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Article original Infarctus du myocarde du 3 e et 4 e âge. Une expérience de terrain Acute STEMI in old and very old patients. The real life Y. Gottwalles a, *, G. Dangelser a , F. De Poli b , C. Mathien a , L. Levai a , J.-M. Boulenc a , J.P. Monassier c , L. Jacquemin c , R. El Belghiti c , P. Couppie b , M. Hanssen b a USIC, Groupe hospitalier privé du Centre Alsace, clinique Saint-Joseph, 16, rue Roesselmann, 68003 Colmar cedex, France b Unité d’hémodynamique et d’angioplastie coronaire, centre hospitalier général, 64, avenue du Professeur-Leriche, BP 252, 67504 Haguenau cedex, France c Unité d’hémodynamique et d’angioplastie coronaire, centre hospitalier Émile-Muller, 20, rue du Dr-Laennec, BP 1370, 68070Mulhouse cedex, France Reçu le 29 juin 2004 ; accepté le 27 juillet 2004 Disponible sur internet le 18 septembre 2004 Résumé Objectifs. – À partir d’un registre prospectif multicentrique, nous avons évalué dans trois centres de cardiologie interventionnelle alsaciens non universitaires, la prise en charge et la faisabilité de l’angioplastie coronaire transluminale (ACT) à la phase aiguë du syndrome coronaire aigu avec sus-décalage persistant du segment ST (SCA ST+) chez les sujets âgés de plus de 75 ans. Méthodes. – Nous avons étudié les caractéristiques cliniques et angiographiques des patients âgés de plus de 75 ans ainsi que les résultats : les taux de revascularisation et les événements survenus au décours de l’angioplastie ont été analysés. Ces données ont été comparées à celles des patients plus jeunes et confrontées aux données de la littérature. Résultats. – Sur un total de 1672 patients admis pour un SCA ST+, 342 (soit 20,45 %) sont âgés de plus de 75 ans. Ces sujets représentent un groupe à haut risque avec une proportion élevée de femmes (50 %), de nombreuses comorbidités (HTA et diabète de type 2) et des atteintes tritronculaires en nombre plus élevé que les sujets plus jeunes. Le taux de mortalité est élevé dans ce sous-groupe de patients et toujours plus sévère par rapport aux sujets plus jeunes, mais il reste variable en fonction du profil clinique initial. La mortalité globale des plus de 75 ans est de 20,47 % mais chute à 5,41 % si on exclut les patients en état de choc, en Killip III et après mort subite. L’angioplastie est la technique de reperfusion coronaire particulièrement indiquée dans la prise en charge du SCA ST+ du sujet âgé. C’est une technique efficace en termes de revascularisation, le succès de reperfusion (exclusivement flux TIMI III retenu) reste très élevé dans cette population, même s’il est un peu plus faible que chez les patients plus jeunes (93,88 vs 97,18 %). C’est une technique rapidement accessible, sous couvert d’une accessibilité des salles de coronarographie, permettant une reperfusion rapide. Dans la prise en charge des patients âgés présentant un SCA ST+, c’est sur le délai avant admission qu’il faut axer nos efforts, les patients âgés tardant à appeler les secours en cas de symptomatologie coronarienne. Or plus ce délai est court, meilleur est le pronostic du sujet âgé. Conclusion. – L’ACT est la technique de reperfusion indiquée chez les sujets âgés en Alsace du fait des particularités de la région : géographique d’une part, avec une proximité des SMUR pour la quasi-totalité de la population alsacienne, et médicale d’autre part, la politique interventionnelle étant acquise dans de nombreuses équipes de cardiologie. En Alsace, la part des personnes âgés de plus de 75 ans va sensiblement augmenter, et on peut craindre dans les années à venir une augmentation du nombre de cas de SCA ST+ du sujet âgé. Il faut tenir compte de cette évolution, d’autant plus que cette technique de reperfusion allie de nombreux avantages avec très peu de complications. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objectives. – From a prospective multicenter registry, we evaluated in three non-academic interventional cardiologic centers (Alsace/France), the coverage and the feasibility of the percutaneous coronary angioplasty (PTCA) in the acute phase of STEMI in the elderly (patients 75-years old and more). * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Gottwalles). Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 53 (2004) 305–313 http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/ 0003-3928/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2004.07.004

Infarctus du myocarde du 3e et 4e âge. Une expérience de terrain

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Article original

Infarctus du myocarde du 3e et 4e âge. Une expérience de terrain

Acute STEMI in old and very old patients. The real life

Y. Gottwalles a,*, G. Dangelser a, F. De Poli b, C. Mathien a, L. Levai a, J.-M. Boulenc a,J.P. Monassier c, L. Jacquemin c, R. El Belghiti c, P. Couppie b, M. Hanssen b

a USIC, Groupe hospitalier privé du Centre Alsace, clinique Saint-Joseph, 16, rue Roesselmann, 68003 Colmar cedex, Franceb Unité d’hémodynamique et d’angioplastie coronaire, centre hospitalier général, 64, avenue du Professeur-Leriche, BP 252,

67504 Haguenau cedex, Francec Unité d’hémodynamique et d’angioplastie coronaire, centre hospitalier Émile-Muller, 20, rue du Dr-Laennec, BP 1370, 68070 Mulhouse cedex, France

Reçu le 29 juin 2004 ; accepté le 27 juillet 2004

Disponible sur internet le 18 septembre 2004

Résumé

Objectifs. – À partir d’un registre prospectif multicentrique, nous avons évalué dans trois centres de cardiologie interventionnelle alsaciensnon universitaires, la prise en charge et la faisabilité de l’angioplastie coronaire transluminale (ACT) à la phase aiguë du syndrome coronaireaigu avec sus-décalage persistant du segment ST (SCA ST+) chez les sujets âgés de plus de 75 ans.

Méthodes. – Nous avons étudié les caractéristiques cliniques et angiographiques des patients âgés de plus de 75 ans ainsi que les résultats :les taux de revascularisation et les événements survenus au décours de l’angioplastie ont été analysés. Ces données ont été comparées à cellesdes patients plus jeunes et confrontées aux données de la littérature.

Résultats. – Sur un total de 1672 patients admis pour un SCA ST+, 342 (soit 20,45 %) sont âgés de plus de 75 ans. Ces sujets représententun groupe à haut risque avec une proportion élevée de femmes (50 %), de nombreuses comorbidités (HTA et diabète de type 2) et des atteintestritronculaires en nombre plus élevé que les sujets plus jeunes. Le taux de mortalité est élevé dans ce sous-groupe de patients et toujours plussévère par rapport aux sujets plus jeunes, mais il reste variable en fonction du profil clinique initial. La mortalité globale des plus de 75 ans estde 20,47 % mais chute à 5,41 % si on exclut les patients en état de choc, en Killip III et après mort subite. L’angioplastie est la technique dereperfusion coronaire particulièrement indiquée dans la prise en charge du SCA ST+ du sujet âgé. C’est une technique efficace en termes derevascularisation, le succès de reperfusion (exclusivement flux TIMI III retenu) reste très élevé dans cette population, même s’il est un peu plusfaible que chez les patients plus jeunes (93,88 vs 97,18 %). C’est une technique rapidement accessible, sous couvert d’une accessibilité dessalles de coronarographie, permettant une reperfusion rapide. Dans la prise en charge des patients âgés présentant un SCA ST+, c’est sur ledélai avant admission qu’il faut axer nos efforts, les patients âgés tardant à appeler les secours en cas de symptomatologie coronarienne. Orplus ce délai est court, meilleur est le pronostic du sujet âgé.

Conclusion. – L’ACT est la technique de reperfusion indiquée chez les sujets âgés en Alsace du fait des particularités de la région :géographique d’une part, avec une proximité des SMUR pour la quasi-totalité de la population alsacienne, et médicale d’autre part, la politiqueinterventionnelle étant acquise dans de nombreuses équipes de cardiologie. En Alsace, la part des personnes âgés de plus de 75 ans vasensiblement augmenter, et on peut craindre dans les années à venir une augmentation du nombre de cas de SCA ST+ du sujet âgé. Il faut tenircompte de cette évolution, d’autant plus que cette technique de reperfusion allie de nombreux avantages avec très peu de complications.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Objectives. – From a prospective multicenter registry, we evaluated in three non-academic interventional cardiologic centers(Alsace/France), the coverage and the feasibility of the percutaneous coronary angioplasty (PTCA) in the acute phase of STEMI in the elderly(patients 75-years old and more).

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (Y. Gottwalles).

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 53 (2004) 305–313

http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/

0003-3928/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.ancard.2004.07.004

Methods. – We studied clinical characteristics and angiographic data of patients older than 75 years, and the PTCA results: therevascularisation rates and the intrahospital events were analysed. These data were compared with those of the younger patients and confrontedwith the literature data.

Results. – Of a total of 1672 patients admitted for a STEMI, 342 (20.45%) were older than 75 years. These patients represented a high-riskgroup with a high proportion of women (50%), and many co-morbidities (e.g.: hypertension and diabetes mellitus), and three-vessel diseasewas found more often than in younger patients. Mortality rate was high in this subgroup and always more severe as compared to youngersubjects, but remains variable according to the initial clinical profile. The global mortality was 20.47% but fell to 5.41% if we excluded thepatients with cardiogenic shock, in Killip III and after resuscitation. PTCA is a coronary reperfusion technique particularly indicated in themanagement of the elderly presenting a STEMI. It is an effective technique in term of revascularisation, the reperfusion success (exclusivelyTIMI III flow) was indeed raised in the elderly even though it is lower than in younger patients (93.88 vs 97.18%). It is a quickly accessibletechnique, cath-lab accessibility provided, allowing a fast reperfusion and reducing hospitalization to a minimum. The management of theelderly presenting a STEMI has to focus on reducing the preadmission delay since this subgroup of patients hesitates to call the emergency(SMUR) when presenting an acute coronary symptomatology. The shorter the delay till admittance, the better the outcome.

Conclusion. – PTCA is a technique particularly indicated in the elderly in Alsace because of regional specificities: first of all geographic(proximity of the SMUR for virtually all the population of Alsace), and secondly the medical infrastructure since the strategy of exclusiveprimary PTCA is granted by numerous interventional cardiologic teams. In Alsace, the proportion of elderly patients (≥75 years) is going toincrease significantly with a parallel rise of STEMI — “a frigthening perspective”. We have to take into account this evolution, this reperfusiontechnique presenting numerous advantages and very few complications.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Gériatrie ; Urgences ; Infarctus du myocarde ; Angioplastie coronaire ; Choc ardiogénique ; Œdème pulmonaire ; Registre multicentrique

Keywords: Elderly; Emergency; STEMI; Primary PTCA; Cardiogenic Shock; Pulmonary Oedema; Multicenter Registry

La première cause de mortalité en Alsace est représentéepar les affections cardiovasculaires. Le registre Monica aclairement confirmé cette donnée, en démontrant une sur-mortalité de plus de 20 % par rapport au reste du pays. Deplus, selon l’Insee, la part des personnes âgées de plus de75 ans doublera dans les 30 ans. Ces trois caractéristiquesfont malheureusement de l’Alsace une région de choix dansl’étude des Syndromes coronaires aigus. Les progrès théra-peutiques les plus récents ont permis de réduire la mortalitéde l’infarctus du myocarde (IDM), sans pour autant fairebaisser son incidence [1]. Cette amélioration du pronosticrésulte d’une meilleure prise en charge initiale. La mise enplace des Unités de soins intensifs cardiologiques, l’avène-ment des traitements médicamenteux, thrombolytiques etmécaniques de revascularisation, ont en effet permis unemeilleure prise en charge de ces patients.

Les méthodes de reperfusion coronaire par pontage aorto-coronarien ou par angioplastie coronaire transluminale(ACT) ont participé à ce progrès thérapeutique. De nombreu-ses études ont comparé l’efficacité de l’ACT à la phase aiguëde l’infarctus vs thrombolyse. La supériorité de l’ACT n’estplus à démontrer [2,3]. L’angioplastie coronaire primaire à laphase aiguë de l’IDM est réalisée dans de nombreux centresdisposant d’un équipement et d’un personnel qualifié [4,5]avec des taux de succès bien supérieurs en termes de reper-fusion.

L’objectif de ce travail est d’évaluer à partir d’un registreprospectif multicentrique, la prise en charge de l’IDM à laphase aiguë par l’ACT chez les personnes âgées et sa faisa-bilité, ce groupe d’âge étant toujours exclu des études derecherche clinique. Les caractéristiques cliniques et angio-graphiques des patients âgés de plus de 75 ans ont été analy-sées ainsi que les résultats obtenus en termes de revasculari-

sation, tout en décrivant les événements survenus au décoursde l’angioplastie : ces données ont ensuite été comparées àcelles des patients âgés de moins de 75 ans, et confrontéesaux données de la littérature.

1. Patients et méthodes

1.1. Population concernée

Tous les patients admis en unités de soins intensifs decardiologie (USIC) dans les centres hospitaliers participantdu 1er janvier 1999 au 31 décembre 2002 pour IDM à laphase aiguë ont été suivis.

Les unités de cardiologie interventionnelle concernéessont trois centres hospitaliers non universitaires alsaciens, àsavoir le Service de réanimation cardiovasculaire de la clini-que Saint-Joseph de Colmar (groupe hospitalier privé deCentre Alsace), l’unité d’hémodynamique et d’angioplastiecoronaire du centre hospitalier général de Mulhouse (Sud del’Alsace) et l’unité d’hémodynamique et d’angioplastie co-ronaire du centre hospitalier général de Haguenau (Nord del’Alsace).

L’IDM a été définit selon les critères habituels de lalittérature, et en respect avec les définitions éditées conjoin-tement par la Société européenne de cardiologie et le collègeaméricain de cardiologie [6].

Les trois centres participant ont appliqué une stratégie deprise en charge invasive par ACT primaire exclusive et sten-ting systématique chez tout patient présentant un IDM à laphase aiguë quel que soit son état clinique d’admission. Lespatients en état de choc cardiogénique, en œdème pulmo-naire massif ou intubés ou ayant présenté une mort subite

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(MS) avec reprise d’une activité hémodynamique spontanéeen préhospitalier, et ce tout âge confondu, ont bénéficié de lamême prise en charge.

La seule exception pratique est la survenue d’un décèsavant l’arrivée en salle de coronarographie.

1.2. Procédure

Tous les patients ont bénéficié d’une coronarographie à laphase aiguë de l’IDM. La procédure est classique par voiefémorale ou radiale selon la technique de Seldinger, en vued’une angioplastie primaire. Le geste de revascularisation estsystématiquement complété par l’implantation d’une endo-prothèse coronaire (stent), sauf vaisseaux de petite taille. Àpartir de 2000, un certain nombre de patients ont bénéficiéd’un primostenting.

La prémédication des patients n’est pas standardisée maiselle comporte de l’aspirine, du clopidogrel, une héparinestandard ou de bas poids moléculaire (HBPM), un protecteurgastrique, des dérivés nitrés.

Par convention, la reperfusion artérielle a été définie parles grades TIMI (Thrombolysis In Myocardial Infarction)établis lors des premiers essais cliniques de thrombolysedans l’infarctus de myocarde. Dans notre registre, seul unflux TIMI III a été retenu comme succès du geste de revascu-larisation.

Le traitement de l’IDM après ACT comporte l’administra-tion précoce de bêtabloqueurs, d’inhibiteurs de l’enzyme deconversion (IEC), de statines, d’aspirine, de clopidogrel,d’un antiGpIIb/IIIa pendant 24 à 48 heures si ce derniertraitement a été instauré. L’héparinothérapie standard estmaintenu jusqu’à l’ablation du désilet (4 à 18 heures) puisrelayée par une HBPM. Selon la clinique initiale, l’utilisationdes bêtamimétiques, d’une contre pulsion par ballonnetintra-aortique ou la mise en place d’une assistance ventila-toire contrôlée pouvait s’avérer nécessaire.

1.3. Type de données recueillies

Cent vingt familles d’items ont été recueillies et ontconcernées les caractéristiques générales du patient, les fac-teurs de risque cardiovasculaires associés, les données del’IDM en phase initiale (délais de prise en charge, donnéescliniques et ECG), les données de la coronarographie (artèresresponsables, répartition des atteintes, grade de perfusion),les procédures de l’angioplastie, les résultats de la procédure(succès ou non, décès intrahospitalier, reprise dans les24 heures, techniques utilisées), les durées de séjour, lescomplications hospitalières, les modes de sortie, et la morta-lité globale.

Au cours de l’étude, certains items non recensés initiale-ment ont été rajoutés. Cela explique la variabilité de l’échan-tillon parfois retrouvé d’un item à l’autre.

1.4. Analyse des données

Une base de saisie de données a été créée sous 4D, puis lesdonnées ont été exploitées sous Statview. L’analyse repose

sur les tests statistiques classiques, Test du v2 pour les varia-bles qualitatives, Anova pour les variables quantitatives. Ledegré de significativité retenu est de 5 %.

2. Résultats

2.1. Épidémiologie des IDM

Mille six cent soixante-douze patients ont été recensés aucours de l’étude dans les trois centres concernés (Tableau 1).Les patients ont été subdivisés en douze sous-groupes entenant compte de leur âge : les patients âgés de 75 ans et plus(342 patients) et les patients plus jeunes, âgés de 74 ans etmoins (1330 patients). L’âge moyen des patients âgés de plusde 75 ans est de 80,17 ans et de 57,31 chez les plus jeunes.Cent cinquante trois patients ont au-delà de 80 ans, 64 plusde 85 ans, 16 plus de 90 ans et quatre plus de 95 ans. 86,4 %des hommes ont moins de 74 ans (soit 1025 hommes sur1256) contre seulement 58,9 % chez les femmes. Quarante etun pour cent des femmes (soit 171 sur 416) ont plus de 75 ansvs 13,6 % des hommes pour cette même catégorie d’âge. Laproportion des femmes augmente avec l’âge très nettement àpartir de 75 ans.

2.2. Les patients

Cinquante pour cent des patients âgés de plus de 75 anssont des femmes vs 18,42 % chez les patients âgés de moinsde 75 ans (Tableau 1). Les patients âgés de plus de 75 ans sontsignificativement plus souvent hypertendus (52,45 vs26,14 % ; p < 0,01) et diabétiques de type 2 (18,18 vs10,09 % ; p < 0,01). Par ailleurs, les patients âgés de plus de75 ans fument moins que les plus jeunes (5,15 vs 26,56 % ;p < 0,01).

Les patients âgés de plus de 75 ans ont plus souvent descomplications au début de la prise en charge par rapport auxsujets plus jeunes. Ils sont plus souvent en choc cardiogéni-que et en Killip III respectivement 16,08 vs 9,55 % (p < 0,01)et 21,93 vs 8,8 % (p < 0,01). Ils présentent significativementplus de complications dites « autres » que les plus jeunes(4,97 vs 2,41 % ; p < 0,05). Celles-ci concernent en particu-lier les troubles du rythme (TV, TACFA, BAV III), uneatteinte du VD, un syndrome ischémique aigu des membresassocié, une tamponnade. En retenant comme complicationsinitiales l’état de choc cardiogénique, les classes Killip III etles MS, le taux global de complications initiales est fonctionde l’âge, variant de 18,49 % pour les moins de 75 ans,35,08 % pour les plus de 75 ans, 38,56 % pour les plus de80 ans, 48,43 % pour les plus de 85 ans et 60 % au-delà de90 ans.

2.3. La prise en charge des patients

Il n’y a pas de différence significative pour le mode d’en-trée entre les deux groupes. Les patients âgés de plus de

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75 ans comme les plus jeunes viennent principalement dudomicile (environ 40 % des cas). Plus de trois-quarts despatients arrivent en USIC en Smur et on ne retrouve pas dedifférence significative entre les deux groupes. 2,2 % despatients âgés de plus de 75 ans arrivent en USIC à pied vs0,72 % des patients plus jeunes (ns).

Près des deux tiers des patients de notre échantillon estpris en charge avant la 6e heure suivant le début de la symp-tomatologie (Tableau 1). Cela étant, les patients âgés de plusde 75 ans sont pris en charge plus tardivement par rapport auxpatients plus jeunes (68,7 vs 76,8 % pour les 6 premièresheures, p < 0,01 ; 29,83 vs 22,55 % au-delà de la 6e heure ;p < 0,01).

2.4. La coronarographie diagnostique

Les patients âgés de plus de 75 ans présentent plus souventun IDM antérieur que les plus jeunes (47,95 vs 43,61 % ; ns).Les sujets plus jeunes sont dans plus de la moitié des casconcernés par un IDM inférieur (50,23 vs 41,81 % ;p < 0,01). Les patients plus âgés sont plus souvent concernéspar l’IVA (38,89 vs 37,29 % ; ns). L’artère coronaire droiteest plus souvent responsable de la symptomatologie dans legroupe des patients de moins de 75 ans (38,95 vs 35,88 % ;ns). Les patients âgés de plus de 75 ans ont des atteintes

tritronculaires plus fréquentes que les sujets plus jeunes(37,72 vs 22,63 % ; p < 0,01) (Tableau 2).

83,33 % des patients âgés de plus de 75 ans ont à lacoronarographie un flux TIMI initial 0 ou I vs 78,65 % chezles patients plus jeunes (ns). 14,44 % des sujets âgés demoins de 75 ans ont un flux TIMI initial de III vs 9,36 % chezle groupe ≥ 75 ans (p < 0,05).

2.5. Données et résultats de l’angioplastie

85,96 % des patients âgés de plus de 75 ans (294/342) ontbénéficié d’une dilatation par ballonnet vs 90,75 % des pa-tients de moins de 75 ans (1207/1330).

Nous n’avons pas réalisé d’angioplastie complémentaireen cas de survenue du décès du patient en pré- ou perprocé-dure, de mise en évidence à la coronarographie d’artères enflux TIMI III initial ou d’artères grêles (diamètre inférieur à1,2 mm), d’une atteinte très distale ou de mise en évidenced’une lésion du tronc commun justifiant d’une prise encharge chirurgicale en urgence (PAC).

Le taux de succès d’angioplastie est significativementmeilleur chez les patients plus jeunes. Le taux de stenting estégalement plus élevé chez les patients de moins de 75 ans(Tableau 3).

Complications intrahospitalières survenues. Les patientsâgés de plus de 75 ans décèdent plus souvent dans les pre-

Tableau 1Caractéristiques des patients et délai de prise en charge

Patients âgés de plus de 75 ans (n = 342) Patients âgés de moins de 75 ans (n = 1330) pHommes 171 1085Femmes 171 245Sex-ratio 1 4,43Age moyen 80,17 57,31Présentation clinique initialeKillip III 75 (21,93 %) 117 (8,80 %) <0,01Choc cardiogénique 55 (16,08 %) 127 (9,55 %) <0,01MS récupérée 24 (7,02 %) 86 (6,47 %) nsAutres 17 (4,97 %) 32 (2,41 %) <0,05Facteurs de risque cardiovasculaire a

HTA 75 (52,45 %) 184 (26,14 %) < 0,01(n = 143) (n = 704)

Hypercholestérolémie 43 (30,07 %) 204 (28,98 %) ns(n = 143) (n = 704)

Hypertriglycéridémie 6 (4,2 %) 39 (5,54 %) ns(n = 143) (n = 704)

Diabète de type 1 4 (2,8 %) 17 (2,41 %) ns(n = 143) (n = 704)

Diabète de type 2 26 (18,18 %) 71 (10,09 %) < 0,01(n = 143) (n = 704)

Tabagisme actif 10 (5,15 %) 187 (26,56 %) < 0,01(n = 194) (n = 704)

Tabagisme sevré 18 (9,3 %) 82 (11,65 %) ns(n = 194) (n = 704)

Délai moyen de prise en charge< 3 heures 120 (35,1 %) 617 (46,40 %) < 0,01< 6 heures 235 (68,7 %) 1021 (76,8 %) < 0,01> 6 heures 102 (29,83 %) 300 (22,55 %) < 0,01> 12 heures 45 (13,16 %) 127 (9,55 %) ns

a Nous ne disposons pas pour ces items de l’ensemble de l’échantillon, d’où la variabilité de n en fonction des items.

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mières 24 heures que les plus jeunes (3,51 vs 1,43 % ;p < 0,05) (Tableau 4). Ils sont plus souvent sujets au risque desurvenue d’un faux anévrisme et de choc cardiogéniquerespectivement 3,51 et 6,43 % (vs 1,35 et 1,73 % ; p < 0,01).Les sujets de plus de 75 ans sont plus victimes de complica-tions mécaniques au cours de leur séjour hospitalier 4,39 %des cas contre 0,98 % chez les plus jeunes (p < 0,01). Il n’ypas de différence significative dans la survenue de complica-tions digestives, neurologiques et hémorragiques cérébralesou majeures entre les deux groupes.

2.6. La mortalité intrahospitalière

2.6.1. En fonction du statut clinique initialLe taux de décès intrahospitalier est sensiblement plus

élevé chez les patients de plus de 75 ans : 20,47 % des cas vs

6,84 % chez les patients de moins de 75 ans (p < 0,01), maisvariable en fonction du statut clinique initial du patient (Ta-bleaux 5,6). Les taux de mortalité sont sensiblement identi-ques pour les plus de 75 ans et les plus de 80 ans. Enrevanche, il semble existe une cassure franche au-delà de85 ans (Tableau 6), et ce quelque que soit le sous-groupeétudié. Après 90 ans, tous les patients en état de choc sontdécédés, tous les patients avec MS sont décédés et 75 % despatients en OAP sont décédés. Ces chiffres sont à interprétéssous couvert de l’échantillonnage réduit, mais semblentconfirmer la tendance.

2.6.2. En fonction du délai de prise en chargeNous avons comparé la mortalité des deux groupes en

fonction du délai de la prise (avant ou après la 6e heure) à

Tableau 2Données de la coronarographie diagnostique

Patients âgés de plus de 75 ans (n = 342) Patients âgés de moins de 75 ans (n = 1330) pArtères responsables– Coronaire Droite 121 (35,38 %) 518 (38,95 %) ns– Circonflexe–Marginale 58 (16,96 %) 217 (16,32 %) ns– IVA 133 (38,89 %) 496 (37,29 %) ns– Tronc Commun 10 (2,92 %) 35 (2,63 %) ns– PAC 7 (2,05 %) 17 (1,28 %) ns– Autre 9 (2,63 %) 42 (3,16 %) ns– N.R.* 4 (1,17 %) 5 (0,38 %)Diffusion– Monotronculaire 112 (32,75%) 661 (49,7%) < 0,01– Bitronculaire 94 (27,49%) 362 (27,22%) ns– Tritronculaire 129 (37,72%) 301 (22,63%) < 0,01– N.R.* 7 (2,05%) 6 (0,45%)Flux TIMI initial– 0 272 (79,53 %) 1025 (77,07 %) ns– I 13 (3,8 %) 21 (1,58 %) < 0,05– II 24 (7,02 %) 89 (6,69 %) ns– III 32 (9,36 %) 192 (14,44 %) < 0,05– N.R. a 1 (0,29 %) 3 (0,23 %)

a N.R. Non renseigné

Tableau 3Résultats de l’angioplastie coronaire

≥ 75 ans < 75 ans p(n = 294) (n = 1207)

Flux TIMI II postangioplastie 276 (93,88 %) 1173 (97,18 %) < 0,01Taux de stenting 247 (83,2 %) 1094 (90,4 %) < 0,01

Tableau 4Complications hospitalières survenues

≥ 75 ans < 75 ans p(n = 342) (n = 1330)

Décès ≤ 24 heures 12 (3,51 %) 19 (1,43 %) < 0,05Reprise ≤ 24 heures 9 (2,63 %) 27 (2,03 %) nsFaux anévrismes 12 (3,51 %) 18 (1,35 %) < 0,01Choc cardiogénique secondaire 22 (6,43 %) 23 (1,73 %) < 0,01Complications mécaniques 15 (4,39 %) 13 (0,98 %) < 0,01Complications digestives 1 (0,29 %) 4 (0,3 %) nsComplications neurologiques 1 (0,29 %) 1 (0,08 %) nsComplications hémorragiques 7 (2,05 %) 15 (1,13 %) nsDécès intrahospitalier 70 (20,47 %) 91 (6,84 %) < 0,01

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partir du début de la symptomatologie. Parmi nos 342 pa-tients âgés de plus de 75 ans, 235 ont été pris en charge avantla 6e heure, 102 après et pour cinq d’entre eux le délai deprise en charge avant le début de la symptomatologie n’a puêtre précisé. Le taux de mortalité est significativement plusélevé dans le sous-groupe de patient pris en charge après ledélai des six premières heures par rapport à celui où la priseen charge a été plus rapide : 26,47 vs 18,3 % ; p < 0,01. Millevingt et un patients âgés de moins de 75 ans ont été pris encharge avant la 6e heure, 300 après et pour neuf d’entre eux ledélai n’a pas été précisé. La différence entre le taux demortalité des deux sous-groupes en fonction du délai de priseen charge (6 premières heures) est également significativechez les patients plus jeunes : 7,6 vs 6,6 % ; p < 0,01.

3. Discussion

3.1. Problématique de la prise en charge des patients âgésvictimes d’un IDM

L’âge avancé des patients présentant un IDM est associé àune mortalité importante sans qu’aucun mécanisme causal nesoit retrouvé [7].Avant l’ère des techniques de reperfusion, letaux de mortalité des personnes âgées présentant un IDMétait de 30 % à un mois et dépassait les 50 % à un an [8,9]. Lathrombolyse a constitué une première avancée thérapeutiquedans la prise en charge des IDM. Cette thérapeutique amontré qu’elle augmentait le nombre de survivants chez lespatients en cas d’IDM. Des données contradictoires existent

cependant au sujet de son efficacité et de sa sécurité chez lespersonnes âgées. Plusieurs études ont en effet montré unediminution du taux de mortalité y compris chez les patientsâgés traités par thrombolyse [10,11], mais à l’inverse uneétude récente a suggéré que le traitement thrombolytique estplus délétère chez les patients âgés de plus de 75 ans, enparticulier chez les femmes [12]. Les patients âgés sontsystématiquement exclus des études cliniques. L’admissionen USIC des patients âgés a été considérée comme troptardive par rapport aux sujets plus jeunes et l’efficacité destechniques de reperfusion remis en cause. Ce retard de priseen charge a été mis sur le compte de l’atypie de la présenta-tion clinique avec souvent absence de douleur et/ou absencesignes ECG [13,14]. Les patients âgés ont enfin un risqued’hémorragies intracrâniennes plus élevé avec l’utilisationdes thrombolytiques [15].

L’angioplastie primaire représente donc une techniquealternative séduisante chez ces patients. Dans l’étudeGusto IIb, le taux de mortalité à 30 jours et le taux desurvenue d’AVC chez les patients âgés de 70 à 79 ans ayanteu une angioplastie sont nettement inférieurs par rapport auxpatients traités par activateur du plasminogène [16].

Les données concernant les effets de l’âge sur le taux desuccès, l’incidence des complications et le devenir des pa-tients après procédure sont cependant très limitées [2,17–19].

3.2. Particularités de nos patients âgés de plus de 75 ans

Nos patients âgés de plus de 75 ans représentent un groupeà haut risque avec une proportion élevée de femmes (50 %),

Tableau 5Variabilité de la mortalité intrahospitalière en fonction de la présentation clinique initiale

Patients âgés de plus de 75 ans Patients âgés de moins de 75 ans pn Décès en % n Décès en %

Tous patients 342 20,47 1330 6,4 < 0,01État de choc 55 72,73 127 48,82 < 0,01Hors choc 287 10,45 1203 2,41 < 0,01Killip III 75 46,67 117 33,33 nsHors Killip III 267 10,11 1213 4,29 < 0,01MSR 24 45,83 86 33,72 nsHors MSR 318 18,55 1244 4,98 < 0,01Hors choc, Killip III, MS 222 5,41 1084 1,20 < 0,01Avec choc ou Killip III ou MS 120 48,33 246 18,49 < 0,01

Tableau 6Variabilité de la mortalité intrahospitalière en fonction de la présentation clinique initiale et de l’âge des patients

≥ 75 ans ≥ 80 ans ≥ 85 ans ≥ 90 ansn % n % n % n %

Tous patients 342 20,47 153 24,18 64 39,06 20 40État de choc 55 72,73 29 72,41 18 77,78 8 100Hors choc 287 10,45 124 12,90 46 23,91 12 16,67Killip III 75 46,67 38 44,74 21 37,14 8 75Hors Killip III 267 10,11 115 17,39 43 30,23 12 41,67MSR 24 45,83 9 44,43 5 60 2 100Hors MSR 318 18,55 144 22,92 59 37,29 18 44,44Hors choc, Killip III, MS 222 5,41 94 8,51 33 18,18 8 12,50Avec choc ou Killip III ou MS 120 48,33 59 49,15 31 61,29 12 75

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de nombreuses comorbidités (les patients âgés sont plussouvent hypertendus et diabétiques de type 2) et des atteintestritronculaires en nombre sensiblement plus élevé que chezles plus jeunes (37,72 vs 22,63 % ; p < 0,01). De plus, cespatients à haut risque ont un délai de prise en charge plus longque les patients plus jeunes (29,83 % sont vus après la6e heure suivant le début de la symptomatologie vs 22,55 %chez les sujets plus jeunes ; p < 0,01). Les données del’angiographie montrent la même proportion de patients enflux TIMI 0 dans les deux groupes. Le succès de la reperfu-sion déterminé par le flux TIMI III après angioplastie est enrevanche significativement plus faible chez les patients âgesde plus de 75 ans (93,88 vs 97,18 % ; p < 0,01). De Geare etal. [17] avait déjà décrit cette particularité dans une étuderegroupant 3032 patients avec IDM et traités par ACT ; ilsont montré un pourcentage plus faible de flux TIMI III postangioplastie chez les patients âgés (85 vs 92 % ; p < 0,01).Cela étant, le taux de succès de l’angioplastie (obtention d’unflux TIMI III exclusif) est de nos jours plus élevé chez nospatients âgés et meilleur que celui rapporté dans la plupartdes études [17,18,20]. Les patients à haut risque étant égale-ment inclus, ce résultat est d’autant plus significatif et nousconforte dans notre stratégie.

3.3. Taux de mortalité et profil des patients

Dans notre travail, le taux de mortalité intrahospitaliersemble élevé par rapport aux données de la littérature[17,18,20,21] : 20,47 % chez les patients âgés de plus de75 ans et 6,4 % chez les patients plus jeunes. Ces valeursélevées s’expliquent par le profil particulier de nos patients.En effet, nos patients victimes d’IDM sont issus du terrain,tout venant. Ils ne sont pas sélectionnés selon des critèresméthodologiques drastiques préétablis. De ce fait, les pa-tients les plus gravement atteints (patients en état de choc, enKillip III, ayant bénéficié d’une réanimation cardiorespira-toire en préhospitalier), à haut risque de mortalité, ne sont pasexclus. À titre comparatif, en excluant les patients en état dechoc, en Killip III et admis après MS, on retrouve des taux demortalité sensiblement plus bas passant de 20,47 à 5,41 %chez les patients âgés de plus de 75 ans et de 6,4 à 1,2 % chezles sujets plus jeunes. Ces taux sont alors plus faibles et bienmeilleurs que ceux retrouvés dans la littérature [17,20,21].Dans tous les cas, le taux de mortalité intrahospitalière estplus élevé chez les patients âgés de plus de 75 ans par rapportaux plus jeunes et ce quelle que soit la présentation cliniqueinitiale. De Geare et al. [17] ont montré un taux de mortalitécinq fois supérieur chez les sujets âgés de plus de 75 ans parrapport aux sujets plus jeunes après traitement par angioplas-tie (10,2 vs 1,8 % ; p = 0,001), les patients en état de chocétant exclus. Dans notre étude, ce rapport est de 3,2(20,47 %/6,4 %) tous patients inclus et de 4,5 (5,41 %/1,2 %)si on exclut les patients en état de choc, en Killip III et admisaprès MS.

3.4. L’angioplastie est une technique adaptée aux patientsâgés

3.4.1. C’est une technique intéressante dans la priseen charge des IDM des patients âgés

La proportion de nos patients âgés de plus de 75 ans admisen Killip III est élevée par rapport aux sujets plus jeunes(21,93 vs 8,80 % ; p < 0,01). De Boer et al. [22] ont comparéles résultats de l’angioplastie vs la thrombolyse. L’angio-plastie a permis d’obtenir un taux de mortalité intrahospita-lière plus faible (2 vs 7 % ; p < 0,01) et une fonction ventri-culaire gauche meilleure (FEVG 50 vs 45 % ; p < 0,001) parrapport à la thrombolyse. L’angioplastie permet donc derestaurer plus de masse myocardique que la thrombolyse, cequi permet de prévenir le risque d’insuffisance cardiaque.Cette technique paraît donc particulièrement adaptée auxpatients âgés.

3.4.2. C’est une technique effıcace en termesde revascularisation

Le succès de la reperfusion diminue significativement letaux de mortalité dans les deux sous-groupes de notre popu-lation. De Geare et al. [17] ont démontré que le flux TIMIpost procédure s’avère être un des facteurs prédictifs les plusimportant de la mortalité intrahospitalière. Or, les taux dereperfusion sont plus élevés après une ACT et ce même chezles sujets âgés [4,5,22,23]. L’ACT est donc une techniqueefficace, permettant une reperfusion de qualité, optimaled’emblée, et ce quel que soit l’âge des patients.

3.4.3. C’est une technique accessible rapidementDe multiples auteurs ont débattu sur la notion de délai à

retenir : délai « Door to Needle », « Premier intervenant/CathLab », « Pain/door », « Pain/Needle ». À notre sens, le seuldélai à retenir est celui séparant le début de la symptomato-logie à l’ouverture de l’artère. Et on ne peut comparer undélai « Douleurs/To d’une thrombolyse » à un délai« Symptômes/Cath Lab » sans tenir compte des 60 minutesminimales nécessaires à l’action du meilleur thrombolytiquedu marché. Dans notre échantillon, plus de deux tiers despatients âgés de plus de 75 ans (240/342) sont pris en chargeavant la 6e heure. Le taux de mortalité des patients vus aprèsla 6e heure est très significativement supérieur par rapport ausous-groupe de patients pris en charge avant ce délai, d’oùl’importance d’un appel précoce en cas de symptomatologieévocatrice d’IDM, et ce en particulier chez les sujets âgés. Eneffet, plus le délai de prise en charge est court, meilleur est ledevenir clinique des patients âgés [24]. Or, la première com-posante du délai douleur-traitement dans l’IDM est représen-tée par le délai avant admission. Ce délai entre la douleur etl’appel est un facteur majeur de la prise en charge au cours del’IDM [25]. J.C. Beer et al. [26] ont montré que l’implicationdes équipes du « 15 » diminuait significativement ces délaispréhospitaliers. Pour Brown et al. [27] l’absence d’appel au« 911 », l’équivalent de notre « 15 » et les plus longs délaispréhospitaliers sont liés à quatre facteurs principaux : l’ab-

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sence de connaissance de la symptomatologie de l’IDM parle patient, l’automédication, le contact du médecin traitant etles coûts de l’hospitalisation et des soins aux États-Unis.Dans le travail de J.C. Beer, les patients avec un antécédentd’IDM sont plus nombreux à contacter directement le « 15 »[26]. La connaissance de la symptomatologie coronarienneest un des paramètres fondamentaux pour la décision desoins aussi bien pour le patient que pour les médecins [28].

Dans les faits, on constate que les sujets âgés préfèrent nepas appeler le médecin craignant de le déranger inutilementet tardent de ce fait parfois à appeler les secours au début del’épisode douloureux. Des campagnes d’informations poursensibiliser les patients sont en cours et à soutenir pouraugmenter le taux d’appel en cas de symptomatologie ango-reuse et ce en particulier chez les sujets âgés. La secondecomposante des délais de traitement est la phase hospitalière,la rapidité du traitement de reperfusion dépendant des filièresde prise en charge. Les travaux relatifs aux filières de soins àla phase aiguë de l’infarctus sont nombreux. Un gain detemps de 35 minutes pour l’angioplastie primaire lors de laprise en charge directe par le Samu par rapport aux autresfilières a été démontré par des équipes de cardiologues hol-landais [29]. L’ACT est une technique accessible facilementet permettant une reperfusion rapide. Des travaux plus ré-cents étudient actuellement l’intérêt de la stratégie combinéeassociant thrombolyse et ACT (études FINESSE, ASSENTIV in PCI, CARESS in AMI). Cette démarche semble avoirun intérêt si l’ACT est à plus de 90 minutes du lieu de prise encharge, ce qui est rarement le cas dans notre région, comptetenu de la proximité des Smur sur zone.

3.5. Nos limites

Nos résultats sont issus d’un registre prospectif issu detrois centres de cardiologie interventionnelle non universitai-res alsaciens pratiquant la même politique invasive dans laprise en charge des IDM. L’ACT primaire est réalisable enAlsace et donne d’excellents résultats. Dans notre région,toutes les conditions sont réunies pour le développement et lapromotion de l’ACT dans la prise en charge des IDM. L’Al-sace a une surmortalité cardiovasculaire par rapport auxautres régions françaises, et l’Alsace est, par sa géographieparticulière (couloir Nord-Sud), une région à forte densité depopulation où plus de 95 % de la population dispose d’unSMUR à moins de 25–30 km de chez lui. Ces particularitéssont à souligner car elles ont contribué au développement decette technique à la phase aiguë de l’IDM, technique auxexcellents résultats immédiats et sans contre indicationsvraies.

4. Conclusion

À partir de ce registre prospectif, nous avons pu évaluerdans trois centres de cardiologie interventionnelle alsaciensla prise en charge de l’IDM à la phase aiguë par l’ACT chez

les sujets âgés et sa faisabilité. Sur un total de 1672 patientsadmis pour IDM, 342 patients (soit 20,45 %) sont âgés deplus de 75 ans. Ces sujets représentent un groupe à hautrisque avec une proportion élevée de femmes (50 %), denombreuses comorbidités (HTA et diabète de type 2) et desatteintes tritronculaires en nombre plus élevé que les sujetsplus jeunes. Le taux de mortalité est élevé dans ce sous-groupe de patients et toujours plus sévère par rapport auxsujets plus jeunes, mais il est variable en fonction du profilclinique initial. La mortalité globale des plus de 75 ans est de20,47 % mais tombe à 5,41 % si on exclut les patients en étatde choc, Killip III et après MS. L’angioplastie est la techni-que de reperfusion coronaire particulièrement indiquée dansla prise en charge de l’IDM du sujet âgé. Elle permet en effetune restauration de plus de masse myocardique que la throm-bolyse, ce qui permet de prévenir le risque de survenue d’uneinsuffisance cardiaque. C’est une technique efficace en ter-mes de revascularisation, le succès de reperfusion est en effetélevé chez les sujets âgés même s’il est plus faible que chezles patients plus jeunes (93,88 vs 97,18 %). Le délai de priseen charge douleur–traitement de l’IDM est fonction du délaiavant admission et de la phase hospitalière. Or, l’ACT est unetechnique rapidement accessible, permettant une reperfusionrapide en réduisant au mieux la phase hospitalière de prise encharge. Pour les patients âgés et très âgés présentant un IDM,c’est sur le délai avant admission qu’il faut axer nos efforts,ces patients tardant à appeler les secours en cas de sympto-matologie coronarienne. Or, plus ce délai est court, meilleurest le devenir du sujet. Des campagnes d’information sont àsoutenir pour sensibiliser les patients et leur entourage à unrecours au centre « 15 » en cas d’alerte angineuse. L’ACT estla technique de reperfusion du sujet âgé, d’autant plus indi-quée en Alsace du fait des particularités de la région : géo-graphique d’une part, avec une proximité des SMUR pour laquasi-totalité de la population alsacienne et médicale d’autrepart, la politique interventionnelle étant acquise dans denombreuses équipes de cardiologie. De multiples avantagessans complications, quels traitements en cardiologie peuventactuellement se prévaloir d’aussi belles caractéristiques ? EnAlsace, la part des personnes âgés de plus de 75 ans doubleraen 30 ans [30], et on peut craindre dans les années à venir uneaugmentation du nombre de cas d’IDM du sujet âgé et trèsâgé. Il faudra tenir compte de cette évolution inéluctable.

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