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Genre et éthique Colloque organisé par l’Institut Émilie du Châtelet Paris 8-9 juin 2012 Université Paris Diderot-Paris 7 – Amphithéâtre Vilgrain 1A La Halle aux Farines – 2 rue Marguerite Duras 75013 Paris Responsables scientifiques Stéphanie Hennette-Vauchez Paris-Ouest Nanterre La Défense Pierre Jouannet Paris Descartes Laurie Laufer Paris Diderot-Paris 7 Agnès Martial Centre N. Elias CNRS-EHESS Marseille Pascale Molinier Paris 13 Villetaneuse Florence Rochefort GSRL EPHE-CNRS Catherine Vidal Institut Pasteur Nombre de questions de société, désormais posées au plan éthique, concernent la qualité du lien social, les valeurs qui le fondent et qui président à l’agir social, politique, institutionnel ou individuel. Le plus souvent ces débats s’énoncent en des termes qui ignorent la dimension de genre et, parfois, visent à renforcer les inégalités entre les sexes et les sexualités dans les différents champs où les questions d'éthique se posent : politique, économique, religieux, médical et neuro- scientifique. Ce colloque vise à mettre en lumière les enjeux de genre du débat éthique et de ses fondements normatifs. Il entend faire valoir le potentiel critique et heuristique des études de genre dans la réflexion éthique sur la vie, la relation à autrui, la morale, le droit, les savoirs, la liberté, l’écologie... Il a également pour objectif de faire connaître et d’analyser diverses propositions féministes internationales sur l’éthique, notamment en philosophie morale. Trois thématiques permettront d’aborder l’articulation entre genre et éthique : Genre, éthique et discours normatifs Procréation et parentalité : enjeux éthiques et genre Approches féministes en psychologie et philosophie morales Sylvie Blumenkrantz Institut Émilie du Châtelet Coordinatrice

Genre et éthique - IEC - Accueil · l’éthique, notamment en philosophie morale. Trois thématiques permettront d’aborder l’articulation entre genre et éthique : Genre, éthique

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Genre et éthique Colloque organisé par l’Institut Émilie du Châtelet

Paris 8-9 juin 2012

Université Paris Diderot-Paris 7 – Amphithéâtre Vilgrain 1A La Halle aux Farines – 2 rue Marguerite Duras 75013 Paris

Responsables scientifiques

Stéphanie Hennette-Vauchez Paris-Ouest Nanterre La Défense

Pierre Jouannet Paris Descartes

Laurie LauferParis Diderot-Paris 7

Agnès Martial Centre N. Elias CNRS-EHESS Marseille

Pascale Molinier Paris 13 Villetaneuse

Florence Rochefort GSRL EPHE-CNRS

Catherine VidalInstitut Pasteur

Nombre de questions de société, désormais posées au plan éthique, concernent la qualité du lien social, les valeurs qui le fondent et qui président à l’agir social, politique, institutionnel ou individuel. Le plus souvent ces débats s’énoncent en des termes qui ignorent la dimension de genre et, parfois, visent à renforcer les inégalités entre les sexes et les sexualités dans les différents champs où les questions d'éthique se posent : politique, économique, religieux, médical et neuro-scientifique. Ce colloque vise à mettre en lumière les enjeux de genre du débat éthique et de ses fondements normatifs. Il entend faire valoir le potentiel critique et heuristique des études de genre dans la réflexion éthique sur la vie, la relation à autrui, la morale, le droit, les savoirs, la liberté, l’écologie... Il a également pour objectif de faire connaître et d’analyser diverses propositions féministes internationales sur l’éthique, notamment en philosophie morale.

Trois thématiques permettront d’aborder l’articulation entre genre et éthique :

Genre, éthique et discours normatifs

Procréation et parentalité : enjeux éthiques et genre

Approches féministes en psychologie et philosophie morales Sylvie Blumenkrantz Institut Émilie du Châtelet

Coordinatrice

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012

Matin 8h45 - 12h30

Accueil à 8h45

Introduction du colloque Florence ROCHEFORT GSRL EPHE-CNRS, présidente de l’Institut Émilie du Châtelet Genre, éthique et discours normatifs

Eleni VARIKAS Université Paris 8-CRESPPA

Simone BATEMAN CERSES, CNRS – Université Paris Descartes–Paris Sorbonne Cité Éthique, bioéthique et genre

Stéphanie HENNETTE-VAUCHEZ Université Paris-Ouest Nanterre La Défense Normes juridiques, genre et éthique

Pause

Laurie LAUFER Université Paris Diderot-Paris 7 La psychanalyse est-elle un féminisme manqué ?

Catherine VIDAL Institut Pasteur La neuro-éthique contre le neuro-sexisme

Débat

Pause déjeuner

Après-midi 14h -18h

Procréation et parentalité: enjeux éthiques et genre

Pierre JOUANNET Université Paris Descartes

Agnès MARTIAL Centre Norbert Elias CNRS EHESS, Marseille

Cathy HERBRAND Chercheuse invitée à la London School of Economics and Political Science (LSE), Centre de recherche BIOS La régulation des nouvelles formes de parenté en Belgique : enjeux éthiques et questions en suspens

Maria Eleonora SANNA GSRL CNRS-EPHE La PMA en France et en Italie : enjeux d’éthique, religieux et de genre

Philippe DESCAMPS CERSES-CNRS Genre et bioéthique, la construction de la différence en droit

Débat

Pause

Diane ROMAN Université François Rabelais de Tours / CREDOF - Université Paris Ouest Nanterre La Défense Divergences féministes à propos la gestation pour autrui

Jérome COURDURIÈS Centre Norbert Elias EHESS, Marseille Devenir parents grâce au recours à une gestation pour autrui : élaboration d'une éthique individuelle et conjugale

Débat

Cocktail

Samedi 9 juin 2012

Matin 9h00 - 13h

Accueil à 9h

Approches féministes en psychologie et philo-sophie morales : pour une autre élaboration éthique Pascale MOLINIER Paris 13 Villetaneuse

Sandra LAUGIER Université Paris 1 Panthéon Sorbonne Féminisme et philosophie morale

Vanessa NUROCK Université Paul Valéry Montpellier 3 En quoi le care est-il (une) éthique ?

Pause

Solange CHAVEL Université de Poitiers Éthique du care et capabilités. À partir de Martha Nussbaum

Catherine LARRÈRE Université Paris 1 Panthéon Sorbonne Écoféminisme : nature, éthique et genre

Débat

Programme

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 9h00 - 9h15

INTRODUCTION DU COLLOQUE

Florence ROCHEFORT GSRL EPHE-CNRS, présidente de l’Institut Émilie du Châtelet Florence ROCHEFORT est chargée de recherche CNRS au Groupe Sociétés Religions Laïcités (GSRL). Elle est spécialiste d’histoire du féminisme et poursuit ses recherches sur genre, féminismes, religions, laïcités et sécularisation. Elle est présidente de l’lnstitut Émilie du Châtelet, et co-dirige la revue CLIO Histoire, Femmes et Sociétés. Elle a publié notamment : Laicidad, feminismos y globalización Mexico, PUEG UNAM, PIEM Colmex, coll. Cuadernos Simone de Beauvoir, 2011 (recueil d’articles traduits en espagnol) ; « Troisième vague féministe, religions et sécularisations, 1990-2007 », in Christine Fauré (dir.), Nouvelle Encyclopédie politique et historique des femmes, Les Belles-Lettres, 2010, p. 1096-1114 ; Photo/Femmes/Féminisme 1860-2010. Collection de la bibliothèque Marguerite Durand, Paris Bibliothèque-Actes Sud, 2010 (en collaboration avec Annie Metz) ; (dir.) Le Pouvoir du genre. Laïcités et religions 1905-2005, Toulouse, PUM, 2007 ; (co-dir.), Le Siècle des féminismes, Éditions de l’Atelier, 2004 ; à paraître en 2012, Les Lois Veil : Contraception 1974- IVG 1975, Armand Colin, coll. Les événements fondateurs (avec Bibia Pavard et Michelle Zancarini-Fournel).

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 9h15 – 12h30

GENRE, ÉTHIQUE ET DISCOURS NORMATIFS Présidente de séance :

Eleni VARIKAS Université Paris 8-CRESPPA

Eleni VARIKAS est professeure de théorie politique et d’études du genre à Paris 8 et membre de l’équipe GTM de l’UMR CRESPPA-CNRS/Paris 8. Elle a enseigné comme professeure invitée dans plusieurs universités européennes, nord-américaines et brésiliennes. Ses recherches portent sur l'histoire du féminisme et du genre, le genre dans la théorie politique, sur le concept de paria, les héritages coloniaux des empires européens, sur l'épistémologie féministe. Parmi ses dernières publications : Sous les sciences sociales, le genre, La Découverte, 2010, avec D. Chabaud, V. Descoutures, A-M. Devreux ; Genre et postcolonialismes. Dialogues transcontinentaux, Éditions des Archives contemporaines, 2011, avec Anne Berger ; « Genre, modernité et colonialité du pouvoir », Cahiers du Genre, n° 50, 2012, avec M. E. Sanna.

La problématique de genre permet de souligner l’impact de la construction hiérarchisée des catégories sexuées et des sexualités sur l’élaboration des questionnements éthiques dont il s’agit ainsi d’analyser les paradoxes politiques, philosophiques et scientifiques.

Une réflexion pluridisciplinaire mettra au jour les présupposés concernant le masculin et le féminin au sein des discours disciplinaires et d’expertise sur lesquels s’enracinent les réflexions éthiques contemporaines (la bioéthique, le droit, la psychanalyse, la neuro-éthique).

Il s’agit de montrer l’apport critique d’une perspective de genre pour interpeller le champ de l’éthique, l’articuler au politique et enrichir le débat en des termes non-sexistes et non-discriminatoires.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 9h20 – 9h50

GENRE, ÉTHIQUE ET DISCOURS NORMATIFS Présidente de séance : Eleni VARIKAS (Université Paris 8-CRESPPA)

Simone BATEMAN CERSES, CNRS – Université Paris Descartes–Paris Sorbonne Cité

ÉTHIQUE, BIOÉTHIQUE ET GENRE L’existence d’une loi « bioéthique » portant pour l’essentiel sur l’AMP, le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain, et les tests de diagnostic prénatal, tend à restreindre l’usage du mot bioéthique aux seules pratiques qui bouleversent nos conceptions courantes de la personne, de la famille et des liens de parenté, des relations entre sexualité et procréation, et du statut du corps humain et de l’embryon. Cette tendance est accentuée par le fait que ces pratiques, et les transformations anthropologiques qu’elles impliquent, occupent depuis longtemps une place prépondérante dans le débat dit de bioéthique – débat qui paraît ainsi accorder une place de choix aux questions de genre, tout au moins celles ayant un lien avec la reproduction, la corporéité et l’identité. Par contraste, les problèmes liés à la prise en charge médicale des personnes, notamment en cas de maladie grave et en fin de vie, ne sont devenus en France que très récemment l'objet d’une attention spécifique ; quant aux questions relatives à la recherche en milieu médical, elles génèrent encore aujourd’hui peu de débat public. De plus, leur réglementation renvoie à des textes juridiques spécifiques et distincts de la loi relative à la bioéthique. Et pourtant l’ensemble de ces problèmes éclairent singulièrement les conditions courantes de l’exercice de la médecine, où les questions éthiques et les questions liées au genre sont nécessairement présentes. Le champ que recouvre le mot bioéthique reste donc flou et l’éthique elle-même est réduite à une préoccupation sur la moralité de pratiques spécifiques pour lesquelles il suffirait de trouver le cadre juridique pertinent, alors qu’elle est plutôt une exigence de réflexion et de retour critiques sur nos manières de vivre et d’agir au quotidien.

Simone BATEMAN est sociologue, directrice de recherche CNRS, au Centre de Recherche Sens, Ethique, Société (CERSES – UMR 8137 CNRS - Université Paris Descartes). Ses recherches portent principalement sur des pratiques médicales et scientifiques novatrices, notamment dans le domaine de la reproduction et de la sexualité, et sur les questions éthiques que celles-ci suscitent, ainsi que sur le débat public concernant leur légitimité et leur encadrement normatif. Ses travaux actuels portent sur les choix en matière de procréation (dont le recours éventuel au diagnostic prénatal et diagnostic préimplantatoire) par des personnes se sachant à risque d’un cancer héréditaire. Par ailleurs, elle a participé à plusieurs groupes de travail, constitués par des organismes nationaux et internationaux, dans les domaines de l’éthique, de la recherche et de la santé, et a été membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé de 1992 à 1996.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 9h55 – 10h25

GENRE, ÉTHIQUE ET DISCOURS NORMATIFS Présidente de séance : Eleni VARIKAS (Université Paris 8-CRESPPA)

Stéphanie HENNETTE-VAUCHEZ Université Paris-Ouest Nanterre La Défense

NORMES JURIDIQUES, GENRE ET ÉTHIQUE Le principe d’égalité est un principe central à la normativité juridique, à telle enseigne qu’il revêt, par bien des aspects, l’allure d’un engagement éthique. Néanmoins, tant sa conceptualisation que son application révèlent de sérieuses limites à son effectivité. L’intervention s’attachera à souligner les apports de la critique féministe du droit en la réflexion en la matière.

Stéphanie HENNETTE VAUCHEZ est professeure de droit public à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, où elle dirige le M2 Droits de l’Homme et co-assure la responsabilité scientifique du programme REGINE (Recherches et Études sur le Genre et les Inégalités en Europe). Ses travaux de recherche portent sur le droit de la bioéthique, les aspects théoriques du droit des droits de l’Homme et la question des inégalités de genre.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 10h55 – 11h25

GENRE, ÉTHIQUE ET DISCOURS NORMATIFS Présidente de séance : Eleni VARIKAS (Université Paris 8-CRESPPA)

Laurie LAUFER Université Paris Diderot-Paris 7

LA PSYCHANALYSE EST-ELLE UN FÉMINISME MANQUÉ ? En 1975, Gayle Rubin, anthropologue américaine féministe écrit dans « Le marché au sexe » : « la psychanalyse est une théorie féministe manquée ». La théorie de Freud sur la féminité a été soumise à la critique féministe dès sa publication. Souvent à juste titre, dans la mesure où cette théorie peut faire entendre une justification ou une rationalisation de la subordination des femmes. Dans le même texte G. Rubin écrit : « Comme la psychanalyse est une théorie du genre, l'écarter serait suicidaire pour un mouvement politique qui se consacre à éradiquer la hiérarchie de genre (ou le genre lui-même). » Il ne s’agit pas de « sauver » Freud ou de le soustraire à ces critiques, mais de comprendre en quoi la théorie psychanalytique qui, dès son invention a laissé se déployer la parole des femmes sur leur corps et leur désirs, a pu, selon le mot de G. Rubin, « manquer » la marche du féminisme. Ce ratage a-t-il à voir avec sa dimension politique ?

Laurie LAUFER est psychanalyste et professeure de psychopathologie clinique à l’université Paris Diderot-Paris 7. Elle est membre du Comité scientifique de l’IEC, auteure de L’Énigme du deuil, PUF, 2006, et des préfaces de Deuil et Mélancolie (Payot, 2010) et Malaise dans la civilisation (Payot, 2011) de Freud. Elle a coordonné le numéro de la revue Champ Psy, « Ce que le genre fait à la psychanalyse », 2011.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 11h30 – 12h00

GENRE, ÉTHIQUE ET DISCOURS NORMATIFSPrésidente de séance : Eleni VARIKAS (Université Paris 8-CRESPPA)

Catherine VIDAL Institut Pasteur

LA NEURO-ÉTHIQUE CONTRE LE NEURO-SEXISME Force est de constater que malgré les progrès des connaissances en neurosciences et la découverte de la plasticité du cerveau, les préjugés sur les différences cérébrales entre les femmes et les hommes sont toujours bien présents. Médias et magazines nous abreuvent de vieux clichés qui prétendent que les femmes sont naturellement bavardes et incapables de lire une carte routière, alors que les hommes sont nés bons en maths et compétitifs. Mais les médias sont loin d'être seuls en cause. Certains milieux scientifiques contribuent activement à promouvoir l'idée d'un déterminisme biologique des différences d'aptitudes et de comportement entre les sexes. On nous annonce régulièrement de nouvelles « découvertes » : gène de l'homosexualité, hormone de la fidélité, neurones du care ! L’examen attentif des expériences montre que la littérature scientifique traitant des différences cérébrales entre les sexes manque souvent d’objectivité. Une analyse critique s'impose d'autant plus que la portée politique de ces discours est lourde de conséquences. Le « neuro-sexisme » contemporain, avec ses allures scientifiques, fait recette dans les milieux conservateurs pour justifier les préjugés et les inégalités entre les sexes. Dans ce contexte, il est crucial que les biologistes s'engagent au côté des sciences humaines pour défendre une éthique dans la production des savoirs et éveiller la responsabilité des chercheurs sur l'impact de leurs travaux dans le champ social et politique. Une autre priorité est de diffuser des informations de qualité vers le grand public et par là même contribuer à construire une culture de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Catherine VIDAL est neurobiologiste, directrice de recherche à l’Institut Pasteur. Son activité de recherche fondamentale actuelle concerne la mort neuronale dans la maladie de Creuzfeld-Jacob et les infections par les prions. Elle se consacre également à la diffusion du savoir scientifique à travers des publications, des conférences et des interventions dans les médias. Son intérêt se porte sur les rapports entre science et société, concernant en particulier le déterminisme en biologie, le cerveau et le sexe. Elle est membre de l'Institut Emilie du Châtelet, de la Mission pour la place des femmes au CNRS, du Laboratoire de l’Égalité et de l'Association « Femmes et Sciences ». Elle a été promue chevalière de la Légion d'honneur en 2009. Elle a notamment publié : Cerveau, sexe et pouvoir, avec Dorothée Benoit-Browaeys, Belin, 2005 ; (dir.), Féminin/Masculin : mythes et idéologie, Belin, 2006 ; Hommes, femmes : avons-nous le même cerveau ?, Le Pommier, 2007 ; Cerveau, sexe et liberté, DVD, Gallimard/ CNRS, 2007 ; Le cerveau évolue-t-il au cours de la vie ?, Le Pommier, 2009 ; Les filles ont-elles un cerveau fait pour les maths ?, Le Pommier, 2012.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 14h00 – 18h00

PROCRÉATION ET PARENTALITÉ : ENJEUX ÉTHIQUES ET GENRE Président-e-s de séance :

Pierre JOUANNET Université Paris Descartes Médecin et professeur émérite à l’université Paris Descartes, Pierre JOUANNET a enseigné l’histologie, l’embryologie et la biologie de la reproduction. Il a été responsable du Laboratoire de biologie de la reproduction et assistance médicale à la procréation (AMP) et du CECOS à l’hôpital Cochin. Ses recherches ont porté principalement sur les facteurs masculins de la fertilité et l’infertilité, ainsi que sur l’AMP et ses conséquences, notamment épigénétiques. Il a aussi collaboré aux réflexions éthiques dans ce domaine. Il a coordonné le numéro thématique sur l’AMP du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (juin 2011). Actuellement rattaché au centre de recherche Sens, Ethique, Société-CERSES, UMR CNRS 8137, il est membre de l’Académie nationale de, médecine et du Conseil scientifique de l’IEC. Ouvrages récents : La fertilité est-elle en danger ?, en coll. avec B. Jegou et A. Spira, La Découverte, 2009 ; Donner et après. La procréation avec don de spermatozoïdes avec ou sans anonymat, coord. avec R. Mieusset, Springer, 2010.

Agnès MARTIAL Centre Norbert Elias CNRS EHESS, Marseille Anthropologue au CNRS, Agnès MARTIAL s’intéresse à l’évolution contemporaine des liens de famille, du contenu de la filiation et des rapports de genre dans les nouvelles trajectoires conjugales et familiales. Ces axes de recherches ont été déclinés à partir de différents angles d'approche empiriques : les recompositions familiales, la filiation et l'état civil, la circulation des valeurs matérielles et financières au sein du couple et de la parenté, les redéfinitions de la paternité. Elle a notamment publié : (dir.) La valeur des liens. Hommes, Femmes et transactions familiales, Toulouse, PUM, 2009 ; avec H. Belleau (dir.), Aimer et compter ? Droits et pratiques des solidarités conjugales, P. U. de Québec, 2011 ; avec A. Fine, « Vers une naturalisation de la filiation ? », Genèses. Sciences sociales et histoire, n° 78, 2010, p.121-134 ; « Paternités contemporaines et nouvelles trajectoires familiales », Ethnologie française, 1/2012 (vol. 42), p. 105-116.

Les questions de la procréation et de la parentalité sont tout particulièrement révélatrices des articulations entre genre et éthique. Elles contribuent aux réflexions sur les variations, cohérences et différences qui se manifestent entre les identités homme-femme/ masculin-féminin/ père-mère. Le point de vue éthique conduit à réinterroger l’élaboration, la diffusion, mais aussi l’interprétation et la transgression des normes qui régissent le masculin et le féminin au regard de la construction et de la définition des nouvelles formes de procréation et de parentalité. À travers quelles instances, en fonctions de quels critères et dans quelles conditions, une société définit-elle ce qu’est un père, une mère dans les configurations relationnelles contemporaines ? Comment les acteurs et actrices sociales s’approprient ces repères normatifs pour construire leur propre « éthique » de la procréation et de la parentalité ? À quelle variété d’analyses et de positionnements mènent les approches féministes ?

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 14h00 – 14h30

PROCRÉATION ET PARENTALITÉ : ENJEUX ÉTHIQUES ET GENRE Président-e-s de séance : Pierre Jouannet (Paris Descartes) et Agnès Martial (CNRS)

Cathy HERBRAND Chercheuse invitée à la London School of Economics and Political Science, Centre de recherche BIOS

LA RÉGULATION DES NOUVELLES FORMES DE PARENTÉ EN BELGIQUE : ENJEUX ÉTHIQUES ET QUESTIONS EN SUSPENS Au cours des dix dernières années, le droit de la famille belge a été significativement modifié par plusieurs lois adoptées dans un souci explicite d’égalité et de respect de l’autonomie et de la liberté individuelle. Dans cet esprit, un grand nombre de pratiques reproductives et de formes parentales ont été rendues accessibles et/ou légitimées. Si le droit de la famille belge semble ainsi accompagner et promouvoir la démocratisation de la sphère privée, plusieurs mesures légales demeurent toutefois ambivalentes ou limitées à certaines catégories d’individus, à l’instar de la présomption de paternité qui, contrairement au mariage et à l’adoption, n’a pas été étendue aux couples de même sexe. De plus, les débats se poursuivent autour de certaines situations et pratiques parentales qui ne sont toujours pas régulées, comme la gestation pour autrui. Outre les incertitudes et problèmes que cela peut engendrer au niveau légal, cette situation entraîne des effets différenciés selon les catégories de personnes concernées, en particulier selon leur sexe et leur orientation sexuelle, interrogeant dès lors la cohérence des récents changements législatifs et les principes mêmes qui furent au cœur de ceux-ci. Dans cette communication, je me pencherai sur différentes mesures légales et situations parentales qui restent en suspens ou continuent à être débattues au niveau politique. À travers la mise en évidence des normes et des valeurs qui se confrontent autour de ces enjeux, il s’agira ainsi de cerner les dilemmes éthiques qui les sous-tendent, en particulier en termes de genre.

Cathy HERBRAND, docteure en sociologie de l’Université libre de Bruxelles, est chargée de recherches au Fonds de la Recherche Scientifique de Belgique. Après un séjour postdoctoral à la London School of Economics and Political Science, elle est actuellement chercheuse invitée au centre BIOS à King’s College London. Ses recherches portent sur les nouvelles formes de parenté et leur encadrement légal. Elle a publié divers articles et contributions sur l’homoparentalité, la parenté sociale et la filiation, notamment dans une perspective comparée entre la Belgique et le Québec. Parmi ses récentes publications figurent « La filiation à l’épreuve de la présomption de « paternité » pour les couples de même sexe : questionnement et perspectives à partir du cas belge », Droit et Société, sous presse et « La loi sur la procréation médicalement assistée en Belgique : reflet de la diversité familiale ? » dans Gallus N., Le Droit des familles : genre et sexualité, 2012. Elle a également coordonné un numéro de la revue Civilisations avec D. Berliner, intitulé « Sexualités : apprentissage et performance » 2010 et prépare un ouvrage sur les coparentalités gayes et lesbiennes.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 14h35 – 15h05

PROCRÉATION ET PARENTALITÉ : ENJEUX ÉTHIQUES ET GENRE Président-e-s de séance : Pierre Jouannet (Paris Descartes) et Agnès Martial (CNRS)

Maria Eleonora SANNA GSRL EPHE-CNRS

LA PMA EN FRANCE ET EN ITALIE : ENJEUX D’ÉTHIQUE, RELIGIEUX ET DE GENRE L’analyse comparative des débats autour de l’aménagement de la PMA en France et en Italie met en lumière le discours sur le genre émis par les autorités et les médecins catholiques en tant qu’experts de questions d’éthique. Je propose d’interroger les conditions et les modalités dans lesquelles ce discours participe à la formulation des termes des débats sur les NTR tant au niveau national que transnational. Ensuite, il me semble important de comprendre dans quelle mesure, une parole catholique qui prêche l’hétéronormativité est susceptible, ou non, d’être intégrée dans la législation civile des sociétés contemporaines sécularisées, et d’être traduite en norme « bioéthique ».

Maria Eleonora SANNA est philosophe et docteure en Science politique. Elle est, depuis 2010, chercheuse post-doctorante du Groupe Sociétés Religions Laïcités, CNRS. Ses recherches portent sur genre, religion(s) et politique en Europe. Elle travaille actuellement à la rédaction d’un livre intitulé Morale sexuelle catholique et néolibéralisme : un mariage contre nature ? à paraître aux Presses Universitaires de Vincennes. Sur le même sujet, elle a publié, avec Luca Paltrinieri, « Une pilule difficile à avaler. L’Église catholique, le pouvoir médical et la politique néolibérale du sexe », La Rose de Personne, n° 4, Politiques et sexualités, 2009, p. 77-91. Parmi ses autres publications les plus récentes figurent : avec Eleni Varikas, Cahiers du Genre n° 50, Genre, modernité et « colonialité » du pouvoir, 2011 ; « Ces corps qui ne comptent pas : les musulmanes voilées en France et au Royaume-Uni », Cahiers du Genre n° 50, Genre, modernité et « colonialité » du pouvoir, 2011, p. 111-132 ; « L’autonomie paradoxale ou le politique à l’épreuve des expériences d’Antigone la séditieuse », Actes du colloque Les femmes, le féminin et le politique après Nicole Loraux, en ligne sur le site internet du Centre for Hellenic Studies at Harvard University, 2010.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 15h10 – 15h40

PROCRÉATION ET PARENTALITÉ : ENJEUX ÉTHIQUES ET GENRE Président-e-s de séance : Pierre Jouannet (Paris Descartes) et Agnès Martial (CNRS)

Philippe DESCAMPS CERSES-CNRS

GENRE ET BIOÉTHIQUE, LA CONSTRUCTION DE LA DIFFÉRENCE EN DROIT La teneur inédite des questions que pose la maîtrise grandissante des techniques du vivant depuis quelques décennies incite le discours bioéthique contemporain, et ce depuis les premières lois de bioéthique de 1994, à inventer de nouveaux principes éthiques et juridiques tout aussi inédits. Or l’examen attentif des modalités de la construction du discours bioéthique révèle un grand nombre de difficultés conceptuelles et de nombreuses apories, tant du côté de la fondation des principes que de celui des modalités de leur application. Tentant de contrer l’éventuel biopouvoir de la technique sur l’homme, la bioéthique sème, en utilisant le droit comme outil, les germes assurément féconds d’un autre biopouvoir fondé quant à lui sur des représentations souvent erronées des processus naturels de reproduction humaine. C'est en particulier en faisant de l'espèce humaine la valeur la mieux protégée (pénalement) que le droit de la bioéthique a bouleversé en profondeur les fondements du droit français. La juridicisation de la notion d’espèce humaine contribue en outre à asseoir l’idée que la différence des sexes est d’ordre ontologique et que le sujet féminin est, par nature, soumis aux règles naturelles de la reproduction. Cette communication se donne pour but d'évaluer l’effectivité, la pertinence et les enjeux politiques du renforcement réciproque de deux théorisations de la différence des sexes, celle que produit le droit de la bioéthique et qui est fortement teinté de biologisme et celle qu’ont construite les positions féministes différentialiste et essentialiste.

Philippe DESCAMPS est docteur en philosophie et enseigne à l'Université de Paris-Sorbonne. Rattaché au Centre de Recherche Sens, Ethique, Société (CERSES, CNRS UMR 8137), il y a poursuivi deux recherches post-doctorales : la première en 2009-2010, financée par l'Institut Emilie du Châtelet et intitulée « Genre et bioéthique, la construction de la différence en droit » ; la seconde en 2011-2012, financée par la commission européenne dans le cadre du projet « EPOCH, Ethics in Public Policy-Making : the Case of Human Enhancement ». Outre divers articles d'histoire de la philosophie (en particulier sur le droit naturel chez Fichte), d'épistémologie (sur des questions relatives à la taxinomie) et d'analyse juridique des débats bioéthiques, il est l'auteur de quatre essais, parmi lesquels L'Utérus, la technique et l'amour. L'enfant de l'ectogenèse et Le Sacre de l'espèce humaine. Le droit au risque de la bioéthique, tous deux parus aux Presses Universitaires de France, respectivement en 2008 et 2009. Il poursuit à l'heure actuelle ses recherches visant à poser les linéaments d'une philosophie juridique renouvelée de la naissance.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 16h30 – 17h00

PROCRÉATION ET PARENTALITÉ : ENJEUX ÉTHIQUES ET GENRE Président-e-s de séance : Pierre Jouannet (Paris Descartes) et Agnès Martial (CNRS)

Diane ROMAN Université François Rabelais Tours / CREDOF Université Paris-Ouest Nanterre La Défense

DIVERGENCES FÉMINISTES À PROPOS DE LA GESTATION POUR AUTRUI La gestation pour autrui est interdite en France depuis 1994. Après avoir fait l’objet d’une mise hors-la-loi judiciaire par la Cour de Cassation en 1991, elle a été définitivement condamnée par la première loi bioéthique du 29 juillet 1994. Depuis cette date, l’article 16-7 du Code civil dispose que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ». Or, régulièrement, cet interdit juridique fait l’objet de remises en cause doctrinales et militantes, parfois relayées par des institutions publiques. Si les arguments invoqués au soutien de la reconnaissance ou, à l’inverse, au renfort de l’interdiction de la gestion pour autrui sont divers (par exemple l’alignement du droit sur une pratique rendue possible par l’essor d’un tourisme procréatif ou, au contraire, l’affirmation de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes), le registre de l’argumentation féministe est désormais particulièrement utilisé, avec des implications contradictoires. Entre l’affirmation d’une liberté individuelle de la femme à mettre ses facultés procréatrices au service de la détresse d’une autre et le refus d’une instrumentalisation des utérus humains présentée comme une version sophistiquée de l’exploitation des femmes, les arguments féministes s’entrechoquent, de façon souvent passionnée. Si les intellectuels et les élus mènent le débat, c’est le plus souvent en mobilisant des arguments de type juridique (droit à l’autonomie personnelle, liberté individuelle, droits génésiques etc.). La communication présentée tentera d’en dresser la généalogie et la typologie, en mesurant, à l’aune de la diversité des positions féministes françaises, la difficulté à penser la relation des femmes à la procréation et la maternité.

Diane ROMAN est juriste, professeure des universités. Depuis sa thèse de doctorat, en 2000 à la Sorbonne, ses recherches portent sur les droits fondamentaux, qu’elle aborde sous l’angle principalement du droit social et du droit de la santé. Elle travaille ainsi, aux frontières du droit public et du droit privé, du droit comparé et du droit français, sur les thèmes de l’insertion sociale et de la solidarité, des transformations du traitement du chômage ou des minima sociaux, des politiques de lutte contre l’exclusion ou encore des droits des personnes âgées ou des sans-domicile-fixe. Elle a notamment dirigé un programme de recherche sur la question de la justiciabilité des droits sociaux. Son intérêt s’est également porté sur la question du corps et de la vie privée, à travers la question de l’autonomie personnelle et des droits génésiques (sexualité, procréation médicalement assistée, avortement), qu’elle aborde sous le prisme de l’analyse féministe du droit et des droits des femmes. Elle travaille actuellement au sein du programme REGINE (recherches et études sur le genre et les inégalités dans les normes en Europe), aux aspects internationaux (CEDAW) et nationaux des droits des femmes.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Vendredi 8 juin 2012 - 17h05 – 17h35

PROCRÉATION ET PARENTALITÉ : ENJEUX ÉTHIQUES ET GENRE Président-e-s de séance : Pierre Jouannet (Paris Descartes) et Agnès Martial (CNRS)

Jérôme COURDURIÈS Centre Norbert Elias EHESS Marseille

DEVENIR PARENTS GRÂCE AU RECOURS À UNE GESTATION POUR AUTRUI : ÉLABORATION D’UNE ÉTHIQUE INDIVIDUELLE ET CONJUGALE À la faveur du réexamen périodique des lois de bioéthique, le débat public a cristallisé ces dernières années les positions quant à la gestation pour autrui, pratique explicitement interdite en France depuis la loi de bioéthique du 29 juillet 1994. Malgré cela, des couples hétérosexuels mais aussi homosexuels choisissent cette solution pour devenir parents et se dirigent vers des États qui la tolèrent ou l’encadrent sur le plan légal. En France et, sans doute plus largement, dans l’ensemble des sociétés euro-américaines, l’injonction à être parents et, de surcroît, à avoir un enfant biologiquement relié à soi, est forte. C’est ce qui conduit aujourd’hui un certain nombre de couples hétérosexuels, au sein desquels la femme ne peut porter un enfant, à s’engager dans le parcours d’une gestation pour autrui. Dans le même temps, d’autres normes de parenté qui impliquent l’exclusivité de la filiation (un enfant ne peut avoir que deux parents), et surtout des critères éthiques, aujourd’hui majoritaires dans la sphère législative, sacralisant le lien entre l’enfant et la mère qui le porte et le met au monde, ainsi que l’intégrité du corps des femmes, pèsent lourdement sur les hommes et les femmes qui envisagent de faire appel à une autre femme pour mener à bien leur projet de grossesse. Cette communication se propose d’explorer la manière dont ces hommes et ces femmes discutent au sein de leur couple ces normes contradictoires et construisent une éthique personnelle et conjugale à même de leur permettre de mener à bien leur projet d’enfant.

Jérôme COURDURIÈS est docteur en anthropologie sociale, membre correspondant du Centre Norbert Elias (UMR 8562), Marseille. Dans le cadre de son doctorat et de son post-doctorat, il a rendu compte d’une réalité peu présente dans les travaux francophones en sciences sociales, à savoir la conjugalité des couples d’hommes. De ces enquêtes a été tiré un livre intitulé Être en couple (gay). Conjugalité et homosexualité masculine en France, paru en 2011 aux Presses Universitaires de Lyon. Ses recherches amènent un éclairage nouveau sur les manières de faire couple dans la France contemporaine et les relations familiales, contribuent à mieux connaître les représentations et attitudes en matière de genre, de sexualité, de famille et enfin permettent d’analyser les relations entre masculin et féminin. Ses travaux de recherche actuels le conduisent à travailler sur les situations de recours à des techniques médicales d’aide à la procréation ; celles où des hommes et des femmes, hétérosexuels ou homosexuels mobilisent la médecine pour les aider à procréer avec intervention d’un tiers donneur de gamètes ou de gestation.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Samedi 9 juin 2012 - 9h30 – 12h30

APPROCHES FÉMINISTES EN PSYCHOLOGIE ET PHILOSOPHIE MORALES : POUR UNE AUTRE ÉLABORATION ÉTHIQUE Présidente de séance :

Pascale MOLINIER Université Paris 13 Villetaneuse Pascale MOLINIER est professeure de psychologie sociale, directrice adjointe de l'UTRPP (Unité Transversale de Recherche Psychogenèse et Psychopathologie - EA 4403, PRES Paris Cité Nord, Université Paris 13) et co-directrice de l'Institut du Genre, GIS-CNRS

D’autres approches éthiques sont-elles susceptibles de battre en brèche les injonctions normatives patriarcales ? Il importe d’analyser en quoi la réflexion éthique est également saisie et enrichie par des approches féministes, en psychologie morale et en philosophie morale notamment. Ces transformations concernent, entres autres, les délimitations conventionnelles du domaine de l’éthique, sa définition ainsi que celle des agent-e-s moraux ; elles contribuent à repenser les rapports entre expériences et théorie morale, à intégrer et réhabiliter la sensibilité morale et les affects dans la réflexion, à instaurer des formes de solidarité de genre au sein d’une éthique économique mondialisée, à renouveler les théories et les pratiques écologiques à travers l’écoféminisme.

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Samedi 9 juin 2012 - 9h30 – 10h00

APPROCHES FÉMINISTES EN PSYCHOLOGIE ET PHILOSOPHIE MORALES : POUR UNE AUTRE ÉLABORATION ÉTHIQUE Présidente de séance : Pascale Molinier (Université Paris 13 Villetaneuse)

Sandra LAUGIER Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

FÉMINISME ET PHILOSOPHIE MORALE

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Samedi 9 juin 2012 - 10h05 – 10h35

APPROCHES FÉMINISTES EN PSYCHOLOGIE ET PHILOSOPHIE MORALES : POUR UNE AUTRE ÉLABORATION ÉTHIQUE Présidente de séance : Pascale Molinier (Université Paris 13 Villetaneuse)

VANESSA NUROCK Université Paul Valéry Montpellier 3

EN QUOI LE CARE EST-IL (UNE) ÉTHIQUE ? À partir des travaux de Carol Gilligan, et notamment de The Birth of Pleasure (2003), nous nous demanderons « en quoi le care est-il (une) éthique ? », notamment en distinguant cette approche des stéréotypes traditionnels et conventionnels avec lesquels elle est souvent confondue.

Vanessa NUROCK est philosophe. Son travail concerne essentiellement l’éthique du vivant à son articulation avec le politique. Elle a coordonné, entre autres, un ouvrage collectif intitulé Carol Gilligan et l’éthique du care (PUF, 2011) et publié Rawls, pour une démocratie juste (Michalon, 2010) ainsi que Sommes-nous naturellement moraux ? (PUF, 2012).

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Genre et éthique 8-9 juin 2012

Samedi 9 juin 2012 - 10h55 – 11h25

APPROCHES FÉMINISTES EN PSYCHOLOGIE ET PHILOSOPHIE MORALES : POUR UNE AUTRE ÉLABORATION ÉTHIQUE Présidente de séance : Pascale Molinier (Université Paris 13 Villetaneuse)

Solange CHAVEL Université de Poitiers

ÉTHIQUE DU CARE ET CAPABILITÉS. À PARTIR DE MARTHA NUSSBAUM Depuis les années 1980, Martha Nussbaum a développé, à partir de travaux menés en commun avec Amartya Sen, une théorie politique fondée sur un concept original : celui de « capabilité ». Il s’agit de contester de l’intérieur certains présupposés de la philosophie libérale. En effet, la théorie des capabilités présente de front une exigence souvent laissée de côté par le libéralisme : permettre aux individus qui le composent d’y mener une vie bonne et faire de l’espace politique un espace de développement d’une vie pleinement humaine. Pour ces deux auteurs, la question du genre a été un des champs d’application importants de ce concept normatif. Mais, si Amartya Sen prend soin d’en rester au plan politique, la réflexion prend, chez Martha Nussbaum un tour résolument moral. Le concept de « capabilité » vient s’articuler chez elle à la mise en valeur des notions d’attention, d’imagination et de singularité. Autant de concepts qui entrent en résonnance directe avec certaines des préoccupations majeures de l’éthique du care. En essayant de mettre en valeur ce qui distingue l’approche du care et l’approche des capabilités telle que la développe Martha Nussbaum, on essaiera de mieux comprendre les enjeux de cette nouvelle approche normative pour les questions de genre.

Solange CHAVEL est maître de conférences en philosophie à l'université de Poitiers. Elle a traduit en français plusieurs ouvrages de Martha Nussbaum : La Connaissance de l'amour, Cerf, 2010; Les Émotions démocratiques, Climats, 2011; Capabilités, Climats, 2012). Elle est l'auteur d'une thèse sur l'imagination morale, Se mettre à la place d'autrui, PUR, 2011).

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Samedi 9 juin 2012 - 11h30 – 12h00

APPROCHES FÉMINISTES EN PSYCHOLOGIE ET PHILOSOPHIE MORALES : POUR UNE AUTRE ÉLABORATION ÉTHIQUE Présidente de séance : Pascale Molinier (Université Paris 13 Villetaneuse)

Catherine LARRÈRE Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

ÉCOFÉMINISME : NATURE, ÉTHIQUE ET GENRE L’écoféminisme a pour visée commune la connexion entre la domination des hommes sur les femmes et celle des êtres humains sur la nature. Apparu, dans les années 1980 au sein des éthiques environnementales, l’écoféminisme a fait surgir la question des femmes à l’intérieur de la réflexion environnementale, beaucoup plus qu’il n’a importé la question de la nature à l’intérieur du féminisme. Il en résulte une situation assez nettement dissymétrique. L’écoféminisme a peu de rapports avec les autres courants féministes (qui semblent l’ignorer) alors qu’il se présente comme une réflexion critique à l’intérieur de l’environnementalisme dominant (masculin). Les courants féministes sont, le plus souvent fortement antinaturalistes : les féministes considèrent que la nature, ou la naturalisation, est un piège tendu aux femmes, ce qui les conduit à distinguer le sexe et le genre. Or, en se référant à la nature, l’écoféminisme n’est-il pas exposé à des dérives essentialistes ? Ne conduit-il pas à faire surgir la nature dans un mouvement féministe qui s’en défie et la rejette ? À l’inverse, la différence proclamée de l’écoféminisme par rapport à l’environnementalisme ne va pas de soi. D’autres courants de l’éthique environnementale (Aldo Leopold) défendent une éthique relationnelle qui se rapproche beaucoup de l’éthique du care dont se réclame l’écoféminisme. Comment l’écoféminisme peut-il faire valoir sa différence, et, ce faisant, échappe-t-il à l’essentialisme ? Peut-on être à la fois anti-naturaliste et écologiste ? Ou faut-il sacrifier l’un à l’autre ? Il s’agira donc aussi bien de savoir ce que le féminisme apporte à l’écologie, que ce que l’écologie apporte au féminisme, en examinant les deux prétentions de l’écoféminisme à la différence : les dominations croisées et l’éthique du care.

Catherine LARRÈRE, est philosophe, professeure à l’Université Paris 1, où elle dirige l’équipe « Philosophies contemporaines ». Elle a travaillé sur l’histoire des théories du droit naturel, l’émergence des conceptions économiques et leur lien avec la pensée politique. Elle s’intéresse également aux questions environnementales (protection de la nature, développement des nouvelles technologies). Elle a beaucoup fait pour introduire en France les problématiques anglophones d’éthique environnementale, et s’est particulièrement intéressée aux questions de genre en écologie et aux éthiques du care. Elle a publié notamment : Les Philosophies de l’environnement, PUF, 1997 ; Du bon usage de la nature. Pour une philosophie de l’environnement, en collaboration avec Raphaël Larrère, réédition Champs Flammarion, 2009; et de nombreux articles, dont, récemment, « Au-delà de l’humain : écoféminismes et éthique du care », in Carol Gilligan et l’éthique du care, coordonné par Vanessa Nurock, PUF, 2010, p. 151-174 ; « Care et environnement : la forêt ou le jardin ? », in Sandra Laugier (ed.), Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement, Paris, Payot et Rivages, 2012, p. 233-262.

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Labellisé « Domaine d’intérêt majeur » par la Région Île-de-France, l’Institut Émilie du Châtelet est une fédération de recherche qui se consacre au développement et à la diffusion des études sur les femmes, le sexe et le genre par des activités de recherche, de valorisation et de soutien. Institut Émilie du Châtelet

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