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+ Models MYCMED-452; No. of Pages 5 Pour citer cet article : Therby A, et al. Intérêt du dosage de l’antigène galactomannane dans le diagnostic et le suivi de l’histoplasmose disséminée à Histoplasma capsulatum var. duboisii au cours du VIH : enseignement à partir d’un cas clinique. Journal De Mycologie Médicale (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.01.002 CAS CLINIQUE/CASE REPORT Intérêt du dosage de l’antigène galactomannane dans le diagnostic et le suivi de l’histoplasmose disséminée à Histoplasma capsulatum var. duboisii au cours du VIH : enseignement à partir d’un cas clinique Aspergillus galactomannan assay for the management of histoplasmosis due to Histoplasma capsulatum var. duboisii in HIV-infected patients: Education from a clinical case A. Therby a , O. Polotzanu b , D. Khau a , S. Monnier a , A. Greder Belan a , O. Eloy b, * a Service de me ´decine interne, maladies infectieuses et tropicales, centre hospitalier de Versailles, 78150 Le Chesnay, France b Parasitologie, unite ´ de microbiologie, de ´ partement de biologie, ho ˆpital Andre ´-Mignot, centre hospitalier de Versailles, 177, rue de Versailles, 78157 Le Chesnay, France Rec¸u le 15 octobre 2013 ; rec¸u sous la forme re´vise´e le 6 December 2013; accepte´ le 6 janvier 2014 MOTS CLÉS Galactomannane ; Histoplasma capsulatum var. duboisii ; Histoplasmose africaine ; VIH Résumé Le diagnostic de l’histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. capsulatum repose sur l’examen direct par la mise en évidence de levures capsulées bourgeonnantes à base étroite. L’antigénémie galactomannane est une aide au diagnostic et permet le suivi des patients sous traitement. Le cas d’une patiente séropositive pour le VIH, originaire du Congo Brazzaville, présentant une forme disséminée d’histoplasmose africaine, a permis de mettre en évidence la positivité de l’antigène galactomannane aussi dans cette pathologie due à H. capsulatum var. duboisii. L’antigénémie galactomannane est restée élevée avec une très lente décroissance sous traitement antifongique, parallèlement à la lente régression des lésions cliniques. L’histoplas- mose africaine est une maladie rare, de diagnostic difficile, peu décrite chez les sujets Journal de Mycologie Médicale (2014) xxx, xxxxxx * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Eloy). Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com 1156-5233/$ see front matter # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.01.002

Intérêt du dosage de l’antigène galactomannane dans le diagnostic et le suivi de l’histoplasmose disséminée à Histoplasma capsulatum var. duboisii au cours du VIH : enseignement

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CAS CLINIQUE/CASE REPORT

Intérêt du dosage de l’antigènegalactomannane dans le diagnosticet le suivi de l’histoplasmose disséminéeà Histoplasma capsulatum var. duboisiiau cours du VIH : enseignement à partird’un cas cliniqueAspergillus galactomannan assay for the management ofhistoplasmosis due to Histoplasma capsulatum var. duboisii inHIV-infected patients: Education from a clinical case

A. Therby a, O. Polotzanu b, D. Khau a, S. Monnier a,A. Greder Belan a, O. Eloy b,*

a Service de medecine interne, maladies infectieuses et tropicales, centre hospitalier de Versailles, 78150 LeChesnay, Franceb Parasitologie, unite de microbiologie, departement de biologie, hopital Andre-Mignot, centre hospitalier deVersailles, 177, rue de Versailles, 78157 Le Chesnay, France

Recu le 15 octobre 2013 ; recu sous la forme revisee le 6 December 2013; accepte le 6 janvier 2014

MOTS CLÉSGalactomannane ;Histoplasma capsulatumvar. duboisii ;Histoplasmose africaine ;VIH

Résumé Le diagnostic de l’histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. capsulatum reposesur l’examen direct par la mise en évidence de levures capsulées bourgeonnantes à base étroite.L’antigénémie galactomannane est une aide au diagnostic et permet le suivi des patients soustraitement. Le cas d’une patiente séropositive pour le VIH, originaire du Congo Brazzaville,présentant une forme disséminée d’histoplasmose africaine, a permis de mettre en évidence lapositivité de l’antigène galactomannane aussi dans cette pathologie due à H. capsulatum var.duboisii. L’antigénémie galactomannane est restée élevée avec une très lente décroissance soustraitement antifongique, parallèlement à la lente régression des lésions cliniques. L’histoplas-mose africaine est une maladie rare, de diagnostic difficile, peu décrite chez les sujets

Journal de Mycologie Médicale (2014) xxx, xxx—xxx

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (O. Eloy).

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

1156-5233/$ — see front matter # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Therby A, et al. Intérêt du dosage de l’antigène galactomannane dans le diagnostic et le suivi de l’histoplasmosedisséminée à Histoplasma capsulatum var. duboisii au cours du VIH : enseignement à partir d’un cas clinique. Journal De Mycologie Médicale(2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.01.002

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immunodéprimés, chez qui les diagnostics différentiels peuvent être nombreux. Cette observa-tion souligne l’intérêt du dosage de l’antigène galactomannane chez les patients ayant séjournéen zone d’endémie. Comme dans le cas d’H. capsulatum var. capsulatum, la positivité del’antigénémie galactomannane constitue une aide importante au diagnostic et dans le suivithérapeutique.# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSGalactomannan;Histoplasma capsulatumvar. duboisii;African histoplasmosis;HIV

Summary The diagnosis of histoplasmosis due to Histoplasma capsulatum var capsulatum isbased on a direct examination identifying encapsulated yeast with narrow-based budding.Galactomannan antigenemia facilitates diagnosis, as well as the monitoring of patients receivingtreatment. The case of a HIV-positive patient from Congo-Brazzaville with a disseminated formof African histoplasmosis highlighted the positive galactomannan antigen in this disease due toHistoplasma capsulatum var duboisii. Galactomannan antigenemia remained high with a veryslow decrease during antifungal therapy and slow regression of clinical lesions. African histo-plasmosis is a rare disease that is difficult to diagnose and rarely described in immunocompro-mised patients, in whom differential diagnosis can be common. This observation underlines theimportance of the galactomannan antigen assay in patients who have travelled to endemic areas.As in the case of Histoplasma capsulatum var capsulatum, the positivity of the Aspergillusgalactomannan antigen is very useful in the diagnosis and monitoring of African histoplasmosis.# 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

2 A. Therby et al.

Introduction

Le diagnostic de l’histoplasmose à Histoplasma capsulatum(Hc) variété duboisii repose sur la mise en évidence delevures avec un halo périphérique très évocateur ainsi qu’unbourgeonnement à base étroite, sur les frottis ou les biopsiestissulaires (peau, ganglions. . .). La positivité de l’antigènegalactomannane a été rapportée dans la littérature avecH. capsulatum var. capsulatum, constituant une aide audiagnostic et au suivi des patients atteints de cette mycose[14] dont le tableau clinique est proche de la tuberculose.Nous rapportons ici le premier cas d’histoplasmose africainedisséminée avec antigène (AG) galactomannane positif, chezune patiente congolaise, séropositive pour le VIH.

Observation clinique

Une femme de 33 ans, originaire du Congo Brazzaville, enFrance depuis quelques mois, se présente en août 2006 pourdes lésions cutanéomuqueuses disséminées, de type vésicu-lopustuleux, parfois érosives et évoluant depuis 2 semaines.Une séropositivité VIH1 est alors découverte (CD4 = 28/mm3,charge virale à 5 log) faisant débuter une prophylaxie pri-maire par cotrimoxazole. Les lésions cutanées à type devésicules, positives pour HSV2 en PCR, s’améliorent partiel-lement sous traitement anti-herpétique. En septembre 2006,apparaissent une altération fébrile de l’état général et devolumineuses adénopathies périphériques, associées à unenouvelle évolutivité des lésions cutanées (pustules nécroti-ques et nouures). Les prélèvements cutanés à visée micro-biologique avec recherches virologiques, bactériologiques,mycoparasitologiques et à la recherche de mycobactériessont négatifs. L’histologie montre un infiltrat dermique par-tiellement suppuré. Les prélèvements bronchiques distauxet le lavage broncho-alvéolaire, réalisés devant la persis-tance d’infiltrats parenchymateux, sont non contributifs. Unpremier AG galactomannane (Platelia Aspergillus EIA, Bio-Rad1, Marnes-la-Coquette, France) est faiblement positif

Pour citer cet article : Therby A, et al. Intérêt du dosage de l’antigènedisséminée à Histoplasma capsulatum var. duboisii au cours du VIH : ens(2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.01.002

(index : 0,8), non confirmé sur un second sérum. L’histologieganglionnaire rapporte une adénite nécrosante et granulo-mateuse, d’aspect tuberculoïde (coloration de Ziehl néga-tive). Une quadrithérapie antituberculeuse est alors débutéefin septembre, avec une bonne évolution initiale des gan-glions et de la peau.

La patiente est perdue de vue, avant que le traitementantirétroviral puisse être instauré. Elle est revue en mai2007, avec une quasi-régression des adénopathies périphéri-ques mais l’apparition de nouvelles lésions cutanées demême type. À noter que les cultures mycobactéries sontrestées négatives. Elle est finalement hospitalisée enurgence le 20 novembre 2007 avec, à nouveau, une altérationmajeure de l’état général en contexte fébrile et des lésionscutanées nodulaires ombiliquées et ulcéro-nécrotiques dif-fuses depuis 2 mois. Cette éruption s’accompagne de volu-mineuses adénopathies inflammatoires dans toutes les airesganglionnaires, dont une adénopathie inguinale gauche fistu-lisée à la peau.

La radiographie de thorax retrouve un syndrome interstitielbilatéral. Le scanner objective l’existence de polyadénopa-thies nécrotiques périphériques et abdominopelviennes,d’une hépatosplénomégalie homogène et d’images cavitairespulmonaires possiblement séquellaires avec infiltrats paren-chymateux distaux d’aspect plus récent. La scintigraphieosseuse est normale. Les biopsies ganglionnaires montrentdes lésions granulomateuses histiocytaires et gigantocellulai-res avec des colorations de PAS et Grocott très positives.L’examen direct et les cultures sur Sabouraud (30 8C) desganglions, des lésions cutanées et de l’aspiration bronchiquefourmillent de levures caractéristiques de grande taille(Fig. 1). Après envoi au CNR mycologie et antifongiques,l’identification confirme H. capsulatum var. duboisii(Fig. 2). L’AG galactomannane est alors très positif (index :4,9). Aucune autre infection fongique décelable avec un autrechampignon produisant du galactomannane n’est décelée. Untraitement antifongique par amphotéricine B liposomale à ladose de 3 mg/kg par jour est commencé le 22 novembre 2007.À j12 de traitement, la patiente présente un tableau cervical

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Figure 1 Examen direct : Histoplasma capsulatum var. duboisii forme levure.Direct smear: Histoplasma capsulatum var. duboisii yeast.Photo transmise par le Dr Francoise Dromer du Centre national de reference des mycoses et antifongiques (CNRMA), Institut Pasteurde Paris.

Figure 2 Histoplasma capsulatum var. duboisii forme filamen-teuse obtenue en culture.Histoplasma capsulatum var. duboisii filamentous in culture.Photo transmise par le Dr Francoise Dromer du Centre nationalde reference des mycoses et antifongiques (CNRMA), InstitutPasteur de Paris.

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compressif avec dyspnée laryngée, dysphonie, troubles de ladéglutition, et syndrome de Claude Bernard-Horner, nécessi-tant des bolus de corticoïdes pendant 24 h. L’évolution estensuite rapidement favorable sur le plan cutané, ganglion-naire et de l’état général. L’apparition (à S3) de douleursépigastriques et de vomissements réfractaires aux traite-ments antiémétiques fait réaliser une FOGD, révélant uneœsophagite ulcérée, une importante gastrite et des ulcéra-tions blanchâtres atones du second duodénum. L’examenanatomopathologique des biopsies duodénales retrouverades granulomes tuberculoïdes avec des structures fongiquesà type de levures bourgeonnantes faisant évoquer une loca-lisation digestive de l’histoplasmose. L’AG galactomannaneest peu diminué (index : 3,3).

Six semaines après la mise sous amphotéricine B liposo-male, on assiste à une nouvelle poussée ganglionnaire cervi-cale sans retentissement général, ni nouvelle lésion cutanée.L’imagerie ne montre pas d’évolution au niveau des adéno-pathies qui apparaissent nécrotiques. La mise à plat chirur-gicale ramène un tissu granulomateux histiocytaire etgigantocellulaire avec présence encore de très nombreuseslevures à l’examen direct et en culture. L’évolution post-opératoire est cependant simple et devant un état généralsatisfaisant et la complète régression des troubles digestifs,un relais par itraconazole (400 mg/j) est réalisé le 16 janvier2008 (soit à S8) avec une bonne tolérance clinique. Unetrithérapie antirétrovirale (ténofovir, FTC, lopinavir, ritona-vir) est finalement débutée le 24 janvier 08 (S9) et la patientesort à domicile le 5 février 2008.

Les suites cliniques sont marquées, dans un premiertemps, par une évolution fluctuante du volume des adénopa-thies, notamment inguinales et cervicales, avec fistulisationchronique au niveau de la cicatrice d’adénectomie. L’obser-vance et la tolérance des antirétroviraux sont médiocres. LesCD4 sont à 30/mm3 (CD4/CD8 : 0,05) avec une CV VIH à

Pour citer cet article : Therby A, et al. Intérêt du dosage de l’antigènedisséminée à Histoplasma capsulatum var. duboisii au cours du VIH : ens(2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.01.002

81 000 copies à 1 mois du début du traitement. L’AG galac-tomannane reste élevé, avec un index fluctuant entre 2,1 et3,6. Après 6 mois de traitement antifongique, on note untarissement des fistules ganglionnaires et une lente diminu-tion de la taille des adénopathies. Les lésions cutanées

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4 A. Therby et al.

ombiliquées diffuses persistent à l’identique. L’AG galacto-mannane est stable (index: 2,7). L’itraconazole est poursuivià la dose de 400 mg/j. Les dosages au pic (H + 4) et enrésiduelle sont dans les limites recommandées : 407 ng/mL d’itraconazole et 555 ng/mL d’hydroxy-itraconazole àl’instauration du traitement à T4 h, mais sont un peu élevéeslors de la réévaluation quatre semaines après. La résiduelleest de 784 ng/mL en itraconazole et de 938 en hydroxy-itraconazole, supérieure à 1000 ng/mL au total témoignantd’un profil de faible métaboliseur. Au plan VIH, lacompliance au traitement est toujours mauvaise, avec desCD4 bas et une charge virale non contrôlée (entre 4 et 5 log)malgré un génotype de résistance vierge. La patiente estensuite perdue de vue pendant 2 ans.

Elle revient en urgence, en septembre 2010, en grandealtération de l’état général, cachectique, fébrile, avec uneré-aggravation des lésions cutanées, des troubles digestifs àtype de nausées-vomissements et diarrhées non glairosan-glantes. Le traitement antirétroviral a été interrompu depuis3—4 mois mais la patiente dit avoir poursuivi l’itraconazole.Les CD4 sont à 40/mm3, la CV à 80 000 copies, l’antigénémiegalactomannane faiblement positive à 0,6. Le bilan infec-tieux objective : une candidose œsophagienne, une réplica-tion EBV (4 log), une diarrhée à Isospora belli. On retrouvedes adénopathies sus- et sous-diaphragmatiques, des imagespulmonaires à type de dilatations séquellaires des broncheset surtout une image aérique « en grelot » de la lingula. Labiopsie cutanée montre la présence de levures évoquantHistoplasma à l’examen direct (culture négative). Lesprélèvements respiratoires sont envahis par Candida albi-cans. Un traitement par ambisome (100 mg/j) est repris le25 septembre 2010. La patiente décèdera en réanimation le2 octobre 2010, dans un tableau de défaillance multivi-scérale sur sepsis à staphylocoque doré à point de départd’un cathéter central.

Discussion

L’histoplasmose africaine, due à H. capsulatum (Hc) var.duboisii, se distingue par sa répartition géographique et parsa présentation clinique. Elle est endémique en AfriqueCentrale et de l’Ouest (Congo/RDC, Nigéria, Ouganda,Sénégal. . .). Sa physiopathologie reste mal connue. La trans-mission se fait essentiellement par voie respiratoire, plusrarement par inoculation cutanée directe. Contrairement àla forme liée à Hc var. capsulatum, elle reste rare, décritesurtout chez les sujets immunocompétents. Paradoxale-ment, malgré la pandémie VIH en Afrique, il existe peu deséries concernant les patients séropositifs dans la littéra-ture. Cliniquement, elle se présente classiquement sous laforme d’un tryptique, associant une atteinte cutanée, gan-glionnaire et/ou osseuse [4].

Les formes disséminées semblent plus fréquentes chez lespatients VIH+ [9]. Le diagnostic différentiel avec uneatteinte tuberculeuse est parfois difficile.

L’identification de H. capsulatum (Hc) var. duboisiirepose sur l’examen direct, à l’état frais de levures bour-geonnantes capsulées, de grande taille, à base étroite. Ceciest souvent le fait de laboratoires spécialisés. Elle peut aussiêtre mise en évidence en anatomopathologie après colora-tion au PAS ou Grocott. La culture est une méthode d’une

Pour citer cet article : Therby A, et al. Intérêt du dosage de l’antigènedisséminée à Histoplasma capsulatum var. duboisii au cours du VIH : ens(2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.01.002

grande sensibilité (73 %) chez les sujets originaires de régionsd’endémie [2], comme c’était le cas pour notre patiente.Mais elle peut être mise en défaut [4].

La culture nécessite plusieurs semaines et un laboratoirede sécurité de type P3 car la contagiosité de la formefilamenteuse obtenue pourrait être aussi importante qu’avecH. capsulatum var. capsulatum. Il existe d’autres méthodesdiagnostiques, parmi lesquelles la recherche d’anticorpsspécifiques. Mais la sérologie est de faible sensibilité(50 %) chez les patients immunodéprimés, notamment séro-positifs pour le VIH [8,15], et se positive à partir de la 6e

semaine (« fenêtre sérologique »). Des réactions croiséessont observées avec Hc var. capsulatum mais aussi avecd’autres champignons dimorphiques (Blastomyces dermati-tidis, Coccidioides immitis, Paracoccidioides brasiliensis,Penicillium marneffei) [2]. La détection des antigènes cir-culants d’Histoplasma dans le sang et les urines n’est pasdisponible pour l’instant en Europe. Elle a été développéepour Hc var. capsulatum et validée chez les sujets immu-nodéprimés, pour le diagnostic et le suivi thérapeutique.Mais il existe de nombreux faux négatifs, en raison d’unefaible sensibilité de la méthode. Certains auteurs préconi-sent d’améliorer la sensibilité par un prétraitement deséchantillons par la chaleur en présence d’EDTA [18]. Elleest par contre très spécifique [16].

D’autres dosages sériques ont été proposés pour aider audiagnostic, et pourraient être une alternative à la détectiondes antigènes circulants d’Histoplasma comme le bêta-D-glucan, puisque certains auteurs ont montré qu’il étaitaugmenté lorsque l’antigénémie Histoplasma était positive[5]. Il décroît sous traitement efficace, mais il n’est passpécifique. Il est fortement augmenté aussi dans les infec-tions bactériennes, d’autres infections fongiques ou dans lessyndromes inflammatoires [15]. Enfin, la PCR, non disponibleen routine, pourrait être une méthode prometteuse [12].Bien qu’elle soit développée en général pour détecter Hc var.capsulatum, elle croise avec Hc var. duboisii [7]. Une étudemulticentrique comparant les différentes méthodes de PCRétablit la sensibilité de ces méthodes à 86 % et la spécificité à100 %, la PCR en temps réel étant la plus efficace pourdétecter l’ADN d’Histoplasma [3].

La détection du galactomannane sérique, polysaccharidede la paroi fongique du genre Aspergillus, utilisé dans lediagnostic de l’aspergillose invasive du sujet immunodé-primé peut être utilisé pour le diagnostic de l’histoplasmose,et pour le suivi de ces patients [15,13]. Ceci a été constaté enpremier pour des cas d’histoplasmose à Histoplasma cap-sulatum var. capsulatum [14]. Nous rapportons ici la pre-mière observation clinique d’histoplasmose africaine àH. capsulatum var. duboisii avec détection de l’AG galacto-mannane, chez une patiente VIH+.

L’interprétation de la positivité de ce test, comme dans lecas de suspicion d’aspergillose, doit aussi prendre en compteles nombreuses réactions croisées possibles [6,10,11,17],comme le traitement des patients par pipéracilline—tazo-bactam. Une des origines possibles de cette fausse positivitépourrait être la contamination de lots d’antibiotique parPenicillium qui produit aussi cet antigène, mais seulP. marneffei, provenant d’Asie du Sud-Est peut donnerdes infections pulmonaires chez l’immunodéprimé [1].

L’antigénémie galactomannane, faiblement positive audébut de la prise en charge de notre patiente, est restée

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élevée pendant toute la période de suivi, avec une très lentedécroissance sous traitement antifongique, parallèle à lalente régression des lésions cliniques. Quatre ans plus tard,sous itraconazole a priori poursuivi mais dans un contexte deprofonde immunodépression VIH, il persiste des lésions cuta-nées et un index de positivité faible à 0,6. Comme décrit pourHc var. capsulatum [15], la cinétique de l’AG galactoman-nane semble corrélée à l’évolutivité clinique [13].

Conclusion

L’histoplasmose africaine est une pathologie rare, dont lediagnostic est difficile et nécessite l’expérience de laboratoi-res spécialisés. Elle est peu décrite chez les sujets immunodé-primés, notamment séropositifs pour le VIH, chez qui lesdiagnostics différentiels peuvent être nombreux. Notre obser-vation souligne l’intérêt du dosage de l’AG galactomannanechez les patients originaires ou ayant séjourné en zone d’endé-mie, suspects d’histoplasmose africaine. Dans ces situations,comme pour Hc var. capsulatum, la positivité de l’anti-génémie galactomannane pourrait constituer une aideintéressante dans le diagnostic et le suivi thérapeutique.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Remerciements

Aux membres du CNRMA, en particulier le Pr Olivier Lor-tholary, le Dr Françoise Dromer et Madame Déa Garcia-Hermoso. Au soutien pour publication accordé par le CentreHospitalier de Versailles.

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Pour citer cet article : Therby A, et al. Intérêt du dosage de l’antigènedisséminée à Histoplasma capsulatum var. duboisii au cours du VIH : ens(2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.01.002

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