a une grande utilité et peu de valeur. En peu de mots, Adam Smith réduisit en poussière une pensée de deux mille ans. On a ainsi perdu l?opportunité de commencer en 1776, au lieu de 1870, avec une connaissance plus correcte des principes de la valeur »[4]

Bien que la théorie de l?utilité marginale ait été formulée antérieurement par Gossen, et que l?Espagnol Balmes soit arrivé à formuler des affirmations similaires, c?est en 1870 que se referma une longue parenthèse et que commença l?incorporation accélérée des causes subjectives finales à la théorie sur la valeur. [5]

Avec une nuance résolument hédoniste chez Jevons, une conception plus mathématique et abstraite chez Walras et un contenu plus réaliste chez Menger, le concept d?utilité s?intègreà tous les courants de pensée économique en réclamant le premier rôle. Les vicissitudes postérieures de la théorie sur l?utilité s?expliquent par ce qui va être associé à ce concept, cependant son rôle essentiel dans l?explication de ce qu?est la valeurne sera jamais remis en cause.

Jevons a été le premier à considérer l?aspect hédoniste de l?utilité. L?économie était considérée, alors, comme une science dont le but consistait à calculer le plaisir et la douleur : « L?objet de l?Economie consiste à obtenir un maximum de bonheur par l?acquisition du plaisir avec un coûtde douleur le moins élevé possible »[6]

Cette nuance de jouissance, héritée de l?utilitarisme préconisé par Bentham, n?a pas été un obstacle pour rendre à l?utilité la place qui lui correspondait dans la théorie sur la valeur.

« Le coût de production détermine le niveau d?utilité qui, lui, détermine la valeur »[7]

Les critiquesportées à la théorie de la valeur-travail redoublèrent au fur et à mesure que s?étendaient les théories sur l?utilité.

« Même ce que nous pouvons produire à volonté, grâce au travail, s?échange rarement à la valeur qui lui correspond?le fait est que le travail, une fois effectué, n?a aucune influence sur la valeur future d?un article : le travail appartient au passé. Dans le commerce, le passé c?est le passé, à chaque instant nous réévaluons la valeur des choses en nous référant à leur utilité future »[8]

Le concept d?utilité marginale, parfaitement définiégalement par Jevons, permettait d?introduire le concept de rareté en combinaison avec celui d?utilité. L?utilité d?un objet varie selon sa disponibilité. L?utilité baisse si la quantité augmente. [9]

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C?est en raisonnant sur le concept de rareté [en français dans le texte original] ou d?utilité marginale que Walras éleva toute la structure mathématisée de sa théorie sur l?équilibregénéral. Il a été le premier à choisir cette perspective très abstraite pour évoquer la théorie sur l?utilité et pour traiter de l?analyse économique en général.

Pour exposer ses opinions, il a nuancé certains aspects : « J?appelle richesse sociale, l?ensemble des objets matériels ou immatériels (parce que la matérialité ou non des choses importe peu dans ce contexte) qui sont rares, c?est à dire, que d?une part, ils nous sont utiles et d?autre part nous en disposons en quantité limitée ». Il ajoute : « Je dis que les choses sont utiles quand elles peuvent être utilisées pour quelque chose, quand elles répondent à un quelconque besoin et qu?elles permettent sa satisfaction »[10]

Pour suivre ce raisonnement, la production industrielle devrait poursuivre « un double objectif : tout d?abord, multiplier la quantité d?objets utiles qui n?existent qu?en quantité limitée et par la suite, transformer en directement utiles, les objets qui ne le sont que de forme indirecte »[11] .

Dans les pages précédentes, Walras avait abordé le concept d?échange : « Les choses utiles, en quantité limitée, ont de la valeur et sont interchangeables »[12]

Cependant, dans son ?uvre, Eléments de politique pure, l?élément mathématiquesemble tellement primer sur l?utilité, que nous avonsl?impression que ce dernier concept a été incorporé de façon quelque peu artificielle. Cassel a, lui aussi, choisi cette tendance, puisqu?il a reformulé le système de Walras en éliminant toutes les considérations sur l?utilité.

Carl Menger est, à notre avis, le plus représentatif des théoriciens de l?utilité. Il ne commet pas l?erreur de manifester un hédonisme trop évident ni, au contraire, de raisonner avec une certaine abstraction simpliste :

« Ces choses qui ont le pouvoir de satisfaire les besoins humains, nous les appelons les choses utiles. Dans la mesure où nous reconnaissons qu?il existe une relation de causalité et que ces choses dont nous parlons sont celles que nous utilisons, nous pouvons les nommer : biens [?] C?est ainsi, donc, qu?une chose se transforme en bien, ou plus exactement, pour qu?une chose atteigne la qualité de bien, il existe quatre conditions :

1°Existence d?un besoin humain.

2° Cette chose doit pouvoir satisfaire ce besoin humain.

3° L?homme connaît ce pouvoir de la chose.

4° L?homme peut disposer de cette chose pour satisfaire le besoin précédemment cité. »[13]

La théorie sur l?utilité de Menger est basée sur la valeur subjective, sur la signification que certains biens ont pour chaque individu ; elle explique comment les activités humaines ou les objets, tous deux,utiles,appartiennent à la catégorie de bien. Il applique la Güterqualität aux ressources productives qui ne se consomment pas directement, en soulignant leur

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complémentarité, il consacre une grande partie de son ?uvre à réfléchir sur la nature de l?argent, etc?

Malgré, le peu d?influence qu?il a eu, au départ, dans l?univers anglo-saxon, à cause des difficultés du langage, les écrits de Menger ont eu une répercussion importantesur certains grands économistes, comme ceux de l?Ecole autrichienne. Parmi ses adeptes, on trouve Sax, Komorzynsky, Mataja, Gross et Meyer, mais on retiendra surtout Wieser et Böhm-Bawerk.[14]

Avec les théories sur l?utilité, les causes finales subjectives de la valeur s?imposent avec force dans la pensée économique. Tout le processus productif est orienté vers l?utilité, vers la satisfaction des besoins subjectifs des individus. Les finalités de la nature humaine se profilent comme les grands protagonistes de la valeur économique. Si je veux balayer, un couteau ne me sera d?aucune utilité. Si je veux couper, un balai ne me servira à rien. Les objectifs de l?individu ont une influence décisive sur la valeur des biens.

Il n?existe aucun facteur de production capable de donner de la valeur aux produits physiques si ces derniers sont déconnectés des buts humains. La terre, le travail et le capital sont utiles s?ils sont orientés vers des objectifs humains. On peut travailler, jour et nuit, à la production de certains articles, avec un effort épuisant, mais si cette production n?est pas utile pour l?homme, elle ne vaut rien. Les causes de la valeur ont besoin, en plus d?une complémentarité horizontale entre elles, d?une complémentarité verticale par rapport aux finalités humaines.

3 KAUDER, ?Génesis de la teoría de la utilidad marginal desde Aristóteles hasta finales del siglo XVIII », The economic Journal, LXIII, septiembre de 1953, en El pensamiento?

4 KAUDER, op.cit.p.10.

5 BELTRAN, Historias de las doctrinas económicas, Ed. Teide, Barcelona 1989, cap.XVI.

6 JEVONS, The principles?, cit. p.27.

7 JEVONS, op.cit.p.165.

8 Id, ib, pp.158-159.

9 Id, ib, pp. 53-62.

10 WALRAS, op.cit, p.155.

11 Id, ib, p. 164.

12 Id, ib, p.157.

13 MENGER, op.cit., pp.47-48.

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14 STIGLER, ?Ensamiento economico en Carl Menger?, The journal of political economy,XLV, abril de 1937, en El pensamiento?

3. L'incorporation des causes finales à la théorie sur la valeur  

Dans les chapitres antérieurs, nous nous sommes limités à l?étude des causes originaires de la valeur car ce sont celles qui convergent vers la production physique de biens et qui sont nécessaires à l?existence de l?objet évalué, le sujet d?origine dans le rapport réel de la valeur économique. Les causes matérielles, efficientes et instrumentales participent, chacune avec ses caractéristiques, à l?amélioration de ces objets porteurs de cette capacité de satisfaction des objectifs humains.

Dans l?histoire, ces causes ont, d?abord, été prédominantes. L?analyse économique s ?étant orientée vers la connaissance plus approfondie du sujet d?origine grâce à la recherche technologique et scientifique, elle s?est, ensuite, tournée vers le sujet final : l?homme. Elle s?est intéressée àses besoins, à ses caractéristiques, à ses objectifs et à ses finalités.

L?économie classique concentrait ses analyses au niveau physique, elle supposait que les quantités de nécessités satisfaites sont proportionnelles aux quantités de produits physiques. Elle se concentrait sur les facteurs du coût et sur les méthodes pour augmenter la quantité et la productivité des ressources, face à l?augmentation du bien-être économique. Le coût, qui à son tour déterminait le prix, était constitué par le prix payé par les producteurs en considérant la force de travail, la terre et le capital nécessaires pour produire les marchandises.

« Quand les organisateurs de la production doivent soulager une situation de famine, l?efficacité est l?unique vertu. Mais quand cette vertu a été exercée amplement et s ?applique à des objectifs de moins en moins vitaux, la question du choix correct d?objectifs surgira probablement »[15]

Avec la revitalisation de l?utilité, la théorie de la valeur prenait une tournure totalement opposée. On y avait ajouté le concept « de ce qui était désirable » et les notions de causes finales subjectives. De ce point de vue subjectif, la production physique n?était pas nécessairement assimilée à la production en terme de valeur. Les facteurs de demande étaient déterminants dans le prix. Le coût était une conséquence du prix et non sa cause. La valeur des biens d?ordre élevé est toujours déterminée par la valeur des biens d?ordre inférieur qui les ont produits. De cette façon, il existait une possibilité d?augmenter le bien-être économique, non par une augmentation de la production physique, mais plutôt par unajustement de ces caractéristiques aux désirs des individus, en assignant plus efficacement les ressources aux finalités subjectives.

La nouvelle nuance des théories subjectives rappelait que l?intérêt des philosophes socratiques et scolastiques se portait davantage sur la distribution que sur la production. [16]

L?appareil productif, dans lequel on considérait jusqu?à présent que le travail était la cause efficiente, se mettait alors, vraiment, en marche.Les produits dela combinaison : terre, travail et capital passaient au service de l?usager final. L?utilité finale du produit, prise tout au long du processus productif, est mesurée par le client potentiel qui lui donne son application définitive.

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La demande de biens des consommateurs pour atteindre les objectifs finaux, constitue la cause et la raison de la production ainsi que de l?échange commercial. Les préférences de chaque individu représentent, plus que les finalités du chef d?entreprise, le facteur économique décisif. Car les finalités du chef d?entreprise sont dictées par les préférences des individus.

Chaque homme a des finalités différentes, et un même homme peut aussi avoir des finalités différentes selon le moment. Ces finalités se manifestent dans l?univers économique réel d?une manière totalement subjective ; l?appareil productif offre les moyens parfaits pour atteindre ce qu?ils choisissent dans chaque circonstance, pour atteindre les objectifs que l?homme dit vouloir atteindre.

La mesure des finalités se réalise de manière subjective. Ces finalités deviennent la cause finale subjective de la valeur économique qui stimule le processus productif. C?est seulement par rapport à ces finalités que la valeur prend tout son sens. Les différents biens sont évalués de manière dérivative, selon leur utilité pour atteindre ces finalités. Pour l?homme, les biens n?ont de valeur que s?ils lui permettent d?atteindre ses objectifs. La valeur des biens passe par la vision subjective des finalités de chaque individu.

Adopter une perspective quantitative sur les problèmes économiques constitue une erreur, cela revient à oublier qu?il n?existe pas de relations constantes dans l?évaluation d?un bien. Les vendeurs doivent, à chaque fois,faire un nouveau pronostic sur les situations futures. Les finalités subjectives influencentde manière décisivel?ensemble du système économique.

Le travail, la cause efficiente, n?est d?aucune utilité s?il n?est pas dirigé vers l?objectif, s?il ne prend pas en compte la cause subjective finale. Le travail peut devenir négatif, s?il ne peut atteindre, malgré tous les efforts qui le constituent, les finalités subjectives des usagers. Travailler n?est pas suffisant, il faut le faire bien, et il faut se diriger vers le but. Supposer que l?économie ne s?occupe quedes budgets matériels de la vie, serait une erreur. La détermination des finalités qui justifie le travail est une tâche intellectuelle. Grâce à son intelligence, l?homme détermine ses finalités et emploie les moyens adéquats pour les atteindre.

En suivant les plans et les stratégies dictés par la raison, on manipule les différents facteurs du processus productif qui deviennent alors des moyens d?atteindre les buts. Produire ne suffit pas. Nous allons pouvoir progresser à chaque stade de la production, en nous approchant de l?objectif.

En exerçant un travail, il faut toujours avoir présent à l?esprit sa finalité et transférer aux moyens pour l?atteindre la valeur initialement assignée aux finalités.

A l?heure de choisir l?objectif qui nous correspond le mieux ainsi que les moyens de l?atteindre, la variable qualitative va prédominer sur la variable quantitative. Les choix de chaque personne, refusant une option et en acceptant une autre, vont structurer les prix du marché. Les finalités conditionnent les choix et ceux-ci le complexe système de production à travers les prix. Les desseins subjectifs sont la cause finale de la valeur économique.

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Le travail de l?homme aune orientation déterminée. Par ses actes, l?homme se dirige vers un objectif. Il agit quand son désird?atteindre ses buts semble réalisable, dans le cas contraire il n?agirait pas car il sait que ce serait en vain. Ce but vers lequel il se dirige est en quelque sorte la cause de son activité. Le travail, cause efficiente de la création de valeur économique, n?est pas la cause principale. Le travail renvoie à un autre principe qui va l?influencer : sa finalité. Les actes du chef d?entreprise répondent aux objectifs, aux intentions de ses clients potentiels. Les finalités des consommateurs sont le moteur de l?économie. La finalité est la cause fondamentale de la valeur.

Avec l?analyse classique, qui se limitait à exagérer le rôle des facteurs du coût, il était logique que le travail occupe une place prééminente. Ricardo simplifia la théorie sur la valeur en lui attribuant la base exclusive de la force de travail. Puisqu?en ce temps là on ne considérait pas la finalité comme une cause fondamentale, il semblait cohérent d?attribuer à la cause efficiente un rôle plus important qu?à la cause instrumentale ou matérielle. Cette décantation de la théorie semblait inévitable, elle a, pourtant, augmenté les difficultés des économistes quand ils ont voulu interpréter le rôle de la terre et du capital dans la production. Mais le vide principal de cette théorie venait de l?exclusion des finalités de la production.

15 DE JOUVENEL, ?La eficiencia y la amenidad?, en ARROW/ SCITOVSKY, La economia del bienestar, Fondo de Cultura Economica, México, 1974, p.143.

16 SPENGLER/ALLEN, ?Escolastica y mercantilismo?, en El pensamiento economico de Aristoteles a Marshall, p.53.

4. Influence des causes finales subjectives à la cause efficiente  

La valeur qui est un rapport réel d?adéquation à l?homme dépend des finalités de ce dernier. Les encouragements au travail sont des pièces clefs de l?analyse économique, de la recherche sur les forces de la valeur.

La finalité est la première des causes, celle qui permet aux autres causes d?exister. C?est pourquoi, l?étude des finalités est de plus en plus importante dans la littérature économique. La finalité est la première étape des intentions et la dernière étape de la réalisation.

Au début de tous les mouvements cycliques ou erratiques de l?économie, on trouve toujours les définitions et redéfinitions, les différentes reconversions sur la concrétisation subjective des décideurs économiques des tendances et objectifs prioritaires de la nature humaine.

« Une des caractéristiques de la société libre est que les finalités de l?homme sont ouvertes, de nouvelles finalités peuvent surgir, produits d?efforts conscients, dus, au départ, à quelques individus,et qui avec le temps seront les finalités de la majorité » [17]

Chaquenouvelle découverte des sciences naturelles modifie le schéma des utilités primaires et fait apparaître une nouvelle concrétisationpossible des objectifs à atteindre.

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L?évolution temporelle de l?offre etde la demande générale subjective par secteurs, est un signe de l?évolution des consommateurs vers de nouvelles formes de vie, vers de nouveaux idéaux de vie et de bonheur.

Cette étude de l?évolution de l?offre et de la demande par secteurs de production est un signe de la recherche de l?utilité ultime, c?est un indicateur de ce que les gens de différentes époques et des différentes régions conçoivent comme étant ce qu?il y a de mieux. Les reconversions industrielles et structurelles sont la conséquence des reconversions des aspirations humaines vers des niveaux plus hauts d?amélioration en terme d?humanité.

« La loi de l?utilité marginale indique que la valeur des choses dépend de l?utilité du service qu?elles peuvent proportionner »[18]

La finalité est ce qui, dans le processus productif, ordonne la complémentarité entre les différents facteurs, elle explique que des événements succèdent à d?autres et cela sous une forme déterminée.

Par conséquent, comme l?affirme Mises, la richesse est motivée par le désir humain : « Invariablement, l?action humaine prétend satisfaire le désir de l?acteur. On peut seulement mesurer la plus grande ou plus petite satisfaction personnelle par des jugements de valeur individuels, différents selon les intéressés et pour une même personne, différents selon le moment »[19]

Mais ces différents jugements individuels de valeur sont extériorisés par les actes de consommation, qui consiste à consommer une chose et non autre au même moment. Des agents extérieurs peuvent capter ces actes de consommation, les étudier et, dans une certaine mesure, les pronostiquer.

L?homme qui agit désire ce qu?il n?a pas, ce qui pourrait mettre fin à son indigence. Il est le producteur de sa finalité, il travaille pour obtenir quelque chose qui n?existait pas sous cette forme auparavant.

17 HAYEK, Los fundamentos de la libertad, Unión Editorial, Madrid 1975, p.62

18 MISES, La acción humana, Unión Editorial, Madrid 1986, p.202.

19 MISES? Op.cit.p.40

5. Influences des objectifs subjectifs de l'être humain sur l'activité économique  

Il existe chez l?homme une dispositionnaturelle lui permettant d?agir en accord avec sa finalité qui consiste toujours à atteindre le maximum d?humanité. La consommation était l?objectif final du processus de production, mais la consommation n?est pas l?objectif final, elle est orientée par des objectifs humains ultérieurs. L?économie ou du moins l?individu quand il tente d?agir économiquement, doit aussi prendre en compte, les questions au-delà de la consommation. L?objectif ultime, moteur de la demande, ne s?arrête pas à la consommation, et par conséquent il

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faut étudier l?utilisation de cette consommation et l?objectif de cette consommation. Il faut toujours considérer que la consommation n?est pas l?objectif final, mais plutôt un moyen pour obtenir quelque chose.

La finalité est cause principale de toute tâche humaine, c?est ce qui apparaît en premier lieu ; et c?est donc la cause, même virtuelle, de n?importe quelle autre volonté. Les finalités confèrent une certaine unité harmonieuse aux autres comportements.

« On peut imaginer que tout individu possède des valeurs ultimes, quelles soient biologiques ou en relations avec ses modèles culturels. Ces valeurs sont, cependant, en grande partie, inconscientes. Ses préférences explicites vont aux instruments qui permettent d?obtenir ces valeurs ultimes. La relation entre les deux ensembles de valeurs n?est pas unique ; pour un ensemble donné de valeurs ultimes il peut y avoir différents ensembles de valeurs instrumentales dépendant de la connaissance par l ?individu des moyens adéquats pour atteindre ses valeurs ultimes »[20]

Le concept concret d?utilité influence, par la demande, les chefs d?entreprise. Ces derniers, à leur tour, cherchent à influencer les consommateurs par les techniques de publicité et de marketing pour leur imposer leurs propres critères sur la nature humaine et l?utilité telle qu?ils la conçoivent.

La finalité attire le sujet qui doit agir pour l?atteindre, en agitant une nécessité ou une orientation naturelle et en mettant en action ses facultés opératrices.

Dans la finalité se trouve le désir, ce qui comble un certain penchant. La limite à toute tendance constitue une amélioration pour le sujet. La finalité est adéquate pour l?homme, parce qu?il essaie de l?atteindre en fonction de ce qu?il désire. Avec l?économie moderne, subjective, la théorie sur les prix devenait une théorie générale du choix humain dans laquelle les objectifs occupaient un rôle important.

Ces finalités sont multiples mais on appelle finalité ultime, celle vers qui, convergent toutes les autres. Nous nous intéresserons fondamentalement à ces fins ultimes de l?économie.

La valeur est une capacité de caractère subjectif mais qui se base aussi sur les qualités intrinsèques des choses. La valeur est une capacité sur laquelle se répercutent continuellement les attentes pour le futur, ce qui implique que de nombreux facteurs très différents l?influencent. Ces facteurs, la plupart incontrôlables, ne dépendent pas d?eux même mais des événements, même psychologiques, qui ont des répercussions sur notre propre évaluation des choses. Si, comme à la fin du premier millénaire, l?idée d?une fin du monde imminente se répandait,tous les biens matériels perdraient immédiatement leur valeur. Des facteurs aussi subjectifs que la confiance dans le futur ont une influence réelle sur l?authentique valeur de la richesse de chaque agent économique.

La stratégie économique change, par exemple, selon les perspectives de l?homme : s?il considère que ses ?uvres vont pouvoir servir aux générations futures, il n?agira pas comme quand il veut solutionner ses besoins immédiats, résoudre l?éphémère.

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Toute évaluation étant un acte subjectif, dans la demande des biens, les facteurs influents ne sont pas quantitatifs. Ces facteurs peuvent être des considérations psychologiques, sociologiques, politiques, éthiques, culturelles, métaphysiques ou des jugements de valeur esthétique, mais aussi des traditions, des coutumes, des habitudes, des modes ou bien des idéologies. Essayer de réduire les recherches économiques aux facteurs d?ordre purement matériel revient à les condamner à un échec certain. La connaissance la plus approfondie de la nature humaine sera utile pour affronter la problématique des phénomènes de la valeur.

La prétendue neutralité des mécanismesdu marché n?existe pas. On ne peut parler de la mécanique du marché que métaphoriquement. En utilisant ces termes, on parle du marché comme s?il s?agissait d?une machine parfaitement structurée. Ce sont les actions humaines subjectives qui gouvernent le marché et déterminent les prix. Les finalités ultimes qui visent une amélioration personnelle, s?articulent autour de nombreuses options subjectives qui, par des voies différentes, atteignent le marché en l?influençant de manière décisive. Les idées font bouger l?économie. L?homme travaille, librement et en ayant conscience de ses actes, pour atteindre un but, c?est ce qui le rend particulier. L?homme n?agit pas aveuglément, en ignorant ce que va supposer sa conduite,il n?est pas, non plus, dirigé vers cette finalité par d?autres sujets ou par son instinct. Il se dirige lui-même vers son but. « Il est impossible de faire des propositions « économiques » qui n?aient pas des aspects « non économiques », quand l?économiste fait une recommandation, il est responsable de toutes ses conséquences ; tous les aspects de cette recommandation constituent sa responsabilité, qu?on les appelle économiques ou non »[21]

La fonction de l?activité économique devait consister à rendre possible la réalisation des vertus et le bien-être du citoyen de la polis selon Platon et Aristote. Malthus, par exemple, a aussi affirmé que la richesse et le pouvoir des nations sont désirables uniquement quand elles contribuent au bonheur.

Tous les auteurs coïncident sur le fait que l?homme aspire au bonheur, et que toutes ses activités sont dirigées vers lui.

« L?homme n?échappera pas à la mort. Cependant, maintenant, en cet instant, il est vivant. C?est la vie et non la mort qui s?approprie de sa personne. Il ignore, évidemment, le futur qui l?attend ; mais malgré cela il ne veut pas négliger ses besoins. L?être humain, tout au long de sa vie, ne perd jamais l?élan originel, l?élan vital [en français dans le texte original] Faire tout son possible pour maintenir et développer l?existence, est inné chez nous, tout comme se sentir insatisfait et essayer de ne plus l?être ou poursuivre, sans repos, ce que nous appelons le bonheur. Nous avons, en nous, un id, inexplicable et inaccessible, qui nous impulse, qui nous incite à vivre et à agir, qui nous fait désirer une amélioration constante. Ce moteur initial, agit tout au long de la vie et seule la mort peut l?arrêter [?]L?économie juge les actes de l?homme, exclusivement,selon leurs possibilités d?atteindre les objectifs »[22]

Si la valeur est subjective, et la finalité référentielle de la valeur est la recherche du bonheur, les différentes conceptions du bonheur, de la nature humaine ainsi que celles du monde, c?est à dire les diverses réponses subjectives aux éternelles questions de la philosophie, auront une influence décisive sur la valeur subjective de toutes les choses et sur l?évaluation des biens matériels, de la

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richesse économique. Nous pouvons conclure que ce sont les idées qui font bouger l?économie et non l?inverse. La structure économique est guidée par la superstructure des idées et non l?inverse. Le monde spirituel gouverne le monde économique, ou en d?autres mots, l?univers spirituel domine le matériel même s?il compte sur lui.

« Les évaluations individuelles sont la matière première avec laquelle on fabrique l?idée de bien-être »[23]

L?authentique économie, pour être humaine, doit prendre en considération les finalités, elle ne peut oublier que son but est de donner un sens à la vie de l?homme.

« Mieux encore, il semble que l?analyse économique réserve un traitement unifié de la conduite humaine et non humaine puisqu?on reconnaît que les forces culturelles sont les principaux déterminants du comportement humain, et que les forces biologiques, détermine le comportement des espèces animales »[24]

Dans la structure finaliste de l?activité humaine, il faut différencier le choix, ayant pour objet quelque chose que le sujet puisse faire ou omettre de faire,ici et maintenant, de l?intention qui vise des finalités qu?elle ne peut obtenir immédiatement. La volonté est l?élément qui confère de l?intelligibilité à la conduite humaine. Les différentes actions humaines ont une signification et une valeur intrinsèques, mais leurvéritable sens ne se comprend qu?à partir des idéaux qui les ont motivées.

Bien qu?il existe une grande variété d?actes concrets, les objectifs à poursuivre ont habituellement une durée dans le temps plus importante. C?est pour cette raison que le comportement de l?homme peut avoir une signification cohérente. C?est quand nous arrivons à connaître les finalités qu?une personne veut atteindre par son travail, que nous comprenons ses actes car, à ce moment là, ils prennent tout leur sens.

La finalité du travail humain est complexe, l?homme tente d?atteindre plusieursobjectifs, mais tous ces objectifs n?ont pas la même importance. Dans cet ensemble de finalités, nous appelons finalité ultime celle qui est désirée d?une manière absolue et en vertu de laquelle l?homme désire toutes les autres. Cette finalité ultime esthabituellement appelée : le bonheur.

La recherche du bonheur est l?authentique objectif de l?homme, celui qui prédomine sur toutes ses autres activités, sur ses désirs et sur ses besoins. C?est pour cette raison que les continuelles rectifications et actualisations de cette recherche du bonheur, font varier la demande.

L?ensemble du travail de l?homme a une orientation déterminée, ses tâches sont toutes dirigées vers un objectif, qui est bien présent. L?homme, agit principalement, pour atteindre ce but, ce qui fait que, paradoxalement, cette finalité va représenter le tout début de sa tâche et en être le moteur fondamental.

La finalité à atteindre, présente dès le début du processus,stimule et donne un sens àtoute activité humaine.

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L?homme désire atteindre ces objectifs parce qu?ils sont bons et permettent la réalisation et le perfectionnement de ceux qui agissent pour les atteindre et finissent par y arriver. Toute personne qui agit, le fait pour devenir meilleur. L?homme sans but final, n?agirait pas.

Le « marginalisme »a permis l?introduction du concept de finalité en économie. Une nouvelle perspective sur la valeur a vu le jour, puisque la théorie ne se centrait plus sur le travail mais sur l?objet. Le produit et les facteurs qui influencent son appréciation par les consommateurs (utilité) permettent de comprendre l?estimation des biens et la formation des prix.

20 ARROW, Elección social y valores individuales, Instituto de estudios fiscales, Madrid 1974, p.192.

21 HICKS, Prefacio y un manifiesto, p.129.

22 MISES, op.cit,p.1270.

23 ARROW , op.cit, p.219. .

24 BECKER, Tratado sobre la familia, Alianza Editorial, Madrid 1987, p.282.

6. Dérivations postérieures de la théorie sur la valeur au sens subjectif  

Avec l?exaltation des finalités subjectives, on commit à nouveau une grave erreur : on mit de côté l?offre et les causes originaires pour se concentrer exclusivement sur les besoins subjectifs. La production fut reléguée à un second plan et on se concentra sur l?étude de l?efficacité dans l?assignation des ressources. Les quantités de ressources rares étaient distribuées et il s?agissait d?optimiser la satisfaction des individus.

Pour les classiques, la production était vitale. L?activité économique se présentait comme une lutte de l?homme contre la nature. L?analyse se situait à un niveau physique. La richesse matérielle n?était pas fixe, elle pouvait augmenter grâce au travail. Et même en supposant que les ressources naturelles soient invariables, la main d??uvre, elle, pouvait augmenter. Il s?agissait de combattre la rareté. Les classiques n?étaient pas intéressés par la répartition, en proportions particulières entre différents secteurs. Ils se préoccupaient plutôt de connaître le volume total de l?activité économique car, pour eux, c?est ce qui déterminait la richesse. [25]

Les théoriciens de l?utilité ne se sont plus intéressés à la production, ils ont préféré se consacrer à une étude minutieuse de la distribution et de la consommation. Cette tendance dérive particulièrement des économistes de « l?Equilibre Général », de l?école de l?utilité marginale.

La stérilité du système de Walras, selon Hicks, provenait du fait qu?il considérait une certaine quantité de ressources et des préférences des acheteurs qui ne variaient pas. Cela lui permettait d?expliquer comment étaient fixés les prix mais il n?expliqua pas ce qui se passerait si les goûts des consommateurs ou les quantités de ressources venaient à changer. [26]

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La théorie de la valeur-travail, malgré ses défauts, démontrait très clairement que nousne devons pas nous arrêter à l?efficacité du système économique pour attribuer les ressources dans une structure statique, il faut plutôt chercher les répercussions dynamiques des actions des particuliers sur le volume total d?emplois et le rythme de croissance économique. [27]

Cette dérive de Walras, puis de Clark, vers l?étude exhaustive de la répartition des ressources et l?analyse statique a été très importante sur le continent européen mais n?a pas eu les mêmes répercussions chez des économistes anglais. Ces économistes que nous pouvons considérer commenéo-classiques et parmi lesquels se détache Marshall, n?ont pas renoncé complètement à la perspective classique de la valeur-travail. Avec la théorie du coût réel, ils se sont rapprochés des lignes fondatrices de la pensée classique qui concevait le problème économique comme la lutte de l?homme contre tout ce qui l?entoure et comme une analyse dynamique, héritée de John Stuart Mill, fondée sur l?accumulation de capital et de population.

Ce mélange entre les idées économiques classiques et celles de l?école de l?utilité marginale, a marqué de manière importante la pensée économique anglaise entre 1890 et 1920. Telle une troisième force, ce courant est apparu, il se caractérisait par le pragmatisme du bon sens appliqué aux problèmes pratiques, réels, se distanciant ainsi de la tentative d?élégance formelle et de concision purement logique.

En plus de l?importante figure de Marshall, nous devons citer, ici, Sidgwick, Nicholson, Cannan, Taussig,Allyn Young et beaucoup d?autres économistes qui tentèrent de réussir la difficile synthèse entre offre et demande dans le problème de la valeur.

Quand Jevons a voulu souligner un aspect de la valeur que ces économistes avaient sous estimé, il a écrit: « De nombreuses études et recherches m?ont amené à croire que la valeur dépend complètement de l?utilité »[28]

25 MYINT, op.cit.

2 6 HICKS, Valor y capital, FCE, México 1974.

27 MYINT, op.cit. pp. 136-137.

28 JEVONS, Theory?, cit., p.1.

1. A la recherche des finalités objectives qui donnent du sens à la théorie sur la valeur  

En suivant le courant qui nie l?utilité du contenu hédonistique et en adoptant l?artifice géométrique de la courbe d?indifférence, Pareto a découvert que nous pouvions définir le concept de certains besoins en utilisant une échelle de préférence.Le concept quantitatif de l?utilité n?est pas nécessaire pour expliquer les phénomènes de marché. La théorie de Pareto a démontré qu?il était possible de formuler un concept rigoureux de «l?optimum » en évitant les comparaisons sur l?utilité et les jugements de valeur et en prétendant être valable pour tous les systèmes économiques.

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Avec « l?indice d?ophélimité », il a pu généraliser l?analyse de l?utilité pour les articles et a défini la notion « d?optimum » sans user de l?utilité mesurable ni les comparaisons interpersonnelles d?utilité. On ne peut améliorer le bien-être d?un individu sans détériorer celui d?un autre.[1]

La somme des utilités pourrait être reformulée en la faisant dépendre seulement des ordres individuels et non des indices d?utilité. La tendance, qu?avait lancée Fischer, de préserver l?économie de l?intromission de la psychologie, ouvrait un nouvel horizon théorique. Selon lui, pour fixer l?idée d?utilité, l?économiste ne devrait pas aller au-delà de «ce qui est utile » pour expliquer les faits économiques. [2]

La psychologie hédoniste, associée à la philosophie de l?utilité, a été utilisée pour déduire que le bien de chaque individu correspond à ses désirs. Chez Pareto, l?idée d?un idéal social était présente, mais formellement dissociée de toute idée concrète d?utilité et de bien.

L?optimum général de Pigou, moins rigoureux que celui de Pareto, et son produit marginal social vont occuper une place unique dans l?histoire de la pensée économique.

Son ?uvre The Economics of Welfare représente, selon Myint, une combinaison intermédiaire entre la perspective concrète et particulière des économistes anglais et la méthode formelle des économistes européens, entre l?optimum général européen et le néo-classicisme anglais.

On essayait, alors, de réaliser une fonction de bien-être social, formée par les différentes attitudes sociales des hypothèses individualistes se manifestant par la consommation individuelle. N?oublions pas que la révolution subjectiviste avait intronisé la consommation au rang de finalité. La possibilité d?avoir une opinion sur le bien-être social reposait sur une similitude des attitudes avec les alternatives sociales. [3]

L?économie du bien-être reposait sur une base subjectiviste, en considérant que les nécessités des individus sont connues et constantes.

De nombreux économistes, de Ruskin à Herbert Spencer ou de Veblen à F.H.Knight, en passant par Clark, se sont opposés à l?économie du bien-être en argumentant qu?un système qui se limite à accepter que les nécessités et objectifs des individus sont invariables ne peut être considéré comme une étude du bien-être social.

Se concentrer sur le mécanisme de satisfaction des besoins invariables suppose un niveau élevé d?irréalité. Non seulement les besoins changent continuellement mais en plus ils se caractérisent par le fait qu?ils augmentent et évoluent. La finalité des hommes consiste à tâter le terrain continuellement jusqu?à trouver leurs besoins exactset chercher de nouvelles bases pour de nouveaux besoins. [4]

Avec l?économie du bien-être, fondée sur le subjectivisme et des besoins connus et constants, on essayait de dépasser le bien-être individuel pour répondre à une fonction sociale, idéale et nécessaire.

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Hayek fut le grand critique de cette tendance. Il reprochait au collectivisme de Compte et à l?Historicisme de Schmoller,de transférer les méthodes des sciences physiques aux sciences sociales, sans faire de distinctions. Parce que les sciences physiques ne s?intéressent pas aux agissements de l?homme par rapport à la matière, mais seulement aux relations physiques des choses entre elles, on peut parler, dans ce domaine, de conduites universelles invariables. Nous avons tendance à accepter que le terme d? « ensemble » social correspondeà celui « société » et nous admettons le concept de « capitalisme » comme s?il s?agissait d?une entité objective. Hors, les seules matières dont dispose le chercheur en sciences sociales, sont les individus et leurs relations entre eux. Aucun modèle ne peut reproduire, avec exactitude, ces complexes relations qui peuvent se produirent simultanément dans la réalité.

Certains auteurs ont essayé de développer de fausses « théories » ou « philosophies » sur l?histoire, dans le but de démontrer que ces « ensembles » succèdent à d?autres, comme s?il s?agissait d? « étapes » ou de « phases » suivant « la logique des faits ».

La critique qu?Hayek fit à Compte et Schmoller peut s?appliquer à l?ensemble de l?école institutionnelle américaine, dirigée par Veblen.[5]

L?école institutionnelle, combinée auxenseignements de Clark, a permis l?existence de ce que nous appelons « l?école de la valeur sociale ». Parmi ses représentants, nous pouvons citer : B.M. Anderson, J.R. Seligman et J.M.Clark. [6]

L?idée de chercher « la valeur sociale » idéale, qui ne dépende pas du montage institutionnel de l?économie du changement et qui puisse être considérée comme valide pour un état socialiste, remonte au concept de « valeur naturelle » de Weiser. Selon cet économiste, cette « valeur naturelle » régnerait dans une société communiste idéale ayant une autorité centrale capable d?agir, tel un centre nerveux.[7]

L?idée que l?homme est la finalité de l?économie, a pris de plus en plus de valeur ces derniers temps et en particulier depuis l?introduction des causes subjectives finales dans l?analyse. Le composant humain est devenu important dans les considérations sur la valeur économique. L?élément humain, en opposition à l?élément mécanique, devient de plus en plus important dans la science économique. Cette nouvelle tendance est visible dans les études historiques de Cliffe Leslie, ainsi que dans les ?uvres de Bagehot, Cairnes, Toynbee et de bien d?autres encore. Marshall mentionnait les économistes allemands, en particulier Hermann et Wagner, quand il soulignait l?amplitude des efforts humains auxquels s?intéresse l?économie.

Avec l?élément humain au centre de la réflexion sur l?activité économique, il devenait difficile de maintenir une position éthique strictement neutre. Lors de l?étude du « contenu concret » des besoins, ou dans la comparaison entre deux situations où les besoins ont changé, il est difficile d?éviter une critique sur les jugements de valeur.Myrdal était catégorique sur ce sujet, ses arguments se retrouvent dans la citation de Mill : « Il est probable qu?une personne ne soit pas un bon économiste si elle n?est rien d?autre qu?une simple personne ».

La crise du subjectivisme excessif commence à se résoudre avec la recherche scientifique des finalités objectives de la nature humaine.

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Si nous admettonsla théorie de Knight-Clarksur la croissance dynamique inhérente aux nécessités, qui est un indicatif de la liberté et de l?originalité que Hayek a tant défendue,nous ne pouvons plus conserver la structure statique de la théorie sur l?optimum en traitant les changements sur les nécessités de « changements hexogènes » des données. Les besoins deviennent des données variables. Les besoins, les objectifs de l?action humaine doivent être étudiés.Mises affirmait que l?économie est une science de l?action, celle qui nous mène à chercher les motifs objectifs de l?action humaine. En étudiant la théorie sur la valeur, nous trouvons l?éthique. A mon avis, nous nous trouvons à cette étape de la pensée économique. Cela suppose une recherche subjective, de la part de l?économiste, sur les véritables finalités de l?homme dans ses actes économiques.

Tous ces éléments nous mènent à la conclusion suivante : si l?économie est « une étude de l?humanité des affaires ordinaires de la vie », ce serait une erreur de la considérer comme un processus mécanique satisfaisant des besoins fixes. Clark a écrit : « De nombreuses matières réellement économiques ne peuvent être considérées comme appartenant au terme de valeur d?échange » La perspective éthique du problème du bien-être n?est pas liée au concept économique de la valeur relative, mais plutôt à celui de valeur absolue. La mesure quantitative du succès, une fois les objectifs atteints, ne nous intéresse pas, nous nous intéressons davantage à la qualité éthique de ces objectifs.

« Un abîme logique sépare l?analyse du bien-être économique plus limité au niveau physique et l?analyse subjective du problème plus général du bien-être social au niveau éthique. Les deux premiers niveaux peuvent produire des propositions de bien-être scientifique pouvant être démontré logiquement. Mais on se limite à démontrer les implications d?une certaine action et à comparer la possibilité ou non d?atteindre certains objectifs par l?une ou l?autre des méthodes. Par conséquent, si nous voulons passer de l?analyse scientifique du bien-être à une politique sociale pratique, nous devons passer au niveau éthique et émettre des jugements de valeur pour savoir si nous devons ou non viser certaines finalités. Mais, si nous choisissons cette option, nous ne pouvons pas appliquer un calcul quantitatif pour évaluer la qualité éthique des finalités ultimes. »[8]

1 PARETO, Manual of Political Economy, McMillan, Nueva York 1971.

2 FISCHER, Mathematical Investigations on the theory Value and Prices, 1982, p.67, en HUTCHESON, Historia del pensamiento?

3 ARROW, op.cit., p.164.

4 KNIGHT, Risk, Uncertainty and Profit, University of Chicago Press, Chicago 1971. CLARK, Preface toSocial Economics, The Social Control of Business, The Trend Economics.

5 HAYEK, ?Scientism and the Study of Society?, Economica, agosto 1942; ?The Facts and the Social Sciences?, Ethics, octubre 1943, Economics and Knowledge, Economica, febrero 1937.

6 HANEY, ?The social Point of View in Economics?, Quaterly Journal of Economics, vol. XXVIII, 1914, p.115 y 292 y ss.

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7 SCHUMPETER, ?Social Value?, Quaterly Journal of Economics, 1909, p.416-20.

8 MYINT, op.cit.,pp. 389-390.

2. L'existence de causes finales objectives de la valeur économique Si les hommes cherchent toujours à atteindre un but final, c?est parce que celui-ci existe. Il existe une attirance vers cette finalité ultime inscrite au plus profond de l?être humain, et cette existence justifie l?urgence de déterminer, de manière concrète, la nature de cette finalité ultime. Si nous nous trompons sur la nature réelle de cette finalité, nous gaspillons nos efforts et notre inclination la plus profonde ira directement à l?échec.

L?homme a une raison d?être, et c?est en fonction de cet objectif qu?il a été doté de caractéristiques bien précises. En analysant ces caractéristiques, en analysant les pouvoirs de l?homme mais aussi ses penchants, nous pourrons connaître cette finalité qu?il a en lui.

Nous pouvons considérer certains éléments comme étant des preuves de l?existence de finalités objectives chez l?homme :

Nous pouvons observer, de manière empirique, que les individus, qui sont aussi des consommateurs, ne prennent pas de décisions au hasard, de manière arbitraire et aléatoire. Si les besoins humains n?avaient pas une certaine logique, ni l?économiste ni le chef d?entreprise ne pourraient les considérer comme des données.

Le subjectivisme nécessaire à tout choix économique n?est pas totalement imprévisible, il y a une certaine cohérence dans le comportement humain. Dans la vie de tous les jours, les chefs d?entreprise organisent la production selon la demande anticipée de leurs clients potentiels ; ils ont même recours à des experts en études de marché dont le travail consiste àdécouvrir ces tendances prévisibles.

Tout être vivant, qu?il en soit conscient ou non, se dirige, par son travail, vers une finalité. Dans le milieu naturel, il existe un ordre interne symptomatique de l?existence d?une finalité. L?objectif commun à tous les êtres vivants, est d?atteindre la perfection de son espèce. Cette attraction vers un objectif est inhérente à la nature des choses, c?est une des conséquences des principes de la nature. L?homme, en tant qu?être intelligent, connaît sa finalité, il l?a intériorisée, il peut même se fixer des objectifs alternatifs et adapter ses actions pourles atteindre.

L?évolution de la demande des consommateurs, par exemple, peut être considérée comme une donnée stable permettant des généralisations significatives : le consommateur passe des produits primaires aux secondaires puis aux produits de luxe, au fur et à mesure que ses revenus augmentent. [9]

Même si la recherche « d?un code commun dans le creuset des valeurs éthiques » peut sembler complètement inutile, comme le faisait remarquer Hayek, ce sont ces même « valeurs » qui, parce qu?elles sont « éthiques », deviennent des élémentsdéterminants de la demande commune.

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Il est difficile de se mettre d?accord sur ce qui devrait être considéré comme bien-être, par contre, l?accord est presque unanime en ce qui concerne la définition du « mal-être » : le manque de tout ce qui est fondamental à la vie humaine. Le bien-être d?un individu ou d?une société passe d?abord par une résolution du « mal-être ». Des hommes ont déjà exprimé cette idée en termes d?humanité courante ou en utilisant les principes de l?éthique chrétienne ou bouddhiste. On retrouve également cette idée chez Hobson dans son concept de « coût humain », chez Hawtrey lorsqu?il distingue les produits « d?utilité » et les produits « créatifs » ou chez le professeur Pigou quand il défend un niveau minimum national du revenu.

Si nous sommes prêts à accepter un dénominateur commun aux valeurs éthiques, nous pouvons considérer que nous sommes d?accord sur ce qui devrait figurer en premier sur la liste des problèmes sociaux urgents. [10]

La constatation empirique du fait que l?homme se trompe parfois dans ses actes économiques démontre que les finalités objectives existent.

L?erreur est humaine, mais nous avons, en plus, la faculté de pouvoir reconnaître cette erreur, et d?admettre,ainsi, implicitement, qu?il existait une possibilité de ne pas se tromper.

L?existence de finalités objectives peut se baser sur cette conscience généralisée de l?erreur reconnue.

L?homme s?approche de cette réalité objective en corrigeant son erreur, en la rectifiant. Nous apprenons de nos erreurs en les reconnaissant et en évitant de les commettre à nouveau. L?éthiquehumaine n?est pas rationnelle, elleapprend des erreurs pour pouvoir les rectifier dans le futur. [11]

La distinction de Menger entre les biens réels et les biens imaginaires est un argument supplémentaire en faveur de l?existence des structures objectives vers lesquelles tendent les structures subjectives. On peut considérer qu?un bien est imaginaire quand onlui attribue, de manière erronée, des propriétés qu?il ne possède pas ou quand il est supposé satisfaire des besoins qui, en réalité, n?existent pas. Dans l?opinion subjective des hommes, il existe, alors, une évaluation inexacte de quelque chose sans fondements.

Ces biens ont des qualités dérivées de propriétés ou de besoins imaginaires. Plus les hommes approfondissent la véritable essence des choses et leur nature authentique, plus le nombre de biens réels va augmenter et celui des biens imaginaires diminuer.

Il existe une claire relation entre le savoir et le bien-être, entre la connaissance authentique et l?amélioration des conditions de vie. [12]

Carmichael montre, lui aussi, l?existence de la valeur subjective, lorsqu?il la distingue de la valeur objective. Selon lui, l?utilité ou « aptitude » qui est un élément essentiel de la valeur peut être réelle ou imaginaire.[13]

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Un autre argument qui justifie l?existence de valeurs objectives fondées sur des finalités objectives est celui de la présence constante dans nos décisions économiques d?effets secondaires non désirés.

Les facteurs contre, ou avec lesquels nous devons agir sont souvent incontrôlés voire incontrôlables par l?homme. Cette réalité provoque un décalage entre nos actes et nos aspirations, entre vouloir et pouvoir. Dans ce dialogue entre un individu qui imagine, qui se fixe des objectifs subjectifs et le monde qui suit son cours ?des effets secondaires imprévus peuvent surgir.

Ces effets secondaires ont des répercussions a posteriori sur la volonté et la conscience de l?homme, en modifiant ses jugements de valeur et ses finalités pour de futurs projets. Ce décalage entre vouloir et pouvoir est le signe de l?existence de réalités objectives. Les répercussions de ces succès imprévus ou de ces échecs non désirés représentent des changements importants pour les finalités et les attitudes purement subjectives.

On ne peut séparer complètement la valeur économique des valeurs éthiques. Toute étude de la valeur, qui se veut complète ne peut se limiter aux aspects subjectifs. La réalité et sa représentationainsi que les concepts sur l?essence et sur le devoir, sont tous mutuellementimpliqués.Les effets secondaires [14] prouventl?existence des causes finales objectives de la valeur et l?attraction qu?elles exercent sur les causes subjectives.

***

La nature humaine a des finalités essentielles et une finalité ultime qui lui est propre. Le fait que l?homme agisse toujours en fonction de cette finalité ultime, montre l?attirance naturelle de l?homme vers un but parfait et définitif. Si l?homme poursuit cet objectif ultime, c?est parce qu?il tend à atteindre cette finalité absolue. Quand l?homme cherche librement la finalité qui correspond à son essence, ses efforts se voient récompensés. Par contre, si ces conditions ne sont pas remplies, cette recherche est frustrée et l?activité humaine devient un effort inutile. Si cette finalité ultime et objective existe, il semble logique qu?elle attire l?homme et que celui-ci l?accepte librement. Quand cette correspondance entre finalité subjective et finalité objective n?existe pas, c?est alors tout le processus qui est dans le faux et une reconversion des finalités devient nécessaire.

Nier l?existence des finalités objectives revient à convertir les finalités subjectives en objectives.

Les concepts purement abstraits, sans contenu, tels que « l?utilité », « le bonheur » ou « la valeur » vont empêcher l?investigation légitime de l?économiste sur les principes clefs de l?analyse des problèmes économiques.

La principale caractéristique de l?agent économique consisterait, toujours,à préférer une grande quantité de richesses à unepetite. Nous pouvons faire cette affirmation car le mot « richesse » n?a pas une signification concrète et définie, il s?agit d?un concept abstrait dans lequel nous pouvons inclure tout ce dont les hommes ont, réellement ou non,besoin.

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Une autre loi importante, tout aussi abstraite que la précédente, est celle de l?utilité marginale décroissante. En affirmant que les hommes tentent de répartir leurs revenus de la manière la plus satisfaisante, c?est à dire en essayant de répondre à leurs nombreux besoins, on n?explique ni ce que sont ces besoins ni quel est leur ordre de priorité. Se limiter à l?abstrait, en vidant les concepts de leurs contenus, revient à se limiter à la forme en n?apportant rien sur le fond.[15]

Quand nous essayons de remplir ce symbole par un contenu concret, les besoins deviennent, alors : «L?inconnue la plus obstinément méconnue de toutes celles du système de variables »[16]

« La séparation de l?éthique et de l?économie est une conséquence du triomphe de la vision mécanique du monde et de son application à l?économie. De Hobbes à Mandeville, pour tous, la mécanisation était valable pour l?économie nationale qu?elle fût classique, néoclassique ou marxiste. Les agents économiques sont considérés comme étant des acteurs poussés par des instincts insatiables et dont les activités dans la production doivent être partagées, entre la mécanique et la technologie, selon les lois d?équilibre du marché ou celles de la planification centralisée. Du point de vue ontologique, chez Kant par exemple, les sciences économiques font parties dessciences exactes et la raison pratique se limite, elle, au domaine de la moralité, de la volonté. On retrouve cette ontologie de l?économie chez David Ricardo mais aussi chez Marx. L?économie est considérée comme étant « un conflit avec la nature ?, une évolution des forces productives. La conception déterministe et mécanique de l?économie classique, néoclassique et marxiste,est évidente. Les aspects rationnels et éthiques de l?acte économique sont, dans leur grande majorité, exclus. C?est ce que confirma Léninelorsqu?il approuva la thèse de Sombart qui montre qu?il n?y a pas un gramme d?éthique dans le marxisme mais seulement des lois économiques »[17]

L?éthique ne peut être séparée de l?économie. On ne peut oublier, dans la considération de la valeur, une référence aux finalités humaines.La stabilité et la cohérence des actes, la conscience de l?erreur etl?existence des effets secondaires nous font affirmer l?existence des finalités objectives chez l?être humain.

On ne peut partir de la base d?une conception subjective, arbitraire et hédoniste, qui considère l?homme comme un ensemble de désirs et pour lequel on dissocie la liberté de toute référence objective.

9 CLARK, Conditions of Economic Progress, cap. Xet XII.

10 MYINT, Teorías de la economía del bienestar, Instituto de Estudios Políticos, Madrid 1962, p. 383. Cfr. HAYEK, Camino de servidumbre, Alianza Editorial, Madrid 1977. PIGOU, The Economics of Welfare, English Language Book Society, 1962. HAWTREY, Economic Destiny .HOBSON, Work and Wealth.

11 KOSLOWSKI, ? Moralidad y eficiencia?, Cuadernos Empresa y humanismo, Pamplona, Facultad de Filosofia y Letras, Universidad de Navarra, 1987, pp.67-70.

12 MENGER: ?Plus la culture d?un peuple est développé, et plus les homes ont approfondi l?

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analyse de la véritable essence des choses etde leur authentique nature, plus le nombre des biens réels est important et faible, celui des imaginaires » « Les peuples les plus pauvres en biens réels, sont aussi, généralement les plus riches en biens imaginaires »( op.cit. p.44-49)

13 ROBERTSON/ TAYLOR, ?El enfoque de la teoria del valor en Adam Smith? The Economic Journal, LXVII, junio 1957, en El pensamiento?p. 305.

14 KOSLOWSKI, op.cit.pp.67-70.

15 KNIGHT, Ethics of Competition, p. 36.

16 MYINT, op.cit, p. 356.

17 KOSLOWSKI, op.cit, pp.64-65.

3. Conséquence de l'existence des finalités objectives  

Une fois, l?existence de ces finalités objectives, admise, nous pouvons étudier leurs conséquences.

Si nous considérons, comme hypothèse de travail, qu?il existe une certaine harmonie universelle selon laquelle tous les êtres humains se dirigent, librement vers une finalité authentique, nous pouvons en déduire quechaque objet créé a une valeur correspondant à son utilité. L?utilité de chaque bien est le résultat d?un choix et d?une répartition harmonieuse des actes de consommation et de production, que l?homme a effectués par rapport à sa finalité ultime.

L?homme, étant un être intelligent et libre, nous pouvons supposer qu?il existe deux types de valeur : celle que l?homme a fixée selon certaines circonstances subjectives (le lieu, le temps, les désirs, les besoins) et d?autre part, la valeur objective et idéale : celle de la nature des choses, le résultat de cette parfaite harmonie universelle.

Nous pouvons distinguer une valeur objective et une valeur subjective, selon que nous nous référons à la capacité réelle des produits à répondre aux besoins humains ou à leur propension à correspondre aux finalités subjectives. La capacité objective correspond à une capacité idéale et la capacité subjective à une capacité réelle. La valeur effective des produits dans une société est une valeur subjective, mais il existe une valeur idéale qui correspondrait àcelle qu?un spectateur omniscient pourrait attribuer s?il savait ce qui est idéal et parfait pour chaque chose, à tout instant.

D?une certaine façon, la nature des choses n?est ni logique ni illogique. La logique est l?instrument dont l?homme se sert pour essayer decomprendre la nature des choses, mais cet instrument n?est pas valable. Les individus qui, dans une situation déterminée, vont agir sur le marché n?ont qu?une connaissance partielle des circonstances. Il existe donc un gap, entre l?idéal objectif et ce qui est subjectif.

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Les erreurs de calcul au sujet de la capacité subjective par rapport à l?idéal objectif sont à l?origine des crises économiques, des déflations et inflations, de la croissance et de la dépression, des équilibres et déséquilibres, de la richesse et de la pauvreté.

« Tout ce que nous pouvons savoir est que la dernière décision au sujet du bien et du mal ne sera pas la conséquence d?un discernement humain individuel mais plutôt de la décadence des groupes ayant adopté des croyances « erronées » »[18]

Quand un agent économique surestime la capacité d?un produit, à générer de la richesse dans le futur, sa valeur subjective étant supérieure à sa valeur idéale, il le paiera plus cher sur le marché. Plus tard, il se rendra compte de son erreur de calcul et essaiera de corriger la valeur subjective en l?adaptant à l?idéale. Parce que la valeur subjective réelle aura baissé, la valeur du patrimoine (toujours subjective) aura baissé, elle aussi.

Cette valeur idéale, objective, n?est pas une valeur fixe, elle varie selon les circonstances temporelles, elle est influencée par la valeur réelle, subjective, et par les décisions et redistributions que cette dernière supposent.

Sur l?île de Crusoé, la valeur subjective de quelques herbes est plus élevée que sa valeur objective, si l?on croit qu?elles ont des propriétés médicinales qui, par la suite, se révéleront inexistantes. Au moment de la déception, on réduira sa valeur subjective en l?adaptant à l?objective. Si, au contraire, on avait découvert des priorités médicinales sans même les avoir imaginées, la valeur subjective aurait augmenté et se serait adaptée à la valeur idéale.

Letotal des valeurs varie avec le temps puisque le temps permet de connaître avec plus de précisions l?utilité exacte des choses et permet de rectifier l?idée que nous nous faisons de cette utilité idéale. La valeur totale a tendance à augmenter, car chaque génération est en mesure de profiter des découvertes, des progrès et des rectifications des générations antérieures.

« Si les hommes étaient, simplement, des animaux d?une espèce supérieure, comme les abeilles qui vivent et travaillent ensemble de façon instinctive, la description et l?explication des phénomènes sociaux en général et en particulier, des phénomènes de production, distribution et consommation de la richesse, constituerait une science naturelle. Cette science, à vrai dire, ne serait rien d?autre qu?une branche de l?histoire naturelle, une simple conséquence de l?histoire naturelle des abeilles. Mais tout cela est faux. L?homme est doté de raison et de liberté, il est capable de prendre des initiatives et de faire des progrès. En matière de production et de distribution de la richesse, ou plus généralement,dans tous les domaines de l?organisation sociale, un choix est possible entre ce qu?il a de mieux et ce qu?il y a de pire. L?homme a tendance à choisir ce qu?il y a de mieux. »[19]

Mon approche coïncide avec celle des marginalistes, quand ils affirment que c?est la qualité du produit, son adéquation parfaite, qui donne de la valeur aux facteurs de production, et quand ils montrent que la valeur d?un produit est la conséquence de l?appréciation de ce produit sur le marché. Mais j?ajoute que cette appréciation peut être erronée. Un individu peut croire qu?un objet a de la valeur alors que cet objet n?est qu?un mirage. Le produit a, en plus de cette valeur

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obtenue par sa demande sur le marché, à un moment déterminé, une valeur objective, idéale, différente.

Au fur et à mesure que les hommes augmenteront leurs connaissances des différents produits et de leurs différentes utilités, la valeur du marché ressemblera davantage à la valeur objective du moment.

Le niveau d?information du consommateur, non seulement, en ce qui concerne les caractéristiques du produit, leur localisation, mais aussi sur la qualité de ses objectifs, devient le facteur clef pour que la valeur du marché s?approche le plus possible de l?authentique valeur de tel produit ou de tel service.

La consommation des biens et des services qui ne permettent pas à l?homme d?atteindre ses objectifs, même si ceux-ci sont fortement appréciés sur le marché à un moment déterminé, devrait décroître postérieurement, et les produits seront substitués par d?autres.

Tous les changements que suppose la recherche du véritable bonheur sont à l?origine des transformations de la demande, qui, à leur tour, impliquent des mutations de l?offre.

Ces reconversions et ces nouvelles demandes stimulent la recherche et la découverte de nouvelles « utilités » pour des produits qui avaient été rejetés ou ignorés.

L?étude de l?évolution de la pensée ou de la vision philosophique de la vie nous donnera une idée précise de ce qu?est l?utilité ultime subjective. De cette étude, nous pourrons déduire les constantes historiques qui nous donneront une indication de ce qu?est le bonheur objectif que vise, inconsciemment, l?utilité subjective.

L?homme, naturellement et librement, veut atteindre le bonheur. Il lui arrive de se tromper de chemin et de s?éloigner de son but. Tôt ou tard, les hommes ou un seul d?entre eux, captent un aspect concret de ce bonheur objectif et vont vouloir le rendre perpétuel.

« Nos jugements sur la qualité de la vie ne sont pas des expressions d?un caprice individuel mais ces jugements se rapprochent d?une valeur objective même si celle-ci est approximative »[20]

L?étude scientifique des authentiques finalités humaines et la communication du résultat de ces recherches au plus grand nombre de personnes, constituent le véritable moteur, la véritable orientation de tout le processus économique de production.

De plus, la connaissance, la plus objective possible, des capacités des différents biens matériels et de leurs relations complémentaires, est fondamentale pour appréhender de manière objective, la valeur économique et pour connaître les caractéristiques objectives de la nature humaine. La science économique doit découvrir l?homme, tel qu?il est,et sa façon d?agir dans le monde. Elle doit substituer des conceptions abstraites de l?homme par des conceptions plus en accord avec la véritable nature humaine et ses exigences. Les sciences qui étudient la nature humaine doivent intéresser le chercheur en économie. Il doit tenter de découvrir, dans le domaine de la nature mais aussi dans celui de l?homme, cet ordre objectif inhérent.

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Nous pouvons affirmer avec Joseph J. Spengler que l?homme habite deux sphères : l?objective, la réelle et l?analytique ou hypothétique. La sphère du réel est constituée par l?ensemble des faits, discordants et confus en apparence, mais dont l?harmonie pourrait être perçue par un observateur omniscient et sans préjugés qui viendrait d?une autre planète. La sphère de l?hypothétique est formée par les inventions mentales plus ou moins géniales d?un théoricien de la réalité socio-économique qui se baserait sur sa perception subjective du monde réel pour le comprendre et, si possible, lecontrôler.

La sphère de l?hypothétique conçue par les théoriciens de la réalité socio-économique constitue une partie importante de l?idéologie de leur société. Cette idéologie est un élément essentiel du bagage spirituel qui, conjointement avec l?équipement matériel,va déterminer le bien-être des individus de cette société. Dans cette sphère subjective, il faut distinguer les éléments irrationnels des éléments rationnels, et parmi ces derniers,ceux qui vont être compatibles ou non, avec la sphère réelle.

« Le progrès de la théorie sociale et, en grande partie, de la capacité humaine à se représenter son environnement physique et spirituel, consiste à substituer des inventions mentales irrationnelles par des inventions mentales rationnelles, et à remplacer celles qui sont incompatibles avec le monde réel par des compatibles. » [21]

En raisonnant et en observant, nous essayons de faire progresser le système « objectif » des actes humains. Par cette recherche, nous pouvons nous faire une idée de ce qui est le mieux pour l?homme, et par conséquent, des finalités qu?il doit poursuivre. Si le quartz, l?orange ou le canard ont une nature spécifique, il est logique que l?homme ait la sienne et que,par conséquent, elle puisse être l?objet d?un effort rationnel d?observation et d?analyse. L?étude de la valeur économique nous conduit à l?analyse anthropologique de la vérité scientifique de l?être humain.

La valeur économique n?est pas une simple série de circonstances aléatoires mais, au contraire, quelque chose que nous pouvons déduire objectivement de la nature des choses ou de la nature humaine.

Ce sont ces faits qui sont à l?origine de l?éthique authentique, une éthique éloignée des conceptions utilitaristes qui la réduisent aux aspects sociologiques. Au-delà des subjectivités des civilisations, des individus et des sociétés, il existerait une éthique universelle définissant un ensemble de normes objectives de conduite, totalement indépendante du contexte culturel.[22]

« Nous ne pourrons respirer tranquillement que quand l?homme se sera retrouvé et lorsqu?il aura récupérésa propre nature »[23]

Ce qui est essentiel, pour déterminer la valeur, se trouve dans les couches les plus profondes de la sphère morale et spirituelle de chaque personne, mais aussi dans l?éthique qui questionne les finalités que nous nous proposons pour savoir si elles sont compatibles avec les finalités d?autres hommes ou avec les finalités de la nature. L?économie, influencée par l?éthique,facilite les moyens permettant d?atteindre ces objectifs. Parce queles objectifs et les moyens sont interdépendants, on ne peut séparer l?éthique de l?économie.

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« Les questions éthiques sont inéluctables : il faut avoir des finalités pour juger les politiques, et ces finalités doivent avoir un contenu éthique, même si celui-ci est bien caché » [24]

C?est cette conviction de l?existence d?un ordre objectif, qui poussa Adam Smith, et beaucoup d?autres, à élaborerune synthèse cohérente des rapports économiques. Les phénomènes économiques sont des manifestations d?un ordre sous-jacent de la nature, gouverné par des forces naturelles que le théoricien doit essayer de découvrir et de rendre visible dans la mesure de ses possibilités.

Chez Smith, nous trouvons cette conviction de l?existence d?une perfection objective.

« L? ius naturale romain, par le biais des écrits de Grocio et de Pufendorf,a fortement influencé la pensée de Smith. Mais l?emphase de la Renaissance, la philosophie naturaliste de Shaftesbury, Locke, Hume, Hutcheson, ainsi quele théisme optimiste des philosophes écossais, tout comme l?empirisme de Montesquieu, l?ont influencéplus fortement et de manière plus immédiate. La science, la philosophie, la technologie, la psychologie et l?Histoire, sous la direction d?Adam Smith,allaient démontrer l?existence d?un ordre de la nature ayant des intentions positives envers le genre humain. » [25]

Adam Smith développe sa conviction de l?existence d?un ordre, se manifestant par l?action des forces de la nature et des propensions innées de la nature de l?homme, dans son ?uvre Théorie des sentiments moraux. C?est cette théorie qui a permis par la suite l?élaboration de La richesse des nations. Sa tentative d?approche de la nature des choses a été plus ou moins réussie, mais on ne peut nier qu?elle a été motivée par la conviction rationnelle de son existence. Si l?ordre objectif n?existait pas, tout effort pour s?en approcher serait vain.

Les finalités objectives étant inaccessibles, il semble inutile de construire toute la logique du processus productif sur un pilier irréel. Cependant, comme nous savons que les finalités subjectives rejoignent les objectives, il nous suffit d?étudier les subjectives ? présentes dans la pensée de chaque être humain ? en analysant leurs applications : les actes et habitudes de consommation et de production.

« Je crois qu?il est possible de découvrir un ensemble de préceptes généralement admis sur le comportement éthique personnel et de démontrer sa concordance avec le comportement de l?utilité pour la domination des individus » [26]

En analysant les habitudes de consommation et de production, nous pouvons découvrir des aspects du bonheur objectif : l?habitude de dormir pendant un nombre d?heure déterminé, par exemple. Si nous tenons compte du fait que cette habitude dure depuis des siècles et peut s?observer en tous lieux, nous pouvons dire qu?il y a une relation entre le fait de dormir quelques heures et l?amélioration de la qualité de vie.

Le développement des services médicaux, est un autre exemple. C?est un signe de l?augmentation de la demande de santé mais aussi un indicateur de notre recherche innée de prolongation de la vie. La vie est l?élément indispensable pour atteindre le bonheur. Les taux de suicideet leurs causes sont un signe de l?absence du bonheur, un signe de malheur.

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« La loi de l?utilité marginale ne se réfère pas à la valeur au sens objectif mais à la valeur au sens subjectif. Elle ne fait pas allusion aux propriétés chimiques ou physiques des choses, elle s?intéresse, seulement, à leur aptitude à promouvoir le bien-être de l?homme. Elle ne s?occupe pas d?une certaine valeur intrinsèque des choses mais plutôt de la valeur que l?hommeattribue aux services que ces produits vont pouvoir lui rendre. » [27]

Mais l?homme peut se tromper, il peut ignorer quel est son état de réalisation totale. Nous pouvons supposer, même si cela reste une hypothèse, qu?il existe effectivement un état de perfection, de bien-être maximal, pour chaque personne et à chaque instant. Si nous prenons en compte la capacité de rectification de l?être humain, nous pouvons penser qu? « il existe diverses étapes dans notre approche asymptote de l?état, après lequel, il n?y a plus de nouvelle action. » [28]

Tous les objets de l?univers ont un but à atteindre, un besoin humain à combler, et l?homme, qui est celui qui estime leur valeur, a lui aussi, ses objectifs, une finalité concrète et définie, en tant qu?individu mais aussi en tant que représentant de l?humanité.[29]

Même, une fois ces objectifs atteints, l?homme ne cesserait pas d?agir. Cette situation engendrerait de nouveaux buts subjectifs et objectifs à conquérir. L?homme est un être pensant et son activité intellectuelle et spirituelle ne cesse pas.

Il existe, donc, réellement,une main invisible. Et même si nous les méconnaissons, il existe des utopies que tout être humain peut atteindre.

« Quand le niveau de développement était moins élevé, nous pouvions exclure, temporairement,le savoir de l?économie, de la science, et de la technologie, mais maintenant que nous avons atteint un niveau de prospérité important, le problème de la vérité spirituelle et morale est celui qui occupe la position centrale. »[30]

De nombreux économistes ont signalé, à plusieurs reprises, que la fécondité démesurée de la nature, grâce au travail humain, semble se mettre à disposition de l?homme pour qu ?il puisse atteindre ses objectifs. Ces économistes ont aussi reconnu les avantages et l?harmonie que l?ordre naturel du marché arrive à créer. Ils se sont réjouis des progrès scientifiques et de la polyvalence des richesses matérielles, à l?heure de servir l?homme. Ils reconnaissent que ces capacités à être utile, à avoir de la puissance, ne sont pas des créations humaines. Cependant, ils ne se hasardent pas à sauter le pas et à reconnaître qu?il doit forcement exister des idéaux objectifs accessibles.

Si nous admettons l?hypothèse qu?il existe une pléiade de valeurs objectives et ultimes qui attirent les subjectives, nous constatons, alors, que le bénéfice subjectif augmentera dans la mesure où nous nous approcherons decet idéal.

En tant qu?économiste, nous devons, également, nous glisser dans le sanctuaire des motivations de l?action humaine, dans le sanctuaire de la liberté. Nous devons chercher ce qu?il y a au-delà de la consommation, vérifier quelles sont les lois qui, sans détruire notre liberté toute relative, arrivent à la gouverner. Nous nous demanderons ce que cherche à obtenir l?homme par ses

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combinaisons de travail et de consommations, c?est à dire par son activité économique. La finalité de l?activité économique ne se limite pas à la consommation. Il nous faut ouvrir cette porte du sanctuaire de la consommation si nous voulons enrichir nos connaissances sur la réalité économique. Au-delà de la consommation et de l?emploi, nous trouverons les solutions des paradoxes et contradictions classiques qui se sont succédés tout au long de l?histoire économique universelle.

Les finalités sont essentielles pour tous les êtres. Comme l?indique Alejandro Llano, la perte des finalités du monde prive l?homme de références qualitatives et inverse l?image qu?il a de lui-même. Si on perturbe le rapport entre les moyens et les objectifs, l?image de l?homme etdu monde s?appauvrit. Si les finalités viennent à manquer, nous nous retrouvons avec un rapport de moyen à moyen, dans un processus indéfiniqui n?atteint jamais de véritables buts. La recherche obsessive de la consommation ou de l?efficacité est une attitude sans objectifs qui finit par se révéler complètement inefficace. Le mouvement sans but n?est rien de plus qu?une répétition monotone.[31]

La société post-industrielle se caractérise par un plus grand intérêt pour la discussion sur les finalités, sur la qualité qui prime sur les questions purement mécaniques.

L?économie étant une activité humaine et l?homme étant composé de matière et d?esprit, il est normal que son esprit influe sur la matière et que la matière soit influencée par l?esprit. L?homme est un être libre mais sa liberté est relative car elle est conditionnée, entre autre, par l?espace et le temps. Comme tous les autres êtres, l?homme possède une finalité qui lui indique comment se comporter, comment agir pour l?atteindre. L?homme est l?être le plus adapté objectivement pour atteindre son objectif. Si cet objectif est le bonheur, l?homme est capable objectivement d?être heureux.

Ces lois de l?action humaine ont une influence fondamentale sur les phénomènes économiques. Si la science économique veut continuer à progresser, elle ne peut diviniser la consommation, elle doit se laisser porter par le courant de la finalité qui attire l? être humain.

« On peut résumer la doctrine idéaliste, en disant que chaque individu est régi par deux lois : celle qui le dirige dans ses activités quotidiennes et une deuxième qui serait plus importante dans certaines conditions idéales, et qui, en quelques sortes, serait plus authentique que la première. C?est cette deuxième loi qui est importante pour le choix social. » [32]

18 HAYEK , Les fondements de la liberté, Unión Editorial, 4°ed, Madrid 1982.

19 WALRAS, Elementos de economía política pura, Alianza Editorial, Madrid 1987, p.144.

20 DE JOUVENEL, ?La eficiencia y la amenidad?, en ARROW/ SCITOVSKY, La economia del bienestar, p.135.

21 SPENGLER, ?El problema del orden en los asuntos económicos?, The Southern Economic Journal, XV, Julio 1948, en El pensamineto económico?p.22.

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22 CLARK, J.M, The Etical Basis of Economic Freedom, The Kaganjian Foudation Lectures, 1955. ROBBINS, Teoría de la Poíitica Económica, Ed. Rialp, Madrid 1966. WRIGHT, Democracy and Progress, Nueva York 1948. ROTHBARD, M, The Ethics of Liberty, Humanities Press, AtlanticHighlands 1982.

23 ROPKE, Más allá de la oferta y la demanda, Union Editorial, Madrid 1979, p.26.

24 STIGLER, El economista. Ed. Folio, Barcelona 1987, p.9.

25 VINER, ?Adam Smith y el ?laissez faire? ?, The Journal of Political economy, XXXV, abril 1927, en El pensamiento?p. 321.

26 STIGLER, op.cit.p. 62.

27 MISES, La accion humana, Union Editorial, 4a ed, 1986, p.201

28 MISES, op.cit, p.201.

29 HARSANYI, ?El bienestar cardinal, la ética individualista y las comparaciones interpersonales de utilidad?, en Teoria del bienestar, p.75.

30 SCHUMACHER, Lo pequeño es hermoso, Hermann Blume, Madrid 1978, p.29.

31 LLANO, A, El futuro de la libertad, Eds. De la Universidad de Navarra, Pamplona 1985, p.127.

32 ARROW, Eleccion social y valores individuales, Instituto de Estudios Fiscales, Madrid 1974, P144.

4. L'inaccessibilité des finalités objective  

Aucun esprit humain ne peutréellement appréhender les finalités objectives de tous les hommes. Quand on sait combien il est difficile de découvrir ses propres finalités, on ne peut imaginer que quelqu?un puisse prétendre être le détenteur des finalités objectives de tous.[33]

Le théorème général de l?impossibilité d?Arrow indique que : « si nous excluons la possibilité de faire des comparaisons d?utilité entre les personnes, les seules méthodes satisfaisantes qui nous permettront de passer des goûts individuels aux préférences sociales, seront imposées ou dictatoriales. »[34]

La norme de la majorité n?est pas non plus un indice de la proximité des finalités objectives car elle reste à un niveau subjectif.

Le concept sur les finalités de la société ne provient pas nécessairement d?une autorité dictatoriale qui supplante les expectatives de chaque individu, ni de normes sanctionnées par une

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majorité inévitablement subjective. Il provient d?un rapprochement généralisé de cet idéal utopique et objectif à partir duquel se forme le bien-être social.

Pour s?assurer que la volonté est « générale », on peut avoir recours au principe de la majorité, mais,comme le dit Knight, on ne doit pas s?en servir comme d?un mécanisme permettant de subordonner un ensemble d?intérêt à un autre. De plus, il ajoute que nous devons supposer quela discussion politico-économique représente une recherche de politique objectivement idéale ou « optimale » et non un conflit d?intérêts.[35]

Ni la force du pouvoir d?une dictature, ni l?imposition de la majorité, ne peut soustraire à l?individu le droit et le devoir de rechercher sa finalité ni la responsabilité de ses actes. L?être humain, limite finale du processus de l?activité économique, se différencie des objets car il a conscience de son existence, parce qu?il est capable de découvrir ses objectifs et de vouloir les atteindre, parce qu? il est maître de ses actes et, en définitive, parce qu? il est libre. Cette faculté de pouvoir connaître les finalités objectives de sa nature et la volonté de se diriger vers leur réalisation démontre la causalité objective de la valeur économique. [36]

Le concept de valeur « sociale » a été utile puisqu?il nous a laissé croire qu?il serait possible de trouver le dénominateur commun entre différentes valeurs régnantes dans une société donnée. Mais ce concept peut aussi nous amener àeffectuer un transfert de la responsabilité morale, de l?individu vers la « société », terme flou s?il en est. Si nous voulons être précis, chaque individu,devrait assumer les responsabilités morales des valeurs qui règnent dans la société, car un jugement de valeur ne devient pas meilleur, uniquement, parce qu?il est partagé par un grand nombre de personnes.

« Finalement, et par conséquent, quand l?économiste abandonne l?analyse du bien-être, au sens stricte, et pénètre dans le royaume de la politique pratique, en tenant compte de ses effets sur le bien-être humain, il doit recourir à ses propres valeurs éthiques ou accepter les valeurs éthiques de la majorité des personnes de la société où il vit. Cette dernière solution ne lui permet pas de maintenir une certaine neutralité éthique, puisque, de manière implicite, il préfère suivre l?opinion généraleplutôt que d?accepter d?être guidé moralement par une minorité de personnes instruites, dont il fait partie. » [37]

C?est seulement en reconnaissant l?existence de valeurs objectives permanentes, qu?il est possible de trouver la place de la politique économique, sans que celle-ci soit imposée par une dictature ou par les intérêts arbitraires de certains individus. Si la démocratie oublie cette réalité et avec autosuffisance, s?idolâtre, elle se convertira en tyrannie et étouffera toutes les forces créatrices de valeur dans le domaine économique.

La finalité ultime existe, elle est réelle. La subjectivité s?ouvre à la réalité de ce qui est objectif. La conduite objective ne doit pas être confondue avec la neutralité. Elle implique, plutôt, un compromis avec la réalité des choses.

Messer dit de la valeur en général, ce que nous pouvons appliquer à la valeur économique : « La valeur de quelque chose, que ce soit une personne ou un objet, n?a pas été décidée lors de l?

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estimation. Il s?agit plutôt d?une reconnaissance, la valeur n?est pas inventée, elle est découverte. »[38]

Les valeurs, selon Scheler, sont des « qualités irréductibles, des essences unies à des significations ». Ce ne sont pas les valeurs objectives qui varient, mais la « conscience de la valeur » qui appréhendent plus ou moins intensément cette valeur objective.

Les réalités matérielles représententdes moyens d?atteindre les finalités les plus élevées de l?homme. Ce qui est réellement important, c?est ce que nous faisons de ces finalités.

« Se référer à la réalité objective implique de s?intéresser au produit, de contribuer avec lui à la manifestation et à laréalisation du projet qui lui est inhérent, en mettant entre parenthèses l?action du sujet et en ignorant l?utilité du produit. Il s?agit de « conspirer » avec les produits »[39]

Les actes qui nous mènent à l?ultime objectif supposent des attitudes garantissant l?équilibre et le développement correct de la vie individuelle, économique et sociale de l?homme.

Nous ne pouvons nous limiter à une causalité purement subjective. Tous ces efforts pour s?approcher davantage d?un résultat objectif, ne sont pas inutiles, car ce sont ces causes finales objectives qui sont à la base de la valeur économique.

33 WALRAS, op.cit, pp.152-153.

34 ARROW, op.cit, p.148.

35 MYINT, op.cit, p. 296. Cfr. KNIGHT, Economic Theory and Nationalism.

36 WALRAS, op.cit. .p. 152-153.

37 MYINT, op.cit.pp. 386-387.

38 MESSER, La estimative o filosofia de los valores, Madrid 1932, p. 19.

39 LLANO, A, op.cit, p.35.

1. Considérations hédonistes sur l'objectif de la production  

« La capacité de plaisir des êtres humains est très faible en comparaison avec leur capacité active : une compensation entre les deux est impossible et compromet le futur, car ressentir du plaisir au futur est un contresens. »[4]

L?insistance sur les causes originaires de la valeur, en particulier de la valeur-travail, des économistes classiques, nous ont fait oublier les causes finales de la valeur.

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Un des apports les plus importants des théoriciens de l?utilité, que ce soit Menger, Jevons ou Walras, a été de rétablir l?importance de la demande et avec elle, des causes finales de la valeur.

Mais la philosophie hédoniste, qui a fortement influencé les théoriciens de l?utilité ainsi qu?une grande partie de la pensée économique postérieure, a, en quelques sorte, annulé cette avancée. On a rendu aux finalités le rôle important qu?elles méritent, mais on a confondu l?objectif de tout le processus de production avec la consommation. La consommation est devenue le bien final.

Selon la vision hédoniste de la nature humaine, héritée de Bentham, le composant matériel, celui qui ne servait qu?à procurer du plaisir, devenait une finalité. Dans ce contexte, la consommation qui proportionnait le plaisir, était positive, et le travail, qui supposait l?effort et la fatigue, était négatif.La base de l?économie qui consiste à obtenir le plus de bénéfice possible avec un minimum de perte, devenait alors :obtenir le plus de plaisir possible avec un minimum d?effort et de fatigue. Obtenir une consommation maximum avec un minimum de travail. Jevons, sur ce point, a écrit : « On ne peut obtenir une véritable théorie de l?économie qu?en revenant en arrière, aux grands ressorts de l?action humaine : les sentiments de plaisir et de douleur. »[5]

Au lieu de considérer que l?utilité et la valeur économique étaient en relation avec les véritables finalités humaines, ils identifiaient l?utilité et la valeur avec le plaisir, avec la satisfaction hédoniste.

Marshall, pour donner un autre exemple significatif, a écrit : « La force des mobiles d?une personne peut être mesurée, approximativement,par la somme d?argent qu?il est prêt à dépenser en échange de la satisfaction désirée mais aussi par la somme qui serait nécessaire pour le convaincre de fournir un effort important.» [6]

Marshall, a essayé, plus tard, de corriger, dans une certaine mesure, sa conception hédoniste.Guillebaud, indique à ce propos : « En particulier, dans sa première édition des Principles, Marshall utilisa, de manière très libre, les mots « plaisir » et « douleur »? Dans la troisième édition, cependant, Marshall semblait plus sensible aux critiques contemporaines et il corrigea quelques pages, en effaçant le mot douleur et en remplaçant, dans la majorité des cas, le mot « plaisir » par « satisfaction », « bénéfice » ou « gratification ». Ainsi, l?utilité totale d?un bien pour une personne, devenait « le bénéfice ou satisfaction totale produit par un bien pour cette personne » et l?utilité était définie comme étant « le pouvoir de produire un bénéfice ». » [7]

En insistant trop sur la consommation, le travail est passé au deuxième plan. On a exagéré le rôle de la consommation et on a sous-évalué celui du travail.

En idolâtrant la consommation matérielle, « souveraineté du consommateur », ils n?ont pas aidé au développement postérieur de la science économique.

Les marginalistes et leurs théories subjectives de l?utilité considéraient que la consommation est le point final, alors que ce n?est pas le cas. La production est effectivement tournée vers la consommation, mais ce n?est pas le point final car la consommation présente est tournée vers la

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consommation future, et donc vers la consommation des autres individus et la consommation future.

Il faut savoir sortir du sanctuaire de la consommation, en tenant compte des différents types de consommation et des diverses proportions de la demande, et ouvrir la porte de l?humanisation de l?appareil productif. En vénérant, de manière excessive, une consommation fondamentalement, matérielle et hédoniste, et en condamnant le travail parce qu?il représente un effort, ils ont ignoré une demande de consommation de biens plus humains, une production, également, plus humaine.

En réagissant contre les théories de la valeur-travail, ils ont adopté une position excessive, celle d?une consommation qui force les finalités de la nature humaine.

La mentalité matérialiste de la nature humaine fait que les forces de production se tournent vers les biens de consommation et exercent leur influence sur les consommateurs, par le biais du marketing et des techniques publicitaires. Ils orientent, en quelques sortes, la demande et renforcent, ainsi, cette mentalité matérialiste. La demande potentielle, et ses possibilités infinies de croissance, se limite au domaine exclusivement matériel. Les désirs et besoins spirituels restent, eux, sans réponse. L?homme prisonnier de la matière se ferme, lui-même, les portes de sa réalisation humaine. Les besoins matériels semblent toujours urgents, et c?est pour cette raison, que l?homme consomme des biens matériels en abondance, oubliant d?introduire un peu de temps pour se consacrer à ses désirs et besoins moins matérialistes.

Les théories de la valeur-travail et celles de l?utilité hédoniste ont une perspective fondamentalement matérielle des besoins humains. Elles s?intéressent peu aux autres nécessités, moins matérielles mais plus humaines.

Les sociétés occidentales ont déjà atteint un niveau important de développement matériel et de bien-être, ce qui permet à beaucoup de ces besoins non matériels de faire leur apparition dans le monde de l?économie.

4 POLO, ?La interpretacion socialista del trabajo y el futuro de la empresa?, Cuaderno Empresa Humanismo, n°2, Universidad de Navarra, Pamplona 1987, P.8.

5 JEVONS, Escrito de 1862, párrafo 2 a la British Association, citado por KNIGHT, ?La economía de la utilidad marginal? en El pensamiento económico de Aristoteles a Marshall.

6 MARSHALL, Principios deeconomia, Aguilar, Madrid 1963, p.14.

7 GUILLEBAUD, Economic Journal, 1942, p. 342.

2. La consommation : bien intermédiaire  

« L?homme a de multiples besoins? La satisfaction, même complète, d?une seule nécessité ne peut suffire à remplir notre vie et à assurer notre bien-être. .. Une certaine harmonie dans la satisfaction de nos besoins est fondamentale? Tous les biens dont dispose un individu, en tant

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qu?agent économique, sont conditionnés par leur qualité de bien? On ne peut rester en vie et maintenir notre bien-être qu?en nous unissant avec les autres biens. »[8]

« Au-delà de la consommation », un critère d?harmonie est nécessaire, une finalité ultime qui régisse les actes de l?homme en tant que consommateur. Nous n?avons pas seulement besoin de biens, mais d?une certaine proportion de ces biens, mélangés à d?autres,à des moments et des endroits précis.

Veblen, rappelait que les sensations agréables de la consommation ne représentent pas le seul objectif de l?effort économique.

La demande de produits finis, ne répond pas seulement à un critère de plaisir plus important. Il existe beaucoup d?autres critères de sélections des dépenses, qui dépendront des objectifs etdes préférences plus personnelles des consommateurs.

Une dérive des théories utilitaires s?est caractérisée par la tendance à différencier le concept de plaisir de celui d?utilité. Sous l?influence de Bentham, Jevons avait associé les deux termes enbasant tout son raisonnement sur une philosophie hédoniste. Toujours dans cette optique, la nécessité de mesurer l?utilité pour différents individus se fit rapidement sentir. De manière manifeste pour Jevons et Walras, et de manière implicite pour Menger, l?utilité d?un produit dépendait de sa quantité. Ils ont élaboré une fonction d?utilité totale additive. Edgeworth compliqua la fonction en introduisant les interrelations entre différents produits,passant ainsi à une fonction générale de l?utilité. De plus, il mit au point les courbes d?indifférence pour obtenir une analyse graphique de l?utilité.

En plus d?Edgeworth, d?autres auteurs utilisèrent la fonction additive, tels que Böhm Bawerk, Wieser, Clark, Barone, Wicksell, Wicksteed et même Marshall- dans les premières éditions de ses Principes-ou Pareto. [9]

Selon toutes ces versions, les variations de la quantité de plaisirque peut représenter une même somme d?argent pour différentes personnes et dans des circonstances distinctes est une des principales limites de l?analyse.Plus les différences psychologiques, biologiques et même culturelles sont importantes entre deux individus et plus la marge d?erreur des comparaisons de leurs utilités sera grande. [10]

Comme l?indique Hutcheson, ce sont les travaux de Fischer qui marquent le début de l?élimination du contenu hédoniste dans l?analyse de la théorie de la valeur.[11]

L? « utilité » qu?il essaie de cerner n?est pas cette « utilité » baignée dans la psychologie hédoniste, celle qui servait habituellement à cette époque, mais plutôt ce queFischer décrivait comme « ce qui est désiré ».

Fischer fraya lechemin de l?aventure qui consistait à construire une théorie de la demande des consommateurs basée sur l?hypothèse d?une échelle de préférences, et en abandonnant tous concepts dépendant de l?utilité quantitative. Slutsky (1915), Hicks et Allen (1934) ont travaillé à ce type de démonstrations.

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Le choix d?un individu peut être décrit au travers d?une échelle de préférences sans aucune signification cardinale, individuelle ou interpersonnelle. Kaldor, lui aussi, a défendu l?idée qu?il est possible de dire qu?une situation est meilleure qu?une autre, du point de vue économique, sans avoir, nécessairement, besoin de faire des comparaisons interpersonnelles de l?utilité. [12]

Von Wieser, un disciple de Menger, avait affirmé que le principe de l?économie qui vise à maximiser l?utilité, devrait être séparé de la philosophie hédoniste puisque ce principe ne vise pas établir les finalités de l?existence. Le temps a donné raison à Wieser.

Samuelson a écrit que grâce aux réfutations constantes d?auteurs comme Bentham, Sidwick ou Edgeworth, on ne retrouve plus dans les ?uvres modernes de discussions sur les plaisirs particuliers, pures, impures, etc.[13]

Mais le fait d?enlever au concept d?utilité son contenu hédonistique, le fait stagner dans une abstraction subjective à force d?abstraction, nous pouvons aboutir à un concept passe-partout, qui, parce qu?il est valable pour tout, ne nous sert à rien.

Avant d?exposer notre point de vue sur ce sujet, nous devons ajouter que le fait de ne plus évoquer le plaisir de la consommation, l?a démythifié, on ne le considére plus, alors, comme la finalité de la production économique. Si consommer n?est pas la finalité, cela signifie qu?il y a d?autres critères au-delà de la consommation, et que les produits que nous appelions finis deviennent des produits intermédiaires servant à atteindre d?autres objectifs.

La théorie de Gary Becker va dans ce sens : « Nous introduisons, de manière formelle, dans l?analyse, une théorie modifiée sur la décision de consommation selon laquelle les biens achetés sont des facteurs de production de « marchandises » qui font, directement, partie de la structure de préférences. (?) Les individus « produisent » ces marchandises, en combinant les différents produits du marché, le temps nécessaire pour la consommation, et d?autres facteurs de production. (?) Cette perspective abandonne la séparation traditionnelle entre production et consommation et convertit les individus en producteurs et en consommateurs. »[14]

Becker analyse, selon la méthode sui generis,le processus de productiondans le foyer, où la viande et le poisson, par exemple, sont des facteurs de production pour obtenir des saveurs et conserver la santé. [15]

Mais la santé et les saveurs ne sont pas non plus des biens finaux, ce sont des biens intermédiaires qui ont pour fonction de produire la richesse future, d?améliorer l?activité future, le travail futur. Becker ne réussit donc pas à trouver la finalité ultime, il tombe, lui aussi, dans une conception hédonistique de la nature humaine.

Sraffa, en suivant une perspective plus analytique, plus abstraite, considère, lui aussi, que les biens finaux sont des biens intermédiaires. [16]

Il distingue les produits de base de ceux qui ne le sont pas, en les définissant comme des produits qui s?intègrent à la production de tous les autres. En ce sens, nous pourrions élargir, quelques

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peu, la définition, en y incluant les biens de consommation qui servent au maintien du capital humain et qui finissent, donc, par faire partie de la production de toutes les marchandises.

Dans ce cas, les prix des produits finis de consommation dépendraient « non seulement de l?usage que nous faisons de lui dans la production d?autres marchandises de base, mais aussi, de sa dépendance envers d?autres marchandises qui contribuent à sa production. On pourrait être tenté de dire, même si cela donnait lieu a de possibles erreurs, que sa relation de change « dépend autant de la demande que de l?offre ». »[17]

Klein a tenté une intégration de l?offre et de la demande, en essayant d?obtenir une combinaison des flux de production par secteur, eux même influencés par leur niveau de demande, et les niveaux de demande par secteur, influencés par les productions sectorielles. C?est ce qu?il appelle le modèle Keynes-Leontief dans lequel la demande est générée par un système de type Keynésien et les relations interindustrielles par le système Leontief. Plus simplement : le comportement keynésien du modèle combiné représente le versant de la demande et le composant Leontief, celui de l?offre. [18]

Dans la même lignée que Klein, nous pouvons citer à V. Tanzi qui, lui aussi, plaide pour une combinaison de politiques d?offre et de demande.[19]

D?après ce schéma, le processus circulaire selon lequel les produits étaient, au départ, les facteurs de production pour se transformer en biens de consommation, devenait maintenant plus complet. En effet, le même type de produits pouvait, à la fois être un moyen de production et une marchandise. Les biens de consommation sont à la fois, des facteurs de production puisqu?ils participent au maintien et à l?amélioration de l?activité productive future de l?être humain.

Considérer la consommation comme un bien intermédiaire permet d'observer que la dépense aide à la réalisation d?un objectif total, comme l?indiquait Menger :

« Nous désignons, la totalité des biens dont dispose un homme pour satisfaire ses besoins, par le terme de « possession de bien ». Elle ne nous semble pas être une quantité de biens accumulée par caprice, il s?agit plutôt du reflet de ses besoins, un tout articulé qui ne peut être augmenté ou diminué de forme substantielle sans que la réalisation de l?objectif totale ne soit compromise. »[20]

Nous tenterons de démontrer dans ce chapitre que c?est de la recherche du bonheur dont il est question, d?une activité meilleure, celle qui passe par la survie et le bien être matériel pour viser la satisfaction de besoins moins matériels, plus spirituels.

8 MENGER, Principios de Economíia Política, p.67.

9 STIGLER, ?El desarollo de la teoria de la utilidad », The Journal of Political Economy, LVIII, agosto-octubre 1950, en EL pensamiento?

10 HARSANYI, ?El bienestar cardinal, la ética individualista y las comparaciones interpersonales de utilidad?, en Teoria del bienestar, FCE, México 1969, p. 78.

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11 HUTCHESON, Historia del pensamiento economico,1870-1929,Gredos, Madrid 1967, p.277.

12 ARROW, Eleccion social y valores individuales, Instituto de Estudios Fiscales, Madrid 1974.

13 SAMUELSON, Fundamentos del analisis economico, El Ateneo, Buenos Aires 1971, p.92.

14 BECKER, Teoría económica, FCE, México 1977, pp.65-72.

15 BECKER, op.cit,p.23.

16 SRAFFA, Producción de mercancías por medio de mercancías, Oikos Tau, Barcelona 1983, p.24.

17 Id, ib,p.24.

18 KLEIN, The economics of supplay and demand, Basil Black Well, Londres 1983.

19 TANZI, ?La politica fiscal, el crecimiento y los programas de estabilizacion?, Finanzas y desarollo, junio 1987, pp.15-17.

20 MENGER, op.cit, p. 68.

3. Littéralement : la consommation équivaut à destruction de la valeur, le travail à sa création   Toute personne, qu?elle soit propriétaire terrien, travailleur, chef d?entreprise ou consommateur, quand elle agit économiquement, ne cherche qu?à augmenter sa richesse, sa capacité de production, sa valeur économique. Pour le propriétaire terrien, pour le travailleur et pour le chef d?entreprise, il n?est pas utile de démontrer cette affirmation. Cela est moins évident, en ce qui concerne le consommateur. Si nous interprétons la recherche de l?utilité maximale au sens hédoniste, c?est à dire en terme de plaisir, cette notion va être trèsdifférente de ce que nous entendons par le bénéfice maximum d?une entreprise.

Mais si nous dissocions le plaisir de laconsommation, et le travail de l?effort pesant,nous nous retrouvons, alors, avec des concepts purs. Il est facile de constater que le négatif est celui de la consommation alors que le positif est celui du travail, de la production, de la création. La consommation n?est rien d?autre que la destruction et le travail, la création humaine à partir d?autres réalités matérielles. La consommation n?a de sens que parce qu?elle permet, en détruisant, d?alimenter à nouveau l?activité humaine, la production future.

En interprétant ainsi la consommation, on pourrait penser que le but du consommateur n?est pas d?atteindre un maximum de plaisir avec un minimum de douleur, mais d?atteindre un écart maximal entre ce qui a été détruit et ce qui a été produit en terme d?humanisation. La consommation, en soi, est destruction, alors que le travail est création. Mais la consommation détruit en enrichissant.

Si nous séparons le concept d?utilité des notions de plaisir et de douleur, mais aussi de l?idée que la consommation est le bien final, et que nous l?associons à la capacité de générer des richesses

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futures, nous pouvons, alors, lui appliquer l?analyse de l?utilité marginale. La valeur maximale sera atteinte quand les utilités marginales divisées par leur prix seront les mêmes pour tous les biens. L?utilité a un avantage : les valeurs peuvent être mesurées par les résultats futurs en terme d?augmentation réelle de la production et l?expérience (les résultats du passé) sera un indicateur des résultats futurs et des capacités actuelles de futur. L?utilité se mesure, donc, en terme de production future, en terme monétaire. L?évaluation subjective de l?étendue de notre richesse est confirmée ou démentie par l?évaluationdu marché, par son acceptation ou non par les autres. Il est plus facile de mesurer l?utilité par la réponse du marché qu?en ayant recours aux concepts de plaisir ou de douleur.

La théorie de l?utilité marginale et ses conséquences sont plus facilement applicables à la réalité économique si nous prenons en compte sa capacité de production future plutôt que sa capacité à produire du plaisir, de la satisfaction ou du bien-être.

« Il ne s?agit plus de distinguer les douleurs des plaisirs (un espoir hédoniste n?est pas un bon espoir) mais de faire la différence entre un homme intimement malheureux, désespéré, et un homme qui croit en la fécondité de son activité. (?) La capacité de plaisir de l?homme est très limitée. L?homme a peu de possibilité de se récompenser. D?un certain point de vue, l?homme est un être déséquilibré, c?est à dire qu?il a plus de capacités pour agir que pour récupérer le fruit de ses actes. C?est pour cela, que ce serait une erreur de déterminer sa finalité en terme de jouissance corporelle, culturelle ou esthétique. La preuve en est que l?humanité n?a pas inventé de nouveaux plaisirs : la capacité de plaisir d?un homme, il y a deux mille ans est la même que celle d?aujourd?hui. En revanche sa capacité de travail a beaucoup changé. Le seul nouveau plaisir que nous ayons découvert, est, peut être, celui de la vitesse. Par contre, si nous comparons ce qu?un homme est capable de faire aujourd?hui avec ce qu?il faisait hier, la différence est remarquable. Attendre d?un plus grand effort, unecompensation équivalente, en terme de plaisir, est une illusion. L?homme n?est pas fait ainsi?L?homme ne peut abuser du plaisir sans en pâtir. Dans de telles conditions, la société dirige mal sa dynamique historique, car l?homme blessé compromet sa capacité de produire. . L?équilibre humain n?est pas hédoniste, il est généreux. [21]

La consommation dépend du travail, et le travail des objectifs des hommes. En définitive, le travail et la consommation dépendent des finalités ultimes de l?être humain. La consommation, en soi, est destruction et le travail, création.

Le produit, fruit du travail, manifeste l?adéquation parfaite de cet acte. Si nous ôtons au travaill?effort et la douleur, nous obtenons sa pleine affirmation. La consommation étant orientée vers le travail futur, et celui-ci vers les objectifs d?autres individus, des relations économiques peuvent être établies.

« En réalité, la définition de la valeur de Ricardo et Marx doit être inversée en ce qui concerne le temps. La valeur d?un tableau, qu?il soit beau ou laid, ne dépend pas du travail qui a été nécessaire pour le peindre mais du travail que nous pourrions obtenir en échange de ce tableau (transformation préalable de ce tableau en argent, c?est à dire en le vendant). Voilà la véritable valeur économique de n?importe quel objet, même du grain ou des voitures. Cette valeur ne dépend pas du passé mais du futur, non pas de ce qui a été fait mais de ce qui va se faire : l?

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actuel prix du grain nous permet, seulement, de supposer quelle sera sa valeur demain. Cependant, aucune connexion n?est nécessaire, en dehors de la provision confiée au « sens des affaires » de chacun.

Cette définition de la valeur explique la finalité de l?entreprise économique :le « profit », représenté par une somme d?argent. Ce que nous attendons de l?action engagée, est la conservation, la transformation dans le temps, et probablement l?augmentation de la capacité à générer du travail ( et par conséquent, du capital). En d?autres termes, il ne s?agit pas du produit en soi, il s?agit de la perspective de vendre ce produit, sa possible transformation en argent, ce qui provoquerait une demande de travail, et ainsi de suite, jusqu?à l?infini. Bien entendu, une telle expectative peut se voir frustrée, ce qui provoquerait une perte financière.[22]

Ces affirmations que Mathieu applique à l?entreprise, sont parfaitement applicables aux unités familiales, aux économies domestiques. Dans ces unités là, aussi, les biens matériels se mêlent au capital humain dans le but de générer une plus grande richesse future. La véritable valeur du patrimoine d?une unité familiale ne dépend pas du travail passé, elle dépend de sa capacité à générer du travail dans le futur, car c?est la condition fondamentale pour créer de la richesse.

21 POLO, op.cit. pp. 11-13.

22 MATHIEU, ?Aspecto financiero y aspecto humano de la empresa?, Cuadernos Empresa y Humanismo, n°1, 1987, p.5.

4. Le travail : une nécessité  

Dans une évaluation des objectifs, il faut prendre en compte R et C. Dans une fabrique de chaussures, R représente les chaussures et C représente ce qui arrive aux fabricants de chaussures lors de leur travail. Si l?ensemble des variables s?est détérioré, C est négatif. Si elle s?est améliorée, C est positif. Il est très important de décider si la modification de C est subordonnée à R ou si c?est l?inverse. Dans ce cas, C représente la finalité. C?est une grave irresponsabilité de réduire les objectifs à R. » [23]

Le travail n?est pas seulement une cause efficiente de la création et de l?augmentation de la valeur économique, c?est aussi une activité qui permet au travailleur de se réaliser. Le travail permet à l?homme de maintenir sa vie biologique, puisqu?il lui permet de subsister. Il lui permet aussi de s?épanouir et d?atteindre un niveau d?humanisation plus important.

En référence au travail intellectuel, Hayek affirme : « l?homme profite du don de son intelligence lorsqu?il apprend et lorsqu?il obtient les fruits de sonnouvel apprentissage »[24]

Le travail devient, donc, une nécessité, une finalité des actes conscients de l?homme, et en ce sens, il faudrait l?inclure dans la fonction d?utilité de l?agent « consommateur » : l?homme a besoin de « consommer » du travail car il provoque chez lui une « satisfaction » importante.

L?homme n?est pas fait pour consommer mais sa tâche consiste à créer en travaillant. C?est parce qu?il est fait pour travailler, qu?il consomme ; et non l?inverse.

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Pour se réaliser dans son travail, le travailleur doit s?y consacrer entièrement, s?il ne le fait pas, son activité n?est plus humaine, on peut considérer que sa tâche est celle d?un animal, une activité mécanique. Il est nécessaire que le travail humanise la matière, qu?il remplisse correctement son rôle de cause efficiente, que le travailleur « domine » le cosmos.

« Nous pouvons dire que la technologie moderne a privé l?homme moderne du type de travail qu?il apprécie le plus, le travail créatif, utile, celui qu?il exerce avec sa tête et ses mains, en lui donnant un travail fragmenté qui ne lui produit aucune satisfaction. »[25]

« Le travail est en train d?être redéfini, non par la législation, mais par les gens qui croient - et ils ont raison ? qu?une vie sans travail n?est pas une vraievie. S?il n?y a pas suffisamment d?emplois, les gens créeront d?autres formes de travail plus personnelles, dans lesquelles ils mettront toute leur créativité et leurs efforts. »[26]

Si on arrive à faire pencher la balance de la recherche économique vers l?être humain, en traitant les marchandises comme de simples moyens, le travail deviendra le facteur fondamental de la réalisation de l?être humain. Le travail ne sera plus seulement un facteur de production, il pourra aussi être considéré comme un facteur de consommation puisqu?il est la source de multiples bénéfices en terme de réalisation humaine. Le travail ne sera plus seulement reconnu comme une source de bénéfices monétaires mais aussi comme une source de bénéfices personnels.

Le plein emploi, pour cette raison et pour bien d?autres, devient l?objectif principal à atteindre. Juste derrière le plein emploi, le deuxième but à atteindre est celui de l?humanisation du travail, il faut permettre à l?homme de développer son corps, son esprit, sa créativité.

Les idées de Schumacher sur la technologie intermédiaire et son application dans les zones les moins développées ou en voie de développement, semblent s?intégrer parfaitement à notre propos : « Le travail est ce qui permet de mesurer l?homme, mais il s?agit ici d?un véritable travail, d?un travail qui nous permette de nous exprimer, qui nous permette d?extérioriser nos énergies créatives par notre capacité à fabriquer des choses et à établir des relations avec les autres. Nous contrôlons le travail, ce n?est pas lui qui nous contrôle.

Si notre emploi ne nous proportionne pas ce type de travail positif, nous le créerons en dehors du monde du travail, quand nous aurons le temps et l?énergie suffisante. »[27]

Découvrir que le travail est essentiel pour notre épanouissement, nous amène à découvrir que les biens matériels sont des instruments à notre service.

« Schumacher, à un moment donné, a distingué les instruments des machines. Il disait que les instruments sont les serviteurs de l?humanité, ils étendent nos champs d?action, notre musculature et nos capacités. Les machines, par contre, sont nos maîtres, elles nous obligent à travailler à leur rythme et à nous adapter à leurs exigences, à nous déplacer là où elles se trouvent. L?industrialisation, peut, en effet, avoir produit des bénéfices économiques mais elle a transformé les gens en automates. »[28]

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Cette transformation de l?homme en machine a, peut être, été la cause de l?abandon volontaire de certains types d?emploi par des personnes qui ont préféréaller se réfugier dans, ce que Jonathan Gersbuny appelait l?aube de la « société du self service ». L?activité mécanique était remplacée par un vrai travail. Des valeurs telles que l?autosuffisance, l?écologie, la réflexion sur la paix, la justice et la liberté, commençaient à devenir importantes.

« S?exprimer par le travail est un besoin humain. Si les emplois ne sont pas garantis, il sera plus sensé de s?exprimer par le travail domestique? Le thème d?une enquête réalisée par le journal The Guardian, en décembre 1981, était de savoir quels étaient les éléments les plus importants de la satisfaction que pouvait apporter un emploi. Les premiers postes du classement étaient occupés par la liberté personnelle, le respect des collègues, l?apprentissage de quelque chose de nouveau, les primes,la réalisation d?un projet, l?aide aux autres, etc.? C?est une manière de dire que le travail est un élément essentiel de la pleine expression de notre qualité humaine. »[29]

Le travail n?est pas seulement un moyen, un facteur de production primordial pour l?humanisation du monde matériel, c?est aussi un moyen pour le travailleur de se perfectionner.

« Beaucoup de travailleurs augmentent leur productivité en se qualifiant davantage ou enperfectionnant, par leur travail des capacités qu?ils possédaient déjà. »[30]

Au-delà de l?emploi, il faut étudier comme le fait Charles Handy, dans son livre Le futur du travail humain, les nouvelles significations du terme travail, lorsqu?on inclut dans ce concept, le travail marginal et le travail donné.

« L?emploi et ce qu?on gagne de lui, est seulement une partie du concept du travail. L?économie de l?emploi est seulement une partie de l?économie, et l?argent est seulement une des récompenses du travail. Selon cette perspective, il y a du travail pour tous, car, bien souvent, le travail est gratuit, c?est un cadeau. »[31]

« Dans notre société, nous faisons beaucoup plus de travaux que ceux qui sont comptabilisés, que ceux qui sont reconnus officiellement. Que se passerait-il, si nous obtenions un peu plus de respect, de légitimité pour ces autres types detravail ? Cela pourrait aider à mitiger les effets du stigmate social et psychologique du chômage, car on le percevrait comme étant ce qui permet de libérer les gens d?autres types de travail. »[32]

Il n?est agréable pour personne d?être chômeur. D?un point de vue ontologique, être au chômage représente une absence d?activités, une absence de vie. Il devient urgent de reconnaître socialement ces activités, qui sans appartenir au cadre de l?emploi officiel, représentent, tout de même, du travail. C?est précisément de ce type de travail, dont on vient parfois à manquer, car c?est celui dont on a le plus besoin.

Affirmer que le chômeur se dégrade humainement, n?est pas un lieu commun.

« Sauf pour les parasites sociaux, le travail est la motivation fondamentale des actes humains dans la société contemporaine. Ce qui est important, c?est que le travail, l?emploi, n?implique plus seulement la motivation du gain, il implique, aussi, une lutte pour accéder à une position

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sociale désirée et pour jouer notre rôle dans la société. Le travail est devenu le symbole de l?indépendance de l?homme et de sa pleine valeur sociale parce qu?il lui permet de progresser. Sans travail, l?homme perd l?envie d?apprendre, un certain vide existentiel domine sa vie et « l?ennui » lui fait perdre l?intérêt pour la vie publique. »[33]

Il est compréhensible qu?on puisse dire qu?une personne qui ne travaille plus tombe dans un vide existentiel.

« Les problèmes du sens de la vie ont été traités, récemment et de manière exhaustive, en psychiatrie, ou plus exactement, en « logothérapie » dont le professeur Victor Frankl, un psychiatre de Vienne, est le fondateur. Sans nous étendre, ici, sur ce qu?est un traitement logo thérapeutique, je voudrais signaler que le concept du vide existentiel en le fondement théorique. Il se résume à l?idée suivante : « avoir le sens de la vie, c?est à dire conscience de la raison pour laquelle nous vivons, est un besoin humain. » C?est pour cette raison, que la perte du sens de la vie produit un vide existentiel spécifique de caractère pathologique qui provoque de nombreuses maladies mentales. »[34]

Il devient impérieux de retrouver le respect de la nature humaine, à l?heure d?agir économiquement. Il ne s?agit plus de considérer la consommation comme une finalité mais comme un moyen, et il faut que le travail humain récupère sa dignité individuelle et sociale.

23 POLO, « Tener y dar ». Reflexiones en torno a la segunda parte de Laborem Exercens, en Estudios sobre la Laborem Exercens, cit. p.216.

24 HAYEK, Los fundamentos de la libertad, Union Editorial, Madrid 1975, p.70.

25 SCHUMACHER, Lo pequeño es hermoso, Hermann Blume, Madrid 1978, p.133.

26 HANDY, El futuro del trabajo humano, Ariel, Barcelona 1986, p.87.

27 HANDY, op,cit,p.99.

28 Id, ib,p. 105.

29 Id, ib,pp. 80-85.

30 BECKER, El capital humano, Alianza Editorial, Madrid 1983, p.29.

31 HANDY, op.cit, p.249.

32 Id, ib,p.68.

33 SCHAFF, ¿Qué futuro nos aguarda? Las consecuencias sociales de la segunda revolución industrial, Ed. Crítica, Barcelona 1985, p.136.

34 Id, ib,p.134.

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5. La consommation : input indispensable. Consommation productive et improductive  

En considérant que la consommation n?est pas une finalité mais un moyen de l?activité future, nous ne diminuons pas son importance, au contraire, nous lui rendons la place qui lui correspond et par conséquent nous rétablissons sa valeur, son sens.Nous pouvons distinguer la consommation productive de la consommation improductive, comme cela se fait, depuis les débuts de l?analyse économique.

Les biens de consommation improductive sont ceux qui détruisent plus de valeur qu?ils n?en créent. Les biens de consommation productive sont ceux, qui génèrent une meilleure activité future, même s?ils se détruisent, eux aussi, lors de la consommation.

Les analyses classiques et médiévales se sont centrées sur le thème de la consommation en termes normatifs et politiques, en déterminant ce qui était préjudiciable et ce qui était bénéfique. En ce sens, elles ont anticipé la distinction postérieure entre consommation productive et improductive. [35]

Cette distinction est devenue plus rationnelle avec les physiocrates. Ils considéraient que le luxe décoratif et onéreux interrompait le flux circulaire d?argent et de marchandises. L?analyse de Dupont, par exemple, anticipe, elle aussi, la distinction entre consommation productive et improductive, en affirmant que la formation du capital se doit davantage à une dépense intelligente qu?à l?épargne.

James Mill, dans son ?uvre Commerce defended, distingue parfaitement les marchandises destinées à une consommation immédiate et improductive de celles qui doivent agir comme instruments ou moyens de production.

Say a été celui qui a le plus insisté sur la prépondérance de la production par rapport à la consommation ; il a condamné la consommation improductive, puisqu?elle ne rapporte aucun bénéfice au commerce ou à la production. La difficulté consiste, à ne pas stimuler l?envie de consommer, mais à donner les moyens de consommer. [36]

L?économie productive, selon Say, provoque la création d?une nouvelle valeur, même si elle ne satisfait aucune nécessité. L?économie improductive, satisfait une nécessité même si elle ne crée aucune nouvelle valeur. La formation du capital consiste à remplacer une consommation improductive par une consommation productive. La consommation improductive des individus ou des gouvernements est inutile et son unique objectif est celui de détruire des ressources qui auraient pu être productives. Pour Say, inciter le genre humain à ce type de consommation peut avoir des effets contraires, pour satisfaire des besoins superflus insatisfaits, on les inciterait à produire davantage.

Malthus, quant à lui, a défendu le luxe « éloigné du vice » car il stimule l?agriculture, le commerce et la manufacture ; mais, il a aussi expliqué, dans son Essay, qu?une prodigieuse quantité d?efforts humains sont gaspillés pour fabriquer des objets triviaux, inutiles, et parfois pernicieux?alors que cette énergie aurait pu être épargnée ou employée de manière plus effective. [37]

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On pourrait appliquer à la consommation la distinction, que faisait Smith, entre travail productif et travail improductif, lorsqu?il disait que le travail productif est utilisé, en général, pour l?investissement. Si la consommation est un bien intermédiaire, il convient de l?utiliser pour investir en capital humain.

Selon Myint, Marshall divisait les besoins humains en trois grandes catégories :

1° « Dans les étapes primitives du développement de l?homme, ce sont ses besoins qui ont provoqué son activité. » On peut considérer qu?il s?agit de besoins biologiques.

2° « Des nécessités adaptées aux activités » dont la satisfaction « donne des forces » et augmente l?efficacité. Ici, les besoins ne s?envisagent pas par rapport à l?activité. « Chaque pas vers le haut crée de nouvelles nécessités », des besoins plus raffinés. Marshallles appelle des besoins « naturels ».

3° « Une simple augmentation des besoins artificiels, parmi lesquels peuvent prédominer les plus grossiers. » Marshall considère que ces besoins sont des envies arbitraires, sans valeur permanente, « domination maligne des caprices déchaînés de la mode » et « des désirs sensuels »[38]

La satisfaction des besoins des deux premières catégories va provoquer « une élévation de l?intelligence, de l?énergie et de la maîtrise de soi, ce qui nous amène à surveiller davantage nos dépenses, à éviter des aliments agréables au palais mais ne donnant pas de force, et les modes de vie malsains pour le corps et l?esprit. »[39]

Cette idée de considérer les biens de consommation comme des biens intermédiaires et de les classer en productifs et improductifs, est à la base des travaux actuels de Gary Becker sur la prise de décisions économiques dans les foyers.

« La théorie des foyers unipersonnels est en plein essor depuis ces vingt dernières années. C?était une analyse limitée qui, maintenant, estsusceptible de constituer un puissant instrument d?analyse aux applications multiples. La nouvelle analyse regroupe l?assignation du temps, le revenu monétaire, la production dans le foyer de formation, la santé, l?auto-respect et d?autres marchandises diverses. »[40]

35 SPENGLER, ?Los fisiócratas y la ley del Mercado de Say?, The Journal of Political Economy, LIII, septiembre-diciembre 1945, en El pensamiento económico?

36 SAY? Traité d?économie politique, Calmann Levy, 1972, lib 1, cap.15.

37 MALTHUS, Ensayo sobre el principio de la población, FCE, México 1951.

38 MYINT, Teorias de la economia del bienestar, Instituto de Estudios Politicos, Madrid 1962, p.230.

39 MARSHALL, op.cit,p.566.

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40 BECKER, Tratado sobre la familia,Alianza Editorial, Madrid 1987, p.17.

6. Importance du capital humain. La consommation : investissement en capital humain  

« Le capital le plus précieux est celui qui a été investi dans l?être humain »[41] La consommation peut être considérée comme un investissement encapital humain.

Pour distinguer les causes matérielles, instrumentales et efficiente, et,à la fois, les rendre complémentaires, il faut considérer l?homme comme un stock d?activités créatives potentielles dont la qualité peut être améliorée, mais aussi, comme la source d?un travail qui sera évalué par rapport au temps mais surtout par rapport à sa qualité. La qualité du travail prime sur la quantité de travail, ce qui nous indique qu?il y a eu un changement de perspective, d?un travail purement physique, nous sommes passés à un travail plusintellectuel,d?une vision matérialisteà une perspective plus spirituelle. La conception de Ricardo au sujet du travail homogène, mesuré en temps, considéré comme un effort strictement physique, a été remplacée par la qualité du service.

Ce changement correspond également à une revalorisation du capital humain par rapport au capital physique. La quasi-totalité des économistes qui veulent préserver le capital physique pour ne pas mettre en péril le développement futur, commence à faire référence au capital humain. En macroéconomie, il est reconnu, de manière générale, que la croissance du capital physique n?explique qu?une toute petite partie de la croissance du revenu de nombreux pays. Aucune nation n?a réussi à avoir une croissance économique soutenue sans avoir investi d?importantes sommes d?argents dans sa force de travail.[42]

Les gouvernements, en essayant de résoudre le problème du chômage, ont tendance à dépenser plus d?argent qu?ils n?en reçoivent. On réduit les impôts et on augmente les dépenses. C?est laclassique politique fiscale keynésienne qui encourage la demande par une augmentation des dépenses. Cette politique fiscale déficitaire est correcte en période de récessionvéritable, on peut même la renforcer par des mesures de politique monétaire.

Par contre, une fois la crise surmontée, l?économie se situe à des niveaux d?inflation très dangereux. Les gouvernements refusent, alors, de réduire les dépenses et ne veulent pas augmenter les impôts, surtout en période électorale. Il faut, donc que la banque centrale agisse fermement, avec des mesures de politique monétaire qui freinent l?inflation. Les taux d?intérêts augmentent, ce qui n?encourage pas à investir, et d?une certaine manière, compromet le futur. Cette situation de déficit budgétaire avec des taux d?intérêt importants devient une situation critique à résoudre.

Dans ce type de raisonnements, habituels dans les décisions de politique économique actuelle, on ne prend, toujours pas, en considération le capital humain ni la consommation productive. De même que nous compromettons la croissance économique future avec la réduction des investissements et du stock de capital, nous pouvons compromettre notre futur en n?augmentant pas le stock de capital humain.

Nous avons vu que la consommation peut être productive ou improductive. Si nous augmentons la consommation productive, nous augmentons le stock de capital humain. Si, en plus, de réduire

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l?investissement et le stock de capital, nous dilapidons le capital humain, en consommant de manière désordonnée, nous compromettons le futur par la voie du stock physique mais aussi avec le stockhumain.

La consommation productive, en tant qu?investissement en capital humain, doit être incorporée aux instruments macroéconomiques qui sont utilisés pour les décisions de politique économique. La diminution de l?investissement physique et l?augmentation de la consommation peut être bénéfique pour l?augmentation de la valeur économique future, à condition quecette consommation soit productive.

Dans le même ordre d?idée, tout ce qui favorise une amélioration du capital humain, comme la culture, par exemple, peut être considéré comme une inversion permettant l'accroissement de la valeur de l?activité humaine. Bien que d?un point de vue comptable, le « bénéfice » de l?investissement en culture soit très flou, il n?en est pas moins réel. La culture contribue au développement de la sensibilité et de l?intelligence, à l?augmentation de « besoins » divers qui, en définitive, constituent les bases du progrès économique. Si nous laissons de côté le concept pragmatique et stérile du progrès économique, nous découvrons que la culture est une « intelligence appliquée à la réalité », qui la transforme de manière créative et esthétique, c?est une éducation de l?imagination, de la sensibilité et de la mémoire historique. La culturerépand le « bien faire »,« l??uvre bien faite » dont parlait Eugène D?ors. [43]

Le capital humain est un facteur décisif de la création de la valeur économique, tant au point de vue de la quantité que de la qualité.

Dans le domaine de la microéconomie, on étudie de plus en plus les activités qui ont des répercussions sur les revenus monétaires futures au travers de l?augmentation des ressources incorporées à l?individu. Toutes ces activités sont considérées comme des investissements en capital humain, et les entreprises, conscientes de leur importance vitale, les encouragent. Les économies domestiques, pour leur part, ont tendance à maximiser cette valeur, en accumulant su capital humain, durant toute la vie. Gary Becker, le pionnier de ce type de recherches, a élaboré un modèle de maximisation de richesses qui explique la répartition des investissements dans le capital humain.

En général, il se sert de quelques exemples, comme l?augmentation des dépenses de santé ou la croissance du taux du chômage, pour démontrer que nous nous intéressons maintenant à des phénomènes moins tangibles, comme aux adaptations aux changements éthiques et technologiques, par exemple. En d?autres termes,nous nous intéressons davantage au capital humain.

Les personnes ayant un niveau d?éducation plus élevé, ou une formation bien adaptée, obtiennent plus de revenus économiques que les autres. L?importance d?une éducation universelle, intégrative, flexible et humaniste, se justifie par les changements accélérés de notre temps.La flexibilité, la spécialisation, l?apprentissage de nouvelles techniques et la capacité à l?adaptation, serviront à améliorer le capital humain actuel.

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La consommation, nous l?avons dit, peut être considérée comme un investissement dans le capital humain. Même le terme d?héritage, réservé habituellement aux dons de capital matériel, pourrait s?appliquer à une longue série de lègues immatériels : l?éducation familiale, professionnelle, et sociale. Dans le langage de Becker, l?éducation des enfants, les arts culinaires, la décoration, etc.. sont des investissements qui augmentent la productivité du capital humain.

Si les causes fondamentales de la valeur économique sont reliées au capital humain et que celui-ci se développe et s?accumule dans les foyers, la conduite familiale devient une pièce clef du progrès économique. Les unités domestiques de décision ont un rôle de plus en plus important dans le développement économique.

Les analyses de la conduite économique des entreprises avaient relégué la famille à un rôle de simple spectateur de l?entreprise. Avec la renaissance du capital humain, les décisions prises à l?intérieur de la famille commencent à devenir prépondérantes. La proportion de capital physique employé pour le travail dans les entreprises est huit fois supérieure à la proportion utilisée dans les foyers. Il y a une intensité de capital humain beaucoup plus importante dans les foyers.

Depuis Adam Smith, on n?a pas su apprécier la valeur d?usage des objets, on s?est, exclusivement, intéressé à la valeur d?échange, sans noter que les deux sont intimement liées, cette méprise a accentué le rôle mercantiliste des entreprises aux dépends de l?unité familiale.

D?autre part, Becker soulignait que l?altruisme est une conduite essentielle des familles, alors que l?égoïsme prédomine dans les transactions du marché.

Le rôle de la femme qui consacre, volontairement, beaucoup de temps et d?efforts à l?éducation des enfants prend un sens tout particulier, car cet investissement va permettre une évolutionimportante du capital humain qui portera ses fruits dans le futur. Le temps et les biens ultimes de consommation sont des facteurs de production qui servent à obtenir d?autres « marchandises » que nous ne pouvons acheter sur le marché. Les foyers les produisent et les consomment en utilisant leur temps, leur travail, leurs efforts ainsi que d?autres facteurs de production environnementaux. [44]

« Si nous nous référons au passé, l?homme est le produit d?une capitalisation. Son habileté est le fruit de différents apprentissages, et donc, par conséquent, d?un travail capitalisé. Même son corps est une capitalisation, celles des frais engagés pour son éducation. Si nous nous tournons vers l?avenir, l?homme est une source d?inventions, grâce auxquelles le capital physique ou le capital humain peut « produire » de manière effective. Il peut donc réactiver le processus qui l?a produit au lieu de le conduire vers une impasse, en effectuant de mauvais investissements ou en consommant de manière abusive. » [45]

Cette brève référence à l?importance du capital humain, au rôle prépondérants des unités familières et la définition de la consommation en tant que bien intermédiaire, nous amène à cette citation de Hicks : « Il est probable que le lecteur se soit senti impressionné par l?étroite relation qui unit les phénomènes d?accumulation du capital avec les phénomènes observables en période

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d?expansion économique. Ce rapport est tellement étroit, qu?il semble justifié de parler d?expansion économique quand il s?agit simplement d?une période d?accumulation intense. »[46]

Hicks fait référence à une accumulation du capital physique. Pour ma part, j?opte pour une association similaire, mais en me referant au capital humain.

Il convient d?ajouter, ici, une nuance à nos propos, lorsque nous évoquons la prépondérance du capital humain, nous n?évoquons pas seulement son aspect qualitatif, nous voulons insister aussi sur l?importance de l?aspect quantitatif du capital humain. Le nombre de personnes, la population, fait aussi partie du concept de capital humain. Les ressources humaines, considérées dans leur ensemble, quantitativement et qualitativement, sont décisives. D?où la gravité du problème du vieillissement des pays occidentaux. Alfred Sauvy a écrit, sur ce sujet, une étude minutieuse et révolutionnaire, puisqu?elle démontre que le vieillissement et la diminution de la population sont les causes fondamentales, et pourtant ignorées, du chômage et de l?inflation.

« L?étrange maladie du vieillissement, ce mal qui produit sa propre anesthésie passagère pour ne se montrer qu?au moment où la guérison n?est plus possible, est toujours accompagnée, tristement mais logiquement, par le chômage des hommes. Cette économie du diable, pourrait être transformée si la conscience se réveillait. Si les erreurs ont l?avantage de pouvoir être corrigées, la grande vertu de l?obscurantisme est qu?il peut laisser place à l?illustration. » [47]

De telles affirmations peuvent être corroborées par les propos d?Adam Smith : « Le signal décisif de la prospérité de n?importe quel pays est l?augmentation du numéro de ses habitants. » Et un siècle plus tard, Hicks confirmait : « On ne peut s?empêcher de penser que la révolution industrielle n?a été rien d?autre qu?une période d?expansion économique temporelle, due, en grande partie, à l?augmentation sans précédent de la population. »[48]

41 MARSHALL, op.cit.

42 BECKER, El capital humano.cit.

43 FERNANDEZ, ?Empresa y cultura?, Cuadernos empresa y humanismo, Universidad de Navarra, Pamplona 1987, p.79.

44 BECKER, El capital humano, cit.p .22.

45 MATHIEU, op,cit,p. 19.

46 HICKS, op,cit,p.360.

47 SAUVY, La econoíia del Diablo, paro e inflación, Ed. Magisterio Español, Madrid 1977, p.268

48 HICKS, op.cit, p.369, nota 4.

7. Le travail à venir régit la consommation présente  

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Tout acte économique est tourné vers le futur. Les actes économiques de base : consommer et produire (travailler) sont tournés vers le futur et sont interdépendants : la production d?aujourd?hui est tournée vers celle de demain et la consommation de demain vers la production d?après-demain. L?activité économique est une activité dynamique, immergée dans le temps.

« J?appelle « économie statique », ces parties de la théorie économique où nous ne prenons pas la peine de dater les événements. L? « économie dynamique » correspond aux parties dont les éléments ont, tous, une date. » [49]

La consommation d?un jour, d?un mois, d?une année est tournée vers le travail de ce jour-là, ce mois-là, cette année-là, qui, à son tour, est tourné vers le travail du lendemain, du mois suivant, de l?année suivante.

La vie de l?homme est action, travail, au sens large, l?homme augmentera son potentiel de travail en consommant des biens et des services. L?utilité pourra être, ensuite, mesurée en terme de potentiel de valeur future.

« La satisfaction d?un besoin ou d?un désir est un pas de plus en direction d?une nouvelle tâche. Les activités ne servent pas seulement à satisfaire des besoins mais aussi à inventer et cultiver de nouvelles nécessités et de nouvelles activités. »[50]

La richesse d?une personne, d?une famille, d?une entreprise, d?une région ou d?un pays est plus ou moins grande selon la capacité de travail qui permet, aujourd?hui, une meilleure production demain. .. Marshall, dans son ?uvre Memorials, affirmait que le travail est le sain exercice des facultés, c?est la finalité de la vie.

La richesse matérielle que je possède, aujourd?hui, a plus de valeur, pour moi, dans la mesure où son association avec mon travail est capable de produire de la richesse dans le futur.

« Tout le système de marchés se résume à un seul marché originaire dans lequel il n?existe ni prix d?équilibre, nicourbes d?offre et de demande. Il s?agit de l?offre originaire du travail social et abstrait face à la demande finale de biens et services directement consommables. » [51]

« Les hommes prétendent atteindre, avec leur activité prévoyante, les finalités suivantes :

Distinguer, parmi leurs besoins les plus importants, ceux qu?ils vont pouvoir satisfaire avec les quantités de biens dont ils disposent, de ceux qu?ils doivent se résigner à ne pas satisfaire. (?) Utiliser les quantités de biens de consommation directe et surtout les quantités de biens dont ils disposent d?une manière objective et rationnelle pour satisfaire le mieux possible, leurs besoins. »[52]

En dernier lieu, l?objectif consiste à agir, de manière adéquate. Faire en sorte que ce qui a été produit ait plus de valeur que ce qui a été consommé. La finalité de l?activité humaine ne s?arrête pas aux besoins immédiats. La consommation présente s?oriente vers le travail futur. L?environnement de la production conditionne l?environnement de la consommation.

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« Selon Marshall, il est superficiel de se concentrer, uniquement, sur la satisfaction mécanique des besoins, puisque les besoins humains ne sont pas définitifs, ils sont déterminés par l?environnement de la production. La finalité de l?activité humaine ne consiste pas seulement à satisfaire des besoins mais aussi à cultiver et à développer des cycles successifs de nouveaux besoins générés par les cycles de production correspondants. »[53]

Marshall arrive, ainsi, à trouver l?équilibre entre les théories classiques et les subjectives de l?école néoclassique.

« La critique contre Ricardo et ses disciples, pour avoir omis d?étudier les nécessités, commet l?erreur inverse. Il est important de réaffirmer la grande vérité sur laquelle Ricardo a, tant,insisté : si les nécessités régissent la vie des animaux, ce sont les changements du type d?efforts et d?activités qui doivent nous intéresser quand nous étudions les principes fondamentaux de l?histoire de l?Humanité. »[54]

Les changements dans les perspectives futures de travail, et l?évolution des manières de travailler, stimulent la consommation présente.

49 HICKS, op,cit,p. 129.

50 MARSHALL, op,cit ,p.79.

51 MENDEZ, Relacion entre economia y ética, Confederacion Espanola deCajas de Ahorros, Madrid 1970, p.136.

52 MENGER, op,cit ,p.84.

53 MYINT op,cit ,p.226.

54 MARSHALL, Principios?,cit ,pp.74-75.

8. Critère du consommateur : obtenir le bénéfice maximal en terme de valeur économique  

La recherche de bénéfices, c?est à dire de la plus grande différence possible entre ce qui se crée et ce qui se détruit, est une tendance innée de l?homme qui génère une activité continue.

Un acte a de la valeur, économiquement parlant, s?il produit plus qu?il ne consomme. Il sera idéal, si parmi tous les autres actes possibles, c?est celui qui obtient la plus grande différence entre production et consommation, entre humanisation et déshumanisation.

« L?effort constant de toute personne qui veut améliorer sa condition, c?est à dire ce qui constitue la richesse publique et nationale, mais aussi la richesse des particuliers, est souvent suffisamment puissant pour diriger le cours naturel des choses vers le progrès, et ce, malgré les extravagances du gouvernement ou les erreurs importantes de l?administration. »[55]

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L?amélioration de son propre patrimoine physique est l?objectif de l?économie domestique. Cette amélioration du patrimoine particulier dépend de sa capacité à générer des services pour d?autres patrimoines, dans le futur. On peut appliquer à l?unité familiale, les observations de Fischer : « La valeur d?un potager dépend de la valeur de ses récoltes, c?est dans cette relation de dépendance que se cache implicitement le type d?intérêt. L?affirmation « le capital produit le revenu » est seulement vraie d?un point de vue physique, car, elle est fausse, en ce qui concerne la valeur? C?est, au contraire, la valeur- revenu qui produit la valeur-capital. »[56]

Cette volonté de maximiser son bénéfice n?est pas propre à l?entreprise, on la trouve, aussi, dans les économies domestiques. C?est même, de fait, un critère de l?économie familiale qui a été transmis à l?entreprise, et non l?inverse. Cette transmission d?un critère économique familiale s?est fait par les actionnaires, qui l?ont, ainsi, amené à l?entreprise et au reste du système économique.

« Un des aspects les plus importants de la méthode d?analyse que nous utilisons, ici, est de nous permettre de passer des petits problèmes d?une entreprise ou d?un seul individu, aux grands problèmes de la prospérité ou de la crise, ou même, de la vie ou de la mort de tout le système économique. »[57]

On a beaucoup insisté sur l?activité de l?entreprise sans reconnaître que c?est une dérivation de l?activité économique humaine familiale, ce qui a provoqué l?abandon de ce critère de maximisation de la valeur chez les individus.

« Dans la pratique, il est probable que l?entreprise élabore ses plans de production, d?une manière plus exacte que les individus, à l?heure de faire des prévisions de leur dépenses. »[58]

Becker défend, lui aussi, l?économie domestique en la comparant avec celle de « l?entreprise », mais sa vision de la nature humaine est plus réductrice que celle que nous essayons d?exposer dans cette étude. Dans son analyse, il fait référence aux générations à venir qui recevront de leurs parents, un capital humain et non humain. Chaque famille maximise une fonction d?utilité sur deux générations, au moins ; cette utilité dépend de la consommation des parents et la qualité des enfants se mesure en fonction de leurs revenus quand ils sont devenus, à leur tour, des adultes.

L?effort de chaque personne pour s?améliorer, est, ce qui stimule naturellement ses actes économiques. Les actes de consommation n?échappent pas à cette règle.

La demande est le moteur de la production, c?est pour cela que la production essaie, à son tour, de créer de la demande. La production est le moteur de l?emploi. Les crises de l?économie et de l?emploi sont, par conséquent, des crises de la demande.

Mais, puisque nous savons que les êtres humains sont les agents qui constituent la demande, nous ne pouvons pas imaginer une récession totale de la demande. On pourrait penser à une saturation des besoins matériels de la société durant un période, mais on pourrait, difficilement, croire que toutes les nécessités, matérielles et spirituelles, de tous les membres de la société aient pu être satisfaites. Un argument peut étayer ce raisonnement : le poids de plus en plus important

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du secteur tertiaire, c?est à dire des services, par rapport au secteur primaire ou au secteur secondaire.

Ce qui est beaucoup plus probable, c?est qu?un décalage entre production et demande,puisse se produire. L?évolution de la demande vers le secteur des services, est une preuve du besoin, de plus en plus actuel, de « consommer » des biens matériels pour satisfaire des besoins spirituels.

Une telle évolution de la demande finale engendre une demande de travail plus intellectuel, plus flexible, plus humain. Ce type de travail devient rare, ce qui génère un décalage entre ce qui est produit et ce dont a besoin l?usager final.

55 SMITH, Investigacion sobre la naturaleza y causas de la riqueza de las naciones, FCE, México 1982, p.325.

56 FISCHER, The theory of interest, Kelley, Clifton, New Jersey, 1974, p.13.

57 HICKS, op.cit,p.296.

58 Id, ib, p.230.

9. La finalité : action avantageuse. L'économie : science des moyens  

Par leurs opérations, par leurs actions, les individus atteignent leur objectif, ils créent des relations entre eux, ils s?améliorent. Grâce à ses actes, l?homme devient meilleur, il s?humanise davantage. Et ce perfectionnement, l ?homme ne le doit pas à ses possessions mais à ces actes. Les réalités matérielles, en fin de compte, sont de simples instruments de l?activité humaine. La valeur de ces biens matériels, dépend de leur effet sur l?homme, si celui-ci s?humanise davantage en les utilisant, ils gagnent de la valeur.

« Exister, dans le domaine économique, signifie, pour l?homme, produire et consommer. S?il n?accomplit pas ces deux tâches, il n?existera pas, économiquement parlant. La question est, donc, de savoir comment il se réalise personnellement, en produisant et en consommant. La réponse est simple : l?homme s?épanouit quandil se fixe, seul, ces objectifs,quand il en comprend le sens et quand il sait reconnaître les moyens qui lui permettront de les atteindre. »[59]

Celui qui arrange une voiture ou construit une maison, celui qui écrit un livre ou a une idée, peut améliorer son humanité indépendamment de ce qu?il fait, ce qui importe c?est sa manière d?agir. L?homme doit s?améliorer par son travail.

La finalité de l?économie est utile, elle permet d?atteindre des finalités, qui, même si elles influencent l?économie, se trouvent en dehors de son champ. Il est impossible de séparer l?économie de l?éthique. L?économie est intégréeà la philosophie. C?est, par conséquent, à l?éthique qu?il faut se référer pour trouver les finalités de l?activité économique.

« Même si nous pouvons observer, de manière mécanique et scientifique, la partie physique du circuit économique, nous ne devons pas oublier que tout est subordonné aux deux forces sociales

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originaires mentionnées précédemment (offre originaire de travail social et abstrait ainsi que lademande finale de biens et services directement consommables) qui impliquent nécessairement des évaluations sur le sens de la vie humaine, tant sur la manière d?utiliser les biens matériels que sur les motifs qui nous poussent à travailler. »[60]

L?analyse économique se réduit à l?analyse des actes humains : l?acte deconsommer ou de produire. Ces deux actes sont dirigés par l?idée du bonheur que chaque individu se fait.

« Au-delà de la consommation » :La consommation n?est pas le but final du processus de production, c?est un moyen d?atteindre l?épanouissement de l?homme et de tous les hommes. Cette finalité, la réalisation complète de l?être humain, est celle qui fixe les règles, les priorités. L?économie authentique trouve son origine dans l?intimité de la conscience de l?homme. Les actes et les décisions qui influencent, de manière impérative, le reste de l?activité économique, sont des manifestations de ces décisions profondes de la personnalité. On peut, donc, facilement, conclure que ce sont les idées qui font l?économie, et non, le contraire.

Le but de l?activité économique consiste à humaniser la matière, en humanisant le travailleur. Si cette tâche ambitieuse est, effectivement, la finalité, il ne peut y avoir de crise de la demande, ni de crise de l?emploi. Penser que la finalité de l?activité économique est la consommation improductive, est une des causes des crises de l?emploi, dans nos systèmes économiques. La productivité, loin d?augmenter le chômage, est le remède permettant sa disparition.

Avec la productivité, le consommateur est bénéficiaire puisque les prix baissent relativement et parce que la productivité de son activité future va augmenter. Le progrès, ne provoquera pas une réduction de main d??uvre, bien au contraire, il va générer une augmentation du nombre de postes de travail. Si la consommation est dirigée vers une meilleure activité future et que celle-ci est infinie, les nécessités de ce type feront pression sur la consommation et celle-ci, sur la production. De plus, l?augmentation des revenus disponibles, des personnes ayant bénéficié du progrès, vont pouvoir être appliqués dans d?autres secteurs de l?économie.[61]

Les raisonnements de Sauvy, sur le progrès technique peuvent, également, s?appliquer aux améliorations du capital humain. Les progrès de la productivité du capital humain, au lieu de provoquer le chômage, va amplifier l?éventaild?emplois possibles. Les évolutions de la consommation et les amplifications du circuit économique produisent unesensible amélioration de l?emploi.

« La raison est que nous considérons, habituellement, le progrès économique comme une accumulation de quantités, toujours croissantes, de biens et d?équipement. Cependant, l?élévation de notre niveau de vie, se doit plus, à une meilleure information qui nous permet d?utiliser de nouveaux produits ou des produits différents, qu?à une consommation plus volumineuse du même produit. Et même si la croissance du revenu est due, en partie, à l?accumulation du capital, elle dépend, surtout, de notre capacité à utiliser de nouvelles ressources,avec plus d?efficacité et pour de nouveaux projets. » [62]

L?improductivité, comme, la consommation improductive, par exemple, est la grande ennemie de l?emploi. L?argent dépensé pour créer de la richesse, des tâches productives, permettra la

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multiplication en chaîne des postes de travail. De plus, l?échange, même international, peut être plus facile et avantageux, plus la productivité est grande.

Les physiocrates avaient anticipé la théorie de Say, selon laquelle, une augmentation de la production provoque toujours une augmentation de la demande. Mais ils ont, surtout, insisté, tout comme Keynes, sur l?importance de la consommation pour stimuler la production.[63]

L?homme ne réalise pas ses projets, en consommant plus et en travaillant moins, mais en agissant, de manière adéquate.

« Il est très important de se rendre compte que l?économie est une activité humaine, mais aussi, souligner qu?il s?agit d?un moyen et que sa densité humaine ne se réalise qu?en vertu des opérations immanentes. »[64]

« Quand je réalise une action quelconque, sa valeur ne peut être évaluée en soi, elle doit être mise en relation avec la finalité de l?homme. .. Les actions historiques deviennent des instruments pour l?acquisition du bonheur. Ce que je fais, importe peu. Ce qui est fondamental, c?est que cette action me rende meilleur et heureux. C?est dans l?histoire que nous nous humanisons, que nous devenons parfaits et, de cette manière, heureux. »[65]

Si, auparavant, nous avons vu que la consommation n?est pas une finalité, nous découvrons, maintenant, que le travail n?est pas une, non plus. Le travail est un moyen important, permettant d?atteindre ces buts d?humanisation personnelle et sociale. La tâche primordiale consiste à intégrer, le mieux possible, toutes nos activités théoriques, sociales et techniques pour atteindre notre objectif final.

« La finalité du travail ne peut être différente de celle de toutes les autres activités : l?exercice de l?esprit. Pour cela, il nous faut incorporer la nature pour pouvoir aider, davantage,au développement de la vie humaine ; nous devons dominer la nature pour que les hommes cessent d?être ses esclaves et puissent se concentrer sur leur esprit. Nous devons produire pour montrer la transcendance de l?esprit humain sur le monde. Produire consiste, à imprégner d?esprit, la matière. »[66]

« La finalité des activités pratiques est le meilleur exercice des opérations inhérentes. Une conclusion surprenante, à première vue, mais inévitable. L?homme construit un monde pour mener à bien les opérations cognitives. La finalité de l?homme, n?est pas la production, mais la contemplation, et la valeur de la production dépend de sa faculté à proportionner quelque chose de mieux. L?homme est homo faber parce qu?il est homo sapiens. »

Le progrès n?est pas une variable, qui croit, simplement, en suivant le cours du temps. Il peut, même, lui arriver de reculer.

« De nos jours, on ne pense plus que le progrès est une constante historique linéaire. L?idée même, de progrès historique, est décriée. Il suffit de se souvenir de la terreur provoquée par la catastrophe nucléaire ou la revendication écologique qui lutte pour défendre la nature face à la

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technique? Maintenir le progrès sans développer le savoir, peut être assimilé au « progressisme », une position irrationnelle aux alluressophistiques. »[67]

Le progrès économique provoque des changements, mais il ne s?agit pas toujours d?améliorations. Cela nous amène à réfléchir sur les finalités de l?activité économique.

Avec optimisme, Schaff expliquait, ainsi, comment le développement technologique pouvait entraîner une évolution des modes de vie :

« L?automatisation et la robotisation provoqueront des transformations immenses dans la sphère du travail traditionnel en créant un chômage structurel à l?échelle des masses. Les changements ne se limiteront pas àune nouvelle conceptionsociale du travail, qui, en grande partie, sera remplacé par des occupations, mais aussi par un changement d?attitude face au travail, son appréciation par l?individu. En d?autres mots,il existera un nouvel ethos du travail. (?) Il ne restera plus que des occupations créatives (même si elles conservent l?apparence du travail) et j?utilise ce terme pour faire référence, non seulement, à la production d??uvre scientifique, artistique, ou toute autre activité humaine où l?intellect joue un rôle essentiel. (?) Ainsi, donc, l?arrivée de la société de l?information nous annonce un nouveau style de vie, mais aussi une vie qui sera plus épanouissante pour les individus. »[68]

59 CHOZA, ?Sentido objectivo y sentido subjectivo del trabajo? en Estudios sobre la enciclica Laborem Exercens, BAC, Madrid 1987, p. 263.

60 MENDEZ, op,cit,p.137.

61 SAUVY, op, cit, cap.I.

62 HAYEK, op, cit,, p.71.

63 SPENGLER, op, cit.

64 POLO, ?La interpretacion socialista del trabajo??, cit. pp. 212-213.

65 ALVIRA, ?¿Qué significa el trabajo?, en Estudios sobre la Laborem Exercens, cit. p. 190.

66 Id, ib, p.195.

67 POLO, ?La interpretacion socialista del trabajo??cit, pp.8-9.

68 SCHAFF, op.cit, pp.150-155.

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