8
Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICI Xavier Roblin 1 , Alaric Cavaille 2 , Léa Clavel 1 , Stéphane Paul 3 1. CHU de Saint-Étienne, hôpital Nord, service de gastro-entérologie, 42277 Saint-Priest-en-Jarez, France 2. CHU de Saint-Étienne, hôpital Nord, service de chirurgie digestive, 42277 Saint-Priest-en-Jarez, France 3. CHU de Saint-Étienne, hôpital Nord, immunopharmacologie, 42277 Saint-Priest-en-Jarez, France Correspondance : Xavier Roblin, hôpital Nord, service de gastro-entérologie, avenue Albert-Raimond, 42277 Saint-Priest-en-Jarez, France. [email protected] Disponible sur internet le : 27 décembre 2013 Biomarqueurs en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Dossier thématique Presse Med. 2014; 43: 6673 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 66 Mise au point Key points Biomarkers in inflammatory bowel diseases Fecal calprotectine is of interest for diagnosis of IBD at the beginning. CRP and fecal calprotectine are predictive of long-term res- ponse in patients treated by anti-TNF therapy. Trough levels of anti-TNF are associated to clinical remission and mucosal healing. Detectable antibodies to anti-TNF are associated with lower response to treatment. Interventional studies are waiting before optimization of treat- ment in function of biomarkers. Trough levels of anti-TNF help to modify our treatment (opti- mization or de-escalation). Points essentiels La calprotectine fécale permet de différencier une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) d’un trouble fonc- tionnel intestinal (TFI), au moment du diagnostic et lors d’une poussée de la maladie. Les biomarqueurs de l’inflammation permettent de prédire une réponse thérapeutique à moyen terme sous anti-TNF dans les MICI. Les taux résiduels d’anti-TNF sont associés à une réponse clinique et à l’obtention d’une cicatrisation muqueuse. La présence d’anticorps dirigés contre l’anti-TNF a un rôle péjoratif sur la réponse clinique. Des études interventionnelles qui optimisent les traitements en fonction de ces biomarqueurs sont en cours. Pour le moment, cette attitude thérapeutique n’est pas préconisée. Les dosages d’anti-TNF permettent, en cas d’optimisation ou inversement de désescalade thérapeutique, de proposer un choix plus personnalisé. tome 43 > n81 > janvier 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.11.004

Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICI

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICI

Biomarqueurs

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

D

Presse Med. 2014; 43: 66–73� 2013 Elsevier Masson SAS.

Tous droits réservés.

66M

ise

au

po

int

ossier thématique

Key points

Biomarkers in inflammatory b

Fecal calprotectine is of interesbeginning.CRP and fecal calprotectine areponse in patients treated by anTrough levels of anti-TNF are asand mucosal healing.Detectable antibodies to anti-TNresponse to treatment.Interventional studies are waitinment in function of biomarkers.Trough levels of anti-TNF help tomization or de-escalation).

Intérêt des biomarqueurs dans la prise encharge des MICI

Xavier Roblin1, Alaric Cavaille2, Léa Clavel1, Stéphane Paul3

1. CHU de Saint-Étienne, hôpital Nord, service de gastro-entérologie,42277 Saint-Priest-en-Jarez, France

2. CHU de Saint-Étienne, hôpital Nord, service de chirurgie digestive,42277 Saint-Priest-en-Jarez, France

3. CHU de Saint-Étienne, hôpital Nord, immunopharmacologie,42277 Saint-Priest-en-Jarez, France

Correspondance :Xavier Roblin, hôpital Nord, service de gastro-entérologie, avenue Albert-Raimond,42277 Saint-Priest-en-Jarez, [email protected]

Disponible sur internet le :27 décembre 2013

owel diseases

t for diagnosis of IBD at the

predictive of long-term res-ti-TNF therapy.sociated to clinical remission

F are associated with lower

g before optimization of treat-

modify our treatment (opti-

Points essentiels

La calprotectine fécale permet de différencier une maladieinflammatoire chronique de l’intestin (MICI) d’un trouble fonc-tionnel intestinal (TFI), au moment du diagnostic et lors d’unepoussée de la maladie.Les biomarqueurs de l’inflammation permettent de prédire uneréponse thérapeutique à moyen terme sous anti-TNF dans lesMICI.Les taux résiduels d’anti-TNF sont associés à une réponseclinique et à l’obtention d’une cicatrisation muqueuse.La présence d’anticorps dirigés contre l’anti-TNF a un rôlepéjoratif sur la réponse clinique.Des études interventionnelles qui optimisent les traitements enfonction de ces biomarqueurs sont en cours. Pour le moment,cette attitude thérapeutique n’est pas préconisée.Les dosages d’anti-TNF permettent, en cas d’optimisation ouinversement de désescalade thérapeutique, de proposer unchoix plus personnalisé.

tome 43 > n81 > janvier 2014http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.11.004

Page 2: Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICI

Mis

ea

up

oin

t

GAAA

AAC

CHIFISMM

RTTTS

Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICIBiomarqueurs

Si l’endoscopie a été et reste encore souvent l’examenincontournable de la prise en charge des maladie inflamma-toire chronique de l’intestin (MICI), et ce à différentes périodesde leur histoire naturelle, son caractère vulnérant a motivé larecherche de marqueurs non invasifs pouvant la remplacer. Cesbiomarqueurs doivent pouvoir jouer un rôle à différentsmoments de la prise en charge : lors du diagnostic, à l’occasiond’une poussée possible sous-traitement, dans la prédiction dela réponse à moyen terme et lorsqu’un changement thérapeu-tique est discuté.Deux types de biomarqueurs, longtemps étudiés, ont désor-mais une place en pratique clinique dans la prise en charge desMICI : ceux de l’inflammation (calprotectine fécale et C-réactiveprotéine [CRP]) ; et surtout les biomarqueurs pharmacologiquesdes anti-tumor necrosis factor (TNF), les prescriptions d’anti-TNF ayant augmenté notablement tant dans la maladie deCrohn (MC) que dans la rectocolite hémorragique (RCH). Cesdosages pharmacologiques sont axés sur les taux résiduels desanti-TNF, mesurés avant perfusion d’infliximab (IFX) ou injec-tion d’adalimumab (ADA), et sur les taux d’anticorps (Ac)dirigés contre les anti-TNF (anti-IFX et anti-ADA).

Biomarqueurs de l’inflammation :calprotectine et CRPLa calprotectine fécale (protéine de la famille des protéinesS100), présente dans le cytoplasme des polynucléaires etdes cellules mononuclées infiltrant la paroi du tube digestif,est le témoin d’une inflammation tissulaire. La CRP, sécrétée

lossaireAA anticorps anti-adalimumabDA adalimumabNCA anticorps anti-cytoplasme des polynu-

cléairesSCA anticorps anti-Saccharomyces cerevisiaeTI anticorps anti-infliximabDEIS Crohn’s disease endoscopic index of

severityRP C-réactive protéineMSA mobility shift assayX infliximab immunosuppresseurC maladie de CrohnICI maladie inflammatoire chronique de

l’intestinCH rectocolite hémorragiqueFI troubles fonctionnels intestinauxNF tumor necrosis factorRI taux résiduel d’infliximabES-CD simple endoscopic score for Crohn’s

disease

tome 43 > n81 > janvier 2014

par le foie après stimulation par l’interleukin 6 (IL6), témoigned’une inflammation systémique. La figure 1 résume l’intérêtdes biomarqueurs de l’inflammation dans les MICI.

Aide au diagnostic

Aucun signe clinique de MICI n’est pathognomonique de lamaladie : c’est l’endoscopie qui permet généralement de fairela distinction entre une pathologie inflammatoire ou fonction-nelle.C’est pour déterminer si une élévation de la calprotectinepermet-elle aussi de faire cette distinction au moment dudiagnostic que Van Rheenen et al. [1] ont réalisé une méta-analyse regroupant 13 études avec un total de 670 adultes et371 enfants inclus. Résultats : chez l’adulte, l’élévation du tauxcalprotectine fécale a permis avec une sensibilité et unespécificité de plus de 90 % de différencier une MICI de troublesfonctionnels intestinaux (TFI). Ainsi, plus de 70 % de colosco-pies étaient évitées avec un retard au diagnostic inférieur à10 % des cas. Le seuil discriminant admis était de 50 mg/g deselles. Chez l’enfant, ce travail était moins informatif car lessensibilité et spécificité de ce biomarqueur étaient de moins de80 %. Le nombre de coloscopies économisées était de 40 %seulement et le retard au diagnostic plus net que chez l’adulte.Dans une autre étude récente et prospective ayant inclus prèsde 200 enfants [2], les auteurs ont montré que le marqueurassocié au mieux au diagnostic de MICI était la calprotectinefécale, avec une aire sous la courbe (AUROC) de 0,93, mais avecun seuil de 150 mg/g de selles.La calprotectine est donc un biomarqueur utile au moment dudiagnostic pour faire la distinction entre une MICI et un TFI, tantchez l’adulte que chez l’enfant.

Confirmation d’une poussée inflammatoire

Devant une symptomatologie digestive évoquant une pousséede MICI, il est impératif d’affirmer la réalité de cette pousséeavant un éventuel changement de traitement. En effet, près de50 % des patients peuvent avoir des TFI secondaires. C’estclassiquement l’endoscopie qui permet de confirmer le diag-nostic de poussée inflammatoire.De nombreuses études ont montré une corrélation significativeentre le taux de calprotectine fécale et les données endosco-piques au cours de la MC et de la RCH. Dans une étude ayantinclus plus de 150 patients souffrant de MC, Schoepfer et al. [3]ont recherché les facteurs corrélés à une activité endoscopiquedéterminée par un score simple endoscopic score for Crohn’s

disease (SES-CD) > 3. Une calprotectine > 70 mg était le mar-queur le plus prédictif d’une activité endoscopique avec unesensibilité de 80 % et une spécificité de 60 %. Le coefficient decorrélation entre score endoscopique et calprotectine était trèsbon. Dans la RCH, les résultats sont comparables. Dans un travailmené sur 55 patients atteints de RCH, Nancey et al. [4] ontretrouvé une bonne corrélation (r : 0,75) entre le taux de

67

Page 3: Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICI

68

Figure 1

Intérêt des biomarqueurs de l’inflammation (C-réactive protéine et calprotectine) en fonction des différents stades de prise en charge dumaladie inflammatoire chronique de l’intestinCRP : C-réactive protéine ; MICI : maladie inflammatoire chronique de l’intestin.

X Roblin, A Cavaille, L Clavel, S Paul

calprotectine fécale et l’activité endoscopique. Un tauxsupérieur à 250 mg/g de selles était significativement associéà une activité endoscopique de la RCH (p < 0,001).La calprotectine fécale permet donc de confirmer une pousséeinflammatoire chez un patient porteur de MICI.

Recherche d’une cicatrisation muqueuse

La cicatrisation muqueuse est un objectif thérapeutique claire-ment établi tant dans la MC que dans la RCH. Sa définition,endoscopique, varie en fonction des études. Dans la MC, denombreux auteurs la définissent par un score Crohn’s disease

endoscopic index of severity (CDEIS) inférieur à 4, mais certai-nes études pivots l’ont déterminée par la disparition de toute

Tableau I

Score Mayo : calcul d’activité dans la RCH

Critères

0

Fréquence des selles par jour Nombre habituel + 1

Saignement rectal 0 Tra

Rectosigmoïdoscopie Normale Érythème, fra

Appréciation globale du médecin Normal Poussée

RCH : rectocolite hémorragique.

lésion ulcérée. Dans la RCH, la cicatrisation muqueuse étaitdéfinie par un score Mayo endoscopique à 0 ou 1, maisactuellement de nombreuses études la définissent par unscore Mayo à 0 (tableau I).La calprotectine et la CRP sont des marqueurs imparfaits de lacicatrisation muqueuse. Dans une étude récente, D’Haens et al.[5] ont recherché quel était le seuil de calprotectine fécaleassocié au mieux à une cicatrisation muqueuse chez plus de80 patients souffrants de MC. Le seuil le plus prédictif était celuide 250 mg/g avec une bonne sensibilité (> 90 %) mais unespécificité de 70 %. Dans ce travail, l’ajout de la CRP n’avaitaucun intérêt particulier. Inversement, l’analyse post-hoc del’étude STORI [6] montrait que les deux biomarqueurs (CRP et

Score

1 2 3

à 2 + 3 à 4 + � 5

ces Majorité des selles Totalité des selles

gilité minime Fragilité, érosions Saignement spontané, ulcères

minime Poussée modérée Poussée sévère

tome 43 > n81 > janvier 2014

Page 4: Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICI

Mis

ea

up

oin

t

Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICIBiomarqueurs

calprotectine) étaient associés séparément à une cicatrisationmuqueuse (CDEIS < 4) avec de bonnes sensibilités (78 %pour une CRP < 5 mg/L et 82 % pour une calprotectine féca-le < 250 mg) mais avec des spécificités très insuffisantes (38 et52 %, respectivement). L’association d’une CRP < 5 mg/L etd’une calprotectine < 250 mg était associée à une cicatrisationmuqueuse avec une sensibilité de 74 % et une spécificité de72 %.Si le taux de calprotectine fécale est bien corrélé à l’obtentiond’une cicatrisation histologique dans la RCH, le seuil le plusfavorable reste débattu. Ainsi, l’analyse post-hoc évaluant letofacitinib dans la RCH rapporte un seuil de 70 mg/g de sellescomme définissant au mieux une cicatrisation muqueuse. Sonintérêt reste plus limité dans cette maladie, même si l’associa-tion est probablement plus forte que dans la MC, car larecherche d’une cicatrisation muqueuse est simple et peutêtre analysée en rectosigmoïdoscopie. Les biomarqueurssont donc actuellement insuffisants pour définir la cicatrisationmuqueuse.

Prédiction d’une rechute clinique à court terme

Dans la prise en charge des MICI, chez un patient asymptoma-tique, il est intéressant d’essayer de prédire l’évolution de lamaladie pour envisager une optimisation thérapeutique avantla récidive clinique. Mao et al. [7] ont rapporté les résultatsd’une méta-analyse de six études. Une élévation de la calpro-tectine fécale était un facteur prédictif de récidive clinique tantdans la MC que dans la RCH, avec des sensibilité et spécificité deplus de 75 %. Pour la MC colique, ces résultats étaient mêmeamplifiés, mais en cas d’atteinte du grêle les auteurs, parmanque de données, ne pouvaient conclure. Cette étude nepermettait pas de déterminer le moment de la récidive. Dansdes données post-hoc de l’étude STORI, la CRP et la calprotec-tine fécale s’élevaient dans les 4 à 6 mois qui précédaient larécidive clinique. L’élévation de la calprotectine fécale est doncclairement prédictive d’une récidive clinique (dans les 6 mois)de la maladie.

Prédiction d’une réponse thérapeutique durable

Lors de la mise en place d’un traitement, il est important dedéterminer si la réponse thérapeutique obtenue sera durableou non, l’objectif théorique étant de pouvoir modifier lestraitements s’il existe des facteurs prédictifs de rechute.Dans une vaste étude de cohorte de patients porteurs de MC[8], traités par infliximab et ayant une CRP élevée à l’inclusion,la normalisation durable de ce biomarqueur sous-traitement(CRP < 3 mg/L) était clairement associée à une réponse théra-peutique durable. Inversement, chez les patients qui avaientdes poussées sous-infliximab, les CRP ne se normalisaient pas.Des travaux finlandais plus anciens avaient rapporté une nor-malisation de la calprotectine chez les patients répondeurs auxthiopurines. Sous-infliximab, à la semaine S14, tant dans la MC

tome 43 > n81 > janvier 2014

que dans la RCH, une normalisation de la calprotectine fécaleétait significativement associée à une rémission cliniquedurable à un an. Molander et al. [9] ont étudié les taux decalprotectine fécale chez 60 patients porteurs de MICI et traitéspar infliximab. À S14, un taux inférieur à 100 mg/g de selle étaitassocié à une rémission clinique à un an dans 80 % des cascontre 40 % lorsque la calprotectine était plus élevée(p < 0,05). Des résultats comparables sont observés dans laRCH. Une normalisation précoce des biomarqueurs de l’inflam-mation est donc significativement associée à une rémissiondurable sous-traitement.

Optimisation thérapeutique

Chez un patient en réponse clinique sous-traitement, uneélévation de la calprotectine fécale doit-elle inciter à opti-miser le traitement ? Théoriquement oui, car ce biomarqueurest le témoin d’une rechute clinique future. En pratiqueclinique, seules des études d’intervention actuellement encours permettront de répondre à cette question. À ce jour, lesrecommandations de l’European Crohn’s and colitis organiza-

tion (ECCO) sont les suivantes : une intensification therapeu-

tique pour obtenir une cicatrisation muqueuse chez des

patients porteurs de MC en remission clinique mais sans

cicatrisation muqueuse n’est pas recommandee du fait

d’absence de preuve.

Limites

Concernant la CRP, la principale limite est liée à la fréquenceimportante, chez les patients atteints de MICI, de sujets enpoussée avec une CRP normale. Ils représentent un tiers des MCet plus de 50 % des patients ayant une RCH.Concernant la calprotectine fécale, plusieurs limites doiventêtre rappelées : elle n’est pas spécifique des MICI mais s’élèvedans de nombreuses pathologies digestives (infection, colitemicroscopique, maladie coeliaque, etc.). Le taux s’accroît égale-ment sous anti-inflammatoires non stéroïdiens et sous-inhibi-teurs de la pompe à protons. Dans les MICI, il existe desvariations individuelles dans le temps nécessitant parfois derépéter le test une seconde fois pour améliorer sa sensibilité etsa spécificité. Par ailleurs, l’élévation de la calprotectine fécaleest encore débattue dans la MC avec atteinte du grêle. Enfin, cetest n’est pas remboursé en pratique clinique (acte horsnomenclature).

Autre biomarqueur à l’étude

L’hémoccult a montré son intérêt pour rechercher la présenceou non d’une activité endoscopique dans la RCH. Dans un travailmené chez plus de 300 patients porteurs de RCH [10] et ayanteu une endoscopie avec établissement du score Mayo, lesauteurs ont comparé l’association d’un hémoccult positif(> 100 ng/mL) avec l’activité endoscopique. Il existait unecorrélation significative entre le pourcentage d’hémoccult

69

Page 5: Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICI

70

X Roblin, A Cavaille, L Clavel, S Paul

positif et la gravité endoscopique de la RCH : 92 % des hémoc-cults étaient négatifs en cas de score Mayo 0, 47 % en cas descore Mayo 1, et 13 et 12 % pour les scores Mayo 2 et 3.

Dosages pharmacologiques des anti-TNFLes taux résiduels des anti-TNF sont aujourd’hui dosables enpratique clinique par différentes techniques : Elisa, la pluscourante, actuellement commercialisée, radio immuno assay

(RAI), ou plus récemment mobility shift assay (HMSA). Les tauxd’anticorps anti-TNF (anti-infliximab [ATI] et anti-adalimumab[AAA]) sont dosables par le même type de technique. Lespremiers tests Elisa rendaient la recherche de ces anticorps« non concluante » en présence de taux résiduels d’anti-TNFsériques positifs. Le risque est de sous-estimer ces anticorps enprésence d’anti-TNF en raison de la formation de complexesantigènes-anticorps impossibles à doser. La technique HMSAdose les anticorps quel que soit le taux sérique d’anti-TNF. Dansune étude belge récente, les auteurs montrent que la dif-férence est peu évidente en pratique clinique et que chacunedes techniques apportent des éléments positifs et négatifs. Lechoix doit être fonction de la faisabilité locale et du coût dechaque technique. L’intérêt de ces dosages dépend de laquestion posée.

Association avec une rémission clinique

Concernant les dosages d’infliximab, toutes les études mon-trent que les taux résiduels d’IFX (TRI) sont plus importants encas de rémission clinique. Dans une étude de cohorte, Paul et al.[11] montraient que les TRI moyens étaient significativementplus élevés en cas de rémission clinique, tant dans la MC quedans la RCH. Dans ce travail utilisant une méthode Elisa (The-radiag), après analyse par AUROC, le seuil discriminant était de2 mg/mL. Ce seuil varie en fonction des techniques. Ainsi, celuichoisi par l’équipe de Louvain avec une technique Elisa localeest de 3 mg/mL.Pour le taux résiduel d’ADA, Karmiris et al. [12] constataient queles taux moyens étaient plus élevés chez les patients porteursde MC et en réponse clinique à S24, et ce de manière signi-ficative. Inversement, les taux d’ADA n’étaient pas prédictifs dela réponse à court terme. Selon, Roblin et al. [13], ces taux sontsignificativement plus élevés en cas de rémission clinique sous-ADA, tant dans la MC que dans la RCH.Les taux d’ATI sont associés à une perte de réponse cliniquesous-infliximab et à une augmentation des effets secondaires.C’est la conclusion de la méta-analyse de Nanda et al. [14].Dans la MC, les taux d’ATI étaient significativement associé à unéchec (OR : 3,2 [1,89–5,5], p < 0,01). Les résultats n’étaientpas significatifs dans la RCH, probablement par manque depuissance statistique. Il faut noter que cette méta-analyse étaitmarquée par une grande hétérogénéité statistique. Concernantles taux d’AAA, West et al. [15] montraient que, dans la MC, lepourcentage de réponse clinique sous-adalimumab était

supérieur à 80 % en l’absence d’AAA, et inférieur à 20 % enprésence de ces anticorps (p < 0,05).

Association avec la cicatrisation muqueuse

Dans une étude observationnelle, l’équipe de Louvain montraitque les taux résiduels d’IFX étaient significativement plusélevés en cas de cicatrisation muqueuse qu’en l’absence decicatrisation, dans une cohorte de plus de 200 patients souffrantde MC. Concernant l’adalimumab, Roblin et al. [13] observaient,dans une étude sur 40 patients atteints de MICI, que les tauxmoyens d’ADA étaient significativement plus élevés chez lespatients ayant une cicatrisation muqueuse, tant dans la MC quedans la RCH (p < 0,05).

Concept Delta IFX et ADA après optimisationthérapeutique

L’optimisation thérapeutique est fréquente sous anti-TNF. Sous-infliximab, la perte de réponse est estimée à 30 % la premièreannée puis à 13 % par an, et sous-ADA à 20 % par an. Aprèsoptimisation thérapeutique, deux études [11,16] ont montréque les patients répondeurs à l’IFX avaient un Delta IFX (TRIaprès optimisation moins le TRI avant) significativement plusélevé que les patients non répondeurs pour lesquels le delta IFXrestait nul. Pour l’ADA, Karmiris et al. [12] retrouvaient desrésultats similaires avec un delta significativement plus élevéchez le patient répondeur à l’optimisation thérapeutique.

Prédiction de réponse thérapeutique à long terme

Bortlik et al. [17] ont analysé les taux résiduels d’IFX à S14 chez84 patients porteurs de MC et traités en induction par cet anti-TNF. Chez ceux qui avaient un TRI > 3 mg/mL, la probabilitécumulée de rester en rémission sous-traitement était signifi-cativement plus élevée que ceux dont le TRI était en dessous dece seuil (p < 0,001). Ces résultats sont comparables dans laRCH. Ainsi, dans une cohorte de 135 patients atteints de RCH,les TRI à S14 étaient très prédictifs d’une rémission cliniquedurable sous-infliximab (p = 0,002).

Intérêt dans la désescalade thérapeutique

De nombreux patients sont actuellement traités par combo-thérapie associant un anti-TNF et un immunosuppresseur. Unedésescalade thérapeutique doit se discuter à un momentdonné.Dans l’étude STORI [6], les auteurs ont inclus des patients traitéspar combothérapie depuis au moins 12 mois et en rémissionclinique depuis au moins 6 mois. Dans cette étude en ouvert,les patients ont arrêté l’infliximab. Le but de ce travail étaitd’analyser les taux de rechute sous-thiopurines seules à moyenterme et d’isoler les facteurs associés à une rechute. La moitiédes patients vont rechuter dans les 18 mois. Plusieurs facteursindépendants sont associés à la rechute. Parmi eux, un tauxd’infliximab > 2 mg/mL à l’arrêt constituait un facteur signifi-catif associé à une rechute au cours du suivi. Dans une étude en

tome 43 > n81 > janvier 2014

Page 6: Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICI

Mis

ea

up

oin

t

Figure 2

Stratégie thérapeutique chez les patients en échappement thérapeutique sous-infliximab, avec taux résiduel d’infliximab bas ouindétectable

Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICIBiomarqueurs

miroir [18], l’équipe de Louvain a arrêté les immunosuppres-seurs en cas de combothérapie. Quand les patients avaient unTRI > 5 mg/mL, le taux de récidive à moyen terme sous-IFX seulétait nul. Quand le TRI était détectable mais < 5 mg/mL, lesauteurs notaient un taux de récidive de 30 % environ. Inver-sement, les patients ayant un TRI indétectable rechutaient tousà court terme.

Impact dans l’optimisation thérapeutique

Actuellement, les conférences de consensus recommandentl’optimisation d’une molécule avant un changement de théra-peutique chez un patient en perte d’efficacité clinique.Les données de la littérature sont variables. En présence d’ATIsans TRI, l’équipe de la Mayo Clinic [19] montre une très nettesupériorité pour le changement par rapport à l’optimisation.Ben-Horin [20] propose l’ajout d’immunosuppresseur qui per-met de diminuer les ATI, d’augmenter les TRI et ainsi derécupérer une rémission clinique sans augmentation des

Figure 3

Stratégie thérapeutique chez les patients en échappement thérapeudétectables

tome 43 > n81 > janvier 2014

doses d’IFX. En l’absence d’ATI et de TRI, l’optimisation théra-peutique est le traitement de choix.En présence de TRI détectable, si certains ne contre indiquentpas l’optimisation [11], il est clair que la réponse dépendprobablement des taux d’ATI. Il est possible que la coprescrip-tion d’une optimisation de dose avec un immunosuppresseurpuisse être utile. Malgré tout, c’est sans doute dans ce groupequ’un changement par une autre classe de biothérapie que lesanti-TNF doit se discuter. Les figures 2 et 3 résument lespropositions d’optimisation en fonction des biomarqueurs.

Intérêt des dosages d’anticorps de typeANCA et ASCAL’ensemble des marqueurs immunologiques (ou sérologiques)des MICI ont un rôle diagnostique d’une colite indéterminée(rectocolite hémorragique vs maladie de Crohn). Parmi les plusutilisés, on note les anticorps anti-cytoplasme des polynucléai-res (ANCA) et les anticorps anti-Saccharomyces cerevisiae

71

tique sous-infliximab avec des taux résiduels d’infliximab

Page 7: Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICI

72

Figure 4

Association entre la réponse immune à un antigène microbien et l’apparition d’une complication grêlique au cours de la maladie deCrohn

X Roblin, A Cavaille, L Clavel, S Paul

(ASCA). Si la présence des ASCA est significativement plusfréquente dans la MC (environ 70 %), elle peut se voir dansla RCH (20 %) et dans d’autres pathologies (maladie de Behçet,cirrhose biliaire. . .). Pour les ANCA, en revanche, leur présenceest significativement plus élevée dans la RCH (60 % vs 25 %)mais n’est pas non plus spécifique d’une MICI. C’est pourquoi,leur impact diagnostique devant une symptomatologie diges-tive n’est pas suffisant, tant en sensibilité qu’en spécificité,pour les rechercher. Inversement, en cas de colite indéter-minée, la présence d’anticorps de type ANCA et ASCA permetd’orienter le diagnostic vers une rectocolite hémorragique(ANCA+/ASCA�) ou une maladie de Crohn (ANCA�/ASCA+)et leur recherche combinée présente une sensibilité moyenned’environ 85 % et une spécificité de 85 % [21].Concernant leur intérêt pronostique, une seule étude permet dedistinguer des formes avec des profils évolutifs différents àpartir d’une cohorte pédiatrique [22] (figure 4). En réalisant lasomme des taux d’anticorps isolés au cours de la MC chezl’enfant, les formes les plus évolutives (sténose, perforation,

Références[1] Van Rheenen PF, Van de Vijver E, Fidler V.

Faecal calprotectin for screening of patientswith suspected inflammatory bowel disease:diagnostic meta-analysis. BMJ 2010;341:c3369.

[2] Henderson P, CasKennedy NA, KingstThe diagnostic accurtin during the inve

indication chirurgicale) semblent celles ayant les taux d’ASCAles plus élevés [22].L’arrivée de nouveaux anticorps notamment anti-glycans pour-ront peut-être à l’avenir laisser plus de place à ces marqueursen pratique clinique.

ConclusionLes biomarqueurs de l’inflammation et pharmacologiques desanti-TNF ont leur place dans la prise en charge des MICI. Desétudes interventionnelles en cours permettront de mieuxcerner leur place en pratique clinique. Sera-t-il possibleaméliorer les patients en rémission clinique mais avec desbiomarqueurs élevés ? Pourrons-nous optimiser les patientssous anti-TNF si les taux pharmacologiques ne sont pasprésents alors que la maladie est en phase quiescente ?L’avenir proche nous le dira.

ey

one

acy

stiga

Déclaration d’intérêts : Roblin X : Abbvie, MSD, Theradiag, HAC Pharma ;Paul S : Theradiag, MSD ; Cavaille A et Clavel L déclarent ne pas avoir deconflits d’intérêts en relation avec cet article.

A, Lawrence SJ,K, Rogers P et al.of fecal calprotec-tion of suspected

pediatric inflammatory bowel disease. AmJ Gastroenterol 2012;107:941-9.

[3] Schoepfer AM, Beglinger C, Straumann A,Trummler M, Vavricka SR, Bruegger LE et al.Fecal calprotectin correlates more closely

tome 43 > n81 > janvier 2014

Page 8: Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICI

Mis

ea

up

oin

t

with the Simple Endoscopic Score for Crohn’sdisease (SES-CD) than CRP, blood leukocytes,and the CDAI. Am J Gastroenterol 2010;105:162-9.

[4] Nancey S, Boschetti G, Moussata D, Cotte E,Peyras J, Cuerq C et al. Neopterin is a novelreliable fecal marker as accurate as calpro-tectin for predicting endoscopic diseaseactivity in patients with inflammatorybowel diseases. Inf lamm Bowel Dis2013;19:1043-52.

[5] D’Haens G, Ferrante M, Vermeire S, Baert F,Noman M, Moortgat L. Fecal calprotectin is asurrogate marker for endoscopic lesions ininflammatory bowel disease. InflammBowel Dis 2012;18:2218-24.

[6] Louis E, Mary JY, Vernier-Massouille G,Grimaud JC, Bouhnik Y, Laharie D et al.Maintenance of remission among patientswith Crohn’s disease on antimetabolitetherapy after infliximab therapy is stopped.Gastroenterology 2012;142:63-70.

[7] Mao R, Xiao YL, Gao X, Chen BL, He Y, Yang L.Fecal calprotectin in predicting relapse ofinflammatory bowel diseases: a meta-ana-lysis of prospective studies. Inflamm BowelDis 2012;18:1894-9.

[8] Jürgens M, Mahachie John JM, Cleynen I,Schnitzler F, Fidder H, van Moerkercke Wet al. Levels of C-reactive protein areassociated with response to infliximab the-rapy in patients with Crohn’s disease. ClinGastroenterol Hepatol 2011;9:421-7.

[9] Molander P, af Björkesten CG, Mustonen H,Haapamäki J, Vauhkonen M, Kolho KL et al.Fecal calprotectin concentration predictsoutcome in inflammatory bowel diseaseafter induction therapy with TNFa blockingagents. Inflamm Bowel Dis 2012;18:2011-7.

[10] Nakarai A, Kato J, Hiraoka S, Kuriyama M,Akita M, Hirakawa T et al. Evaluation ofmucosal healing of ulcerative colitis by aquantitative fecal immunochemical test. AmJ Gastroenterol 2013;108:83-9.

[11] Paul S, Del Tedesco E, Marotte H, Rinaudo-Gaujous M, Moreau A, Genin C et al.Therapeutic drug monitoring of infliximaband mucosal healing in inflammatory boweldisease: a prospective study. Inflamm BowelDis 2013;19:2568-76.

[12] Karmiris K, Paintaud G, Noman M, Magde-laine-Beuzelin C, Ferrante M, Degenne Det al. Influence of trough serum levels andimmunogenicity on long-term outcome ofadalimumab therapy in Crohn’s disease.Gastroenterology 2009;137:1628-40.

[13] Roblin X, Marotte H, Rinaudo M, Del Tedesco E,Moreau A, Phelip JM et al. Association betweenpharmacokinetics of adalimumab and mucosalhealing in patients with inflammatory boweldiseases. Clin Gastroenterol Hepatol 2013(doi:pii: S1542-3565(13)01050-1).

[14] Nanda KS, Cheifetz AS, Moss AC. Impact ofantibodies to infliximab on clinical outcomesand serum infliximab levels in patients withinflammatory bowel disease (IBD): a meta-analysis. Am J Gastroenterol 2013;108:40-7.

[15] West RL, Zelinkova Z, Wolbink GJ, Kuipers EJ,Stokkers PC, van der Woude CJ. Immunoge-nicity negatively influences the outcome ofadalimumab treatment in Crohn’s disease.Aliment Pharmacol Ther 2008;28:1122-6.

[16] Vande Casteele N, Gils A, Singh S, OhrmundL, Hauenstein S, Rutgeerts P et al. Antibodyresponse to infliximab and its impact onpharmacokinetics can be transient. Am JGastroenterol 2013;108:962-71.

[17] Bortlik M, Duricova D, Malickova K, Mach-kova N, Bouzkova E, Hrdlicka L et al.Infliximab trough levels may predict sustai-ned response to infliximab in patients withCrohn’s disease. J Crohns Colitis 2012. http://dx.doi.org/10.1016/j.crohns.2012.10.019(pii: S1873-9946(12)00456-4).

[18] Drobne D, Bossuyt PJ, Breynaert C, VandeCasteele, Compernolle G. Crohn’s disease:infliximab trough levels and CRP duringinfliximab-immunomodulator combinationtreatment are associated with clinical out-come after immunomodulator withdrawal.Gastroenterology 2011;140:S-62.

[19] Afif W, Loftus EVJr, Faubion WA, Kane SV,Bruining DH, Hanson KA et al. Clinical utilityof measuring infliximab and human anti-chimeric antibody concentrations in patientswith inflammatory bowel disease. Am JGastroenterol 2010;105:1133-9.

[20] Ben-Horin S, Waterman M, Kopylov U,Yavzori M, Picard O, Fudim E et al. Additionof an immunomodulator to infliximab the-rapy eliminates antidrug antibodies in serumand restores clinical response of patientswith inflammatory bowel disease. Clin Gas-troenterol Hepatol 2013;11:444-7.

[21] Peeters M, Joossens S, Vermeire S, VlietinckR, Bossuyt X, Rutgeerts P. Diagnostic value ofanti-Saccharomyces cerevisiae and antineu-trophil cytoplasmic autoantibodies in inflam-matory bowel disease. Am J Gastroenterol2001;96:730-4.

[22] Mow WS, Vasiliauska EA, Lin YC, FleshnerPR, Papadakis KA, Taylor KD et al. Associa-tion of antibody responses to microbialantigens and complications of small bowelCrohn’s disease. Gastroenterology 2004;126:414-24.

Intérêt des biomarqueurs dans la prise en charge des MICIBiomarqueurs

tome

73

43 > n81 > janvier 2014