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1 Roman Monde Virtuel « Je vous avais prévenu Il ne faut pas lire ce livre ! » Christian Mahaux

Je Vous Avais Prévenu, Il Ne Faut Pas Lire Ce Livre! A

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L'auteur Christian Mahaux à ce jour est Praticien et Enseignant en Hypnose Evolutive et Ericksonienne. Gérant du Centre Quintessence de Gradignan (Bordeaux), il exerce et partage de bien belles découvertes au travers de ses rencontres professionnelles, amicales et celles incontournables de ses voyages."Monde Virtuel. Je vous aurez prévenu, il ne faut pas lire ce livre" est sont troisième roman, sorti au Etats Unis et réédité pour la France dans une nouvelle version, après "L'Idée ou le secret de soi", publié aux Editions Edilivre (Paris) et "L'Amour Etalon" publié aux Editions 6ème [email protected]://c-mahauxhypnose.jimdo.com

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Roman

Monde Virtuel

« Je vous avais prévenu

Il ne faut pas lire ce livre ! »

Christian Mahaux

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CHRISTIAN MAHAUX

Monde Virtuel

« Je vous avais prévenu,

Il ne faut pas lire ce livre… »

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IBSN : 978-2-9550103-1-0

Ed. 6ème SENS

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Aujourd’hui, c’est le premier jour de l’année.

« Je viens de m’acheter un tracteur pour cette nouvelle année,

c’est mon cadeau pour ce premier jour de l’an. Je me l’offre

car j’ai envie d’être agriculteur en ce jour nouveau. J’ai envie

de retourner la terre, d’aérer le sol et de lui donner de

l’oxygène pour un retour aux sources. Comme chaque fois que

je la sens blessée, je m’interroge : que puis-je faire pour elle ?

On a tant pioché dedans, tellement puisé sans s’occuper de ses

réserves, qu’aujourd’hui, je veux revenir à mes fondements,

prendre acte de mes origines au travers d’elle. On lui a

tellement soutiré ses éléments, ses ressources, son

environnement qu’il faut maintenant s’occuper d’elle en ce

début d’année. Peut-être prendre les mesures qui s’imposent.

Lui faire passer ce message que l’on pense à elle, que cette

année nouvelle, nous serons tous agriculteurs de notre portion

de sol, du carré de notre espace, de cette partie qui nous

entoure, de notre terre eau. Cette année, nous serons vigilants

aux cris qu’elle nous fait percevoir.

Avec ce tracteur virtuel, je me suis acheté un socle.

Indispensable pour retourner la terre. Je l’ai choisi en matière

noble… en bois. Bien sûr, il paraît fragile pour une telle

entreprise. Le cristal serait peut-être mieux adapté, mais suis-

je prêt à recevoir autant d’informations ? Il prendrait en

mémoire chaque cri de mottes, chaque passage de sillons, pour

quel décryptage ?

J’attelai le tout et me dirigeai vers le champ.

Il était là devant moi, vaste, beau et déjà bien propre. Il sentait

bon la bonne terre du matin, vous savez celle qui vous enivre

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avec son sol naturellement implanté. Je me suis demandé :

pourquoi ne pas tout laisser comme ça, en état ? Pourquoi

retourner ce lopin de terre qui est authentique : si beau, si

naturel, si libre. Surtout qu’elle se complète toute seule cette

belle nature. Pourquoi lui apporter une aide dont elle n’a

sûrement pas besoin ? Mais moi, n’ai-je pas besoin de sa

composition ?

Si je le laisse en l’état, que faire du tracteur et de son

socle déjà acquis ? Et puis si l’idée m’était venue en ce début

d’année d’accomplir cet acte, c’est qu’il y avait sûrement une

raison. Donc je restais sur ma première décision, j’allais

l’oxygéner et réorganiser son implantation. C’était le moment

de le faire, d’agir !

Il me fallait commencer par un bout du champ, mais par quel

bout ? Commence-t-on toujours par le bon bout ? Certains

iront de gauche à droite, d’autres l’inverse, mais presque tous,

incontournablement, nous irons de haut en bas. Suis-je un

boustrophédon ? Donc, je commençais à retourner la terre,

créant de belles meules avec ce socle affuté comme l’olivier du

matin, raide, perceptible dans sa dureté, l’ensemble tiré par

mon tracteur imaginaire. Ah, la belle nature se réveillait,

bienveillante, aimante!

Chaque motte se montrait consentante, à croire qu’elle

n’attendait que ça. Le bruit était agréable, le frottement de l’un

sur l’autre créait de l’envie. Je sentais bien de la participation

de tous les éléments ! N’était-ce pas ça le début de l’amour ?

Celui d’un flirt qui sans revers viendrait se forger d’une

action dans le temps, pour un moment ! Le temps d’une saison

ou d’une vie ? Qui sait, l’amour commence peut-être comme

ça, avec une idée virtuelle ! Sait-on toujours comment

commence l’amour ? Il se terminera là où il voudra, difficile de

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gérer l’immensité. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il aura

vécu un temps qui sera indélébile. Il saura qu’il existe par un

frottement d’air, qui suivant l’idée de composer, s’infiltre sur

le corps chaud, phénomène de transmission émis par le désir.

Devant tant de gloussements agréables, je décidais de

continuer le début de l’œuvre, d’un cœur léger. Il y avait

tellement de compréhension entre ce champ, sa belle nature et

moi que nous arrivâmes à une composition des plus simples.

De note en note, du poids du socle en glissement sur la surface,

la douceur du partage commençait. D’autant qu’un tracteur

virtuel ne fait aucun bruit, ne pollue pas. Il lui faut de la

participation, peut-être même de la résistance pour avancer,

au départ s’entend. Cette force et cette contre force qui

s’opposent dans une dualité, pour finir dans le lâcher prise et

mieux s’affirmer en suivant, pour accéder à l’équilibre parfait.

J’entendais le chant des oiseaux qui pénétrait dans le champ

de la création, celle de l’imagination !

La belle à peine touchée dégageait une bonne odeur, agréable

parfum du matin nouveau qui ne demande qu’à ce donner. Ce

socle qui graissait chacune des mottes, égalisant çà et là tous

les sons et les octaves, rectifiant les aigus par un ton grave,

validant de ce fait, que le moment est important. Aucune motte,

aucune note ne dépassait. Aucune ne se mettait en valeur.

L’ego n’existe plus chez la motte noble, quand tu es dans

l’équilibre parfait, tu n’as plus rien à démontrer. Au tout

début, elle se sentait importante, mais d’un aller/retour à

l’autre, du travail d’évolution à la concurrence d’effet, elle

comprit que pour satisfaire le véritable ego du laboureur, il

fallait devenir humble. Elle se donne comme ça maintenant

cette immensité, pour le plaisir de la participation ; pour

l’honneur du présent qui se composera dans le futur, juste pour

l’amour d’avoir été ! Le virtuel a cette possibilité, celle de faire

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oublier la concurrence pour un moment, un temps, et de

rectifier les choses à sa mesure. L’existence de la période de ce

monde autre, a cet avantage, il peut se construire n’importe

où : dans un salon, un bois, voire au bord de la mer. Tout le

monde y a accès, tout le monde peut aller vivre dans son

imagination. La création est peut-être née comme ça, du trop

pleins des actes concrets qui se sont déversés de son intérieur

et ont voulu en laisser une trace plus poétique.

Le champ fut donc retourné de cette manière, avec la douceur

insolente du jeune premier. Inouï ce mode de communication

qui faisait jalouser les mottes du champ voisin. On entendait

déjà un léger vent de protestation. « Pourquoi ne sommes-nous

pas retournées avec autant d’amour ? »

Pourquoi autant de connivence entre ces trois parties : le

laboureur avec son traceur équipé de son socle et de son

champ ? Le laboureur lui n’est rien d’autre que

l’assembleur… rien d’autre !

Retourner un champ, c’est bien, mais il faut passer à l’étape

suivante ; celle qui va donner la vie. Je fis amener les sacs de

semence.

Le soleil était là, brillant, il voulait participer à sa manière

avec sa lumière, ses rayons. Sans lui, il est vrai que rien ne

fonctionnerait, que cet acte entrepris serait vain. Les sacs en

attente au bout du chemin percevaient déjà qu’une opération

de création allait s’établir. Sur chacun des sacs était écrite une

lettre. Je devrais plutôt dire « était posée une lettre ».

L’alphabet ne s’écrit pas, il se pose et se compose ensuite.

Celui qui utilise toutes les lettres de ce dernier le sait.

L’écriture, ce n’est que de la cuisine, tous les ingrédients sont

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dans les vingt-six lettres. On ne sort pas de celles-ci, à moins

d’en inventer d’autres. Mais l’écrivain laboureur sait

lesquelles il faut prendre à l’instant de la composition. Il s’agit

de les utiliser, de les tortiller, et enfin d’élever l’ensemble

comme un soufflet pour les laisser se reposer là où elles

doivent l’être. Et tant mieux si elles se donnent bien,

s’identifient et se comportent en lettres réfléchies. Qu’un mot

soit de composition alphabétique pour donner une phrase

orthophonique reste la base du texte, suivie d’une autre, et

encore. Toujours plus de phrases bien constituées. C’est

comme ça que se construit un champ de texte académique,

d’une surface noircie par des lettres qui s’alignent et

constituent un manuscrit linéaire, propre et littéraire.

Car comme vous l’avez compris, mon champ virtuel est cette

feuille blanche que je cherche à meubler avec amour, avec des

graines appropriées, celles qui apportent la dimension d’un

texte. Pourquoi ? Le cultivateur ne peut rien vous dire pour

l’instant, il a disparu dans son imagination, dans sa nature !

Donc, les sacs s’alignaient les uns derrière les autres. Oh, ce

n’est pas original, le A fut mis en premier, puis le B, et ainsi de

suite. Comme vous voyez, on est bien loin d’une révolution. Ce

sera un champ sage, pas constitué d’OGM, mais d’ABC. L’idée

n’est pas de polluer la feuille, certains s’y prennent si bien,

chercher à les égaler est peine perdue.

Le soleil était radieux, il sentait bien que les prémices étaient

dignes de respect. Il n’en demandait pas plus le beau jaune

doré. Rayonner était son domaine et bien plus encore. Ce bel

astre voulait juste habiter une bonne cause, participer à sa

façon avec ses rayons. Il se bat depuis des millions d’années

avec cette participation de chaleur, celle d’établir une cause à

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effet pour un bien-être, aujourd’hui à peine perçu par

l’humain… quelque part, il participe à la composition. Il faut

profiter de son univers, le restreindre serait un manque de

savoir vivre, le plaisir existe pour être vécu.

Le sac, c’est le repère. L’important c’est la graine. Le terrain

était propre, prêt à enfanter. L’amour avait été mis en action,

c’était l’objectif principal que devait ressentir la petite graine.

L’astre participait abondamment, elle n’aurait pas froid. Elle

se sentie épaulée dans cette immensité, du jamais fait, ou du

jamais dit. Les graines furent triées une à une. Le sac A fut

avancé, puis le B, et ainsi de suite jusqu’au Z. Il suffirait du

moindre défaut, celui d’une constitution anormale et aussitôt

l’isolement s’installerait, le traceur chercherai une autre route,

une autre manière. Qu’est-ce qu’une bonne graine ? Celle qui

a de l’amour en soi, celle qui a l’envie de partager et de se

donner ! Celle qui va participer en sachant que le chemin est

plein d’embûches, mais au bout, il y aura une consécration,

une conclusion peut-être positive, une Vita Bella !

Une fois les sacs triés, j’allai chercher le bac à lettres et je

mélangeai le tout. Là pour celles-ci c’était le bonheur à l’état

pur. Se retrouver ensemble, se frotter déjà aux idées nouvelles.

Savoir qu’il allait y avoir participation. La définition du

bonheur c’est peut-être çà, se mélanger aux autres sans intérêt,

créer la fusion entre la pensée et la volonté de composer. Elles

ne sentaient en rien le fruit du hasard, plutôt celui de la

participation inventive. Elles s’excitaient entre elles, c’était à

celle qui serait la plus belle, celle qui sortirait la première

pour composer la première lettre du texte. Laquelle serait la

majuscule ? Elles ne revendiquaient rien, mais rappelaient au

passage l’importance qu’elles avaient eue dans une autre vie,

un autre passage, un texte mémorisé ou tout simplement dans

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une autre référence. Elles se frottaient les unes aux autres,

dégageant au passage beaucoup d’énergie. La lettre Q lorgnait

sur le X ! Allait-on avoir des images déflorantes, celles de

l’émotion des premières rencontres ? Car de l’émotion, il

fallait en avoir pour aller vers un texte qui se devait être

brillant. Pour composer, c’est la condition première : vouloir

faire du beau, mais aussi du dérangeant. Sinon, ça ne sert à

rien de trier les graines si c’est pour se donner sans

participation. Du plagiat peut suffire pour le copiste qui n’en a

que le nom. Un nom ça sert bien sûr, mais il vaut mieux avoir

de bonnes petites graines bien implantées dans sa tête, règle

fondamentale pour l’inventif, avec le risque de rester inconnu !

Le terreau était en attente, s’humidifiant par le flot des

neurones percutants, gonflant comme une veine pour mieux

laisser circuler le liquide. Pour quand le démarrage, celui du

grand départ ?

Pour partir, il faut une raison, pour écrire, une envie !

Commencer par se blottir dans le cerveau, puis laisser monter

l’acte. Un mauvais sujet peut vite donner le tournis, le bon,

emporte vers l’excitation, la transe. Ça se sent quand les mots

se poussent les uns aux autres, se bousculent, défilent trop

rapidement dans la tête, c’est le vertige qui s’installe. Si la

main s’exécute, c’est que la chimie opère. Le tout c’est d’aller

à l’alchimie, qui est une autre révélation. Fusionner avec son

intérieur, voilà le programme de l’instant qui doit emporter

l’ensemble comme un souffle d’évolution. Pour quel texte ?

Presque tout a été écrit par les grands ! Que reste-t-il à

inventer au nouveau-né qui pourrait intéresser le

contemporain conditionné par la facilité ? Pourquoi créer

quelque chose qui existe obligatoirement déjà quelque part ? A

moins de puiser dans la nature, puisque tout est là. Quelle

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farce peut-elle nous montrer que nous n’ayons pas encore

vue ?

Néanmoins, la main éprouve cette démangeaison du muscle qui

est en totale excitation de composer. Elle me dit de continuer,

vibre comme le diapason du musicien. Ne pas m’arrêter me

dit-elle, ne pas chercher maintenant une conclusion, ni un

autre chemin qui se découvrira bien tout seul. Elle me

demande de regarder autrement, car je suis passé ici mille fois

dans mon imagination, mais je sais que mes yeux n’ont pas vu

l’essentiel. Au moins, je participe aux plaisirs d’un de mes

membres. Pourvu que les autres ne soient pas jaloux et aient

l’envie de la même manifestation, ni qu’ils viennent à solliciter

le même effort tous en même temps ! Ma main insiste, tel le

cheval dans le gant de box qui sait que la balade va

commencer par un uppercut !

C’est le grand départ où se vit le stress qui crée l’excitation.

Alors pourquoi attendre plus, n’était-ce pas l’heure d’entrer en

action ? Pourquoi repousser, pourquoi attendre une autre

météo ? La pression s’exerçait comme le vortex de

l’anticyclone sur un rôle pas encore bien déterminé !

En entrant en terre, la graine sait qu’elle va disparaître. Elle

sait qu’elle n’aura plus l’usage de sa distinction. Elle ne sera

plus soumise à l’ordre établi de l’alphabet, elle va devenir

anonyme. Plus personne ne la voit dans le mot, sauf s’il y a une

faute de frappe, alors le rouge de l’observation la remettra en

évidence. Elle est confondue et disparaît, et pourtant sans elle

le mot n’est rien. Mais n’est-ce pas là le devenir de chacun ?

Disparaître au nom du groupe de la collectivité qui va

composer le message, celui qu’il faut passer ! Alors

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généreusement elle accepte, puisque c’est son rôle de s’accoler

aux autres, pour composer sujet, verbe et la phrase

incontournable. Sans eux, si tout est bien posé, il n’y aura pas

de réflexion du lecteur.

Le tracteur commença à arpenter des sillons bien droits, bien

meublés, bien accoudés, l’accord et l’apostrophe se jouant du

tout, à tour de rôle dans un jeu drôle. Sous l’œil de la

majuscule qui démarrait et encourageait les minuscules pour

exister, pour faire corps afin d’arriver au point qui clôturait

comme un pieu du bout de ligne. Aucune consigne ne fut

donnée, libre expression pour un libre sujet, qui ne sera qu’une

libre pensée. La plantation se fit automatiquement, chacun

rentrant en sol avec la liberté de bien faire, la bonne intention

de donner vie à l’expression recherchée, avec le désir d’exister

par le verbe, et bien plus d’exister autrement. Il y a tant de

façon de dire « je t’aime ». Beaucoup resteront à l’horizontale,

alors que c’est à la verticale qu’il faut conjuguer ! Mais la

bonne manière, c’est celle qui est ressentie comme l’acte

d’avoir touché avec le frisson qui fait que plus jamais la vie ne

sera comme avant. Il y a un avant, avant le premier « je

t’aime » et puis un après. Avant, il y a l’envie de l’exprimer,

après, l’envie de le démontrer. Pendant ce laps de temps, la

profondeur de la déclaration fera foi. L’instant d’une

déclaration reste cette extrême onction qui nous gouverne tous.

La composition sert à ça : à créer l’avant de l’après et à être

quand même au moment présent. Chaque façon devient la

bonne si elle est libre, l’important est le message à passer.

L’existence du texte est à ce prix. Difficile d’exister

authentiquement car les us et coutumes de l’actuelle

organisation, c’est de planter à la volée. De ce point de vue,

poussera qui voudra, du moment qu’une plante ressemble à

une autre et que le texte ne dérange pas l’institution avachie.

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C’est pour ça que les graines ne sont pas toutes utilisées, pour

ne pas gêner la constitution. Mais le citoyen peut ruser et

utiliser différents degrés d’induction, une métaphore n’est pas

souvent comprise par l’intellectuel, il croit tellement tout

savoir qu’il ne voit pas le deuxième niveau. L’effort de

concentration nécessaire pour comprendre le message, puis à

s’épuiser jusqu'à la nausée comme le scribe qui se donne à

fond, extrayant chaque mot, broyant le passage de trop, puis le

retournant pour mieux l’aplatir, afin qu’il prenne forme et

qu’il convienne.

Pour l’astre, son bagage solaire représente sa mission. C’est

son existence de transmettre qui est importante, celle

d’accompagner un chemin, une idée, ou tout simplement une

vie. Aucun papier à montrer, aucune validité de

reconnaissance n’est nécessaire. Il existe, point ! Ça devrait

suffire au laboureur créateur pour le comprendre.

Le champ fut rempli. Il était beau de loin, bien aligné, bien

propre, bien corrigé. Mais était-ce assez pour que le champ

sorte du terroir ? Une récolte dépend autant du travail effectué

que de l’originalité de la plantation. Une tulipe autre que celle

du pays des moulins à vent a-t-elle le droit d’exister ? La

polygale faux-buis ne vit-elle que dans les Pyrénées? Un savoir

est-il nécessaire pour respirer ? Une façon de faire se suffit à

elle-même ! Pourquoi vouloir toujours tout expliquer, tout

démontrer ? Quelle appréhension de croire que l’on puisse

être un jour un écrivain, sûrement la peur de se trouver sur le

devant de la scène, entre feuille et crayon et attendre

l’autographe. Attendre, éprouver une émotion avec son propre

texte est déjà une belle aventure, déjà la condition première

d’exister. Comme un souvenir d’enfant, il faut pleurer sur ses

maux pour leur donner le bon sens. Je les sors, les extirpe,

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étrangle la formation qui se présente ! Une contestation est en

moi. Le monde ne se déroule pas comme je veux, alors la

plume s’énerve, crie et insulte. Le trac qui est dans les tripes,

qui torture déjà, alors qu’il n’y a encore rien de palpable !

Annonciateur le texte ? Il dit qu’il va se passer quelque chose,

que l’accouchement est proche. Je devrais écrire sous

péridurale, ce serait moins douloureux. Ça me permettrait de

siffloter en regardant mes mots qui se posent, en me disant que

c’est un autre qui compose et que je ne suis en rien

responsable de ce chaos. Je ne suis qu’un interprète un peu

fiévreux qui veut faire son malin. Mon agacement est mon

ressort, je n’en suis que le reflet.

Tout le monde se laissa aller, la biochimie opéra. La plantation

terminée, tout fut recouvert, il fallait laisser reposer le sol. La

couverture posée, le manuscrit se referma pour se préserver de

tout prédateur susceptible de le corriger à sa manière.

Le soleil disparut pour un moment, le temps que le cycle se

fasse, laissant à l’horizon la belle se dévoiler pour un autre

regard. Pleine lune, super ! Le texte n’en sera que plus

féminin, ne serait-ce pas déjà une histoire d’amour ? La nuit et

la lune sont les deux ingrédients indispensables à la réflexion.

Est-ce le silence qui les entoure qui leur donne une autre

disposition ? Ou la nuit oblige-t-elle à rester plus en

intérieur ? Pourquoi a-t-on peur d’aller plus loin la nuit ?

Pourquoi fait-elle peur ? L’espace d’en bas avait bien été

respecté, en haut ils en étaient agréablement surpris.

L’intervalle fidèle des bons sillons pouvait s’exclamer.

Bien sûr ce n’est qu’une expérience comme une autre, comme

tout passage dans cette vie. L’amour se donne à cette

condition, de bien vivre l’expérience offerte, de bien

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l’appréhender, de ne pas passer à côté. Regarder sa vie en

coucher de soleil, pour mieux se raviver le matin. Conscient

qu’au bout c’est beau, que quand cet astre se couche, quelque

part aux confins de l’infini c’est un autre temps qui se

compose, un autre mouvement, une autre complainte, pour une

autre sève !

Un rayon de Lune intervint pour dénoter une anomalie, une

allocution l’indisposait. On dut reprendre le passage mal

disposé. Elle a ce côté féminin plus obsessionnel, plus intuitif.

Ne pas respecter les remarques de la Lune nous contraindrait

à des représailles. Elle est habituée à gérer le monde avec sa

face cachée, donc on se plie à ses désidérata, sinon !

N’oublions pas qu’elle a créé l’ondulation, pour le vague à

l’Ame, celui d’une autre composition. Si elle nous réveille la

nuit, il y a une raison, c’est qu’elle a obligatoirement un

message à passer. Il faut en tenir compte, c’est la

compréhension de tout créateur, celui d’être à disposition de

son intuition, ou de toute autre force de composition. Les

artistes naissent comme ça, avec cette mise à disposition

constante, c’est pour ça qu’ils sont difficiles à vivre, jamais

disponibles, sauf pour l’écoute de l’au-delà ou de leur

intérieur. Pour l’artiste, l’humain ne reste qu’une expérience,

la vie un espace de guérison. Pour les autres c’est parfois plus

difficile à comprendre, sauf si l’on fonctionne à l’identique.

Alors la vibration entre en résonance et s’infiltre partout si la

rencontre s’opère entre deux êtres de même constitution. Rare

est cette implication, rare est le double qui entre dans cette

situation sans broncher.

Puis au matin, la rosée vint. Un passage se dérobe sous les

yeux attentifs du lecteur de la vie, et laisse le visiteur ou le

spectateur surpris.

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Une larme coule, c’est plutôt bon signe, c’est que l’émotion est

présente. L’eau n’est-elle pas le symbole même de la vie ? Si

l’eau perle, c’est qu’elle mémorise déjà le passage à l’acte.

L’eau mémorise tout, elle imprime tous les sentiments, toutes

les gratitudes, tous les ressenties. Peut-être la conjugaison du

verbe aimer fut-elle trop forte, ou trop développée ? Aurais-je

créé l’émotion, ou bien est-ce un lot d’eau qui est arrivé en flot

pour nous dire que la vie était perçue autrement, qu’elle avait

oublié de vivre ? L’émotion créa la larme pour ça, pour

envahir une joue, celle de la belle qui avec ses yeux qui brillent

voit tout autour d’elle, la Dauphine est présente pour lire ce

texte. L’eau qui coule est-elle l’arme reconnaissante qui donne

une bonne impression ? Est-ce un signe que le champ est de

bonne production ? Bon, il ne faut pas s’enflammer non plus...

D’autres ont déjà aussi creusé des sillons identiques.

Il faut laisser la nature opérer. Le temps appartient maintenant

aux forces externes qui sauront savourer ou non le fruit, celui

de la récolte qui est bien trop tôt présente et pas assez mûre.

Mon histoire est prête, je peux vous la raconter !

Une histoire ! Une sorte d’envie de dire des choses sans les

prononcer à voix haute, l’écrit à cette possibilité, de se lire

avec celle du bas.

Du Cosmos à l’abîme, cette lecture pourra-t-elle faire changer

de voie ? »

De toute façon, « je vous avais prévenu, il ne faut pas lire ce

livre. »

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La panne !

Ce jour-là, Siméon était bien embêté, indécis serait le terme le

plus exact, et surtout très interrogatif !

Il était assis, conscient et ennuyé. C’était la troisième fois qu’il

se retrouvait dans cette position inconfortable, ou du moins

dans cette situation… pour le moins dérangeante. Les deux

premières fois où il avait connu une situation similaire, il ne

s’était pas trop posé de questions, juste il était resté un peu

perplexe par rapport à la situation qu’il vivait. A l’instant où le

phénomène était apparu, rapidement il avait mis en place la

mesure qui s’imposait, entre autre celle obligatoire ! Celle qui

est incontournablement à mettre en action quand ce processus

opère.

En réfléchissant par la suite à cette époque passée, il se dit qu’il

avait un peu trop précipité les choses.

Cette fois, il ne voulait en rien se presser, il voulait prendre son

temps et comprendre. Il était figé dans ses actes, et en même

temps il voulait s’imposer le recul nécessaire pour analyser

cette situation pour le moins embarrassante.

Pourquoi ?

Il regarda l’heure qui était affichée sur son horloge digitale à

l’entrée de la pièce, juste au-dessus de la porte du coin de

rangement. Huit heures ! Sa tête lui semblait être dans du

coton, dans une espèce de doux bruit de bouillonnement. Pas

fort, pas dérangeant ce bruit, mais particulièrement bizarre.

L’adjectif le plus approprié, ce serait : pas commun ce

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ressenti ! Une forme de résonance intérieure, comme si c’était

le vide qui l’habitait. Pas habituel non plus cet état intérieur.

Une journée ordinaire comme celle-ci, il s’était programmé

pour aller rejoindre son ami Rouan, avec lequel il avait prévu

un match de tennis sur home vidéo. Bien qu’ils puissent jouer à

distance en restant chacun chez eux, ils avaient décidé de se

voir, de passer une partie de la journée ensemble à faire

fonctionner leurs petits doigts musclés sur un clavier, et de

s’exciter les neurones de cette façon.

Mais voilà, cette situation étrange le contraignait à voir les

choses autrement. Au lieu d’aller jouer avec son pote, il devait

rester attentif à sa propre évolution.

Les deux dernières fois, Siméon avait vite exécuté la séquence

d’urgence. Puis après coup, dans les jours qui avaient suivi, il

s’était posé beaucoup de questions pour comprendre comment

et pourquoi il avait géré la situation de cette façon, sans trop

réfléchir. Il regrettait un peu son geste vif, son automatisme si

bien appris, si bien réglé. Il avait mis en application la règle qui

devait lui faire reprendre le cours de sa vie normalement. Là,

assis aujourd’hui, il se posait la question différemment, à voix

haute, comme pour se donner de la contenance :

-Y a-t-il vraiment urgence à appeler ? Et si j’attendais un peu ?

Ҫa faisait maintenant plus de trois quarts d’heure qu’il était

soumis à ce nouvel environnement, bizarre, mais pas

inconfortable. Son calme le surprenait, il s’en fit la remarque.

Pourquoi était-il aussi serein devant une situation qui en temps

ordinaire paniquait complètement son contemporain ?

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Ses yeux se baladaient dans la périphérie de la pièce, regardant

chaque objet, chaque décoration, chaque perception différente

de l’habituel. Il était parfaitement conscient de son état,

parfaitement au courant des risques physiques qu’il encourait,

et encore plus des obligations qu’il ne prenait pas en compte

vis-à-vis des instances supérieures.

Avec calme, il se leva doucement, fit le tour de la pièce, se

glissa dans celle voisine, puis revint sur ses pas, poussa

délicatement la chaise qui obstruait le passage, créant ainsi un

chemin pour accéder à une porte-fenêtre qui s’ouvrit d’elle-

même devant sa simple présence, et il se glissa dehors. Il

regarda avec attention son petit jardin clôturé par un mur assez

haut de couleur bleu et vert vif. Il s’assit sur une margelle en

faux bois, qui dans le passé avait été mise là pour supporter une

plante en fibre de verre. Puis il parcourut comme quelques

minutes plus tôt le panorama qui s’offrait devant lui, toujours

avec le même calme, la même disposition à s’imprégner du lieu

et à chercher à comprendre ce qui se passait en ce moment. Il

cherchait aussi à amplifier ses sensations nouvelles.

Le soleil était déjà bien haut, il inondait en partie la parcelle du

jardin synthétique attenant à sa maison. Siméon était justement

dans cet espace qui lui apportait habituellement beaucoup de

confort, et où brillait de mille feux ce soleil si cher à sa

personne, si majestueux. Cet Astre si beau et tant aimé de lui et

de bien d’autres. Tout en regardant en direction de l’Astre, il

parla à voix haute de nouveau :

- Que dois-je faire ? Toi qui brille de mille éclats, de là-haut,

dis-moi : dois-je rester dans tes rayons et attendre… pour voir ?

Ou bien dois-je me précipiter pour alerter ma hiérarchie sur

mon état ?

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Il dit ceci tout en tournant la tête vers la belle sphère ronde,

jaune d’or, après avoir fermé ses paupières pour protéger ses

iris si précieux.

- Tu ne me donnes pas de réponse ! Pourquoi suis-je si calme ?

Pourtant dans peu de temps je vais mourir, je dois mourir !

Pourquoi suis-je si serein ? Pourquoi penserais-je qu’il y a une

autre solution ? Toi que je vénère, dis-moi où est le vrai, où est

le faux ! Pourquoi ai-je un pressentiment qu’une autre solution

existe ? Dis-moi !

Son regard était revenu sur ses deux mains vides, laissant

chacun de ses doigts se palper, visionnant l’ensemble avec

détachement, comme si c’était l’affaire d’un autre. De nouveau,

il scruta le jardin. Chacun de ses gestes était soumis à un effort

peu commun. Le simple fait de regarder un objet des plus

classiques l’obligeait à s’attarder sur cet acte, assurer une

présence visuelle peu coutumière. Il avait cette impression de

ralenti, de mouvements lents, comme des morceaux de calme

qui se détachaient l’un de l’autre et qu’il pouvait décrypter

séparément.

Il s’amusa de cette situation. Il sentait bien l’action de ses

doigts qui exerçaient une pression sur l’autre main, il palpait

comme pour voir si toutes les sensations du toucher se faisaient

bien sentir. Il reprit son monologue.

- Je suis bien en ce moment, et dans moins d’une heure je ne

serai plus de ce monde. En même temps, j’ai du mal à croire

que je vais partir rejoindre ceux du passé qui ont existé comme

moi. Pourquoi aurais-je un doute sur ce départ ?

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De l’endroit où il était assis, il voyait parfaitement l‘horloge

digitale dans la maison. Il se fit la réflexion que l’expression

« le temps est compté » était une véritable affirmation, surtout

pour lui en ce jour de fin de chemin. Fin de vie ! Jamais il

n’avait pensé avant à cette dernière journée. A son jeune âge en

début de vie, cela restait encore l’affaire des autres. Une belle

mort est-elle la conclusion d’une belle vie ? Là, sa petite vie

courte aurait une petite conclusion, sûrement de même acabit !

Etait-il si superficiel pour laisser partir son Ame aussi

rapidement ?

Il était confortablement installé au soleil. Il aimait cette

température du matin, où l’Astre savait chauffer à point sa

surface humaine, sans brûler les contours de son corps dévêtu.

Car Siméon avait le corps nu, juste un caleçon long qui le

protégeait sur le bas, mais rien en haut, d’où ce plaisir de se

faire parcourir par les rayons qui lui donnaient cette impression

de bien-être. Il aimait ce soleil par-dessus tout. Quand Siméon

était petit, c’était son confident. L’astre majestueux savait tout

de lui. Siméon lui avait tout dit, tout demandé, tous ses

questionnements sur l’espèce humaine, sur ses manques et ses

envies. Il ne lui cachait rien, mais lui de si haut percevait-il

bien les choses ? Siméon était persuadé que son beau soleil

voyait tout, donc autant tout lui dire directement, ça lui

éviterait de chercher ! Les rayons servaient peut-être à ça, à

toucher tout le monde, à mettre de la lumière dans les corps !

C’est en se levant deux heures plus tôt que Siméon avait

constaté son anomalie. Et plutôt que de s’installer dans ce

calme au soleil, il aurait dû, en tout état de cause, s’agiter et

courir pour donner l’alarme. Mais en fait il fit l’inverse, ne

déclencha aucune procédure. Bien au contraire, il s’était

installé sereinement dehors, comme vous le constatez.

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Les humains ont parfois cette manie de faire l’inverse des

enseignements reçus. Dans le cas présent, c’était plutôt des

obligations reçues ! Car il était déjà coupable de ne pas se

manifester à sa hiérarchie de cet état, ce qui allait provoquer sa

mort. Enfin en théorie, car il jouait avec le temps ; son espoir

était quand même de rester en vie. Jouer avec sa vie n’était pas

non plus le terme approprié, car la vie n’est en rien un jeu. Un

spectacle, oui. Même une expérience pour certains. Un

montage séquentiel qui équilibre ou non un parcours, ça oui !

Mais là dans ce cas précis, le jeu pouvait rapidement tourner à

l’erreur, au drame. Car partir si jeune de ce monde en serait un,

irréparable. Mourir pour vouloir défier une théorie, sa théorie !

Car personne dans son entourage n’hypothèquerait une unité

pour cette approche intellectuelle. On meurt de maladie, de

vieillesse, d’accident, parfois de connerie, mais partir juste

pour savoir et voir si ce que l’on a dans la tête est juste !

D’autant que dans un des deux cas, on ne sait plus rien ; quant

à voir ?

Siméon était jeune, trente-trois ans. Il avait obtenu ce trophée il

y avait un mois pile. Trente-trois ans et un mois. Dans un mois,

il aurait donc cet âge et deux mois, enfin, si tout allait bien, ce

qui n’était pas le cas à cet instant précis. Il était dans ses

réflexions, quand instinctivement ses yeux ne purent

s’empêcher d’aller voir celle qui comptait ce fameux

espace/temps, l’horloge temporelle. Encore une demi-heure à

peine et il allait toucher l’heure fatidique, celle du grand départ.

Ҫa de la peine, il allait en faire en quittant son monde. Cet

univers qu’il aimait bien quand même, qu’il ne comprenait pas

toujours certes, car ses questionnements étaient permanents sur

son contemporain, ce bipède qui fonctionnait souvent à

l’envers. Il s’interrogeait autant sur lui que sur les autres. Il

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avait su s’adapter doucement dans ces espaces virtuels, pas à

pas dans sa vie. Il était entré dans cette vie par un petit portail,

et avait commencé à regarder s’ébattre devant lui son

semblable, pour constater qu’il ne lui ressemblait guère,

s’interrogeant souvent sur : mais qu’est-ce que je fais là ?

Aujourd’hui était un jour différent, il était résolu à faire cette

expérience qui validerait une idée qu’il avait toujours eue en

tête. Il allait de soi que s’il avait tort, il ne validerait rien du

tout, ce serait les autres qui s’en chargeraient justement. Pari

audacieux quand même !

S’il y avait départ au-delà de l’horizon, au moins un copain

allait le regretter. Cet individu-là, c’était obligatoire qu’il allait

devenir orphelin. Rouan ne savait rien faire sans Siméon. Il le

consultait sur tout et pour tout. Parfois Siméon lui disait qu’il

serait bien temps qu’il trouve un peu d’autonomie, qu’il se

prenne en charge, que la vie et le destin parfois obligent à se

séparer, et que dès à présent, à trente-six ans, ce dernier devrait

prendre ses décisions seuls. Il l’encourageait bien évidemment

à essayer de s’adapter à sa vie, qui ne devait en rien être la

copie de celle de Siméon. Mais voilà, Rouan avait trouvé un

repère, son copain était sa référence.

Siméon pensait à ce dernier, puis aux autres, ceux qu’ils

connaissaient moins bien, mais qui étaient aussi importants

dans ses relations. Son coach, celui qui avait l’obligation de

tuteur, serait sûrement triste. Peut-être aussi sa dernière amie

qu’il avait rencontrée le jour de son anniversaire dans cette

grande soirée de « l’anniversaire du jour ». Soirée organisée

quotidiennement pour tous ceux dont l’anniversaire tombait à

cette date. Et comme le système de jour est cyclique, tous les

jours, il y avait cet évènement, donc tous les jours, des

individus se rencontraient pour fêter ensemble le passage d’une

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année supplémentaire qui se présentait d’office, sans effort. Il

avait trouvé ce jour-là cette femme à son goût, et il lui avait fait

une proposition. Elle avait accepté.

Il était pensif sur la belle dernière, quand son regard projeté au

loin alla se fixer dans le fond de son jardin. Il regardait toujours

avec cette façon vagabonde, le regard imprécis, tout en restant

assis sur la margelle en faux bois. Quelque chose brillait,

comme une pépite restée au sol, ou un objet métallique qui

usait de ses reflets. Siméon n’avait pas envie de se lever, pas

assez de force, du moins le pensait-il ! Comment avoir assez

d’énergie pour faire les dix mètres nécessaires pour satisfaire

sa curiosité ? Il lui aurait fallu de l’élan qu’il n’avait plus. Il

devait déjà satisfaire sa mort proche, si en plus il devait y

ajouter un autre ingrédient, celui de marcher, le départ n’allait

plus être de tout repos. D’autant que s’il y avait un départ

définitif, Siméon souhaitait qu’il se passe dans le calme, la

sérénité, peut-être dans une forme de douceur pour bien la

consommer.

- Une chose à la fois, surtout si c’est la dernière, autant

s’appliquer plutôt que de se disperser.

Siméon avait toujours été comme ça, posé et curieux. On lui

en avait fait le reproche à de multiples reprises dans sa

jeunesse, il avait même été puni petit pour ce défaut de

curiosité. Mais voilà, comme il le disait, on ne se refait pas.

Autour de lui, certaines personnes lui avaient expliqué à

l’époque de son adolescence :

- Si tu ne modifies pas rapidement ton comportement, nous en

modifierons une partie, celle de la base, la souche génétique.

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Là Siméon n’avait pas rigolé, même jeune, il savait que c’était

tout à fait possible cette reprise, aussi avait-il mis son côté

artistique entre parenthèses. Il valait mieux arriver à l’âge

adulte, au moins aux yeux des autres, dans de bonnes

conditions. Entre proches ou avec ses amies, il aimait jouer de

certaines situations qui le rendaient assez original et digne

d’intérêt. Il réfléchit et se dit que c’était sûrement ça que

l’ensemble de ses amies et amis regretteraient le plus, dans

maintenant quinze minutes, son côté fantaisiste. C’était peut-

être ça l’ironie qu’il apporterait à son départ, sa petite touche

finale d’insolence au sort. Mourir en bonne santé ! Pour le côté

fantaisiste, c’était difficile de faire mieux ! Mourir en pleine

possession de ses moyens ! Difficile d’être plus original quand

même. La mort allait voir arriver un individu prêt à faire la

fête… à péter le feu !

Le Soleil déjà plus haut brillait de mille feux sur l’objet, créant

des éclats sur le sol, avec des reflets scintillants. Siméon s’en

fit la remarque.

- Toi aussi tu insistes, tu me le montres et me le cibles cet

objet pour que je ne le vois que mieux. Tu aiguises ma

curiosité ? Tu suscites mon interrogation ? Suis-je obligé de

faire un effort avant de mourir ? Je ne peux même pas partir

dans l’autre vaste étendue en restant assis là, tranquillement !

S’il s’était installé dehors au soleil pour le grand départ,

c’était : un, parce qu’il s’était dit qu’il serait mieux en présence

de son Astre préféré, c’était quand même mieux que de partir

de l’ombre. Deux, il s’était dit qu’en tombant, il ne se ferait pas

de mal, car le sol était doux à cet endroit, moelleux sur la

pelouse synthétique verte. Il se savait douillet et prenait ses

précautions.

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- Mourir, oui ! Souffrir, non !

Il hésita un instant devant ce qu’il faut bien appeler ; l’appel de

l’objet. Devant une telle brillance qui clignotait sans cesse, que

pouvait-il faire ? Les reflets lui dilataient la pupille, il sentait

l’obligation d’aller vers la découverte. Il devait prendre en

compte qu’il lui fallait soulever son fessier. Il se réinterrogea :

pouvait-il couper à cette curiosité ? Alors, doucement, il fit

l’acte de se lever. Comme le radin qui donne une pièce et qui

espère que la fin du monde arrivera avant que la main tendue

n’obtienne l’obole, il se raidit sur ses deux jambes. Debout, il

resta comme ça une grosse minute, pour voir de quel côté il

allait tomber. A sa grande surprise, il tenait sur ses deux

guibolles poilues, qu’il voyait parfaitement en regardant le sol.

Ses pieds dans deux petits chaussons bientôt orphelins tenaient

parfaitement l’ancrage. Surpris de l’exploit, il se demanda à

une heure aussi proche de son arrêt final, si le déplacement de

ses deux supports pouvait créer l’acte d’avancer. Alors

doucement, il mit un pied devant l’autre, ce qui bien sûr, vous

vous en doutez, créa le déplacement, et ceci dans le sens de

l’objet convoité. Au fur et à mesure qu’il s’approchait de la

brillance, il vit qu’en rien ce n’était un minéral prétentieux qui

scintillait sans fondement comme certains humains de la

couche « m’as-tu vu » ! Devait-il aller voir une autre richesse

qui aurait pu lui apporter en valeur personnelle quoi que ce soit

sur son départ final ? Siméon n’avait aucun bien, sauf son bien-

être, il allait partir nu, comme le jour de son arrivée… il y a

trente-trois ans et un mois… et quelques heures. Aucun bien,

juste son âge et sa personne. A vrai dire c’était aussi la

coutume dans son monde !

Siméon, placé au-dessus de l’objet, comprit qu’il devait

maintenant se baisser pour obtenir ou au moins voir à quoi elle

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ressemblait, cette brillance. Il voyait déjà comme un bout de

capot, ou une enveloppe avec une fermeture en métal. Il se fit

la remarque que c’était à cause d’un bout de ferraille qu’il

devait faire tout ce remue-ménage et tous ces efforts ! Il avait

dû faire tout ce chemin pour un petit bout de ferraille

saupoudré de lumière qui se reflétait dessus. Il se baissa quand

même, puisse qu’il était là. Là, les choses n’étaient pas

gagnées. Il mit sa main sur l’ensemble et vit qu’en fait c’était le

haut d’une partie peu visible qui ressemblait à un coffre ou une

grande boîte. De ce fait, il s’assit à côté de la découverte et

commença avec ses mains à déblayer l’objet en déplaçant cette

sorte de sable et de terre poudreuse légère. L’ensemble fut

enlevé facilement. Plus il retirait ce conglomérat et plus l’objet

se découvrait. L’ensemble apparut plus important qu’à

première vue, plus profond aussi.

- Il ne manquerait plus que je trouve un trésor dix minutes

avant de mourir, ce serait fou quand même ! Vivre simplement

toute sa vie et mourir riche dans ses derniers instants. Ou bien

un cadeau avant le grand départ ? C’est peut-être comme ça à

chaque fois ? Le cadeau d’adieu !

Il se releva, toujours attentif à ses gestes, et disparut dans une

petite réserve placée à l’entrée de la maison, un petit débarras

en polyester. Il ouvrit la porte, sortit un outil en fer et revint

vers sa découverte. Il commença à taper le sol fragile avec cet

outil pour dégager l’objet encore enterré au trois-quarts. Il

ronchonna à haute voix :

- Ils m’obligent à travailler dans mes derniers instants ! Tu

parles d’un monde ! Jusqu’au bout je serai l’esclave. J’aurais

pu au moins faire appel à mon robot !

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Il se tut, se faisant la remarque que juste avant de mourir, le

silence était quand même le bienvenu. Il commença à

transpirer, ce qui ne lui arrivait jamais, ou si peu.

- Il va falloir que je m’habitue à ce nouvel environnement : le

silence !

Pourtant déjà, il s’était posé plusieurs fois la question ! Etait-ce

comme on le lui avait dit ? Est-ce que dans l’autre monde tout

était silencieux ?

Les minutes passaient, et Siméon creusait autour de ce qui était

maintenant la découverte du jour, un coffre ! Dans un effort

ultime, il extirpa l’ensemble du sol. Assis devant ce qu’il faut

bien appeler une surprise de dernière minute, il en oublia même

le temps.

- Oublier de mourir, de partir, tu parles d’une supercherie, il

faut le faire quand même !

Vous comprenez pourquoi les autres le trouvaient original. Il

aurait fait des siennes jusqu’au bout, oubliant jusqu'à l’heure de

son dernier souffle !

Sans se soucier le moins du monde de ce fameux temps, il

cherchait maintenant à ouvrir cette fameuse boîte. Elle lui

résistait, l’effrontée ! Il pensa qu’elle pourrait au moins avoir

la délicatesse de lui montrer son secret. Un genre de boulon

résistait aux tractions qu’exerçaient Siméon. Parfaitement en

place, il bloquait toute ouverture et accès au contenu. Siméon

se releva pour de nouveau se glisser vers le petit cabanon, là ou

reposaient divers outils indispensables au bricoleur qu’il n’était

d’ailleurs pas. Devant la porte, il ne put s’empêcher de jeter un

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coup d’œil sur la pendule, qui ne se souciait en rien de son

facteur temps et continuait à défiler, à trotter en silence.

- Tiens, je suis toujours vivant ! Ҫa fait dix minutes que je

devrais être parti. Vraiment, ils veulent savoir là-haut ce qu’il y

a dans la boîte. Tu vas voir : à peine je vais révéler au monde le

contenu qu’ils vont m’envoyer dans l’au-delà. D’ici qu’ils

disent que c’est grâce à eux, tu vas voir… il n’y a qu’un pas !

Il remarqua d’ailleurs qu’il se déplaçait plutôt bien, de mieux

en mieux, qu’en fait oubliant qu’il devait partir vers l’autre

monde, il se sentait mieux. Son comportement lui parut bizarre.

Il ne trouvait pas la pince ou l’outil approprié pour régler son

différent avec le boulon, et commençait à s’énerver, oubliant sa

situation mortelle.

- Tu parles d’un merdier dans ce bocal ! Ah, dans une autre

vie, je serai plus ordonné, c’est vraiment difficile de trouver un

truc dans tout ce bazar quand on est pressé.

Il finit par dénicher une pince et un genre de marteau, qui se

dit-il, feraient l’affaire.

Il revint au pied du coffre, s’assit de nouveau en face de la

boîte et commença à exercer une force sur le boulon qui

résistait comme un coquin. Au bout d’un moment, ce fut la

patte qui empêchait toute ouverture qui lâcha, le boulon restant

suspendu à l’ensemble.

- Enfin, j’y arrive ! D’ici que je me blesse, il n’y a qu’un pas…

En effet, la pince avait dérapé sous le coup du marteau et avait

un peu endommagé son doigt. Le petit certes, mais même petit,

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il y tenait, et puis mourir blessé, ça ferait désordre. Il tenait à

son corps et même la plus petite parcelle pour lui avait de

l’importance.

- Je préfère partir en bonne santé, c’est mieux, ça fait le mec

qui s’entretient, je n’aurai pas de reproche de mon coach.

Il prit l’ensemble de la boîte, se leva et posa le tout sur le

rebord de la margelle, là où quelque temps avant, il méditait

sur sa fin de vie. Quelle était cette dernière séance qui venait le

surprendre dans ce moment ? Il voulait être bien installé pour

découvrir ce qui lui avait causé tant de soucis, d’interrogations.

Il avait laissé les outils au sol, en se disant que quelqu’un après

lui pourrait parfaitement les ranger. Peut-être pour indiquer

d’où provenait l’origine de ce cadeau. Car c’en était un,

presque une heure que le départ était en théorie annoncé, et il

était comme un petit ver qui se débattait dans le fruit, pour

exister.

- Bon, je vais l’ouvrir ce couvercle, mais laissez-moi au moins

le temps de voir ce qu’il y a dedans… merci.

Il dit ceci en regardant en direction du soleil qu’il ne pouvait

plus fixer directement, vu l’heure. Il était d’autant plus curieux

que c’était la première fois de sa vie, juste avant la mort, qu’il

trouvait quelque chose. Etait-ce ça la conclusion ? Ensuite

c’était aussi la première fois qu’il voyait un coffre de cette

matière, lisse et douce. Siméon pensa que le revêtement

ressemblait à de la peau. C’était sûrement pour ça que là-haut,

ils avaient suspendu son départ. Tout le monde devait être

curieux, le regard attentif à la découverte ! Siméon se dit que

finalement, il avait peut-être l’occasion de retarder ce fameux

passage d’horizon, de passer le trait plus tard. Il pensa qu’il

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pouvait attendre une dizaine d’années avant d’ouvrir ce coffre,

reportant de ce fait l’échéance fatidique. Comme ça lui aussi

pouvait jouer avec ce fameux temps. Mais bon, ne sachant pas

trop comment fonctionnait ce fameux espace/temps, il se dit

qu’il serait plus prudent de faire les choses dans l’ordre. Il était

bien trop curieux pour attendre autant d’années. Alors

doucement, millimètre par millimètre il ouvrait le capot, il fit le

geste décisif, pour mettre de la lumière dans cet enfermement

qui était dans l’ombre depuis bien longtemps.

A l’intérieur, une fois le couvercle levé, il découvrit un

ensemble qui était capuchonné, une forme d’enveloppe grise.

Là Siméon ne rigolait plus du tout. Qu’y avait-il dans ce

manteau qui était d’une matière bizarre ? Une sorte de toile

souple. Il mit un doigt dessus, puis sa main, l’ensemble

épousait le geste émis par Siméon.

- Qu’est-ce que c’est que ce machin ?

Ne prenant aucun risque, suivant toutes les instructions qu’il

avait reçues pendant son enseignement, il retourna dans la

maison chercher des vêtements appropriés. Il enfila une

combinaison ignifugée, puis il alla chercher ses gants et son

découpeur laser. Il mit ses lunettes et son casque.

- Bon, je suis prêt ! Il fait bien chaud au soleil, je serais mieux

à l’intérieur ! se dit-il.

Il décida de rentrer tout son barda et s’installa sur la table de la

salle de rangement. Comme appris dans ses enseignements, il

appliqua les consignes de sécurités. Il alla chercher un

extincteur, puis une casserole d’eau, une couverture, et

rapprocha un petit boîtier sur lequel il était écrit : « Appel

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d’urgence », moyen qui servait à appeler les secours si c’était

nécessaire. Bref un désordre s’organisa et régna dans ce coin de

la maison. Il pensa bien au bac à sable, mais il était à l’angle de

la rue ! Il sourit en pensant à cette idée absurde.

- Bon, j’y vais…

Il hésitait, il se dit qu’il prenait quand même beaucoup de

risques d’accident, ceci juste avant de mourir. Avant il

connaissait la raison de cette mort programmée. Logique,

pleine de bon sens. Là, il allait peut-être être emporté par

l’inconnu, sans savoir pourquoi. La mort sans raison, pas

orchestrée par sa destinée. Cette situation ne lui plaisait guère,

il trouvait ça ironique. Son cœur qui jusqu'à présent envoyait

des palpitations dans son corps plutôt à un rythme

anormalement bas, s’accéléra, créant presque un retour à la

normale de sa condition humaine.

- Tu vas voir que dans une minute, je vais de nouveau être en

pleine forme ! Allez, je l’ouvre.

Avec toutes les difficultés qu’imposait un tel accoutrement, il

commença avec des gestes hésitants à découper ce semblant de

sac dont il ignorait complètement la matière et le revêtement.

L’ensemble se laissait pénétrer assez facilement, ce qui surprit

Siméon. Très rapidement, il avait ouvert sur la longueur,

faisant deux petites incisions dans la largeur. Le contenu était

visible. Au moment où il avait plongé le couteau laser dans le

revêtement, il avait constaté que l’ensemble était sous vide,

d’où cet appel d’air qui l’avait surpris par le bruit émis.

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Sa surprise fut d’autant plus grande, qu’il ne s’attendait pas à

une pareille découverte. Il écarta la partie du film mobile de

l’emballage avec beaucoup de précaution, pour voir le contenu.

- Des carnets ? se demanda-t-il à voix haute. Qu’est-ce que

c’est que tout ça ? Des carnets… !

Il recula, commença à se dévêtir, sentant bien que le danger

n’était pas réel, qu’il n’y avait pas de risque d’explosion. Il mit

tout son attirail sur le sol, trop pressé de voir le contenu et

extirpa tout ça de l’emballage. Il regarda de nouveau l’heure et

se fit la remarque que dans peu de temps, il devrait manger.

Il sortit le premier carnet et l’ouvrit avec précaution.

Doucement il le manipula avec une précaution et une

délicatesse sans égales. Il en feuilleta les pages.

Il était écrit des dates, des mots qui formaient des phrases, lui

donnant des difficultés à lire ces textes. D’autant que Siméon

ne savait pas très bien lire. Néanmoins, une fois le carnet

refermé, il put déchiffrer sur la couverture : ANNEE 2025.

- Alors, ça… Siméon n’en revenait pas, il était complètement

désorienté par ce qu’il venait de lire. Pour un peu, il allait se

sentir cette fois vraiment mal. Lui qui allait mourir en pleine

santé, deux heures auparavant. Maintenant qu’il était toujours

en vie ou continuait de l’être, il se sentait patraque, fragile d’un

seul coup. Un très léger vertige l’enveloppa. Il prit une chaise

et s’installa confortablement, tout en gardant un œil

interrogateur sur la découverte. Il se releva et plongea les

mains dans le coffret, sans plus réfléchir aux risques encourus.

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Il sortit un par un plusieurs carnets et les posa sur la table. Il

commença à les compter. Quarante !

Tout en dessous, au fond de la caisse, il trouva un objet qu’il

n’avait jamais vu. A quoi cela pouvait-il servir ? Qu’est-ce que

ce machin faisait avec les carnets ? Il le posa aussi sur la table

après l’avoir tourné dans tous les sens tout en se posant des

questions sur l’utilité de cet objet. Il prit un carnet au hasard,

l’ouvrit et essaya d’en parcourir les lignes, toujours avec cette

difficulté à saisir avec exactitude le contenu du texte. Il ne

comprenait pas grand-chose en regardant séparément les mots,

il en comprenait néanmoins la signification. Au bout d’un long

moment, pour le coup, il se sentit vraiment fatigué.

- Il faut que je me recharge.

Il reposa l’ensemble sur la table et s’avança vers le fond de la

pièce. Il ouvrit un placard, regarda une fiche sur le dos de la

porte ouverte. Tapa sur son bracelet qui était sur son avant-bras

gauche. Regarda.

- Aujourd’hui, voyons voir …

Il lut les consignes émises sur le cadran, sortit des boîtes du

placard et en sortit des pilules de couleurs différentes qu’il

glissa sur une plaque creuse avec des séparations. Une fois fait,

il se passa les mains sous l’eau, tout ça dans un calme anormal.

Ses mouvements étaient lents. Habituellement, l’ensemble était

plus rapide ; mais là, c’est vrai qu’il y avait un

dysfonctionnement.

Il avala le contenu en deux fois, buvant un verre d’eau au

passage. Puis il ouvrit un flacon, le but directement au goulot.

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Il s’assit après avoir absorbé l’ensemble des pilules et autre

liquide. Ils firent effet rapidement, aussi retrouva-t-il au bout

de quelques minutes l’énergie nécessaire pour continuer.

- Bon, maintenant, il faut que je prenne une décision. Que

vais-je faire ?

Il se dit ceci en regardant sur la table le trésor découvert. Pour

lui, là, à ce moment précis, il y avait une vraie décision à

prendre, mais laquelle ? Un, il était conscient que son état

léthargique aurait dû être déclaré depuis maintenant plus de

trois heures passées. Deux, il venait de sortir du sol des objets

qui avaient peut-être de la valeur, et donc dans ce cas, il aurait

dû alerter ses instances supérieures, ceci dès la découverte du

coffre. Il allait avoir à donner des explications sur la scène

précédente. Trois, il avait dépassé de deux heures le temps de

non-retour, ce point zéro tant annoncé, celui que l’on appelle la

mort, et il était encore en vie.

- Bon, procédons par ordre. Je suis toujours vivant, ce qui

n’est qu’à moitié surprenant. J’ai mis la main sur des éléments

que je n’aurais pas dû ouvrir. Là, je suis coupable, c’est sûr. En

plus, en m’alimentant je retrouve des forces, ce qui est anormal

d’après ce qui nous a été dit.

Il rangea tout, remit les carnets dans la boîte, remit les outils en

place. A l’endroit du trou où il avait extrait le coffre, il posa

une fausse plante tropicale en matière synthétique pleine de

couleurs. Refit un tour complet pour voir si tout était en ordre.

Fit un peu de ménage. Depuis un clavier rouge accroché au

mur, il composa un numéro.

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Il avait pris sa décision. Il fallait passer sous silence sa matinée,

tenir discrets les événements. Il décida de revenir à la vie

courante puisqu’il n’était pas mort, afin de chercher à mieux

comprendre ce qui s’était réellement passé. Le meilleur moyen

de comprendre son départ futur, possible et incontournable,

c’était de rester en vie et d’analyser l’instant présent.

Voilà ce que se dit Siméon. C’était sa décision ! Etait-ce la

bonne ?

Il était onze heures quinze, il donna l’alerte.

Quinze minutes plus tard, deux individus se présentèrent à

l’entrée de son domicile. Ils entrèrent chez lui avec un attirail

qui en disait long sur la gravité de son état.

- Vous vous en êtes aperçu quand ? lui demanda l’un des deux

interlocuteurs, qui était a priori le responsable de l’équipe de

soins.

- Je ne sais plus très bien. Comme je vous l’ai dit au

vidéophone, je me suis réveillé fatigué, épuisé. Et puis le trou,

j’ai dû perdre connaissance. Quand je suis revenu à moi, je me

suis alimenté, puis je vous ai appelé en urgence.

Siméon dit tout ça d’un seul coup, avec une tristesse à faire

pleurer une crevette. Les deux hommes l’avaient rebranché à

une valise qui contenait entre autre un ordinateur, ensemble

que Siméon voyait parfaitement.

- Vous l’avez échappé belle, beaucoup sont partis dans un

autre monde dans des circonstances similaires. Vous devez

cette chance à votre état de bonne santé et de résistance

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38

générale. C’est la troisième fois que cela vous arrive en deux

ans. Nous allons être obligés de faire un bilan complet de votre

organisme. A la suite de quoi, nous procéderons au

changement peut-être de certains organes.

Le responsable de l’équipe se tut un moment, puis il reprit la

parole :

- Nous allons reprogrammer votre puce. Pendant quelques

jours, soyez prudent, à la moindre défaillance, vous nous

alertez. Même pour un problème bénin, vous nous sollicitez.

OK ?

- Oui, bien entendu. Ça peut venir de quoi cette défaillance ?

demanda Siméon.

- Soit un programme soumis à un parasite, un virus dans votre

micro-processeur, soit un organe qui est défaillant, en général

le cœur. Vous êtes jeune, le premier changement de cœur

devrait se faire vers la quarantaine. Là, ça nous paraît tôt !

Avec les examens, nous serons en mesure la semaine prochaine

de vous dire ce qu’il en est exactement. Par contre, ce qui me

surprend, c’est que vous me dites être tombé en léthargie, et

pourtant j’ai l’impression en regardant la mémoire de votre

cellule et son graphe, qu’il y a eu quelques minutes d’action.

Vous avez essayé de vous déplacer ou de faire un exercice

quelconque ?

- Oui, je suppose que quand je me suis réveillé, c’est vrai que

j’ai fait un effort surhumain pour accéder aux tiroirs et aux

placards, ça a pris un certain temps, je pense…

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- C’est sûrement ça. Aujourd’hui du calme, pas de

mouvements intempestifs, du repos. Nous sommes bien

d’accord ? On vous appelle ce soir pour savoir si tout va bien.

On vous laisse ce petit bracelet, vous l’accrochez à votre

poignet. S’il y a la moindre défaillance, dans les deux ou trois

jours qui viennent, faites sauter le verrou et appuyez sur ce

bouton sans hésitation, quel que soit le moment de la journée

ou de la nuit, un service d’urgence arrivera et vous emmènera

au bloc.

Siméon acquiesça. Il regardait en même temps dans la glace

qui était fixé au mur le technicien s’afférer, scrutant le travail

qui était fait sur sa puce placée sur le lobe de son oreille et qui

était l’objet de tous ses tracas de ca matin-là. Il voyait

parfaitement les gestes du technicien. En effet, l’homme avait

déconnecté et reprogrammé l’ensemble par le biais de

l’ordinateur et remis le support en place. Aussitôt la puce

replacée sur le lobe de son oreille gauche, Siméon retrouva

toutes ses facultés, toute son énergie. De nouveau, il voyait les

choses autrement. Même les couleurs prenaient un autre aspect.

On lui demanda de se déplacer, de s’asseoir, de sautiller. Puis

de nouveau le technicien débrancha le tout. De nouveau

Siméon se sentit affaibli, puis deux minutes plus tard

l’ensemble était de nouveau en place. Mais il n’avait perdu

aucune image du technicien qui opérait. Ses gestes étaient

mémorisés.

Pendant ce temps, le deuxième homme, le responsable a priori,

avait fait le tour de la maison, avait regardé dans chacune des

pièces sans demander l’autorisation à Siméon, et était allé dans

le jardin. Puis à son retour il déclara :

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40

- Bon, tout est rentré dans l’ordre, vous pouvez dire que vous

avez de la chance. Donc, aucun risque. On se voit le 22, ça

vous va ? Et d’ici là, la plus grande méfiance ! Pas de femmes,

ou du moins aucune excitation d’aucune sorte. Ensuite, après

les examens, nous aviserons ! D’accord ? Je vous valide ce

rendez-vous sur votre bracelet dès mon arrivée au bloc, je

préviens vos instances et votre coach.

- D’accord, je vais être vigilant, je n’ai pas envie de perdre la

vie.

Siméon dit ça avec beaucoup de sérieux. Tout le monde se

salua, il remercia chaleureusement les deux individus. Il avait

retrouvé sa vivacité d’origine. Il savait que ces deux hommes

allaient faire un rapport, et Siméon souhaitait qu’il soit le plus

sobre possible.

Il partit en direction de la salle de bains pour se laver et se

rafraîchir. Ce matin-là avait été pleins d’émotions. Maintenant

il était convaincu d’une chose : c’est que le temps passé sans sa

puce lui avait transmis un message clair ! Il pouvait entrevoir

son plan et mettre à exécution son idée, celle qu’il avait dans la

tête depuis bien longtemps ! Pour ceci il avait besoin de l’aide

de son copain Rouan.

Là était une autre histoire. Son copain n’était sûrement pas

disposé à collaborer.

La visite à l’extérieur du responsable avait donné raison à

Siméon de tout bien dissimuler. Ce dernier avait heureusement

bien pris soin de tout cacher, et surtout de remettre en ordre la

maison. La balade faite par le dépanneur soigneur aurait pu

tourner cours s’il avait découvert que Siméon cherchait à

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dissimuler quelque chose. Le coffre était bien à l’abri dans le

cagibi.

Siméon appela Rouan. Ils discutèrent de deux ou trois

banalités, puis Siméon lui demanda :

- Tu fais quoi en suivant ?

- Oh, rien de spécial, tu devais passer aujourd’hui, il me

semble ! Devant ton absence j’en ai profité pour me détendre.

Je viens de me faire une balade virtuelle qui m’a coûté cinq

unités, donc pour aujourd’hui, j’ai assez dépensé. Et toi ?

- Justement, j’allais te proposer de passer à la maison, pour

que l’on discute un peu.

- Nous ne serons que tous les deux ?

- Oui.

- Alors d’accord, je fais une demande, et je suis là vers vingt-

heures.

Ils se saluèrent et Siméon retourna à ses activités

professionnelles. Il repensa à cette journée, et à ses

découvertes. Il n’eut pas le temps de rejeter un œil sur ces

documents trouvés dans la matinée. A l’heure annoncée,

Rouan arriva. C’était un homme assez grand, tout en jambes. Il

avait une tête sympathique. De long bras pendaient le long de

son corps. Les bras ballants lui donnaient une impression de

nonchalance. Rouan était content de passer seul sa soirée avec

son ami, pour lui c’était un moment privilégié.

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D’entrée, Siméon expliqua les problèmes rencontrés le matin.

Il lui dit pourquoi entre autre, il n’avait pu venir jouer avec et

contre lui au tennis virtuel, et pourquoi il avait été obligé

d’appeler l’équipe d’urgence.

- C’est la troisième fois que cela t’arrive, tu n’es pas inquiet ?

- Non, au contraire, je dirais que ça valide ma théorie.

- Ah non ! Tu ne vas pas revenir sur tes histoires de l’autre

fois, j’espère que tu ne m’as pas fait venir pour que l’on reparle

de tout ça ?

- Eh si !

- Non Siméon ! Je ne veux plus reparler de tout ça justement.

Ҫa va nous créer des ennuis, j’en suis sûr. Ҫa t’a apporté quoi

cette fois ?

- Une découverte !

- Quelle découverte ? Tu focalises sur des idées bizarres que

tu crois dur comme platine, et qui ne sont que des bêtises.

Arrête avec ça. Je te promets que tu vas finir par avoir des

ennuis, vraiment !

Siméon se tut. Il regarda son copain avec attention et lui dit :

- Sauf que maintenant… j’ai une preuve !

- Une preuve ? La preuve de quoi ? Que tu es anormal !

Depuis le temps que je te le dis, ça ce n’est pas une découverte,

ni une révélation, mais une réalité !

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- Tu veux la voir ?

- Voir quoi ?

- La preuve de ce que j’avance. Mais avant tu jures sur notre

Astre le Soleil que tu garderas tout ça pour toi ! Jure !

- Une vraie preuve, pas une fiction, ni un montage ?

- Non, pas de virtuel, du concret ! Une preuve qui fait que si

tu le jures, je peux te la mettre devant les yeux dans deux

minutes !

Rouan ne bougeait plus. Il savait que son copain était un

homme de parole, un peu fou certes, mais il n’était pas comme

ces charlatans qui utilisent le virtuel pour exister.

- Bon, comme d’habitude, je vais te suivre, à contrecœur.

- Alors jure devant lui, dit-il en désignant une représentation

du Soleil accrochée au mur de la salle principale.

Rouan se leva, se positionnant devant l’immense Astre, il

joignit les mains devant lui et dit trois fois :

- Je promets de ne rien révéler à personne du secret de Siméon.

Puis il vint se rasseoir en face de son copain. Ce dernier se leva

au même moment, disparut dans la remise et revint avec le

secret en question. A son retour, il avait le coffre à la main.

- Qu’est-ce que c’est que ça encore ?

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- La preuve !

- Là tu me fais peur, c’est quoi ce machin ?

- Tu me demandes une preuve, je te la donne, je te la montre !

- Non, c’est toi qui me propose une preuve, moi je n‘ai rien

demandé, d’accord !

- Si tu veux ! Toujours est-il que dans un instant tu vas voir

quelque chose de fou. J’y vais ?

- Ai-je le choix ?

- Oui, bien sûr, on a toujours le choix ! Tu acceptes de voir

cette découverte, oui ou non ?

Un moment se passa, les deux hommes se regardaient dans les

yeux. Au bout d’un moment Rouan lui dit :

- Vas-y !

Siméon ouvrit la boîte et déballa quelques carnets qu’il mit sur

la table.

- C’est quoi ces trucs ? demanda-t-il avec une véritable

interrogation sur le visage.

- Tu te souviens quand nous sommes allés à la quatrième

ville ? Nous avons profité de notre présence dans cet endroit

pour visiter le musée l’après-midi avec nos compagnes ! Tu te

souviens ou pas ?

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- Oui évidemment que je me souviens, vu le coût du

déplacement, comment l’oublier !

- Donc tu te souviens aussi des livres que nous avons vus, ceux

qui sont censés venir d’une autre civilisation. Pourtant la

plupart des gens contestent l’existence d’une autre civilisation

avant la nôtre, tu es d’accord ?

- Oui, je m’en souviens parfaitement. Tu es resté deux heures

en discussion avec un chercheur. Vous avez parlé de choses

que nous ne comprenions pas, et le soir à cause de toi, nous

avons tous loupé notre retour. Nous avons été obligés de

coucher dans un habitat de location, et à un coût prohibitif !

Oui, je m’en rappelle parfaitement. Le mois qui a suivi, j’ai été

obligé de me mettre à la diète, pas de femme et encore moins

de virtuel, tout ça pour une nuit hors de notre agglomération.

Plus la pénalité de ne pas avoir respecté notre planning horaire.

- Tu n’as peut-être pas retenu l’essentiel, mais bon, tu as au

moins vu ces fameux livres, n’est-ce pas ?

- Oui.

- Eh bien là, ce sont des carnets manuscrits, j’en ai compté

quarante, et écoute bien…

Siméon se tut un long moment, alors que Rouan avait toujours

les yeux plantés sur le coffre et sur les carnets éparpillés sur la

table. Siméon continua à sortir les carnets un par un.

- Ils ont mille ans !

- Tu es fou !

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- Non, regarde !

Siméon les glissa sous son nez, un par un.

Rouan en prit un à la main, le feuilleta, le retourna dans tous

les sens, et chercha à en comprendre le contenu.

- Je ne comprends rien de cette écriture, c’est du charabia d’un

autre temps. Je n’en vois même pas distinctement les

caractères. Comment sais-tu qu’ils ont mille ans ? Et quel

rapport avec ton malaise de ce matin ?

- Je vais tout t’expliquer en suivant, mais maintenant il y a un

point important à comprendre !

Il s’interrompit, regarda son copain et reprit :

- Maintenant, je sais !

Il dit ceci d’un ton assez fort qui fit presque sursauter son ami

assis en face. Siméon regardait ce dernier qui tortillait les

carnets, cherchant à comprendre où était la manipulation.

- Tu sais quoi ? Continua-t-il.

- Je sais que l’on nous inculque de fausses valeurs. On nous

ment ! Tu veux que je te dise autre chose ? Comment j’ai

dépassé volontairement de plus de deux heures l’heure

fatidique ! Comment je me suis mis dans un état second afin de

pouvoir orchestrer tout ceci et lire au moins quelques

passages de ces carnets ?

Rouan reprit :

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- Pourquoi je suis venu ce soir ? Pourquoi je ne suis pas resté

devant mon écran virtuel ! Pourquoi tu m’as choisi comme

ami ? Tu en rencontres plein et c’est à moi que tu fais toutes

ces misères, pourquoi ?

- Toi tu appelles ça des misères, moi des confidences. Tout

simplement parce que tu es le seul à qui je peux dire tout ça, et

qui ne va pas partir courir vers notre hiérarchie pour l’avertir.

D’ailleurs en théorie, c’est ça un ami, quelqu’un qui te

comprend, te soutient et te donne des conseils à bon escient.

- Oui, eh bien écoute Siméon : tu cherches beaucoup de

difficultés dans cette vie, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs.

D’autant que dans la hiérarchie comme tu le dis si bien, tu es

plutôt bien placé. Tes avantages et tes privilèges font que

justement, je ne sais pas ce que tu cherches !

- La vérité !

- Quelle vérité ? Elle est multiple. Siméon, arrête tant qu’il en

est encore temps. Justement, si tu me considères comme un

ami, écoute-moi : arrête !

- Tu sais de quand datent ces écrits ? lui demanda Siméon,

attendant une réponse qui ne vint pas. Il enchaîna sur un ton

persuasif :

- 2025 ! Mille ans mon petit Rouan, mille ans qu’ils ont ces

documents, et toi tu voudrais que j’arrête maintenant, là au

moment où j’ai la preuve ! Dix ans que j’attends ce moment,

dix ans que tout ce que j’ai dans la tête trouve un semblant de

raison à cette vie que je ne comprends pas, et toi tu voudrais

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que je retourne sagement comme si de rien n’était : impossible

mon vieux !

- Tu me fais peur par moment !

- Je sais, mais ce que je sais aussi, c’est qu’il me faut

quelqu’un pour m’aider dans les démarches qui vont suivre, et

à part toi, je ne connais personne en qui j’ai suffisamment

confiance. Tu sais très bien que notre monde est aseptisé, avec

des gens qui vivent en virtuel en permanence, avec une vie qui

se déroule comme prévu, sans risques, sans imagination, sans

contrainte, sans créativité. Ils commencent à vivre et meurent

dans le même état, dans un état gélatineux. Tu as vu nos

conversations avec le groupe, tu as vu où va se nicher leurs

questionnements ? Savoir si la ville trois va battre la ville

douze, seul est là leur intérêt, tu parles d’une vie !

- Comme d’habitude tu es dur, comme d’habitude tu as peut-

être raison sur la forme, mais sur le fond tu es voué à l’échec,

et le pire c’est que tu le sais. C’est un combat perdu d’avance.

Si en effet d’autres civilisations ont existé avant la nôtre,

explique-moi pourquoi elles n’ont pas réussi à survivre,

pourquoi il n’y a plus aucune trace, et surtout pourquoi on ne

nous en a pas parlé, pourquoi tout serait-il caché ?

- Parce que je pense qu’ils étaient confrontés aux mêmes

problèmes que nous, aux mêmes hommes, au même pouvoir, à

l’égoïsme, et je suppose à ces hommes dominants

d’aujourd’hui qui ont de grosses têtes, mais de petits sexes.

C’est schématique bien entendu. Et n’y vois pas de ma part un

acte impoli, mais il y a des mots simples qui caractérisent notre

monde actuel. Nous sommes en 3025 mon cher Rouan, et je

sens notre monde terriblement en danger d’extinction,

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extinction d’être trop propre. Notre libre arbitre a pratiquement

disparu de tout environnement, nous sommes des pantins

manipulés, nous ne décidons plus de rien. Notre vie est dirigée

dans tous les domaines, sans exception.

Il s’arrêta de parler, Rouan reprit :

- Je sais que tu es dans la bonne logique et que tes propos ne

sont en rien déplacés. Néanmoins, je me méfie des neurones

qui se baladent dans ta tête.

- Bon, tu veux connaître le contenu de ces carnets, oui ou non ?

- Tu vois bien, et tu sais très bien qu’il m’est impossible d’en

lire le moindre extrait, et toi non plus d’ailleurs, je suppose, à

moins que tu m’inventes encore un truc.

- Eh si justement ! Je peux les lire et toi aussi d’ailleurs. J’ai

une solution pour les lire et surtout pour les comprendre, enfin

essayer.

- Laquelle dis-moi ?

- Il faut se débrancher pour que je retrouve la même fréquence,

celle que j’ai connue ce matin, et je sais comment

faire maintenant !

- Tu es fou ! Jamais je ne ferais un truc comme ça, j’ai trop

peur de perdre la vie.

- Pas toi, moi ! Il faut que tu me débranches. Car c’est ce qu’il

faut faire pour avoir accès à la lecture. J’ajoute qu’il n’y a

aucun risque. C’est de l’intoxication cette histoire de

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dépassement de temps. Ce matin je l’ai largement dépassé, et

bizarrement tu vois, je suis toujours là, et je peux t’ajouter un

élément supplémentaire : je sais comment ils font pour nous

débrancher et nous rebrancher. J’ai tout vu, tout enregistré. Il

nous reste à le mettre en application.

- Qui, nous ?

- Nous deux !

- Non, non, et non ! Trouve quelqu’un d’autre pour ça, moi je

ne risquerais jamais un truc comme ça !

- Tu ne veux pas savoir ?

- Je m’en fous royalement, c’est ton problème tous ces

questionnements, pas les miens. Trouve un autre copain ou une

copine. Avec toutes celles que tu as, tu payes bien cher tes

conquêtes, au moins qu’elles te servent à quelque chose !

- Tu sais très bien qu’elles viennent pour les unités.

- Ouais, eh bien moi, je suis ton copain gratuitement, c’est

pour ça que je ne veux pas d’emmerdes.

- Tu es mon seul véritable ami, et tu ne risques rien. C’est vrai

que j’ai beaucoup de monde autour de moi. Mais la quantité

n’est en rien un facteur de qualité, et tu le sais très bien.

J’occupe un poste en ville en plus de mon activité

professionnelle qui fait en effet que les gens me voient comme

un esquimau, ils me sucent et que veux-tu ? Je ne peux même

pas les en empêcher, j’ai essayé. Je te promets, mais je les

blesse. Ils aiment ça, c’est une drogue, ils veulent être reconnus

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quand je passe à côté d’eux, c’est comme ça. Je les tapote et ils

sont heureux. Je sais très bien que si demain les choses

s’inversaient, que je prenne par exemple ton coefficient, je sais

qu’ils ne me regarderaient même pas. Mais que veux-tu ? C’est

comme ça, je minimise mon ami, si tu savais !

- Que veux-tu de moi exactement ?

- Que tu me débranches, que je puisse te faire la lecture de ces

manuscrits et qu’ensuite tu me rebranches.

- Et comment veux-tu que j’arrive à ça ?

- Les hommes du service technique des soins y arrivent, j’ai vu

comment ils font. Ils ne sont en rien plus malins, ni plus habiles

que toi. J’ai vu leurs gestes, il suffit de les appliquer et tu

verras, tout ira bien, très bien.

- Donc, si j’ai bien compris, tu veux que je te débranche de ta

cellule ionique, et d’après toi, tu vas arriver à décrypter les

textes qui sont sur ces carnets. Et tu veux que moi au fur et à

mesure j’écoute l’ensemble pendant ce temps, c’est ça ?

- Oui et peut-être tu pourrais enregistrer certains passages.

Oui, c’est ça !

- Que puis-je ajouter d’autre Siméon ? Nous courons à la

catastrophe, mais bon :

« Je t’aurais prévenu, il ne faut pas lire ces carnets ! »

- Merci, je savais que je pouvais compter sur toi. Pour te

remercier, je voudrais te montrer quelque chose. Et j’aimerais

que tu me donnes ton avis sur ce que ça pourrait être!

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- Je crains le pire !

Siméon sortit l’objet sur lequel il s’était longtemps attardé le

matin même, et le présenta à son ami.

- C’est quoi, d’après toi ?

- Qu’est-ce que c’est que ce machin ?

Rouan tourna et retourna dans tous les sens l’objet en silence.

Au bout d’un moment, il dit :

- Aucune idée, je n’ai jamais vu un truc pareil ! Etrange…

- Moi non plus, je n’ai aucune idée de ce que c’est ! Pourtant si

c’est avec des documents de ce type, c’est que c’est important.

- Un décapsuleur peut-être, le bois peut servir de levier…

- Bon, nous n’aurons pas les explications ce soir. C’est

justement pour ça, tu vois, qu’il faut traduire : pour

comprendre.

Rouan reprit la parole :

- Comment expliques-tu qu’en te débranchant, tu vas arriver à

lire les lignes sur ces carnets ?

- Ce que j’ai constaté suite à mes différents arrêts de vie, c’est

qu’à chaque fois il s’opère en moi une modification de rythme.

Mon cœur se met à battre doucement, très doucement, j’ai

vérifié ce matin, soixante pulsations par minute, voire moins.

Ensuite c’est vrai, il y a une impression de manque de force, de

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manque de vivacité, dans un premier temps. Mais en réalité, on

s’habitue très bien au bout de quelques temps. En fait tout est

pareil, sauf que tu as l’impression de vivre au ralenti. Par

contre, et ça c’est ce que j’avais déjà observé la dernière fois, la

fréquence baisse terriblement, la vision devient différente,

voire même les couleurs se modifient un peu. D’après moi,

c’est ce qui fait que tu peux voir des choses qui sont invisibles

quand nous avons un comportement normal. Sans cette baisse

de régime ce matin, je n’aurais rien vu de cet objet qui

dépassait du sol. Peut-être un jour en nettoyant ce coin, je

l’aurais vu, ou mis la main dessus. En attendant, je suis

persuadé que c’est cet état qui m’a permis d’accéder à cette

vision, la modification de ma fréquence interne. Ce matin, les

couleurs changeaient quand le technicien me branchait,

débranchait. Bizarrement on nous a toujours enseigné que de

manger dans cet état second ne servait à rien. Que l’urgence

était de prévenir notre service de quartier. Eh bien ce matin, j’ai

tout simplement constaté que sur une baisse de régime, mes

pilules me faisaient du bien. J’ai retrouvé mes forces après les

avoir avalées et bu Energétisante 3.

- Pourquoi nous mentirait-on ? Pour le reste, ça se tient. Tu as

sûrement raison sur ce point, d’autres avant toi m’ont dit la

même chose. Mon père en particulier avait constaté un

changement de son métabolisme lors de son accident.

Autrement dit, toi tu penses que nous avons deux rythmes, un

orchestré par notre micro-processeur et l’autre dans le cas où il

n’est pas en fonction ?

- Oui, dans les grandes lignes c’est ça. Pour la lecture c’est

pareil, c’est la fréquence qui modifie la vision. D’ailleurs, je te

ferai remarquer que l’on ne naît pas avec cette puce. Elle nous

est mise en place le septième jour après notre naissance quand

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toutes les vérifications ont été effectuées. J’ai appris cette

information en fréquentant une amie qui travaille au centre des

natalités. Ҫa veut tout simplement dire que pendant ce laps de

temps, il n’y a aucune aide extérieure et qu’en aucun cas, ça ne

pose de problème pour notre cœur, ni pour gérer notre souffle.

Tu sais aussi comme moi qu’avec cette puce, ils savent en

permanence où l’on se situe. Une zone nous est affectée, et si

pour une raison quelconque on sort de cette périphérie, aussitôt

ils sont avertis. Ils nous contactent alors en direct depuis notre

bracelet, et de là où l’on est, nous devons annoncer la raison de

notre éloignement. Tu sais aussi très bien que si les choses ne

rentrent pas dans l’ordre immédiatement, ils envoient la

patrouille. Ainsi pour sortir de notre périphérie nous faut-il des

autorisations. Ils peuvent suivre notre programme nutritionnel,

tout autant que nous d’ailleurs. Ils sont au courant du restant de

notre compte d’unités, savent parfaitement qui on fréquente, et

aussi notre place dans la hiérarchie. Lors d’un contrôle, et

quand nous entrons dans un habitat, où dans quel édifice

public, ils connaissent notre traçabilité. Si un dérèglement se

fait, ils appellent notre coach qui se met en relation avec nous

et nous transmet des informations de recentrage, celles qui

viennent de ses supérieurs et ainsi de suite. Tout repose sur la

personne du dessus, d’en dessous. H plus un, H moins un

comme ils disent. Donc, comme tu le sais tout est lié à ce

morceau d’intelligence placé sur notre lobe gauche. Cette

liaison nous empêche tout simplement d’être nous-mêmes,

nous sommes tenus par cet élément, cette laisse. Tu comprends

ça ? Quant à mon idée qui peut être différente de la réalité,

néanmoins je suis sûr d’une chose, c’est que l’on nous

embrouille beaucoup sur de fausses vérités ou valeurs. On nous

ment dans nos enseignements.

Rouan reprit la parole :

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- Oui, bien sûr que je sais tout ça, depuis le temps que tu me le

rabâches, mais il est où ton problème, puisque nous n’avons

aucune contrainte. Nous devons participer un minimum à notre

groupe, nous avons satisfaction en tout. Nous avons cette

obligation de respecter les règles, mais où est le problème

puisqu’elles sont bonnes ?

- Rouan, le problème n’est pas de savoir si elles sont bonnes

ou pas, c’est notre façon de vivre qui est discutable. Tu ne

comprends pas que l’on ne peut pas se déplacer sans

autorisation, que tout est soumis à des demandes, que rien ne

peut être fait sans validation de nos instances supérieures. Que

l’on ne peut voir les gens que l’on souhaite, ni même les

fréquenter à notre guise. Alors que si je me débranche, certes

mon corps devient moins rapide, je suis moins efficace dans

mes mouvements, mais là toute surveillance disparait. Si je

laissais là ma puce quelques heures ici, je sais que je pourrais

aller n’importe où et faire n’importe quoi, que je deviendrais

transparent à leurs yeux, tu comprends ça ?

- Oui, bien sûr que je comprends, et ça t’apporterait quoi de

plus ? Puisque tout peut être fait avec une demande. Personne

ne t’empêche de te déplacer si tu as des unités, d’aller dans une

autre ville. Tu peux avoir accès à n’importe quelles femmes,

c’est d’autant plus facile pour toi que la place que tu occupes

dans la hiérarchie te donne accès à celles de ton rang. Là tu es

verni, reconnais-le !

- Je suis verni parce que j’ai compris le système. Je te l’ai

expliqué mille fois, mais en rien tu ne veux changer ta valeur

marchande. Tu as peur ! Je t’ai déjà expliqué que tu étais ta

propre évaluation, mais que pour ça il fallait un minimum

d’investissement. Comme tu n’en fais qu’à ta tête, comme ton

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coach d’ailleurs qui t’a dit que c’était des bêtises, tu continues

à te sous-évaluer et tu restes bien sagement dans ta catégorie.

Tu vaux combien aujourd’hui ?

- Quatre-vingt-dix-sept !

- Quel gâchis, tu pourrais être minimum à cent vingt, voire

plus.

- Tu me surestimes, je te remercie.

- Non, tu te sous-estimes, mais ça, tu ne le comprendras

sûrement jamais. Tant pis, tu n’es pas le seul dans ce cas, c’est

la majorité de cette population. Parlons d’autre chose. Tu te

souviens quand je t’avais raconté que petit j’habitais à coté

d’une zone interdite, polluée paraît-il ?

- Oui, je me souviens. Tu étais entré dedans, tu t’étais avancé,

et au loin tu avais vu des délabrements de pierres ou des

édifices bizarres, enfin à tes dires. Tu t’étais fais intercepter par

la surveillance locale, et tes parents avaient payé très cher en

amende pour « non surveillance ». Ils avaient même perdu

certains droits, pendant un certain temps. Oui, je me souviens.

- Je voudrais y retourner !

- C’est ça, eh bien sans moi. Quand je te dis que tu es fou !

C’est pollué, tu sais ce que ça veut dire ? Ҫa vient peut-être de

là d’ailleurs tous ces dérangements. A l’époque tu étais petit, tu

n’étais pas responsable, ce sont tes parents qui ont payé pour

toi. Je tiens juste à te dire que si les choses tournent court, cette

fois tu vas payer cher cette désobéissance.

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- Sauf si justement, j’y vais débranché.

- Oui, tu as raison, puni deux fois : une pour t’être débranché,

deux pour être entré dans une zone interdite. Tu t’ennuies dans

ta vie ou quoi ? Tu cherches vraiment l’emmerde. Si tu ne te

fais pas prendre, tu reviendras avec une contamination et là

pour cette fois, tu seras vraiment malade du corps, car la tête

c’est fait depuis longtemps à mon avis. Tu es monté à l’envers

Siméon.

Ce dernier se mit à rire, il continua dans ses explications :

- Sauf si la pollution n’existe pas !

- Pourquoi s’il n’y avait pas de pollution, ils nous

empêcheraient d’aller voir ?

- Pour que l’on ne puisse justement pas voir où est la réalité, la

vérité. Tout nous est caché, c’est certain !

- Pour toi, si je comprends bien, tu penses que dans cette zone

interdite, il existe quelque chose que l’on ne doit pas voir, qui

déclenchera une réflexion qui remettrait notre monde en cause,

c’est ça ?

- Parfaitement !

- Je ne connais pas tes programmes virtuels, tous tes jeux,

voire tes occupations principales, mais je vais te donner un

conseil ! Changes-en ! Tu es dans la dérive la plus complète,

que veux-tu qu’ils nous cachent ?

- Qu’un autre monde a existé avant nous, différent !

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- Et alors, si tu as raison, ça te donne quoi de plus… ? Tu auras

raison, point barre.

- Oui, mais admets que notre système d’éducation ne serait

plus adapté, que ce que l’on nous raconte aujourd’hui est faux,

et qu’en rien nous n’avons besoin d’avoir ces puces sur nos

lobes pour vivre. Bien au contraire, nous serions plus libres de

nous déplacer sans toujours demander des autorisations, ni être

surveillé pour connaître sans cesse notre position et tout le

reste.

- Liberté, liberté, tu n’as que ce mot à la bouche. Mais moi, je

n’ai aucune envie d’être libre, si toutefois ce mot a un sens.

Soumis à mon système, je suis bien. L’orientation donnée et

obligatoire me satisfait parfaitement. Tu me dis souvent que

nous sommes assistés, mais tant mieux. Oublie Siméon que les

gens te ressemblent. Nous ce processus de vie nous va, et je te

garantis que la majorité me ressemble. Que la plupart ne se

posent même pas cette question. Tu n’as pas pensé que

certaines personnes, pour ne pas dire la plus grande partie,

étaient bien comme ça, dociles, et que tes révélations, si elles

se révélaient justes, seraient plus une discorde qu’un avantage.

- Oui, tu as raison, mais notre monde doit évoluer, donc passer

par la vérité et l’on n’en prend pas le chemin avec toutes ces

contraintes, cette manipulation, ces intoxications.

- Evoluer ? Nous évoluons, certes avec des difficultés, mais

bon ça va bien dans l’ensemble. Notre vie est en moyenne de

cent vingt ans. Mon grand-père me disait que peu de gens à son

époque franchissaient la barre des cent. Nous avons tout. Nos

pilules sont de plus en plus appétissantes, elles nous apportent

un équilibre parfait. Ma participation à mon groupe est

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d’environ quatre heures par jour, ceci sur quatre jours, et là

toujours mon grand-père me disait qu’à son époque, c’était

minimum huit, et ceci sans robots, ni autres participations.

Pour moi l’évolution se fait correctement. En matière de santé,

regarde : tous les quarante ans on nous change le cœur, puis

ainsi de suite, tous les organes défectueux. Nous arrivons ainsi

à un âge très avancé, sans problème, très mobiles, mon…

- Je sais, à l’époque ton grand père à cent ans n’arrivait plus à

se déplacer, et il avait une personne à côté de lui toute la

journée pour l’aider. D’accord ! A cent vingt ans, tu vis encore

bien aujourd’hui. Plus aucun organe n’est là pour attester de

ton origine, mais tu es bien. Tu es devenu un autre au fil du

temps un autre individu, un kit. Seul le cerveau et quelques

trucs ne se changent pas encore, sinon c’est sûr, nous

deviendrions immortels. Si tu appelles ça toi le progrès, alors

dans ce cas, je suis d’accord avec toi, mon idée est déplacée

d’aller voir la vérité.

- Tu vois les choses comment ? Car je me doute que tu ne

changeras pas d’avis.

- Jusqu’au 22, je ne peux rien faire, j’ai une visite complète au

centre de santé du quartier, suite au problème rencontré ce

matin. Ensuite, nous en reparlons, j’y réfléchis pour éviter toute

erreur. Je tiens juste à te signaler que je souhaite rester en vie et

que si j’effectue une expérience, c’est en prenant le risque

minimum. Nous en reparlons en suivant, si tu es toujours

d’accord.

Ils se quittèrent, nous étions le dix-huit avril trois mille vingt-

cinq, il était vingt-trois heures.

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