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1 ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES Section des sciences historiques et philologiques Mentions histoire, textes et documents Doctorat en littératures celtiques médiévales et histoire des religions Gaël HILY LE DIEU CELTIQUE LUGUS Thèse dirigée par Pierre-Yves Lambert (directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études et directeur de recherches au CNRS) Soutenue le 1 er décembre 2007 Membres du jury : Dominique BRIQUEL (directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études, professeur à l’Université Paris-Sorbonne, Paris IV) Hervé LE BIHAN (maître de conférences à l’Université de Haute Bretagne 2, Rennes) Bernard SERGENT (chargé de recherches au CNRS, Paris) Claude STERCKX (professeur à l’Université Libre de Bruxelles) tel-00614164, version 1 - 9 Aug 2011

Hily Le Dieu Celtique Lugus

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    COLE PRATIQUE DES HAUTES TUDES Section des sciences historiques et philologiques

    Mentions histoire, textes et documents

    Doctorat en littratures celtiques mdivales et histoire des religions

    Gal HILY

    LE DIEU CELTIQUE LUGUS

    Thse dirige par Pierre-Yves Lambert (directeur dtudes lcole Pratique des Hautes tudes

    et directeur de recherches au CNRS)

    Soutenue le 1er dcembre 2007

    Membres du jury : Dominique BRIQUEL (directeur dtudes lcole Pratique des Hautes tudes, professeur lUniversit Paris-Sorbonne, Paris IV) Herv LE BIHAN (matre de confrences lUniversit de Haute Bretagne 2, Rennes) Bernard SERGENT (charg de recherches au CNRS, Paris) Claude STERCKX (professeur lUniversit Libre de Bruxelles)

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    REMERCIEMENTS

    La thse est un travail individuel mais son laboration nest possible quavec le concours de nombreuses personnes. Aussi, je tiens remercier tous ceux qui, leur faon, mont permis de raliser ce long travail.

    Je commence naturellement par Pierre-Yves Lambert qui a dirig mes recherches pendant ces quatre annes. Je lui suis reconnaissant de mavoir fait bnficier de sa grande connaissance des langues celtiques et de sa bibliothque personnelle. Je remercie galement Claude Sterckx, Bernard Sergent, Herv Le Bihan et Dominique Briquel pour avoir accept de faire partie du jury de thse.

    Je tiens saluer chaleureusement les personnes qui ont consacr de leur temps pour relire ma thse, pour mavoir apport leurs comptences en langues trangres et en informatique, ou pour mavoir soutenu et encourag : mes parents Genevive et Nol Hily, ma sur

    Morgane, ma cousine Estelle Le Mignon, Cline Brugal, Estelle et Yann-Fach Durand, Vincent Gouello, Delphine Le Bras et Cyril Mocquard.

    Enfin, jai une pense particulire pour Gwenal Le Duc, dcd en dcembre dernier. Ce sont ses cours de civilisation celtique dispenss luniversit de Rennes 2 qui mont donn envie dtudier la religion des Celtes pr-chrtiens. En hommage, je me permets de lui ddier cette thse.

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  • TABLE DES MATIRES

    Remerciements 2

    Table des illustrations 17 Table des cartes 20 Rsum 21 Abstract 27 Mots cls 33 Key words 33

    INTRODUCTION 34

    SOURCES 40 1. Les Celtes continentaux 40 1.1. La Gaule 40 1.2. Les Celtibres 44 2. LIrlande 45 2.1. Les sources littraires 46 2.1.1. Prsentation 46 2.1.2. Les quatre cycles 48 2.1.3. Autres sources 52 2.2. Conservation de la tradition pr-chrtienne 56 3. Grande-Bretagne et Pays de Galles 57 3.1. Contexte historique 57 3.2. Les sources 58 3.2.1. Littrature en langue vernaculaire 59 3.2.2. Littrature en langue latine 62 4. Les survivances celtiques 63 5. Confrontation des sources 64 5.1. Irlande et Pays de Galles 64 5.2. Matriaux littraire et archologique 65

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    5.3. Les divinits celtiques 68 6. Le comparatisme indo-europen 71 6.1. Grce 71 6.2. Inde 71 6.3. Iran 72

    6.4. Rome 73 6.5. Scandinavie 73

    PREMIRE PARTIE : LES VIDENCES LINGUISTIQUES Chapitre 1 : Attestations de Lugus 76 1. Les thonymes 76 1.1. Attestations continentales 77

    1.1.1. Gaule 77 1.1.2. Pninsule ibrique 80 1.1.3. Germanie 84 1.1.4. Sources littraires antiques et mdivales 84 1.2. Attestations insulaires 85 1.2.1. Inscriptions ogamiques 85 1.2.2. Sources littraires irlandaises 87 1.2.3. Sources littraires galloises 89 2. Toponymes 91 2.1. Le cas Lugdunum 91 2.1.1. tymologie 91 2.1.2. Liste des Lugdunum 92 2.2. Autres toponymes sur le continent 95 2.3. Attestations insulaires 96 2.3.1. Irlande 96 2.3.2. Grande-Bretagne 98 3. Ethnonymes 99 4. Hydronymes 102

    Chapitre 2 : tymologies 104 1. Lumire 104 2. Serment 105 3. Mettre en place 107 4. Lynx , hros 107 5. Noir , corbeau 108

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    DEUXIME PARTIE : ASCENDANCE ET NAISSANCE Chapitre 1 : Lug, entre dieux et dmons 111 1. Rcits de la naissance 112 2. Lascendance maternelle 113 2.1. Les Fomoire 113

    2.1.1. tymologies de Fomoire 115 2.1.2. Association avec le monde marin 116 2.1.3. Des tres sombres 117

    2.2. Eithne et Balor 120 3. Lascendance paternelle 122

    3.1. Can et Dan Ccht 122 3.2. La mre des dieux 123

    3.2.1.Danu 123 3.2.2.Ana 124

    4. Union des parents 127 4.1.Can et Eithne 127 4.2. Elatha et riu 128

    4.2.1. La rencontre 128 4.2.2. Linceste 129

    4.2.3.Leur fils : Bres 130 4.3.Lopposition Can-Eithne et Elatha-riu 133

    4.3.1.Nature de lunion 133 4.3.2.Caractre nuisible des femmes 134

    5. Bilans 136

    Chapitre 2 : Lleu : une naissance collgiale 139 1. Lascendance maternelle 140

    1.1. La mre : Aranrhod 140 1.2. Le grand-pre : Beli Mawr 142

    1.2.1. Beli et Balor 142 1.2.2. Le grand anctre 143 1.3. Les bisaeux 145

    1.3.1. Manogan 145 1.3.2. Benlli Cawr 146

    1.4. La vierge dchue 148 1.4.1. La virginit dans les rgimes matrimoniaux 148

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    1.4.2. Le porte-pied royal 150 2. La paternit de Lleu et Dylan 153 2.1. Math 153

    2.1.1. Donnes linguistiques 153 2.1.2. Un roi magicien et savant 155

    2.1.3. Larchtype du roi idal ? 157 2.2. Gwydion 160

    2.2.1. Le magicien savant 160 2.2.2. Le pre de Lleu ? 161 3. Le frre jumeau : Dylan Eil Ton 165

    3.1. Le mort-n 165 3.2. Jumeaux et exposition 166

    4. Bilan 168

    Chapitre 3 : Gmellit et chevaux 171 1. Figures irlandaises hroques 171 1.1. C Chulainn 171

    1.2. Lugaid Roderg 174 2. Le Fils et les chevaux 176

    2.1. Pryderi 176 2.1.1. Circonstances de sa naissance 176 2.1.2. Les parents 178 2.1.3. Pryderi et C Chulainn 179

    2.2. Mabon 180 2.3. Culhwch 185

    2.3.1. Sa naissance 185 2.3.2. Les suids 186 2.4. Macha 188

    2.4.1. Les faits 189 2.4.2. Caractre hippomorphe de Macha 191

    2.4.3. Cheval et soleil 192 2.4.4. Les jumeaux de Macha 195 2.5. Conall Corc 196

    3. Naissances gmellaires 198 3.1. Autres jumeaux celtiques 198

    3.1.1. Corc Duibne 198 3.1.2. Les Dioscures gaulois 199

    3.2. Jumeaux et chevaux 200

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    3.2.1. Exemples Indo-Europens 200 3.2.2. Pryderi 202

    3.2.3. C Chulainn 204 3.2.4. Lugus, les jumeaux et les chevaux 207

    3.3. Le nombre trois 209 3.3.1. Des naissances sous le signe du triple 209 3.3.2. Lugus et le trois 210 3.3.3. Significations du trois 212

    Chapitre 4 : La mre, la date de naissance et lenfance 215 1. Le rle de la mre 215 2. Date de la naissance 217 3. Les premires annes 220

    3.1. Parents adoptifs et ducateurs 220 3.1.1. Le fosterage 220 3.1.2. Un parent adoptif marin 221

    3.2. Une croissance rapide 223 3.3. Lobtention du nom 223

    3.3.1. Lleu 223 3.3.2. Lug, C Chulainn et Pryderi 226 3.3.3. Comparaisons 228

    4. Bilans 229

    TROISIME PARTIE : LES LIENS DE LUGUS Chapitre 1 : Le serment et la justice 233

    1. Le serment chez les Celtes 233 1.1. Une pratique ancienne 233

    1.2. Le serment lgal 234 1.3. Le serment religieux 234

    1.3.1. Un dieu sans nom 235 1.3.2. Indices sur le serment 236

    1.4. Invocation des lments naturels 239 2. Jurer avec la main 242

    2.1. Exemples insulaires 242

    2.2. Lugus et la main 243 3. La ruse du juriste 246

    3.1. Le meurtre du pre de Lug 246

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    3.2. La ruse de Lug 251

    Chapitre 2 : Par les liens du mariage 254 1. La fte de Lugnasad 254 1.1. La saison des mariages 254

    1.1.1. Prsentation 254 1.1.2. enach Tailten 256 1.1.3. Traditions populaires de Lugnasad 258 1.1.4. Une fte caractre juridique 260 1.1.5. Lug et le mariage 262

    1.2. Une saison des mariages panceltique ? 262 1.2.1. La fte de Morvah 262 1.2.2. Un cho sur la pninsule ibrique 263

    2. Les difficults conjugales de Lugus 264 2.1. Les femmes de Lug 265

    2.2. Les victimes de la femme-fleur 267 2.2.1. Blodeuwedd 267

    2.2.2. Olwen 268 2.2.3. Blthnat 270 2.3. Saint Gengoult 271

    Chapitre 3 : Le matre des arts 274 1. La cordonnerie 274

    1.1. Donnes insulaires et continentales 274 1.2. Lhagiographie 276

    2. Les dons de Lugus 278 2.1. Une entre initiatique 278 2.2. Lugus aux multiples talents 281 2.3. Liste des comptences 283

    2.3.1. Forgeron 284 2.3.2. Champion et hros 284 2.3.3. Joueur de lyre 284 2.3.4. Pote et historien 285 2.3.5. Sorcier 286

    2.3.6. Mdecin 288 3. Un file par excellence 292

    3.1. Rles du file dans la tradition irlandaise 292 3.2. Lloquence 294

    3.3. La voyance 298

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    3.3.1. Les facults de lil 298 3.3.2. Le savoir des suids 299

    3.3.3. Les prophties de Lugus 301 3.3.4. Lugus et les corvids 305

    4. Le dieu germanique Odin 308 4.1. Le pote omniscient 308

    4.2. Le dieu-lieur 311

    Chapitre 4 : La cohsion 314 1. Le respect de lordre 314 2. Vrit et souverainet 318

    2.1. Speculum principis 318 2.1.1. Une pratique indo-europenne 318 2.1.2. Intronisation et vrit 318

    2.2. Le savoir du pote et le respect de lAutre Monde 321 2.3. Lug et la vrit 324

    3. Bilans 325 3.1. Liens religieux et sociaux 325 3.2. Lug Samildnach, image de la cohsion 327

    QUATRIME PARTIE : LE DUEL DES GNRATIONS Chapitre 1 : Un duel invitable 331

    1. La prophtie 331 2. La vierge de tous les dangers 333 2.1. Math et Aranrhod 333

    2.2. Conall Corc et la fille du roi Feradach 336 3. Geis, destin et serment 337 4. Le drame de la fille unique 338

    4.1. Une succession compromise 338 4.2. La transmission du pouvoir par une vierge 340

    5. Du grand-pre au petit-fils 343

    Chapitre 2 : Sous le signe de la lumire 345 1. Les lumires de Lugus 345 1.1. Trefuilngid Tre-Eochair 345 1.2. La lumire du hros 349 1.3. Personnages lugiens gallois 350 1.4. Mercure-Lugus 350

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    1.5. Limpulseur 351 1.6. Lombre de Balor 355

    2. La beaut 356 2.1. Lug 356 2.2. Lapparence des hros 357 2.3. Balor et les Fomoire 358

    3. Une lumire organisatrice 359 3.1. Lorientation solaire 359 3.2. Les cinq arbres dIrlande 361 3.3. Fondations de ftes et de rsidences royales 365

    3.3.1. Lug et les femmes dfuntes 365 3.3.2. Saint-Jacques de Compostelle 367

    3.3.3. La fondation de Lyon 368 3.4. Le dieu des routes 370

    3.5. Topographie des lieux ddis Lugus 374 3.5.1. Sanctuaires sur des hauteurs 374 3.5.2. Sanctuaires, frontires et routes 376

    3.6. Amnagement de lespace et ide de totalit 381

    Chapitre 3 : La panoplie guerrire 384 1. Le rcit des vnements 384 2. Un guerrier par excellence 386

    2.1. De nombreuses qualits 386 2.2. Lquipement militaire 391

    3. Les armes de Lugus 393 3.1. Lug 393

    3.1.1. La lance infaillible 393 3.1.2. Les armes qui anantissent Balor 398

    3.2. C Chulainn 400 3.2.1. Le gae bulga 400

    3.2.2. Autres armes 402 3.3. Les armes des hros gallois 405

    3.4. La lance de Mercure-Lugus 407 3.5. Le trident 408 3.6. Larme de jet 409 3.7. Et la massue ? 410 4. Le pouvoir de lil 411 4.1. Lil comme arme 411

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    4.2. Le mauvais il 413

    Chapitre 4 : Le combat 418 1. Lug et Balor 418 1.1. Lachvement de Balor 418

    1.2. Laffrontement Lugnasad 422 1.2.1. Le rival vinc 422

    1.2.2. La mort de la femme 423 2. Pays de Galles 425

    2.1. Culhwch et Ysbaddaden 425 2.1.1. La destruction du gant 425

    2.1.2. La mort de Balor et dYsbaddaden 427 2.2. Lludd et Llefelys 429

    2.3. chos antiques et mdivaux ce duel 432 2.3.1. Tmoignages des auteurs classiques 432

    2.3.2. Documents archologiques 433 2.3.3. Le cavalier languipde 434 2.3.4. Lhagiographie 435

    3. Significations de laffrontement 437 3.1. La victoire de la justice 437

    3.1.1. Fr fer et fr catha 437 3.1.2. Lexcs de boisson 439 3.1.3. Bres et Balor 442

    3.2. Lapport dterminant de Lug 444 3.2.1. Lug et Nadu 444 3.2.2. Lugus et le dieu-roi 447

    3.3. La bataille Samain 449 4. Des Fomoire aux Tatha D Danann 451

    4.1. Un duel de gnrations 451 4.2. Un cho indo-europen ? 453

    CINQUIME PARTIE : UN ROI QUI NE DIT PAS SON NOM Chapitre 1 : Roi et anctre 457

    1. Attestations dun Lugus roi 457 1.1. En Irlande 457 1.2. Au Pays de Galles 459 1.3. Onomastique antique 460

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    2. Anctre des lignes royales irlandaises 461 2.1. Lugaid comme nom de roi 461

    2.1.1. Attestations 461 2.1.2. Utilisation de ces anthroponymes 468

    2.2. Les U Nill 469 2.2.1. Propagande littraire 469 2.2.2. Conn Ctchathach 470 2.2.3. Cormac mac Airt 473 2.2.4. Nall Nogiallach 473 2.2.5. Le Cath Maige Tuired 475

    2.3. Les oganachta 475 2.4. Les Corco Logde 477 2.5. Autres provinces 480 2.6. Lug et Nadu 481

    2.6.1. Nadu anctre 481 2.6.2. Fonction de lanctre divin 483

    Chapitre 2 : Rituels dintronisation 485 1. La pierre dlection 485 1.1. La Pierre ordalique 485

    1.1.1. La Pierre de Fl 485 1.1.2. Lugmad 488 1.1.3. Le roi de Brest 489

    1.2. Le motif du pied dans les intronisations 490 1.2.1. Rituels irlandais 490 1.2.2. Interprtations 493

    2. La chasse au roitelet 496 2.1. Traditions populaires 496

    2.1.1. Prsentation du roitelet 496 2.1.2. Folklore franais 499

    2.1.3. Folklore irlandais et gallois 500 2.2. Le destin royal de Lleu 501 3. Le cheval 504 3.1. Un animal royal 504 3.2. Accouplement avec un cheval ou une jument 506

    3.2.1. Le tmoignage de Giraud de Barri 506 3.2.2. Rituels des peuples indo-europens 507

    3.2.3. Vers un vamedha celtique 508

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    Chapitre 3 : Lexercice du rgne 512 1. Esquisse dune fte panceltique 512 1.1. La fte royale 512 1.2. Le Concilium Galliarum de Lyon 513

    1.2.1. Linstitution gallo-romaine 513 1.2.2. Lhritage gaulois 515

    1.3. Pealba de Villastar 518 2. La terre 519 2.1. Une relation privilgie avec la terre 519 2.2. La prosprit Lugnasad 521

    2.3. Tmoignages gallo-romains 523 3. Qualits royales 525 3.1. La main 525 3.2. La sagesse et lomnicomptence 528

    4. Lug et la royaut 530

    SIXIME PARTIE : LA MORT DE LUGUS Chapitre 1 : La mort et la femme 534

    1. Lleu 535 1.1. Circonstances de sa mort 535 1.2. Laigle 539 1.3. La mort de Dylan 541

    2. Lug 542 3. C Chulainn 543

    3.1. Une mort annonce 543 3.2. Des attaques magiques 544 3.3. Le coup fatal 548 3.4. Bilans 549

    4. Lugaid Roderg 551 5. Conall Corc 551 6. Pryderi 552 7. Gengoult 554 8. Souvenirs antiques de la mort de Lugus 555 9. Bilans 556

    Chapitre 2 : La triple mort 560 1. Lleu 561

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    1.1. La mort impossible 561 1.2. La mort de Merlin, Lailoken et Suibne 562

    1.2.1. Merlin lgar 562 1.2.2. Lailoken 565

    1.2.3. Suibne Geilt 566 2. La triple mort en Irlande 569

    2.1. Muirchertach mac Erca 569 2.2. Diarmait mac Cerbaill 571

    2.3. ed Dub 572 2.4. Grc 573 2.5. Suibne Geilt 574 2.6. La triple mort dans les gnalogies 575

    2.7. Autres rois 577 2.8. Les U Nill et la triple mort 578

    2.8.1. Cormac mac Airt 578 2.8.2. Le Baile Chuind 578 2.9. Lug et la triple mort 579

    3. Traces de la triple de mort sur le continent 580 3.1. Les commentaires Lucain 580

    3.2. Crpin et Crpinien 583 4. Bilans 584

    Chapitre 3 : Lleu, Odin et Esus 588 1. Odin et Lleu 588

    1.1. Lautosacrifice dOdin 588 1.2. Comparaison Lleu-Odin 591 1.3. Apollon et Marsuas 592

    2. Le dieu gaulois Esus 593 2.1. Prsentation du dossier 593

    2.2. Interprtations du commentaire 595 2.3. Les monuments ddis Esus 597

    2.3.1. Le taureau 597 2.3.2. Les grues 599 2.3.3. Labattage de larbre 602

    2.3.4. Le culte Esus 604 2.4. Bilans 605 2.5. Qui est Esus ? 606

    Chapitre 4 : La disparition cyclique 611

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    1. Une alternance des jumeaux ? 611 2. Le cerf 613

    2.1. Le cerf et Lugus 613 2.2. La chasse au cerf 615 2.1.1. Lugaid Ligde, Nall Nogiallach et Lleu 615 2.1.2. Mabinogi et Vita Merlini 616 2.3. Ladultre 619 2.4. Le cycle des saisons 620 3. C Chulainn et C Ro 622 3.1. Deux hommes pour une femme 622 3.2. Un affrontement cyclique ? 623

    4. Tmoignages antiques 626 5. Les affrontements de Lugus 628

    CONCLUSION 633

    ABRVIATIONS 643

    BIBLIOGRAPHIE 646 1. Sources 646

    1.1. Sources celtiques 646 1.2. Sources grecques 657 1.3. Sources latines 658 1.4. Sources scandinaves 660 1.5. Sources indiennes 661 1.6. Sources iraniennes 661 2. tudes 661

    INDEX 690

    ANNEXES Annexe 1 : gnalogie de Lug Annexe 2 : gnalogie de Lleu Annexe 3 : gnalogie des U Nill (daprs Byrne 2001:280) Annexe 4 : gnalogie des oganachta (daprs Byrne 2001:291)

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  • TABLE DES ILLUSTRATIONS

    Figure 1 Gobelet de Lyon (daprs Gricourt - Hollard 1997b:285 fig. 17)

    Figure 2 Monnaie gauloise de la Somme (daprs Hollard - Dlestre 2001:7 fig. 1a)

    Figure 3 Monnaie gauloise de Seine-Maritime (daprs Hollard - Dlestre 2001:7 fig. 5a)

    Figure 4 Cruche de Reinheim (daprs Green 1996:122 fig. 87)

    Figure 5 Double sesterce de Postume (daprs Gricourt - Hollard 1997b:283 fig. 1b)

    Figure 6 Monnaie leffigie de Ttricus I (daprs Hollard - Dlestre 2001:7 fig. 4a)

    Figure 7 Rouelle en plomb (daprs Gricourt - Hollard 2003:16 fig. 1)

    Figure 8 Autel de Reims (daprs Esp V N3666)

    Figure 9 Monnaie gauloise de Picardie (daprs Hollard 2003:15 fig. 7b)

    Figure 10 Pilier de Mavilly (daprs Esp III N2067)

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  • Table des illustrations

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    Figure 11 Mercure de Chteaubleau (daprs Gricourt - Hollard - Pilon 1999:139 fig. 2 4)

    Figure 12 Statuette dEuffigneix (daprs Esp XI N7702)

    Figure 13 Mercure de Strasbourg (daprs Esp VIII N5490)

    Figure 14 Mdaillon dapplique dAmator (daprs Gricourt - Hollard 1997b:283 fig. 13)

    Figure 15 Stle du Mont Berny (daprs Esp V N3850)

    Figure 16 Stle de Bourges (daprs Esp II N1470)

    Figure 17 Plaque du chaudron de Gundestrup (daprs Kruta 2004:223)

    Figure 18 Monnaie des Morins (daprs Gricourt - Hollard 1997b:286 fig. 16)

    Figure 19 Vase de Satto (daprs Hatt 1989:209 fig. 175)

    Figure 20 Pilier des Nautes (daprs Esp IV N3134)

    Figure 21 Stle de Trves (daprs Esp V N4929)

    Figure 22 Autel de Reims 703 (daprs Esp V N3653)

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    Figure 23 Char de Strettweg (daprs Green 1996:114 fig. 81)

    Figure 24 Collier de Cho de Lamas (daprs Zavaroni 2004:168 fig. 2)

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    Carte 1 Peuples celtiques de lAntiquit (daprs Green 1996:6-7)

    Carte 2 Peuples pr-romains de la pninsule ibrique (daprs Untermann 1992:27)

    Carte 3 Division traditionnelle de l'Irlande (daprs Dillon - Chadwick 1974:424 carte 6)

    Carte 4 L'Irlande vers 700 (daprs le site internet www.rootsweb.com/~irlkik/ihm/ire700.htm)

    Carte 5 L'Irlande contemporaine (daprs Cassard - Le Quau 1998:94)

    Carte 6 Le Pays de Galles mdival (daprs Dillon - Chadwick 1974:423 carte 5)

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    RESUM

    Dans la religion des Celtes pr-chrtiens, le dieu Lugus occupe une position de premier ordre. Il est une des rares divinits pour laquelle nous possdons des traces dans plusieurs zones gographiques o ont vcu ou continuent vivre des populations celtiques. Nous le connaissons en Irlande sous le nom de Lug, au Pays de Galles sous le nom de Lleu et dans lAntiquit celto-romaine sous le nom de Lugus ; celui-ci apparat essentiellement sous linterpretatio romana de Mercure. Frquemment, nous avons besoin dvoquer ce dieu sur un plan celtique et non sur un plan strictement irlandais, gallois ou gaulois. Plutt que de rpter chaque fois les diffrentes formes de son nom, nous prenons le choix de dsigner ce dieu celtique par le terme Lugus. Ainsi :

    - Lug = le dieu irlandais des sources mdivales ; - Lleu = le dieu gallois des sources mdivales ; - Lugus = le dieu continental et insulaire de lAntiquit ; - Lugus = le dieu celtique pris dans sa totalit. De plus, nous utiliserons rgulirement ladjectif lugien, lugienne construit sur Lug. Chacun de ces trois dieux a une place importante au sein de sa mythologie et/ou de son panthon respectifs. Dans la mythologie irlandaise, Lug entre en scne laube de la bataille finale qui oppose les dieux aux Fomoire ; grce son intervention, les dieux remportent la victoire. Dans une lgende galloise, Llefelys une autre forme graphique de Lleu vient en aide au roi Lludd pour vaincre trois flaux qui ravagent la Grande-Bretagne. Lug et Lleu/Llefelys tiennent donc un rle de sauveur providentiel dans leur tradition respective. En Gaule, Csar nous apprend que Mercure est le dieu le plus honor, ce que confirme le nombre dinscriptions et de reprsentations en son honneur. Du fait du rang important de ces dieux, il nous semble intressant de vouloir comprendre leur rle exact dans la religion des Celtes pr-chrtiens. Mais lheure actuelle, ils nont toujours pas fait lobjet dune tude de grande ampleur. Lambition de cette tude est dessayer de combler ce manque. Notre problmatique sarticule autour de deux questions clefs, la premire servant dappui la seconde : quelles fonctions Lugus avait-il dans la religion des Celtes pr-chrtiens ? Pour quelles raisons occupait-il ce rang de dieu majeur ?

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    Pour rpondre ces questions, nous analysons chaque tape de la vie de Lugus ainsi que chacun de ses attributs et caractristiques. Notre mthode est la suivante : chaque point abord, nous confrontons de manire systmatique la documentation relative chaque figure qui correspond ce dieu. Pour que notre tude soit pertinente, nous ne nous contentons pas de travailler uniquement sur le Lug irlandais, sur le Lleu gallois et sur le Mercure-Lugus celto-romain.

    Les faits et gestes dun grand dieu servent souvent de modle pour la construction des biographies de hros et de rois lgendaires ; parfois, ce sont les dieux eux-mmes qui se rincarnent sur terre, comme dans le cas des popes. Ainsi en Irlande, le dieu Lug se retrouve sous les traits du grand hros C Chulainn et sous plusieurs figures royales (en particulier Lugaid Roderg et Conall Corc). Au Pays de Galles, les hros Pryderi et Culhwch ont une biographie qui recoupe celle du dieu celtique. En fin de compte, ltude du dieu Lugus runit un nombre important de personnages mythologiques et lgendaires. Ltude de ce dieu est base sur des sources en provenance de diffrents lieux, de diffrentes poques et de diffrentes natures. Ainsi, nous avons dun ct les matriaux irlandais et gallois, constitus des littratures produites au cours du Moyen ge et, de lautre, les matriaux gaulois, celtibre et breton cest--dire de Grande-Bretagne , qui runissent larchologie, lpigraphie antique et le tmoignage des auteurs classiques. La plupart de ces sources nous sont malheureusement connues dans un tat lacunaire. Cela sexplique essentiellement par le fait que les Celtes pr-chrtiens nont pas transmis leurs traditions religieuses par crit. Nos sources sont donc en grande partie constitue de tmoignages indirects qui proviennent dobservateurs extrieurs ayant t contemporains de cette religion ou de Celtes romaniss et/ou christianiss. Afin dobtenir un maximum dinformations, il nous parat donc opportun davoir recours un grand nombre de sources, et ce en dpit de leurs diffrences. Leur htrognit est en ralit moins importante quelle ny parat au premier abord et travailler sur une chelle panceltique est tout fait pertinent. Ltude du dieu Lugus est principalement un travail de nature mythologique mais qui sappuie sur la linguistique, lhistoire ou larchologie. Nos recherches sont avant tout menes partir des littratures celtiques mdivales. Ce choix se justifie par le fait quelles offrent la documentation la plus fournie et la plus dtaille sur la religion des Celtes pr-chrtiens. La matire irlandaise constitue le pilier de notre tude, car elle a prserv un plus grand nombre de textes, plus anciens et crits dans un style plus archaque que le matriau gallois. En rgle gnrale, la documentation antique est utilise en dernier lieu, pour confirmer, complter ou infirmer les informations recueillies auprs des

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    littratures insulaires. plusieurs reprises, nous avons galement recours lhagiographie, au folklore et au comparatisme indo-europen, puisque Lugus partage des affinits avec deux dieux en particulier. Le premier est le dieu grec Apollon, trs proche du dieu celtique tant au niveau des caractristiques, des attributs que des mythes. Le second est le dieu germanique Odin que nous connaissons surtout daprs les littratures scandinaves. Pour cette tude, nous suivrons dans la mesure du possible la mthode du comparatisme structural initie par Georges Dumzil. Mais bien souvent, nos sources sont trop lacunaires pour lappliquer ; ds lors, nous devons procder des comparaisons typologiques. Ce travail commence par laspect linguistique de Lugus. Dans un premier temps, nous dressons un inventaire des attestations de ce dieu releves sur le continent, en Grande-Bretagne et en Irlande. Lugus entre trs rgulirement en composition et en drivation dans des thonymes, des toponymes, des ethnonymes ainsi que des hydronymes. Le nombre assez remarquable dattestations montre de manire claire quil tait un dieu de premier ordre dans la religion des Celtes pr-chrtiens. Dans un second temps, nous discutons ltymologie de ce thonyme. Il existe sur cette question plusieurs hypothses : linterprtation par *leu-g- lumire , par le nom du serment (irl. luge, gall. llw), mais aussi par *leugh- qui ramne lide de mettre en place, mettre en ordre . Lanalyse mythologique dbute par ltude des naissances des figures lugiennes. Concernant Lug et Lleu, leur venue au monde a en commun dimpliquer des diffrentes forces prsentes respectivement en Irlande et en Gwynedd : Lug est le premier enfant n dun mariage lgitime entre deux groupes sociaux (Tatha D Danann et Fomoire) ; Lleu est n suite un effort conjugu de la famille de Dn. Dans plusieurs cas, on relve la prsence de naissances gmellaires et la disparition rapide de lun des jumeaux ; seule la figure lugienne survit. Pour C Chulainn et Pryderi, les jumeaux sont mme des poulains. Ces frres-animaux rvlent la proximit entre Lugus et les chevaux qui sera confirme plusieurs fois au cours de cette tude. Llment constant de toutes ces naissances est quelles se droulent systmatiquement dans un contexte anormal, une particularit annonciatrice dune carrire elle aussi hors du commun. Une caractristique majeure de Lugus est son rapport avec le thme des liens qui sexprime de diffrentes manires. Tout dabord, il y a le serment qui implique un lien entre le jureur et la force surnaturelle invoque. Deux lment probants associent cette pratique au dieu celtique : le motif de la main, caractristique du dieu celtique (Lug Lmfada Au grand bras, la grande main , Lleu Llaw Gyffes la Main Sre, Agile ou Prcise ) et organe mis en valeur lorsquon prte serment ; le jeu de mots entre les thonymes (Lug et Lleu) et le

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    nom celtique du serment (lug et llw). Le mariage est un autre domaine qui fait intervenir les liens , cette fois entre les deux poux. Or en Irlande, les prparatifs des mariages se droulaient essentiellement lors de la fte de Lugnasad, patronne par Lug. Paradoxalement, sa mythologie fait tat de problmes conjugaux puisquil est victime dadultre. Les relations difficiles avec les femmes ne lui sont pas propres mais se retrouvent chez dautres figures lugiennes (Lleu, C Chulainn, saint Gengoult). Lide de liens est galement prsente dans certains arts, en particulier ceux qui peuvent se concevoir comme lassemblage de diffrents lments autonomes, tels que la cordonnerie, la posie ou la pratique de la lyre. Or, plusieurs figures lugiennes pratiquent ces arts au mme titre que dautres dont nous dressons linventaire. Dailleurs, la matrise de plusieurs arts est une particularit principale de ce dieu. Cette caractristique apparat clairement en Irlande o Lug est appel Samildnach Dou de nombreux arts en mme temps et en Gaule o Csar qualifie Mercure domnium inuentor artium inventeur de tous les arts . Concernant Lug, il runit en fait sur sa personne la plupart des mtiers de la socit irlandaise. Cela exprime sans doute la ncessit dun lien entre ces diffrentes comptences et que seule leur unit peut permettre lexistence juste et correcte de la socit. Lug peut ainsi tre dfini comme un dieu de la cohsion sociale. Toujours dans la mythologie irlandaise, Lug apparat rgulirement comme un dieu guerrier. Cest prcisment dans ce rle quil ralise son action la plus clbre, savoir le meurtre de son grand-pre Balor, le roi des Fomoire. Dans les rcits folkloriques qui voquent ce duel, Balor est menac par une prophtie funeste selon laquelle il mourra de la main de son petit-fils. Un scnario comparable se retrouve dans le rcit gallois de Culhwch ac Olwen : Ysbaddaden, chef des gants, mourra si un homme lui prend sa fille, nomme Olwen. Or, Culhwch, que nous considrons comme une figure lugienne, est justement lhomme qui russit obtenir Olwen et donc conduire Ysbaddaden sa perte. Le duel entre Lug et Balor met en vidence deux caractristiques majeures de ce dieu irlandais. Il y a tout dabord son aspect hliaque, un aspect fondamental de Lugus, qui peut dailleurs expliquer une autre fonction du dieu. Dans les anciennes socits, la lumire du soleil levant servait de point de repre pour lorientation, laquelle constituait la base pour lorganisation du territoire. Or en Irlande et en Gaule, Lug et Mercure sont associs aux collines, routes et frontires, autant de lieux qui sont primordiaux pour lamnagement de lespace. Le dieu celtique patronnait sans doute lorganisation du territoire, un processus ncessaire pour que la vie humaine puisse se dvelopper.

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    Ensuite, laffrontement entre Lug et Balor met en valeur larme utilise par le premier.

    Selon les versions du rcit, il sagit dune pierre de fronde, dune boule de fronde ou dune lance. De manire gnrale, les figures lugiennes ont recours une arme de jet, telle que la lance ou le javelot. Nous pensons en particulier au gae bulga de C Chulainn, ce javelot invincible quil est le seul savoir matriser ; il y a aussi les lances empoisonnes de Lleu et Culhwch. La victoire de Lug sur Balor marque en fait le succs dfinitif des Tatha D Danann sur les Fomoire. LIrlande est libre de cette race dont le but a toujours t dempcher la vie de sinstaller durablement sur lle. Le thme dune lutte entre un personnage lugien et des forces malfiques se retrouve dans la littrature galloise avec le duel entre Culhwch et le gant Ysbaddaden, ainsi quavec lintervention de Llefelys pour sauver la Grande-Bretagne menace par trois flaux. Dans le matriau archologique gallo-romain, des chos ce combat mythologique se retrouvent sans doute sur les colonnes du cavalier languipde ; mais l, le dieu vainqueur est Jupiter et non Mercure. En tout cas, le mythe irlandais montre bien que larrive de Lug a t dcisive pour la victoire finale contre les Fomoire ; dans lachvement de la cosmogonie, il tient donc un rle tout fait primordial. Dsormais, les dieux vont pouvoir se retirer et laisser aux hommes, cest--dire les fils de Ml, le soin de gouverner lIrlande. Dans le dossier de Lugus, la question des rapports la royaut est certainement la plus ambigu. Les figures lugiennes apparaissent rarement en tant que roi, mais Lug en particulier est associ troitement la royaut. Une tude sur les gnalogies royales irlandaises rvle que ce dieu, sous le nom des Lugaid ou de Conall Corc, apparat comme le grand anctre de plusieurs peuples mais surtout des grandes dynasties de lle (U Nill, oganacht, Corco Logde). Lugus est galement associ deux types rituels dintronisation royale. Le premier met en scne une pierre dlection sur laquelle le nouveau roi vient poser son pied. La littrature irlandaise montre en particulier que Lug est troitement li la Pierre de Fl qui valide linvestiture des rois de Tara. Le second type de rituel comprend une chasse au roitelet, bien attest dans le folklore irlandais, gallois et franais. On note galement que cet oiseau se retrouve dans le Mabinogi de Math lorsque Lleu reoit son nom. Or, cet pisode pourrait voquer un rituel royal destin Lleu, en admettant une inversion entre Aranrhod et lui. Dans le dossier de Lug, plusieurs lments voquent certains aspects de la fonction royale. Tout dabord, il patronne la clbration royale de Lugnasad. Une fte comparable avait sans doute lieu en Gaule romaine avec le Concilium Galliarum de Lyon, dont le nom antique est

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    Lugdunum Forteresse de Lugus . Il se tenait la mme priode que Lugnasad (mois daot) et en un lieu dont le nom est construit sur Lugus. En Irlande, Lug est associ la prosprit qui constitue une des missions fondamentales du roi ; ce rapport labondance apparat galement en Gaule romaine avec Mercure. En fin de compte, Lug semble tre en relation avec les diffrentes phases actives de la royaut comme linvestiture et le rgne. La mort des figures lugiennes est un lment majeur de leur biographie respective. Elle est caractrise par limplication dune femme qui a sa part de responsabilit dans leur mort. Cela va dans le sens des relations difficiles quentretiennent plusieurs personnages lugiens avec leurs pouses. Le second lment caractristique est la prsence du motif indo-europen de la triple mort. Le meilleur exemple provient de Lleu ; plusieurs indices donnent penser que Lug y est galement associ. Le type de mort que subit Lleu est en tout cas issu dun fonds mythologique trs ancien puisquon retrouve un scnario comparable dans les matriaux relatifs au dieu scandinave Odin et au dieu gaulois Esus. Nous envisageons enfin lhypothse dune alternance cyclique entre un personnage lugien et un personnage sombre, tous deux engags dans un duel pour lobtention dune femme. Dans ce scnario mythique et lgendaire, la figure fminine pourrait tre une reprsentation de la vie. Durant la saison claire, le personnage lugien se lapproprie mais quand arrive la priode sombre, son adversaire la lui drobe et le tue ; le retour de la saison claire marque alors celui du personnage lugien qui se venge. Le premier lment dgager de cette tude est que le nombre dinformations na pas t gal pour chaque personnage tudi. Ds lors, il nest pas facile de pouvoir dresser des hypothses gnrales. Nanmoins, nous avons dgag plusieurs reprises des lments lis une mme ide : la notion de totalit. Elle est en effet prsente chez Lug, Lleu/Llefelys et Mercure-Lugus ; il a donc lintrt de se retrouver aussi bien chez les Celtes continentaux de lAntiquit que chez les Celtes insulaires mdivaux. Daprs les mythes irlandais et gallois, Lug et Lleu/Llefelys seraient les dieux qui achvent lorganisation du monde grce leurs capacits de runir sur eux lensemble des possibilits existantes, seule condition possible au fonctionnement du monde. Cette fonction de prestige pourrait expliquer que Mercure soit le dieu le plus honor en Gaule. La fondation du monde ne revient pas entirement aux figures lugiennes mais aussi au dieu jupitrien celtique, qui est sans doute aussi son pre. Le second reprsente la cration de la vie, tandis que le premier reprsente son organisation, sa concrtisation. Dans le processus de cosmogonie, tous deux ont un rle distinct mais complmentaire ; ils apparaissent donc comme le couple moteur de la cosmogonie dans la religion des Celtes pr-chrtiens.

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    In the pagan Celtic religion, the god Lugus had a predominant position. He is one of the few deities of whom we have traces in several geographical areas where some Celtic peoples lived or still live nowadays. This god is known in Ireland under the name of Lug, in Wales under the name of Lleu and in the Celto-Roman antiquary under the name of Lugus; the latter was mainly known through the interpretatio romana of Mercury.

    In the course of this study, we shall focus on the Celtic god rather than on the Irish god, the Welsh god or the Gallic god. Hence we shall use the name of Lugus rather than repeating every time the different forms of his name. To sum this up: - Lug = the Irish god of medieval literature; - Lleu = the Welsh god of medieval literature; - Lugus = the ancient continental and insular god; - Lugus = the Celtic god as a whole. Besides, we shall often use the adjective Lugian from Lug. Each of these three gods has an important place in his respective mythology and/or pantheon. In Irish mythology, Lug appears just before the crucial battle between the gods and the Fomoire; thanks to his intervention, the gods are the winners. In a Welsh legend, Llefelys another graphic form of Lleu comes to king Lludds assistance to overcome three plagues which sweep down on Britain. Lug and Lleu/Llefelys have thus the function of a providential saviour in their respective traditions. In Gaul, Caesar informs us that Mercury is the most revered god, which is confirmed by the high amount of inscriptions and archaeological evidences in his honour. Given the high rank of these gods, it seems interesting to understand their precise function in the religion of the Irish, the Welsh and the Gauls. But so far there is still no major work on the question. The ambition of this study is to fill up the lack. It is organized around two main questions, the first being the support of the second: what were the functions of Lugus in the pagan Celtic religion? For what reasons was he considered as a major god? In this work, we analyse every step of the life of Lugus as well as each of his attributes and characteristics. Our method is as follows: for each of these points, we systematically

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  • Abstract

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    compare the material of the figure in connection with this god. So that our study should be relevant, we cannot only work on Lug, Lleu and Mercury-Lugus. The deeds of a major god are often useful to construct biographies of heroes and legendary kings; it is sometimes the gods themselves who reincarnate on Earth like in epic narratives. We have an example in Irish literature with the god Lug who appears in the shape of C Chulainn and of several kingly figures (particularly Lugaid Roderg and Conall Corc). In Wales, the heroes Pryderi and Culhwch have a biography closed to the Celtic gods. The study of the god Lugus eventually has to take into account several mythological and legendary figures.

    Our work is based on sources which come from various areas, various ages and various kinds. Thus we have on the one hand the Irish and Welsh material which includes literature written during the Middle Ages and on the other hand, the Gallic, Celtiberian and British material, which includes archaeology, ancient epigraphy and narratives by classical authors. Unfortunately most of these sources are incomplete due to the fact that the pagan Celts did not write down their religious traditions. Consequently our material is mostly made up of indirect evidences, which come from foreign contemporary observers or from later Romanised or/and Christianised Celts. Getting as much information as possible requires the use of a large number of sources in spite of their differences. Their heterogeneity is in fact less important than it could seem at first sight; and it is really relevant to work on the pan-Celtic scale. The study of the god Lugus is mainly a work on mythological ground, but which is completed by linguistics, history or archaeology.

    Our main source is the Celtic medieval literatures. This choice is justified by the fact they offer the most complete and the most detailed documentation about the pagan Celtic religion. The Irish material constitutes the reference for this study, because it preserves a large number of tales older than the Welsh material and which retain a more archaic style. As a rule, the ancient documentation is used lastly to complete, agree or disagree with the information gathered from the insular literatures. Sometimes, we also resort to hagiography, folklore and Indo-European comparatism, as Lugus shares common aspects with two gods in particular. The first one is the Greek god Apollo, whose mythology is close to Luguss regarding characteristics, attributes and myths. The second one is the Germanic god Odin who is mainly known from Scandinavian literatures. For this study, we have tried to follow as close as possible the structural comparative method instigated by Georges Dumzil. But the sources are often so scarce and incomplete

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    that we cannot apply this method fully; in this case, we can only draw typological comparisons.

    Our work begins with the linguistic approach of Lugus. First, we propose an inventory of the evidences of this god which come from the continent, Great-Britain and Ireland. Lugus is usually known in compounds and derivatives, as well as in god names, place names, ethnonyms and hydronyms. The noteworthy number of evidences clearly points out that Lugus was an important god in the pagan Celtic religion. Then we discuss the etymology of this theonym. There are some hypothesis on this point: Lugus can be explained by *leu-g- light, by the word for oath (Irish luge, Welsh llw), and also by *leugh-, which leads back to the idea of put in place, put in order. The mythological study opens with the analysis of the birth tales of Lugian figures. As regards Lug and Lleu, their coming into being requires all the characters in place in Ireland and in Gwynedd: the former is the first child born from a legitimate marriage between two social kins (Tatha D Danann and Fomoire); the latter is born from a combined effort of the family of Dn. In other tales, we notice the birth of twins and the rapid disappearance of one of them; only the Lugian figure survives. For C Chulainn and Pryderi, the twins are even colts. Such a characteristic reveals a connection between Lugus and horses, which will be confirmed several times in the course of this study. The constant element of the birth tales is that they always take place in an unusual way, which is the promise of an extraordinary life. A main characteristic of Lugus is his link with the bonds which can be expressed in different ways. First, there is the oath which implies a link between the oath-maker and the supernatural power invoked. Two suitable elements associate the oath to the Celtic god: the motif of the hand which is both a characteristic of this god (Lug Lmfada Long-arm, Long-hand, Lleu Llaw Gyffes Skilful Hand) and is raised to take an oath; the pun between the theonyms (Lug and Lleu) and the Celtic word for oath (lug and llw). Marriage is another field which implies bonds, i.e. between husband and wife. In Ireland, the preparations of weddings mainly took place during the festival of Lugnasad, supported by Lug. Paradoxically, his mythology reveals some conjugal problems because he is the victim of adultery. Lug is not the only one to experience troubles with women: the same misfortune occurs with Lleu, C Chulainn and saint Gengoult. The notion of bonds is also implied in some crafts, particularly those which can be understood as a collection of autonomous elements, like shoe-making, poetry or lyre playing. We notice that several Lugian figures practice them, as well as other crafts which we list. This

    is a main particularity of this god to practice many crafts. Such a characteristic clearly appears

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    in Ireland where Lug is called Samildnach Skilled in many arts and in Gaul where Caesar says about Mercury that he is omnium inuentor artium inventor of all the crafts. As regards Lug, he embodies most of the Irish society's skills. This probably expresses the necessity of a link between different skills; their unity can be understood as the only way to preserve the course of society. Thus Lug can be defined as a god of social cohesion. In Irish mythology, Lug often appears as a warrior god. It is precisely in this function that he achieves his most famous deed, i.e. the murder of his grandfather Balor, king of the Fomoire. In folk tales about this duel, Balor is frightened by a deathly prophecy saying he will die by the hand of his grandson. A similar framework is present in the Welsh tale Culhwch ac Olwen: Ysbaddaden, chief of the giants, will die if a man marries his daughter called Olwen. Culhwch manages to get her and kills Ysbaddaden; moreover, according to us Culhwch is a Lugian figure.

    The duel between Lug and Balor highlights two of Luguss main characteristics. Firstly his solar aspect, which can explain another of his functions. In ancient societies, sunrise was

    used as a mark for orientation which constituted the basis for land organizing. In Ireland and in Gaul, Lug and Mercury were associated with hills, roads and boundaries, all places that are essential for land organizing. So the Celtic god probably patronized this action, which is a necessary step to allow the development of human life. Secondly, the weapon used by Lug. According to the different versions of the tale, it is a sling-stone, a sling-ball or a spear. The Lugian figures generally use a projectile, like a spear or a javelin. There is particularly C Chulainns gae bulga, which is an invincible javelin whose handling he is the only one to master; there are also the poisonous spears of Lleu and Culhwch.

    The victory of Lug over Balor really indicates the final success of the Tatha D Danann over the Fomoire. Ireland is definitively released from this race whose aim has ever been to prevent life from spreading in the country. The theme of a struggle between a Lugian figure and evil powers is present in Welsh literature with the duel between Culhwch and the giant Ysbaddaden, as well as the intervention of Llefelys to save Britain from three plagues. In Gallo-Roman archaeology, some echo to this mythological struggle is probably found on the series of pillars called cavalier languipde; but here, Jupiter is the winner and not Mercury. Anyway, the Irish myth clearly shows the arrival of Lug is crucial to overcome the

    Fomoire. In the completion of the cosmogony, he holds a very high function. Henceforth, the gods can leave the Earth and let the men, that is the sons of Ml, rule Ireland.

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    In the case of Lugus, the relations with kingship are probably the most ambiguous. The Lugian figures rarely appear as kings, but Lug is particularly associated with kingship. A study of the royal genealogies reveals that this god, under the name of Lugaid or Conall Corc, has usually the function of great ancestor of several peoples, especially of the great dynasties (U Nill, oganacht, Corco Logde). Lugus is also associated with two kinds of investiture rituals. The first is based on a stone of election on which the new king comes to put his foot. The Irish literature points to Lug as

    tightly linked to the Fl Stone which validates the investiture of the kings of Tara. The second kind of ritual is the wren hunting, so well attested in Irish, Welsh and French folklore. This bird also appears in the Mabinogi of Math when Lleu gets his name. This episode should recall a royal ritual done for Lleu if we consider an inversion of roles between Aranrhod and him.

    Lug is connected with other aspects of kingship. The first one is his patronage of the royal celebration of Lugnasad. A similar feast may have been held in Roman Gaul with the Concilium Galliarum in Lyon, that is Lugdunum the Fortress of Lugus. It was celebrated at the same time as Lugnasad (August) and in a place whose name is based on Lugus. The second one is the link between Lug and prosperity, which is one of the most fundamental duties of the king; the connection with abundance also appears in Gaul with Mercury. Eventually, Lug seems to be in relation with some active steps of kingship like investiture and reign.

    The death of the Lugian figures is a major element of their respective biography. It is characterized by the implication of a woman, who is partly responsible for his death. This confirms the uneasy relationship of several Lugian figures with their wives. Another

    characteristic is the presence of the Indo-European motif of the threefold death. The best example comes from Lleu; several signs point to Lug as associated to this motif. The way Lleu meets death is certainly inherited from an ancient mythological background because there is a comparable pattern about Odin and the Gallic god Esus. We finally consider hypotheses about a cyclic alternation between a Lugian figure and a dark figure, both implied in a struggle for a woman. In this pattern, she should be a representation of life. During the bright season, the Lugian figure appropriates her but when the dark season takes place, his opponent steals her and kills him; the return of the bright season announces the revenge of the Lugian figure.

    In this work, we have not gathered an equal amount of information for each figure. Hence it is not easy to draw general hypotheses. However, we have often brought out some elements

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    linked with the idea of totality. It is present in Lug, Lleu/Llefelys and Mercury-Lugus, this theme has the convenience of being attested among the ancient continental Celts of Antiquity as well as among the medieval insular Celts. According to the Irish and Welsh myths, Lug, Lleu/Llefelys should be the gods who conclude the organization of the world through their ability to embody all the possibilities of existence, which is required for the spreading of life. His prestigious function could explain that Mercury is the most honoured god in Gaul. The world foundation cannot be attributed to the Lugian figure only but also to the Jupiterian Celtic god, who is probably his father. The latter represents the creation of life, whereas the former represents its organization, its realization. In the process of cosmogony,

    both have a distinct but complementary function. So they appear as the dynamic couple of the cosmogony in pagan Celtic religion.

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  • MOTS CLS Lug, Lleu, Mercure gallo-romain, C Chulainn, mythologie celtique, comparatisme indo-europen, gmellit, virginit, chevaux, mariage, adultre, liens, serment, arts, vrit, prophtie, soleil, organisation du territoire, armes de jet, anctres royaux, ftes celtiques, triple mort.

    KEY WORDS Lug, Lleu, Gallo-Roman Mercury, C Chulainn, Celtic mythology, Indo-European comparative mythology, twins, virginity, horses, marriage, adultery, bonds, oath, craftsmanship, truth, prophecy, sun, land organizing, throwing arms, royal ancestors, Celtic feasts, threefold death.

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  • INTRODUCTION

    Dans la religion des Celtes pr-chrtiens, le dieu Lugus occupe une position de premier ordre. Il est une des rares divinits pour laquelle nous possdons des traces dans plusieurs zones gographiques o ont vcu ou continuent vivre des populations celtiques. Nous le connaissons en Irlande sous le nom de Lug, au Pays de Galles sous le nom de Lleu et dans lAntiquit celto-romaine sous le nom de Lugus1. Les nombreuses attestations onomastiques, en drivs et composs, sont l pour tmoigner de limportance de ce dieu. Voici quelques exemples :

    - thonymes ou anthroponymes : LUGUDECCAS et Lugaid en Irlande ; Lougous en Gaule ; Lugoves, Lougesterico en Espagne ; Lugotorix en Grande-Bretagne ; Llewellyn et Llywarch au Pays de Galles ; - toponymes : la srie des Lugdunum en Gaule ; Luguvallium en Angleterre ; Dinas Dinlleu et Nantlleu au Pays de Galles ; - ethnonymes : Lougeis en Espagne ; Lougoi en cosse ; Luigni en Irlande ; - hydronyme : Loch Lughaidh en Irlande. Le matriau antique permet de vrifier limportance de Lugus par un autre moyen. Suite la conqute romaine, les divinits celtiques furent dsignes par des noms de divinits classiques, un phnomne appel interpretatio romana2. Dans le cas qui nous intresse, Lugus apparat essentiellement sous le nom de Mercure3. Or, en Gaule, Mercure est le dieu le plus honor. Les ddicaces et monuments figurs en son honneur sont trs nombreux4. Ils se retrouvent surtout au nord de la Garonne et de Lyon, dans le centre, lest et le nord de la Gaule5 ; en revanche, ils sont rares en Narbonnaise et en Aquitaine6. Daprs les essais dinventaire de Jean-Jacques Hatt ainsi que de Nicole Jufer et Thierry Luginbhl, nous dnombrons cinquante-quatre pithtes diffrentes accoles au Mercure gallo-romain ; trente-

    1 Chaque lment que nous prsentons en introduction sera repris dans le corps de notre tude, avec rfrences

    bibliographiques lappui. 2 Cf. sources.

    3 Ce rapprochement a t soulign ds le dbut de la recherche scientifique sur la mythologie celtique, cest--

    dire la fin du XIXe sicle, par Henri dArbois de Jubainville. Les spcialistes continuent, juste titre, considrer ce rapprochement comme valable, lexception de Maier 1996. 4 En 1989, Hatt recensait 283 ddicaces (1989:206).

    5 Cest notamment le cas dans les cits des Trvires, des Mediomatrices, des Leuques, en Belgique et en

    Germanie suprieure (Lambrechts 1942:136-142). 6 Duval 1976:110.

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    sept sont en langue gauloise, dix-sept en latin1. Ces pithtes voquent soit des titres, soit des lieux, soit et cest la catgorie la mieux reprsente des fonctions de ce dieu2. Ce grand nombre de ddicaces et de reprsentations constitue assurment une preuve de limportance de Lugus dans la religion des Celtes anciens. Frquemment, nous aurons besoin dvoquer ce dieu sur un plan celtique et non sur un plan strictement irlandais, gallois ou gaulois. Plutt que de rpter chaque fois les diffrentes formes de son nom, nous prenons le choix de dsigner ce dieu celtique par le terme Lugus. Pour rcapituler, nous rencontrerons donc les formes suivantes : - Lug = le dieu irlandais des sources mdivales ; - Lleu = le dieu gallois des sources mdivales ; - Lugus = le dieu continental et insulaire de lAntiquit ; - Lugus = le dieu celtique pris dans sa totalit. De plus, nous utiliserons rgulirement ladjectif lugien, lugienne construit sur Lug. La cohrence de ces diffrentes figures se vrifie galement au niveau mythologique. Lugus apparat ainsi comme une figure jeune, solaire et guerrire. Il est surtout dou de nombreuses capacits, comme en tmoigne lune des principales pithtes de Lug : Samildnach Dou de nombreux arts en mme temps ; une ide comparable se retrouve chez Csar, qui nous dit que Mercure cest--dire Lugus est omnium inuentor artium inventeur de tous les arts . Lautre pithte canonique du Lug irlandais est Lmfada Au grand bras, la grande main ; or, Lleu a comme pithte Llaw Gyffes la Main Sre, Agile ou Prcise et plusieurs monnaies gauloises montrent un personnage identifiable Lugus qui est pourvu de bras et de mains dune longueur tout fait dmesure. Les littratures irlandaises et galloises donnent ce dieu un rle analogue lors dun pisode mythologique comparable. Dans les deux cas, lle est menace par des forces mauvaises. Dans le mythe irlandais, Lug entre en scne laube de la bataille finale entre les dieux et leurs ennemis ; grce son intervention, les dieux remportent la victoire. Dans la lgende galloise, Llefelys autre forme de Lleu vient en aide au roi Lludd pour vaincre trois flaux qui ravagent la Grande-Bretagne. Lug et Lleu/Llefelys tiennent donc un rle de sauveur providentiel dans leur tradition respective. La place minente quils ont en Irlande et au Pays de Galles est valable aussi pour le Lugus gaulois puisque, daprs Csar, le dieu que

    1 Hatt 1989:216 ; Jufer - Luginbhl 2001:191-93.

    2 Hatt 1989:217.

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    [les Gaulois] honorent le plus est Mercure : ses statues sont les plus nombreuses 1. Le matriau mythologique permet donc de dgager des traits communs au niveau des caractristiques, des pithtes, des fonctions et de limportance dans le panthon respectif. Cette prsentation du dieu celtique a montr que nous avions affaire une figure qui tait parfaitement atteste sur un plan linguistique et qui, en Irlande et au Pays de Galles, occupait une fonction prminente dans la mythologie. Ces lments permettent dapprcier limportance que devait avoir Lugus dans la religion des Celtes pr-chrtiens.

    Ces premires lignes font galement percevoir que ltude de ce dieu supposera lutilisation de sources venues de diffrents lieux, de diffrentes poques et de diffrentes natures. Ainsi, nous avons dun ct les matriaux irlandais et gallois, constitus des littratures produites au cours du Moyen ge, et, de lautre, les matriaux gaulois, celtibre et breton cest--dire de Grande-Bretagne , qui regroupent larchologie, lpigraphie antique et le tmoignage des auteurs classiques. La plupart de ces sources nous sont malheureusement connues dans un tat lacunaire. Cela sexplique essentiellement par le fait que les Celtes pr-chrtiens nont pas transmis leurs traditions religieuses par crit. Nos sources sont donc en grande partie constitue de tmoignages indirects, qui proviennent dobservateurs extrieurs ayant t contemporains de cette religion ou de Celtes romaniss et/ou christianiss. Afin dobtenir un maximum dinformations, il nous parat donc opportun davoir recours un grand nombre de sources, et ce en dpit de leurs diffrences. Lexamen de ces sources, qui va suivre cette introduction, va dailleurs montrer que leur htrognit est en ralit moins importante quelle ny parat au premier abord. Les lments dont nous disposons ne permettent pas pour autant de reconstruire le systme religieux des Celtes pr-chrtiens. La thologie est perdue ; le rituel est perdu dans sa plus grande partie, lexception de quelques traces conserves essentiellement par la littrature royale irlandaise ; la mythologie a t mieux prserve, mais elle nous a t transmise dans un tat fragmentaire. Ltude du dieu Lugus sera donc principalement un travail de nature mythologique, appuy par la linguistique, lhistoire, les corpus juridiques, ou larchologie.

    Nos recherches vont donc tre menes en grande partie daprs les littratures celtiques mdivales. Ce choix se justifie par le fait quelles offrent la documentation la plus fournie et la plus dtaille sur la religion des Celtes pr-chrtiens. La matire irlandaise constituera le

    1 Csar, De bello Gallico VI, 17 = Constans 1967:II 188 : Deum maxime Mercurium colunt : huius sunt plurima

    simulacra.

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    pilier de notre tude, car elle a prserv un plus grand nombre de textes, plus anciens et crits dans un style plus archaque que le matriau gallois. En rgle gnrale, la documentation antique sera utilise en dernier lieu, pour confirmer, complter ou infirmer les informations recueillies auprs des littratures insulaires. plusieurs reprises, nous aurons galement recours lhagiographie et au folklore. Ces deux types de source mriteraient certainement dtre mieux pris en considration, mais nous sommes contraints de limiter notre champ de recherches. Cest aussi pour cette raison que nous naborderons pas le vaste domaine de la littrature arthurienne, qui demanderait lui seul une tude part entire. Nous terminons cette question des sources en indiquant que nous ferons appel la comparaison des mythologies indo-europennes. Cette discipline a pris ses racines au XIXe sicle, avec lapparition de ltude des langues indo-europennes par des grammairiens comme Rasmus Rask et Franz Bopp. Ils ont rvl lexistence dune parent entre les langues anatoliennes, baltiques, celtiques, germaniques, grecques, indiennes, iraniennes, italiques et slaves. Mais les langues ne vhiculent pas simplement des mots, elles expriment aussi une culture, une faon de penser. Cette ide a t parfaitement dmontre par mile Benvniste, qui, dans son ouvrage sur le Vocabulaire des institutions indo-europennes1, a montr que les termes apparents tant au niveau de lconomie, des statuts sociaux, de la royaut, du droit, de la religion que de la parent rvlaient un systme de pense lui aussi apparent. Au niveau de la mythologie, le point dterminant a t la dcouverte de Georges Dumzil. Il a, en effet, constat que les diffrentes socits indo-europennes ont continu, aprs leur dispersion qui a dbut aux alentours du Ve millnaire av. J.-C. , de perptuer une manire, propre eux, de concevoir le monde des hommes et des dieux. Cette vision sociale et cosmique se caractrise par une rcurrence de la rpartition en trois niveaux, do la thorie des trois fonctions indo-europennes (sacerdoce, guerre, production). Georges Dumzil a galement dtect dans ces diffrentes mythologies lexistence de structures communes, ce qui est peut-tre encore plus pertinent que la tripartition fonctionnelle. Cette dcouverte atteste vritablement dun hritage partag entre les peuples issus des Indo-Europens. Dans les panthons de ces peuples indo-europens, Lugus a des affinits avec deux dieux en particulier. Le premier est le dieu grec Apollon, dont le rapprochement avec le dieu celtique a t brillamment dmontr par Bernard Sergent2. Il a rvl un nombre trs important de points communs, tant au niveau des caractristiques, des attributs que des mythes. Pour viter trop de redites, nous ne reprendrons ici que les comparaisons qui touchent

    1 Benvniste 1968.

    2 Sergent 2004a:17-365.

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    des points importants de notre tude. Le second correspondant de Lugus est le dieu germanique Odin, que nous connaissons surtout daprs les littratures scandinaves ; ds que le matriau le permettra, nous confronterons les donnes celtiques et scandinaves. Nous devons prciser que la comparaison indo-europenne ne sera toutefois pas le fondement principal de notre travail. Lobjectif premier de cette tude est avant tout de confronter les tmoignages laisss par les diffrents peuples celtiques sur le dieu Lugus. Pour y arriver, nous utiliserons nanmoins la mthode initie par Georges Dumzil, base sur la comparaison structurale des rcits. plusieurs reprises, nos sources seront toutefois trop lacunaires pour lappliquer ; ds lors, nous devrons nous contenter de comparaisons typologiques.

    Cette prsentation gnrale de Lugus a mis en valeur son importance dans la religion des Celtes pr-chrtiens. Pour un dieu majeur comme lui, il parat lgitime de vouloir comprendre son rle de faon prcise. Mais, lheure actuelle, Lugus na toujours pas fait lobjet dune tude de grande ampleur. Nous avons donc comme ambition dessayer de combler ce manque. La problmatique de notre travail va donc sarticuler autour de deux questions clefs, la premire servant dappui la seconde : quelles fonctions Lugus avait-il dans la religion des Celtes pr-chrtiens ? Pour quelles raisons occupait-il ce rang de dieu majeur ? Pour rpondre ces questions, nous allons analyser chaque tape de la vie de Lugus ainsi que chacun de ses attributs et caractristiques. Notre mthode sera la suivante : chaque point abord, nous confronterons, de manire systmatique, la documentation relative chaque figure qui correspond ce dieu. Pour que notre tude soit pertinente, nous ne nous contenterons pas de travailler uniquement sur le Lug irlandais, sur le Lleu gallois et sur le Lugus celto-romain. Les faits et gestes dun grand dieu servent souvent de modle pour la construction des biographies de hros et de rois lgendaires ; parfois, ce sont les dieux eux-mmes qui se rincarnent sur terre, comme dans le cas des popes. Ainsi, en Irlande, le dieu Lug se retrouve sous les traits du grand hros C Chulainn et sous plusieurs figures royales (en particulier Lugaid Roderg et Conall Corc). Au Pays de Galles, les hros Pryderi et Culhwch ont une biographie qui recoupe celle du dieu celtique. En fin de compte, ltude du dieu Lugus va runir un nombre important de personnages mythologiques et lgendaires. Avant de dbuter nos recherches, nous allons examiner les diffrentes sources qui seront utilises. Puis nous consacrerons notre premire partie aux attestations linguistiques de Lugus ; cet essai de rpertoire tmoignera, par une autre approche que la mythologie, de limportance que ce dieu avait chez les Celtes pr-chrtiens. Aprs cela, nous tudierons ce

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    dieu dans lordre suivant, qui suit peu prs lvolution de sa carrire : naissance et ducation ; recherches sur le thme des liens ; la carrire de guerrier ; la royaut ; la mort. Nous devons enfin donner quelques indications au sujet de la graphie utilise pour lirlandais et le gallois. Dans les manuscrits mdivaux, la graphie de ces deux langues est trs fluctuante. Pour les citations, nous respecterons bien entendu la graphie du texte en question. Lorsquun mot irlandais ou gallois sera insr dans le corps de notre texte, nous suivrons les dictionnaires de rfrence, savoir le Dictionary of Irish Language, qui conserve la graphie mdivale, et le Geiriadur Prifysgol Cymru, qui donne au contraire une graphie moderne. Pour les noms de lieux, nous suivrons lusage des celtisants de conserver la forme ancienne du toponyme.

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  • SOURCES

    La religion des Celtes en gnral et du dieu Lug en particulier ne constitue pas un champ dtudes facile traiter. Le problme vient la fois de la nature des sources utiliser et de leurs relations.

    Toute tude sur les Celtes anciens est conditionne par un lment fondamental : nous ne possdons aucun tmoignage littraire produit par les Celtes eux-mmes, qui soit contemporain de la priode o leur religion pr-chrtienne tait vivante. Les druides, reprsentants de la classe sacerdotale, interdisaient la mise par crit des traditions religieuses. Nous sommes donc contraint de travailler avec des matriaux assez htrognes, issus despaces gographiques diffrents (les et continent), de natures diffrentes (littrature, archologie et pigraphie) et dpoques diffrentes (Antiquit, Moyen ge).

    1. Les Celtes continentaux De nombreux peuples celtiques ont habit lEurope au cours de lAntiquit, des rives de

    lAtlantique aux Carpates et du nord de lEurope continentale la pninsule ibrique. Dans notre tude, nous nous intresserons principalement deux ensembles de peuples celtiques, savoir les Gaulois et les Celtibres.

    1.1 La Gaule Pour ltude du matriau gaulois, nous aurons recours larchologie, lpigraphie et

    aux crits des auteurs classiques. Lensemble de ces sources fournit de nombreux tmoignages sur la religion indigne mais ne donne aucun systme mythologique. Cela rsulte de la conqute romaine, qui a boulevers le paysage religieux gaulois. Elle sest opre en deux temps principaux : il y a eu tout dabord la romanisation de la Gaule mridionale la Narbonnaise partir de 120 av. J.-C., puis celle des Trois Gaules lAquitaine, la Celtique et la Belgique partir de 50 av. J.-C. Sur un plan religieux, les Gaulois ont pu continuer honorer leurs dieux ; seuls les cultes de Rome et dAuguste ont t imposs. Mais llment qui a caus la dstructuration de la religion indigne a t labolition du druidisme dcrte par Auguste, puis acheve par les dits de Tibre et Claude. Mme si les druides

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  • Sources

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    avaient dj moins dimportance depuis la conqute, la disparition de cette lite gauloise a entran de facto laffaiblissement inluctable de la langue indigne, la perte de la thologie ainsi que la fin dun systme religieux cohrent1. Ce constat explique notamment le manque de rigueur sur les reprsentations plastiques entre les divinits et leurs attributs2. Les ressources archologiques qui nous intressent vont de la priode de Hallstatt (VIIe-VIe sicles av. J.-C.) celle de La Tne (Ve-Ier sicles av. J.-C.). Ce matriau a lavantage de nous fournir des informations relatives la civilisation des Celtes au temps de leur indpendance3. En revanche, les reprsentations de divinits datent pour la plupart de lpoque gallo-romaine, la romanisation ayant fortement contribu la mise en iconographie des dieux indignes. Ces reprsentations plastiques avaient dailleurs commenc apparatre en Gaule sous linfluence des religions mditerranennes4, cette rgion du monde avec qui elle entretenait, de par sa position gographique, des relations commerciales et culturelles depuis les VIIe-VIe sicles av. J.-C.5.

    La numismatique est une source ne pas ngliger. Lutilisation de monnaies pourrait remonter au IVe sicle av. J.-C. chez les Celtes de Transpadane6. Son apparition serait due, en partie, aux nombreux changes qui seffectuaient avec des voisins qui utilisaient dj ce mode de paiement, comme les Romains. Les Celtes ont rapidement modifi les motifs imits et ont caractris leurs monnaies avec une originalit cratrice tonnante7. Ltude des pices de monnaie est intressante dans la mesure o certaines dentre elles reprsentent sans doute des scnes mythologiques8. Les donnes linguistiques sont trs limites. Labolition de la classe des druides a entran la disparition de leur tradition religieuse orale ; par consquent, nous ne possdons aucun mythe indigne transcrit en langue gauloise. Il nous reste tout de mme plusieurs inscriptions en langue gauloise, transcrites en alphabets grec, trusque et latin9. Nous conservons quelques tablettes, comme celles de Chamalires (Puy-de-Dme), de La Graufesenque (Aveyron) ou de Chteaubleau (Seine-et-Marne). Dautres traces de la langue gauloise se retrouvent dans des

    1 Hubert 1974:II 162-163 ; Duval 1986:45-47.

    2 Lambrechts 1942:181.

    3 Mac Cana 1970:16 ; Duval 1976:9-11.

    4 Benot 1956:356 ; Duval 1976:10, 125, 1986:40.

    5 Dillon - Chadwick 1974:343.

    6 Kruta 2000:109.

    7 Duval 1987:15-16.

    8 Duval 1982 et 1987.

    9 Lambert 1994a:10-12. Ces inscriptions sont rpertories dans la srie des Recueil des inscriptions gauloises :

    Lejeune 1985 pour les inscriptions gallo-grecs ; Lejeune 1988 pour les inscriptions gallo-trusques et gallo-latines sur pierre ; Duval - Pinault 1986 pour les calendriers ; Colbert de Beaulieu - Fischer 1988 pour les lgendes montaires ; Lambert 2002 pour les inscriptions gallo-latines sur instrumentum.

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    gloses mdivales ; nous avons par exemple le glossaire dEndlicher, qui a t retrouv dans un manuscrit du IXe sicle conserv la bibliothque palatine de Vienne (Autriche), et dont le contenu remonte probablement du Ve sicle1. Nous avons enfin lonomastique transmise par les auteurs classiques et aussi la toponymie. Par rapport notre sujet, ltude des noms de lieux aura une grande valeur, puisque toute une srie de villes en France telles que Lyon et ltranger avaient comme nom antique Lugdunum Fort de Lugus . Ces faits peuvent nous servir dmontrer le rle important que jouait ce dieu dans la religion des Gaulois. Le tmoignage des auteurs classiques mrite galement dtre pris en considration. Toutefois, il faut avoir conscience de certains lments pour bien aborder ce type de matriau. Tout dabord, la plupart de ces auteurs taient spars des Celtes par la barrire de la langue et de la culture, ils taient influencs par les formes et les concepts de leur propre religion2, et tout ce qui nappartenait pas leur monde tait considr comme barbare3. tant peu intresss de connatre les murs des Gaulois, ils se contentaient surtout de souligner les diffrences4. Enfin, la majeure partie des auteurs sest contente dinformations de seconde main en utilisant les rcits de Posidonius dApame, continuateur du grand historien grec Polybe. Posidonius tait autant ethnographe quhistorien et donnait une image objective des socits barbares de son temps. Il a certainement crit louvrage le plus important de lAntiquit consacr aux Celtes mais, malheureusement, ses Histoires ont disparu. Plusieurs auteurs ont donc repris ses rcits, comme Csar, Diodore de Sicile et Strabon, lui aussi continuateur de Polybe5. Ces diffrents lments font que leurs propos ont certainement eu tendance dformer la ralit, donner une interprtation errone6. Malgr toutes ces imperfections, il serait dommageable de se passer de ces sources. Elles constituent lunique tmoignage littraire que lhistoire nous a laiss sur les Celtes de lAntiquit7. Ce matriau mrite galement dtre pris en compte dans la mesure o certaines observations sur les coutumes et sur lorganisation sociale des Celtes antiques sont corrobores par la littrature irlandaise mdivale8. La prsentation des sources laisse apparatre linfluence grco-romaine sur le matriau celtique. Mais cette rencontre entre les deux cultures na pas eu que des cts ngatifs. Cest en effet lpoque gallo-romaine que nous prenons connaissance des noms de divinits

    1 Stokes 1868:340.

    2 Mac Cana 1970:16.

    3 Le Roux - Guyonvarch 1990:37, 44.

    4 Brunaux 1994:18.

    5 De Vries 1963:25 ; Kruta 2000:62.

    6 Le Roux - Guyonvarch 1990:44.

    7 Id., p. 38-39, 44 ; Kruta 2000:58.

    8 Mac Cana 1970:16.

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    celtiques1, dont le nombre est dailleurs assez important. Dans la plupart des cas, le nom indigne est combin ou assimil un nom romain, comme avec Jupiter Taranis, Mercure Dumias, Mars Camulo, Apollon Grannos etc., un phnomne qui porte le nom dinterpretatio romana et qui a t initie par Csar. La formation de cette catgorie de divinits, cest--dire gallo-romaines, a donn lieu plusieurs interprtations : - Les noms divins du peuple vaincu auraient t camoufls par les noms divins des vainqueurs2, ce qui aurait permis de prserver les anciennes divinits indignes. - Les Gaulois auraient adopt le panthon romain, tout en conservant un caractre local3. - La prsence de noms de divinits romaines serait une marque de linluctable affaiblissement de la religion indigne4. - Ce seraient les dieux romains qui seraient devenus gaulois et ce seraient les Gaulois, et non les Romains, qui auraient fait lassimilation, do la thorie de linterpretatio gallica ou celtica5. - Les dieux gallo-romains exprimeraient une sorte de juxtaposition qui aurait conduit la cration de divinits hybrides6. Les deux premires hypothses ne nous semblent pas valables car les Romains nont pas interdit la pratique des cultes indignes ; le fait de cacher lancienne divinit sous un nom romain na donc pas de sens. La troisime hypothse illustre certainement une ralit historique, mais ce sont les deux dernires qui nous semblent les plus intressantes. La rencontre entre ces deux religions a, de toute vidence, entran une modification des deux cts7. Ainsi, le Mercure gallo-romain nest plus le dieu gaulois dorigine ni le Mercure romain, mais un dieu hybride. Les contacts entre divinits gauloises et romaines nont pu cependant donner lieu une juxtaposition idale, du fait que ces deux religions ntaient pas identiques8. En effet, chacune delle tait, avant la conqute, un stade dvolution diffrent : ltat dorganisation qui tait le sien Rome ne pouvait tre prsent en Gaule, cause du manque dunit politique9. De plus, si les deux religions avaient t superposables, Csar aurait mis Jupiter en tte du panthon gaulois, or cest Mercure qui figure en premire place10.

    1 Duval 1986:44.

    2 Vendryes 1997:30.

    3 Cest en partie ce que suggre Hatt 1989:119, 121.

    4 Le Roux - Guyonvarch 1990:45-46.

    5 Grenier 1954.

    6 Duval 1976:13-14, 124, 1986:53 ; cf. Mac Cana 1970:23-24.

    7 Duval 1986:48.

    8 Benot 1956:354-355, 1959:10 ; Deonna 1958:14.

    9 Duval 1986:39-40.

    10 Csar, De bello Gallico VI, 17 = Constans 1967:II 188 ; Dumzil 1944:23.

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    Nous devons enfin convenir que, sur un plan onomastique, il ny a pratiquement aucune correspondance entre thonymes gaulois et romains1. La formation de ces divinits gallo-romaines a certainement d se faire partir de similitudes qui existaient entre tel dieu romain et tel dieu gaulois. Ainsi, Taranis possde le foudre au mme titre que Jupiter, mais le dieu gallo-romain est reprsent avec une roue, un attribut qui ne figure jamais chez le dieu romain2. Nous notons galement que, sous couvert dun nom romain, certaines divinits gauloises ont gard des caractristiques propres3, comme au niveau de lhabillement : alors que la plupart des dieux et hros grco-romains sont figurs nus, les divinits gallo-romaines portent des vtements typiquement gaulois4. Mercure entre dans ce cas de figure, puisquil est reprsent avec une tunique ou un manteau la mode gauloise ; il est mme quelquefois barbu, alors que le Mercure romain est toujours imberbe5. En somme, ltude de la religion gauloise ne peut se faire quavec un matriau fragmentaire et influenc par la culture classique grco-romaine.

    1.2. Les Celtibres Pour les besoins de notre tude, nous aurons recours du matriau en provenance dautres populations celtiques de lAntiquit. Il sagit des peuples qui habitaient sur la pninsule ibrique et que lon dsigne par le terme de Celtibres . Ce nom, que lon doit aux auteurs classiques, est comprendre comme un gnrique pour dsigner les diffrents peuples celtiques et non comme un rel ethnonyme.

    Ces populations celtiques sont arrives sur la pninsule ibrique au moins depuis lge du Bronze. Elles se sont installes sur les plateaux de lintrieur de la pninsule, une rgion qui correspond peu prs la Castille actuelle, au niveau de lbre moyen. Toutefois, il nest pas ais dtablir de manire formelle leur zone dtablissement. Nous savons que la pninsule ibrique tait divise en deux grandes aires linguistiques, spares par une ligne qui allait approximativement des Pyrnes lembouchure du Guadiana. lest de cette ligne se situait le domaine ibrique, considr comme non indo-europen, et louest le domaine celtique ou plus gnralement indo-europen. Ce groupe occidental tait principalement form des Celtibres (Arvaques, Lusons, Tites, Bles), mais dautres peuples celtiques occupaient le nord-ouest de la pninsule (Cantabres, Astures et les peuples de la Galice actuelle). On a

    1 Duval 1976:66.

    2 Id., p. 68.

    3 Lambrechts 1942:182 ; Hatt 1970:245.

    4 Voir Duval 1976:67.

    5 Id., p. 69.

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    souvent utilis lanthroponymie (gentilices en -Cum) et la toponymie (noms en -briga hauteur, forteresse ) pour dfinir les territoires occups par les Celtes. Mais on retrouve des anthroponymes et toponymes celtiques dans des zones qui ntaient sans doute pas habites par des populations celtiques. La prsence de ces noms celtiques sexplique plutt par des emprunts lis une technique (briga), par un usage social (gentilice) ou par une prsence transitoire de populations celtophones, comme les mercenaires1. Les sources dtude sur les Celtibres sont les mmes que pour les Gaulois, avec l aussi une influence classique due la conqute romaine. Celle-ci a commenc aprs la prise de Sagonte par Hannibal en 218 av. J.-C. et la seconde guerre punique. La conqute ne sera acheve quau Ier sicle av. J.-C. par lempereur Auguste, qui parviendra soumettre les populations du nord-ouest de la pninsule. Comme en Gaule, nous possdons des tmoignages dauteurs anciens, de nombreuses reprsentations plastiques de divinits ainsi que des tmoignages linguistiques (onomastique et inscriptions). Les populations celtiques ont utilis lalphabet ibre pour transcrire des inscriptions en langue celtique. Cette criture ibrique sest dveloppe partir dune forme archaque de lalphabet grec et se prsente comme un mlange de notations syllabiques et alphabtiques ; ainsi, toutes les occlusives sont notes avec une voyelle suivante alors que toutes les autres consonnes et voyelles pris dans un autre contexte sont notes sparment. Lpigraphie celtibre date essentiellement des IIe et Ier sicles av. J.-C. et fournit de nombreux noms de dieux, en particulier celui de Lugus.

    2. LIrlande Comme en Gaule et en Grande-Bretagne, la tradition irlandaise pr-chrtienne sest transmise par voie orale2. Mais contrairement ce qui sest produit sur le continent, elle a t conserve en partie. Cela est d, paradoxalement, larrive au Ve sicle du christianisme, mene par saint Patrick. Dun ct, la nouvelle religion a entran la disparition inluctable de la religion pr-chrtienne ; de lautre, elle a introduit lcriture en Irlande3. Par rapport maints pays qui ont connu la christianisation, la conversion sest faite ici partir des lites et dans un contexte plutt pacifique4. Ladoption du christianisme na pas fondamentalement modifi la structure de la socit irlandaise et lancienne religion na pas t radique du jour

    1 Voir Lambert 2005.

    2 Murphy 1961:6.

    3 Le Roux - Guyonvarch 1990:47.

    4 Mac Cana 1986:71.

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    au lendemain1. Le druidisme tait tellement li lorganisation et aux structures du pays que lglise aurait t force de dtruire lordre social pour liminer toute trace de croyances pr-chrtiennes, ce qui ntait sans doute pas son but. Pour simplanter durablement en Irlande, lglise navait donc pas dautre choix que de sadapter la culture locale2. Dans lIrlande pr-chrtienne, la classe sacerdotale se composait des dru druide