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ARTICLE ORIGINAL Griffose faciale : traitement des rides dynamiques du visage par injections dermiques simultanées de toxine botulique A et d’acide hyaluronique Scratched faces: Treatment of dynamic facial wrinkles through the simultaneous combined use of botulinium toxin A and hyaluronic acid B. Môle 15, avenue de Tourville, 75007 Paris, France Rec¸u le 3 de´cembre 2011 ; accepte´ le 1 fe´vrier 2012 MOTS CLÉS Toxine botulinique A ; Acide hyaluronique ; Mimique faciale ; Hyperkinésie faciale ; Rides superficielles et profondes Résumé Les « griffoses faciales » sont ces rides profondes qui strient le visage depuis le cadre orbitaire jusqu’aux tempes et au pourtour mandibulaire. Si leur origine est d’abord dynamique sous l’action des muscles de la mimique, il existe peut être une participation plus superficielle des récepteurs à Acétylcholine de la peau qui expliquerait leur pérennité et leur existence loin des zones musculaires. Nous proposons donc leur traitement par des injections très superficielles et ciblées de toxine botulique A très diluée ; en cas de peau fortement déshydratée, la toxine est mélangée dans la même seringue à un acide hyaluronique non ou faiblement réticulé. Nous présentons une première série de 25 patients avec un recul de trois à 18 mois traités ainsi pour ces déformations particulièrement marquantes des visages hyperdynamiques et qui n’avaient pas reçu de réponse satisfaisante jusque-là. # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Botulinim toxin A; Hyaluronic acid; Facial mimic; Facial hyperkinesias; Superficial and deep wrinkles Summary We use the term ‘‘scratched face’’ to define a face which has been streaked by deep wrinkles stretching from the orbital frame up to the temples and neck. Although the origin of these wrinkles seems to be the mime muscle effect; it may also be linked to the presence of Acetylcholine skin receptors in the superficial skin. This would certainly explain the reason for the presence of these wrinkles far from the muscle areas. We can therefore offer very superficial and targeted injections of diluted botulinium Toxin A. In the case of a strongly dehydrated skin, the toxin will be combined in the same syringe with a weak or not reticulated hyaluronic acid. We present a case study of 25 patients who have received this treatment, with a follow-up from 3 to 18 months. These patients had not received until now a satisfactory answer to the problem of their particularly striking facial distortions. # 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 194201 Adresse e-mail : [email protected]. Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 0294-1260/$ see front matter # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2012.02.001

Griffose faciale : traitement des rides dynamiques du visage par injections dermiques simultanées de toxine botulique A et d’acide hyaluronique

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Page 1: Griffose faciale : traitement des rides dynamiques du visage par injections dermiques simultanées de toxine botulique A et d’acide hyaluronique

ARTICLE ORIGINAL

Griffose faciale : traitement des rides dynamiquesdu visage par injections dermiques simultanéesde toxine botulique A et d’acide hyaluroniqueScratched faces: Treatment of dynamic facial wrinkles through thesimultaneous combined use of botulinium toxin A and hyaluronic acid

B. Môle

15, avenue de Tourville, 75007 Paris, France

Recu le 3 decembre 2011 ; accepte le 1 fevrier 2012

MOTS CLÉSToxine botulinique A ;Acide hyaluronique ;Mimique faciale ;Hyperkinésie faciale ;Rides superficielles etprofondes

Résumé Les « griffoses faciales » sont ces rides profondes qui strient le visage depuis le cadreorbitaire jusqu’aux tempes et au pourtour mandibulaire. Si leur origine est d’abord dynamiquesous l’action des muscles de la mimique, il existe peut être une participation plus superficielledes récepteurs à Acétylcholine de la peau qui expliquerait leur pérennité et leur existence loindes zones musculaires. Nous proposons donc leur traitement par des injections très superficielleset ciblées de toxine botulique A très diluée ; en cas de peau fortement déshydratée, la toxine estmélangée dans la même seringue à un acide hyaluronique non ou faiblement réticulé. Nousprésentons une première série de 25 patients avec un recul de trois à 18 mois traités ainsi pources déformations particulièrement marquantes des visages hyperdynamiques et qui n’avaientpas reçu de réponse satisfaisante jusque-là.# 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSBotulinim toxin A;Hyaluronic acid;Facial mimic;Facial hyperkinesias;Superficial and deepwrinkles

Summary We use the term ‘‘scratched face’’ to define a face which has been streaked by deepwrinkles stretching from the orbital frame up to the temples and neck. Although the origin ofthese wrinkles seems to be the mime muscle effect; it may also be linked to the presence ofAcetylcholine skin receptors in the superficial skin. This would certainly explain the reason forthe presence of these wrinkles far from the muscle areas. We can therefore offer very superficialand targeted injections of diluted botulinium Toxin A. In the case of a strongly dehydrated skin,the toxin will be combined in the same syringe with a weak or not reticulated hyaluronic acid. Wepresent a case study of 25 patients who have received this treatment, with a follow-up from 3 to18 months. These patients had not received until now a satisfactory answer to the problem oftheir particularly striking facial distortions.# 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 194—201

Adresse e-mail : [email protected].

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

0294-1260/$ — see front matter # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

doi:10.1016/j.anplas.2012.02.001
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Introduction

Par « griffose faciale » nous entendons cette organisationridulaire très particulière chez certaines personnes quis’étend en éventail depuis la zone temporo-orbitaire supé-rieure jusqu’à la zone paracommissurale inférieure. Ces rides,généralement très fines, n’apparaissent qu’au sourireextrême pendant de nombreuses années (Fig. 1) ; mais peuà peu la répétition de leur mise en action en fait un stigmatepermanent qui n’a jusque-là pas reçu de solution satisfaisantedans la zone médiofaciale notamment.

Origine de la griffose faciale

L’origine dynamique apparaît évidente : elle se forme sous lamise en action toujours simultanée de deux muscles princi-paux, l’orbiculaire orbitaire en haut, le grand zygomatiqueen bas. Ces ridules sont fines, presque parallèles les unes auxautres et perpendiculaires au corps musculaire de ces deuxmuscles. De manière indépendante, cette griffose s’étendpresque invariablement à la région périlabiale sous l’actionde l’orbiculaire des lèvres. Cependant, ces rides extrême-ment fines apparaissent également en pleine zone médioju-gale, à plusieurs centimètres des deux muscles incriminésdont la responsabilité est ici moins évidente : on pourratoujours arguer d’une extension par contiguïté mais on peutégalement émettre l’hypothèse d’une origine directementcutanée par hyperexpressivité de certains neuromédiateursdont l’exploration ne fait que débuter [1,2]. Si la ride est unefracture dermique signée histologiquement par la disparitionprogressive du collagène et de l’élastine, d’autres phénomè-nes interviennent, notamment l’hydratation cutanée et la« rétraction interne » des structures tégumentaires, lesvisages émaciés se couvrant rapidement d’un réseau ridu-laire dans tous les sens dont ne souffrent pas les visagesflorides. La qualité de la peau joue donc également un rôlecomme en témoigne l’importance de la déformation quand lapeau est très fine, et les limites de la méthode que nouspréconisons quand elle est particulièrement épaisse.

Technique

Préparation de la mixture :

� la toxine botulique : nous avons effectué cette étude avecchacune des trois toxines actuellement distribuéesen France (Azzalure1 — Galderma Tour Europlazza,92927 La Défense, Vistabel1 — Allergan, 4, place de laDéfense, 92400 Courbevoie, Bocouture1 — Merz Aesthe-tics, 40-44, rue Jean-Mermoz, 78600 Maison-Lafitte) sansrencontrer de différence de résultat de l’une à l’autre.Par commodité, et dans la mesure où la toxine la plusemployée ici a été l’Azzalure1, nous indiquerons tous lesdosages en unités Speywood (Sp) la conversion étantfacilement effectuée selon la relation admise 1 unitéAllergan ou Mertz = 2,5 unités Sp. Étant donné l’étenduedes zones à traiter et le faible nombre d’unités à injecterà chaque point, la dilution que nous avons choisie estnettement plus importante que celle habituellementpréconisée [3], rejoignant ainsi ceux qui prônent systé-

meilleure précision [4]. Quelle que soit la spécialité detoxine, chaque flacon est dilué avec 2 cm3 de sérumphysiologique additionné d’une rinçure de lidocaïne adré-nalinée à 1 % davantage dans un but de limiter encore uneéventuelle diffusion que d’augmenter le confort dupatient, ces injections étant généralement très bien sup-portées malgré leur nombre élevé ;� l’acide hyaluronique (AHA) : il est en principe toujours non

réticulé puisque l’effet recherché ici est uniquementrétentionnel et hydratant, sans aucun but de comble-ment. Nous avons employé indifféremment trois AHAde marques différentes : Stylage Hydro1 (Vivacy, cheminde la Plaine, 73490 La-Ravoire), Restylane vital1 (Q-Med,49, rue de Lisbonne, 75008 Paris) et Mesolis1 (Anteis, 68,rue Cassiopée, 74650 Chavanod) sans relever non plus dedifférence d’efficacité ; sur les peaux particulièrementépaisses nous avons pu utiliser un acide hyaluronique trèsfaiblement réticulé (Stylage Hydromax1 —Vivacy) ;� le mixage des deux substances se fait de la manière

suivante : la toxine botulique préparée selon ladilution préconisée est séparée en deux seringues de2,5 cm3 contenant chacune 50 unités Sp (soit 1 cm3 selonnotre méthode dilution) ; à l’aide d’un connecteur, onintroduit dans chacune de ces seringues le contenu d’uneseringue d’acide hyaluronique non réticulé (soit 1 cm3) ;ces seringues qui contiennent alors un volume de 2 cm3 nonmélangé (pour mémoire 50 unités de toxine botulique dans1 + 1 cm3 d’AHA) sont à leur tour reliées à l’aide du mêmeconnecteur à une autre seringue de 2,5 cm3 ; une dizaine depassages en va-et-vient d’une seringue à l’autre permetd’obtenir un mélange a priori tout à fait homogène qui seraà son tour redistribué dans deux seringues de 1 cm3 quiseules permettent la précision indispensable à une réparti-

Figure 1 « Griffose » typique de la femme après la soixantaineavec ses sillons s’étendant dans toutes les directions à partir ducadre orbitaire à la moindre mimique.

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matiquement les hautes dilutions dans le but d’une

tion homogène du mélange.
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Préparation du sujet : le patient démaquillé et le visageune première fois lavé à l’eau et au savon chirurgical, assis àla hauteur du praticien, est invité à pratiquer à plusieursreprises un sourire forcé tout en plissant les yeux afin depouvoir marquer facilement par des traits continus à l’aided’un crayon à maquillage facilement effaçable les principauxsillons d’expression ; puis le patient est allongé et l’onmarquera tous les points où l’on prévoit d’injecter lemélange, ce qui représente une moyenne de 25 à 30 pointspar côté. Un rapide calcul permet d’estimer la valeur envolume de chaque point d’injection : chaque graduation de la

points (deux pour la zone temporo-orbitaire, deux pour lazone jugale) ; la technique est rapide et confortable,cependant elle peut manquer de précision : il convientde bien calculer le nombre de tracés que l’on fera afin dene pas dépasser les quantités préconisées de toxine botu-lique notamment dans la zone des joues ; cette techniqueest davantage conseillée dans la zone temporo-orbitaireet surtout la région labiale (avec point d’entrée para-commissural), elle permet d’atténuer les risques d’ady-namie musculaire particulièrement redoutés ici etd’obtenir un effet nappage très recherché dans ce type

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seringue représente 0,5 unités Sp de toxine botulique(50 unités Sp/100 graduations) et 0,01 cm3 d’AHA) ; s’ilest prévu d’injecter 25 points, chacun représente 100/25 = 4 graduations, donc 0,5 � 4 = 2 unités Sp de toxinebotulique et 0,04 cm3 d’AHA. Dans tous les cas, il est recom-mandé de ne pas dépasser 50 unités Sp de toxine botuliquepar côté ; il n’y a pas de dose limitative quant à l’AHA.

L’injection peut se faire selon trois techniques :

� point par point à l’aide d’une aiguille de 30G courte(13 mm) : c’est la méthode la plus sûre pour être certainde l’homogénéité de la répartition du mélange, chaquepoint étant injecté avec 0,02 à 0,04 cm3 de la préparationen fonction du nombre de points à injecter. L’injectionest bien supportée surtout si l’on prend la précaution depincer la peau entre le pouce et l’index de la mainopposée, ce qui offre également l’intérêt de faciliterune injection dermique superficielle avec effet papule.Il est conseillé de changer d’aiguille tous les 15 à 20 points.Ces papules parfois très impressionnantes (aspect depiqûres d’abeille — Fig. 2) disparaissent sans aucune traceen quelques heures) ;� en injections retrotraçantes, non pas à l’aiguille du fait

des risques d’effraction vasculaire, mais à l’aide d’unemicrocanule de 27G généralement à partir de quatre

Figure 2 Aspect immédiatement après l’injection dermique :ces papules disparaissent totalement en quelques heures.

de ridules superficielles ;� enfin, signalons notre utilisation récente du stylo injec-

teur mis au point par la firme Anteis (Anteis, 68, rueCassiopée, 74650 Chavanod) : grâce à la régularité élec-troniquement contrôlée de l’avancée du piston, la préci-sion quant au volume distribué est parfaite, la commandeau pied permettant de se concentrer uniquement sur laprofondeur de l’injection. En dehors de l’apprentissage unpeu particulier de la méthode, il existe une contraintematérielle du fait que toutes les seringues d’AHA nes’adaptent pas au système (il est impossible par exempled’utiliser les seringues monoblocs) ; en règle la grandemajorité des AHA disponibles sur le marché sont utilisa-bles avec ce système.

Résultats

Notre expérience actuelle porte sur 25 patients dont deuxhommes, traités d’avril 2010 à Septembre 2011 avec un reculmoyen de huit mois (trois à 18) (Fig. 3 et 4). Au total38 localisations ont été traitées, la majorité des indications(32 soit 84 %) concernant la « griffose » telle que nous l’avonsdéfinie (joues et pattes d’oie) ; nous avons traité de manièreisolée les zones frontales (deux) et labiale supérieure (trois).La satisfaction d’ensemble des patientes est excellente auprix parfois d’un aspect quelquefois un peu figé des zonespara commissurales dans les premières semaines. Nous rap-portons un incident de blocage zygomatique socialementtrès pénalisant et qui a récupéré progressivement en quatremois (Fig. 5) ; cette patiente avait reçu 70 unités Sp par côtéce qui est une dose que nous considérons dorénavant commeexagérée du moins pour un premier traitement. L’efficacitéperdure selon les moyennes rapportées avec la toxine botu-lique soit quatre à six mois, ce qui n’est pas négligeable surces visages hyper dynamiques. Il n’est pas rare de constateraprès le sixième mois la persistance d’un amortissementencore franc de cette hyper expressivité (Fig. 6).

Parmi les effets latéraux de la méthode on observe latraditionnelle amélioration de l’aspect de la peau sousl’influence de la toxine botulique ainsi que l’améliorationdu sourire gingival par relâchement zygomatique, loin pour-tant de la cible habituelle du levator labii superiori (Fig. 7).

Discussion

L’apaisement par la toxine botulique A des zones musculai-rement très actives (c’est-à-dire sous le contrôle direct desdeux orbiculaires et des zygomatiques) a évidemment révo-lutionné la prise en charge des plissements hypertoniques de

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Figure 3 a : griffose typique de la femme après la soixantaine ; b : résultat un mois après injection pure de toxine botulique.

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la peau [5,6]. Cependant, à distance seul le resurfacingc’est-à-dire la création d’une brûlure quel qu’en soit leprocédé (chimique par peeling ou thermique par laser) peutse targuer d’une certaine efficacité sur ces ridules, du moinsau repos ; en revanche en dynamique, la griffose se mani-feste de nouveau de manière identique. Certes, l’emploi dela toxine botulique a depuis longtemps et fort heureusementfranchi les frontières où le cantonne son AMM officielle (zoneglabellaire) [7] et nous en avons nous-mêmes l’expérienced’un usage très régulier et positif dans le tiers inférieur duvisage et le cou [8].

Figure 4 a : ridules fines médiojug

Le comblement des sillons les plus profonds par l’acidehyaluronique ou d’autres gels de comblement est une pro-cédure associée souvent indispensable dont l’efficacité estcependant relativement médiocre de manière isolée : lesinjections sous dermiques profondes sont sans aucune actionsur une fracture dermique superficielle, les injections intra-dermiques peuvent se traduire par des papules visibles plu-sieurs mois. Seuls les acides hyaluroniques non réticuléspeuvent être injectés sans danger de manière superficiellemais leur efficacité avouée ne rejoint que celle d’une réhy-dratation temporaire aux résultats souvent bien discrets. . .

ales ; b : résultat à six semaines.

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Figure 5 a : blocage zygomatique complet après administration exagérée de Bot.Tox. (70u Sp) ; b : nous recommandonsactuellement de ne pas dépasser 50u Sp par côté.

Figure 6 a, b : « griffose » traditionnelle sur une peau très fine ; c : à six mois on observe encore un résultat intéressant sur la zonejugale.

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Malgré tout depuis quelques années, cette mésothérapie duvisage revendique des résultats qui ne peuvent être mainte-nus qu’au prix d’un entretien extrêmement régulier etastreignant.

Bien entendu, tous les praticiens qui prennent en chargede manière non chirurgicale le vieillissement ou l’entretiendu visage associent presque systématiquement les deuxprocédures soit dans le même temps, soit de manièreséparée [9—12] ; nous considérons que ces associations nesont que des techniques additionnelles ou simultanées alorsque nous souhaitons agir de manière synergique et à un

niveau intermédiaire entre l’extrême superficie de la peauet les structures ostéo musculaires profondes. Grâce àl’extrême solubilité de la toxine botulique et au fait queles acides hyaluroniques sont constitués à 98 % d’eau, nousavons imaginé proposer à nos patients atteints de cettegriffose faciale un traitement basé sur l’injection superfi-cielle et simultanée des deux substances, la toxine botuliqueagissant sur la composante musculaire profonde là où celaest possible (front, région temporo-orbitaire, lèvres) et plusdirectement au cœur même des échanges cutanés les plussuperficiels là où il n’y a pas de muscle (zone médiojugale) ;

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Figure 7 Griffose traitée isolément par toxine botulique : le petit relachement zygomatique améliore également le sourire gingival.

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l’acide hyaluronique quant à lui a d’abord un rôle de vecteuret de maintien en superficie de la toxine botulique, sescapacités hydratantes restant relativement limitées.

Le mécanisme de formation de la ride reste encore malexpliqué. Si la ride profonde (sillons nasogéniens, pli d’amer-tume), constante quoique variable d’un individu à l’autre etaggravée par l’âge semble en rapport avec la distensioncutanée progressive entre des points fixes, la ridule superfi-cielle tient son origine de divers facteurs qui se conjuguentet aggravent la situation selon des modalités à la fois liées àla génétique et au mode de vie : fracture collagéniquesuperficielle, élastose solaire, déshydratation cutanée,non-renouvellement de l’élastine, diminution de la cohésioncellulaire, etc. dont les facteurs d’aggravation sont bienconnus :

� hyper mobilité de la mimique ;� perturbations hormonales ;� agression cutanée par des éléments extérieurs (soleil++,

froid) d’une peau mal protégée, mal entretenue ou maldéfendue ;� perturbations circulatoires (ride du fumeur).

Le mécanisme ultime de la formation d’une ridule per-manente reste à découvrir. La peau n’est plus ce mille-feuille protecteur constitué de plusieurs couches superpo-sées ayant chacune un rôle bien défini (imperméabilité etprotection UV pour l’épiderme, protection mécanique, vec-teur de la sensibilité et de la circulation pour le derme),thermoprotection et amortissement pour l’hypoderme) ;certes, toutes ces fonctions ne sont pas remises en causemais les connexions entre l’extrême superficie (couchesuperficielle de l’épiderme) et l’extrême profondeur (gainesmusculotendineuses et os) sont permanentes et étroites.C’est ainsi que peut s’expliquer cette capacité exception-nelle d’adaptation et de retour à l’état de base malgré des

sollicitations parfois importantes répétées des milliers defois dans une journée pour chaque millimètre carré de notresurface cutanée. J.-C. Guimberteau dans ses » voyages sousla peau » [13,14] nous a merveilleusement montré ce fasci-nant haubanage qui relie toutes ces structures polyédriquescapables de déformation extraordinairement complexesquelles que soient les contraintes auxquelles elles sontsoumises : « les structures fibrillaires ont des capacitésd’étirement et de contraction grâce à des phénomènes dedépolymérisation-repolymérisation instantanés. La toxinepeut perturber ces phénomènes et relâcher la tension intrafi-brillaire, tractant alors moins sur les sillons inter polyédri-ques cutanés et lissant la surface comme cela se passe sur lesstructures musculaires » (J.-C. Gimbertau — communicationpersonnelle). Il existe cependant un point de rupture commepour toutes les structures du corps humain puisqu’il advientun moment où la surface épidermique présente une fracturepermanente qui va s’aggraver avec le temps et dont nosmodestes moyens actuels ne font que masquer ce potentield’aggravation. Il est simple et rassurant d’avoir de cetteévolution d’une vision simplement mécaniste ; cependantcelle-ci est très certainement réductrice et il nous sembleque la place des neuromédiateurs reste donc à préciser auxcôtés des autres facteurs d’aggravation que sont les modifi-cations du collagène en qualité et en quantité, la compro-mission de la microcirculation ou l’extinction de certainsrécepteurs hormonaux.

Pour en revenir à la griffose faciale, son apparition et sonaggravation semblent tout d’abord liée à la cinétique mus-culaire particulièrement puissante de certains individusautour des deux muscles peauciers principaux de la faceque sont l’orbiculaire orbitaire et le grand zygomatique. Sil’action de ces deux muscles dans le plissement cutané périorbitaire externe et para commissural semble évidente, il estplus difficile d’expliquer l’extension de la griffose à la zonemédiojugale par un simple déplacement mécanique de conti-nuité. Il faut se souvenir que nous sommes envahis de

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récepteurs adrénergiques et cholinergiques [1,2] en parti-culier au niveau du revêtement cutané épidermique.Ces récepteurs interviennent dans le contrôle de l’homéos-tasie, la croissance cellulaire, la différenciation et lapigmentation ; le système cholinergique joue un rôle clédans le développement des kératinocytes, leur migration,leur adhésion et leur sécrétion apoptotique [15]. Ces récep-teurs sont évidemment également largement impliqués dansles sécrétions cutanées (on connaît depuis longtemps le rôlebénéfique d’injections de toxine botulique sur la sudation etla séborrhée), l’angiogenèse, et l’effet positif de la toxinebotulique sur la cicatrisation pathologique semble indubi-table [16].

Notre proposition sur le traitement des ridules a doncdeux composantes, l’une passive et l’autre active :

� la composante passive est celle de l’acide hyaluronique,substance de remplissage indifférenciée de l’organisme :son injection précise déplie la ride plus qu’elle ne la« comble », elle apporte un réel soutien dans les zonesqui tendent à se creuser et est un facteur d’hydratationindéniable combattant d’atrophie cutanée. Quand onsait que l’ensemble des acides hyaluroniques estcomposé à 98 % d’eau et quand on connaît l’extrêmesolubilité de la toxine botulique, leur association devraitpermettre à la fois une meilleure diffusion et une cer-taine rétention de la toxine afin de limiter son extensionen profondeur vers les connexions musculaires ou ellepeut avoir un effet non recherché notamment dansl’éventail péri commissural ;� en revanche, là où la peau est extrêmement fine,

quasiment sans hypoderme, en contact direct avec unmuscle extrêmement mobilisateur et puissant (orbicu-laris oris et orbitaris), cette diffusion est évidemmentrecherchée puisque la mise au repos musculaire est unélément fondamental de l’escamotage partiel des ridu-les. Mais dans l’hypothèse où dans des zones non direc-tement soumises à la contraction musculaire (joues) lasollicitation des récepteurs à acétylcholine pourraitjouer un rôle indéniable dans l’apparition des fracturesdu haubanage structurel de la peau, l’intervention de latoxine botulique ayant un rôle dynamique direct dans lacorrection au moins temporaire de ces zones de rupture[17].

Pour autant est-il indispensable d’associer systématique-ment les deux substances ? L’idée de cette association n’estpas tout à fait originale ; nous ne connaissions pas la publica-tion de J. Kenner [18] au moment où nous en commencionsl’étude, mais celle-ci ne concerne qu’une étude préliminairesur cinq cas et uniquement dans la région de la patte d’oie, lebut de l’auteur étant d’abord de diminuer l’astreinte despatients chez qui les deux traitements étaient administrésjusque-là à 15 jours d’intervalle comme il est traditionnel dele faire. Notre démarche n’a aucun lien avec cetteapproche ; notre but n’est pas la recherche d’une simpleamélioration de confort du patient, mais d’une action véri-tablement nouvelle sur une demande cosmétique jusque-làtrès imparfaitement résolue par les injections de produits decomblement, le resurfacing ou les interventions chirurgica-les de remise en tension cutanée au cours desquelles lasystématisation des peelings à partir d’un certain âge est

un élément de traitement important — mais uniquementpassif — des fripures cutanées bien peu améliorées par laremise en tension de la peau [19].

L’essentiel des effets recherchés s’appuie évidement surl’action de la toxine botulique A et jusque-là la majorité denos traitements des griffoses repose sur ce seul élément.Bien que nous soyons à la partie tout initiale de cette étude,nous pensons que l’association avec l’AHA devient d’autantplus intéressante que la peau est plus âgée, déshydratée etsiège d’une griffose avancée. Nous ne pratiquons donc pasl’association systématiquement d’autant que la manipula-tion préparatoire est plus astreignante ; cependant, si notresentiment d’une influence réellement bénéfique de l’acidehyaluronique sur la diffusion, la rétention superficielle et ladurabilité d’action de la toxine botulique s’affirme, il estévident que nous en étendrons les indications.

La qualité parfois surprenante inattendue des résultatsque nous avons obtenus notamment par les injections méso-dermiques de toxine botulique nous laisse dubitatifs quant àl’opinion de certains praticiens qui estiment que seul compte-rait dans l’aspect de rejuvenation cutanée la stimulationcollagénique par l’agression mécanique de la piqûre [20].Cette dernière n’est pas à négliger et dans les soins cosméti-ques superficiels que nous prodiguons dans certaines indica-tions, l’emploi des « mésorollers » est très régulièrementpratiqué. Mais comment expliquer alors les résultats obtenuspar des méthodes moins agressives (microcanules) ?

Nous nous sommes attachés ici à souligner les possibi-lités d’administration extrêmement superficielle de toxinebotulique niveau de la peau ; depuis quelques années sontmises en avant les hypothèses d’une hypertonie musculaireà l’origine des transformations morphologiques du visage[21]. Des administrations très superficielles de toxinebotulique très diluée se sont déjà fait connaître sous levocable de « mésobotox » [22,23], plus ou moins mélangéeà d’autres substances « mesolift », ouvrant ainsi la voie àde nouvelles perspectives prometteuses. Nous n’en som-mes qu’aux prémisses de propositions thérapeutiques quidevraient révolutionner notre pratique en quelquesannées.

À ce titre, la toxine botulique A en tant que bloqueur duprincipal neurotransmetteur physiologique pourrait un jourprétendre au titre du premier « élixir de jouvence efficace »qui a épuisé tant d’efforts depuis des siècles. . .

Conclusion

Les perspectives offertes par des utilisations élargies de plusen plus ciblées de la toxine botulique dans la prise en chargedu vieillissement facial sont immenses et d’autant mieux àexplorer que celle-ci est la seule à offrir actuellement nonseulement une capacité de traitement des séquelles maiségalement de leur prévention sans risque apparent. Lesacides hyaluroniques, quelle que soit leur nature et leursaméliorations n’offriront jamais a priori les mêmes possi-bilités. La dernière décennie aura conforté le rôlecomplémentaire de ces deux piliers de la médecine deconfort devenus des alliés incontournables de la chirurgieesthétique ; nous pensons que l’heure est venue de leuroffrir un rôle synergique par leur administration concomi-tante.

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Déclaration d’intérêts

Conférences : invitations en qualité d’intervenant pourAllergan, Anteis, Galderma, et Vivacy.

Références

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