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Infarctus du myocarde après intoxication volontaire par l’association acide acétylsalicylique et dipyridamole

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Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 314–317

Fait clinique

Infarctus du myocarde après intoxication volontaire par l’association acideacétylsalicylique et dipyridamole

Myocardial infarction after voluntary intoxication by drug interaction betweendipyridamole and aspirin

R. Eschalier , A. Eschalier , R. Ravan , H. Brahic , X. Marcaggi ∗, G. AmatService de cardiologie, centre hospitalier de Vichy, boulevard Denière, 03200 Vichy, France

Recu le 5 juillet 2010 ; accepté le 10 juillet 2010Disponible sur Internet le 3 aout 2010

ésumé

Patient de 60 ans hospitalisé pour nécrose myocardique après intoxication volontaire à l’Asasantine® instauré pour des accidents vasculairesérébraux associée à un traitement psychiatrique avec des effets vasodilatateurs. Après la prise de 40 comprimés, il a présenté un état de chocardiogénique compliqué de nécrose myocardique confirmée par les résultats électriques, biologiques, échographiques et coronarographiques. Leaux sérique de dipyridamole était infratoxique. Aucune modification récente de son traitement n’a été retrouvée et l’arrêt du dipyridamole a permisne amélioration de sa symptomatologie malgré la poursuite des autres thérapeutiques. Cette évolution nous permet de suspecter le dipyridamoleomme le facteur déclenchant de cet épisode du fait d’un vol coronaire facilité par les traitements vasodilatateurs. Ce cas clinique permet deontrer, que dans certaines conditions, une modification de dose de dipyridamole peut favoriser la survenue d’une nécrose myocardique avec des

aux sériques normaux.2010 Publie par Elsevier Masson SAS.

ots clés : Infarctus du myocarde ; Dipyridamole ; Intoxication volontaire ; Interactions médicamenteuses

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A 60-year-old male presented a myocardial infarction after a voluntary overdose of Asasantine® started after strokes. He took chronically thisssociation and some psychotropic drugs with vasodilator effects. After an intake of 40 tablets, he presented a cardiogenic shock with a myocardialnfarction confirmed by biological samples, EKG, echocardiography and angiocoronarographie. No recent change of his treatment was found andymptoms regressed when dipyridamole was stopped while other vasodilators drugs were continued. Chronological analysis of events led us to

uspect dipyridamole as a starter of the myocardial infarction secondary to a coronary artery steal reinforced by the vasodilator effect of combinedreatments, in a patient at risk of ischemia. This case shows that, in such particular conditions, a change in dipyridamole dosage can induce a

yocardial infarction even if its blood level remains in the therapeutic range.2010 Published by Elsevier Masson SAS.

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eywords: Myocardial infarction; Dipyridamole; Voluntary intoxication; Drug

Un patient de 60 ans a été hospitalisé en urgence en service deéanimation pour une intoxication médicamenteuse volontaire

ar l’association acide acétylsalicylique (25 mg) – dipyridamole200 mg), commercialisée sous le nom d’ Asasantine® et préco-isée depuis 2006, conformément à des études [1,2] et selon les

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (X. Marcaggi).

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003-3928/$ – see front matter © 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.oi:10.1016/j.ancard.2010.07.016

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ecommandations de la Haute Autorité de anté (HAS), en pré-ention secondaire des accidents vasculaires cérébraux (AVC)schémiques.

Ce patient présente comme antécédents des troubles psychia-riques à type de trouble du comportement, avec une tentative

’autolyse un an auparavant, un éthylisme chronique sevré, maisussi une gastrectomie des deux sur trois réalisée 28 ans aupara-ant. La survenue de deux épisodes d’AVC ischémique, quatrens auparavant, avec des troubles phasiques et surtout une paré-
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ig. 1. Électrocardiogramme réalisé à l’arrivée du patient. Il existe un sous-dous-décalage dans les derivations DI, aVL, C2, C3, C4, C5 and C6.

ie brachiofaciale droite séquellaire a justifié le traitement parsasantine® LP qui venait s’ajouter à un lourd traitement psy-

hiatrique (cyamémazine 25 mg [trois fois par jour], valpromide00 mg [trois fois par jour], rivastigmine [une par jour], amisul-ride 200 mg [deux fois par jour], amitryptiline [une par jour],ertraline [un fois par jour]). Ce patient n’a pas d’autre facteur deisque cardiovasculaire que son âge et son hérédité personnelle.

À l’admission à l’hôpital à 14 h 45 le 22 septembre, le patientéclare avoir consommé 25 minutes plus tôt une grande quan-ité d’Asasantine® (40 comprimés, 8 g de dipyridamole et 1 g).e tableau clinique est initialement dominé par une hypo-

ension artérielle systolique à 75 mmHg, et un rash cutané,ans modification de la fréquence cardiaque et une absence

e symptomatologie angineuse. Cette hypotension artérielleliniquement mal tolérée conduit à la prescription d’une perfu-ion de cristalloïdes mais aussi à l’instauration d’un traitementar amines vasopressives (dopamine) par voie intraveineuse

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Fig. 2. Électrocardiogramme realisé le lendemain de l’intoxication. D

e du segment ST dans le territoire antérieur étendu. Les flèches montrent ce

IV) en réanimation à 15 h 50. Secondairement une bradycar-ie également mal tolérée à 40 battements par minute (bpm)st survenue et a justifié l’injection d’atropine. La mise enoute de ce traitement va permettre une stabilisation hémody-amique du patient : pression artérielle à 140 sur 116 mmHg etne fréquence cardiaque à 110 bpm. Un électrocardiogrammeECG) réalisé à l’accueil du patient met en évidence un sous-écalage du segment ST en antérieur étendu (Fig. 1) et lesarqueurs myocardiques montrent une troponinémie à 40 ng/ml

t des CPK qui vont s’élever jusqu’à 1800 UI/L à 18 h 00 le3 septembre. Un traitement standard de la prise en charge d’unyndrome coronarien, en plus des amines vasopressives, estis en place avec une héparinothérapie à dose curative et de

’aspirine (Kardegic® 75 mg [une fois par jour]).Dès le lendemain, on retrouve une normalisation quasi

omplète de l’ECG (Fig. 2), les paramètres hémodynamiquesont restés stables mais à des valeurs à la limite basse de la

isparition du sous-décalage dans le territoire étendu (flèches).

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ig. 3. Oblique antérieure gauche. Visualisation de l’occlusion chronique de’artère coronaire droite (flèche).

ormale, ce qui a imposé un sevrage progressif (quatre jours)es amines vasopressives. L’échocardiographie trans-thoraciqueetrouve une fonction contractile du ventricule gauche normalefraction d’éjection à 80 %) avec une petite hypokinésie sep-ale haute très limitée. Le reste des paramètres échographiquesont dans les limites de la normale si ce n’est un trouble de laelaxation du ventricule gauche au doppler.

Parallèlement différents dosages plasmatiques ont été réali-és pour évaluer le degré d’intoxication médicamenteuse : unosage de dipyridamolémie à 17 h 10 le 22 septembre (deuxeures et 55 minutes après l’intoxication) révèle un taux à,73 mg/L (très inférieur au seuil de toxicité fixé à 4 mg/L). Laecherche d’autres médicaments fréquemment utilisés dans lesntoxications médicamenteuses volontaires, comme les benzo-iazépines, les tricycliques ou les barbituriques conclut à desaux inférieurs aux seuils toxiques. De plus l’alcoolémie estégative.

Après une amélioration de l’état psychiatrique du patient,n bilan angiocoronarographique a pu être réalisé. Il a permise mettre en évidence une occlusion chronique de la coronaireroite partiellement reprise par l’artère circonflexe. Il existegalement une sub-occlusion de la première marginale causerobable de la symptomatologie. Aucune autre lésion significa-ive n’est retrouvée sur le reste du réseau coronarien (Fig. 3 et 4).es tentatives de désobstruction de ces lésions anciennes se sont

raduites par des échecs et un traitement médical par aspirine,êtabloquant (bisoprolol 2,5 mg) est instauré.

Ce cas interroge sur l’origine exacte de cette souffrance

yocardique authentifiée tant au niveau biologique, électrocar-

iographique qu’échocardiographique. S’agit-il d’une nécroseyocardique inaugurale chez ce patient aux antécédents per-

onnels ischémiques ? La mise en évidence d’une cardiopathie

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ig. 4. Vue oblique antérieure droite, vue craniale de 32◦. La lésion responsibleflèche) est une sub-occlusion de la première marginale.

schémique à la coronarographie plaiderait pour cette hypothèse.ais on peut également suspecter une cause iatrogène : res-

onsabilité du dipyridamole. La chronologie des évènementsst évocatrice : survenue de l’hypotension artérielle associéela modification électrique dans la demi-heure qui suit etl’élévation enzymatique dans les heures qui ont suivi la

rise de dipyridamole ; l’absence de modification récente desutres traitements ; la régression de la symptomatologie à l’arrêtu dipyridamole malgré la poursuite des traitements associésont l’aspirine. L’analyse de l’observation selon la méthoderancaise de pharmacovigilance (Bégaud et al., 1985) [3] conclutune imputabilité chronologique du dipyridamole cotée C2 donclausible. Par ailleurs, l’action vasodilatatrice du dipyridamole,usceptible d’induire un phénomène de vol coronaire [4], peutxpliquer cette séméiologie, même si le taux atteint trois heuresprès la prise (tmax du dipyridamole = deux à trois heures)este inférieur au taux toxique. L’antécédent de gastrectomiehez ce patient peut également expliquer ce taux en diminuant’absorption par une moindre dégradation et donc un effet retardéxpliquant la durée du sevrage. Si l’on peut suspecter chro-ologiquement et séméiologiquement le dipyridamole dans laurvenue des manifestations observées, ce taux suggère uneusceptibilité particulière du patient qui pourrait être liée à desnteractions médicamenteuses et au terrain fragilisé. Ainsi unerise plus importante qu’à l’habitude de dipyridamole associéedes antagonistes des récepteurs �1 adrénergiques (amitrypti-

ine et cyamémazine) a pu entraîner le tableau d’hypotensionévère. Par ailleurs, les antécédents ischémiques et l’état coro-arien ont favorisé la survenue d’une ischémie myocardique parol coronaire. Il semblerait que la prise importante de dipyrida-

ole ait été l’élément déclencheur du déséquilibre vasomoteur

ntretenu par la présence d’agents �-bloquants qui expliqueraita nécessité du maintien du traitement par amines vasopressivesendant quatre jours. Le patient a ensuite pu rejoindre son domi-

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ile après une hospitalisation en psychiatrie du fait de la tentative’autolyse.

Une situation similaire a été décrite chez un patient de 62 ansui, après une ingestion d’environ 5 g de dipyridamole, a pré-enté un épisode de souffrance myocardique due, selon lesuteurs, à un vol coronaire. Cette souffrance myocardique a étéise en évidence biologiquement par une élévation des CPK et

es CKMB, mais il n’y avait cependant pas de modification de’ECG. De plus, il n’y a pas eu a priori de bilan coronarogra-hique, ni de dosage sérique de dipyridamole alors qu’il existaitn doute sur la quantité de comprimés ingérés [5]. Des cas deécrose myocardique ont été décrits lors d’examen d’imagerieéchocardiographie ou scintigraphie) de stress au dipyridamoledes doses thérapeutiques (0,56 mg/kg IV) [6]. Enfin, sur les

uatre cas de surdosage au dipyridamole rapportés dans la litté-ature, trois ont présenté hypotension artérielle et/ou nécroseyocardique [7–8] et un une évolution fatale [9]. Même si

’ischémie myocardique réversible secondaire au dipyridamolest connue, les effets indésirables graves restent rares. Le méca-isme reconnu à l’heure actuelle est celui de vol coronaire,otamment chez les patients porteurs d’une coronaropathie etpécialement ceux avec une collatéralité majeure. [10]. De plusa survenue d’hypotension artérielle à dose thérapeutique estlairement établie.

Malgré ces cas de nécroses myocardiques après utilisation deipyridamole, celui-ci conserve une place centrale actuellementans le dépistage de l’ischémie myocardique au cours de diffé-ents examens d’imagerie (échocardiographie, scintigraphie etRM).

En conclusion, ce cas, qui est le premier avec une explo-ation complète (bilan biologique, ECG, échocardiographie etngio-coronarographie) illustre le risque de survenue de nécroseyocardique, suite à la prise de doses thérapeutiques de dipy-

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idamole chez un patient à risque ischémique traité par desroduits à effets secondaires vasodilatateurs.

onflit d’intérêt

Aucun conflit d’intérêt à déclarer.

éférences

[1] ESPRIT Study Group, Halkes PH, van Gijn J, Kappelle LJ, KoudstaalPJ, Algra A. Asirin plus dipyridamole versus aspirin alone after cerebralischaemia of arterial origin (ESPRIT): randomised controlled trial. Lancet2006;20;367(9523):1665–73. Erratum in: Lancet 2007;369(9558):274.

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of dipyridamole. Int J Cardiol 1994;46(1):75–8.

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10] Keltz TN, Innerfield M, Gitler B, Cooper JA. Dipyridamole-induced myo-cardial ischaemia. J Am Med Assoc 1987;257:1515–6.