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105 J Chir 2005,142, N°2 • © Masson, Paris, 2005 Images en chirurgie Hématocolpos secondaire à une imperforation hyménéale A. Mordi, P. Scherrer, J.L. Toussaint Service de Chirurgie Viscérale et Gynécologique, Centre Hospitalier Général – Decize. e-mail : [email protected] Correspondance : A. Mordi, Service de Chirurgie Viscérale et Gynécologique, Centre Hospitalier Général, 74 route de Moulins, F 58300 Decize. Mots-clés : Vagin. Traitement. Imperforation hyménéale. Une jeune fille de 15 ans a été adressée dans le service pour douleurs hypogastriques, dans un contexte fébrile. Elle n’avait pas d’antécédent et n’avait jamais été réglée. Le début du syn- drome douloureux abdominal remontait à 6 jours par un dé- but des douleurs dans la fosse iliaque gauche, localisées dans un second temps dans la région hypogastrique. Il s’accompa- gnait de vomissements et d’une fièvre à 38,5 C. Le traitement médical ambulatoire avait été sans effet. À l’admission elle présentait une défense hypogastrique, une température à 39 C, une C-Réactive Protéine à 172 mg/l, une leucocytose à 18 000 / ml, les -HCG et la bactériologie urinaire étaient négatives. L’échographie abdominale était en faveur d’une collection localisée dans le cul de sac de Douglas (figures 1a et 1b). Une laparoscopie a été faite. Elle a trouvé un épanchement pelvien fait de sang vieilli avec des fausses membranes, le tout recouvert par des anses grêles accolées. La libération prudente de ces anses grêles, avec prélèvement bactériologique et toi- lette péritonéale, a permis de retrouver un hématosalpinx (figures 2a et 2b) gauche avec un écoulement de sang par le pavillon gauche vers le pelvis (figure 2c). La poursuite de l’ex- ploration a mis en évidence une volumineuse masse sous uté- rine correspondant à un hematocolpos. Sa ponction permet- tait de ramener 400 ml de sang vieilli (figure 3). L’intervention est terminée par une hyménéotomie radiaire. La patiente a quitté le service au 4 e jour postopératoire avec des suites opé- ratoires simples. En consultation un mois plus tard, l’hymen était perméa- ble avec un orifice de 5 mm. L’hématocolpos se définit comme une collection de sang menstruel dans le vagin, par imperforation de l’hymen ou atrésie de l’orifice vulvaire dans le cadre d’une malformation de l’appareil génito-urinaire. L’imperforation hyménéale est une malformation rare et isolée. Elle a été décrite pour la première fois par Ambroise Paré en 1633 [1]. Elle est diagnostiquée le plus souvent à la puberté devant la constitution d’un hématocolpos par réten- tion vaginale des premières menstruations, associée ou non à une hématométrie ou à un hématosalpinx voire une endomé- triose. Le diagnostic précoce de l’hématocolpos est nécessaire afin d’éviter toutes séquelles tubaires [2]. La douleur abdomi- nale est un signe d’appel important de cette complication, elle est cyclique et peut s’accompagner d’une masse hypogastrique chez une jeune fille aux caractères sexuels secondaires bien dé- veloppés. L’imperforation de l’hymen est de diagnostic facile grâce à l’inspection des organes génitaux externes qui trouve un hymen bleuâtre et bombé par l’hématocolpos, ce qui est un signe pathognomonique [1]. L’échographie a un rôle déterminant et constitue la meilleure méthode de diagnostic précoce. L’hématocolpos se manifeste par une image liquidienne rétro-vésicale à contenu hématique surmontée du col normal [3]. Quant à l’imagerie par résonance magnétique, elle permet d’éliminer toute mal- formation uro-génitale associée. Le traitement est chirurgical, il consiste en une hyménéo- tomie radiaire chirurgicale ou au laser, partielle ou complète pour l’évacuation de l’hématocolpos [1, 2, 4]. Parfois on a re- cours à la laparotomie ou laparoscopie en cas d’épanchement intrapéritonéal associé ou en cas de diagnostic non porté en préopératoire comme notre observation. Le dépistage systématique à la naissance et un traitement précoce sont les meilleurs garants de prévention de cette pa- thologie à la puberté. Références 1. Wall EM, Stone B, Klein BL. Imperforate hymen: a not-so-hidden diagnosis. Am J Emerg Med 2003;21:249-250. 2. Yanza MC, Sepou A, Nguembi E, Ngbale R, Gaunefet C, Nali MN. Hymen imperforé : diagnostic négligé à la naissance, urgence chi- rurgicale à l’adolescence. Schweiz Med Forum 2003; 44:1063-1065. 3. Stone SM, Alexander JL. Imperforate hymen with hematocolpome- tra. N Engl J Med 2004;351:6. 4. Dickson, Ca Saad S, Tesar JD. Imperforate hymen with hemato- colpos. Ann Emerg Med 1985;14:467-469. Figure 1 : Échographie : coupe sagittale avec utérus normal et épanchement intra-vaginal (image en brioche) (a) ; coupe fron- tale, épanchement vaginal en arrière de la vessie (b). b a

Hématocolpos secondaire à une imperforation hyménéale

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Page 1: Hématocolpos secondaire à une imperforation hyménéale

105

J Chir 2005,142, N°2 • © Masson, Paris, 2005

Images en chirurgie

Hématocolpos secondaire à une imperforation hyménéale

A. Mordi, P. Scherrer, J.L. Toussaint

Service de Chirurgie Viscérale et Gynécologique, Centre Hospitalier Général – Decize.e-mail : [email protected]

Correspondance :

A. Mordi, Service de Chirurgie Viscérale et Gynécologique, Centre HospitalierGénéral, 74 route de Moulins, F 58300 Decize.

Mots-clés :

Vagin. Traitement. Imperforation hyménéale.

Une jeune fille de 15 ans a été adressée dans le service pourdouleurs hypogastriques, dans un contexte fébrile. Elle n’avaitpas d’antécédent et n’avait jamais été réglée. Le début du syn-drome douloureux abdominal remontait à 6 jours par un dé-but des douleurs dans la fosse iliaque gauche, localisées dansun second temps dans la région hypogastrique. Il s’accompa-gnait de vomissements et d’une fièvre à 38,5

C. Le traitementmédical ambulatoire avait été sans effet.

À l’admission elle présentait une défense hypogastrique,une température à 39

C, une C-Réactive Protéine à 172 mg/l,une leucocytose à 18 000 / ml, les

-HCG et la bactériologieurinaire étaient négatives. L’échographie abdominale était enfaveur d’une collection localisée dans le cul de sac de Douglas

(figures 1a et 1b)

.Une laparoscopie a été faite. Elle a trouvé un épanchement

pelvien fait de sang vieilli avec des fausses membranes, le toutrecouvert par des anses grêles accolées. La libération prudentede ces anses grêles, avec prélèvement bactériologique et toi-lette péritonéale, a permis de retrouver un hématosalpinx

(figures 2a et 2b)

gauche avec un écoulement de sang par lepavillon gauche vers le pelvis

(figure 2c)

. La poursuite de l’ex-ploration a mis en évidence une volumineuse masse sous uté-rine correspondant à un hematocolpos. Sa ponction permet-tait de ramener 400 ml de sang vieilli

(figure 3)

. L’interventionest terminée par une hyménéotomie radiaire. La patiente aquitté le service au 4

e

jour postopératoire avec des suites opé-ratoires simples.

En consultation un mois plus tard, l’hymen était perméa-ble avec un orifice de 5 mm.

L’hématocolpos se définit comme une collection de sangmenstruel dans le vagin, par imperforation de l’hymen ouatrésie de l’orifice vulvaire dans le cadre d’une malformationde l’appareil génito-urinaire.

L’imperforation hyménéale est une malformation rare etisolée. Elle a été décrite pour la première fois par AmbroiseParé en 1633 [1]. Elle est diagnostiquée le plus souvent à lapuberté devant la constitution d’un hématocolpos par réten-tion vaginale des premières menstruations, associée ou non àune hématométrie ou à un hématosalpinx voire une endomé-triose. Le diagnostic précoce de l’hématocolpos est nécessaireafin d’éviter toutes séquelles tubaires [2]. La douleur abdomi-nale est un signe d’appel important de cette complication, elleest cyclique et peut s’accompagner d’une masse hypogastriquechez une jeune fille aux caractères sexuels secondaires bien dé-veloppés. L’imperforation de l’hymen est de diagnostic facilegrâce à l’inspection des organes génitaux externes qui trouveun hymen bleuâtre et bombé par l’hématocolpos, ce qui estun signe pathognomonique [1].

L’échographie a un rôle déterminant et constitue lameilleure méthode de diagnostic précoce. L’hématocolpos semanifeste par une image liquidienne rétro-vésicale à contenuhématique surmontée du col normal [3]. Quant à l’imageriepar résonance magnétique, elle permet d’éliminer toute mal-formation uro-génitale associée.

Le traitement est chirurgical, il consiste en une hyménéo-tomie radiaire chirurgicale ou au laser, partielle ou complètepour l’évacuation de l’hématocolpos [1, 2, 4]. Parfois on a re-cours à la laparotomie ou laparoscopie en cas d’épanchementintrapéritonéal associé ou en cas de diagnostic non porté enpréopératoire comme notre observation.

Le dépistage systématique à la naissance et un traitementprécoce sont les meilleurs garants de prévention de cette pa-thologie à la puberté.

Références

1. Wall EM, Stone B, Klein BL. Imperforate hymen: a not-so-hiddendiagnosis. Am J Emerg Med 2003;21:249-250.

2. Yanza MC, Sepou A, Nguembi E, Ngbale R, Gaunefet C, Nali MN.Hymen imperforé : diagnostic négligé à la naissance, urgence chi-rurgicale à l’adolescence. Schweiz Med Forum 2003; 44:1063-1065.

3. Stone SM, Alexander JL. Imperforate hymen with hematocolpome-tra. N Engl J Med 2004;351:6.

4. Dickson, Ca Saad S, Tesar JD. Imperforate hymen with hemato-colpos. Ann Emerg Med 1985;14:467-469.

Figure 1 : Échographie : coupe sagittale avec utérus normal et épanchement intra-vaginal (image en brioche) (a) ; coupe fron-tale, épanchement vaginal en arrière de la vessie (b).

ba

Page 2: Hématocolpos secondaire à une imperforation hyménéale

Hématocolpos secondaire à une imperforation hyménéale A. Mordi, P. Scherrer, J.L. Toussaint

106Figure 2 : Vues opératoires : épanchement pelvien de sang vieilli avec accolement intestinal et épiploïque, utérus globu-leux, trompe droite et ovaire droit normaux (a) ; épanchement du douglas, utérus à droite, hématosalpinx à gauche (b) ; écou-lement hématique par le pavillon gauche qui est tuméfié (c).

a b

c

Figure 3 : Vue opératoire : ponction de l’hématocolpos, utérus en haut à droite, vagin en bas (centré par l’aiguille).