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JenniferL.Armentrout

Sidemainn’existepas

Collection:YoungAdultRomanceMaisond’édition:J’ailu

Traduitdel’anglais(États-Unis)parCécileTasson

©JenniferL.Armentrout,2017Tousdroitsréservés©ÉditionsJ’ailu,2019,pourlatraductionfrançaiseDépôtlégal:Août2019

ISBNnumérique:9782290156445ISBNdupdfweb:9782290156469

Lelivreaétéimprimésouslesréférences:ISBN:9782290159668

CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.

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Présentationdel’éditeur:

L’avenirdeLenaWisesemblaitdéjàtouttracé.Pourquesonannéedeterminalesoitparfaite,ellen’avait rien laisséauhasard.Auprogramme:accumulerunmaxdesouvenirsavecsescopines,avoir un dossier béton pour obtenir l’université de son choix… et peut-être même avouer sessentimentsàsonamid’enfance,Sebastian.Maisunsimplechoix,àununique instant,peuttoutbouleverser…Désormais,rienneserapluscommeavant.CommentLenapourrait-ellepenseràdeslendemainsmeilleursalorsqu’ellenecessederejouersonpassé,alorsqueSebastianne luipardonnerasansdoutejamaiscequiestarrivécequ’ellealaisséarriver?

Couverture:CréationStudioJ’aiLu.©Lovethewind/Shutterstock

Biographiedel’auteur:

Couronnéed’unRITAAward,elleest l’auteuredeplusieurs sériesde romance,de fantasyetdescience-fiction,dontlesdroitsontétévendusdansdenombreuxpays.Jeudepatience,sonbest-sellerinternational,etlessagasLux,CovenantetOriginesontégalementdisponiblesauxÉditionsJ’ailu.

TitreoriginalIFTHERE’SNOTOMORROW

ÉditeuroriginalHarlequinTeen

©JenniferL.Armentrout,2017Tousdroitsréservés

Pourlatraductionfrançaise©ÉditionsJ’ailu,2019

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DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu

ÀHUISCLOSÀDEMI-MOT

JEUDEPATIENCEJEUD’INNOCENCEJEUD’INDULGENCEJEUD’IMPRUDENCEJEUD’ATTIRANCE

JEUD’INCONSCIENCE

Numérique

JEUDECONFIANCEJEUDEMÉFIANCE

OMBREETMYSTÈRE

1–Envoûtée2–Troublée

LUX

1–Obsidienne1.5–Oubli2–Onyx

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3–Opale4–Origine

5–Opposition

OBSESSION

COVENANT

1–Sang-mêlé2–Sang-pur3–Éveil

3.5–Élixir(numérique)4–Apollyon5–Sentinelle

ORIGINE

1–Étoilenoire

L’ÉTERNITÉ,C’ESTCOMPLIQUÉ

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Je ne pouvais pas bouger. J’avais mal partout : ma peau semblaittenduejusqu’aupointderupture,mesmusclesmebrûlaientcommes’ilsétaientenfeuetmesosmefaisaienttellementsouffrirquejeressentaisladouleurauplusprofonddeleurmoelle.

La confusion m’envahit. J’avais l’impression que mon cerveau étaitremplidebrouillardetdetoilesd’araignées.Quandj’essayaideleverlesbras,ilsrestèrentimmobiles,lourdscommeduplomb.

Jecrusentendreunsonaiguetrépétitifainsiquedesvoix,maisilsmeparaissaienttrèsloin,àl’opposédutunneldanslequeljemetrouvais.

Jenepouvaispasparler.Il…Ilyavaitquelquechosedansmagorge,au fond dema gorge.Mon bras convulsa, hors de contrôle, et je sentisquelquechoseleretenir,surledosdemamain.

Pourquoiétais-jeincapabled’ouvrirlesyeux?Lapaniquecommençaàs’insinuerenmoi.Pourquoinepouvais-jepas

bouger?Ilyavaitunproblème.Ungrosproblème.Jevoulais justeouvrir les

yeux.Jevoulais…Jet’aime,Lena.—Moiaussi,jet’aime.Les voix résonnèrent dans mon esprit. L’une d’entre elles était la

mienne.Celanefaisaitaucundoute.L’autre…—Elleestentraindeseréveiller.Une voix féminine interrompit mes pensées. Elle me parvenait de

l’autreboutdutunnel.

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Desbruitsdepasserapprochèrent.—Jeluiadministredupropofol,ditunhomme.—C’est ladeuxièmefoisqu’elleseréveille, fit remarquer la femme.

C’estunesacréebattante.Samèrevaêtrecontentedel’apprendre.Unebattante? Jene comprenaispasdequoi ilsparlaient.Pourquoi

mamèreaurait-elleétécontentedesavoirque…Jedevraispeut-êtreconduire?Unedoucechaleurserépanditdansmesveinesdepuislabasedemon

crâneet sepropageadans toutes les cellulesdemoncorps.Alors, iln’yeutplusaucunrêve,plusaucunepensée…etplusaucunevoix.

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CHAPITRE1

Jeudi10août

—Toutcequejedis,c’estquetuasfaillicoucheravecça.Une grimace sur le visage, j’observais l’écran du téléphone que

DaryndaJones,Darypourlesintimes,m’avaitmissouslenezàpeinecinqsecondesaprèsêtreentréeauJoanna’s.

Ce restaurant faisait partie du décor du centre-ville de Clearbrookdepuis que j’étais haute comme trois pommes. Il semblait figé dans lepassé, quelque part entre les groupes de rock à cheveux longs et lespremiers succès de Britney Spears. C’était un entre-deux étrange, maisl’endroit était propre et chaleureux, et le cuistot servait presqueexclusivementdelafriture.Deplus,leurthéglacéétaitlemeilleurdetoutl’ÉtatdeVirginie.

—Oh,monDieu,murmurai-je.Qu’est-cequ’ilfabrique,aujuste?—D’aprèstoi?(LesyeuxdeDarys’élargirentderrièreseslunettesà

montureblanche.)Ilestentraindesefrottercontreunebouéeenformededauphin.

Jefislamoue.Effectivement,celayressemblaitbien.Aprèsavoir récupéré son téléphone,Darypencha la tête sur le côté,

commepourm’étudier.—Qu’est-cequit’aprisdesortiraveclui?

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—Ilest…Ilétaitmignon,répondis-jesansréelleconviction.(Jejetaiuncoupd’œilderrièremoi.Heureusement,personnenepouvaitentendrenotreconversation.)Detoutefaçon,onn’apascouchéensemble.

Ellelevasesyeuxmarronfoncéauciel.—Taboucheétaitsurlasienneetsesmains…—OK,j’aicompris.(Jelevailesmainspourl’empêcherdecontinuer.)

SortiravecCodyétaituneerreur.Crois-moi,jelesais.J’essaied’effacercemomentdemamémoireettunem’aidespasvraimentàlefaire.

Darysepenchapar-dessuslecomptoirderrièrelequeljemetenais.—Jetelerappelleraitoutetavie,murmura-t-elle.(Quandjefronçai

les sourcils, elle sourit.) En même temps, je comprends. Il a plus demusclesqueMonsieurMuscle.Ilestcon,maisilestmarrantet…

Ellemarquaunepausecommepourfairedurerlesuspense.Dary adorait être le centre de l’attention. Elle portait souvent des

vêtementsvoyants,et sescheveuxétaientcoupés trèscourt, raséssur lecôté, bouclés sur le dessus. En ce moment, ils étaient noirs. Le moisdernier, elle les avait teints en bleu lavande. Dans deux mois,elles’essaieraitprobablementaurose.

—Etc’estlepotedeSebastian.Jesentismonestomacsenouer.—Çan’arienàvoiraveclui.—Oui,oui.—Tuasvraimentdelachancequejet’aimebien,rétorquai-je.—N’importequoi.Tum’adores.(Elletapalecomptoirduplatdela

main.)Tutravaillesceweek-end,non?— Oui, pourquoi ? Je croyais que tu allais à Washington avec ta

famille?Ellesoupira.—Siseulementcen’étaitqueleweek-end!Onparttoutelasemaine.

Demain.Mamère est à fond. Je ne serais pas étonnée qu’elle nous aitpréparéunplanningavec lesmuséesqu’elleveutvisiter, le tempsqu’onpeutyresteretdesheuresprécisespourdéjeuneretdîner.

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Je réprimaiun sourire. Samère était la reinede l’organisation.Elleavaitmêmecréédesboîtesderangementétiquetéespourlesgantsetlesécharpes.

—C’estcool,lesmusées.—Pourtoi,peut-être.Tuesuneintello.—Jenevaispasdirelecontraire.C’estvrai.Je n’avais aucune honte à l’admettre. Je voulais étudier

l’anthropologie à la fac. La plupart des gens ne comprenaient paspourquoi je choisissais un diplôme qui, pour eux, était inutile,mais envérité,lesdébouchésétaientmultiples:policescientifique,secteurprivé,enseignement,etbienplusencore.Demoncôté, j’auraisvoulutravaillerdanslesmusées.Alors,j’auraisadorémerendreàWashington.

—Ouais.Ouais. (Darydescenditdu tabouretenplastique rouge.) Ilfaut que j’y retourne avant quemamère pète un câble. Si j’arrive cinqminutesaprèslecouvre-feu,ellerisqued’appeler lesflicsetdeleurdirequejemesuisfaitenlever.

Jeluisouris.—Envoie-moiunmessagetoutàl’heure,OK?—D’accord.Après l’avoir saluée de la main, j’attrapai un linge humide pour

nettoyer le comptoir. Dans la cuisine, les casseroles s’entrechoquaient,signequ’onallaitbientôtfermerpourlanuit.

J’avais hâte de rentrer chez moi pour pouvoir me doucher et medébarrasserdel’odeurdepouletgrilléetdesoupeàlatomatebrûléequimecollaità lapeau.Jerêvaiségalementdepouvoir terminerde lire lesaventures de Feyre à la cour Fae.Après, je commencerais une romancecontemporainequej’avaisvuepassersurungroupeFacebookconsacréàla lecture auquel je jetais un œil de temps en temps. Cela parlait defamilleroyaleetdefrèressexy.Cinq,autotal.

C’étaittoutàfaitmongenre.LamoitiédemonsalairedeserveuseauJoanna’spassait sansdoute

dans les livresau lieudegonflermon livretd’épargne,maisc’étaitplus

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fortquemoi.Aprèsavoirnettoyélecomptoirautourdesdistributeursdeserviettes

en papier, je relevai la tête et soufflai sur unemèche brune qui s’étaitéchappéedemonchignonpourlafairevoler.Aumêmemoment,laclochedelaportetintaetquelqu’unentra.

Lasurprisemefitlâchermalavetteauparfumdecitron.Àcetinstant,unsimplecourantd’airauraitpumefairetomberàlarenverse.

Engénéral, lesseulsmomentsoùlesmoinsdesoixanteansvenaientauJoanna’sétaientlevendredisoiraprèslesmatchsdefootballaméricainetparfoislesamedisoir,pendantl’été.Jamais,entoutcas,lejeudi.

Le Joanna’s faisait son chiffre d’affaires grâce aux retraités du coin.C’était d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’avais accepté d’ytravaillerl’étéprécédent.Leboulotétaitsimpleetj’avaisbesoind’argent.

Alors,voirSkylarWelchentrerdanslerestaurantdixminutesavantlafermeture était un peu un choc. Elle ne venait jamais ici toute seule.Jamais.

À l’extérieur, les phares brillants d’une voitureperçaient l’obscurité.ElleavaitlaissétournerlemoteurdesaBMW.J’étaisprêteàparierquelavoitureétaitpleinedenanastoutaussijoliesqu’elle.

Maispasaussigentilles.Depuistrès longtemps, jecrevaisdejalousieparrapportàSkylar.Le

problème, c’était qu’elle était vraiment adorable. Alors, la détester étaitquasimentuncrimecontrel’humanité.C’étaitcommedétester leschiotsetlesarcs-en-ciel.

Elleavançad’unpashésitant.Onauraitditqu’elleavaitpeurquelelinoléumnoiretblancs’ouvresoussespiedsetladévoretoutentière.Ellerecoiffasescheveuxchâtainclairauxpointesblondesderrièresonoreille.Malgrélalumièrepeuflatteusedesnéons,sonbronzageparaissaitparfait.

—Salut,Lena.—Salut.Je me redressai. J’espérais qu’elle ne commanderait rien. Si elle

voulaitmangerquelquechose,Bobbyne seraitpas contentet jedevrais

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passercinqlonguesminutesàleconvaincredeseremettreauxfourneaux.—Qu’est-cequisepasse?— Pas grand-chose. (Elle mordit ses lèvres rose bonbon. Une fois

devantlestabouretsenvinylerouge,ellepritunegrandeinspiration.)Tuessurlepointdefermer,non?

Jehochailentementlatête.—Dansdixminutes,environ.— Désolée. Je ne t’embêterai pas longtemps. Je ne comptais pas

m’arrêterici.(Dansmatête, j’ajoutaiun«paspossible»dégoulinantdesarcasme.)Lesfillesetmoi,onallaitaulac.Desmecsontdécidéd’yfairela fête. Et on est passées devant le resto, expliqua-t-elle. Alors, ça m’adonnél’idéedevenirvoirsi…situsavaisquandrentraitSebastian.

Évidemment.Je serrai lesdents. J’auraisdûmedouterà l’instantoùSkylar avait

franchi lesportesqu’elleétaitvenuemeparlerdeSebastian.Aprèstout,qu’aurait-ellepumevouloird’autre?Elleétaitdoucecommeunagneau,maisaulycée,nousn’évoluionspasdanslesmêmescercles.Lamoitiédutemps,j’étaisinvisibleàsesyeuxetàceuxdesesamis.

Cequim’allaittrèsbien.—Aucuneidée.C’était un mensonge. Sebastian était censé rentrer de Caroline du

Nordlesamedimatinsuivant.Sesparentsetluiétaientallésrendrevisiteàsescousinspourl’été.

Une sensation particulière me serra la poitrine : un mélange demanqueetdepanique.Deuxémotionsquej’associaissouventàSebastian.

—Ahoui?Savoixs’étaitfaitesurprise.Jefisdemonmieuxpourgarderuneexpressionneutre.—Jesupposequ’ilseraderetourceweek-end.Enfin,peut-être.—Oui,sansdoute.(Ellebaissalesyeuxverslecomptoirettriturale

bas de son débardeur noir moulant.) Il ne m’a pas… Je n’ai pas denouvellesdelui.Jel’aiappeléetjeluiaienvoyédesmessages,mais…

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Jem’essuyailesmainssurmonshort.Quevoulait-ellequejeluidise?Cetteconversationétaitatrocementgênante.J’auraisvoulufairemagarceet lui faire remarquer que si Sebastian voulait lui parler, il lui auraitrépondu,maiscen’étaitpasmonstyle.

J’étaislegenredepersonnesàimaginerdesrepartiestellesquecelles-cisansjamaislesprononceràvoixhaute.

—Ilestsûrementtrèsoccupé,luidis-jeauboutducompte.Sonpèrevoulaitqu’ilprofiteduvoyagepourvisiteruneoudeuxfacs,etçafaitdesannéesqu’iln’aplusvusescousins.

LeklaxondelaBMWretentit.Skylarjetauncoupd’œilderrièreelle.Jehaussai les sourcils et priai pourque lespersonnesprésentesdans lavoiture n’en sortent pas. Les secondes s’écoulèrent. Skylar replaça unemèche de ses cheveux raides comme des baguettes derrière son oreille,puissetournadenouveauversmoi.

—Jepeuxteposeruneautrequestion?—Biensûr.Cen’étaitpascommesijepouvaisluidirenon.J’imaginaisimplement

un trounoir apparaissantdans le restaurant etm’aspirant à travers sonvortex.

Unlégersourireapparutsurseslèvres.—Ilsortavecquelqu’und’autre?Jeladévisageaiuninstantenmedemandantsij’avaisratéunépisode

del’histoiredeSkylaretSebastian.Depuis le jour où elle avait emménagé à Clearbrook, nombre

d’habitants inconnu, Sebastian et elle étaient devenus inséparables.Personnenepouvait luienvouloir.Sebastianétaitbeauà tomberetuncharmeur-né.Ilsavaientcommencéàsortirensembleaucollègeetétaientrestésencouplependanttoutlelycée,devenantleroietlareinedenotrepromo.J’avaiscommencéàm’habitueràl’idéequ’unjourjeseraisinvitéeàleurmariage.

Puisauprintemps…

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—C’esttoiquil’asquitté,luirappelai-jeaussigentimentquepossible.Je ne veux pas êtreméchante,mais qu’est-ce que ça peut te faire qu’ilsorteavecquelqu’und’autre?

Skylarenroulaunbrasfinautourdesataille.— Je sais, je sais.Mais il faut que j’en aie le cœur net. Ça ne t’est

jamaisarrivédefaireuneénormeerreur?—Souvent,rétorquai-jesèchement.Lalisteétaitpluslonguequemajambeetmonbrasréunis.— Eh bien, le quitter en était une. Enfin, je crois. (Elle recula du

comptoir.)Bref.Situlevois,tupeuxluidirequejesuispassée?Mêmesijen’enavaispaslamoindreenvie,j’acceptai.Jeleluidirais.

J’étaiscommeça.Pathétique.Skylarmesourit,d’unsourirefrancquimedonnal’impressiond’être

quelqu’undebienouquelquechosedanslegenre.—Merci,medit-elle.Onseverraaulycéedansunesemaine?Saufsi

onsecroised’aborddansunefête?—OK.Jeplaquaiunsouriresurmonvisage,maisj’eusl’impressionqu’ilse

craquelait.Jedevaissansdoutedonnerl’impressiond’êtreàmoitiéfolle.Aprèsm’avoir faitunsignede lamain,Skylarseretournaetavança

vers laporte.Quandelle tendit lamainvers lapoignée, elle se figeaettournalatêteversmoi.Sonexpressionétaitbizarre.

—Ilestaucourant,pourtoi?Les coins de mes lèvres s’affaissèrent. Sebastian connaissait tout ce

qu’ilyavaitàsavoirsurmoi.Jemenaisunevieennuyeuseaupossible.Jepassaisplusdetempsàlirequ’àvoirdumondeetj’étaispassionnéeparlachaîne Histoire et les émissions sur les extra-terrestres au temps desMayas.Jejouaisauvolley,certes,maisonm’avaitacceptéedansl’équipeseulementparce que leniveau était trèsmauvais. En toute franchise, jen’aurais jamais eu l’idéedem’inscrire siMegannem’avait pas forcé la

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mainenpremière.Etmaintenant,celameplaisait,mais…j’étaisaussifunqu’unetranchedepainblanc.

Jenecachaisabsolumentaucunsecret.Bon, d’accord, les écureuils me fichaient une peur bleue. C’étaient

juste des rats avec une queue touffue et ils étaientméchants. Personnen’était au courant de cette phobie, parce que j’en avais honte. Mais,quelquepart,jedoutaisqueSkylarveuilleparlerdeça.

—Lena?Savoixmesortitdemespenséesetjeclignailesyeux.—Àproposdequoi?Ellerestasilencieuseunmoment.—Est-cequ’ilsaitquetuesamoureusedelui?Mes yeux s’arrondirent comme des soucoupes. Ma bouche devint

soudaintrèssèche.Jesentismoncœurs’arrêter,puisdégringolerjusqu’àmon estomac. Les muscles de mon dos se crispèrent et mon ventre seserratandisquelapaniquemefrappaitdepleinfouet.Jetâchaiderire.

—Jene…Jenesuispasamoureusedelui.Ilestle…lefrèrequejen’aijamaisvoulu.

Skylarsouritdoucement.—Jeneveuxpasmemêlerdecequinemeregardepas.Quefaisait-elle,alors?—J’aivucomment tu le regardaisà l’époqueoùonétaitensemble.

(Sontonnecharriaitaucunjugement,aucunemoquerie.)Àmoinsquejemetrompe.

—Oui,désolée.Tutetrompes.Jemetrouvaiplutôtconvaincante.D’accord. Ilyavaitbienquelquechosequetout lemonde ignoraità

monsujet.Unevéritécachéequiétaittoutaussihumiliantequemapeurpourlesécureuils,maisquin’avaitrienàvoiravecelle.

Etjevenaisdementirpourengarderlesecret.

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CHAPITRE2

J’habitais à environ quinze minutes du centre-ville de Clearbrook,danslequartiervoisindel’écoleélémentaireoùj’avaispassémontempsàrêvasser.Lesruesétaientbordéesdemaisonsdetouteslestailles,petitesougrandes.Mamèreetmoivivionsdansunemaisondetaillemoyennedontmamèrepouvaitàpeinepayerleloyeravecsonsalaired’employéed’assurance.On aurait pu emménager dans un endroit plus petit, étantdonné que Lori était partie à la fac et que j’allais la suivre l’annéesuivante,maisjecroisquemamèren’étaitpasencoreprêteàquittercettemaisonetàlaisserderrièreellelessouvenirsettoutcequiauraitpuêtre.

Il aurait sans doute mieux valu pour nous que nous déménagions,maisnousnel’avionspasfait.Àprésent,ilétaittroptard.

Jem’engageaidansl’allée.LavieilleKiademamèreétaitgaréesurlaroute.Jecoupailemoteuretprisunegrandeboufféeduparfumàlanoixde coco qui embaumait l’habitacle de la Lexus argentée qui avaitappartenuàmonpère.Elleavaitdixans.Mamèren’enavaitpasvoulu.Lorinonplus.Alors,ellem’étaitrevenue.

Cen’étaitpaslaseulechosequej’avaishéritéedemonpère.J’attrapaimonsacsurlesiègepassageretsortisdelavoitureavantde

refermerdoucementlaportièrederrièremoi.Lescriquetschantaientetunchienaboyait,quelquepart,danslaruesilencieuse.Jejetaiuncoupd’œilàlagrandemaisonàcôtédelanôtre.Lesfenêtresétaientplongéesdansle noir. Les branches d’un imposant érable planté dans le jardin sebalançaientsouslevent,faisantcrépiterlesfeuilles.

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Dans un an, je ne serais plus là, à regarder la maison des voisinscomme une vraie voyeuse. Je serais à la fac, avec un peu de chance àl’université de Virginie, mon premier choix. Je comptais quand mêmeenvoyermacandidatureà toutes lesautres facspossibleset imaginablesauprintemps,justeaucasoùcelle-cimerecalerait.Cequiétaitsûr,c’estquejeneseraisplusici.

Etc’étaitunebonnechose.Ilfallaitquejequittecetteville,quejelaissecequotidienderrièremoi

etquejemettedeladistanceentrelamaisondesvoisinsetmoi.Détournantleregard,j’avançaisurlechemindalléetentrai.Comme

ma mère était déjà au lit, je tentai d’être la plus discrète possible.J’attrapai un soda dans le frigo et montai à l’étage pour prendre unedoucherapidedanslasalledebainscommune.QuandLoriétaitpartieàla fac, j’aurais pu prendre sa chambre, à l’avant de la maison, quipossédaitsapropresalledebains,maismachambre,àl’arrière,procuraitdavantaged’intimité et avait unbalcon incroyable auquel je refusaisderenoncerpourdenombreusesraisons.

Desraisonssurlesquellesjenesouhaitaispasm’appesantir.Une fois dansma chambre, je posai le soda sur la table de nuit et

laissai tomberma serviette par terre. Je sortis ensuitemon tee-shirt denuit préféré de tous les temps de la commode et l’enfilai. Lorsquej’allumai ma lampe de chevet, une douce lumière inonda la pièce. JeramassailatélécommandedelatéléetmislachaîneHistoireenfond,àfaiblevolume.

Jejetaiuncoupd’œilàlamappemondepleinedegribouillispunaiséeau-dessus demon bureau. Elle indiquait tous les lieux que je rêvais devisiter.Lescerclesrougesetbleusquej’yavaistracésmefirentsourireetjenepusm’empêcherdesaisirlelivrerougeetnoirposésurmonbureau.Celui-ci neme servait d’ailleurs plus qu’à poser des livres.Quand nousavions emménagé ici, mon père avait installé des étagères sur le murcontre lequelétaientdisposéesmacommodeetma télévision,mais celafaisait des années qu’elles étaient pleines à craquer. Depuis, j’empilais

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meslivresunpeupartoutdansmachambre:devantmatabledenuit,dechaque côté de ma commode et même dans mon armoire. J’y avaisdavantagedelivresquedevêtements.

J’avais toujours été une grande lectrice. Je lisais énormément.Mongenredeprédilectionétait laromance,avecunepréférencepourlesfinsdecontesde fées.Lori semoquait souventdemoiàce sujet.Elledisaitqueleshistoiresquejelisaisétaienttropniaises.Peuimportait.Aumoins,mes goûts n’étaient pas prétentieux comme les siens. Parfois, j’avaisseulement envie de… je ne sais pas… d’échapper àmon quotidien. Deplonger,têtelapremière,dansunmondecapabledem’ouvrirlesyeuxsurunsujetdesociétébienréeloudansunmondequin’avaitrienàvoiraveclenôtre,avecdes féesenguerreoudesclansdevampires itinérants.Jevoulais faire de nouvelles expériences, tout en sachant que la dernièrepagenemelaisseraitpassurmafaim.

Parceque«ilsvécurentheureuxeteurentbeaucoupd’enfants»,celan’existaitquedanslesromansquejelisais.

Assiseauborddulit,j’étaissurlepointd’ouvrirmonlivrelorsqu’unlégercoupsurlaportedubalconm’enempêcha.L’espaced’uninstant,jemefigeai.Moncœur,lui,semitàbattreàtoutrompre.Puisjemelevaid’unbondetlaissaitomberlelivresurmonlit.

Ilnepouvaits’agirqued’uneseulepersonne:Sebastian.Jedéverrouillai laporteavantde l’ouvrir.Unénorme sourire étirait

mes lèvres,c’étaitplus fortquemoi.Etvisiblement, jenecontrôlaispasmon corps non plus car, sans m’en rendre compte, je m’élançai àl’extérieur,lesbrasgrandsouverts.

Jeme heurtai aussitôt à quelqu’un de beaucoup plus grand et fort.Sebastiangrognatandisquej’enroulaismesbrasautourdesesépaulesetenfouissaismonvisagecontresontorse.Leparfumfraisdelalessivequesamèreutilisaitdepuistoujoursparvintàmesnarines.

Sebastianmeserracontreluisanshésiter.Iln’hésitaitjamais.—Lena.

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Sa voix était grave, plus grave que dans mes souvenirs. Étrange. Iln’étaitpourtantpartiqu’unmois.Toutefois,unmoispouvaitparaîtreuneéternitélorsqu’onavaitl’habitudedevoirunepersonnetouslesjours.Onavaitgardécontacttoutl’étégrâceauxSMSetàdeuxoutroiscoupsdefil,maiscen’étaitpaslamêmechose.

Sebastianmesoulevaet jemeretrouvaiun instant lespiedsdans levideavantqu’ilmereposeparterre.Sontorsesesoulevavivementcontrele mien et quand il baissa la tête vers moi, une vague de chaleurm’envahitetserépanditjusqu’auboutdemesorteils.

—Jevoisquejet’aimanqué,dit-ilenenroulantsesdoigtsautourdemescheveuxmouillés.

Oui.Seigneur.Ilm’avaittellementmanqué!Beaucouptrop.—Non.(Sontorseétouffaitmavoix.)Jet’aiprispourlebeaugosse

quej’aiserviaudinercesoir.—N’importequoi.(Jelesentisrirecontrematête.)Jen’ycroispas

uneseconde.—Pourquoi?—Pourdeuxraisons.Lapremière,c’estquejesuisleseulbeaugosse

quifréquenteleJoanna’s,etjen’étaispaslà,répondit-il.—Ehbien!Quellemodestie…— Je ne fais qu’énoncer la vérité. (Son ton était léger, un peu

malicieux.) La deuxième, c’est que si tu avais cru que c’était quelqu’und’autre,tuneseraisplusaccrochéeàmoicommeduVelcro.

Iln’avaitpastort.Jereculaietbaissailesbras.—Laferme.Ilritencoreunefois.J’avaistoujoursaimésespetitsrires.Ilsétaient

contagieux.Peuimportaitquel’onsoitdebonneoudemauvaisehumeur,onnepouvaits’empêcherdesourireenretour.

—Jecroyaisquetunerentraispasavantsamedi,luidis-jeenrentrantdansmachambre.

Sebastianmesuivitàl’intérieur.

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—Papa a décidé qu’ondevait être rentrés pour lematch amical dedemainsoir,alorsquejenesuismêmepascenséjouer.Enfin,ils’estdéjàarrangéavecl’entraîneur.Tuleconnais.

LepèredeSebastianétaitlestéréotypedupèreobsédéparlefootballaméricain. Il ne cessait de pousser, pousser et pousser encore son fils àjouer. À tel point que j’avais été choquée d’apprendre que leur petitefamille quittait la ville alors que les entraînements continuaient.Connaissantsonpère,ill’avaitsûrementobligéàselevertouslesmatinsàl’aubepourcouriretrattraperdesballes,histoirequ’ilneperdepaslamain.

— Tamère dort ?me demanda-t-il lorsque je refermai la porte dubalcon.

—Oui.Lorsque je me tournai vers lui, je le regardai vraiment pour la

premièrefoisdepuisqu’ilétaitarrivé. Ilsetenaitdans la lumièredemachambreet,mêmesijenel’auraisjamaisadmisàvoixhaute,j’enperdislefildemapensée.

Sebastian était… Il n’avait pas à faire le moindre effort pour êtrebeau. C’était rare de pouvoir dire ça au sujet d’un mec. Au sujet den’importequi,pourêtrehonnête.

Sescheveuxavaientuneteinteàmi-cheminentrelebrunetlenoir.Ilsétaientcoupéscourtsurlestempesetpluslongsurledessus.Desmèchesrebelles tombaient sur son front et touchaient presque ses sourcils brunfoncé. Ses cils étaient d’une épaisseur qui aurait dû être interdite etourlaient des yeux d’un bleu jean profond. Il avait un visage taillé à laserpe, de hautes pommettes, un nez aquilin et unemâchoire puissante,jolimentdessinée.Unecicatricebarraitlecôtédroitdesalèvresupérieuredontlaforme,aucentre,ressemblaitàuncœur.Cetteblessuredataitdenotrepremièreannéedelycée.Durantunentraînementdefoot,unballonl’avait heurté avec une telle violence que son casque avait été arraché.C’étaient ses épaulières qui étaient remontées vers sa bouche et luiavaientouvertlalèvre.

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Çaluiallaitbien.Tandisqu’ilobservaitmachambre,j’étaisincapablededétournerles

yeuxdesonshortdebasket-balletdesontee-shirtblancsansmotif.Aucollège,ilavaitétégrandetdégingandé.Depuis,ilavaitprisdumuscleetrivalisaitaveclesstatuesgrecquesenmarbre.Jesupposequedesannéesdepratiquedufootballavaientceteffetsuruncorps.

Sebastiann’étaitplusseulementlegarçonmignonquihabitaitàcôtédechezmoi.

Celafaisaitdesannéesqu’ilvenaitmevoirdecettefaçon,depuisqu’ilavait compris que c’était bien plus facile que de passer par la ported’entrée.Illuisuffisaitdesortirdechezluipar-derrière,depénétrerdansnotre jardin par un portillon, puis demonter les quelquesmarches quimenaientaubalcon.

Nosparents savaientqu’ilvenaitmerendrevisiteendouce,mais ilsne s’inquiétaient pas. Pour eux, et pour Sebastian, nous avions grandiensemble:nousétionsdonccommeunfrèreetunesœur.

Deplus,ilsnesedoutaientpasquesesvisitesavaientlieulanuit.Celaavaitcommencél’annéedenostreizeans,lesoiraprèsledépartdemonpère.

Jem’adossaiàlaporteetmemordisl’intérieurdelajoue.SebastianHarwellétaitl’undesgarçonslespluspopulairesdulycée.

Rien d’étonnant à cela : il était canon, talentueux, drôle, intelligent,gentil…Personneneluiarrivaitàlacheville.

Ilétaitégalementl’undemesmeilleursamis.Pour des motifs que je ne souhaitais pas développer, quand il se

trouvaitdansmachambre,lapièceparaissaitpluspetite,lelitminuscule,etj’avaisdumalàrespirer.

—C’estquoi,cetrucqueturegardes?medemanda-t-ilàvoixbasseendésignantlatélévision.

Jejetaiuncoupd’œilàl’écran.Unhommeavecdescheveuxbrunsunpeufousagitaitsesmainsdanstouslessens.

—Euh…UnerediffusiondesExtraterrestresdansl’Histoire.

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—OK.Jesupposequec’esttoujoursmoinsmorbidequelesémissionssur lesmédecins légistesque tu regardesde tempsen temps.Parfois, jemefaisdusoucipourtoi…(Sebastians’interrompitetsetournaversmoi.Ilpenchalatêtesurlecôté.)C’estmonmaillot,non?

Oh.Oh,monDieu.J’écarquillai les yeux enme rappelant ce que je portais : son vieux

maillotdefoot.Deuxansplustôt, il l’avait laissé icipouruneraisonoupouruneautreetjel’avaisgardé.

Commeunevulgairegroupie.Lerougememontaauxjouesetjesentislachaleurdescendrelelong

demoncorps.Letee-shirtnelaissaitguèreplaceàl’imagination: lecoltombaitsurl’unedemesépaules,jeneportaispasdesoutien-gorgeetjedus me faire violence pour ne pas tirer sur le bas du vêtement pourcouvrirmesjambes.

Il n’y avait aucune raison de paniquer. Sebastian m’avait vue descentainesdefoisenmaillotdebain.C’étaitexactementpareil.

Saufquecelanel’étaitpas.—C’estbienmonmaillot.Jelereconnais.(Sescilsdissimulèrentun

instantsonregardtandisqu’ils’asseyaitsurlelit.)Jemedemandaisoùilétaitpassé.

Jenesavaispasquoidire.Toutàcoup,j’étaispétrifiée,colléeausol.Trouvait-ilétrangequejeportesonmaillotpourdormir?Sic’étaitlecas,jenepouvaispasluienvouloir.

Ilselaissatombersurmonlitavantdeseredressertoutaussitôt.—Aïe!Merde!s’exclama-t-ilensefrottantledos.(Ilseretournaet

ramassa le livre que j’avais posé là plus tôt.)Bon sang.C’est toi qui lisça?

Jefronçailessourcils.—Oui.Çateposeunproblème?— Tu pourrais tuer quelqu’un avec ce truc ! Et après, tu te

retrouveraisdansl’unedecesémissionsd’enquêtequetuadores.Jelevailesyeuxauciel.

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—Tuexagèresunpeu.—Situledis.(Iljetalelivreàl’autreboutdulit.)Tuallaisdormir?—J’allaislireavantd’êtregrossièrementinterrompue,plaisantai-je.Jemeforçaiàm’éloignerdelaporteetmerapprocherdelui,allongé

surmonlitcommes’ils’agissaitdusien,surleflanc,latêteposéecontresonpoingfermé.

—Maisquelqu’un,jenedénonceraipersonne,adécidédes’incruster.Seslèvresseretroussèrentencoin.—Tuveuxquejeparte?—Non.—C’estbiencequejepensais.(Iltapotal’espaceàcôtédelui.)Viens

t’asseoiràcôtédemoi.Raconte-moitoutcequej’airaté.Toutenessayantdenepasmecouvrirderidicule,jem’assissurlelit.

Avecce tee-shirt,cen’étaitpas facile.Jen’avaispasenviequ’il serincel’œil.Oupeut-êtrequesi.Maisjedoutaisquecesoitsonintention.

—Tun’aspasratégrand-chose, luidis-jeentournantlatêtevers laportedemachambre.(Heureusement,j’avaispenséàlafermer.)Keithaorganisédeuxoutroissoirées…

— Tu y es allée sansmoi ? (Il posa la main sur sa poitrine.)Monpauvrecœur.J’aimal.

Je lui souris et tendis les jambesdevantmoiavantde les croiserauniveaudeschevilles.

—J’ysuisalléeavec les filles.Pas touteseule.Etmêmesic’était lecas,qu’est-cequeçapeuttefaire?

Sonsourires’élargit.—Est-cequ’ilyenaeuprèsdulac?Jesecouailatête,puistiraisurletee-shirttoutengigotantdesdoigts

depieds.—Non.Seulementchezlui.—Cool.Lorsquejemetournaiverslui,jemerendiscomptequ’ilavaitlesyeux

baissés. Sa main libre était posée sur les draps entre nous. Ses doigts

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étaientlongsetfins,etsapeaudoréeparlesoleil.—Qu’est-cequetuasfaitd’autre?Tuessortieavecquelqu’un?J’arrêtai de bouger mes orteils et me tournai de nouveau vers lui.

C’étaitunedrôledequestion.—Pasvraiment.Ilhaussaunsourciletrelevalesyeuxversmoi.Jedécidaidechangerrapidementdesujet.—Aufait,devinequiestpasséauJoanna’scesoirpourprendredes

nouvellesdetoi?—Quin’auraitpasenviedeprendredesnouvellesdemoi?Jeluiadressaiunregarddésabusé.Ileutunsourireespiègle.—Qui?—Skylar.D’aprèselle,ellet’aenvoyédestasdemessages,maistules

astousignorés.—Jenel’ignorepas.(Ilrepoussaenarrièrelescheveuxquitombaient

sursonfront.)Jeneluiaipasrépondu,c’esttout.Jegrimaçai.—Cen’estpaslamêmechose?—Qu’est-cequ’ellevoulait?medemanda-t-ilaulieuderépondre.—Teparler.(Jem’adossaiàlatêtedelitetattrapaiuncoussinpour

le poser sur mes genoux.) Elle m’a dit… Elle m’a demandé de te direqu’elleétaitpassée.

—Ettuasobéicommeunebonnepetitefille.(Ils’interrompitetsonsourires’agrandit.)Pourunefois.

Jepréférainepasrelever.—Elleaaussiditqu’ellen’auraitjamaisdûtequitter.Ilrelevavivementlatête.Toutàcoup,ilétaittrèssérieux.—Elleaditça?Moncœurs’emballa.Ilparaissaitétonné.Maisétait-ceunebonneou

unemauvaisesurprise?Avait-ilencoredessentimentspourelle?—Oui…

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L’espaced’uninstant,Sebastiandemeuraimmobile.Puis ilsecoualatête.

—Peuimporte.D’ungestebrusqueetrapide,ilm’arrachalecoussindesgenouxetle

plaçasoussatête.— Fais comme chez toi, marmonnai-je en remontant le maillot sur

monépaule.—C’est ce que je viens de faire. (Ilme sourit.) Tu as unenouvelle

tachederousseur.—Quoi?(Jetournailatêteverslui.Depuistoutepetite,onauraitdit

qu’unebombe rempliede tachesde rousseuravait exploséprèsdemonvisage.)Commenttupeuxsavoirquej’aiunenouvelletachederousseur?Cen’estpaspossible.

—Jelesais,c’esttout.Viensparlà.Jepeuxmêmetemontreroùelleest.

J’hésitai.—Allez,mepressa-t-ilenmefaisantsignedudoigt.Après avoirprisunegrande inspiration, jemepenchai vers lui.Mes

cheveuxtombèrentsurmesépaules.Lesourireauxlèvres,illevalamainversmoi.—Justeici…(Ilpressaleboutdudoigtaumilieudemonmentonet

soudain, l’airmemanqua.Ses cils sebaissèrentun instant.)Ellen’étaitpaslàavant.

Pendant une minute, je fus incapable de bouger. Je restai assise,immobile,reliéeàluiparsondoigtquitouchaitmonmenton.Cecontacttrès légern’auraitpasdûme faireun teleffet,pourtant, je le ressentaisdanstouteslescellulesdemoncorps.

Illaissasamaintomberdenouveauentrenous.Jeprisuneinspirationtremblante.—Tu…Turacontesn’importequoi.—Peut-être,maistum’aimesquandmême,rétorqua-t-il.Oui.

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Àlafolie.Plusquetoutaumonde.Pourlerestantdemesjours.J’auraispu continuer ainsi pendant des heures. J’étais amoureuse de Sebastiandepuis…Oh,là,là,depuisque,àseptans,ilétaitvenuseprésenteràmoienm’apportantleserpentnoirqu’ilavaittrouvédanssonjardinenguisede cadeau. J’ignorais pourquoi il s’était mis cette idée en tête, mais ilavait laissé tomber le serpent devantmoi, comme un chat rapporte unoiseaumortàsonmaître.

C’étaituncadeautrèssingulier,letypedecadeauqu’ungarçonfaisaitàunautregarçon…etenquelquesorte,celaavaitscelléladynamiquedenotre relation. J’étaisamoureusede luiàencrever, et lui, ilme traitaitcommeunpote.Celanechangeraitjamais.

—Tuparles,jetesupporteàpeine,luidis-je.Ilroulasur ledosettenditsesmains jointesau-dessusdesatêteen

riant.Sontee-shirtsesouleva,dévoilantsonventreplatetlesmusclesdechaquecôtédeseshanches.J’ignoraiscommentillessculptait.

—Continuedetevoilerlaface,dit-il.Unjour,tufiniraspeut-êtreparycroire.

Ilignoraitquecequ’ildisaitétaitlastrictevérité.Je ne cessais dementir au sujet de Sebastian et demes sentiments

pourlui.Le mensonge était l’une des rares choses que mon père m’avait

apprisesavantsondépart.Chezlui,celaavaitétéunvéritabledon.

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CHAPITRE3

Ilétaittroptôtpourcesconneries.Debout, à côté deMegan, j’espéraisme fondre dans le décor etme

faire oublier. Cela me permettrait de m’allonger et de faire la sieste.Sebastianétaitpartià3heuresdumatinetj’étaisbientropcrevéepourfairelemoindreeffortphysique.

Notre entraîneur, M. Rogers, aussi connu sous le nom de sergentRogers ou lieutenantConnarddepremière classe, avait les bras croisés.Sonexpression,commed’habitude,étaitrenfrognée.Jenel’avaisjamaisvu sourire. Pasmême lorsque l’on avait passé les éliminatoires l’annéeprécédente.

En dehors du lycée, il faisait partie du corps d’entraînement desofficiersderéserve.Parfois,j’avaisl’impressionqu’ilnousconfondaitaveceux.Etaujourd’huineseraitpasdifférent.

—Auxgradins!ordonna-t-il.Dixséries.Avec un soupir, je resserraima queue-de-cheval.Megan se retourna

vivementversmoi.— Celle qui finit en dernier offre un smoothie à la gagnante après

l’entraînement.Jegrimaçai.—Cen’estpasjuste.Tugagnestoujours.—Jesais.Ellegloussaavantdes’élancerverslesgradinsdugymnase.

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Je remontai mon short et me résignai à mourir d’épuisement entredeuxmarches.

L’équipe bondit sur les travées enmétal. Le claquementdes basketsrésonna dans le gymnase à mesure que nous escaladions les gradins.Arrivéeausommet,jetapaicontrelemurcommenousétionscenséeslefaire.Si l’onoubliait, il fallait tout recommencer.Endescente, jegardailesyeuxrivéssur lesrangsdevantmoipendantquemesgenouxetmesbras faisaient tout le travail.Dès le cinquième tour, lesmuscles demesjambessemirentàmebrûlerviolemment.Mespoumonsaussi.

Jefaillismourir.Plusd’unefois.Àlafin,c’estavecdesjambesencompotequejerejoignisMegansur

leterrain.— Je prendrais un smoothie banane fraise, dit-elle, le visage rouge.

Merci.— La ferme,marmonnai-je en haletant. (Je jetai un coup d’œil aux

gradins. Aumoins, je n’étais pas la dernière. Je reportaimon attentionverselle.)J’aienviedeMcDo.

Meganricanaetremontasonshort.—Çanem’étonnepas.—Hé,aumoins,moi,jemangedesprotéines!luifis-jeremarquer.J’auraissansdouteétébeaucoupplusmuscléesiaprèsl’entraînement,

jem’étaiscontentéed’unsmoothie,commeelle,au lieuduMcMuffinetdelagalettedepommedeterrequejecomptaisdévorer.

Elleplissalenez.—Jenesuispascertainequeçacompte.—Nedispasça,c’estunsacrilège.— Tu es sûre d’avoir bien compris la signification de ce mot ?

rétorqua-t-elle.—Tuessûredenepasvouloirtelafermer?Meganritàgorgedéployée.Parfois,jemedemandaispourquoinous

étions si proches. Nous n’avions absolument rien en commun. La seule

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chose qu’elle lisait, c’était les conseils de drague de Cosmo et leshoroscopeshebdomadairesdesmagazinesdesamèrequitraînaientchezelle. Moi, je lisais tous les livres qui me tombaient sous la main. Jecomptaisfaireunempruntpourcontinuermesétudes.Megan,elle,avaitdéjà obtenu une bourse d’études prestigieuse.Megan nemangeait chezMcDonald’sque lorsqu’ellebuvait, cequiétaitassez rare.Moi, j’yallaistellement souvent que j’appelais l’employée qui s’occupait du drive parsonprénom.

Elles’appelaitLinda.Meganétaitplusextravertiequemoi,ellenerechignaitpasàtenterde

nouvelles expériences alors que j’étais du genre à peser le pour et lecontreavantdeme lanceret,dans lagrandemajoritédescas, c’était lecontrequil’emportait.Meganparaissaitbeaucoupplusjeunequesesdix-septans.Elleressemblaitsouventàunchatonhyperactifquigrimpeàdesrideaux. Elle était toujours en train de faire le clown. Toutefois, cettedésinvolturen’était qu’uneapparence.Elle avait lesmeilleuresnotes enmaths sans le moindre effort. Vue de l’extérieur, elle ne semblait rienprendreausérieux,maisenréalité,elleétaitaussibrillantequepétillante.

Nous avions l’intention, ou du moins projetions, d’entrer toutes lesdeux à l’université de Virginie, où nous serions colocataires. Notre butdans la vie était de rendre celle de Dary impossible, avec tout notreamour,pourlerestantdenosjours.

Finalement, j’allais prendre deux galettes de pomme de terre et lesmangerdevantelle.Jeladépassaietmedirigeaiversnotrecapitainequiattendaitquel’onserassemble.

L’entraînementétaitéreintant.Étant donné que nous étions vendredi et que la saison n’avait pas

encore commencé, on ne faisait que des exercices de renforcement :fentes,squats,sprints,sauts…Chaquefois,c’étaitlamêmechose.J’avaisl’impressiond’être laplusnulle.À la finde laséance, jesentaisàpeinemes jambes et je transpirais à des endroits auxquels je préférais ne paspenser.

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— Les terminales, j’ai à vous parler. Restez ici quelques minutes,annonçaRogers.Lesautres,vouspouvezpartir.

Megan m’adressa un regard surpris tandis qu’on approchait de luid’un pas traînant. Mon ventre me faisait mal à cause des abdos qu’onavait faits. Jeme fis violence pour ne pasme plier en deux et pleurercommeunbébéquifaitsesdents.

—Notrepremiermatchdel’annéeauralieudansdeuxsemaines.Ceseraégalementledébutd’unnouveauchampionnat.J’aimeraism’assurerque vous avez conscience de l’enjeu que cela représente pour vous.(L’entraîneur redressa sa casquette et baissa légèrement la visière.) Cen’est pas seulement votre dernière année. C’est le moment où leschasseursdetalentsviendrontassisterauxmatchspourvousrepérer.Denombreuses universités de Virginie et des États voisins cherchent denouveauxjoueurs.

Leslèvrespincées,jecroisailesbrassanslesserrer.Uneboursepourjouerauvolleym’auraitbienarrangée.Enfait, j’enrêvaisetjecomptaistenterma chance,mais certaines filles étaient bienmeilleures quemoi,Meganycompris.

Leschancespourquel’onseretrouvetouteslesdeuxàl’universitédeVirginieétaientminces.

— Je ne le répéterai jamais assez : cette saison, votre jeu doit êtreirréprochable, continua l’entraîneur d’une voix monotone. (Son regardsombres’attardasurmoi,commepourmedirequ’ilavaitremarquéquej’étaisnulleensprint.)Vousn’aurezpasdesecondechance.Vousdevrezéblouir lesrecruteurscoûtequecoûte.L’annéeprochaine,vousneserezpluslà.

LesyeuxdeMegantrouvèrentlesmiensetellehaussalégèrementlessourcils.J’étaisd’accord:ilenfaisaitdestonnes.

L’entraîneur continua de bavasser au sujet des meilleurs choix quel’on pouvait faire dans la vie ou un truc dans le genre avant de nouscongédier. Libredepartir, notrepetit groupe sedirigea vers les sacsdegymbordeauxetblancrestants.

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Alorsqu’elleattrapaitsabouteilled’eauposéesursonsac,Meganmedonnauncoupd’épaule.

—Tuétaisunpeunulle,aujourd’hui.—Merci, répondis-jeenépongeant lasueurquidégoulinaitsurmon

frontdureversdemamain.Çamerassuredetel’entendredire.Elle sourit contre le goulot de sa bouteille. Avant qu’elle ait eu le

tempsdedirequoiquecesoit,l’entraîneurcriamonnom.—Oh,merde,murmuraMegan,lesyeuxécarquillés.Ravalant un grognement, je me retournai et me dirigeai au pas de

courseverslefiletdevantlequelnoussautionssisouventetprèsduquelse trouvaitM.Rogers.Quand l’entraîneur utilisait nos nomsde famille,c’étaitunpeucommequandnosmèresutilisaientnosnomsenentier.

LabarbeparfaitementtailléedeM.Rogerscontenaitplusdeselquedepoivre,maisc’étaitunhommeautopdesaforme,très intimidant. Ilétait capable de gravir les gradins en courant deux fois plus vite queMegan, et vu sa tête, cela nem’aurait pas étonnée qu’ilm’ordonne derecommencerdixfois.Sic’étaitlecas,jen’ysurvivraispas.

—Jet’aiobservéeaujourd’hui,dit-il.Oh,non.—Tun’avaispasl’airtrèsconcentrée.(Quandilcroisalesbras,jesus

que je n’allais pas m’en sortir facilement.) Tu travailles toujours auJoanna’s?

Jemecrispai.Nousavionsdéjàeucetteconversation.—J’aifaitlafermeture,hiersoir.—Ceci explique cela.Tu saisque jen’aimepasque tu travailles en

plusdesentraînements.Ça, pour le savoir…Rogers pensait que les sportifs ne devaient pas

travailler,parcequeletravailétaitunedistraction.—Cen’estquepourl’été.C’était un mensonge. Je comptais continuer de travailler les week-

ends pendant l’année scolaire, histoire de financermes repas auMcDo,maisça,iln’avaitpasàlesavoir.

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—Jesuisdésoléepouraujourd’hui.Jesuisunpeufatiguée,c’esttout.— Très fatiguée, je dirais, me coupa-t-il avec un soupir. Tu as dû

redoublerd’effortspourterminertouslesexercices.Jesupposaisquejen’allaispasrecevoirunbonpointpourcela.Ilrelevalementonetmeregardadehaut.Rogersnenousménageait

paspendant lesentraînementset lesmatchs,mais je l’aimaisbien. Il sesouciaitdeses joueurs. Ilnefaisaitpassemblant.L’annéeprécédente, ilavaitorganiséuneventedecharitéauprofitd’unefamillequiavaittoutperdudansl’incendiedesamaison.Jesavaiségalementqu’ilétaitcontrela cruauté envers les animaux car je l’avais vu avec un tee-shirt PETA.Pourtant,àcetinstantprécis,jeneleportaispasdansmoncœur.

—Écoute, reprit-il. Je sais que les temps sont durs pour ta famille,surtoutaprèscequetonpère…aprèstoutecettehistoire.

Jeserrailesdentstellementfortquemamâchoiremefitsouffrir,maismonexpression,elle, restaneutre.Tout lemondeétaitaucourantpourmonpère.C’étaitl’inconvénientdevivredansunepetiteville.

—Etj’aiconsciencequetamèreettoiavezbesoindecetargent,maistu dois penser à l’avenir. Entraîne-toi sérieusement, consacre plus detempsausportet ton jeus’amélioreraenunriendetemps.Tupourraismême taper dans l’œil d’un recruteur, dit-il. Alors, tu obtiendrais unebourseettun’auraispasàfairedeprêt.Concentre-toisurça:tonfutur.

Mêmesijesavaisqu’ilavaitdebonnesintentions,j’avaisenviedeluidirequemon futuret cequemamèreetmoi faisionsne le regardaientpas.Mais jenedis rien. Jeme contentaidemedandinerd’unpied surl’autre et d’imaginer les galettes de pomme de terre bien grasses quej’allaisdévorer.

Oh,avecduketchup,ceseraitdélicieux!—Tuasdutalent.Jeclignailesyeux.—Vraiment?Sonexpressions’adoucitetilposalamainsurmonépaule.

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—Jepensevraimentquetupeuxdécrocherunebourse.(Ilserramonépaule.)Maisil fautqueturegardesenavantetquetutravailles.Alors,riennepourrat’arrêter.Tucomprends?

— Oui. (Je jetai un coup d’œil vers Megan, qui m’attendait.) Unebourseserait…çam’aideraitbeaucoup.

Énormément,même.Ceseraitbiendenepaspasserdixans,voireplus,àmetuerautravail

pourme tirer de l’enfer des prêts contre lequel onm’avait tant de foismiseengarde.

—Çane tient qu’à toi, Lena. (Rogers baissa samain.) La seule quit’empêched’avancer,c’esttoi.

— Je me moque de ce que tu penses. Chloé était la meilleuredanseuse!s’écriaMegan,perchéesurleborddemonlit.

Je m’attendais presque à ce que ses cheveux se transforment enserpents et arrachent les yeux à tous ceux qui ne partageaient pas sonavis.

Bon,d’accord,jelisaispeut-êtreunpeutropdefantasy.— Je crois qu’on ne peut plus être amies ! ajouta-t-elle avec

conviction.—Cen’estpasunequestiondequidansemieuxquequi.Jesuisàpeu

prèssûrequetuladéfendsparcequ’elleestblonde,commetoi,intervintAbbi qui était allongée à plat ventre surmon lit. (Ses cheveux noirs etfriséspartaientdanstouslessens.)Detoutefaçon,jesuisTeamNia.

Meganfronçalessourcilsetlevalesmainsauciel.—N’importequoi.Monportablesonnasurmonbureau.Quandjevisdequiils’agissait,

jelaissailerépondeursemettreenmarchesansyréfléchiràdeuxfois.Pasaujourd’hui,Satan.— Il faut vraiment que vous arrêtiezde regarder les rediffusionsde

DanceMoms.

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Je reportaimon attention surmon armoire, dans laquelle j’étais entraindechercherunshortquejeporteraispourtravailler.Réprimantunbâillement,jeregrettaidenepasavoirfaitdesieste.Meganétaitrentréeavec moi après l’entraînement et maintenant, il ne me restait qu’uneheureavantderessortir.

—Tuasl’aircassée,ditsoudainAbbi.(Ilmefallutunmomentpourcomprendrequ’ellemeparlait.)Tun’aspasdormi,hiersoir?

— Merci, c’est super sympa, rétorquai-je en fronçant les sourcils.Sebastianestrentré.Ilestpassémevoiretilestrestétard.

—Oooh,Sebastian!minaudaMeganentapantdanssesmains.Est-cequ’ilt’atenueéveilléetoutelanuit?Parcequedanscecas-là,jet’enveuxde ne pas l’avoir dit plus tôt. Oh, et je veux les détails aussi. Tous lesdétailslespluscroustillants!

Abbiricana.—Jedoutesérieusementqu’ilyaitlemoindredétailcroustillant.—Jenesaispascommentjedoisleprendre,intervins-je.—Jenevousvoispasensemble,c’esttout,réponditAbbienhaussant

lesépaules.—Jenesaispascommenttufaispourpasserautantdetempsaveclui

sansavoirenviedeluisauterdessuscommeunechienneenchaleur,ditMegand’unairpensif.Moi,jeseraisincapabledemecontrôler.

Jerejetailatêteenarrière.—Mercipour l’image. (J’avaisvraimentdesamiesbizarres.Surtout

Megan.)Tunet’étaispasremiseavecPhillip?—Euh,plusoumoins?Jenesaispas.Onenparle.(Megangloussa.)

Mais, même si j’étais en couple avec lui, ça ne m’empêcherait pasd’admirerlemagnifiquespécimenqu’esttonvoisin.

—Fais-toiplaisir,marmonnai-je.—Vousavezdéjà remarquéque lesgenscanon traînentensemble?

RegardezlespotesdeSebastian:Keith,Cody,Phillip.Ilssonttropbeaux.C’est pareil pourSkylar et ses amies.Ondirait des oiseauxquimigrentverslesudenhiver.

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—Qu’est-cequ’elleraconte?murmuraAbbi.— Bref, je n’ai pas honte d’avoir des pensées impures à l’égard de

Sebastian.Tout lemondeenpincepour lui,continuaMegan.J’enpincepourlui.Abbienpincepourlui…

—Quoi?s’écriaAbbi.Jen’enpincepaspourlui.—Oh,pardon.C’estvrai:c’estKeithquitefaitdel’effet.Jetournailégèrementlatêtepourvoirlaréactiond’Abbietjenefus

pasdéçue.AbbiseredressasursescoudesetsetournaversMegan.Siunregard

pouvaittuer,lafamilleentièredeMeganseraitmortesur-le-champ.— Je pense sérieusement à te frapper, et comme tu pèses dix kilos

toutemouillée,jerisquedetecasserendeuxcommeunKitKat.Tout sourire, je retournai à mon armoire et me laissai tomber à

genoux pour fouiller parmi mes livres et mes jeans au fond de monplacardétroit.

—Keithestmignon,Abbi.—Ouais, j’aidesyeux,maisc’est leDonJuandu lycée. Ilacouché

avectouteslesfilles,nousfit-elleremarquer.—Pasmoi,ditMegan.— Moi non plus. (Après avoir trouvé mon short en jean, je me

relevai.)EtKeithessaiedesortiravectoidepuisquetuasdesseins,jetesignale.

—C’est-à-diredepuislafindelaprimaire.(Meganritenrecevantuncoussindelapartd’Abbi.)Quoi?C’estvrai!

Abbisecoualatête.—Vousêtesdingues.Çam’étonneraitqueKeithaimeautrechoseque

desnanasblanchescommevosculs.Je gloussai et me laissai tomber sur mon fauteuil. Le dossier tapa

contrelebureauetfitchancelerlespilesdelivresquej’yavaisposées.—JesuisquasicertainequeKeithn’estpasregardantsurlacouleur

de peau, la taille et les formes des filles avec qui il sort, dis-je en me

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penchantpourramasserlesstylosetlessurligneursquiétaienttombésdubureau.

Abbisouffla.—Situledis.Detoutefaçon,ilesthorsdequestionqu’ondiscutede

manon-attirancepourKeith.JemetournaiversAbbi.— Tu sais quoi ? Skylar est passée au Joanna’s hier soir pour me

demander si Sebastian savait que j’étais amoureuse de lui. (Je laissaiéchapperunrirefaussementdétendu.)C’estdingue,non?

Les yeux bleus de Megan s’arrondirent comme des planètes. PascommePluton…plutôtJupiter.

—Quoi?L’attentiond’Abbiétaitégalementrivéesurmoi.—Onveutdesdétails,Lena.Jeleurracontaitoutcequis’étaitpasséhiersoiravecSkylar.—C’étaittrèsbizarre.—Bon, il est clair qu’elle aimerait se remettre avec lui. (Abbi avait

l’air pensif.) Mais pourquoi est-ce qu’elle t’a posé cette question ? Etmêmesic’étaitvrai,pourquoiest-cequetul’auraisadmisdevantelle,sonex?

—Jemesuisfaitlamêmeréflexion!m’exclamai-jeenfaisanttournerlentementlachaisesurlaquellej’étaisassise.J’aisouventtraînéavecelleàcausedeSebastian,maisonn’ajamaisétéamies.Jeneluiraconteraispasmessecrets.

Abbipenchalatêtesurlecôté,commesiellevoulaitmedirequelquechose,maisdemeurasilencieuse.

—Oh,j’aifaillioublier!s’écriaMeganenposantlespiedsparterre.(Elleétaitdéjàpasséeàautrechoseetsonvisageenformedecœurétaittout rouge.) J’ai entendu dire que Cody et Jessica s’étaient remisensemble.

—Çanem’étonnepas.

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Cody Reece était le quarterback vedette du lycée. Sebastian, lui, lehalfback. Leur amitié coulait donc de source. Jessica, en revanche…Disonsqu’ellen’étaitpaslananalaplussympaquejeconnaissais.

— Cody n’est pas sorti avec toi à la soirée de Keith, en juillet ?demandaAbbienroulantsurledos.

Jeluiadressaiunregardassassin,digned’unlaserdel’Étoilenoire.—J’avaisoublié.Mercidemel’avoirrappelé.—Derien!dit-elled’unevoixenjouée.— Je me souviens de cette soirée ! Cody était torché. (Megan

entortilla ses cheveux autour de son doigt. Elle adorait faire ça depuisqu’on était gamines.) Il ne se rappelle sans doute pas t’avoir draguée,maisilvaudraitmieuxpourtoiqueJessicanel’apprennejamais.Elleestsuperjalouse.Elleferaitdetonannéedeterminaleunenfer.

Je ne m’inquiétais pas beaucoup pour Jessica. Pourquoi m’envoudrait-elle?Codym’avaitdraguéealorsqu’ilsn’étaientplusensembleàcemoment-là.Cen’étaitpaslogique.

Meganjuraetserelevad’unbond.—J’étaiscenséerejoindremamèreilyadixminutes.Onvafairedu

shoppingpour larentrée.Ellevaencoreessayerdem’habillercommesij’avaiscinqans.(Elleattrapasonsacàmainetsonsacdegym.)Aufait,onestvendredi.Necroispasquej’aioubliélesbonneshabitudes.

Jesoupirai.C’étaitrepartipouruntour…—Ilesttempsquetutetrouvesuncopain.Àcestade,n’importequi

feral’affaire.Unvraimec,jeveuxdire.Pasunhérosdebouquin.Ellesedirigeaverslaportedemachambrependantquejelevaisles

brasenl’air.—Pourquoiest-cequetufaisunefixationsurmavieamoureuse?—«Pourquoiest-cequetufaisunefixationsurmoi?»singeaAbbi.Jeneluiprêtaipaslamoindreattention.—J’aidéjàeuuncopain,jeterappelle!—Oui.(Ellerelevalementon.)Eu.Tun’enasplus.—Abbin’apasdecopainnonplus,fis-jeremarquer.

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— On n’est pas en train de parler d’elle. De toute façon, je saispourquoi tu ne t’intéresses à personne. (Elle tapota sa tempe.) Je saistout!

—Oh,monDieu.Jesecouailatête.—Écoutemesconseils.Visunpeu.Situnelefaispas,tuteréveilleras

à trente ans, célibataire, entouréede chats, avec du thon en boîte pourdîner et tu le regretteras. Ce ne seramêmepas du bon thon,mais unemarque bas de gamme où ça baigne dans l’huile. Tout ça parce que tupassestontempsàlirealorsquetupourraissortiretrencontrer lefuturpèredetesenfants.

—Tuexagèresunpetitpeu,murmurai-jeenlaregardantencoin.Etqu’est-ce que tu as contre le thon à l’huile ? (Je jetai un coup d’œil àAbbi.)C’estbienmeilleurquelorsqu’iltrempedansl’eau.

—Jesuisd’accord,acquiesça-t-elle.—Etçanem’intéressepasderencontrerlefuturpèredemesenfants,

ajoutai-je.Jenesuismêmepassûred’envouloir.Jen’aiquedix-septansetlesgaminsmefontpeur.

—Tumedéçois, repritMegan.Mais je t’aimequandmême. Je suisuneamieformidable.

—Qu’est-cequejeferaissanstoi?Jefistournermachaise.—Tuseraisunenanasupercommune,réponditMeganavecungrand

sourire.Jeposailamainsurmoncœur.—Aïe!— Je dois y aller. (Elle nous fit signe de la main.) Je t’envoie un

messagetoutàl’heure.Alors, elle se cabra, littéralement, la tête en arrière et lesmains en

l’aircommeuncheval,ets’élançahorsdelapièce.—C’estsûrqu’elle,ellen’estpascommune,soufflaAbbiensecouant

latête,lesyeuxrivéssurlaporte.

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—Jenecomprendraijamaissafascinationpourmoncélibat.(JemetournaiversAbbi.)Jamais.

—Quisait,avecelle?(Ellemarquaunepause.)Sinon…Jecroisquemamèretrompemonpère.

Jelaregardai,bouchebée.—Quoi?Abbiselevaetposalesmainssurseshanches.—Tum’astrèsbienentendue.L’espace d’un instant, je ne sus pas quoi dire. Ilme fallut quelques

secondespourréussiràreprendrelecontrôledemeslèvres.—Qu’est-cequitefaitdireça?—Tuterappellesquandjet’aiditquemesparentssedisputaientde

plusenplussouvent?(Elle sedirigeavers la fenêtrequidonnait sur lejardin de derrière.) Ils essaient de ne pas parler trop fort pour ne pasqu’onlesentende,maisilssontdeplusenplusvirulents.Kobecommenceàenfairedescauchemars.

Lepetitfrèred’Abbin’avaitquecinqousixans.Celadevaitêtredurpourlui.

—Jecroisqu’ilssedisputentparcequemamèrerentretrèstardencemomentet…quesesraisonsnesontpastrèsclaires.Etquandjedistard,jen’exagèrepas,Lena.Tuasdéjàentendudes infirmièrespasser toutesleursnuitsàl’hôpital?Monpèreeststupideouquoi?(Ellesedétournadelafenêtreetvints’asseoirauborddulit.)J’étaisencoredeboutquandelle est rentrée mercredi soir, quatre heures après la fin de sa journéehabituelle. On n’aurait pas dit qu’elle venait du travail. Ses cheveuxétaientenbatailleet sesvêtementsétaient froissés commesi elle s’étaitrouléedanslelitdequelqu’unavantderentrer.

Mapoitrineseserra.—Elleavaitpeut-êtrepasséunedurejournée?Abbim’adressaunregardagacé.—Ellesentaitleparfumpourhommeetpasceluidemonpère.

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—Oh,cen’estpas…rassurant.(Jemepenchaienavant.)Tu luiasditquelquechose,quandtul’asvue?

—C’estçaaussiquiestbizarre.Elleavaitl’aircoupable.Ellenem’apasregardéedanslesyeux.Elles’estdépêchéedesortirdelacuisine,etlapremière chose qu’elle a faite, une fois à l’étage, c’est prendre unedouche. Elle prend toujours une douche en rentrant, mais quand tuprendsencomptetouslesdétails…

—Mince.Jenesaispasquoidire,admis-jeenjouantavecmonshort.Tucomptesleurenparler?

—Qu’est-ceque jepourraisbiendire? «Au fait,Papa, je croisqueMamantefaitcocu.Tudevraisfaireattention.»?Çam’étonneraitqueleschosestournentbien.Etpuisonnesaitjamais.Ilyaencoreunechanceinfimepourquej’aietort.

Jegrimaçai.—Tuasraison.Ellefrottasesmainssursescuisses.— Je ne sais pas ce qui s’est passé entre eux. Ils étaient heureux

jusqu’àunanenarrièreetaprès,c’estpartiencacahuète.(Recoiffantsescheveux en arrière, elle secoua la tête.) Il fallait juste que j’en parle àquelqu’un.

Jerapprochaimachaised’elle.—Jecomprends.Unlégersourireétiraseslèvres.—Onpeutchangerdesujet,maintenant?Jepréfèrenepasypenser

plusdecinqminutesàlafois.—Biensûr.(Jecomprenaismieuxquequiconque.)Commetuveux.Elle prit une grande inspiration, comme pour chasser les bribes de

notreconversation.—Alorscommeça…Sebastianestrentréplustôt?Ce n’était pas forcémentmon sujet de conversation de prédilection,

maissiAbbivoulaitm’utilisercommedistraction,jepouvaismeprêterau

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jeu. Je haussai les épaules et laissai ma tête retomber en arrière. Monidiotdecœur,lui,fitunbonddansmapoitrine.

—Çat’afaitplaisirdelevoir?medemanda-t-elle.—Évidemment,répondis-je.Commed’habitudequand jeparlaisdeSebastian,mon ton se faisait

évasif,unpeublasé.—Ilestoù,maintenant?—Au lycée. Il y a unmatch d’entraînement ce soir. Il ne joue pas,

maisilvafairedesexercices.—Tutravailles,ceweek-end?—Oui,mais c’est sans doute le dernierweek-end avant la rentrée.

Pourquoi?Tuveuxfairequelquechose?—Biensûr.Toutpournepasgardermonfrèreetécoutermesparents

se prendre la tête. (Abbi tapa sa sandale contrema jambe.) Tu sais, jem’enveuxd’insister,mais tunecroispasqueSkylaravait raisonquandellet’ademandé…?

—…sij’étaisamoureusedeSebastian?Quoi?Non.C’estridicule.Uneexpressiondubitativepassasursonvisage.—Tunel’aimespasdutout?Moncœurbattaitlachamade.—Évidemmentquejel’aime.Commej’aimeDaryettoi.J’aimemême

Megan.—Maistun’aimaispasAndre…?—Non.Jefermailesyeuxetrepensaiàmonexalorsquejen’enavaispasla

moindre envie. On était sortis ensemble pendant presque toute l’annéescolaire. Pourtant, Abbi avait raison. Andre avait été adorable et jemesentais coupable de l’avoir quitté. J’avais fait des efforts, j’étais mêmepasséeàlavitessesupérieureaveclui,à l’étapelaplus importante,sanssuccès.Ilnemeplaisaitpasetjenepouvaisrienyfaire.

—Çanefonctionnaitpasentrenous.Ellerestasilencieuseuninstant.

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—Tuveuxsavoircequejepense?Jelaissaimesbrastombercontremesflancs.—Untrucsageetavisé?—Ça veut dire lamême chose, banane. (Elleme donna un second

coupdepied.)Si turefusesd’êtrehonnêteavectoi-mêmeparrapportàSebastian,alorstufaisbiendepostuleràl’universitédeVirginie.

—Qu’est-cequeçaaàvoir?Ellepenchalatêtesurlecôté.—Tu es en train demedire que tu as jeté ton dévolu sur la seule

universitéquinel’intéressepasparsimplecoïncidence?Alorslà,ellemeclouaitsurplace.Abbin’avaitjamaisémislemoindre

sous-entendu quant à mes sentiments pour Sebastian. Jusqu’à présent,j’avais été certaine d’avoir réussi à dissimulermon désir pour lui,maisvisiblement,jen’étaispasaussidiscrètequejelecroyais.D’abordSkylar,qui ne me connaissait pas vraiment, et maintenant Abbi, l’une de mesmeilleuresamies.

— L’université de Virginie est une très bonne fac avec un superdépartementd’anthropologie.

Quand j’ouvris lesyeux, je contemplai les craqueluresdans leplâtreduplafond.

Lavoixd’Abbis’adoucit.—Tu ne…Tu n’es pas en train de te renfermer sur toi-même, pas

vrai?Mes yeux me brûlaient. Je pinçai les lèvres. Je savais de quoi elle

parlaitetcelan’avaitrienàvoiravecSebastianettoutàvoiravecl’appelauqueljen’avaispasréponduplustôt.

—Non,luidis-je.Pasdutout.Ellerestasilencieusequelquessecondesavantd’ajouter:—Tucomptesvraimentporterceshortauboulot?Quandtulemets,

turessemblesàunepauvreimitationdeDaisyDuke 1.

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JesuischezKeith.Tuviens?

Je reçus le message de Sebastian lorsque je me garai chez moi enrentrant du travail. D’habitude, je n’aurais jamais laissé passer uneoccasiondevoirSebastian,maisaprèslaconversationquej’avaiseueavecAbbi,jemesentaisbizarre.Etpuisj’étaisépuisée.Jerêvaisdememettreaulitetdemeplongerdansunroman.

Non,jerestechezmoicesoir.

Ilmerenvoyaaussitôtunmessageavecl’émoticôneducacaquisourit.Amusée,j’écrivis:

Tupues.

Troispetitspointsapparurentàl’écran,signequ’ilécrivait,puis:

Tuserasréveilléeàmonretour?Peut-être.

Jesortisdelavoitureetmedirigeaiverslaported’entrée.

Alors,jepasseraipeut-être.

Mon estomac se noua. Je savais ce que cela signifiait. Parfois,Sebastianpassaitmevoirtrèstard.Engénéral,c’étaitquandilyavaitdesproblèmeschezlui…souvent,àcausedesonpère.

Au fond de moi, j’avais conscience que, même s’il était sorti avecSkylarpendantdesannées,iln’étaitjamaisallétrouverrefugechezelle.

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Quand quelque chose le tracassait, c’était moi qu’il venait voir. Celan’auraitsansdoutepasdûmefairetantplaisir,pourtantc’étaitlecas.Jegardaiscedétailbienauchauddansmoncœur.

Entrantdanslehallremplideparapluies,debasketsetdecourrierquis’amoncelait sur le guéridon, je suivis le bourdonnement sourd de latélévision,

L’écranprojetaitunedoucelueurchancelantesurlecanapé.Mamèreétait roulée en boule sur le côté, une main sous la tête en guise decoussin.Elledormait.

Jecontournailefauteuil,saisisleplaidsurledossierducanapéetl’encouvris avec précaution. Quand je me redressai, je repensai à ce quem’avaitditAbbiunpeuplustôt.J’ignoraissisamèretrompaitsonpère.Mamère,elle,n’auraitjamaisfaitunechosepareille.Cettesimplepenséeétaitrisible,carelleaimaitmonpèrecommelameraimelesable.Ilavaitétélecentredesonunivers,lesoleilquis’étaitlevéchaquematinsursonmonde,lalunedanssoncielnocturne.Ellenousaimait,Lorietmoi,maiselleavaittoujoursaiménotrepèredavantage.

Malheureusement, sonamourn’avait pas suffi.Celui dema sœur etmoi non plus. Au bout du compte, Papa avait fini par partir. Par nousquitter.

Etmême si cela neme plaisait pas, je ressemblais beaucoup àmonpère.

Physiquement, j’étais sacopieconforme…en filleetenplusbanale.Lamêmebouche.Lemêmenezimposant,presquetropgrandpourmonvisage. Lesmêmes yeuxnoisette, plusmarronqu’autre chose. Lamêmecouleurdecheveuxavecdesrefletsauburnausoleil…Lesmiensétaienttellement longs qu’ils tombaient sousmes seins. Je n’étais nimaigre nigrosse,plutôtentrelesdeux.Jen’étaisnigrandenipetite.J’étais…

J’étaisdanslamoyenne.Banale.Toutlecontrairedemamère.Avecsescheveuxblondsetsapeaude

bébé, elle était magnifique. Les épreuves de la vie et sa persévérance

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l’avaient rendue encore plus belle. Ma mère était forte. Même si parmomentsellesemblaitenavoirenvie,ellenebaissaitjamaislesbras.

Pourmamère,notreamourétaitsuffisantetl’aidaitàavancer.Loriavaithéritédetouslesbonscôtés.Elleressemblaitànotremère.

C’était une vraie bombe : blonde, avec de belles courbes et des lèvrespulpeuses.

Toutefois,lessimilaritésnes’arrêtaientpasàl’apparencephysique.J’avais tendance à prendre la fuite, moi aussi. Quand la situation

devenaittropdifficile,jeprenaislaclédeschamps,toutcommemonpèrel’avait fait.J’étaispasséemaîtredans l’artderêverà l’avenirau lieudemeconcentrersurleprésent.

Mais,dansunsens, jeressemblaisaussiàmamère.Jecouraisaprèsquelqu’unquinesavaitmêmepasquej’existais.J’attendaisquelqu’unquinereviendraitjamais.

Onauraitditquej’avaishéritédespirestraitsdemesparents.Lecœurlourd,jegravislesmarchesdel’escalieretmepréparaipour

lanuit.Aumoisdenovembre,celaferaitquatreansquePapaétaitparti.J’avaisdumalàycroire.Debiendesfaçons,j’avaisl’impressionqueceladataitd’hier.

Quand je soulevai les couvertures de mon lit pour me glisser àl’intérieur, j’eus un moment d’hésitation. Mes yeux se posèrent sur laporte du balcon. J’aurais mieux fait de la fermer à clé. Après tout, leschancespourqueSebastianpassemevoirétaientmaigresetdanstouslescas…cen’étaitsansdoutepasunebonneidéequ’ilvienne.

C’étaitpeut-êtrelaraisonpourlaquelleaucungarçonnem’attirait.Etquejen’étaispastombéeamoureused’Andre.Avecunsoupir, jemepassailamainsurlevisage.Jemecomportais

comme une idiote. Mes sentiments pour Sebastian n’avaient aucuneincidencesurnotrerelation. Ilsn’enauraient jamais.Je ferais toutpourquecenesoitpaslecas,commeprendreunpeudedistanceetétablirdeslimites, par exemple. C’était sans doute lameilleure chose à faire pouréviterquejefuieouquejepassemavieàl’attendre.

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Avantmêmedemerendrecomptedecequej’étaisentraindefaire,jemelevaidulit.

Jemedirigeaiverslaporteetladéverrouillaidansunclicsonore.

1.PersonnagedelasérietéléviséeShériffais-moipeurdanslesannées1980.(N.d.T.)

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CHAPITRE4

Lasensationdumatelasquis’affaissaitetmonprénommurmurémetirèrentdusommeil.

Jeroulaisurlecôtéetlorsquej’ouvrislesyeux,jegrimaçai.Jem’étaisendormieaveclalumièrealluméeetjesentaislacouverturedemonlivrepresséecontremondos.Toutefois,cen’étaitpascequimepréoccupait.

Sebastianétaitassisauborddemonlit,latêtepenchéesurlecôté.Unlégersourireétiraitseslèvres.

— Salut,murmurai-je en l’observant avec des yeux fatigués. Quelleheure…Quelleheureilest?

—Unpeuplusde3heures.—Tuviensderentrer?Contrairement àmoi, Sebastian n’avait pas vraiment de couvre-feu.

Dumomentqu’ilréussissaitsesmatchs,ilpouvaitplusoumoinsfairetoutcequ’ilvoulait.

—Ouais.Ona faitun supermatchdebadminton.En cinq sets. Lesperdantsdoiventlaverlesvoitures.

Jeris.—Sérieux?—Qu’est-cequetucrois?(Sonsouriremalicieuxs’élargit.)Keithet

sonfrèrecontrePhillipetmoi.—Etquiagagné?—D’aprèstoi?(Ilmedonnaunlégercoupsurlebras.)Phillipetmoi,

biensûr.Levolantacomprisquiétaientsesmaîtres.

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Jelevailesyeuxauciel.—Waouh.—Ah,maistuastonrôleàjouer,toiaussi.—Quoi?Jeplissailesyeux.—Oui ! (Il leva lamain pour repousser unemèchede cheveux qui

tombaitdevant son front.) J’ai l’intentionde rendre la Jeep laplus salepossible. Je veux qu’elle ressemble à l’unede ces voitures abandonnéesdansTheWalkingDead.Çateditd’alleraulacceweek-endpours’amuserunpeu?

Tout sourire, j’enfouismonvisagedansmoncoussin. Lapropositionde Sebastian de m’emmener au lac n’aurait pas dû me rendre aussiheureuse.Etpourtant,c’étaitlecas.Celamefaisaitmêmetropplaisir.

—Tuesdiabolique.—Diaboliquementadorable,tuveuxdire?—Jen’iraispasjusque-là,murmurai-jeenrentrantmonbrassousles

couvertures.Sebastians’allongeasurlecôtéetétenditsesjambessurlelit.—Qu’est-cequetuasfaitcesoir?Tuaslu?—Oui.—Toi,tusaist’amuser.—Ettoi,tusaism’agacer.Ilricana.—Comments’estpassél’entraînement,aujourd’hui?Jegrimaçaiengrognant.—Siterriblequeça?— L’entraîneur pense que je ne devrais pas travailler en dehors du

lycée, lui dis-je. Ce n’est pas la première fois qu’il m’en parle, maisaujourd’hui,ilamentionnémonpèreetje…Tusaisbien.

—Oui,répondit-ild’unevoixdouce.Jesais.— Bon, il m’a aussi dit que j’avais des chances de décrocher une

boursesijem’entraînaisplussérieusement.

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Sebastianmepinçalebras.—Jet’airépétédescentainesdefoisquetuavaisdutalent.Jelevailesyeuxauciel.—Tuesobligédedireça.Onestamis.—C’est justement parce qu’on est amis que je n’hésiterais pas à te

diresituétaisnulle.Unlégerrirem’échappa.— J’ai conscience que je nemedébrouille pas tropmal,mais je ne

suispasaussidouéequeMegannimêmequelamajoritédesjoueuses.Çam’étonnerait que je sois repérée. Mais ce n’est pas grave ! ajoutai-jerapidement.Jenecomptaispassurcegenredebourse,detoutefaçon.

—Jecomprends.Sonsourires’évanouitetsonexpressionsefitpensive.Tandisquejele

dévisageais,mafatigues’évapora.J’attrapai les bords de ma couverture et la remontai jusqu’à mon

menton.Quelquessecondespassèrentainsi,ensilence.—Qu’est-cequisepasse?Avecunlourdsoupir,Sebastiansepassalamainsurlevisage.—Monpère…Ilvoudraitquej’ailleàChapelHill.D’expérience, je savais que je devais aborder ce genre de

conversationsavecdespincettes.Ilneparlaitpassouventdesonpèreetquandillefaisait,ilnetardaitguèreàsombrerdanslemutisme.Àmonavis, il auraitmieux fait de tout déballer une bonne fois pour toutes…maisenmême temps,moi-même, jedétestaisparlerdemonpère, alorsc’étaitunpeul’hôpitalquisefoutaitdelacharité.

—ChapelHillestunetrèsbonneuniversité,commençai-je.Etelleesttrès chère, non ? Si tu parviens à décrocher une bourse, ce seraincroyable.Enplus,çaterapprocheradetescousins.

—Oui,jesais,mais…—Maisquoi?Ilroulasurledosetnouasesmainsderrièresatête.

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—Jen’aipasenvied’yaller,c’esttout.Jen’aipasderaisonvalablederefuser.Lecampusestsupercool,maisilnemeplaîtpas.

SachantqueSebastianétaitaussiprochedeKeithetPhillipqu’ill’étaitdeCody,saréticenceétaitpeut-êtreliéeàeux.

—Ettespotes,ilsvontoù?— Keith et Phillip espèrent être acceptés à l’université de Virginie-

Occidentale.Phillipveutabsolumententrerdans leuréquipede foot. JecroisqueKeith, lui, cesont les soiréesqui l’attirent. (Il s’interrompituninstant.)EtjepensequeCodyachoisil’universitéd’ÉtatdePennsylvanie.

Depuisdesannées, l’universitédeVirginie-Occidentaleétait l’endroitle plus populaire pour faire la fête. Keith allait s’y sentir comme unpoissondansl’eau.

—Tupréféreraisallerlà-bas?—Pasvraiment.J’essayaidetrouverunepositionplusconfortable.—Tuveuxalleroù?—Jenesaispas.—Sebastian,soufflai-je.Ilfautquetutedécides.Onestenterminale.

Ilnenousrestepasbeaucoupdetemps.Lesrecruteursvontcommenceràvenirassisterauxmatchs…

—Peut-êtrequejememoquedesrecruteurs.Je refermai la bouche. Il venait de confirmer les doutes qui me

travaillaientdepuisenvironunan.Iltournalatêteversmoi.—Tuneréagispas?—J’attendaisquetut’expliques.Lesyeuxrivésauxmiens,ilserralesdents.—Je…Merde,onestdanstachambre,aubeaumilieudelanuit,et

mêmecommeça,jen’arrivepasàledire.J’ail’impressionquemonpèrevasortirdetonplacardd’unmomentàl’autrepourm’engueuler.Jepeuxtegarantirqu’ilpéteraitunplombs’ilm’entendait.

Jeprisunegrandeinspiration.

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—Tuneveuxpas…continuerdejoueraufootàlafac,c’estça?Ilfermalesyeuxetlesilenceretombaentrenous.— C’est dingue, pas vrai ? Du plus loin que je me souvienne, j’ai

toujours joué au foot, je n’ai raté aucun entraînement et ma mère atoujours nettoyé les taches d’herbe surmes pantalons. J’aime jouer. Jesuis même plutôt bon. (Il prononça cette phrase sans la moindrearrogance. C’était simplement la vérité. Sebastian avait un talent innépourlefoot.)Maisquandj’imaginemeleverauxaurorespendantencorequatreans,passermontempsàcourir,àrattraperdespasses…voirmonpère organiser sa vie autour de mes matchs… ça me donne envie dedeveniralcoolique.Oudetesterlacoke.N’importequoipouroublier.

—Onvaéviter,rétorquai-jed’unevoixsèche.Une brève expression amusée passa sur son visage. Nos regards se

croisèrentdenouveau.— Je n’ai pas envie de continuer, Lena, murmura-t-il comme s’il

s’agissaitd’unsecretqu’ilnepouvaitprononceràhautevoix.Jeneveuxpasfaireçapendantquatreans.

Monsoufflesebloquadansmagorge.—Tusaisquetun’espasobligé,pasvrai?Rienneteforceàjouerau

footàlafac.Tuasencoreletempsdetrouveruneautrebourse.Toutletempsqu’iltefaut.Tupeuxfairecedonttuasenvie.Crois-moi.

Ilrit,maiscen’étaitpasunrirejoyeux.—Sijedécided’arrêter,monpèreferauneattaque.Je me rapprochai de lui. Nos visages n’étaient plus qu’à quelques

centimètresl’undel’autre.—Ils’enremettra.Tuveuxtoujoursêtrekiné?—Oui,maispaspourlesraisonsquemonpères’imagine.(Ilmordit

salèvreinférieureavantdelalibérer.)Iladéjàtoutprévu.Jejouedansl’équipedemafac,onmerepèrepourjouerenpro.Jenesuispasdanslespremiersélus,biensûr,ilestréaliste.(Sonsourireétaitblasé.)Jejouedeux ou trois ans dans une équipe, puis je deviens entraîneur ou je

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travailleavecdeséquipespourmettreenpratiquecequej’aiapprisàlafac.

Ilvenaitderésumerlerêveaméricain.—Ettoi?Dequoias-tuenvie?Ilécarquillalesyeux.Ilsétaientd’unbleuéclatant,presqueétonnant.—Tuasconsciencedetoutcequ’onpeutfaireentantquekiné?Je

pourraistravaillerdansdeshôpitaux,avecdesvétérinairesetmêmedanslesdépartementsdepsychologie.Cen’estpasseulementliéauxblessuresdessportifs.J’aimeraisaiderlesgens.Jesaisqueçapeutparaîtrestupideetcliché.

—Cen’estpasstupidenicliché,luidis-je.Loindelà.Ilesquissaunsourireencoin.Auboutd’unmoment, sonairmorne

repritledessus.—Jen’ensaisrien.Ilpéteraitunfusible.Ceserait lafindumonde,

pourlui.JenedoutaispasuneseulesecondequeSebastiandisaitlavérité.—Maisils’enremettrait.Iln’auraitpasd’autrechoix.Ilbaissalesyeux.—Ilmedéshériterait.—Jedoutequeçaailleaussiloin.(Jeledévisageai.)C’esttavie.Pas

lasienne.Pourquoiest-cequetuferaisquelquechosequineteplaîtpas?—Peut-être…(Unsourireétirauninstantseslèvres,puisilseremit

faceàmoi.)Tuespèrestoujoursentreràl’universitédeVirginie?Visiblement,laconversationsursonpèreétaitterminée.—Oui.—Jepeuxteposerunequestion?—Biensûr.—Çan’arienàvoiraveccequ’onétaitentraindedire.Jesouris.—Tupassestoujoursducoqàl’âne.Ilhochalatête.—Pourquoivousavezrompu,Andreettoi?

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Jeclignailesyeux.Jen’étaispascertained’avoirbienentendu.Alorsquej’allaisluirépondre,unéclatderirem’échappa.

Sebastiantapamajambeaveclasienneàtraverslescouvertures.—Jet’avaisditqueçasortaitdenullepart.—C’estsûr.Euh…Jenesaispas.Bonsang,cen’étaitpascommesi jepouvais luiavouer lavérité.Ça

n’a pas marché parce que je suis amoureuse de toi. J’imaginais déjà lascène.

Sebastianouvrit labouche,puis lareferma.Lorsque je jetaiuncoupd’œildanssadirection,jevisqu’ilavaitleslèvrespincées.

—Ilnet’arienfait,pasvrai?Parceques’ilt’afaitdumalou…—Non. Pas du tout ! Andre était quasiment le mec idéal. (Tout à

coup,cequ’ilvenaitdedirefitsens.J’écarquillai lesyeux.)Attendsuneminute.Tupensaisqu’ils’étaitmalcomporté?

—Jen’étaispascertainàcentpourcent.Sijel’avaisété,ilneseraitplus en état demarcher. (Je haussai un sourcil.) C’est juste que je n’aijamais compris pourquoi vous vous étiez séparés.Ça s’est fait tellementvite.

Jelaissailacouvertureglisserdemesépaules.—Ilnemeplaisaitpasautantqu’ilauraitdû.Çamemettait…malà

l’aise.Sontorsesesoulevasurunegrandeinspiration.—Jeconnaiscesentiment.Jemetournaivivementverslui.Ilavaitlesyeuxrivésauplafond.—Tu sais que je suis obligéede teposer la question,maintenant…

Pourquoiest-cequeSkylart’aquitté?Tunem’enasjamaisparlé.—Tunemel’asjamaisvraimentdemandé.(Sonregardrencontrade

nouveau lemien.)En fait, eny réfléchissant, tun’as jamaisessayéd’ensavoirplusàsonsujet.

J’ouvrislabouche,maisaucunsonn’ensortit.Ilavaitraison.JeneluiavaisjamaisposélamoindrequestionsurSkylar,parcequejen’avaispaseuenviedeconnaîtrelesréponses.J’avaiscontinuéàêtreprésentepour

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lui, mais m’intéresser aux détails de leur relation aurait été trop medemander.

—Jemesuisdit…quecen’étaientpasmesaffaires,répondis-jed’unevoixquisonnaitfaux.

Ilfronçalessourcils.—Jenesavaispasqu’ilyavaitencoredes limitesdecegenreentre

nous.Ehbien…—Skylarm’aquittécarelletrouvaitquejenem’investissaispasassez

dansnotrerelation.D’aprèselle, jemesouciaisdavantagedufootetdemesamisqued’elle.

—Pascool.—C’estunpeupourlamêmeraisonquetuasquittéAndre,non?Il

neteplaisaitpas.Ducoup,tun’ymettaispasdutien.Jegrimaçai.— En même temps, on est au lycée. Est-ce qu’on doit vraiment

s’acharneràfairefonctionnerunerelation?—Quelquesoitl’âge,jenepensepasqu’ilfailles’acharnerpourfaire

fonctionnerunerelation,répondit-il.Çadevraitsefairenaturellement.Jeplissailenez.—Jenesavaispasquetuavaisunavisaussiprofondsurlaquestion,

letaquinai-je.—Queveux-tu?J’aidel’expérienceenlamatière.Levant les yeux au ciel, je lui donnai un coup de pied à travers les

couvertures.—Etc’étaitvrai?Tut’intéressaisplusàtesamisetaufootqu’àelle?—En partie, répondit-il au bout d’unmoment. Tu te doutes que le

problème,cen’étaitpaslefoot.Jeretournaisesparolesdansmatêtesanssavoirqu’enpenser.Étant

donnéque je faisaispartiedesesamis,est-cequeçavoulaitdireque jecomptais plus pour lui que Skylar ? Il me fallut une seconde pour

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comprendre à quel point cette question était idiote. J’eus envie de mefrapper.

—Jevaisresterunpeu,murmura-t-ilenlevantlamain.Ilsaisitunemèchedecheveuxquiétaittombéesurmajoue.Lorsqu’il

laplaçaderrièremonoreille,sesdoigtsm’effleurèrent.J’eneuslesoufflecoupé.Desfrissonsdansèrentsurmapeautandisqu’ils’écartait.

—Çanetedérangepas?—Non,murmurai-jeensachantqu’ilnes’étaitpasrenducomptede

maréaction.Ilnevoyaitjamaisrien.Posantsamainentrenous, ils’approchaencore.Jesentissongenou

sepressercontrelemien.—Lena?—Quoi?Ilhésitauninstant.—Merci.—Pourquoi?Seslèvresseretroussèrentencoin.—D’êtreprésentequandj’enaibesoin.Leslarmesmemontèrentauxyeuxetjefermailespaupières.Alors,je

luidiscequiserapprochaitleplusdelavérité:—Jeseraitoujoursprésente.

—Mamèrem’a obligée à écrire les dix choses que je voulais fairedanslavie.Ellen’arrivepasàcroirequejenesachepasencorecequejeveuxfairealorsquejerentreenterminale,ditMeganquienétaitdéjààsontroisièmeverredethé.(Elleplongealamaindanslepanieràfrites.)Ce qui est très drôle, sachant que ma mère n’a jamais su ce qu’ellevoulait.

—Elleestaucourantquetun’espasforcéedechoisirtoutdesuitetamatièreprincipale?(Abbiétaitentraindedessinersuruneservietteen

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papier.Onauraitditunjardinderoses.)Ouquetupeuxtoujourschangerdefilière?

—Onpourraitcroirequeoui,vuquec’estelle,«l’adulte»,réponditMegan en mimant les guillemets. On aurait aussi pu croire qu’elle secalmerait en voyant que j’ai terminé l’année dernière à quinze demoyenne.Avecdesnotescommeça, jemedébrouilleraidansn’importequellematièreàlafac.

Jecroisailesbrasenriantetlesposaisurlecomptoirderrièrelequeljemetrouvais.Cesoir,commetouslessamedis,leJoanna’sétaitpresquedésert.Seulesdeuxtablesétaientoccupéesetlesclientsavaientdéjàpayél’addition.Bobbyétaitsortià l’arrièrepourse fumerundemi-paquetdecigarettesetjen’avaispaslamoindreidéed’oùsetrouvaitFelicia,l’autreserveuse.

—Etalors,tuasfaituneliste?—Oh,oui.Biensûr.Abbiattrapaunefrite.—J’aihâted’entendreça.—Lameilleure liste dumonde, continuaMegan en enfournant une

fritedans saboucheavantde s’essuyer lesdoigts surune serviette. J’aichoisi des métiers fantastiques, tels que : prostituée, strip-teaseuse,dealer… et pas dealer de bas étage. Je vise l’héroïne et ce genre dechoses.Oh,aufait,ilparaîtqueTraceySimsseshooteàlabrune.

—OK…fitAbbientournantversMegansursontabouret.Tuparlesd’héroïneoudebière?

—D’héroïne!Tunesaispasqu’onl’appelleaussicommeça?Jesecouailatête.—Non.Quiest-cequitel’adit?—Vous vous rappelez quemon cousin est sorti avec elle ? (Megan

attrapa deux frites et forma une croix avec.) C’est lui qui m’a avouéqu’ellesedroguait.C’estpourçaqu’ilssesontséparés.

Abbifronçalessourcils.—Turigoles?

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Jemeredressai.—J’espèrequec’estuneblague.Megansecoualatête.—Jesuissérieuse.—C’est…terrible,murmurai-je.Jejetaiuncoupd’œilàlaportequivenaitdes’ouvrir.J’avaisdumal

àcroirecequejevoyais.C’étaitCodyReeceetsabande.Phillipenfaisaitpartie, mais toute son attention était rivée sur son téléphone. Quefaisaient-ilsici?D’habitude,ilsnevenaientauJoanna’squesurinsistancedeSebastian.

—Oui,terrible,acquiesçaMegan.C’estunautreniveau.(Elletapasacroixenfritessurleborddupanieretrépanditduselsurlecomptoir.)Jen’imagine pas enfoncer une aiguille dans mon bras et injecter un trucdans mes veines. Et si en plus, ça se voit sur le visage, c’est hors dequestion.

—J’espèrequecen’estpasvrai.Traceyestsympa,ditAbbiavantderegarderderrièreelle.

Elle écarquilla les yeux juste au moment où Phillip remarqua laprésencedeMegan.

Undoigtposésurlabouche,ilavançasurlapointedesesbaskets.Cequi,duhautdesesdeuxmètres,luidonnaitunaircomplètementridicule.Son sourire séducteur lui avait causé des problèmes une ou deux foisauprès de Megan et il était aussi intelligent qu’elle. Tout sourire, il sepostajustederrièreelle.

—Enyréfléchissant,ilyadestasdechosesquejeneferaisjamais,continuaMeganenlaissanttomberlacroixenfritesdanslepanier.Ilyadestasdechosesquejene…

EllecriaensentantPhilliplaprendredanssesbras.—Salut,beauté.(Ilposalementonsursonépaule.)Mademoiselle…?—Qu’est-cequetufaisici?demandaMeganenluidonnantuncoup

decoudesuffisammentfortpourluiarracherungrognementdedouleur.(C’étaitlaquestiondusiècle.)Sérieux.Tumesuis,ouquoi?

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— Peut-être… (Il la lâcha et s’appuya contre le comptoir en noussouriant.) Hé, si tu ne veux pas que je te suive, évite de poster talocalisationsurlesréseauxsociaux.

Jegloussai.Ellefronçalessourcils.—Jeneteparleplus,jeterappelle.Lapeausombreautourdesesyeuxseridaetilsourit.—Tun’avaisaucunproblèmepourmeparlerhiersoir.—Jem’ennuyais.(Relevantlesyeuxversmoi,ellefitpassersatresse

épaissederrièresonépaule.)Tunepeuxpasl’obligeràpartir?—Non,répondis-jeenriant.Abbimangeaunefriteetsepenchaenavant.—Qu’est-cequiestécritsurtontee-shirt?(Elleplissalesyeux.)«Il

n’yapasdeplusgrosbosseurqueGeorgeWashington,parcequeGeorgeWashingtonne s’arrêtepas… tantque les coloniesne sontpas libres etque le monde ne les reconnaît pas en tant que nation souveraine »…hein ? (Elle secoua la tête en riant.)Où est-ce que tu as trouvé ce tee-shirt?

—Danslarue,àcôtéd’unepoubelle.Jelevailesyeuxauciel.Sespotess’installèrentdansunbox,aufond

durestaurant.—Qu’est-cequejetesers?—Unebière.—Ahah,trèsdrôle,rétorquai-je.Qu’est-cequejetesersquetuasle

droitdeboire?—Un Coca, c’est bien. (Phillip tapa sur le comptoir et reporta son

attentionsurMegan.)Megan,monamour…J’échangeaiunregardamuséavecAbbietmeretournaipourattraper

un Coca dans le frigo où étaient entreposés les sodas. Puis je pris unpichetd’eauglacéeetmedirigeaiverslatabledesgarçons.

Jen’avaisplusvuCodydepuislasoiréedeKeith.Moncœurbattaitsifortquejesentaisdéjàmesjouess’empourprer,maisjecarrailesépaules.

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—Salut,lesgarçons.Cody releva la tête en premier. Les deux autres étaient penchés sur

leurstéléphones.—Salut,répondit-il.M’efforçant de sourire, je tentai de ne pas penser à cette fameuse

soirée.Codyétaitplutôtagréableà regarder.C’étaitpourçaque j’avaisprisdetrèsmauvaisesdécisionscesoir-là.Ilavaitdescheveuxblondsetondulés,un sourire charmeurqu’ildégainait à lamoindreoccasion,desdents parfaites d’une blancheur éclatante et une fossette aumenton. IlauraitdavantageeusaplacesuruneplagedeCalifornie,uneplanchedesurfsouslebras,qu’ici,aumilieudenullepart,enVirginie.

Le problème, c’était queCody savait qu’il était beau. Cela se voyaitdanssessourires,qu’ildistribuaitsanscompter.

—Qu’est-cequevousvenezfaireici?demandai-jeenleurservantdel’eau.

— Tu poses cette question à tous tes clients ? demanda Cody enposantlebraslelongdelabanquette.

—Toujours ! (Les glaçons firent tinter les verres.)Ça fait partie duservice.

— On s’ennuyait. Et puis Phillip a vu que Megan était ici. (Codyattrapasonverred’eau.)Ilvoulaitlavoir.

Je jetai un œil vers le comptoir où Phillip avait l’air de chanter lasérénadeàAbbietMegan.

—Etj’avaisenviedetevoir.Surprise,jemeretournaivivementverslui.—Tuasfumé,ouquoi?—Pasencore,répondit-ilavecunclind’œil.C’estsidifficileàcroire?

Jet’aimebien,Lena,etçafaitlongtempsquejenet’aipasvue.—Jetravaillais.(JefisunpassurlecôtépourlaisserpasserPhillip.Il

s’assitàcôtédeCodypendantque jeprenais lacommandedelatable.)Vousvoulezunmenu?

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—Oui.(Codym’adressasonfameuxsourireenjôleur.Jetâchaidenepasréagir.)J’aimeavoirlechoix,ajouta-t-il.Beaucoupdechoix.

C’étaitsansdouteunmauvaissous-entendusexuel.Jem’éloignaiensecouantlatête.

—Tuez-moi,dis-jeauxfillesensaisissantunepiledemenus.—Hé,neparspas!(Meganpivotasursontabouret.)Pendantquetu

jouaisauxadultesetquejefaisaisdemonmieuxpourrembarrerPhillip,AbbiareçuunmessagedeKeith.Ill’ainvitéeàsortir!

—Oh,c’estvrai?Jeserrailesmenuscontremapoitrine.—Ilm’ainvitéeàsasoirée,cesoir,clarifiaAbbi.—Ilveutsortiravectoi,luirappelai-jeenreculant.Abbilevalesyeuxauciel.—Ilaledroitderêver.Çan’arriverajamais.— Il ne faut jamais dire jamais, marmonna Megan. (Puis à voix

haute:)Ondevraityaller.ÇafaitaumoinsdeuxsemainesquejenesuispasalléechezKeith.

—Jenesaispas…(Abbibaissalesyeuxverslaserviettesurlaquelleelleavaitdessiné.)J’ai le sentimentquesionyva, tuvasmemettre lahonte.

—Moi?Jamais!hoquetaMegan.—Bon,jevouslaissevousdécider,dis-jeavantdem’éloigner.Aprèsavoirposéunmenudevantchaquegarçon,jeleurapportaileurs

boissons.—Vousavezchoisi?— Oh, oui ! s’exclama Cody, les yeux pétillants de malice. (Phillip

ricana. Moi, je me préparai psychologiquement à la suite, sachant trèsbienquesaréponsen’auraitrienàvoiraveclemenu.)Etsijeteveux,toi,pourdîner?

Jepenchailatêtesurlecôté.Jen’étaispasvraimentétonnée.C’étaitCody.Personneneleprenaitausérieuxet,commeledisaitmamère,illuiarrivaitd’êtretrèsgrossier.

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—C’estsansdoutelachoselaplusridiculequej’aiejamaisentenduesortirdelabouched’untypededix-septans.Tupensesimpressionnerunêtrehumainnormalementconstituéavecça?

—Waouh,soufflaPhillipenriant.Codysepenchaenavantsanssedémonter.—J’enaidesmeilleures.Tuveuxlesentendre?—Non.Jenesuispasassezbourréepourça.—Allez,insistaCody.Fais-moiconfiance.C’estl’undemesnombreux

talents.— Continue de te bercer d’illusions. Pendant ce temps, j’attends

toujoursquevouscommandiez.— Aïe. (Il posa lamain sur son cœur et se laissa tomber contre la

banquette.)Çafaitmal.Pourquoituesaussiméchante?— Parce qu’une fois que j’aurai pris vos commandes, je pourrai

retourner lire derrière le comptoir en faisant semblant de travailler,répondis-jeavecmonsourireleplusinnocent.

Cody éclata de rire et arracha le portable desmains de l’un de sesamis.

—Onnevapast’obligeràtroptravailler,alors.Lesgarçonspassèrentenfincommande.Jetraversaiuncourtcouloir,

passaidevantlestoilettesetenfonçailadoubleportequidonnaitdanslacuisine.J’ytrouvaiBobbyentraindedissimulersonchignonsousunfiletenrésille.Jeluirépétailacommandeavantderetournerensalle.

— Vous voulez autre chose ? demandai-je aux filles en lesdébarrassantdupanierdefrites.

Abbisecoualatête.—Non.Jenevaispastarderàrentrer.—Turentresàpied?demandaMegan.(Ellejetauncoupd’œilvers

Phillipetsoupira.)Pourquoiest-cequ’ilestaussicanon?— Tu as la capacité de concentration d’un moucheron. Tu me

demandes si je rentre à pied et tout de suite après tu parles de Phillip.

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(Abbiposalatêtecontrelecomptoir.)Tuasletroubledel’attentiond’unhyperactif.Oui,jecomptaismarcher.Jenevispastrèsloind’ici.

Lesourireauxlèvres,Megansetournaverselle.— Tu as conscience que je souffre vraiment d’un trouble de

l’attention?—Jesais.(Abbilevalesbrasauciel,maisnerelevapaslatête.)Onle

saittous.Pasbesoind’êtremédecinpours’enrendrecompte.—Jevousairacontélafoisoùmamères’estconvaincuequej’étais

unenfant indigo 1?(Megansoulevasa tresseet semità joueravecsonextrémité.)Ellevoulaitfairetestermonaura.

Lentement,Abbi releva la tête et ladévisagea, les lèvres légèremententrouvertes.

—Quoi?Jeleslaissaiàleurconversationetrapportailepanierencuisinepour

voir où en était la commande des garçons. Quand je retournai dans lecouloir,jetombainezànezavecCody,appuyécontrelemurenfacedestoilettes.

Jeralentis.—Qu’est-cequ’ilya?—Tuascinqminutes?Jel’observaiavecprudence.—Çadépend.Ilpassalamaindanssescheveuxblondsunpeutroplongspuisbaissa

lebras.—Écoute.Jevoulaisvraimenttevoir.—Euh,pourquoi?Jecroisailesbrasetmedandinaid’unpiedsurl’autre.—IlfautquejeteparledeSebastian.Surprise,j’écarquillailesyeux.—Pourquoi?—Sebastian etmoi, on est potes,mais je sais que vous êtes encore

plusproches.Tuescommesasœurouuntrucdanslegenre.

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Commesasœur?Etpuisquoi,encore?— Bref. Je voulais te poser une question. (Il détourna le regard.)

Sebastian t’adéjàditqu’ilvoulaitarrêter le foot?Mêmesions’entendbien,ilnemeparlejamaisdecegenredechoses.

L’espaced’uninstant,jemecrispai.Puisjecroisailesbras.IlétaithorsdequestionquejetrahisselaconfiancedeSebastian.Pasmêmepourfaireplaisiràsonami.

—Qu’est-cequitefaitpenserça?Ilposalatêtecontrelemur.—C’estjustequ’ilest…Jenesaispas.Iln’apasl’aird’avoirlatêteà

ça.Quandons’entraîne,ondiraitqu’ilpréféreraitêtreailleurs.Etjen’aipasl’impressionqu’ils’intéresseàlasaisonquicommence.Surleterrain,iln’estpasvraimentavecnous.Iladutalent,Lena.Tellementdetalentqu’iln’apasbesoindetrimer…etj’ailesentimentqu’ilvatoutenvoyerbalader.

Je me mordis l’intérieur de la joue tout en cherchant une réponseadéquate.

—Cen’estquedufoot.Codymeregardacommesiunetroisièmemainavaitsoudainpoussé

aumilieudemonfrontetluiavaitfaitundoigtd’honneur.—Quedufoot?C’esttoutsonavenirquiestenjeu!—Ilnefautpasexagérer,nonplus.Ilhaussaunsourcilets’écartadumur.—Jemefaispeut-êtredesidées,dit-ilauboutd’unmoment.—Çayressemble,répondis-je.Écoute,ilfaudraitquej’encaissevotre

table,alors…Codym’examinauninstantavantdesecouerlatête.— Alors tu as terminé d’échanger des banalités avecmoi. J’ai bien

compris.Mesjouess’enflammèrent.Étais-jesitransparente?—Jetelaissetranquille.

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Lesmainsenfoncéesdanslespochesdesonjean,Codyretournaverslasalle.Restéeseule,jeleregardais’éloigner.

J’essuyaimesmainsétrangementmoitessurmontablieretsoufflaiungrandcoup.

Lorsque je terminaide servir lesgarçons,Abbi etMegan se levèrentpourpartir.

—Vousrentrez?demandai-je.—Oui.(Abbipassal’ansedesonsacàsonépaule.)Lesgensbienne

laissent pas leurs amis rentrer seuls. Surtout si l’amie en question estsusceptibledemonterdanslavoitured’uninconnu.

Meganlevalesyeuxauciel.—Aufait,j’aivuCodyrevenirducouloir.Tuluiasparlé?Jehochailatêteavantd’attraperunchiffon.—IlvoulaitdiscuterdeSebastian.—Oui,oui,murmuraMegan.Tusaisàquoijepense?Vul’expressiond’Abbi,elleensavaitaussipeuquemoi.Meganhaussalessourcilsetbaissalavoix.— Je me demande ce que Sebastian dirait s’il apprenait que sa

meilleureamieaembrassésonmeilleurami.Imaginelescandale!Je pris une grande inspiration. Non, je n’imaginais pas et j’espérais

queDieum’aimait suffisamment pour ne pasme soumettre à une telleépreuve.

Unefoislesfillesparties,jereportaimonattentionsurlelivrequejecachaisderrièrelecomptoir.Ilnefallaitpasquejem’appesantissesurcequ’avaitditMegan,sinon,j’allaismesentirmal.

J’avais lu environ une page lorsque je sentis mon téléphone vibrerdanslapochearrièredemonshort.

Quand je regardai l’écran, toute pensée liée à Sebastian, au foot, àCodyouàunquelconquesecrets’envola.

Lenomdel’expéditeurétaitaffiché.Jeneluspaslemessage.Jemecontentaidel’effacer.

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1.Expression issuede lapenséeNewAgedésignantunecatégorie imaginaired’enfantsquiseraient apparus pour sauver le monde et se reconnaîtraient à certains troubles ducomportement.(N.d.T.)

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CHAPITRE5

Aprèsavoirprisunedouche,jedescendisenfinaurez-de-chaussée,lescheveuxmouillés,ettrouvaimamèredanslacuisine.Ellesetenaitdevantle plan de travail bleu passé et versait du café dans son thermos. Sescheveux blonds lissés à la perfection lui arrivaient aux épaules et lechemisierqu’elleportaitn’avaitpaslamoindrepliure.

— Bonjour, ma puce. (Elle se retourna. Un léger sourire étirait seslèvres.)Tut’eslevéetôt.

—Jen’arrivaisplusàdormir.C’étaitl’undecesmatinsagaçantsoùjem’étaisréveilléeà4heureset

avaiscommencéàréfléchirà tous lesproblèmesdumonde.Chaquefoisquej’avaisessayédemerendormir,unenouvellequestions’étaitforméedansmonesprit:etsij’étaisrepéréependantunmatch?EtsiCodyavaitraison?Était-cedugâchisdelaisserSebastianarrêterlefootball?

—Tuvasbien?medemanda-t-elle.— Oui, j’ai fait une petite insomnie ce matin, c’est tout. J’ai

entraînementtoutàl’heure,detoutefaçon.(Jemedirigeaiverslecellieretenouvris laportepourregardercequ’ilyavaitàl’intérieur.)Iln’yaplusdebiscuits?

—Non. J’irai enacheter àmidi.Tuvas êtreobligéedemangerdescéréales.

J’attrapaiuneboîtedepétalesdemaïssansmarqueetl’emmenaiverslefrigo.

—Jepeuxlesacheter,moi.

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— Je ne veux pas que tu fasses les courses. (Elle me regarda par-dessus son thermos.) Je ne veux pas que tu dépenses l’argent que tugagnespourdesbiscuits.Onn’estpassipauvresqueça,mapuce.(Elleeutunsouriremalicieux.)Parcontre,net’attendspasàdelamarque.

—Jesaisquetuasdequoilesacheter,Maman,maissijesuislaseuleàenmanger…

—C’estl’unedeschoseslesplusterriblesquetupuissesavaler.(Elles’interrompitetlevalesyeuxversleplafond.)Enfin,ilyadestrucsplusdégoûtants…

—Beurk,Maman!gémis-je.—Oui,oui.Elle avança vers la table, mais resta debout. J’enfournai plusieurs

cuillèresdecéréalesdansmaboucheavantdereleverlatête.Mamère regardaitpar lapetite fenêtreau-dessusde l’évier,mais je

savaisqu’ellenevoyaitpaslejardin.Enfin,«jardin»étaitunbiengrandmot.Cen’étaientquedesmeublesd’extérieurdesecondemaindontonneseservaitplusbeaucoup,suruncarréd’herbe.

Lorsque Papa habitait encore ici, mes parents passaient toutes lessoiréesd’étéetd’automnejusqu’àHalloweendehors,àdiscuter.Avant,ily avait même un barbecue en pierre, mais il avait fini par s’effondrerplusieursannéesplustôt.Mamanl’avaitgardétouteuneannéeavantdelejeter.

Elle s’accrochait longtemps aux choses, même lorsque ces chosescommençaientàpourriretdépérir.

Avec Lori, on avait l’habitude de s’asseoir sur le balcon pour lesécouter.Jecroisqu’ilssavaientqu’onétaitlà,parcequelesconversationsétaient toujours ennuyeuses. Le travail. Les factures. Les vacancesplanifiéesquinevoyaientjamaislejour.Larénovationduplandetravailbleupasséquin’avaitjamaiseulieu.

Avec le recul, je me rappelais exactement le moment où tout avaitcommencé à changer. C’était au mois d’août. J’avais dix ans. Leursconversationss’étaienttransforméesenmurmuresetàlafindelasoirée,

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monpèrerentraitenclaquantlaportederrièreluietmamèreluicouraitaprès.

Avant,mamèrecouraittoujoursaprèsmonpère.Jepréféraiscellequisetenaitdevantmoiaujourd’hui.Le goût amer de la culpabilité m’emplit la bouche. Je baissai ma

cuillère. Je m’en voulais de penser ce genre de choses, mais c’était lavérité.CettenouvelleMamanmefaisaitàmangerquandellelevoulaitetmeposait des questions sur le lycée. Elle plaisantait et passait la soiréeavecmoidevantDanceMomsouTheWalkingDeadavecunpotdecrèmeglacée.LaMamand’avantdînaitavecPapaetpassaitleplusclairdesontempsàsescôtés.

LaMamand’avantnes’intéressaitqu’àPapa,quellequesoit l’heuredujouroudelanuit.

Àprésent,ellenesouriaitplus.Jemedemandaisiellepensaitàmonpère,àcettevieenvoléeoùellen’avaitpasà travaillerpour remplir lesplacards,oùellen’avaitpasàdormirseule.

Macuillèretapacontremonbol.—Toutvabien,Maman?— Pardon ? (Elle cligna les yeux.) Oui. Bien sûr. Tout va bien.

Pourquoi?Je l’examinai quelques secondes. Je ne savais pas si je pouvais la

croire. Ma mère avait l’air en forme, comme la veille et le jourprécédent…maisilyavaitdelégèresridesaucoindeseslèvresetdesesyeux.Denouvellesmarquesétaientapparues sur son front, et ses yeux,noisettecommelesmiensmaisquitiraientdavantagesurlevert,avaientunéclattourmenté.

—Tuasl’airtriste.—Jenesuispastriste.Jeréfléchissais,c’esttout.(Elleposalamain

surmanuqueetm’embrassasurlefront.)Jerentreraitardcesoir,maisjeserailàpourdînerdemain.Jepensaisfairedesspaghettis.

—Avecdesboulettesdeviande?demandai-je,pleined’espoir.J’adoraissesboulettesdeviandemaison,biengrasses.

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Ellereculaetonduladessourcils.—Àconditionquetufasseslalessive.Ilyaunepiledeserviettesde

bainquidemandenttonattention.—Marchéconclu.Je me levai et portai mon bol et ma cuillère jusqu’à l’évier. Je les

rinçai puis les déposai sur le comptoir au-dessus du lave-vaisselle enpanne.

—Tuasbesoind’autrechose?—Hmm.(Ellesedirigeaverslesalonetpassal’ansedesonsacàson

épaule.)Tupourraisnettoyerlessallesdebains?—Là,tuprofitesdemagentillesse.Mamèremefitungrandsourire.—Occupe-toidesserviettesettuaurastesboulettesdeviande.L’idéedemangerdesboulettesn’auraitpasdûmefaireaussiplaisir.—Etjepenseraiàt’acheterdesbiscuits…derégime,ajouta-t-elle.—Situfaisça,jenet’adresseplusjamaislaparole!Elleramassasavestegriseposéesurlarampedel’escalierenriant.— Tu es obligée de me parler. Je suis ta mère. Tu ne peux pas

m’échapper.—Situpassescetteporteavecdesbiscuitsderégime,jet’assureque

jetrouveraiunmoyen.Elleritetouvritlaporte.—OK, j’aicompris.Jechoisirai lesplusgraset lesplussucrés.Àce

soir.—Jet’aime!Au lieu de fermer la porte, jem’appuyai contre l’encadrement et la

regardaidescendrenotrealléeentalonshauts.Uneétrangesensationdemalaisepersistaitaucreuxdemonestomac.

Mamèreaffirmaitqu’elleallaitbien,mais jesavaisquecen’étaitpas lecas. Car au fond,même si, physiquement, elle se trouvait ici avecmoi,danssoncœur,ellecontinuaitdecouriraprèsmonpère.

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À l’entraînement, je réussis à rester concentrée pendant tous lesexercices et la pratique des différentes techniques. J’évitai donc lesremontrancesdeM.Rogers.Quandjesortisdugymnase,cesoir-là,jemesentaiscentfoismieuxquelevendrediprécédent.

Unefoisarrivéeàlamaison,jeprisunedouchepourmedébarrasserde la sueur qui me collait à la peau, puis engloutis un autre bol decéréalesavecdubaconcuitaumicro-ondes.Aumomentoùj’entraidanslesalon,montéléphone,posésur la tablebasse,sonna.Quand jevisdequi il s’agissait, je grognai. Je raccrochai sans la moindre hésitation etattrapailatélécommandedelatélévision.Jemismachaînedereportagespréférée.

Aujourd’hui, c’étaitunmarathond’enquêtes sur les femmes lesplusdangereusesdel’Histoire.Jelaissailatéléenfondetreprismonlivre.Laveille, j’avais terminé le premier tome d’une série et j’avais lu les deuxpremiers chapitresdudeuxième. J’avaishâtede retrouver laCourde laNuitetlesGrandsSeigneursFae.

Rhysand,aussi.Ilnefallaitpasl’oublier.Je m’installai confortablement sur le canapé, prête à reprendre ma

lecture…quandonfrappaàlaporte.L’espaced’uneminute,j’hésitaiànepas répondre et à me perdre dans les pages de mon livre, mais lapersonneinsista.Avecunsoupir,jemelevaietmedirigeaiverslaporte.Lorsquejejetaiuncoupd’œilparlavitre,jesentismonestomacseserrer.

Sebastian.Incapablederéprimerungrandsourirestupide,jeluiouvris.—Salut!—Jetedérange?Il posa la main sur le cadre de la porte et se pencha en avant. Le

mouvement tendit le vieux tee-shirt gris qu’il portait et fit ressortir sesbiceps.

—Pasvraiment.Jereculaipourlelaisserentrer,maisilnebougeapas.

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—Super.Jecomptaisalleraulacpoursalirmavoitureaumaximum.Tu viens ? (Ilme fit un clin d’œil, et de sa part ce n’était pas ringard,c’étaitcraquant.)Onvabiens’amuser.

J’avaisdéjàoubliésavictoireaubadminton.—D’accord.Laisse-moiprendremesclés.J’enfilaiunevieillepairedebasketsetattrapaimonportableetmon

sacavantdesuivreSebastianàl’extérieur.—Qu’est-cequetuavaisentête?—Tuvoislescheminsdeterrequimènentaulac?medemanda-t-il.

Jepensequeçadevraitfairesuffisammentdedégâts.Jem’assiscôtépassagertandisqu’ils’installaitderrièrelevolant.—Jenevoispastropenquoijeseraiutile.Ilhaussauneépauleetallumalemoteur.—J’avaisjusteenviedecompagnie.Mapoitrine se gonfla. J’attachaima ceinture et essayai dene pas y

penser.La lumièrevivedusoleil traversait lepare-brise.Sebastianpassalebrasàl’arrièredelavoitureetramassasacasquetteparterre.Quandill’enfilaetbaissalavisièreaumaximum,je…Jesoupirai.

Jenepusm’enempêcher.Lesgarçonsquiportaientdescasquettesétaientmonpointfaible.Età

Sebastian, ce look allait comme un gant. Il y avait quelque chose danscettevieillecasquetteuséequimettaitenvaleursamâchoirecoupéeàlaserpe.

Chut.Je fermai lesyeux. Ilne fallaitplusque je le regarde.Engénéral, je

veuxdire.Pour le restantdemes jours.Oupeut-êtrependantunanoudeux.Bonplan.

J’avaisvraimentungrosproblème.Exaspérée,j’allumailaradiopourmedistraire.—JenesuisplusretournéeaulacdepuisqueKeithaessayédefaire

duskinautiqueavecdesskisdeneige.Sebastianéclataderire.

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—Bonsang,c’étaitquand,déjà?Enjuillet?J’ail’impressionqueçafaituneéternité!

—Oui.(Jejouaiaveclebasdemontee-shirt.)C’étaitjusteavantquetupartespourlaCarolineduNord.

—Jen’arrivepasàcroirequetun’ysoispasretournée.C’estmoinsdrôlequandjenesuispaslà,c’estça?metaquina-t-ilenmepinçantlebras.Tusais,tupeuxmeledire.

— Oui, tu as tout compris. (Je repoussai son bras et croisai mesjambes au niveau des chevilles.) Les filles n’aiment pas trop le lac. (Aumoins,cen’étaitpasunmensonge.)Aufait,tucroisqueMeganetPhillipvontseremettreensemble?

—Dieuseullesait.Sansdoute.Puisilsseséparerontencore.Etilsseremettront ensemble. (Il sourit.) En tout cas, je sais qu’il veut larécupérer.Ilnes’encachepas.

—Jetrouveçabien,murmurai-je.Ilhaussaunsourcil.—Laplupartdesgarçonsn’osentpasparlerdecegenredechosesà

leurspotes,luifis-jeremarquer.—Ettulesais,parcequetuesunmec?—Exactement.Enfait,jesuisunhomme.Sebastiannerelevamêmepas.—Jecroisquelorsqu’unmecestamoureuxd’unefille,ilsemoquede

savoirquiestaucourant,parcequ’iln’enapashonte.J’allaisdevoirlecroiresurparole.Le lac se trouvait à une vingtaine de minutes de la ville, près de

l’exploitationfamilialedeKeith,auboutd’unesuccessiondecheminsdegravieretdeterre.Decequej’ensavais,lelacétaitsituésurlesterresdeses parents et leur appartenait. Toutefois, ils n’en avaient jamais fermél’accèsetlaissaientlesgensvenirs’yamuser.

Sebastianemprunta lecheminprivé.Lavoiturecahotasur le terrainaccidenté tandis que les roues soulevaient de la poussière. En quelquesminutes,laJeeps’enretrouvacouverte.

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—Keithvat’envouloiràmort.(Jeregardaiparlafenêtreenriant.)Maisilauraitfaitexactementlamêmechose.

—Tuparles,lui,ilseraitallédanslaboueavecsavoitureavantdemel’apporter.Jen’aiaucunremords.

Après avoir roulé sur tous les chemins de terre accessibles pendantuneheure,laJeepétaitméconnaissable.Mesfesses,elles,mefaisaientunmaldechien.Jepensaisqu’onallaitrepartirquand,soudain,j’aperçuslelacàtraverslesarbres.

Ledésirdem’enapprocher fitbattremoncœurunpeuplusvite.Jen’avaispaslamoindreenviederentrerchezmoi,danscettemaisonvideetsilencieusequi,parfois,mefaisaitpenseràunsquelettedécharné.Cen’étaitqu’unecoquillevide.Sansrienàl’intérieur.

Lahontemenoual’estomac.Notremaisonn’étaitpasvide.Ilyavaitmamèreetmasœurquandellerentrait.Mamèrefaisaittoutsonpossibleetplusencorepourqu’elleressembleàunvraifoyer…maisparfois,jenepouvaisnierquequelquechosemanquait.

Maman…ellenevivaitqu’àmoitié.Elletravaillaitbeaucoup,rentrait,travaillaitencore,dînaitetallaitse

coucher.Etc’étaitcommeçatouslesjours.C’étaitsamoitiédevie.—Onpeutresterunpeu?demandai-jeencoinçantmesmainsentre

mesgenoux.Tunedoispasrentrer?—Non. Jen’ai riendeprévu. Laisse-moi faire encoredeuxou trois

allers-retoursetondescendjusqu’auponton.—Super,murmurai-je.Je restai silencieuse tandis que Sebastian continuait son rodéo. Au

bout d’un moment, il ralentit, sortit de la route et se gara près debuissons.Jedétachaimaceinturedesécurité.

—Attends,nebougepas,dit-ilavantquej’aieeuletempsd’ouvrirlaportière.

Étonnée, je le regardaidescendrede lavoitureeten faire le tour. Ilm’ouvritlaporteetmefitlarévérence.

—Madame.

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Unéclatderirem’échappa.—Sérieux?Iltenditlamainversmoi.—Jesuisungentleman.Je luipris lamainet le laissaim’aideràsortirde laJeep.Alorsque

j’étais en train de descendre, je sentis son autremain se poser surmahanche.Surpriseparcecontact,jefisunpasenavantetmonpieddérapasurl’herbehumide.

Sebastianmerattrapafacilement.Samainglissademahancheàmataille.Jemeretrouvaiplaquéecontresontorse.Cemouvementinattendumecoupalesouffle.Noscorpsétaientpressésl’uncontrel’autre.

Lagorgesèche, jerelevailentementlatête.Jenedistinguaispassesyeuxparcequ’ilsétaientdissimulésparsacasquette.Moncœurbattaitsifortquejemedemandaiss’ilpouvaitlesentir.

Vunotreposition,ilauraitpu.—Tuasunpeudemal,non?Il rit, mais ce n’était pas son rire habituel. Il était plus grave et je

sentisunesériedefrissonsdescendrelelongdemondos.—Jenesaispassijepeuxtelaissermarcherjusqu’auponton.—N’importequoi.Jefisunpasenarrière.Il fallaitquejemettedel’espaceentrenous

avantquejefasseunechosestupide,commememettresurlapointedespieds, poser les mains sur ses joues et plaquer mes lèvres contre lessiennes.

Sebastiansourit.Cefutsonseulavertissement.Ilsepencha,passaunbrassousmesgenouxetjemeretrouvailatête

à l’envers, le ventre contre son épaule. Son bras, surmes hanches,memaintenaitenplace.

Uncrim’échappaetjem’accrochaiaudosdesontee-shirt.—Qu’est-cequetufabriques?—Jet’aideàallerjusqu’auponton.

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—Oh,monDieu!hurlai-jeenm’agrippantdavantageautissudesontee-shirt.(Mescheveuxtombaientenavantenunrideauépais.)Jepeuxmarchertouteseule!

Ilseretournaetsemitàavancer.—Jen’ensuispassisûr.—Sebastian!—Si tu teblessaisen tombant, jeneme lepardonnerais jamais. (Il

enjambauntroncd’arbre.)Tamèrem’envoudrait.Ettasœurrentreraitàlamaison…Ellemeterrifie,tusais?

— Quoi ? criai-je en lui donnant un coup de poing dans le dos.Pourquoiest-cequetuaspeurdeLori?

Ilaccéléralepas.Sesgrandesenjambéesmefaisaientrebondircontresondos.

—Elleest…intense.Jesuissûrqu’ellepourraitfaireflétrirdespartiesdemonanatomiejusteavecleregard…etjepréféreraiséviter.

Je relevai la tête. Je ne voyais presque plus la Jeep. Je frappaiSebastianauniveaudu foieet ilgrogna. Il sevengeaenmarchantavecplusd’entrain.

—Cen’étaitpastrèsgentil.—Situcontinues,jevaistefairetrèsmal.—Tunemeferasriendutout.Onquittabientôtl’ombredesarbrespouravancerenpleinsoleil,etle

sol couvert de brindilles piétinées devint plus vert. Le parfum de terrehumideétaitplusfort,ici.

—Tupeuxmereposer,maintenant.—Encoreuneseconde.—Quoi?Tout à coup, il tendit son bras libre, comme Superman, et semit à

tournersurlui-même.—IbelieveIcanfly.IbelieveIcantouchthesky…—Oh,non!

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J’éclatai de rire, même s’il y avait de grandes chances pour que jevomissesursondos.

—Ithinkaboutitnightandday!— Tu es un grand malade ! (Je réprimai un nouvel éclat de rire.)

Qu’est-cequinevapasdanstatête?—Spreadmywingsand…jenesaisplus…away 1!Tout à coup, il s’arrêta, et jememis à basculer en avant.Avecune

facilitédéconcertante,ilmerattrapaetmefitglisserlelongdesoncorps.Jelesentistoutcontremoijusqu’àcequej’atterrissesurmespieds.

Déséquilibrée par son petit jeu, je me laissai tomber sur l’herbemoelleuseetenfonçaimesdoigtsdanslesbrinschauds.

—Tu…tunetournespasrond,tusais.—Moi, je trouve que je suis plutôt incroyable. (Il s’assit à côté de

moi.)Peudegensconnaissentmontalentcaché.—Un talent?hoquetai-jeenme tournantvers lui.Onauraitditun

ourspolaireentraindesefaireégorger.Ilrejetalatêteenarrièreetritsifortquesacasquettetomba.—Tues jalouseparceque tun’aspasunevoixd’angecommemoi,

c’esttout.—Tudélires!m’exclamai-jeenessayantdelefrapper.Malheureusement, il était plus rapideet ilm’attrapa lepoignet sans

effort.—Interditdefrapper!Tuespirequ’ungamindecinqans,maparole.—C’estcequ’onvavoir!Jetentaidelibérermonbras,maisaumêmemoment,ilm’attiraàlui

etjeperdisl’équilibre.Jenesaiscommentnipourquoi,jemeretrouvaiàmoitié allongée sur lui. Nos jambes étaient emmêlées. J’étaispratiquementassisesursesgenoux.Etnousétionsfaceàface.

Saufqu’ilnemeregardaitpasdanslesyeux.Dumoinsn’enavais-jepasl’impression.Sonregardsemblaitrivésur

meslèvres.Monestomacsenoua.Letempssemblas’arrêteret,soudain,jepouvaissentirtouslesendroitsoùnousnoustouchions.Sonbrasétait

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autourdemataille,sacuissepuissanteétaitpresséecontrelamienne.Mapaume était posée sur son tee-shirt fin et je pouvais sentir son torsemuscléendessous.

—Jedélire?demanda-t-ild’unevoixrauque.Jefrissonnai.—Oui.Il leva la main. Je retins mon souffle tandis qu’il recoiffait mes

cheveuxenarrière,pourdégagermonvisage,avecunetendresseinfinie.Sesdoigtss’attardèrentcontremanuque.

Plusieurs secondes s’écoulèrent ainsi, quelques battements de cœur,puis un son que je n’avais jamais entendu s’échappa de sa gorge. Ungrognement grave qui semblait remonter du plus profond de son être.Alorsjebougeaisansréfléchir,jebaissailatêteetmeslèvres…

J’embrassaiSebastian.

1.«Jecroisque jepeuxvoler.Jecroisque jepeuxtoucher leciel…J’ypensenuitet jour.Déployermesailesetm’envoler.»(ParolesdeIbelieveIcanfly,deR.Kelly.)(N.d.T.)

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CHAPITRE6

Le baiser avait été doux, comme un murmure contre mes lèvres.J’avais du mal à y croire. Pourtant, le bras de Sebastian était toujoursautour de moi et ses doigts, contre ma nuque, s’accrochaient à mescheveux.

Sa bouche était encore à quelques centimètres de la mienne. Jepouvaissentirsonsoufflecontremeslèvres.Moi,jen’étaispassûred’êtrecapable de respirer. Mon cœur battait à cent à l’heure. Je voulaisl’embrasserencoreune fois.Jevoulaisqu’il répondeàmonbaiser.Riend’autrenecomptait.Toutefois,lechocm’empêchaitd’agir.

Sebastianpenchalatêtesurlecôtéetsonnezeffleuralemien.Jeprisunegrandeinspiration.Jerespiraisdonc.Allait-ilm’embrasser?Plusfort,cettefois?Avecpassion?

Toutàcoup,ilreculavivementlatêteetavantmêmedecomprendrecequiétaitentraindesepasser,jemeretrouvailesfessesparterre,surl’herbe,àcôtédelui.Onnesetouchaitplus.J’ouvrislabouche,maisjenesavaispasquoidire.Moncerveauavaitcessédefonctionner.

C’estalorsquelavéritésurcequis’étaitréellementpassémefrappa.Sebastiannem’avaitpasembrassée.Jel’avaisembrassé.Je l’avais embrasséetpendantunmoment infime… j’avais cruqu’il

allaitrépondreàmonbaiser.Jel’avaissenti.Maisiln’enavaitrienfait.Ilm’avaitpousséesurl’herbeàcôtédelui.

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Qu’avais-jefait?Le cœur au bord des lèvres, je tentai de démêler les milliers de

pensées qui m’assaillaient. J’ouvris de nouveau la bouche pour parler,mêmesijenesavaispasquoidire.

Sebastianserelevad’unbond.Ilétaittrèspâleettendu.—Merde.Jesuisdésolé.Je refermai aussitôt la bouche. Venait-il de s’excuser parce que je

l’avaisembrassé?Ilramassasacasquettetombéeàterreetlaremit.Quandilrecula,il

nem’accordapaslemoindreregard.—Cen’étaitpas…Cen’étaitpascequetuvoulaisfaire,pasvrai?Lentement, je relevai la tête pour le regarder. Était-il sérieux ?

Qu’aurais-je pu lui répondre ? Ce n’était pas comme si j’avais glissé etposémeslèvressurlessiennesparaccident.L’airquej’inspiraimebrûlalespoumons.Jebaissailesyeuxversl’herbevertclair.Lorsquejecompriscequisecachaitderrièresaquestion,monpoingserefermasurlesbrinsd’herbe.

Une douleur aiguë s’éveilla au centre de ma poitrine et se déversajusqu’àmonventrecommeunecouléedeboueemplissantmesentrailles.

—Je,euh,j’aioubliéquejedevaisallervoirl’entraîneuravantdîner,medit-ilenseretournant.Ilfautqu’onrentre.

C’étaitunmensonge.Ilnepouvaitenêtreautrement.Sebastiancherchaitàs’échapper.Jen’étaispasstupide.Maisqueça

faisaitmal.Parcequejecroisquec’était lapremièrefoisqu’ilmefuyaitainsi.

La peine remonta le long dema gorge et m’étrangla. Le rougememontaauxjoues.Lagênelaplusterribles’ancraenmoi.

Seigneur.J’étaisàdeuxdoigtsdemelaissertomberdanslelac,têtelapremière,

etdemelaissersombrer.

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Engourdie,jemelevaietretirailesbrinsd’herbecollésàmonshort.OnretournaàlaJeepsansunmot.J’avaisenviedepleurer.Magorgemebrûlait.Mes yeux aussi. Jeme fis violence pour ne pasm’effondrer là,devant lui.Moncœurmefaisait tellementmalqu’ilétaitsûrementbriséendeux.

Unefoisdanslavoiture, jebouclaimaceintureetmeconcentraisurmarespiration.Ilmesuffisaitdemecontenirjusqu’àcequejerentrechezmoi.C’était simple. Et quand je serais chezmoi, jem’autoriserais àmeroulerenbouledansmonlitetàpleurertoutesleslarmesdemoncorps.

Sebastianmit lecontactet lemoteurgronda.La radio s’alluma,elleaussi,maisjenediscernaispascequelesvoixdisaient.

—Tout…Toutvabien,pasvrai?medemanda-t-ild’untonhésitant.—Oui, répondis-jed’une voix rauque. (Jeme raclai la gorge.)Bien

sûr.Sebastianneditrien.Pendantquelquessecondes,jesentissonregard

surmoi.Jenetournaipaslatêteverslui.Jenepouvaispas.J’avaistroppeurdefondreenlarmes.

Alorsilpassaunevitesseetavança.Qu’avais-je fait ? Je n’avais jamais montré mes sentiments pour

Sebastian. D’habitude, je jouais la comédie. Et voilà que je l’avaisembrassé.

J’auraisvoulurevenirenarrière.J’auraisvoulurevenirenarrièrepourrevivrececourtinstantquinese

répéteraitjamais.J’aurais voulu revenir en arrièrepournepas l’embrasser, parceque

celaavaitétéuneénormeerreur.Désormais, notre amitié et nos relations ne seraient plus jamais les

mêmes.

J’avaismalàlatêteetauxyeux,maisjen’avaistoujourspaspleuré.J’avaiscruenêtrecapable.Aprèstout,j’avaisàpeinetouchélesboulettesdeviandeàl’oignonaudîner,laveille.Mamères’enétaitrenducompte.

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Pouréviter lesquestions, je luiavaisditquejenemesentaispasbienàcausede l’entraînementmatinal.Aprèsmanger, je fus incapablede lire.Je restai prostrée sur mon lit, les yeux rivés sur la porte du balcon,pathétique,àattendrequ’ilmerendevisite,qu’ilm’envoieunmessage…n’importequoi.Ilnefitriendetoutcela.

En temps normal, je neme serais pas alarmée. Durant l’été, on nes’étaitpasparlétous les jours.Maisaprèscequis’étaitpasséaulac, leschosesavaientchangé.

Ma gorge et mes yeux me brûlaient, mais les larmes m’avaientdésertée.Aubeaumilieude lanuit, jeme rendis compteque jen’avaispaspleurédepuis…depuis cequi s’était passéavecmonpère.Quelquepart, celame donna encore plus envie de pleurer. Pourquoi en étais-jeincapable?

Toutcequej’obtinsfutunemigrainecarabinée.Heureusement que je n’avais pas d’entraînement le jeudi, sinon

j’aurais encore eu droit à un sermon. Après que ma mère fut partietravailler, je me remis au lit et, les yeux rivés au plafond craquelé, jerejouaidansmatêtetoutcequis’étaitpasséprèsdulacavantlemomentfatidique.

Avantquej’embrasseSebastian.Unepartdemoi aurait voulu faire comme s’il ne s’était jamais rien

passé.Cetteméthodeavaitfaitsespreuves.J’agissaistouslesjourscommesimonpèren’existaitpas.Toutefois, le jeudi matin, quand je découvris à mon réveil que je

n’avaistoujourspaseudemessagenidevisitedeSebastian,jesusquejedevais me confier à quelqu’un. Je ne savais pas comment réagir nicomment m’y prendre pour arranger la situation et je doutais que lasolution se présenterait d’elle-même. Alors j’avais envoyé un SMS auxfillesenleurdisantquejevoulaisleurparler.Commejeneleuravaispasexpliqué pourquoi, elles avaient sans doute compris que c’était uneurgence.

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AbbietMeganm’avaient rejointe leplusvitepossible.Daryn’auraitpashésité,ellenonplus,sielleavaitétéenville.

Megan était à genoux sur le lit. Ses cheveux blonds détachéstombaient sur ses épaules.Abbi, elle, était installée surmon fauteuildebureau et m’observait. Avec son bas de jogging trop large et sondébardeur, on aurait dit qu’elle avait bondi hors du lit et enfilé lespremiersvêtementsqu’elleavaittrouvés.

Jeleuravaisdéjàracontécequis’étaitpassé,entirantmoncouragedupaquetd’OreoqueMeganavait apporté. J’enavais sansdouteavaléquatreoucinqpendantquejeparlais.Bon,d’accord.Dix.Etjecomptaisterminer les restes de spaghettis et de boulettes de viande après leurdépart.

—Jetiensàdirequej’aitoujourssuquetuenpinçaispourSebastian,déclaraMegan.

Je restai bouche bée. Je ne comprenais pas comment ses conseilshebdomadairespourm’aideràtrouverlepèredemesenfantspouvaientêtreliésàmessentimentspourSebastian.

—Jemedoutaisdepuisuncertain tempsde tonobsessionpour lui,reprit-elle. Les conseils que je te donnais, c’était pour que tu avoues lavérité.

Sonraisonnementnetenaitpaslaroute.Dutout.—Ettulesaisdéjà,maisjel’avaisdeviné,moiaussi, intervintAbbi.

Jet’enaifaitlaréflexionladernièrefoisqu’ons’estparlé.—Onn’apasétéétonnéesquetuteséparesd’Andre,ajoutaMegan.

Tuavaisenviedetomberamoureusedelui,maistun’yarrivaispas,parcequetuaimaisdéjàSebastian.

C’était la vérité. J’avais voulu tomber amoureuse d’Andre. Jel’appréciaisbeaucoup.Mais…moncœurn’étaitpaslibre.J’avaiscruquenotreintimitéferaitévoluermessentimentspourlui.Celan’avaitpasétélecas.Enréalité,celaavait sûrementété lapire raisondecoucheraveclui.Après,j’avaiscomprisquecetterelationnepouvaitpascontinuer.

Jememisàfairelescentpasdevantmonplacard.

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—Sic’étaitaussiévident,pourquoiest-cequevousn’avezjamaisriendit?

— Je croyais que tu ne voulais pas en parler, répondit Megan enhaussantlesépaules.

Abbiacquiesça.—Tun’aimespasteconfierànous.J’aurais voulu nier, mais c’était la vérité. Elles avaient visé dans le

mille.J’agissaisdelamêmefaçonavecSebastian.Jel’écoutais,maisjenelui parlais jamais de moi. Je pouvais passer des heures à réfléchir àquelquechosesansjamaisendiscuter.

—On y reviendra plus tard. Pour l’instant, il y a un truc que je necomprendspas,ditMegan.Tuasditqu’ilavaitfaitunbruitetjesaisdequelbruit tuparles.Et qu’il t’a serrée contre lui.Ondirait que ça lui aplu…

Jeserraietdesserrailespoingscontremesflancs.Jenetenaispasenplace.

— Je ne comprends pas,moi non plus. Je ne sais pas ce quim’estpassé par la tête. Tout allait bien. Sebastian faisait l’idiot, commed’habitude,etonétaitl’unsurl’autre…

—Vousêtessouventl’unsurl’autre?medemandaMegan.(Quandjeluiadressaiunregardnoir,ellelevalesmainsenl’air.)Nemeregardepascommeça.J’essaiederassemblerleplusd’informationspossible.

—Cen’estpascequetucrois,répondis-jeenmemassantlestempes.Jevoulaisluidonnerunetapesurlebrasetilm’aattrapélepoignet.Onfaisaitlesidiots.Ettoutàcoup,jemesuisretrouvéeassisesursesgenoux,àleregarderdanslesyeux.

—C’est à cemoment que tu l’as embrassé ? (Abbi croisa les bras.)Uneseulefois?

Jemeprislevisageentrelesmainsethochailatête.—Nos lèvres se sont à peine frôlées. Je ne suismême pas certaine

qu’onpuisseappelerçaunbaiser.—Unbaiser,c’estunbaiser,ditAbbi.

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— Je ne sais pas… intervint Megan en piochant un Oreo dans lepaquetposéàcôtéd’elle.Ilyadifférentesfaçonsdes’embrasser.Ilyalesmack, le baiser plus longmais sans langue, le…Attendez uneminute.Pourquoiest-cequejevousexpliqueça?Iln’yaplusaucunhymenintactdans cette pièce. Vous connaissez déjà les différentes façons des’embrasser.

—Oh,monDieu,grognai-jeenbaissantlesbras.Abbilevalesyeuxaucielensecouantlatête.—Parfois, j’ai dumal avec tonhumour. Plus aucunhymen intact ?

Sérieux?Jenesaismêmepasquoirépondreàça.Meganparlaavecunbiscuitdanslabouche.—Sijecomprendsbien,tul’asembrassévitefait,sanslangue,puistu

aspaniqué.Jemeremisàfairelescentpas.—Oui.C’estàpeuprèsça.Elle attrapa sa serviette et essuya les miettes noires autour de ses

lèvres.—Ilt’arenducebaiser?—Non,murmurai-je.J’aicruqu’ilallaitlefaire,maisnon.Abbihaussalessourcils.—Qu’est-cequ’ilfichaitalors?Ilestrestéallongésansrienfairealors

quetuétaisassisesursesgenoux?Jegrimaçai.—Plusoumoins.Mesdeuxamieséchangèrentunregard.MeganpritunautreOreo.—Jenesuispasvraimentsurprisequetul’aiesembrassé.Aprèstout,

tumeursde lui sauter dessusdepuis que tu as compris que les garçonsavaientunpé…

—Jemerappelletrèsbienlemomentoùj’aicommencéàvoirenluiplusqu’unsimpleami,lacoupai-je.Jenesaispascequim’apris.

—Tunelesaispas,parceque,commed’habitude,tun’étaispasdansl’instantprésent,ditAbbiens’adossantaufauteuil.Tufaistoujoursça.Tu

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réfléchistrop,tuanalysestoutet,ducoup,tuneprofitespasdecequiestentraindesepasser.

J’auraisvoululenier,maiselleavaitraison.Jelefaisaissouvent.—Peut-êtrebien…maisonpourraitcataloguermesdéfautsuneautre

fois,s’ilvousplaît?Abbim’adressaunlégersourire.—D’accord.— Tu l’as peut-être pris par surprise, reprit Megan. C’est peut-être

pourçaqu’ilapaniqué.—Tucrois?—C’estunepossibilité.Vousêtesamisdepuistoujours.Mêmes’ilest

amoureuxdetoi,tongestel’asansdouteprisaudépourvu.(Ellefitpassersescheveuxderrièresonépaule.)Vousavezdiscuté,après?Non,nedisrien.Jeconnaisdéjàlaréponseàcettequestion.Tuneluiasplusadressélaparole.

Jegrimaçai.Ellelevalesmainsdevantelle.—Jenedispasçapourremuerlecouteaudanslaplaie.Enfait,situ

n’as pas expliqué ton geste, il y a des chances pour qu’il croie que tupensesavoirfaituneerreur.(Ellejetauncoupd’œilàAbbi.)Non?

—Ehbien…(Abbis’appuyacontrel’accoudoirdufauteuil.)Bon.Tusaisquejet’aime,pasvrai?

Quelquechosemedisaitquejen’allaispasaimercequ’elleavaitàmedire.

—Oui?—J’aiunetoutepetiteremarqueàfaire,dit-elle.(Ilétaitclairqu’elle

choisissait ses mots avec soin.) Tu as embrassé Sebastian. On vaconsidérerquecen’étaitpasunbisouentreamis.Engénéral,lesgensquis’embrassentsurlaboucheveulentêtreplusquedesimplesamis.

— D’accord, intervint Megan. Sinon, ça va commencer à êtrecompliquéàsuivre.

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—Donc,tul’asembrasséetilaconsciencequecen’estpasparcequetu es son amie. Il y a deux possibilités. La première, c’est celle dont aparléMegan: ilaétésurpris,aréagibizarrement,puisestalléseterrerquelquepartparcequ’ilahonte.

Je n’arrivais pas à imaginer Sebastian se cacher parce qu’il avaithonte.

— La deuxième, c’est que le baiser ne lui a pas plu et quandl’ambiance est devenue gênante, il s’est enfui le plus vite possible enespérantquetuoublieraistoutça.

Aïe.Jemedirigeaiverslaportedubalcon.—Tuveuxdirequ’ilauraitpréféréquejenel’embrassepas?— Euh, alors… (Elle se mordit la lèvre inférieure.) Il n’est avec

personneencemoment.Toinonplus.(Lavoixd’Abbiétaitdouce.)Vousavezdestasdechosesencommun.Vousêtesbeaux…

—Jecoucheraisavectoisanshésiter,commentaMegan.—Merci,rétorquai-jeenriant.—Etsurtout,vousvousconnaissezmieuxquequiconque.Jemedis

quesilebaiserluiavaitpluetqu’ils’étaitrenducomptequ’ilvoulaitplus,il t’aurait embrassée à son tour.Ou il te l’aurait fait comprendre. Il net’auraitpasdit:«Çan’auraitjamaisdûsepasser.»

Lecœurserré, j’écartai le rideauet jetaiuncoupd’œilà l’extérieur.Unelégèrebrisefaisaitondulerlesbranchesduvieilérable.

Abbi avait raison. Sebastian m’avait fait comprendre que ce baiseravaitétéuneerreur.

— À part ça, je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas êtreensemble,ajouta-t-elle.S’ilétaitvraimentamoureuxdetoi,iln’auraitpasréagicommeça.

Mon estomac se noua. La douleur m’envahit. La sensation étaittellementviolenteque j’avaisvraiment l’impressionquel’onm’arrachaitlecœur.Jeprisuneinspirationtremblante.

—Qu’est-cequejefais,maintenant?

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Jelâchailerideauetmetournaiverselles.Meganhaussalessourcils.— Personnellement, je lui aurais déjà envoyé un message pour lui

demanderquelestsonproblème.Cetteidéemedonnaitdessueursfroides.—Jecroisquejesuistroplâchepourcegenredetechnique.—Tun’espaslâche,Lena,m’assuraAbbi.Jecomprendspourquoitu

n’as rien fait. Sebastian est l’un de tes meilleurs amis. La situation estdélicate.

«Délicate»étaituneuphémisme.— Mais je crois que tu devrais lui écrire, moi aussi, reprit Abbi.

Demande-luisitoutvabien.Çan’engageàrien.Rienqued’ypenser,celamedonnaitlanausée.—Jemesenstellementbête.Meganfronçalessourcils.—Pourquoi?—Parceque…parcequejenedevraispasperdremontempssurdes

chosesaussifutiles.(Jem’approchaidulitetmelaissaitomberàcôtédeMegan.J’attrapaiunbiscuit,maismagorgenouéemefaisaitsouffrir.)Ilya des tas de choses beaucoup plus importantes qui mériteraient monattention.

—Commequoi ?medemandaMegan.Lapaixdans lemonde?Lapolitique?Lesdettesdel’État?Jesuissûrequej’enoublie.Turegardeslesinfos,toi.Jenesauraismêmepassurquelleschaîneslesregarder.

Jesourislégèrementetsecouailatête.—Jedevraispenseràmadernièreannéedelycée.Jen’aipresqueque

des cours renforcés, cette année, et l’entraînement de volley va êtrephysique.Ilfautquejemetrouveunebourse…

—Tusaisquoi?Toutça,c’estdesconneries.(Megantournalatêteversmoi.Elleétaittouterouge.)Tupensesàunmecettunousenparles,etalors?Jesaistrèsbienquetun’aspasqueçaentête.Abbiaussi.Tun’es pas obligée de passer tes journées à discuter de problèmes sérieux

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pour nous prouver que tu n’es pas une pimbêche qui ne pense qu’auxmecs. De toute façon, c’est toujours pareil. En tant que filles, il fauttoujoursqu’onsejustifie.Onnepourrajamaisgagner.

— Oh, non, souffla Abbi en souriant. C’est parti pour le coup degueule.

—Jevaismegêner!Sionpenseauxgarçons,lesautres,souventdesfilles, parce que, soyons honnêtes, on peut être de vraies garces entrenous,disentqu’onestsuperficielles.Qu’onest frivoles.Jenesaismêmepascequeçasignifie.Etsi,aucontraire,onnepensepastoutletempsaumec qui nous plaît, on nous traite de menteuses. Ou on nous trouvebizarres. Et si on s’intéresse à d’autres sujets, tout à coup, on estprétentieuses. On ne peut pas gagner. C’est comme si on n’était pasautoriséesàavoirdessentimentsniàypenser.C’estn’importequoi.

— Je ne le dis pas souvent, intervint Abbi avec sérieux,mais elle araison.

—Évidemmentque j’ai raison ! (Megan leva lesbrasauciel.)Et çamarche aussi avec les filles qui aiment les filles. C’est de la folie. Tupensesàcequis’estpasséavecSebastianparcequ’ilest importantpourtoi, toutcommele lycée, levolley, leboulotet,oui,mêmelesdettesdel’État.

Jeris.Meganpritunegrandeinspiration.—J’aimepenserauxgarçons,àPhillipenparticulier,et je suisplus

intelligentequelaplupartdesgens,surtoutceuxquimedisentquejesuissuperficielle. Je peuxpenser aux garçons et avoir une vie à côté.Qu’ilsaillentsefairevoir!Net’enveuxpasparcequetuchoisisdeteconcentrersurunmomentimportantdetavie.Aujourd’hui,cemomentestliéàungarçon.Demain,ceseraautrechose.

Étonnéepartantdesagesse,jeladévisageai,puisluisouris.—Waouh,Megan. Je suis àdeuxdoigtsde tedemanderde répéter

toutçapourquejel’enregistre.Ellelevalesyeuxauciel.

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— Hors de question. Je n’arriverais jamais à être aussi bonne unedeuxièmefois.

Abbirapprochalachaisedulit.—Jemerépète,mais…Meganaraison.Jemelaissaitomberenarrière,surlelit,etmanquaiécraserlepaquet

d’Oreo.Tandis que j’observais le plafond, la poignede fer qui enserraitmapoitrinesedesserraunpeu.Latristesseétaittoujourslà,commeuneombre dans mon existence, et je ne savais toujours pas comment mecomporter par rapport à Sebastian, mais je me sentais un peu mieux.Grâceàelles.Àmesamies.

— Les filles, leur dis-je. Je ne vais peut-être pas passer la soirée àpleurer sur mon canapé et à m’empiffrer des restes de boulettes deviande.

Abbiéclataderire.—C’estbonàsavoir.— Je peux avoir une boulette de viande ? demandaMegan enme

donnantunlégercoupdecoude.Avectoutlesucrequejeviensd’ingérer,jepensequedelaviandemeferaitleplusgrandbien.

Abbisoupira.— Vous allez me trouver ridicule, prévins-je sans bouger. Mais on

restera amies toute la vie, pas vrai ? Parce que j’ai le sentiment que cen’estpasladernièrefoisquejevousraconteraicegenredebêtises.

Megangloussa.—C’étaitunpeuridicule,maisoui.Amiespourlavie.—N’oubliepasDary,ditAbbienmedonnantunpetitcoupdepied.

Touteslesquatre,onseserreratoujourslescoudes.Quoiqu’ilarrive.

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CHAPITRE7

Aprèsledépartdesfilles,jeprismontéléphoneetsortissurlebalcon.Accoudéeàlarambarde,j’observailamaisondeSebastian.Samèreétaitdans leur jardin, à genoux, en train de creuser. Elle portait l’un de ceschapeauxenpailleinforme.Seulesquelquesmèchesdesescheveuxbrunsdépassaient.

Quandelleenfonçait lapelledans lesplates-bandesqui couraient lelong de leur terrasse ombragée, son corps tout entier tremblait sousl’effort. À côté d’elle, des pivoines roses et violettes en pot attendaientd’êtreplantées.Mesyeuxremontèrentlelongdesbriquesrougesdeleurterrasse. Leur barbecue en pierre trônait au milieu. Il ne s’était paseffondrécommelenôtre.

La mère de Sebastian était une femme discrète. Depuis que je leconnaissais, je m’étais rendue des milliers de fois dans leur maison.Pourtant,duranttoutescesannées,lesconversationsquej’avaiseuesavecsamèresecomptaientsurlesdoigtsdelamain.

Elle était toujours très gentille, me disait bonjour, me demandaitcomment j’allais, commentallaitmamèreousiLori seplaisaità la fac,maiscelas’arrêtaitlà.

C’étaitlepèredeSebastianquiparlaitleplus.Soufflant,jebaissailatêteversmonportable.Pendanttoutcetemps,

AbbietMegans’étaientdoutéesdemessentimentspourSebastian.Daryaussi,probablement.Ellesnem’enavaientpasparléetnem’avaientpas

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pousséeàleleuravouer,cequiendisaitlongsurnotreamitié.Ellesmeconnaissaienttropbien.

Jem’éloignaide la rambardepourme laisser tomber surmachaise,lespiedsposéssurleborddusiège.Lesdoigtscrispéssurmontéléphone,jeréfléchisauxpossibilitésquis’offraientàmoi.

Jepouvaisfairesemblantqu’ilnes’étaitjamaisrienpassé.Celaavaitété ma façon de fonctionner pendant des années. Je reportais aulendemaintoutensachantquejeneferaisjamaisrien,maischaquefois,lefuturmeparaissaitpleind’espoiretdepotentiel.

Cettefois,jenepouvaispasmelepermettre.Je me mordillai les lèvres et ouvris ma boîte de réception. Là, je

trouvailederniermessagedeSebastianquidataitduvendrediprécédent.L’estomacnoué,jetapai:

Toutvabien,entrenous?

De longues secondes passèrent avant que je trouve le couraged’appuyer sur « Envoyer ». Lorsque je le fis, je regrettai presque mongeste.Malheureusement,jenepouvaispasrevenirenarrière.Jerestailesyeux rivés sur mon écran. L’entraînement de foot était terminé. Après,Sebastiansortaitparfoisavecdesamis.Sinon,ilrentraitdirectementàlamaison.

Inquiètedenepasrecevoirderéponse, je laissai tombermonvisagecontremesgenoux.

Dansunsens, j’étais surprised’avoir trouvé lecouragede luiécrire.Entempsnormal, jen’aurais rien faitet j’aurais laisséSebastianrevenirlui-mêmeversmoiouattenduqueleproblèmeserésolvetoutseul.Cettefois,jenepouvaispasfaireça.

L’espaced’unmoment,jeréfléchisàlapossibilitéd’allerfrapperàsaportepourvoirs’ilétaitlà,maisjevenaisdeluienvoyerunmessage.Jenevoulaispasnonplusleharceler.Netenantplusenplace,jemelevaiet

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descendis les marches du balcon qui donnaient dans le jardin. À mi-chemin,jem’arrêtai.Qu’étais-jeentraindefaire?

Jejetaidenouveauuncoupd’œildanslejardindeSebastian.Samèreavaitpresque terminédeplanter les fleurs. Ilne restaitque lespivoinesrouges en pot. Je fis demi-tour et remontai l’escalier. Une fois àl’intérieur, jedescendisaurez-de-chausséeet fis réchauffer lesboulettesde viande. J’en mangeai quatre, perchée sur l’accoudoir du canapé,devantlesinformations.

Quandj’eusterminé,Sebastiannem’avaittoujourspasrépondu.Leventreplein, jeretournaidansmachambre,maisj’étaistellement

agitée que je restai debout, le téléphone à lamain. J’étais incapabledem’asseoiretdelire.Lasolutionétaitpeut-êtredefaireleménage.

Toutpourpenseràautrechose.Jeposaimonportablesurmatabledechevetetmedirigeaiversmon

armoire.Des jeans et des livres en jonchaient le bas. Lamoitiédes tee-shirtsetdespullsétaiententraindetomberdescintres.

Finalement,jen’avaisplusenviederanger.Je refermai laportedemonarmoireetallaim’allonger sur le lit, la

têtelapremière.Monestomacprotesta.Jegrognai.—Jesuistropnulle,marmonnai-jecontremesdraps.Tout à coup, mon téléphone bipa et je me redressai vivement à

genoux.J’avaisdumalàrespirer.Sebastianm’avaitrépondu.Enfin.

Biensûr.Pourquoiçan’iraitpas?

—Pourquoi?murmurai-jealorsque j’avaisenviedecrierde toutesmesforces.D’aprèstoi?

J’étaissurlepointdetapercettequestionenguisederéponsequandjem’arrêtai, lesdoigts immobilesau-dessusde l’écran.Moncœurs’étaitemballé,commesij’avaisfaitlacourse.

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J’aurais pumemontrer directe et lui rappeler pourquoi je lui avaisposé cette question. Pour être franche, j’avais des tas de choses à luidemander : que pensait-il de ce baiser ? Pourquoi avait-il paniqué ?Aurait-ilpréféréquejenelefassepas?Jepouvaismêmeluienvoyerunmessage pour lui avouer que, lorsque je l’avais embrassé, j’avais eu lasensationdetrouvermamoitié.

Jen’écrivisriendetoutça.Montéléphonebipaencoreunefois.

Tuvasbien,toi?

Non.Jen’allaispasbien.D’aussiloinquejemelerappelais,j’avaistoujoursétéamoureusede

Sebastian.Àprésent,j’avaispeurd’avoirgâchénotreamitiéetjecraignaisqu’unegênenes’installeentrenous.

Jeneluidisriendetoutçanonplus.Àlaplace,jetapai:

Oui,biensûr.

Puisjejetaimontéléphonesurmoncoussin.Jemelaissaitomberenarrièreengrognant.

—Jesuisvraimentunepoulemouillée.

IlétaitgrandtempsqueFeyreleurbottelesfesses!Jerefermaimonromanetpressaimonfrontcontrelacouverturelisse.

Moncœurbattaitlachamade.Lescinqdernierschapitresavaientfaillimecauser une crise cardiaque. J’espérais que le troisième tome était déjàsorti.Sinon,j’allaissauterdubalcon.

Posantlelivresurmesgenoux,jem’assisplusconfortablementsurlavieillechaiseenbois.Cen’étaitpaslachaiselapluscosydumonde,mais

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avecuncoussinsouslesfessesetlesjambesperchéessurlarambardedubalcon,c’étaitlecoinlectureidéal.

Uncourantd’airchaudpassa,caressantmesjambesnuesetsoulevantlespetitscheveuxsurmanuque.Unsecondromanétaitposéparterre,àcôté de ma chaise. Celui-ci se déroulait dans un monde pluscontemporain.

Jeneconnaissaispasdemeilleurefaçondepasser lederniersamediavantlarentrée:bouquineretmanger.

J’échangeaimonlivreavecl’autrequiavaitunecouronnedoréesurlacouvertureetleposaisurmesgenoux.Avantdel’ouvrir,jejetaiunœilàFacebooksurmontéléphone.Aucunmessageprivé.Enrevanche, j’avaisplusieurs notifications Snapchat. Une vidéo de la veille montrant lesfootballeurs, complètement ivres, qui tentaient tant bien que mal demarcherdroit sur le trottoir. Sebastianquimangeait sonpetitdéjeuner.Dary,elle,avaitprisunephotoduWashingtonMonumentainsiquetouteunesériedepanneauxdesignalisation.Daryadoraitlespanneaux.

J’ouvris ensuite Instagram et fis défiler les selfies et les dernièresphotos de vacances sans vraiment les regarder. J’étais sur le point derefermer l’application quand je me rendis compte que la plupart desphotos se ressemblaient. Les filles étaient en bikini. Les garçons, enmaillotdebain.Tous tenaientungobeletrougeà lamain.Etsur touteslesphotos,ilfaisaitnuit.

Keith.Ilavaitsansdouteorganiséunesoiréelaveille.Quandjevis laphotoqu’avaitpostéeSkylar,monpoucesefigeasur

monécran.Moncœurseserra.J’étaisstupide.Tellementstupide.Skylar était assise sur lebordd’une chaise longue, lesmainsposées

derrière elle. Elle portait unmaillot deuxpièces bleu roi quimettait envaleursoncorpsderêve.Enfaced’ellesetrouvaitSebastian.Ilsouriait.Ilssouriaienttouslesdeuxetils…ilsallaientsuperbienensemble.

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Je restai bloquée sur cette photo pendant un long moment. Troplongtemps.

Qu’est-cequim’avaitprisdelasuivresurlesréseauxsociaux?Je connaissais la réponse à cette question. J’avais commencé à la

suivreplusieursannéesauparavantparcequ’ellesortaitavecSebastianetque,visiblement,j’étaismaso.Jemeforçaismêmeàlikersesphotospournepasavoirl’aird’êtrejalouse.

Celanem’empêchaitpasdel’être.Commeunpou.JemerendisaussitôtsurlecomptedeSebastianpourvoirs’ilyavait

desphotosde lasoirée.C’étaitplus fortquemoi.Toutefois, sondernierpost datait de trois semaines plus tôt. Sebastian n’avait jamais aimé lesréseauxsociaux.Ilypassaitseulementdetempsentemps.

J’avaisdenouveauenviede sauterdubalcon,maispourune raisoncomplètementdifférente.

Sebastianm’avaitenvoyéplusieursmessagesdepuislebaiser,maisjene l’avais plus revu. Je neme faisais pas d’illusions. Les choses avaientchangéentrenous.D’habitude,quandSebastianétait chez lui,etmêmelorsqu’ilétaitencoupleavecSkylar,jelevoyaispresquetouslesjours.Lesseuls moments où l’on restait séparés aussi longtemps, c’était lorsqu’ilpartaitenvacances.

Ilm’évitait.Jurant, je fermai l’applicationet laissai tombermontéléphonesur le

livre que j’avais posé par terre. L’angoisseme retournait l’estomac. Lesyeuxrivéssurl’érableimposantdenotrejardin,jesecouailatête.S’était-ilréconciliéavecSkylarquelquesjoursaprèsquejel’avaisembrassé?Est-cequecelaavaitlamoindreimportance?

Àmesyeux,oui.Agacée par mes propres sentiments, j’ouvris mon second roman.

J’avaisbesoindemeperdredansunehistoirecomplètementdifférentedelamienne.

Je n’avais lu que deux pages lorsque j’entendis un bruit de pasrésonnersurl’escalierextérieurquimenaitaubalcon.Quandjerelevaila

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tête,jemefigeai.C’étaitSebastian.Jenesavaispassijedevaisallermecacherdansmachambreoul’accueillirlesbrasouverts.

Jenefisnil’unnil’autre.Le cœur battant à cent à l’heure, je refermai doucementmon livre.

Sebastianarrivaenhautdesmarches.J’eneuslesoufflecoupé.Seigneur.Sebastianétait torsenu. Je l’avaisdéjà vu sans tee-shirt,mais ilme

faisaittoujoursautantd’effet.Ses muscles étaient parfaitement dessinés et ses abdos semblaient

avoirétésculptésdanslemarbre.Iln’étaitpastropmusclé.Aucontraire,il était l’exemplemême des bienfaits du sport sur un corps. En plus, ilportaitunecasquette.Àl’envers.

J’étaissurlepointdefondre.Jeledétestais.Unsourireencoin,iltraversal’étroitbalcon.—Salut,l’intello!L’espaced’un instant, je fus incapablede répondre. Jeme retrouvai

propulsée au bord du lac, sur ses genoux, mes lèvres effleurantbrièvement les siennes. Le rouge me monta aux joues et une doucechaleurdescenditplusbas,bienplusbas.

Sijevoulaisfairecommes’ilnes’étaitrienpassé,ilallaitfalloirquejemecontrôle.Lui,visiblement,n’avaitaucunproblèmeà le faire,alors jepouvais y arriver, moi aussi. Il le fallait, parce que si je n’en étais pascapable,commentpourrions-nouscontinuerd’êtreamis?

Quand il releva la tête, son regard croisa le mien avant de sedétourner.Jecrusapercevoirunelégèreteinteroséesursesjoues.Était-ilentrainderougir?Finalement,iln’étaitpeut-êtrepassidouépourfairesemblant.

Jem’éclaircislavoixetserraileromancontremapoitrine.—Salut,l’idiot!Tuasoubliédet’habilleravantdesortirdecheztoi?Quand ilme regarda de nouveau, ses yeux brillaient demalice. Ses

épaulessedétendirent.

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— J’étais tellement excité à l’idée de venir te voir que je n’ai pasvouluperdredetempsàtrouveruntee-shirtpropre.

—Situledis.—Jevoulaist’envoyerunmessage,dit-ilens’adossantàlarambarde,

àcôtédemespieds,maisjesavaisquetuseraislà.—Jesuissiprévisiblequeça?—Oui.—Tantpis,marmonnai-jeenréfléchissantàcequejepouvaisbienlui

dire.Tu…Tuaseuunentraînement,cematin?Sebastianhochalatête.—Ouais.Jusqu’àmidi.J’aifaitlasiestequandjesuisrentré.—Tut’escouchétard?demandai-jeinnocemment.Monpoulss’emballa.Ilhaussauneépauleathlétique.—Pasvraiment,répondit-il.Jemedemandaissicelavoulaitdirequ’ils’étaitremisavecSkylarou

s’ilétaitsortiavecquelqu’und’autre.Enmêmetemps,cesdeuxmotsauraientpusignifiern’importequoi.— Keith était tellement bourré qu’il a mis le feu à un tas de feux

d’artifice. (Il croisa les bras, attirant de nouveaumon attention sur sontorse.Commesi j’avaisbesoindeça.)Çam’étonnequ’iln’aitpasperduundoigt.Ouunemain.

—Jet’avouequemoiaussi.—Bref.Jesuisvenupouruneraison.Keithorganiseunbarbecuece

soir. Enfin, plutôt son grand frère. En petit comité, reprit-il. Tu devraisveniravecmoi.

Mon cœur se mit à danser dans ma poitrine en criant « oui, oui,oui!».Moncerveau,lui,eutunmouvementdereculetordonnaàmoncœurdelafermer,parcequ’ilétaitstupideet lui faisait fairedeschosesquil’étaientencoreplus.

—Jenesaispas…—Allez!

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Ilm’attrapalepied.Quandjetentaidemelibérer,ilresserrasapriseen enroulant ses doigts autour dema cheville. Je refusais d’interprétersongeste.

—Onn’apaseubeaucoupd’occasionsdesevoir,cesderniersjours.Jenesuisrentréqueleweek-enddernier.

Peut-être,maisjet’aiembrasséetçanet’apasplu.Pourtant,ilagissaitnormalement… À tel point que je commençais à me demander si jen’avaispasimaginécequis’étaitpasséaulac.

— Viens passer du temps avec moi. Au moins pour manger descheeseburgersaufeudebois.

Jeposaimon livre surmesgenouxetagrippai lesaccoudoirsdemachaise.

—Jen’aipasfaim.—Commesitupouvaisdirenonàdescheeseburgers.Tuveuxqueje

tesupplie,c’estça?Jefronçailessourcilsettentaidelibérermajambe,sanssuccès.Sebastianbaissalatête.—C’estmoiquiconduis.Tuvast’amuser,tuverras!Toutcequetu

asàfaire,c’estlevertesjoliespetitesfessesdecettechaise.Jem’occupedureste.

Lesyeuxécarquillés,jemefigeai.Iltrouvaitmesfessesjolies?Sonsourires’élargitetsoudain, jesentissesdoigtsmechatouiller la

plantedupied.—Arrête!Arrête!m’écriai-jeenriant.Il s’exécuta, mais garda les doigts contre mes pieds d’un air

faussementmenaçant.—Alors,tuviens?Jerespiraisfort.Jeneluifaisaispasconfiance.—Tutriches!—Pourquoijem’enpriveraisalorsquejepeuxtefairefairecequeje

veux en te chatouillant ? répliqua-t-il en posant un doigt aumilieu de

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monpied.(Majambeeutunsoubresaut.)Qu’est-cequetuchoisis,Nana?—«Nana » ? répétai-je, incrédule, en enfonçant les doigts dans les

accoudoirs de la chaise. (Quand m’avait-il appelée comme ça pour ladernièrefois?Avantquejeneportedessoutiens-gorge?)Jen’aiplusdixans,Sebastian.

Ilbaissalesyeux.—Crois-moi,j’enaiparfaitementconscience,dit-ild’unevoixrauque.Leslèvresentrouvertes,jerépétaisesmotsencoreetencoredansma

tête.Quandilrelevalatête,ilmeregardadanslesyeux.Moncœuravaitcessédedanser,ilsecontentaitdebattreàuneallurefolle.Jesentaissapulsationdanstouteslespartiesdemoncorps.

Pourquoiest-cequetunem’aspasrendumonbaiser?—Viensavecmoi,medit-ilencoreunefois.S’ilteplaît?Jefermailesyeux.J’avaisenvied’accepter,mais…j’avaisbesoind’un

soutienmoral.—JepeuxdemanderàMeganetAbbidenousaccompagner?—Biensûr!répondit-il.Aucontraire,Keithseraravi.Tusaisqu’il…—…essaiedesortiravecAbbi?Oui.(Jeprisunegrandeinspiration

avantderouvrirlesyeux.)D’accord.—Super.(Avecungrandsourire,ilreposamajambesurlarambarde.

Sesdoigtss’attardèrentunesecondecontremapeauavantdemelâcher.)Jesavaisquetunepouvaispasmerésister.

Feignantdenepasl’avoirentendu,jefistombermesjambesparterreetramassaimeslivresetmonportable.

— Donne-moi cinq minutes. (Je me levai et, le rouge aux joues,rentraidansmachambre.)Ilfautquejepréviennemamère.

—Prends tonmaillot ! lança-t-il en s’écartantde labalustradepours’asseoirsurmachaise.

JerevisalorsSkylardanssonbikinietdécidaiqu’ilvalaitmieuxquej’oublielemien.

Après avoir posé les livres sur mon lit, j’envoyai rapidement unmessageàAbbietMegan,puisplaçaimonportabledansmonsac.

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Au rez-de-chaussée, je trouvaimamèredans la cuisine.Des papiersétaient étalés devant elle, certains agrafés. Ses cheveux blonds étaientcoiffés en queue-de-cheval haute et elle portait ses lunettes au bout dunez.

—Qu’est-ce que tu fais ? lui demandai-je enme postant devant lachaiseàcôtédelasienne.

—Jepasseenrevue lesdernières loisconcernant lesgaranties.(Mamèrerelevalatête.)Autrementdit lafaçonlaplusennuyeusedepasserunsamediaprès-midi.Ettoi?Tunetravaillespasceweek-end,jecrois?

—Non.(Jeposailesmainssurledossierdelachaise.)JepensaisalleràunbarbecueavecSebastian.

—Super.(Mamèreposasonmentonsursapaumeetm’observa.)Çaressembleàunrendez-vous.

—Maman…l’avertis-je.— Quoi ? (Elle écarquilla les yeux.) Tu sais bien que je vous

soutiendraisàcentpourcent…—MonDieu,grognai-jeenlevantlesmainsauciel.(Jejetaiuncoup

d’œilderrièremoi,avecunpeudechance,Sebastianallaitdescendreetcoupercourtàcetteconversation.)Cen’estpascommeçaentrenous.Tulesais.

—Laissetamèrerêver,soupira-t-elle.C’estunbongarçon,Lena.—AbbietMeganserontsansdoutelàetilyaurad’autrespersonnes.

(Jemeredressai.)Désoléedebrisertesrêves.—Mince.(Elleaffichaunemouedéçue.)Jem’imaginaisdéjàtricoter

deschaussonspourvotrepremierenfant.— Oh, mon Dieu ! hoquetai-je. (J’étais horrifiée, mais en même

temps, cela ne m’étonnait pas. Ma mère avait toujours eu de drôlesd’idées.)Tuesridicule.Jesuisentouréedegensridicules.

—Ce sont lesmeilleurs ! s’exclama-t-elleen riantavantde reportersonattention sur lespapiersdevantelle. (Je secouai la tête.)Tupensesrentreràquelleheure?

—Jeneseraipaslàpourdîner.Danslasoirée?

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—Trèsbien.Commeça,jen’auraipasàfaireàmanger.(C’étaitmamère tout craché. Elle cherchait toujours le bon côté des choses.) Aufait…reprit-elleenrelevantlesyeuxversmoi.

Ellearboraitcetteexpressionqu’elleavaitchaquefoisqu’elleallaitmedirequelquechosequin’allaitpasmeplaire.

C’étaitforcémentàproposdemonpère.Jemecrispai.—Répondsautéléphone,Lena.Çaduredepuistroplongtemps.Croisantlesbras,j’inspiraiprofondémentparlenez.—Passuffisammentpourmoi.—Lena,medit-elle. Tu es belle, gentille, loyale…mais ce qui s’est

passéentreton…—Maman,jedécrocherai,d’accord?C’estpromis.(Jen’avaispasla

moindre envie de parler de celamaintenant.) Je dois y aller. Sebastianm’attend.

Elleeutl’airdevouloirdireautrechose,maisseravisa.—D’accord.Amuse-toibien.Soisprudente.Jemepenchaipourl’embrassersurlefront.—Commetoujours.

— Jedis juste qu’il y a deuxpoids, deuxmesures. (J’avais posé les

pieds sur le tableau de bord chaud de la Jeep de Sebastian. Laclimatisation soufflait au maximum, mais elle ne faisait pas le poidscontrelatempératureextérieure.)Toi,tupeuxconduiretorsenu,maissiune fille s’amusait à conduire avec un haut de maillot, ou topless, ceseraitlarévolution.

—Etmoi,jedisjustequej’approuvel’idéequelesfillesconduisentenbikini, répondit-il, unemain sur le volant, l’autre sur ledossierdemonsiège.

Ilavaitremissacasquetteàl’endroitpourbloquerlesrayonsdusoleil,mais il était resté torse nu. Il ne portait qu’un maillot et des sandalesNike.

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Derrièremeslunettesdesoleil,jelevailesyeuxauciel.—Çanem’étonnepas.— Écoute, lesmecs semoquent de ce genre de choses. On ne sera

jamaiscontrel’égalitéfaceàlanudité.Jamais.(Ilralentitenapprochantdelasortiedelavoierapide.)Leproblème,cesontlesfillesentreelles.

Jetournailentementlatêtedanssadirection.Ilregardaitlaroute.— Une fille traiterait facilement une autre de pouf parce qu’elle

conduitsavoitureenmaillot.Parcontre,siunmec le fait,ellediraquec’estsexy.

Sebastiann’avaitpastort,maisilpouvaitcourirpourquejel’admette.Jeretiraimespiedsdutableaudebordetmetournaisurmonsiègepourregarder les arbres défiler derrière la vitre. Abbi et Megan nousrejoignaient. C’était le cousin deMegan, Chris, qui jouait au foot avecSebastian,quilesemmenait.

J’avais la sensation que le barbecue en petit comité allait setransformer en grosse fête avant la fin de la soirée. Ce ne serait pas lapremièrefoisquecelaarriverait,surtoutavecKeithcommeorganisateur.

Les rayons du soleil perçaient à travers les branches des arbres quibordaient la route étroite et sinueuse. Celui qui avait tracé cette routeavaitsansdouteétédistraitparunserpentpourarriveràcerésultat.

Latêteposéecontremonsiège,jeregardailesérablesimposantsetlesfougèreslaisserplaceauxvergersdepommiers.Ilss’étendaientàpertedevue,enrangssoignés,surchaquecolline.LafamilledeKeithenpossédaitlamajorité.

J’avais emprunté cette route des centaines de fois avec Sebastian etmesamis,maisaujourd’hui,c’étaitlederniersamediavantnotrerentréeenterminale.Ladernièrejournéecommecelle-ci.Dansunan,Sebastianetmoi ne serions plus dans cette Jeep, sur cette route. Il n’apparaîtraitplus surmon balcon sansm’avertir. Dary ne viendrait plus au Joanna’spourmerappelertoutcequej’avaisratédanslavie.

Jeprisuneinspirationtremblante.Mapoitrinemefaisaitmal.

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Seigneur.J’avaisenviedepleurercommeunbébé.Pourtant,jen’avaisaucune raison de le faire : les changements qui s’annonçaient étaientpositifs.J’entreraisàlafac.Avecunpeudechance,Meganetmoiserionstoutes les deux acceptées à l’université de Virginie, et le vendredi, ellecontinueraitdemedireque j’allaisdevenirunevieille fille,entouréedechats, qui nemangerait que du thon en boîte bonmarché. Dary ne segênerait pas pour m’expliquer tous les mauvais choix que je ferais parFaceTime.Abbiétudieraitdansune facvoisineetonseverrait leweek-end.

S’il continuaitde jouerau foot,Sebastian intégrerait l’universitéquilui ferait un pont en or et, soyons sérieux cinqminutes, tout lemondesavaitqueceseraitlecas.Ongarderaitcontact.Ons’appellerait.PuislesappelssetransformeraientenSMSqui,petitàpetit,deviendraientdeplusen plus espacés jusqu’à ce qu’on ne se parle plus que pendant lesvacances,lorsquenousserionstouslesdeuxàlamaison.

On grandirait et on s’éloignerait. C’était terrifiant. Mais pour lemoment, à cet instant précis, demain existait encore. La semaineprochaineaussi.L’annéetoutentière.Uneéternité.

Pourlemoment,jen’avaispasàfairefaceàl’inévitable.Sebastiantapotamongenou.Jesursautaiettournailatêteverslui.—Çava?medemanda-t-il.—Oui,répondis-jed’unevoixenrouée.Jemeraclailagorge.Sonexpressionsefitinquiète.—Àquoitupensais?Jehaussailesépaules.—Jemedisaisquel’annéeprochaine,onseratouslesdeuxàlafac.

C’estledernierétéavantlafindulycée,tuvois?Sebastian ne répondit pas. Il se contenta de regarder la route, la

mâchoirecrispée.Ilfaisaittoujourscelaquandilétaitencolèreouquandilrefusaitdedirequelquechose.

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J’étais sur le point de l’interroger sur la question, quand il reprit laparole.

—Tuferastoujourspartiedemavie.Tulesais?Priseaudépourvu,jenesusquerépondre.—Même si onn’étudiepasdans lamême fac, continua-t-il, comme

s’il y avait une chance qu’on se retrouve aumême endroit.On ne serajamais des étrangers, toi et moi. (On aurait dit qu’il lisait dans mespensées,maislavérité,c’étaitqu’ilmeconnaissaittropbien.)Çanenousarriverajamais.Pasànous.

J’aurais voulu lui dire que, même avec toute la bonne volonté dumonde, ce genre de choses arrivait auxmeilleurs. Avant de partir pourl’université, ma sœur avait promis à ses amis de rester en contact.Aujourd’hui,elleétaitendeuxièmeannéedefacetelleavaitdenouveauxamisetuncopain.

Quand les gens cessaient de se voir tous les jours, ils cessaientégalementdesemanquer.Jelesavaismieuxquequiconque.

Etce,mêmes’ilsdisaientvousaimer.—Onresteratoujoursamis.(Iljetauncoupd’œildansmadirection

commepourjaugermaréaction.)Quoiqu’ilarrive.Merde.Est-cequ’ilvenaitdememettredanslafriend-zone?Entoutcas,celayressemblait.J’inspirai, en tentant dene pas prêter attention à la douleur sourde

quiétaitapparuedansmapoitrine,etpassailesmainssurmonshort.—Oui,moncapitaine!Unlégersourireétiraseslèvres.—Skylarvient,elleaussi?Jeregrettaimaquestionàl’instantoùellequittameslèvres.—Aucuneidée,merépondit-ild’untonsecquineluiressemblaitpas.Jememordisleslèvrespendantquelavoitureralentissait.Sebastian

pritàdroitesur laroutequimenaitaumonstrequiservaitdemaisonàKeith, au milieu des vergers. C’était une ferme immense, le genre de

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maison dont seuls les polygames avec cinquante enfants avaientréellementbesoin.

Sa famille avait de l’argent. Ils exploitaient ces vergers depuis desgénérations. Plus tard, Keith reprendrait sans doute les rênes del’entreprisefamiliale,maispourlemoment,ilcomptaitalleràl’universitéetjoueraufootcommeSebastian.D’aprèscequej’avaisentendu,ilavaitdéjàétéacceptéà l’universitédeVirginie-Occidentale. Ilavait lacarrurepourêtredéfenseurdansleuréquipe.

Plusieurs voitures étaient déjà garées le long de l’allée pavée. J’enreconnus certaines. Dieu merci, il n’y avait ni la BMW de Skylar ni le4×4deCody.

—Petitcomité?Sebastianrit.—C’étaitl’idée.—Jevoisça.IlsegaraderrièreuneHonda,enlaissantsuffisammentdeplacepour

sortirplustard.Jeramassaimonsac,quej’avaisposéparterre,etsortisde voiture. En silence, on passa les doubles portes en verre et suivit lechemin en galets qui faisait le tour de la maison. À chaque pas, lesconversations et les rires se faisaient plus forts, tout comme le bruit del’eau. L’odeur de viande grillée embaumait l’air, faisant gargouillerjoyeusementmonestomac.

Sebastianavaitraison:jenedisaisjamaisnonàuncheeseburgercuitaufeudebois.

—Aufait,ditSebastianenmedonnantunlégercoupdecoude.Situveuxpartir,dis-le-moi,d’accord?Net’enfuispasavecn’importequi.

—Net’inquiètepas.Aubesoin, jetrouveraitoujoursquelqu’unpourmeramener.

—Jenem’inquiètepas.Jeteramène,c’esttout.Il tenait son tee-shirt contre son épaule. Je suppose que l’enfiler lui

auraitdemandétropd’efforts.

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Del’extérieur,Sebastiandevaitparaîtreautoritaire,maisenréalité,iln’étaittoutsimplementpasdugenreàamenerquelqu’unàunefêtepuisàlelaissersedébrouillerpourrentrer.

— Peut-être que je ne veux pas rentrer avec toi, dis-je en faisantbalancermonsac.Ilyadestasdegensquiaccepteraientdemeramener.

—Onhabiteàcôté.Ceseraitidiot,non?—Ne remets pas en causema logique. (Je contournai Sebastian et

marchaidevantlui.)Maisjesuissérieuse.Jen’aipasenviederestertrèslongtemps.

—Moinonplus…—Aïe!m’écriai-je.Il m’avait tapé la plante du pied que je venais de soulever. Je me

retournaietlefrappaiavecmonsac.Ilseprotégeaavecsonbrasenriant.—Faisattentionoùtumetslespieds.—Crétin,marmonnai-jeenmeretournant.—Jenecomptepasresterlongtemps,moinonplus,reprit-il.J’aiun

entraînement à la première heure demain. Seul avec l’entraîneur. (Ils’interrompit.)Etmonpère.

Jegrimaçai.—Commentvatonpère?—Iln’yapassuffisammentd’heuresdansunejournéepourrépondre

àcettequestion,répondit-il.(Avantquej’aieeuletempsd’insister,ilmeprit la main. Je m’arrêtai et me tournai vers lui.) Je compte rentrer àcause de l’entraînement, mais aussi parce que… (Ses yeux d’un bleubrillantplongèrentdanslesmiens.)Ilfautquejeteparle.

Mon cœur se serra. J’aurais voulu retirer ma main de la sienne etm’enfuirencourantdans lesvergers…maisonm’auraitprisepourunefolle.

— De quoi est-ce que tu veux parler ? demandai-je même si je lesavaispertinemment.

—Dechosesetd’autres.Jehaussaiunsourcil.

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—Ettunepeuxpaslefairemaintenant?—Non,toutàl’heure,merépondit-il.(Illâchamamainetmepassa

devant.)D’abord,j’aibesoind’unverre.

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CHAPITRE8

—Monpote!Keith sauta de la terrasse en bois et se laissa tomber devant nous

comme Tarzan l’aurait fait s’il avait porté…Oh,mon Dieu, un slip debain?Keithn’étaitpaspetit:grand,aveclesépauleslarges,ilressemblaitàunours.Lesslipsdebainetlui,cen’étaitpascompatible.

—TuasamenéLena!Sebastians’arrêtadevantmoi.—C’estquoi,cetrucquetuportes?Jemefisviolencepournepasbaisser lesyeux,maisce futplus fort

quemoi.Monregardétaitattiré,commeparmagie.Delamagienoire.Etlevêtementnelaissaitpasgrand-choseàl’imagination.Jereculai,maisilétaittroptard.KeithdépassaSebastianet jemeretrouvaidanssesbras,les pieds à plusieurs centimètres du sol, écrasée contre son torse. Jecouinaicommeunjouetpourchien.

—Ça fait des siècles que je ne t’ai pas vue ! (Keithme balança dedroiteàgauche.)C’étaitquand,ladernièrefois?medemanda-t-il.

Uneforteodeurdebièreémanaitdelui.— Je ne sais pas, soufflai-je, les bras bloqués contre lui. Il y a un

mois?—Nooon!(Ilallongealemot.)Plus!—Lâche-la!aboyaSebastian.Putain,tuesquasimentàpoil,mec!Keithritàgorgedéployéeetsemitàtournersurplaceavecmoidans

sesbras.Puis,sanscriergare,ilmerelâcha.Jetrébuchai.Sebastianposa

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lesmainssurmesépaulespourm’empêcherdetomber.—Vousaimezmonmaillot?(Ilposalesmainssurseshanchespour

bien dégager la vue. Seigneur. Ma rétine était en train de brûler.) Jebougeplusfacilementetjetrouvequeçametmonculenvaleur.Enplus,levertfaitressortirmesyeux,vousnetrouvezpas?

—Si,si,murmurai-jeensecouantlentementlatête.Sebastianpassalamainsoussacasquettepoursefrotterlecrâne.—Jesuistraumatiséàvie.—Aucontraire,tuasbeaucoupdechance.Vousvoussouviendrezde

cemomentbéni jusqu’àlafindevos jours!(Keithabattitsesmainssurnosépaules etnouspoussavers leportail ouvert.)Leshamburgers sontpresquecuits.Onvabientôt fairegrillerdessaucisses.Lesboissonssontdanslesglacières.

LamaisondeKeithétait l’endroitoùl’onseréunissait toujourspourfairelafête.Del’automnejusqu’auprintemps,onseréchauffaittouslesweek-ends autour d’un feu de camp, dans les champs au-delà despelousesparfaitemententretenues.Enété, tout lemondevenaitprofiterdesapiscine,quiétaitaussigrandequelerez-de-chausséedemamaison.Et encore, je ne comptais pas le carrelage rouge qui l’entourait. Unedizaine de chaises longues y étaient installées. Dessus, je reconnus desélèvesdulycée.Certainsnousfirentsignedelamainennousapercevant.

LesparentsdeKeithavaientdûdépenserdessommesastronomiquespour aménager cet espace… des sommes qui auraient facilement purembourserlecréditdemamère.Àcôtédelapiscine,ilyavaitunjardinfleuriparsemédebancs,unjeudelancerdefersàchevalderrièreunpoolhouse plus spacieux que beaucoup d’appartements et un terrain debadminton.

Jen’étaispasrevenueicidepuislafameusesoiréedumoisdejuillet.— Au fait ! (Keith passa la main sur son crâne rasé, attirant mon

attention.)TacopineAbbivient,cesoir?—Oui.(Enimaginantlatêtequ’Abbiferaitenvoyantcequeportait

Keith, je faillis éclaterde rire.)Ellenevapas tarderàarriver.Elle sera

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raviedetevoir.Elleallaitmetuer.—Génial, répondit-il. (L’idée semblait beaucoup lui plaire.) Je suis

contentquetusoisvenue.Jecommençaisàcroirequetunevoulaisplusêtremonamie.

Jesecouailatête.—Jet’aimetoujours,Keith.J’étaisoccupée,c’esttout.—Onn’estjamaistropoccupépourvenirmevoir!s’exclamaKeithen

reculantverslebarbecueoùsetenaitJimmy,songrandfrère.Celui-ciledétailladespiedsàlatêteavantdes’esclaffer.—Oh,merde!Tul’asvraimentmis!—Ausecours,marmonnaSebastian.Sans lâcher Sebastiandes yeux, j’essuyai la sueur qui perlait àmon

frontd’unreversdemain.Ilfaisaittellementchaudquejecommençaisàregretterdenepasavoirapportémonmaillot.

—C’esttonami,jeterappelle.—Jesais,répondit-ilenriant.Ilenjambauneplanteenpotcolorée.Quandjejetaiuncoupd’œilauxportesvitréesquidonnaientdansla

maison,jecrusvoirdumouvementàl’intérieur.—TucroisquelesparentsdeKeithsontlà?— J’espère ! répondit Sebastian en observant la piscine. J’adore

quandsonpèrevientjoueravecnousauxfersàcheval.C’esttropdrôle.Jeposaimonsacàcôtédesautres.— Je n’arrive toujours pas à croire que ses parents acceptent qu’il

organisetoutescesfêtes.Mamèreestcool,elleaussi,maisellen’aimeraitpasquej’invitedesgenstouslesweek-ends.

—Keith et Jimmy ont de la chance, à ce niveau. (Il se tourna versmoi. Sa casquette dissimulait le haut de son visage.) Avant qu’on soitinterrompusparlemaillotperturbantdeKeith,je…

—Hé,Seb!(Derrièrelui, jevisPhillipseleverd’unechaiselongue.Sapeaunoireétincelaitausoleil.)Jenet’avaispasvu!

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—Jeviensd’arriver,réponditSebastianenseretournant.Phillipnous rejoignit. Ildonnaune tapedans ledosdeSebastianet

mefitsignedelatête.Jeluirépondisd’unsignedelamain.Ensemble, ilsparlèrentdumatchamicaletde lapremière rencontre

officiellede lasaisonquiaurait lieu levendredi suivant,pendantque jechantais«Quelemondeestpetit»dansmatête.Auboutd’unmoment,Keithdéposaungobelet rougedansmamain et un autredans celle deSebastian.

—Justeune,dit-ilenprenantunegorgéedebière.Jeconduis,cesoir.Keithricana.—Mauviette.— Si tu le dis. (Sans se laisser démonter, Sebastian attrapa des

assiettes et on s’installa pour manger nos cheeseburgers.) Tu as vu lequarterbackdesWood?Ilpeutlancer…

Je cessai de nouveau d’écouter. Je me contentai de boire ma bièrejusqu’àcequej’aperçoiveChrisarriversurlecôtédelamaison.Laissantlesgarçonsseuls,j’allaiàlarencontredeMeganetAbbidevantleportail.

—Vousêtesenfinlà!m’exclamai-je.Ilsparlentfoot.Maisalorsquedefoot.Dufootetencoredufoot.

— Tu n’as pas ton maillot ? fut la première chose qui sortit de labouchedeMegan.

Elle portait un short en jean et un haut de bikini. Lamoitié de sonvisageétaitdissimuléesousdegrandeslunettesdesoleil.

—Abbiettoi,vousnesavezvraimentpascommentvoushabillerpourunefêteavecpiscine.

Abbis’étaitfaitdescouettes.—Jetepréviens,ellen’apasarrêtéderâlerpendanttoutletrajet.—J’aieuunelonguejournée.(Ellemepritmongobeletdesmainset

enbutaumoinslamoitiéd’unetraite.)D’abord,cetabruti,là-bas,dit-elleenpointantPhillipdudoigt(desonmajeur),nem’apasréponduhiersoiralorsquejesaistrèsbienqu’ilétaitici.Megaussi.EttusaiscommemoiqueMegluicourtaprèscommeunpetitchiendepuisdeuxans.

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Jefislamoue.Jen’avaispasl’impressionqueMegCarrcouraitaprèsquiquecesoit,maisjepréféraisnepasleluifaireremarquer.Abbinefutpasaussisage.

— Je te rappelle que vous ne sortez plus ensemble. Vous vousreparlez,d’accord,maisçaneveutriendire.(Abbipassaunbrasautourdemesépaules.)Oùest-cequetuveuxenvenir?

—J’yarrive,dit-elleenprenantunenouvellegorgée.Ilditqu’ilveutqu’onseremetteensembleetj’yréfléchis.Maiss’ilestsérieux,ilpourraitaumoinsrépondreàmesmessages.

Abbimeregarda.Jenedisrien.— Pour couronner le tout, mon crétin de cousin… (Cette fois son

majeur pointa Chris, qui était allé rejoindre Sebastian et les autres.) Jel’adore, mais il n’a pas arrêté d’envoyer des messages à Mandi sur laroute.Etjesuisquasimentsûrequ’ilestdéjàbourré.J’aicruqu’onallaitcrever.

Mon ventre se serra.Mandi était amie avec Skylar. SiMandi sortaitavecChris,cequejen’avaispasprévu,elleviendraitsansdoutecesoir.EtSkylarl’accompagnerait.Cegenredefillessedéplaçaitenmeute.

Moiaussi,maiscen’étaitpaslesujet.—Ça,c’estvrai,confirmaAbbi.J’aicruqu’onallaitmourir,moiaussi.—Etcommesicen’étaitpassuffisant,mamèrevoulaitquej’ailleau

restaurantavecsonnouveaucopainetellecesoir.Soitditenpassant,iln’aquedixansdeplusquemoi.C’estdégueulasse.

Je jetaiun coupd’œil àAbbi.Malgré ses soupçonspar rapport à samère,ellesouriait.

— J’ai dû lui expliquer que c’était le dernier week-end avant madernièreannéedelycéeetquejen’avaispasenviedelepasseravecelleet un mec qui sera remplacé dans un mois par une version tout aussijeune.

—Waouh,murmurai-je.—Ellel’amalpris,maisjesuislà,doncj’aigagné.

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Ellelevamonverrecommepourporteruntoast,puismelerendit.—Garde-le,luidis-jeavecungestedelamain.Tuasl’aird’enavoir

plusbesoinquemoi.— Merci, soupira Megan en m’embrassant sur la joue. Tu es la

meilleureamiedumonde.Abbipenchalatêtesurlecôté.—Etmoi?— Tu as dit que je n’arrêtais pas de râler, alors tu descends à la

deuxièmeplace,réponditMeganpar-dessuslegobelet.Jeris.—Daryestàlatroisièmeplace,sijecomprendsbien?—Ellerentrequand,d’ailleurs?demandaMeganenregardantautour

d’elle.—Demain,luirappelaAbbi.Elleeutl’airdéçue.—Ellememanque.Ondevraitprendredestonnesdeselfiesetleslui

envoyertoutelasoirée.Jeris.—Jesuissûrequeçaluiferaitplaisir.—Maisavant:commentçava,avecSebastian?demandaAbbienle

désignantd’ungestedelatête.—Bien,répondis-jerapidement.Onenparleraplustard,d’accord?Abbi eut l’air de vouloir insister, mais elle n’en fit rien. J’avais

simplement enviedeprofiterde cette soiréeavantdem’inquiéterde cequeSebastianvoulaitmedire.

Onpassauntempsfouàprendredesselfiesavectouteslespersonnesquisetrouvaientautourdelapiscineetdanslapropriétéetàlesenvoyerà Dary depuis nos téléphones respectifs. Après des premières réactionsamusées, elle avait cessé de nous répondre. La connaissant, elle avaitcommencé à s’énerver vers le vingtième selfie, ce qui rendait la choseencoreplusdrôle.

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Plustarddanslasoirée,KeithpritAbbidanssesbrasetlafittournercomme il l’avait fait avec moi. Sa tenue paraissait l’horrifier, mais jesavais qu’au fond d’elle cela l’amusait beaucoup. Elle se dégagea en letraitant d’idiot, mais elle souriait. Megan, elle, alla s’asseoir à côté dePhillipetd’unautregarçon,del’autrecôtédelapiscine.

—Elleavraimentl’intentiondeseremettreaveclui?demandai-jeàAbbi.

—Quisait?(Ellesoupira.)Jen’espèrepas.C’estunpeu lesSelenaGomezetJustinBieberdeClearbrook.

—Saufquepersonneneveutqu’ilsseremettentensemble?Unéclatderireluiéchappa.—Tul’asdit.Alors que je jetais un coup d’œil dans le jardin, en essayant deme

persuader que je ne cherchais pas Sebastian, j’aperçus Cody à côté dubarbecue,unverreàlamain,aveclesautresgarçons.

—Ilestarrivéquand?—Qui?Oh.Aucune idée. (Abbi remonta ses lunettesde soleil rose

vif.)Ilyapleindegensquisontapparusdenullepart.C’estdingue.Ons’approchad’uneglacière.Abbisortitunsodadelaglace,moi,je

choisisunebouteilled’eau.—Sebastianm’aditqu’ilvoulaitmeparler,toutàl’heure.—Àquelpropos?Elleouvritsacannette.—Jenesaispas.D’habitude,iln’estpasaussiévasif,maisjemedis

qu’iln’yapastrente-sixsujetsàaborder…Abbirestasilencieuseuninstantavantdereprendrelaparole.—TuasvulepostInstagramdeSkylar,hiersoir?Monventresenoua.—Oui.— Il a peut-être l’intention de se remettre avec elle, dit-elle et je

grimaçai. Ilvapeut-être te l’annoncer. Jem’enveuxde tedireça,mais

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après cette histoire de baiser, il croit sans doute que tu mérites del’entendredesabouche.

Un nuage passa devant le soleil. Abbi remonta ses lunettes sur sonfront.

—C’estvraiqueSkylaretluiformentlecoupleparfait.Je jetai un coup d’œil aux garçons. Keith ondulait des hanches et

levaitlebrasenrythme.—Non,lecoupleparfait,ceseraitSebastianettoi.Toutàcoup,j’eusenviedemecacherderrièrelesbuissons.—Jeneveuxplusypenser.C’estagaçant.Jem’énervetouteseule,je

tejure.(Jetournailatête.)Jesuisentraindemerendrefolle.— Alors, tu devrais te trouver un mec, canon de préférence, pour

passerletempsavantdepartiràlafac.—Arrête, on diraitMegan, rétorquai-je.Mais jeme trouverai peut-

êtrequelqu’un.Unbeaumecquiaimelireetquis’intéresseàl’Histoire.—Là, tuparlesd’unevraie relation,dit-elled’un tonsec.Moi, je te

proposais juste quelques galipettes devant Netflix. N’en demande pastrop.

Jerisetbusunegorgéed’eau.AbbisetournaversMegan,quiavançaitversnousd’unpasdansant.

Arrivéeànotrehauteur,elles’arrêtaetremontaseslunettesdesoleilsursonfront.

—Lesfilles,vousn’allezjamaiscroirecequej’aientendu!—Quoi?demandai-je,contentedechangerdesujet.LavoixdeMegantremblaitd’excitation.—GriffithetChristieviennentdepartiravecStevenpouralleracheter

delacokeàunmecultraloucheenville.Souslechoc,jebaissaimabouteille.Jenem’étaispasattendueàune

chosepareille.—Çanem’étonnepas,marmonnaAbbi.Ilsl’ontdéjàfaitenjuillet,je

terappelle.Christieasupermalréagi.Keithafailliappelerlespompiers.Meganenrestabouchebée.

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—Tuétaisaucourant?Ilslefontsouvent?—Suffisammentpoursavoiroùentrouver.Je n’arrivais toujours pas à croire qu’ils étaient partis acheter de la

drogue, ni vu ni connu, comme s’ils étaient allés au supermarché pourrapporterdeschips.

Cen’étaitpasanodin.Je n’étais pas naïve,mais je nem’étais pas attendue à ce genre de

comportement de leur part. Pour être honnête, j’aurais été surprised’apprendrequen’importequidansmonentourageprenaitdelacokeoudel’héroïne.

— Eh bien… (Megan baissa les yeux vers son gobelet rouge. Elles’étaitresservie.)Phillippenseessayer,cesoir. Ila faillipartiraveceux.Tuycrois,toi?

Abbigrimaça.—Quelidiot!—Pasvrai?(Meganpritunegorgéedebière.)Jevaisallerluicrier

dessus.Jereviens.—TucroisqueKeithenprend?Jerecoiffaiunemèchedecheveuxderrièremonoreille.— Je ne savais même pas que Griffith et les autres en prenaient,

alors…Aucuneidée.—Çaexpliquerait le slipdebain,en toutcas,dit-elleavecun lourd

soupir.Ilfautvraimentêtredéfoncépouravoircegenred’idées.Jegloussai.—Tuasraison.—Hé,soufflaSebastianàmonoreilleavantdepasserunbrasautour

demesépaules.Quandjesentissontorsechaudetmusclésepressercontremondos,

jecessaiderespirer.Unfrissondescenditlelongdemacolonnevertébraleetlerougememontaauxjoues.

—Oùétais-tupassée?Abbihaussalessourcilsennousobservant.

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Jetournaiaussitôtlesyeuxverslapiscine.—Jen’aipasbougéd’ici.Ettoi,tuétaisoù?—Partout,répondit-ilenmeforçantàmeretourner.Il avait remis sa casquette à l’envers. Nos visages n’étaient qu’à

quelquescentimètresl’undel’autre.Onétaitpresqueaussiprochesqu’aulac.Siprochesque jepouvaissentirune légèreodeurdebièredanssonsouffle.

— J’aimerais tester quelque chose. Avec toi. Mais tu vas être…mouillée.

Bouchebée,jesentismonbas-ventreseréveiller.—Ahoui?intervintAbbid’unevoixamusée.J’aihâted’entendrede

quoiils’agit.Oh,bonsang.Lesourireauxlèvres,Sebastianmeretirameslunettesetlesposasur

sacasquette.—J’aitoujourspréférémontrer,plutôtqu’expliquer.Jenepouvaisrienfaired’autrequeledévisager.J’avaisl’impression

d’avoiratterridansunedimensionparallèle,dansl’universdesromancesquejelisais,oùlesdéclarationsd’amourenpublicabondaientetoùlafinétaittoujoursheureuse.J’étaisincapablededétournerlesyeuxdessiens,sibleusqu’ilsparaissaientpresque irréels.Nousétions siprochesque jevoyaislapetitetachederousseursoussonœildroit.

—Qu’est-ce que tu…?murmurai-je avantdeperdre l’usagedemavoix.

Sebastianbaissa latêteet fitdescendresonbras le longdemondospour m’attraper par la taille. Puis il m’attira à lui. Mon cœur battaittellementfortquej’allaisavoirunecrisecardiaque.

Cela allait vraiment arriver. Avec tous nos amis autour. Cela allaitvraimentarriver.

Ilpenchalatêtesurlecôté.Noslèvresétaientalignées.—Lena,Lena,Lena…

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Jefermai lesyeuxetsentissonsoufflechaudcontremabouche.Lesmuscles de mon corps tout entier se tendirent. L’espoir et le désirm’empêchaientderespirer.

Celaallaitvraimentarriver.Etcettefois,lafinseraitdifférente.

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CHAPITRE9

Je posai les mains sur le torse de Sebastian, puis les fis remonterjusqu’àsesépaules.Leséclatsderireetlamusiquequirésonnaientautourde nousme parvenaient de très loin. Je sentis Sebastian bouger contremoi, se baisser jusqu’à passer un bras sous mes jambes. Quand il mesouleva,jerouvrisvivementlesyeux.

Ilm’embrassasurleboutdunez.Tout à coup, jeme retrouvai propulsée en arrière. J’étais tellement

choquéequejen’eusmêmepasleréflexedecrier.J’atterris dans l’eau, les fesses en premier, incapable de respirer.

Malgré les mouvements frénétiques de mes bras, je coulai comme unepierre.Lorsquemespiedstouchèrentlefonddelapiscine,jemefigeaietneremontaipastoutdesuite.Jen’arrivaispasàycroire.

Quevenait-ildesepasser?J’avaiscruqueSebastianétaitsurlepointdem’embrasser,maispour

lui,cen’étaitqu’unjeu,legenredeplaisanteriesqu’ilfaisaitàsesamis.Ilse conduisait comme s’il ne s’était absolument rien passé le jeudiprécédent.Je…j’étaisvraimentstupide.

Pourceuxquiavaientassistéàlascène,lasituationdevaitêtreclairecomme de l’eau de roche. Moi, les yeux fermés, les mains sur sesépaules…

J’étaisuneimbécile.Etj’allaismenoyer.

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Les poumons en feu, je pris appui sur le fond de la piscine pourremonter.Crachantdel’eau,jem’écriai:

—Tuesvraimentunconnard!—Hé!Jevoulaisseulementt’aider.(Sebastiansetenaitauborddela

piscine,unsouriretaquinauxlèvres.)Tuavaisl’aird’avoirtropchaud.—Àmonavis,cen’estpascommeçaqueLenavoulaitêtremouillée,

rétorquaAbbi.Sebastiantournavivementlatêteverselle.Megan,quil’avaitrejointe

pendant que jemenoyais dansmapropre stupidité, faillit s’étouffer enbuvant.Elleseretournaets’éloignadelapiscinetoutens’éventantavecsamain.

Jemelaissaidenouveauglissersouslasurfacedel’eau,desenviesdemeurtrepleinlatête.J’allaisétranglerAbbi.

Celafaisait longtempsquejen’avaispasressentiuntelembarras.Jenageai jusqu’aupetit bassin, puis sortis de l’eau. Sebastianme rejoignitavecuneserviettedebainàlamain.

—Tuesmignonne,toutemouillée,medit-il.—Laferme.Jemontailesmarches.—Jet’aimebien,commeça.Je me penchai en avant pour m’essorer les cheveux. De grosses

gouttes ruisselèrent, formant une flaque autour de mes tongscomplètementimbibées.

—Etmoi,j’aienviedetefrapper.—Quelleagressivité!Jetiraisurmontee-shirtpourl’égoutter,maiscelaneservitàrien.Il

continua de coller à ma peau. Heureusement, il n’était pas blanc et jen’avaispasnonpluschoisiunshort trop largequi, trempé,auraitglissésurmesjambes.

—Situcontinues,jevaisvraimentdeveniragressive.Ilritàgorgedéployée.—J’aimeraisbienvoirça.

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—Non,çaneteplairaitpas.(Jemehissaisurlapointedespiedspourrécupérermeslunettes.)Crois-moi.

Keithpassaàcôtédenous.—Toi,tusaiscommentfairemouillerunefille,Seb.Levisageécarlate,jeserrailespoings.—Visiblement, vous êtes aussi peu doués l’un que l’autre, intervint

Abbi.Keithhaussalessourcils.— Chérie, je me mettrais à genoux devant toi, ici, devant tout le

monde,situacceptaisquejetemontreàquelpointjesuisdoué…—Stop.Tuviensdeconfirmercequejepensais,ditAbbienlevantla

main pour le réduire au silence. Si tu savais ce que tu faisais, tu n’enparleraispasautant.

—Ellen’apastort,commentaSebastian.Keithritettiralégèrementsurunecouetted’Abbi.—Jepeuxteprouverquetuastort.Donne-moicinqminutes.—Cinqminutes?demanda-t-elleengloussant.J’arrachailaserviettedesmainsdeSebastianetm’éloignaipouréviter

defairequelquechosedestupide,commeluibalancermonpoingdanslafigure,parexemple.Jetraversailaterrasseendirectiondupoolhouseetdujeudefersàcheval.

—Cen’étaitpastrèssympa.Jemeretournaivivement.Codysetenaitlà,unebouteilleàlamain.

Nepouvait-onmeficherlapaixcinqminutesetmelaisserruminerdansmoncoin?Était-cetropdemander?

—Non,marmonnai-je.—Tuasl’airtrèsencolère.Jeprisunegrandeinspirationetrelevailesyeuxverslui.—Etenplus,ilestperspicace.Ilritdoucementetlevasabouteille.—Ducalme.Cen’estpasmoiquit’aijetéeàlaflotte.

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Jepassailaservietteautourdemesépaulesetcomptaidansmatêtejusqu’àdix.Codyn’avaitrienfaitdemal.

—Qu’est-cequetufabriquesici?—Pasgrand-chose.(Ilpritunegorgéedesaboisson.)Jesuisentrain

d’essayerdedécidersijeveuxresterouallerailleurs.Mêmesijen’étaispasd’humeuràbavarder,jen’avaisriendemieuxà

faire. Abbi continuait de se disputer avec Keith, et Sebastian était alléretrouverPhillipetMegansurleschaiseslongues.

—Oùça,«ailleurs»?—Aucuneidée.Maisjenesuispasd’humeuraujourd’hui.(Adosséau

murdupoolhouse,ilcroisalesjambesauniveaudeschevillesetobservalapiscine.)Ilmanqueunedetesamies,non?

Jehochailatête.—Dary.ElleestàWashingtonavecsafamille.—Sympa.(Ilavaitpourtantl’airdepenserlecontraire.)Tucomptes

restertard?Lanuitcommençaitàtomber.Ildevaitêtreunpeuplusde20heures.

J’étaisdéjàrestéepluslongtempsqueprévu.—Non,pastrop.Jemouraisd’enviederentrerchezmoietdemejetersurlesbiscuits

quemamèrem’avaitachetés.—Tun’aspasl’aird’humeur,toinonplus.(Ilsetournaversmoi.)On

pourraitvolerlesclésdeSebastianetallerfaireuntour.Jeravalaiunricanement.—Jenepensepasqueceseraittrèsprudent.— Pourquoi ? (Un souriremalicieux étira ses lèvres.) Aumoins, ce

seraitdrôle.—Oui,oui.(Jeretiraimestongsenespérantquelespierresavaient

suffisammentabsorbélachaleurdusoleilpourlessécher.)Alors,premierproblème:çam’étonneraitquetuarrivesàvolersesclésdanslapochedesonmaillot.

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—Fais-moiunpeuconfiance, répondit-il. Je suis trèshabiledemesdoigts.

—Jen’endoutepas.Cequim’amèneaudeuxièmeproblème.Onm’adit que tu t’étais remis avec Jessica et ça m’étonnerait qu’elle soitcontented’apprendrequ’onavoléunevoituretouslesdeux,luidis-je.Jen’aipasenviedem’attirerdesennuis.

—Décidément,lesnouvellesvontvite!(Codysecoualatête.)Jessicapeutêtre…passionnée,c’estvrai.

—C’estlemoinsqu’onpuissedire,rétorquai-jeenriantunpeu.Sansvouloirêtreméchante.

—Net’enfaispas.Jecomprends.(Ilposalamainsurmonbras.)Onadelacompagnie.

Jen’euspasletempsdemeretourner.—Hé,ditSebastianderrièremoi.Jevousdérange?Je me crispai. Il était hors de question que je lui prête la moindre

attention.—Onétaitentraindediscuter.—Jevoisça.(Sebastianvintseplaceràcôtédemoi.Ilétaittellement

proche que je sentais la chaleur émaner de son corps.) Vous parliez dequoi?

—Onétaitentraindecomploterdanstondos,réponditCody.Sebastianricana.—Tusaiscequeveutdire«comploter»,toi?—Tuesenformecesoir,Seb.(Codytoussapourdissimulerunéclat

derire,puispointasabouteilleversmoi.)Amuse-toibienaveccenuméro.(Toutsourire,iltournaensuitesabouteilleversSebastian.)J’aientendudirequetuavaisuncoursderattrapageavec l’entraîneur,demain.Tantmieux. Tu n’étais pas là pendant unmois. Tu as intérêt à retrouver leniveau.

—Net’inquiètepaspourça,ditSebastian.—Onverra,ripostaCodyavantdes’éloigner.Jejetaiuncoupd’œilàSebastian.

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—Cen’étaitpastrèspolidenousinterrompre.— Je n’avais pas l’intention de l’être. Je voulais surtout te sauver

d’uneconversationaveclui.—Jenemesouvienspasdet’avoirappeléausecours.— Waouh. (Il se plaça devant moi au moment où les guirlandes

lumineuses accrochées dans les arbres s’illuminaient. Il fronça lessourcils.)Tues…

—Sij’étaistoi,jeferaisattentionàcequejevaisdire,l’avertis-jeenrelevantlatêteverslui.Choisistesmotsavecsoin.

Refermant la bouche, il tourna la tête sur le côté, puis retira sacasquetteetsepassalamaindanslescheveuxavantdelaremettre.

—Tum’enveuxdevousavoirinterrompus?Oui, bien sûr. J’étais en colère parce que je n’avais pas pu parler à

Cody plus longtemps. Je sentis mon visage s’empourprer. L’éclairageextérieur n’était pas assez fort pour que Sebastian le remarque. Lafrustrationm’envahit.

—N’importequoi.— Attends une minute. (Il rit, mais son rire sonnait faux.) Tu es

intéresséeparCody?Ilteplaît?—Quoi?—Est-cequetuveuxsortiravecCody?medemanda-t-il.Je serrai davantage la serviette contre moi. J’avais sans doute mal

entendu.Commentpouvait-ilmeposercettequestionalorsquejel’avaisembrassé,lui.

—Qu’est-cequeçapeuttefaire?Àlevoir,onauraitditquejevenaisdeluiannoncerquej’abandonnais

lelycéepourallerfairelamancheavecuneguitare.—Codyn’estpassérieux,Lena.Ilestsortiaveclamoitiédulycéeetil

s’estremisavec…—Jesaistoutça,mais jenecomprendspasenquoiçateconcerne,

répliquai-jeenfaisantmonpossiblepournepaséleverlavoix.Incrédule,Sebastianmedévisageait.

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—Tunet’esjamaisintéresséeàlui.Jamais.Tuesentraindemedirequeçaachangé?

Codynemeplaisaitpasdutout.Cetteconversationétaitridicule.— Pourquoi tume poses toutes ces questions ? Tu n’étais pas avec

Skylar,hiersoir?Sebastiantournasoudainlatête.—Jenevoispaslerapport.Marespirationsebloquadansmespoumons,brûlantmapoitrine.La

jalousie et l’amertume avaient un goût rance etmétallique. Cela faisaittroplongtempsquecessentimentscouvaient.Jelesavaisenfouisaufondde moi et avais fait semblant qu’ils n’existaient pas. À présent, ilss’étalaientaugrandjour.Jemesentaismiseànu.Jenepouvaisplusmecacher.

Sebastiansefrottaletorse,justeàhauteurducœur.—Jen’arrivepasàcroirequ’onaitcetteconversation.—Tun’arrivespas à y croire ? répétai-je en colère.C’est toi qui as

commencé ! Et tu sais quoi, je n’ai pas envie de te parler. Je suis tropénervéecontretoi.

—Énervée?(Ilhaussalessourcils.)Pourquoi?Je laissai tomber la serviette et regardai ostensiblement mes

vêtementsmouillés.Une petite flaque d’eau s’était formée àmes pieds.Aufonddemoi,jesavaisbienquecen’étaitpaspourm’avoirjetéeàl’eautouthabilléequejeluienvoulais.Ill’avaitdéjàfait.Moi-même,jel’avaispousséplusieursfoisdanslapiscinedeKeith.Maisj’avaisenvied’êtreencolère, parce qu’être en colère, c’était toujours mieux qu’êtreembarrassée,blesséeou,pire,déçue.

—Tuessérieuse?Tum’enveuxpourça?(Ilrecula.)Qu’est-cequit’arrive?Tu…?

—Jet’aiembrassé!Àl’instantoùcesmotsfranchirentmes lèvres, jesentisuneboulese

formerdansmagorge.Ilsecrispaetpenchalatêteversmoi.

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—Quoi?—Jet’aiembrassé,mardi,et…Jen’avaispasl’intentiondelefaire.

C’estarrivé, c’est tout.Etavantque j’aiepum’expliquer, tu t’étaisdéjàenfui.Toutàl’heure,avantquetumejettesdanslapiscine,j’aicruquetuallaism’embrasseràtontour,avouai-je.(Jerespiraisfort.J’avaisenviedevomir.)J’aicru…

Danslalumièretamisée,sesyeuxavaientlacouleurdel’océanlanuit,unbleusombred’uneprofondeurinfinie.

—Lena,jepensais…—Sebastian!LavoixdeSkylarlefitreculer.Ilpritunegrandeinspirationettourna

latêtedanssadirection.Oh,non.Ilnemanquaitplusqueça.Skylar descendait l’allée vers nous. Elle portait une robe bustier qui

couvrait à peine ses cuisses et marchait si vite que ses cheveux sesoulevaientsursesépaules.Onauraitditqu’elledéfilaitsurunpodium.

—Ah,tueslà!Jet’aicherchépartout!Leslèvrespincées, jemefisviolencepournepasluifaireremarquer

quenousn’étionspascachésetque,parconséquent,ellen’avaitpasdûchercherbienloin.

Quand elle nous rejoignit, elle arborait un sourire digne de MissAmérique.ElleposalamainsurlebrasdeSebastian.Jebaissailatêteverslesol.

—Onpeutdiscutercinqminutes?luidemanda-t-elle.Jefermaibrièvementlesyeux.Ilallaitdireoui.Ilétaittempspourmoi

declorecetteconversationavantdecauserdesdommagesirréparablesànotrerelation.J’enfilaimestongs.

—Ilfautquej’aille…là-bas.Sebastianreportasonattentionsurmoi.—Lena…—Àplustard,lecoupai-jeenm’efforçantdesourireàSkylar.

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Ellemerenditmonsourireetjecroismêmequ’ellemeparla,maisjene distinguai pas unmot avec le bourdonnement du sang qui battait àmes tempes.Lorsque je retournaiaubordde lapiscine, jemeprécipitaiversAbbi.

—Çava?medemanda-t-elle.Elle était assise sur le bord d’une chaise longue sur laquelle était

allongéKeith.Visiblement, ilavaitdécidéque le slipdebainn’étaitpaspourluietavaitenfiléunshortetuntee-shirt.C’étaitbeaucoupmieux.

—Oui.(Jem’éclaircislavoix.)Toutvabien.Elle n’eut pas l’air de me croire et jeta un coup d’œil vers le pool

house.Quandelleouvritlabouche,jel’empêchaideparler.—Onendiscuterademain.—D’accord.(Elletapotalesiègeàcôtéd’elle.)Assieds-toiàcôtéde

moi.Jem’installaiaubordde lachaise longue.Dosaupoolhouse, jene

regardaipasuneseulefoisenarrière.Pendantquej’écoutaisKeithetAbbise chamailler, je tentai de me convaincre que ce qui s’était passé avecSebastian n’était pas important. La soirée avait été un fiasco, maisdemain,toutiraitmieux.

Oui,ilyavaittoujoursunlendemain.

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AUJOURD’HUI

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CHAPITRE10

Dimanche20août

Je ne pouvais pas bouger. J’avais mal partout : ma peau semblaittenduejusqu’aupointderupture,mesmusclesmebrûlaientcommes’ilsétaientenfeuetmesosmefaisaienttellementsouffrirquejeressentaisladouleurauplusprofonddeleurmoelle.

La confusion m’envahit. J’avais l’impression que mon cerveau étaitremplidebrouillardetdetoilesd’araignées.Quandj’essayaideleverlesbras,ilsrestèrentimmobiles,lourdscommeduplomb.

Jecrusentendreunsonaiguetrépétitif,ainsiquedesvoix,mais ilsmeparaissaienttrèsloin,àl’opposédutunneldanslequeljemetrouvais.

Jenepouvaispasparler.Il…Ilyavaitquelquechosedansmagorge,au fond dema gorge.Mon bras convulsa, hors de contrôle, et je sentisquelquechoseleretenir,surledosdemamain.

Pourquoiétais-jeincapabled’ouvrirlesyeux?Lapaniquecommençaàs’insinuerenmoi.Pourquoinepouvais-jepas

bouger?Ilyavaitunproblème.Ungrosproblème.Jevoulais justeouvrir les

yeux.Jevoulais…Jet’aime,Lena.—Moiaussi,jet’aime.

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Les voix résonnèrent dans mon esprit. L’une d’entre elles était lamienne.Celanefaisaitaucundoute.L’autre…

—Elleestentraindeseréveiller.Une voix féminine interrompit mes pensées. Elle me parvenait de

l’autreboutdutunnel.Desbruitsdepass’approchèrent.—Jeluiadministredupropofol,ditunhomme.—C’est ladeuxièmefoisqu’elleseréveille, fit remarquer la femme.

C’estunesacréebattante.Samèrevaêtrecontentedel’apprendre.Unebattante? Jene comprenaispasdequoi ilsparlaient.Pourquoi

mamèreaurait-elleétécontentedesavoirque…Jedevraispeut-êtreconduire?Unedoucechaleurserépanditdansmesveines,depuislabasedemon

crâne,etsepropageadanstoutes lescellulesdemoncorps.Alors, iln’yeutplusaucunrêve,plusaucunepenséeetplusaucunevoix.

Mardi22août

Lanauséemeretournaitl’estomac.Ce fut la première chose que je remarquai lorsque j’émergeai de

nouveau d’un sommeil profond et oppressant. J’avais mal au cœur. Sij’avaiseuquelquechosedansleventre,j’auraissansdoutevomi.

J’avaismalpartout.Mon crâne m’élançait, ma mâchoire aussi, mais la douleur la plus

intenseprovenaitdemapoitrine.Àchaqueinspiration,mespoumonsmebrûlaient davantage et ne semblaient pas fonctionner normalement.J’avaisdumalàaspirerdel’oxygène.Enfait,quelquechosemeserraitauniveaudelapoitrine,commedesélastiques.

Comme jenecomprenaispascequim’arrivait, je tentaid’ouvrir lesyeux.Audébut,riennesepassa.J’avais l’impressionquemespaupières

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avaientétécousuesentreelles,maisjepersistaiencoreetencorejusqu’àyparvenir.

Une lumière éblouissante m’aveugla. Malgré tous les efforts quej’avaisfaits,jerefermailesyeux.J’auraisvoulumerecroquevillersurmoi-même. Je commençai à bouger, mais m’arrêtai aussitôt. Des piques dedouleurmetransperçaientdepartenpart.

Quesepassait-il,àlafin?—Lena?(Lavoixserapprocha.)Lena?Tuesréveillée?Je connaissais cette voix. Elle appartenait à ma sœur. Mais c’était

impossible.ElleétaitàRadford,àlafac.Jecrois.Je n’avais pas la moindre idée de la date. Était-on samedi ?

Dimanche?Desdoigtsfroidsseposèrentsurmonbras.—Lena?Cette fois, quand j’ouvris les yeux, je ne fus pas surprise par la

lumière.Ma vision s’éclaircit et je vis un faux plafond comme ceux dulycée,au-dessusdemoi.Surmadroitesetrouvaitmasœur,Lori.Elleétaitassisesurl’unedesdeuxchaisesdisposéesàcôtédulit.

C’étaitbienelle.Maiselleavaitunemineaffreuse.Jene l’avais jamais vue commeça.Elle avait toujours été très jolie,

mêmelematin,auréveil.C’étaitdanssesgènes.Pourtant,àcetinstant,elle avait les cheveux attachés en un chignon informe et on aurait ditqu’ellene lesavaitpas lavésdepuisdes jours.Deprofondscernes roséscreusaient ses yeux injectés de sang. Le tee-shirt gris de l’université deRadfordqu’elleportaitétaittoutfroissé.

— Salut, murmura-t-elle. (Elle souriait, mais je savais que quelquechose clochait. Son sourire paraissait faux.) Tu te réveilles enfin,marmotte!

Avais-jedormilongtemps?J’enavaisl’impression.J’avaislasensationd’avoirdormidesjours.Maisjen’étaispasdansmonlitnimêmedansma

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chambre. Jem’humectai les lèvres.Ellesétaient sèches, tout commemaboucheetmagorge.

—Qu’est-ce…?(J’avaisdumalàrespirer.Lesmotsétaientdifficilesàprononcer.)Qu’est-cequisepasse?

—Qu’est-cequisepasse?répéta-t-elleenfermantlesyeux.(Ellelesserrasifortquelapeauseplissaauxcoins.)Tuesauxsoinsintensifsdel’hôpitaldeFairfax.ÀINOVA.

Quandellerouvritlespaupières,ellejetauncoupd’œilàlaporte.—Je…Jenecomprendspas,murmurai-jed’unevoixrauque.Sonregardseposadenouveausurmoi.—Quoi?Parlerm’épuisait.—Pourquoi…jesuisàl’hôpital?Lorimedévisagealonguement.—Tuaseuunaccidentdevoiture,Lena.Unaccident…(Savoixse

brisaetellepritunegrandeinspiration.)Unaccidenttrèsgrave.Un accident de voiture ? Je l’observai un instant avant de reporter

monattention sur le fauxplafondet les lampeséblouissantes.Quelquessecondess’écoulèrent.Quandjetournailégèrementlatêtedel’autrecôté,je grimaçai. Une douleur fulgurante ricocha sous mon crâne. Les mursétaient blancs. Devant, il y avait des machines et des boîtes, dont lecontenuétaitindiquécommedangereux.

Voilàqui expliquait le tiraillementque j’éprouvais à lamain.C’étaituneintraveineuse.J’étaisbienàl’hôpital.Mais…unaccidentdevoiture?J’avais beaume creuser la tête, c’était comme simes souvenirs étaientdissimulésderrièreunécrandefumée.

—Je…Jenemesouvienspas…d’unaccident.—MonDieu,murmuraLori.Laportes’ouvritetmamèreentra.Derrièreellesetrouvaitungrand

hommemincequiportaituneblouseblanche.Enmevoyant,mamèresefigeaetportalesdeuxmainsàsoncœur.Elleavaitl’airaussimalenpointqueLori.

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—Monbébé,s’écria-t-elleenseprécipitantversmonlit.Unsouvenirremontaàlasurface.Desparoles…desparolesquel’on

m’avaitdites.«Tum’aimesassezpourmeporter jusqu’àchezmoisansréveillermamèreetmemettreaulit?»

Quelqu’unm’avaitposé cettequestion.Dehors,devant lamaisondeKeith. La voix remontait des profondeurs de mon inconscient et meparaissaittrèsfamilière.«Maisd’abord,onvapasserauMcDo.J’aienviedenuggets.»

Desnuggets?Le souvenir s’évanouit aussi vite qu’il était apparu. J’étais incapable

demettre un nom sur cette voix oumême de savoir s’il s’agissait d’unrêveoudelaréalité.

—Oh,merci,monDieu.(Mamèresepenchaenavantetm’embrassasur le front, le nez et le menton.) Merci. Merci. (Elle m’embrassa denouveausurlefront.)Commenttutesens?

—Perdue,réussis-jeàarticuler.Jenecomprenaisabsolumentrienàcequiétaitentraindesepasser.—Elleneserappellerien,ditLorienselevantetenposantlesmains

surseshanches.Elleneserappellepasl’accident.—C’estunphénomènecourantchezlespatientssouffrantdecegenre

de blessures. Cela peut aussi être dû aux sédatifs que nous lui avonsadministrés,ditl’hommeenblouseblanche.Sessouvenirsfinirontparluirevenirentièrementouparbribeslorsquetoutetracedemédicamentauraquittésonorganisme.

Dessédatifs?Mamères’assitàlaplacedeLori,surlachaiselaplusprochedulit,et

mepritlamain.Celleavecl’intraveineuse.—Chérie,voicileDrArnold.C’estluiquit’a…Elle détourna le regard et secoua la tête. Elle avait l’air d’avoir des

difficultésàrespirer.Jesavaisquecequ’elles’apprêtaitàm’annoncerétaittrèssérieux.En

la regardant, je la revis assise à la table de la cuisine, penchée sur des

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textesjuridiques.Elleportaitseslunettesdereposetm’avaitdemandéderépondre au téléphone, la prochaine fois quemonpère appellerait. Ellem’avaitaussiditautrechose.

Soisprudente.—Commetoujours.C’étaitquand?Samedi.Samedi,avant…LeDrArnolds’assitauborddulitetcroisalesjambes.—Tuaseubeaucoupdechance,jeunefille.Je reportaimon attention sur lui. Comme je n’avais pas lamoindre

idéedecequisepassait,j’étaisbienobligéedelecroiresurparole.Mamèremeserralamain.Quandjemetournaiverselle,jemerendis

comptequ’elleétaitauborddeslarmes.SesyeuxétaientaussirougesetgonflésqueceuxdeLori.

Lemédecinattrapamondossiermédicalauboutdulit.—Commenttutesens?Àpartfatiguée?Je déglutis. J’avais l’impression d’avoir du papier de verre dans la

gorge.—Fatiguée.Et…J’aimalaucœur.— C’est sans doute à cause des sédatifs, dit-il en faisant courir ses

doigtssurlafeuilledevantlui.Noust’avonsadministrédesantidouleursassez puissants. Ils peuvent donner la nausée. Est-ce que tu as malquelquepart?

—Oui…àlatête.(Jeregardaimamère.Ellemesouritcommepourmerassurer.)Etàlapoitrine.J’aimal…partout.

—Tuasprisdesacréscoups,réponditleDrArnold.J’écarquillailesyeux.Descoups?Jecroyaisquej’avaiseuunaccident

devoiture.Avantquejepuisseposerlaquestion,ilrepritlaparole:— Tu souffres d’une commotion, mais nous n’avons trouvé aucun

signedegonflementducerveau.Tantqueceseralecas,toutirabienàceniveau.(Ilparcourutmondossier.)Tut’essansdouterenducomptequetonbrasgaucheétait fracturé.Tugarderasunplâtrependant troisàsixsemaines.

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Jeclignailentementlesyeux.Unplâtre?Je ne pouvais pasme permettre d’avoir un bras cassé ! J’avais des

entraînementsetdesmatchsàassurer.Lorsquejelevailebrasgauche,unedouleursourdem’envahit.Oui.Il

yavaitbienunplâtreautourdemonavant-bras.Monregardseposadenouveausurlemédecin.Riendetoutcelanemeparaissaitréel.

—Je…jenepeuxpasavoirunplâtre.Je…joueauvolley.—Machérie.(Mamèremeserradoucement lamain.)Net’inquiète

paspourlevolley,pourl’instant.Ilyadeschosesplusimportantes.Plus importantes ? C’était ma dernière année de lycée. Notre

entraîneurpensaitquejepouvaistaperdansl’œild’unrecruteur.Sijenepouvaispasjouer,Meganallaitm’envouloiràmort.

Lemédecinrefermamondossier.— Tu souffres de blessures graves, Lena, dont un traumatisme à la

poitrinequiacauséunpneumothoraxbilatéral.Jeleregardaisanscomprendre.Unpneumoquoi?Monexpressionlefitlégèrementsourire.—Celasignifiequedel’airs’estretrouvébloquédanstapoitrineeta

appuyé sur tes poumons, ce qui les a empêchés de se gonfler. Dans lamajorité des cas, cela se produit d’un seul côté et il suffit de faire uneponctionmineurepourfairesortirl’air.

Vulesbandagesquientouraientmapoitrine,quelquechosemedisaitquecen’étaitpascequis’étaitpassé.

—Danstoncas,tescôtesontétécasséesdesdeuxcôtésetontdoncperforétonthoraxdesdeuxcôtés.Tesdeuxpoumonssesontaffaissés.Jetiens à ce que tu comprennes que c’est très grave. Dans ce genre desituation, il est très rare que l’on puisse avoir une conversation avec lepatient,aprèscoup.

Mamèresepassalamainsurlevisagepuislaposacontresabouche.Lemédecinposasonbrassursesgenoux.—Nousavonsdûopérerdesdeuxcôtés. (Ilmemontra lesendroits

concernés sur mon corps.) Pour faire sortir l’air bloqué à l’intérieur et

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boucherlesfuites.Oh.MonDieu…—Pourlaisserletempsàtespoumonsdeguérir,noust’avonsplacée

sous sédatifs et avons laissé la machine respirer pour toi, mais nousn’avons pas eu à le faire très longtemps. Tu étais prête à te réveillerdepuishier.

Ledocteursouritencoreunefois.Jemerappelaisvaguementavoirentendudesgensdirequej’étaisen

traindemeréveiller,maisunautresouvenirsemêlaitàcelui-ci.Desgensparlaient.Quelqu’uncriait.Cen’étaitpasdansl’hôpital.

—Commejel’aidéjàdit,tuasbeaucoupdechance,jeunefille.Nousavons pu retirer l’assistance respiratoire sans problème. Toutefois, nousallons te garder encore un jour ou deux en soins intensifs. Ta pressionsanguineestencoreunpeubasseetjepréfèresurveillerça.

Jecomprenaiscequ’ildisaitetcelameparaissaitlogique,maisj’avaisencoredesdifficultésàycroire.

— Quand le moment sera venu, nous te déplacerons dans unechambreoùnouspourronsvérifierquetunedéveloppesaucuneinfectionni inflammation. Dès aujourd’hui, tu devras faire des exercices derespiration,etdemain,tupourrasteleverpourmarcherunpeu.

Celafaisaitbeaucoupàencaisser.—Sitoutsepassebien,etjesuisconfiant,tuserasderetourcheztoi

endébutdesemaineprochaine.Endébutdesemaineprochaine?—Tuaurasdeshématomesetdescourbatures,biensûr,et jepense

quetudevras,malheureusement,mettrelevolley-balldecôtépendantuncertaintemps.

Moncœurseserra.Non.Ilfallaitquejejoue.Jepouvais…— Mais tu devrais guérir à cent pour cent sans avoir à subir la

moindre séquelle sur le long terme. Il faudra juste éviter certainesactivités,bien sûr.Maisnousenreparleronsplus tard. (LeDrArnoldse

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leva et je me demandai de quelles activités exactement je devraism’abstenir.)Laceinturedesécuritét’asauvélavie.Silesautresl’avaientportée…

—Merci,lecoupamamère.Mercipourtout,docteur.Jenepeuxpasvous dire à quel point je vous suis reconnaissante, à quel point nous lesommestous.

Attendez une minute. J’avais l’impression d’oublier quelque chose.Une chose plus importante que le volley et les respirateurs artificiels.Commentétais-jearrivéeici?Ques’était-ilpassé?

—Lesautres?hoquetai-jeenjetantuncoupd’œilàLori.Masœurblêmitetselaissatomberdanslachaiseàcôtédemamère.Levisagedumédecinsefitimpassible,commes’ilvenaitd’enfilerun

masque. Ilme rappela combiende temps j’allaispasser à l’hôpital, puispritsesjambesàsoncou.

Jemetournaiversmamère.—Lesautres?Qu’est-cequ’ila…vouludire?—Quelleestladernièrechosedonttutesouviens?medemandama

sœurcommemamèrenemerépondaitpas.Mamèreluiadressaunregardfurieux.—Pasmaintenant,Lori.—Si.(Jeprisunefaibleinspiration.)Si,maintenant.Dans mon esprit, je tentais de recoller les pièces du puzzle. Je me

souvenaisd’avoirparléàmamèrelesamedipourluidirequeje…— Je suis allée… chez Keith, pour une fête. (Fermant les yeux, je

tâchaide faireabstractionde ladouleur lancinantesousmoncrâne.)Jemerappelle…

—Queterappelles-tu?murmuramamère.Jeserrailesdents.Mamâchoiremefaisaitmal.Lafêteauborddela

piscine. Sebastian. J’avais cru qu’il allait m’embrasser, mais il m’avaitjetéedanslapiscine.Onavaitparlé.Non,ons’étaitdisputés.Puis…

—Jeme rappellem’êtreassiseà côté…d’Abbiprèsde lapiscine…après,plusrien.

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Jet’aime,Lena.—Moiaussi,jet’aime.Quim’avaitditça?Abbi?Megan?C’étaitl’uned’elles.Frustrée,je

levailamainetgrimaçaiensentantl’intraveineusetirersurmachair.Mamèremepritlamainetlaportaàseslèvresavecprécaution.Elle

déposaunbaisersurmesdoigts.—Tuasdéjàbeaucoupd’informationsàdigérerd’uncoup.Tudevrais

tereposer.Plusvitetuteremettras,plusviteturentrerasàlamaison.Onparleradetoutçaplustard.

Qu’avaitditledocteur?Laceinturedesécuritém’avaitsauvélavie,mais lesautres…Àsavoix,onauraitditque lesautresn’avaientpas…Oh,monDieu!Ilyavaitd’autrespersonnesdanslavoitureavecmoi!

— Non. (Les bips de la machine s’emballèrent au rythme desbattements de mon cœur. J’essayai de me relever, mais j’avaisl’impression que le litme retenait contre lui.) Je veux savoir… Je veuxsavoircequis’estpassé…Maintenant.

Lesyeuxdemamères’emplirentdelarmes.—Machérie,jenecroispasquecesoitunebonneidée.Quelqu’uncria.Megan?—Si,crachai-je.Moi,jecroisquesi.Ellefermabrièvementlesyeux.—Jenesaispascommenttel’annoncer.—Dis-le,lasuppliai-je.Mon cœur battait si fort que j’avais peur qu’il s’échappe de ma

poitrine. Était-ce Megan ? Non. Abbi ? Je ne pouvais plus respirer.Sebastian?Oh,monDieu…Sebastianm’avaitconduiteàlafêteenJeep.Pitié,pasça!

Je rejetai la tête en arrière. Je n’arrivais pas à faire entrersuffisammentd’oxygènedansmespoumons.

Mamèrebaissalentementmonbras.—Tun’étaispastouteseuledanslavoiture.Oh,non.Oh,non.

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Lecœurbroyédansunétau,jeregardaitouràtourmamèreetLori.Masœurtournalatêteverslapetitefenêtreetfermalesyeux.

—TuétaisavecMeganet…etsoncousinChris.IlyavaitaussiPhillipet Cody. (Lori cligna les yeux avant de reporter son attention surmoi.C’estàcemomentquejelesvis:leslarmesquicoulaientsursesjoues.)Jesuisdésolée,Lena.Ils…ilsn’ontpassurvécu.

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CHAPITRE11

—Non,murmurai-je sans quitter Lori des yeux.Non.Ce…Cen’estpaspossible.

Masœurse laissa tomberenavantet seprit la têteentre lesmains.Sesépaulestremblèrentetunfrissonsecouasoncorps.Moncœurbattaitàtoutrompre.J’avaisdumalàrespirer.

—Non,répétai-je.—Jesuisdésolée,dit-elle.Jemetournaiversmamère.—Ellesetrompe,pasvrai?Maman…Dis-moiqu’ellesetrompe.—Non,mapuce.(Ellemetenait toujours lamain.Elle laserraplus

fort.)Ils…ilsn’ontpassurvécu.Secouantlentementlatête,jemelibéraidesapoigne.Quandjelevai

monbrasgauche,uneviolentedouleurremontajusqu’àmonépaule.—Jene…comprendspas.Mamère respira profondément, commepour sedonnerdu courage.

Des larmesbrillaientdans ses yeux.Elle sepenchaenavant etposa lesmainssurlelit,prèsdemahanche.

—Tunetesouvienspasdutoutdel’accident?J’avaisbeauchercher,iln’yavaitrien.Riend’autrequedesbribesde

conversation.Unehistoiredenuggetsdepoulet.Sijemeconcentraistrèsfort, jeme revoyais devant chezKeith, en train de regarderCody et depenser,dedire…

Jedevraispeut-êtreconduire?

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C’était moi. J’avais posé cette question. J’en étais persuadée. Unesensation demalaise remonta à la surface, une impression d’hésitation,d’inquiétude.Jemevism’arrêterdevantlaportearrièred’un4×4,celuideChris.«Jedevraispeut-êtreconduire?»

Non.Non.Jefermai lesyeuxtandisquemoncœurseserrait.Jenecomprenais

pas. J’étais assise à côté d’Abbi. Sebastian m’avait emmenée à la fête.Comment m’étais-je retrouvée en voiture avec eux ? Comment Meganétait-elle…?

Il ne fallait pas que je pense à cela. De toute façon, j’en étaisincapable.

—Ques’est-ilpassé?demandai-jed’unevoixrâpeuse.Jeveux…toutsavoir.

Plusieurssecondess’écoulèrentensilence.— La police… un policier est venu frapper à la porte à 23 heures.

J’étaisencoredebout.J’étaisdanslacuisineetquandj’airegardédehorsetquejel’aivu,j’aicomprisqu’ilétaitarrivéquelquechosedegrave.Lapolice ne vient pas te voir à moins que… (Ma mère s’interrompit. Jerouvris les yeux. Ses lèvres tremblaient.) Il m’a dit que tu avais eu ungraveaccidentdevoitureetqu’ont’avaittransportéeàl’hôpital.Jedevaism’yrendreleplusvitepossible.

—Ellem’aappeléeavantdepartir.J’ai toutdesuitesautédansmavoiture,ditLoriensepassantlamainsurlefront.Audébut,onnenousariendit.Ona justeentenduquedeuxpatientsavaientétéamenés icietqu’ilsétaientensalled’opération.

Jeremuailesjambessouslafinecouverture.—Deux?Est-ceque…?—C’était Cody, répondit Lori en secouant la tête, les yeux rivés au

plafond.Ilestmorthiersoir.Hiersoir?Dimanche?—Comment?

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—Onnesaitpastrop.Jen’aipasparléàsesparentsdepuisqu’ilsontétéappelésdanssachambre,ditmamèreenmeregardantdanslesyeux.Cequiestsûr,c’estqu’ilsouffraitd’untraumatismeimportantàlatête.Jene crois pas… (Elle souffla bruyamment.) Je ne crois pas qu’ils avaientespoirqu’ilseréveille.

Non. Ilnepouvaitpasêtreparti. Jeme souvenaisde luiavoirparléchez Keith. En plaisantant, il m’avait proposé de voler les clés deSebastian pour aller se promener. Il ne pouvait pas être…mort. Codyétait…ilétaitquarterback.IlétaitcenséjouervendredisoiravecChrisetPhillip.Selonlesrumeurs,ilavaitmêmeétérepéréparl’universitéd’Étatde Pennsylvanie. J’avais l’impression que cela ne faisait que quelquesminutesqu’ilm’avaitparlé,qu’onavaitriensemble.

Mais siChris etPhillip se trouvaientdans la voiture, euxaussi, celasignifiaitque…Celasignifiaitqu’ilsn’avaientpas…

Meslèvresbougèrent,maisjefusincapabled’émettrelemoindreson.Jen’avaispaslecouragedeposerlaquestionquimedémangeait.Jen’enavaispaslaforce.Magorgesenoua.Jen’arrivaisplusàparler.

Mamèreposalamainsurmonbrasdroitavecdélicatesse.—Meganetlesautres…onpensequ’ilssontmortssurlecoup.Ilsne

portaientpasleurceinturedesécurité.—Comment?demandai-je.J’ignoraispourquoi jeposais laquestion.J’ensavaisdéjàbienassez.

Codyétaitmort.Phillipet ses tee-shirtsàmessages stupidesaussi.SansoublierChris.

EtMegan…Nous avions prévud’étudier dans lamême fac et peut-être d’intégrer la même équipe de volley-ball. Elle était l’une de mesmeilleuresamies,laplusextravertieetlaplusspontanéedetoutes.Ellenepouvaitpasêtrepartie.Cen’étaitpascensésepassercommeça.

Etpourtant.Ilsétaienttousmorts.Leslarmesmemontèrentauxyeux.—Comment?répétai-je.

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Mamèreneréponditpas.Loripritlerelais,sansmeregarderenface.—D’aprèslesjournalistes,ilsontétééjectésdelavoiture.Le4×4a

heurtéunarbreavantdefaireplusieurstonneaux.Lesjournalistes?L’accidentpassaitauxinfos?Jenesavaispasquoipenser.Toutmesemblaitsiirréel.Jereposaila

têtecontremoncoussinetgrimaçaiàladouleurquidescenditlelongdemacolonnevertébrale.Jemouraisd’enviedemelever,desortirdecettechambreetdem’éloignerdemamèreetdeLori.

Je voulais retourner chezmoi, en arrière, aumoment où tout étaitnormal.Où lemonde continuait de tourner normalement.Où tousmesamisétaientenvie.

Mamèreditquelquechose,mais jene l’entendispas.Je fermaimesyeuxemplisde larmes.Lori répondit. Jenepus comprendreunmot. Jecomptai jusqu’àdix.Quand j’ouvrirais les yeux, jeme retrouverais chezmoi, dans mon lit, et tout ceci n’aurait été qu’un cauchemar. Cettesituationnepouvaitpasêtrelaréalité.Cen’étaitpaspossible.

Meganétaittoujoursvivante.Toutlemondeétaitenvie.—Lena?fitmamère.Personnen’étaitmort.Meganallaitbien.Lesautresaussi.J’allaisme

réveillerettoutseraitderetouràlanormale.Mamèreparlaencore.J’avaisbeauessayerdetoutesmesforces,jene

parvenaispasàmeréveiller.Cen’étaitpasuncauchemar.Jenepouvaispasyéchapper.—Jeneveuxplus…parler,dis-jed’unevoix tremblante. Jen’enai

pas…envie.Unsilencemerépondit.Alors,jerestaiallongéelà,lesyeuxfermés,àmerépéterquecen’était

pasréel.Querienn’étaitréel.Celan’avaitpaspunousarriver.Pasànous.C’étaitimpossible.Une seconde passa, puis deux et je… je m’effondrai comme un

châteaudecartes.Uncrid’animalblesséretentitetilmefallutquelques

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instantspourcomprendrequec’étaitmoi.C’étaitmoiquipleuraissifortquejen’arrivaispasàreprendremonsouffle.Ladouleurm’empêchaitderespirer.Leslarmescoulaientsurmesjoues,magorgeétaitnouée.J’étaisincapabledem’arrêter.

—Mapuce…Machérie,soufflamamèreenposantlesmainssurmoi.Calme-toi.Respireprofondément.

Jenepouvaispas.Ilsétaientmortsetaufonddemoivenaitd’éclaterun orage d’été, violent et imprévisible. Je sanglotai pendant ce quimeparut une éternité jusqu’à ce que des voix que je ne connaissais pasrésonnentautourdemoietqu’unechaleurmordantesedéversedansmesveines.Après,iln’yeutplusaucunelarme.

Iln’yeutplusriendutout.

Bienplustard, jesentismamèremetoucher lebras.Quandj’ouvrislesyeux,j’étaistoujoursallongéedansunlitauxsoinsintensifs.L’odeurdu désinfectantmemontait toujours au nez. Lesmachines continuaientd’émettre des sons stridents. C’était ma réalité. Je ne pouvais m’ysoustraire.

Mamèremeregardait.Iln’yavaitplusdelarmesdanssesyeux.Masœuretellenesemblaientpasavoirbougépendantquej’avaisdormi.Lesédatif,ou,entoutcas,leproduitqu’onm’avaitadministré,commençaitàquitterlentementmonorganisme.

— Il faut que je te pose une question, dit ma mère au bout d’unmoment.

Loriselevaetvintseplaceraupieddemonlit.—Pasmaintenant,Maman.Mamèrepoursuivitnéanmoins.—Onnousaparléd’alcool.Onnousaditqueleconducteur,Cody,

étaitpeut-êtreenétatd’ébriété.Jefronçailessourcils.Codyétaitauvolant?Cen’étaitpaslogique.Je

savaisqu’iln’étaitpasvenuenvoiture,carilm’avaitproposédevolerlaJeepdeSebastian,àmoinsque…

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—Àquiétait…lavoiture?—ÀChris,réponditLori.Ellecroisalesbrassursapoitrine.—Et…c’est…Codyquiconduisait?Celan’avaitaucunsens.Ellehochalatête.—Lesjournalistespensentqu’ilavaitbu.Ilsontmêmeparlédelafête

chezKeith.Apparemment,lespoliciersysontallés.Çafait…Chez Keith ? Je levai mon bras droit, mais le reposai aussitôt en

sentant l’intraveineuse tirer. Pourquoi aurait-il conduit la voiture deChris?

C’estalorsque jemesouvinsdesparolesd’AbbietdeMeganà leurarrivéeàlafête.EllesétaientpersuadéesqueChrisavaitbuetje…Jenem’en étais pas vraiment inquiétée. Je n’avais pas trouvé révoltant qu’ilprenne la voiture complètement ivre. Mes questionnements sur marelationavecSebastianétaientmaseulepréoccupation.

—Est-cequ’ilavaitbu?demandamamère.J’avaisvuCodyboire:d’aborddansunverreenplastiquerouge,puis

une cannette. Jem’en souvenais. Et jeme rappelais… Jeme rappelaisavoirpensé…

Jenesavaispass’ilétaitsuffisammentsobrepourconduire,maislesgarçons me regardaient d’un air agacé et Megan insistait parce qu’ellevoulaitàtoutprixmangerdesnuggets.J’auraispeut-êtredûdemanderàAbbi si je pouvais rentrer avec elle, mais elle semblait en grandeconversation avec Keith et, contre toute attente, elle n’allait sans doutepaspartirdesitôt.Unepetitevoixaufonddemonespritmemettaitengarde.J’avaismêmeunebouledansl’estomac.Mais…c’étaitridicule.

J’étaismontéedanslavoiture.—Maman, elle ne se souvient pas de l’accident. Comment veux-tu

qu’elleteréponde?fitremarquerLori.Ma mère me dévisageait. Sa poitrine se soulevait de plus en plus

rapidementet,toutàcoup,elleneputsecontenirdavantage.Sonvisage

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se décomposa. Elle se leva, puis se rassit – ou plutôt retomba – sur sachaise.

—Maisenfin,àquoipensais-tu,Lena?J’ouvris la bouche. Mon esprit fonctionnait à cent à l’heure. Je ne

savais pas ce quim’était passé par la tête. Je ne comprenais pas.MonDieu.C’étaitimpossible.Cegenredechosesn’étaitpascenséarriver,pasenvrai.

—Maman,ditLorienrevenantsurlecôtédulit.— Tu es montée dans cette voiture, voilà ce qui s’est passé. Tu es

montéedanscettevoitureaveccegarçonqui,apparemment,avaitbu.Lapolice a dit que vous empestiez tous l’alcool. Tu aurais pumourir. Lesautressonttousmorts!(Elleselevad’unbondetcettefoisrestadebout,lespoingsserrésetremontéscontresapoitrine.)Jet’aimeetjeremercieDieu de t’avoir gardée en vie, mais je suis extrêmement déçue. Je t’aipourtant appris… Ton père et moi t’avons appris qu’il ne fallait pasprendrelevolantaprèsavoirbunimonterenvoitureavecquelqu’unenétatd’ébriété.

—Maman,murmuraLori.Sesjouesétaientdenouveaumouilléesdelarmes.Lesmiennesaussi.—Savais-tuqu’ilavaitbu?medemandamamèred’untondur.Jedevraispeut-êtreconduire?—Jenemerappellepas.Ma voix trembla tandis qu’un nouveau souvenir remontait à la

surface. « Tout ira bien. Je te jure. Je connais cette route comme mapoche.»Unevoixfamilière.CelledeCody.Maisc’étaitimpossible,parcequ’il n’aurait jamais pris le volant ivre. Personne ne faisait ce genre dechoses.PourtantChrisavait conduitdans cet étatunpeuplus tôtdans lasoiréeettun’avaispasréagi,memurmuraunepetitevoixàl’intérieurdematête.Toutefois, la situationétaitdifférente.Si j’avais su, jeneseraispas montée dans la voiture. J’en étais persuadée. Et je ne l’aurais paslaisséconduire.

Jen’étaispascegenredepersonne.

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J’étaisquelqu’underesponsable.Jelejure.

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CHAPITRE12

Lemardisoir,jereçuslavisitedepoliciers.C’estainsiquej’apprisqu’onétaitmardi.Troisjourss’étaientécoulés

depuislesamedi.Depuisque…mesamisétaientmortspendantquemoi,jedormais.

Ilsétaientdeuxetquandilsentrèrentdansmachambred’hôpital,lapeurmeglaça l’estomac.J’étais terrifiée.Jen’arrêtaispasderegarderàtour de rôle ma mère et ces deux hommes en uniforme bleu clair etcasquetteétrange.Uneinfirmièrelesaccompagnait.Avantqu’ilsaienteuletempsdedirequoiquecesoit,ellelesmitengarde.

—Vousavezquinzeminutesmaximum.Après,onluiadministrerasesmédicaments.Nelacontrariezpas.Ellen’apasbesoindeça.

Leplusvieuxdesdeuxretirasacasquette.Sescheveuxblondsétaientparsemésdegris.

—Nousseronsbrefs.L’infirmièreleuradressaunregardméfiantavantdequitterlapièce.Lagorgenouée,j’écoutaileplusvieuxseprésenter.—Jesuisl’agentDaniels.Etvoicil’agentAllen,dit-ilendésignantson

cadet à la peau ébène, qui avait également ôté son couvre-chef. Nousenquêtonssurl’accidentquiaeulieusamedisoiretsitutesenscapablederépondre,nousaimerionsteposerquelquesquestions.

—Jenesuispascertainequ’ellesoitprête.(Mamèresetournaversmoi d’un air inquiet.) Elle s’est réveillée cematin et vient d’apprendrequesesamis…

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L’agentAllenbaissalatête.—Toutesnoscondoléances.(Iltenaitsacasquettedepoliciercontre

sahanche,soussonnombril.)Maisnousaimerionsquandmêmeteposerces questions, en espérant que tu pourras éclairer certaines zonesd’ombre.

Jen’enavaispaslamoindreenvie.Leslarmesmemontaientdéjàauxyeux, mais je parvins à m’éclaircir la voix. En réalité, je n’avais pasvraimentlechoix.

—D’accord.—Bien. (L’agentDaniels vint se placer à côté demoi.)Nous avons

besoinquetunousracontestoutcedonttutesouviens.Tucroisenêtrecapable?

Jefermailesyeux.J’auraispréférénepasêtreicietnepasparlerdessouvenirsquicommençaientàmerevenir,maisc’étaitlapolice…

Alors,jem’exécutai.Tandis que je parlais, jeme remis à pleurer. Le visage demamère

trahissaitsadéceptionetsapeine.Lespoliciers,eux,restaientstoïques.Ilssecontentaientdemeposerdesquestionspour faireavancermonrécit.« Y avait-il de l’alcool à cette fête ? » « Les parents deKeith étaient-ilsprésentsetsavaient-ilsquevousbuviez?»«Terappelles-tuavoirvuCodyboire?» «Chrisétait-il trop ivrepourconduire sonproprevéhicule?»«Ettoi,tuavaisbu?»

Je supposais qu’ils connaissaient déjà la réponse à certaines de cesquestions,maisilsvérifiaientsansdoutequelesfaitsconcordaient.Quandl’interrogatoire se termina, j’eus la sensation que je devais dire quelquechose.Lesmotsfranchirentmeslèvressansquej’yréfléchisse.

—On… je ne pensais pas que çanous arriverait,murmurai-je. (Mavoix,monâme,moncœur…toutenmoiétaitbrisé.)Onn’apasréfléchi.

— C’est le problème de notre époque. Plus personne ne réfléchit,répondit l’agent Daniels d’une voix rauque. Surtout les jeunes. On voitbientropsouventcegenredechoses.

Iln’yavaitriend’autreàdire.

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«Surtoutlesjeunes.»Pourlui,cettehistoireétaitbanale.Quandilsquittèrent lapièce, jegardai lesyeuxrivéssur laporteun

longmoment. Dans la chambre, tout était silencieux. C’était un silenceterribleetangoissant.Jefermailesyeux.Jenepouvaispasfairefaceàmamèreetàcequ’ellepensaitdemoi.

J’étaisdevenuelegenredepersonnequejenevoulaispasêtre.Imprudente.Irresponsable.Coupable,danstouslessensduterme.

Les médicaments qu’on m’administra à travers l’intraveineuse

rendirent la situation plus… supportable. Je me contentai de resterallongéelà,sansrienfaire.Jen’avaisplusmal.Jen’étaisplusobligéedeparler. Assises sur les chaises à côté de mon lit, Lori et ma mèreregardaientunerediffusionensilence.

Moncerveaurefusaitdesemettreenpause.Mais,heureusement,jenepensaispasàcettenuit-là.J’enétaisincapable.J’avaisl’impressiondeflotteràunoudeuxmètresau-dessusdulitet,

danscetétatd’apesanteur,jemerappelaiuneautresoirée.La dernière fois que nous avions tous été réunis au bord du lac, au

moisdejuillet.C’était leweek-enddu4Juillet, le jourde l’indépendancedesÉtats-

Unis,ettoutlemonde,vraimenttoutlemonde,étaitprésent.Quelqu’unavaitapportéunvieuxbarbecueaucharbondeboisetSebastianavaitmislaradioàfonddanssaJeep,lecoffreouvert.

Jem’étais installéedansun coinavecAbbi,DaryetMeganpendantqueKeithessayaitdefaireduskinautiqueavecdesskisdeneige.Toutlemonderiait,saufAbbi.Sesyeux…Elleécarquillaitlesyeuxdepeuretnecessaitdemurmurer:«Ilvasetuer.Onvatousleregardermourir.»

MaisKeithn’étaitpasmort.

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Ilétaittombéets’étaitplaintdes’êtrecassélecul,ouunebêtisedanscegenre.Puis il était sortidu lacen tenant sonmaillot.PhillipetChrisl’attendaientsurlarive.JenemerappelaispasavoirvuCody.

Dans mon souvenir, j’avais passé mon temps à observer Sebastian,deboutprèsduponton,avecunautregarçon.Jel’avaisbeaucoupregardécesoir-là,parcequ’ilétaitsurlepointdepartirenvacances.Jenepouvaism’enempêcher.

J’aurais voulu revenir en arrière et me comporter différemment.DétournerlesyeuxdeSebastian,regarderPhillipetChris,tournerlatêtesurmadroitepourvoirMegan.L’écouteravecplusd’attention,carjenemesouvenaispasdecequ’ellem’avaitraconté.Toutefois,jesavaisqu’ellesouriaitetqu’elleétaitheureused’êtrelà.

Lorsqu’elles’était levéepouraller rejoindrePhillipaubordde l’eau,j’auraisvoulu l’avoir retenue. J’auraisvoulu lesavoir suivis,avoirgravédans ma mémoire l’image d’eux, près du lac, pour l’éternité. Mais jen’avaisrienfaitdetoutcela.J’étaisrestéeassisependantquequelqu’untiraitdesfeuxd’artificedepuislabergeopposée.

J’auraisvouluchangermessouvenirs.Mais, après, il y avait euSebastian.Quand le ciel s’était illuminé et

que le premierbang avait retenti, il avait passé un bras autour demesépaules. Un autre feu d’artifice s’était élevé dans les airs dans unsifflement et avait explosé en une cascade d’étincelles rouge vif. J’étaisblottie,bienauchaud,contreSebastian.Lajoueposéecontresonépaule,j’avaisregardélespectacle.Àcemoment-là,notrerelationétaitaubeaufixeetjemesouvenaisd’avoirpenséque…quelavieétaitbelleetquejedevaisenprofiter.

Etcesoir-là,j’étaisloindemedouteràquelpointc’étaitvrai.

Lemercredi,mamèrem’annonçalagrandenouvelle.—Tonpèrevavenirtevoir.—Pourquoi?demandai-je,lesyeuxrivésauplafond.—Parcequec’esttonpère,répondit-elled’unevoixfatiguée.

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Cen’étaitpasuneexplicationvalable.Certes,ilétaitmonpère,maisjusqu’àprésent,iln’avaitjamaisvraimentassumécerôle.Alors,pourquoicommencermaintenant?

Unepenséeterriblemevintàl’esprit.J’étaisàl’hôpitaldepuissamedisoir,ensoinsintensifs.Aujourd’hui,nousétionsmercredi.Ilnes’étaitpaspressépourvenirmevoir.

C’étaitmon père tout craché. J’aurais voulu en rire,mais j’en étaisincapable.

—IlvientenvoituredepuisSeattle,ajouta-t-ellecommesielleavaitlu dans mes pensées. Tu le connais. Il n’aime pas prendre l’avion. Ildevraitarrivercesoir,oudemainmatinauplustard.

Jeneconnaissaisplusvraimentmonpèreet,àcetinstant,jen’avaisniledésirnilaforced’essayerdelecomprendre.Jen’avaispasenviedelevoir,maisjenepouvaispasnonplusm’opposeràsavenue.

J’aurais voulu qu’onme laisse seule avecmes souvenirs, au lieu dem’imposercettenouvelleréalité,carj’avaispeurqu’ellelesefface.

MamèreetLoriserelayaientàmonchevet.L’uned’ellesrentraitàlamaison(celaprenaitquaranteminutes),vérifiaitquetoutétaitenordre,sedouchaitetsechangeaittandisquel’autrerestaitici.Mamèren’avaitpasmentionnéuneseulefoiscequej’avaisavouéauxpoliciers.

Quandcefut le tourdeLorideresteravecmoi,ellem’expliquaquel’accidentavait eu lieuàquatrekilomètresde lamaisondesparentsdeKeith.Nousn’avionsmêmepasatteintlavoierapide,cequi,enunsens,étaitunechance.Lecheminsinueuxquimenaità lafermen’étaitguèrefréquenté. Si nous avions atteint la route, nous aurions pu entrer encollisionavecunautrevéhicule.

Ettuerdesgens.Tueurd’autrespersonnesquenous-mêmes.Lorsque Lori et ma mère ne disaient rien ou quand les infirmières

venaients’assurerquetoutallaitbien,jenecessaisdepenseràMeganetauxgarçons.C’était plus fort quemoi. Leur souvenirme consumait.Denombreusesquestionsmetaraudaient:commentallaitAbbi?Quelqu’un

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avait-il prévenu Dary ou avait-elle découvert l’horrible nouvelle à sonretour?QuepensaitSebastiandetoutcela?Commentnotreentraîneur…Comment notre entraîneur vivait-il la perte de Megan ? J’étaisremplaçable.Megan,elle,était indispensableà l’équipe.Larentréeavaiteulieulejouroùjem’étaisréveillée.Commentallaientmescamarades?

En soins intensifs, seules les visites de la famille étaient autorisées.Cela changerait dès que je serais assignée à une chambre classique.D’aprèscequej’avaisentendu,l’hôpitaldeFairfaxétaitplutôtsouple,ence qui concernait les horaires de visite. On pouvait venir à n’importequelleheure,même lanuit.Mais, pour l’instant, la seule compagniedemamèreetdeLorim’allaittrèsbien.

Voirmesamism’auraitobligéeàpenserenprofondeuràcequis’étaitpassé,dans tous lesdétails.Et j’enétais incapable.Celaaurait rendu lachoseplusréelle,plusdouloureuse.Tantquej’étaisàl’hôpital,endehorsdelavraievie,jepouvaisfairesemblantquetoutallaitbien.

—M.Millers’estmontrétrèsgentilavecMaman,ditLori,lemercredi,tarddanslasoirée.

Notremèreétaitpartiemangerquelquechoseàlacafétéria,quelquepart dans le bâtiment. M. Miller était son patron, le propriétaire de laboîted’assurances.

—Illuiadonnédeuxsemainesdecongésanslesdéduiredesesjoursdevacances. Il luiaditquec’étaitpour tous les congésmaladiequ’ellen’avaitpaspris.

—C’estsympa,murmurai-jeenregardantparlapetitefenêtrecarrée.Onn’yvoyaitriend’autrequeleciel.Loris’assitdel’autrecôtédulit,lesbrasposéssurlematelas,prèsde

mes jambes glissées dans des sortes de bas de contention pour,apparemment, faciliter la circulation du sang et éviter la formation decaillots.

—Sebastianm’aenvoyéunmessage,m’annonça-t-elle.Jefermailesyeux.

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—Ildemandedetesnouvelles.Tous les jours.(Unriresans joie luiéchappa.) Tu sais, quand je suis rentrée à la maison lundi, pour lapremièrefois,ildevaitnousattendre,Mamanetmoi,derrièresafenêtre.Cen’estpaspossibleautrement,cardèsquejesuissortiedelavoiture,ils’estprécipitéversmoi.Ilesttrèsinquiet.AbbietDaryaussi.

Moncœurseserra.Jenevoulaispaspenseràeux.Jenevoulaispasles imaginer s’inquiéter pour moi alors que Megan n’était plus parminous.Alorsqueleursamis,leursamisproches,nousavaientquittés.Jenevoulaispaspenser,toutcourt.

Lorisoufflabruyamment.Unmomentdesilences’ensuivit.—Les funéraillesdeMeganetChrisont lieudemain.Leur famillea

décidédenefairequ’unecérémonie.Jem’arrêtaiderespirer.Leur enterrement avait lieu le lendemain ? Cela me paraissait

tellement rapide ! J’avais l’impression que c’était terminé avant mêmed’avoir commencé.Cette famille n’enterrait pas seulementMegan,maisaussiChris.Jenepouvaismêmepasimaginercequ’ilsressentaient…Jenepouvaispas.

—CellesdePhillipaurontlieuvendredietcellesdeCodydimanche.C’estunpeupluslongpourlui,parceque…

Elles’interrompit.J’ouvris lesyeux.Lecielcommençaitàs’assombrir.Il faisaitpresque

nuit.—Pourquoi?croassai-je.Lorisoupiraencoreunefois.— Ils ont dû… procéder à une autopsie parce que c’est lui qui

conduisait. Pour les autres, ils se sont contentés de prélever deséchantillonsdesang.

Desautopsiesetdeséchantillonsdesang.Mesamisétaient-ilsréduitsàcela?

— Le lycée autorise les élèves à assister aux funérailles s’ils lesouhaitent.L’absenceneserapascomptée.

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C’était…un beau geste de la part de l’école. Il y aurait sans douteénormément demonde à chacun des enterrements. Les garçons étaienttrèspopulaires.Meganégalement.Unepenséefutilemetraversal’esprit:comment l’équipe allait-elle se débrouiller pour lematch de vendredi ?C’était le premier de la saison et il manquait trois de leurs meilleursjoueurs.

Jesupposaisqu’unecellulepsychologiqueavaitétémiseenplaceaulycée.L’annéeprécédente,uneélèveétaitdécédéedessuitesd’uncancer.Despsychologuesétaientvenusnousparler.

—Mamanvaà l’enterrementdeMegandemain, reprit Lori. (Jemecrispai.) Jene saispas si elleva te ledire.Ellenevoulaitpasque je teparledesfunérailles,maisjepensequetuasledroitdesavoir.

Jenerépondispas.Unlongmoments’écoula.Uneéternité.J’auraisvouluquelesilence

duretoujours.—Tun’aspasàenparlermaintenant.Tun’esmêmepasobligéed’y

penser,ditmasœurd’unepetitevoix.Maistôtoutard,ilfaudraenpasserpar là. Tu devras faire face à ce qui s’est passé. Pas maintenant. Maisbientôt.

Le jeudi matin, on me libéra des soins intensifs. Dans ma nouvellechambre, ilyavaitmoinsdemachinesétrangesetplusdechaises.Lelits’inclinaitpourmepermettredemieuxrespirer.Aprèsplusieursexercices,onm’aidaàmeleveretàmarcherdanslecouloir.L’infirmièrerestaprèsdemoietmaintintl’arrièredemablouseferméeavecsamain.

Lesimplefaitdemarcherétaitépuisant.Selon le médecin, il me faudrait au moins deux semaines pour

récupérer. En attendant, je me fatiguerais facilement, mais je devraisrester active pour ne pas que du fluide s’écoule dansmes poumons ouqu’uncaillotdesangseformedansmesveines.

Avant l’accident,cegenrederecommandationsm’aurait terrifiée.Lamoindredouleuràlajambeauraitétéunsigneavant-coureurd’unemort

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imminenteetj’auraispassédesheuressurInternetàfairedesrecherchessurmessymptômes.

Maintenant?Cela…m’étaitégal.Tandis que je mettais péniblement un pied devant l’autre dans le

couloir, jeme dis que développer un caillot serait unemort rapide. Dumoinslepensais-je.Enuninstant,toutseraitterminé.

Commecetinstantoùlavoitureavaitpercutécetarbre.ToutavaitététerminépourMegan,ChrisetPhillip.Enunclaquementdedoigts.

Lori retournerait à Radford durant le week-end. Le Dr Arnold étaitplutôtoptimistesurmonétatetpensaitmelaissersortirdimanche,lundiauplustard.

Laviereprendraitsoncours.Dumoins,surlepapier.Carenréalité,rienneseraitjamaispluscommeavant.

Ma mère finit par m’avouer qu’elle était allée aux funérailles de

Megan.—C’étaittrèsémouvant,cequ’ilsontditenmémoiredeChrisetelle.

(Elle marqua une pause.) Quand tu seras prête, on ira voir leurssépultures.

Etladiscussionfutclose.Elleétaitassisesur lachaiseprèsdelafenêtre.Lavitreétaittachée,

comme si elle n’avait pas été nettoyée depuis longtemps, et pour uneraison qui m’échappait, cela me fascinait. On était dans un hôpital.Comment pouvaient-ils laisser des mouches mortes sur le bord de lafenêtre?

Mamèrenem’avaitpasdemandécequim’avaitprisdemonterdanscettevoiture.Depuisqu’elles’étaitmiseencolèreauxsoinsintensifs,ellereflétaitl’imaged’unefemmeforte.Sescheveuxblondsétaientcoiffésenqueue-de-cheval. Son pantalon de yoga était impeccable. Toutefois, sesyeuxétaient toujoursaussigonflés. J’avais le sentiment terriblequedès

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qu’ellerentraitàlamaisonouquejedormais,elles’autorisaitàperdrelecontrôle.

Ilétaitclairqu’ellepleuraitbeaucoup.CommeaprèsledépartdePapa.— Je suis passée au lycée avant de venir, dit-elle en fermant le

magazine qu’elle était en train de feuilleter. Ils savent que tu neretourneraspasenclasseavantdeuxsemaines. (Elle fourra lemagazinedanssonsac.)Jesuiscertainequetuserasprête.

Jen’avaisquefairedulycée.Commentpouvais-jem’ensoucieralorsqueMegann’yretourneraitplusjamais?AlorsqueCody,PhillipetChrisnereviendraientplus?Cen’étaitpasjustepoureux.

Rien,danscetaccident,n’étaitjuste.Par exemple… pourquoi avais-je survécu ? Les autres auraient

davantageméritédevivrequemoi.— Les professeurs sont fantastiques, poursuivit-elle. Ils mettent les

cours de côté pour toi. Sebastian doit me les apporter demain, à lamaison.

Sebastian.Commentpourrais-jeluifaireface?Commentpourrais-jerevoirAbbietDaryensachantque…jen’aurais

jamaisdûmonterdanscettevoiture.Quej’auraisdûempêcherMegand’ymonter.Quej’auraisdû…

Malàl’aise, je levai lesyeuxvers leplafondetclignai lespaupières.J’étais au bord des larmes. Comment étais-je censée retourner au lycéealors qu’ils étaient tous morts ? Alors queMegan ne m’attendrait plusjamais devantmon casier pour aller à l’entraînement ?Alors qu’elle neme ferait plus jamais son sermon agaçant du vendredi soir pour que jesorteetquejemetrouveuncopain?

Comme je ne répondais pas, ma mère désigna les livres que Lorim’avaitapportés,poséssurmatabledechevet.

— Tu as fini de les lire ?me demanda-t-elle. Si tume donnes uneliste,jepeuxallert’enchercherd’autres.

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Jenelesavaismêmepasouverts.Jenemerappelaismêmeplussijelesavaisdéjàlus.Prenantunegrandeinspiration,jemeconcentraisurlatélévision.Mamèreavaitalluméunechaîned’infos.

—Net’inquiètepaspourleslivres.Elleneréponditpastoutdesuite.—Tupeuxrecevoirdesvisiteurs,maintenant.Jesais…—Jeneveuxpasdevisiteurs.Mamèrefronçalessourcils.—Lena…—Jeneveuxvoir…personne,insistai-je.—Lena,AbbietDarym’ontditqu’ellesviendraient.Sebastianaussi.

(Ellesepenchaversmoi.Ellemurmuraitpresque.)Ilsattendaientque…—Jeneveuxpas…lesvoir.(Jetournailatêteverseux.)C’esttout.Elleécarquillalesyeux.—Jepensequeçateferaitdubien,après…— Après avoir perdu Megan ? Ou Cody et les autres garçons ?

rétorquai-je. (Les battements demon cœur s’emballèrent. On l’entenditsur lemoniteur.) Tu trouves que ce serait une bonne idée de voirmesamis,alorsquec’estmafautes’ilssontmontésdanscettevoitureetqu’ilssontmorts?

—Lena…Mamèreselevapourserapprocherdavantage.Elleposalamainsur

latêtedelitetsepenchaenavant.—Tun’espaslaseuleresponsabledecequis’estpassécesoir-là.Tu

asprisunetrèsmauvaisedécision,c’estvrai,maistun’étaispasseule…—Jen’avaispasbu !m’écriai-jeet jevismamèreblêmird’unseul

coup. Jem’en souviens ! J’avais… bu quelques gorgées au début de lafête.S’ilsontfaitdesanalyses…quandjesuisarrivéeici…ilsontdûvoirquejen’étaispas…ivre.J’étais…sobre.J’auraispuconduire!(Mavoixsebrisa.)J’auraisdûprendrelevolant.

Mamères’éloignalentementetserassitlourdementdanssachaise.

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—Pourquoiest-cequetune l’aspas fait?medemanda-t-elled’unevoixrauque.

—Jenesaispas.(Jeserraistellementmacouverturequej’avaismalaubrasgauche.)Jecroisquejenevoulaispas…

—Quetunevoulaispasquoi,Lena?Lesimplefaitderespirermefaisaitsouffrir.—Jenevoulaispas…êtrelarabat-joiequis’inquiètepourcegenrede

choses.—Oh.Oh,mapuce…(Elleposalamaindevantsaboucheavantde

fermerlesyeux.)Jenesaispasquoidire.Iln’yavaitrienàdire.Àprésent,jemerappelaiscequis’étaitpassédevantlavoiture.Jeme

rappelaisavoirvuCodytendrelamainverslapoignéedelaportièreetlarater.Jemerappelais luiavoirdemandésiçaallaitets’ilvoulaitque jeconduiseavantdecéderàlapressionambiante.

Jemesouvenaisdetout.Uncoupsurlaportenousinterrompit.Mamèresecrispaetbaissale

bras. Quand je me tournai vers la porte, une déferlante d’émotionsm’envahitetenmêmetemps,jemesentisvide.

Monpèreétaitarrivé.

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CHAPITRE13

Jen’avaispasvumonpèredepuisquatreans.Ladernièrefois,ilétaitassisàlatabledenotrecuisine.AvecMaman,

il avaitattenduqueLori etmoi rentrionsde l’écolepournousparler.Àl’instantoùj’avaisfranchilaporte,j’avaiscomprisdequoiils’agissait.Mamèreavaitlesyeuxrouges.

Lori,elle,nes’étaitdoutéederien.Mon père paraissait… plus vieux désormais, mais il avait l’air en

forme.Ilavaitdavantagederidesauxcoinsdesyeuxetdeslèvresetsescheveuxétaientdevenuspoivreetsel,maisvisiblement,lavieàSeattleluiréussissait.

Pendantdesannées,ilavaitétépromoteurimmobilier.Sonentreprise,WiseHomeIndustries,avaitconstruitplusdelamoitiédesmaisonsdelarégion. Puis le marché s’était effondré et mon père avait été obligé deralentir la cadence. Les contrats s’étaient fait de plus en plus raresjusqu’aujouroùilavaitdûmettrelaclésouslaporte.Iln’yavaitpluseuaucunerentréed’argent.Lasituationétaitdevenuedifficile.

Ilnel’avaitpassupporté.Alorsilnousavaitabandonnées,Mamanetnous,etavaitdéménagéà

Seattlepour se recentrerouuneconneriedans legenre.D’aprèscequej’avaiscompris,iltravaillaitpouruneagencepublicitaire.

J’avais toujours cru que le jour où je le reverrais, l’émotion seraitinsoutenable. En réalité, je ne ressentais qu’une légère surprise mêléed’inconfort.J’avaispassédesannéesàignorersesappels.Desannéesàlui

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envouloir.Pourtant,aujourd’hui,iln’yavaitrien.J’étaisvide.Sansdouteétait-celiéauxantalgiquesquicouraientdansmesveines.

Sesyeuxnoisetteseposèrentsurmamèreavantderevenirversmoi.Un sourire triste étira ses lèvres. Quand il s’approcha de mon lit, ils’éclaircitlagorgeetmedévisagea.

—Tues…Tuasl’air…D’avoir survécu à un accident de voiture ? D’avoir les poumons

abîmés, lamâchoire et le visage enflés etunbras cassé ?D’être allée àunefêteetd’avoirprislespiresdécisionsdetoutemavie?D’avoirlaissémesamismourir?

Dequoiavais-jel’air,aujuste?Monpèrevintseposteràcôtédemoi.Ilétaitraidecommeunpiquet.—Jesuiscontentdetevoir.Qu’étais-jecenséerépondre?Mamèreselevaetsepenchapourm’embrassersurlefront.— Je vais aller manger un morceau, dit-elle en se relevant. (Elle

regardamonpèredanslesyeux.)Jereviens.Une partie de moi aurait voulu lui demander de rester, parce que

c’étaitellequiavaitsouhaitélaprésencedemonpère,pasmoi.Maisjelalaissaipartir.Êtreforcéedefairefaceàmonpèreétaitunepunitionquejeméritaisamplement.Jeméritaispirequecela.

Il hocha la tête, puis alla s’asseoir. Si Lori avait été présente, elleaurait été très heureuse de le voir. Ils continuaient de se parler. Passouvent,maiscelaleurarrivait.

Ilposa sesmains jointes sur sesgenoux tandisqu’ilm’observait.Delonguessecondess’écoulèrentainsi.

—Commenttutesens?Jevoulushausserlesépaules,maismescôtesmefaisaientmal.—Çava.—J’aidumalàcroirequetuaillesbienaprèstoutcequis’estpassé,

soupira-t-il,enfonçantuneporteouverte.Tamèrem’aditqueturentrais

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à lamaison ceweek-end et que le docteur pensait que tu ne garderaisaucuneséquelle.

—Ilparaît,oui.Jeglissaiundoigtsousmonplâtrepouressayerdemegratter.Monpèrerestasilencieuxuninstant.—Jenesaispasparoùcommencer,Lena.Quandtamèrem’aappelé,

c’était… l’un des piresmoments dema vie. Je sais que tu as vécu uneépreuvedifficileetjeneveuxpasenrajouter.

—Alorsnelefaispas,dis-jed’unevoixrauque.—Mais ce qui s’est passé aurait pu être évité, poursuivit-il malgré

tout.(Ilavaitraison,évidemment,maisjenem’attendaispasàl’entendredesabouche.)Cen’étaitpasunsimpleaccident.Vousavezprisde trèsmauvaises…

—Tuesentraindemefairelamorale?(Unéclatderirem’échappa.Jegrimaçaidedouleur.)Sérieusement?

Lesépaulestendues,ilpritunegrandeinspiration.—Je comprends. Jene t’en veuxpasde réagir commeça, Lena. Je

n’aipasétéprésent.Maisj’aiessayédet’appeler.J’aiessayéde…—Tuesparti.Onn’apas eudenouvellesde tapartpendantdeux

ans!Comment pouvait-il occulter ce petit détail ? Comptait-il réellement

revenirdansmavieaprèsunseulcoupdefil?— Je suis désolé, s’empressa-t-il d’ajouter. (Et peut-être était-il

sincère,maissonexcusemeparutaussividequenotremaison.)Mais jesuistoujourstonpère,Lena.

—Oui.Tuesmonpère.Maisj’aicessédeteconsidérercommetelaumoment où… tu as franchi la porte et disparu pendant deux ans. (Àchaquemot,mescôtesmefaisaientsouffrirdavantage.)Qu’est-cequitefaitpenserquetuasledroitdemefairelamorale?

Lerougeluimontaauxjoues.—Lena…

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—Jen’aipasenviede…deparlerdeçamaintenant,répondis-jeenfermantlesyeux.

J’espérai, non, je priai pour qu’il disparaisse. Pour que tout cecauchemarn’ait jamaiseu lieu.Pourque jepuisseme lever,sortirde lachambreetm’enfuirloind’ici.

— Je ne veux pas parler. Je suis… fatiguée et je… j’aimerais êtreseule.

Monpèreneme réponditpas. Lesyeux fermés, je tournai la têteetattendisd’entendrelebruitdesespass’éloigner.Commejem’yattendais,ilpartit.

Etj’étaiscertainequejenelereverraisplusjamais.

Après ledépartdemonpère, jem’endormis.Onm’avait injectédesantidouleurs. J’ignorais si ma mère et Lori étaient revenues dans lachambreousiellesavaientpassédutempsaveclui.Loriavaitsansdouteprofitédesaprésence.Jeneluienvoulaispas.Cen’étaitpasparcequenotrerelationétaitenlambeauxquelaleurdevaitenpâtir.

Je ne sais pas combien de temps je dormis. Sans doute pas trèslongtemps.Biendormiràl’hôpitalétaitmissionimpossible.Ilyavaittropdebruit.Lebipdesmachines.Lesgensquimarchaientdanslecouloir.Lesconversationsauloin.Lejargonmédicalquifusaitdèsqu’unpatientavaitun problème. Avec tout cela, je dormais rarement plus de quelquesheures.Àmonréveil,jerepensaiaujouroùMeganavaittentéd’imiterlachorégraphie qu’elle avait vue dans l’émission Dance Moms, dans monsalon.

Elles’étaitfoulélacheville.Etavaitcassélevaseposésurlatablebasse.Notre entraîneur était furieux. Megan avait été dispensée pour

plusieursmatchs.Pendantqu’illaréprimandait,j’avaiseudumalàrestersérieuse.

Meganétaitunsacrénuméro.

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Unpoidsm’oppressait lapoitrine.Etçan’avait rienàvoiravecmespoumons ni avec mes côtes douloureuses. Je restai ainsi, quelquessecondes,jusqu’àcequejemerendecomptequejen’étaispasseule.

À l’odeur stérile et écœurante propre aux hôpitaux se mêlait unesenteur plus fraîche. Ce n’était pas le parfum vanillé demamère ni lacrèmehydratanteàlaframboisedeLori.J’avaisl’impressiondesentirlegrandair,lepinetleboisdecèdre.

Marespirationsebloquadansmagorge.J’ouvrisaussitôtlesyeuxettournailégèrementlatête.

Ilétaitlà,assissurlachaiseprèsdelavitretachée.Jenevoyaisquesonprofil,maisc’étaitsuffisant.

Sebastian regardait par la fenêtre. Un léger duvet recouvrait samâchoire puissante. Le coude posé sur l’accoudoir de la chaise, ilsupportaitsatêted’unemain.Ilparaissaitpluspâlequed’habitude.Sescheveux,malcoiffés,tombaientsursonfront.

Quefaisait-ilici?J’avaisditàmamèrequejenevoulaispasdevisiteurs.Jen’étaispas

prêteàlevoirniàvoirAbbi,Daryoulesautres.Jen’avaispasémislemoindreson,pourtantiltournalatêtedansma

direction. De grands cernes s’étaient formés sous ses yeux magnifiquesaux couleurs de la nuit. Son regard était empli d’émotion. Il paraissaithanté.

Onsedévisagea longuement. Ilnebougeapas. Jen’étaismêmepascertainequ’ilrespirait.Ilsecontentaitdemecontemplercommes’ilavaitcrunejamaismerevoir…etjesupposequecelaavaitétélecas.

Le regard de Sebastian se posa ensuite sur le côté enflé et bleui demonvisage.Ilouvritlabouchepourparler,maisaucunsonn’ensortit.Ilrestamuet un longmoment et j’aurais aimé que ce silence se prolongeindéfiniment, car entendre sa voix me rappellerait ma vie d’avant ettoutes les préoccupations stupides quim’obsédaient alors. Les occasionsratées.Laraisonpourlaquellej’avaisquittélafête.

—Que…Qu’est-cequetufaisici?murmurai-je.

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Il ferma les paupières et son visage se crispa comme s’il souffrait.Quandilrouvritlesyeux,j’ylusunefragilitéquejeneluiconnaissaispas.

—Bonsang,dit-ild’unevoix rauque. J’aienviede tedirequec’estunequestionstupide,maislaseulechoseàlaquellejepense,c’estquetupeuxparler.Quetuestoujourslà.

Lesmusclesdemoncorpssetendirent.Unedouleursourdeseréveillaentremescôtes.

—Je…j’aiditàmamèrequejenevoulaisvoirpersonne.—Jesais.(Sebastiansepenchaenavant,lesmainssursesgenoux.)

Pourquoi?—Pourquoi?répétai-je,incrédule.—Tupensais vraiment que je n’allais pas venir te rendre visite dès

que possible ? Abbi et Dary ont peut-être accepté de se plier à tademande,mais ilesthorsdequestionque jete laisseseuleaprèscequis’estpassé.(Ils’avançajusqu’auborddesonsiège.)J’avaisenvie…non,il fallaitque je tevoiedemespropresyeuxpourm’assurerque tuétaisbienvivante.Quetuallaist’ensortir.

Moncœurs’emballa.—Tusaisquejevaisbien.Jesuislaseulequivabien.—Qui va bien ? (Il grimaça avant de se reprendre.)Tune t’es pas

fouléunorteil,Lena.Tespoumonsontcessédefonctionner.Tuasunbrascassé.Tu faispeuràvoir.Tu…(Savoixsebrisa.)Tuauraispumourir.Aujourd’hui, j’ai assisté à l’enterrement d’une fille que je connaissaisdepuisdesannées,maisçaauraitpuêtrepire.Çaauraitpuêtretoi.

Jenesavaisplusquoidire.—J’aienterréuneamie,aujourd’hui.Demain,j’enterrerail’undemes

meilleurs potes, poursuivit-il d’une voix rauque, les lèvres pincées.Dimanche, j’en enterrerai un autre. En trois jours, j’aurai assisté auxfunéraillesdequatrepersonnesquejeconnaissais.

Seigneur.—Megannemeparleraplusjamais.Jenemecreuseraiplusjamaisla

têtepourchercheràcomprendrecequ’elleraconte,dit-il,etmagorgese

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noua.Jen’entendraiplusCodymepousseràcontinueràjoueraufoot.Jene verrai plus Chris tricher pendant les contrôles, en me demandantcommentilfaitpournepassefairechoper.JenejoueraiplusàlaconsoleavecPhillip.(Savoixtremblait.Jevoulaisqu’ilarrêtedeparler.)Samedi,jen’aiditaurevoiràaucund’entreeux.Àtoinonplus.

MonDieu.—Ettusaisquoi?Jen’arrivetoujourspasàcroirequ’ilssontpartis.

Peut-êtrequejen’yarriveraijamais.Maisteperdre,toi?(Ilseredressa.Ilavaitlamâchoireserrée.)Jenem’enseraisjamaisremis.

Fermant les yeux, je réussis à respirer malgré le nœud qui s’étaitformédansmagorge.

—Jenepeuxpasfaireça.—Fairequoi?medemanda-t-il.—Tu…(Jeprisunegrandeinspiration.)Cequis’estpassé…c’estma

faute.—Quoi?(Ilavaitl’airperplexe.Ilparaissaitmêmechoqué.)Cen’est

pastoiquiconduisais,Lena.Tun’aspasprislevolantalorsquetuavaistropbu.

—C’est…toutcomme,murmurai-je.—Lena…—Tunecomprendspas ! (Je levai lebrasgaucheetmecouvris les

yeux.Jenevoulaispaspleurerdevantlui.Jenevoulaispluspleurer,toutcourt.)Je…Jeneveuxplusenparler.

Quelquessecondespassèrentavantqu’ilreprennelaparole.—Onn’estpasobligésdedirequoiquecesoit.J’étaisincapabledemecalmer.Quelquechosegrandissaitenmoi.Un

horrible amoncellement d’émotions brutes et puissantes qui enflait etenflaittoujours.

— Tu peux me laisser ? lui demandai-je. (J’avais l’impression desupplier.)S’ilteplaît?

Sonregardplongeadanslemien.Quandilseleva,j’eusenviedemefondredansmonmatelasetdedisparaître.

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Toutefois,Sebastiannefranchitpaslaporte.Iln’étaitpascommemonpère.Iln’étaitpascommemoi.Ilsoulevasachaiseetvintl’installeràcôtédematêtedelit,avantde

s’asseoir.Moncœurbattaitàtoutrompre.Ilposasonbrasdroitprèsdumien, sur lematelas,puis sepenchaet,de samaingauche, effleura lesmèches de cheveux qui étaient tombées devant mon visage pour lesrecoifferenarrière.

—Jenepartiraipas.Tupeuxtemettreencolère.Tupeuxteplaindre.Jeresterai.Quetuenaiesconscienceounon,tunedoispasresterseule.Jen’irainullepart.

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CHAPITRE14

Sebastianresta,maisonneparlapas. Ilavaitallumé la télévisionetécoutaitlesinfos.Jeneleregardaispas,maisdetempsàautre,jesentaisses yeux sur moi. J’attendais qu’il prenne la parole, qu’il me pose desquestions.Iln’enfitrien.Lorsquelesinfirmièresvinrentmechercherpourmapromenadequotidienne,ilétaitencorelà.

Horrifiéeà l’idéequ’ilvoieàquelpoint ilétaitdifficilepourmoidemeleversansmontrermesfesses,jemecrispai.

L’infirmièrequim’aidaitfronçalessourcils.—Vousavezmal?Leslèvrespincées,jesecouailatête.LeregarddeSebastianmebrûlait

ledos.L’infirmièresemblacomprendremonproblème.—Celavousdérangeraitd’allerchercherunpeudeglaceauprèsdes

autresinfirmières?luidemanda-t-elle.—Aucunproblème.Sebastianseleva.Jegardailesyeuxrivésausoljusqu’àcequ’ilsorte

delapièce.—Merci,murmurai-je.—Cen’estpas lapeinedeme remercier, répondit-elle en saisissant

monbrasvalidesansménagement.C’estvotrepetitami?Jesecouailatêteetmeglissaihorsdulit.—Juste…justeunami.

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Avant,celam’auraitfaitsouffrirdel’admettre.Iln’étaitpasrarequeles gens croient que l’on était en couple et cela m’avait toujours faitplaisir,mais aujourd’hui, tandis que j’enfilaismes pantoufles etmettaisun pied devant l’autre, je ne ressentais rien. Aucune excitation. Aucunespoir qui finissait par se transformer en amertume. Aucune tristesseparcequecen’étaitpaslavérité.

J’étais…J’étaisvide.Pendant que nous avancions dans le couloir, l’infirmièremaintenait

ma blouse fermée. Après plusieurs allers-retours, mes genoux netremblaientplusetmarespirations’étaitgrandementaméliorée.J’auraispucontinuer,maisl’infirmièremeraccompagnaàmachambre.

Sebastianétaittoujourslà,assissursachaise.Quandjem’approchaidulit,ilseleva.Iltenaitunpetitverreenplastiquejaunepâleàlamain.

—J’ailaglacequevousm’avezdemandée.—Parfait,réponditl’infirmièresanslâchermablouse.Vouspouvezla

posersurlatable?PendantqueSebastians’exécutait,l’infirmièrem’aidaàresterdécente

enmontantsurmonlit.Celui-ciavaitétéremontéenpositionassise.Lesyeux rivés sur mes mains, je sentis Sebastian s’approcher. L’infirmièreétaitoccupéeàsortirdesinhalateurspourmontraitement.

Sebastianyassistaégalement.Quand l’infirmière partit, il resta, et quandmamère revint, il était

toujourslà.Jefissemblantdedormirpendantqu’ilschuchotaientdetoutet de rien. Leurs voix auraient dû m’être familières et réconfortantes.Pourtant,j’avaisl’impressiond’entendredesinconnusparler.Malgrétout,jefinisparm’endormirpourdebon.

Le vendredi après-midi, j’appris que le match de football avait étéannulé.Sebastianétaitvenumerendrevisiteuneheureaprès la findescours.

Contrairementà laveille, jeressentisunepetiteétincelleaufonddemoienlevoyantàlaporte.C’étaittoujoursmieuxquerien.

Sebastianavaitl’airplusenforme.

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Il ne s’était toujours pas rasé,mais les cernes sous ses yeux avaientdiminuéetilétaitmoinspâle.

C’estluiquifitlaconversation.Ilévoqualelycée,lesdeuxcoursquenousavionsencommun,AbbietDary.Ilparladetout,saufdel’accidentetdes funérailles.Moi, jene réagissaispas. Je restaisallongée, lesyeuxposéssurlatélévision.

Ilrevintlesamediaprès-midi.Unenouvelleétincelles’allumaenmoiet je ressentis dans la poitrine une chaleur à laquelle j’aurais voulum’accrocher,mais…jen’enavaispasledroit.

Entout,jeprononçaipeut-êtrecinqphrases.Jen’avaispaslecouragedeparleretdemettredesmotssurcequise

passaitdansma têteou sur ceque je ressentais…oune ressentaispas,d’ailleurs.

Sebastianmerenditégalementvisiteledimanche.Cettefois,ils’étaitrasé, portait un pantalon noir et une chemise blanche. Ses manchesétaientremontéesetilavaitsouslebrasunsacenpapiermarron.Jesustoutdesuited’oùilvenait.

—Tuasl’airenforme,aujourd’hui,dit-ilens’asseyantsurlachaiseàcôtédelafenêtre.(Ilplaçalesacenpapierentreses jambes.)Oùesttamère?

J’avaistoujoursdumalàrespirer.—Àlamaison.Elle…Ellerevientbientôt.—Cool.(Sesyeuxbleuintensecroisèrentlesmiens.)Tupensesquetu

pourrassortirdemain?Merasseyantunpeuplusconfortablement,jehochailatête.Ilrelevalesyeuxetsoulevalesac.—Jevoulaistedonnerçahier.Jel’avaisoubliédanslaJeep.Ilensortitungrandrectangleenpapier.Unecartedevœuxgéante.Meslèvressèchess’entrouvrirent.—Qu’est-ceque…c’est?Ileutunsourireencoin.—Unecarte.Elleabiendûfaireletourdel’école.

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Unecarte.Unecartedevœuxderétablissement.Je relevai les yeux vers Sebastian. Il me la tendait, mais j’étais

incapabledebouger.Jenepouvaispas l’accepter.Jene laméritaispas.MonDieu,jeneméritaisriendutout.

Sebastian me dévisagea longuement. Le silence s’étira. Il prit unegrandeinspiration,posalesacsurleborddelafenêtre,puisserapprochadulit.

— Tout le monde pense à toi. (Avec précaution, il ouvrit l’énormecarteetlatintdevantmoi.)Tuleurmanques.

Je posai les yeux sur la carte. Il y avait des signatures sur toute lasurface,ainsiquedescœursetdesmessagestelsque«Remets-toivite!».J’aperçusmêmedeux«Ont’aime»,l’unenmajuscule,l’autreenécriturecursive.Laculpabilitémeserral’estomacetemplitmesveinesd’acide.

N’étaient-ilspasaucourant?—Tumemanques,ajoutaSebastiand’unevoixdouce.Lentement,jelevailesyeuxversluietl’émotionmenoualagorge.Je

leur manquais et ils me souhaitaient un prompt rétablissement…seulementparcequ’ilsignoraientquej’auraispu…quej’auraisdûévitercequis’étaitpassé.

Sebastianrefermalacarteetreculaenseraclantlagorge.—Jelaposelà,d’accord?Sansattendremaréponse,ildéposalacartesurlatableàcôtédemon

lit.Jel’observaiàladérobée.Sansunmot,ilrapprochasachaisedemon

lit et s’assit, les bras posés sur les cuisses. Il arborait cette expressionperdue,commes’ilcherchaitquoidireouquoifaire.

— Tu… Tu n’es pas obligé de rester, lui dis-je en reportant monattentionsurmesmains.Jenesuispasdetrèsbonnecompagnie.

—Jen’aipasenviedepartir,répondit-ilensoupirant.Tu…Tuveuxenparler?

Moncorpstoutentiersetendit.

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—Non.Lesilenceretomba.—TumanquesbeaucoupàDaryetAbbi.Ellessaventquetupréfères

qu’ontelaissetranquillepourlemoment,mais…— Je sais, l’interrompis-je. C’est juste que… je ne veux pas les

embêter.Passersontempsdansunhôpital,c’estchiant.—Çanelesdérangeraitpas.J’enavaisconscience.—Peuimporte,detoutefaçon.Jerentrechezmoidemain.Ils’adossaàsachaise.— Les funérailles de Cody ont eu lieu aujourd’hui. Dans la grande

église sur la Route 11. Tu vois de laquelle je veux parler ? On allaitsouventchercherdesbonbonsdanscequartier,àHalloween,merappela-t-il.C’étaitbondé.Toutlemondeétaitdebout.Enfin,ilyaeudumondeàtous les…à tous lesenterrements,mais tuconnaisCody.(Ileutunrirerauque.) Il aurait adoré toute cette attention. Tu sais, d’avoir réussi àattirerautantdepersonnes.

Leslèvrespincées,j’acquiesçai.Codyaurait…Ilauraitétéfier.—Sesparents…(Sebastians’interrompitets’éclaircitlavoix.)Tusais

qu’ilaunpetit frère,pasvrai?Toby? Ilaquoi?Douzeans?Treize?Seigneur.C’estleportraitcrachédeCody.Ilétait…bouleversé.Ilsontdûlefairesortirpendantlacérémonie.Il…

Lespoingscrispés,jemetournaiversSebastian.Ilavaitlesyeuxrivéssurlelitetserraitlesdents.

—Ilquoi?Ilpritunegrandeinspiration.—Ilfinirapars’enremettre.Unjouroul’autre.Jenerépondispas.J’auraisvouluacquiescer,carj’espéraisqueToby

s’en relèverait,mais commentpouvions-nousenêtrecertains? Il venaitde perdre son grand frère. Comment surmontait-on un tel drame ? Lapeines’amenuisait-elleaufildesans?Levidequecettepersonnelaissaitfinissait-ilparêtrecombléparautrechose?

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Pouvait-onunjourallerdel’avant?

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CHAPITRE15

Franchir la porte de ma chambre, le lundi matin, fut encore plusdifficilequejel’avaisimaginé.

Mamère était déjà à l’intérieur, en train de taper sur des oreillersultra fermes qu’elle avait achetés. Selon les ordres du médecin, j’étaiscenséedormirenpositioninclinéependanttroisjours,carmarespirationn’étaitpasencorerevenueà lanormale.Étantdonnéquenousn’avionspasdelitinclinable,lesoreillersdevraientfairel’affaire.

Jesavaisquemamères’étaitserviedescongésmaladiequ’elleavaitaccumulés pour prendre des jours de repos, mais nous n’avions pasbeaucoupd’argent,encoremoinspouracheterdesoreillershorsdeprix.Je luiavaisproposéde lesacheteravec lessousque j’avaismisdecôté,mais elle avait refusé. Heureusement, le docteur m’avait assuré que jepourrais reprendremon travailde serveusedèsquemongénéralistemedonnerait le feu vert. Le volley-ball, en revanche, à cause demon brascassé,allaitdevoirattendre.

JenesavaispassijemesentaiscapablederetournerauJoanna’s.Jenesavaispassijemesentaiscapablederetournerm’entraîner.Jenesavaispassijemesentaiscapabledefairequoiquecesoit.Mamèreseredressaettournalatêteversmoi.—Tuvasbien?Non.J’étaisplantéedansl’entrée,pétrifiée,etobservaismachambre.Tout

était comme je l’avais laissé, à part une pile de cahiers et de livres sur

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monbureau qui n’étaient pas là àmondépart. Sebastian les avait sansdouteapportés.J’avaisunesemainepourrattrapermonretard.

J’ignoraismêmesij’avaislecouraged’entrerdansmachambre.Elleétait restée intacte,alorsquemavieavait littéralementexplosé.

Celanemesemblaitpasjustedepouvoiryretourneralorsquejerevoyaisencore Megan assise en tailleur sur mon lit, en train d’entortiller unemèche blonde entre ses doigts ou de faire rebondir un ballon de volleycontrelemurtoutenparlantdePhillip.J’auraispuremonterdavantagedansletemps,etlarevoiràtreizeans,entraindeparcourirmeslivreslesplusadultes,àlarecherchedescènesérotiquesqu’ellelisaitàDarypourleplaisirdelavoirrougircommeunetomate.J’entendaisencoreMeganetAbbisedisputerpoursavoirquidansaitlemieuxdansDanceMomsoulaquelledesdeuxgagneraituncombatderue.Meslèvresseretroussèrentencoin.

Jen’avaismêmepasassistéauxfunéraillesdeMegan.Fermant les yeux, je posai lamain contre le cadre de la porte pour

garderl’équilibre.—Lena?—Oui,soufflai-je,lagorgesèche.Jesuisjuste…Jenesavaisplusoùj’étais.Si.J’étaisàlamaison.J’étaisenvieetàlamaison.Contrairementauxautres.Quigisaientsixpiedssousterre.—Tudoisêtreépuisée.Ilfautquetut’allonges.Nerestepasdebout.

(Mamèrerepoussalacouette.)Allez,viens.C’estpourtonbien.Mamère insista jusqu’àceque j’obéisse.Ellemecouvrit les jambes.

Puisellem’apportaunverred’eau,unecannettedesodaainsiqu’unboldechips.Quandjecrusqu’elleavaitenfinterminé,ellerevintencoreunefois.Elletenaitquelquechoseàlamain.

—Jen’aipasvouluteledonneràl’hôpital.Commetunetesentaisdevoirpersonne…(Elles’approchadulitettenditlamainversmoi.)La

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police l’a rapporté mercredi quand… les autres familles ne l’ont pasréclamé.

C’étaitmontéléphoneportable.—Jel’aimisencharge.Tuasl’aird’avoirpasmaldemessages.(Elle

baissa les yeux vers l’objet.) Je me demande comment il a pu resterintact…

Lentement,jeluiprismonportabledesmainsetletournaipourvoirl’écran. Comment mon téléphone avait-il pu survivre à l’accident ? Lavoitureavaitfaitdestonneauxet…jel’avaisàlamainlorsqueCodyavaitpercutél’arbre.

Jem’ensouvenais.J’étaisentraind’écrireunmessageàAbbi.Les yeux rivés surmon téléphone, j’entendis à peinemamère dire

qu’elledescendait au rez-de-chausséepasserquelques coupsde fil.Monportable n’était pas endommagé. Il n’avait pas une seule égratignure.Commentétait-cepossible?

Lapremièrechoseque jevis fut lesappelsmanqués, lesmessagesetles notifications. Il y en avait beaucoup. Beaucoup trop. J’ouvrisdirectementmesSMSet les fisdéfiler jusqu’à trouver lenomd’Abbi.Jeneluspassesmessages.Non.Monregardfutattiréparlemien,celuiquejen’avaispaseuletempsd’envoyer.

JesuisrentréeavecMegan.Jenevoulaispaste

—Oh,monDieu,murmurai-jeenlaissanttombermontéléphonesurmonlitcommes’ils’agissaitd’unebombe.

Monmessageétaittoujourslà,àattendrequejel’envoie.Commeunepensée interrompue. Comme une lettre qui n’avait jamais trouvé sondestinataire. Si les choses avaient été différentes, cemessage aurait puêtre mon dernier, mais c’était compter sans une ceinture decinqcentimètresdelargequim’avaitsauvélavie.

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Jeme passai lamain dans les cheveux et repoussai lesmèches quitombaientdevantmonvisage.Puisjerestaiassise,sansbouger,pendantde longues minutes. Il était bientôt l’heure de mon traitementrespiratoire.L’inhalateurétaitposé sur la tabledenuit. Je repoussai lescouvertures et posai les pieds par terre. Quand je me levai, j’eusl’impressionqu’onm’écrasaitlescôtesdansunepoignedefer.Toutefois,jerepoussailadouleuretparcouruslacourtedistancequimeséparaitdemonbureaupourattrapermonordinateur.

Deretoursurmon lit, je l’ouvrisetallaidirectementsurGoogle.J’ytapailenomdujournallocal.SonsiteInternetapparutdanslespremiersrésultatsetjetrouvaicequejecherchaisenunriendetemps.

Lesarticlesausujetdel’accident.Le premier, le lendemain du drame,montrait une photo du 4× 4.

Quandjevisl’image,jedusmeplaquerlamaincontrelabouchepournepascrier.Elleavaitétépriselesoirmême.Deslumièresrougesetbleuessereflétaientsurlacarrosserie.

Commentavait-onpulesautoriseràprendreunetellephoto?Après la collision, le véhicule était à peine reconnaissable. Le toit

s’était affaissé, certaines portes avaient été arrachées, les vitres avaientexplosé.L’unedesailessemblaitavoirétédécoupéeàl’ouvre-boîte.Unebâchejaunecouvraitunepartiedupare-brise.

Chrisétaitassisàcetteplace.Je retiraivivement lamainde la souris.Assise, immobile,dansmon

lit, je me demandai comment j’avais pu survivre à un tel accident.Comment une ceinture de sécurité avait-elle pume garder en vie aprèsça?

Au moment où l’article avait été publié, aucun nom n’avait étédivulgué. Les familles n’avaient pas encore vu leur monde s’effondrer.Deux blessés avaient été transportés en hélicoptère à l’hôpital. Onsuspectaitdéjàunesoiréetroparrosée.

Revenantenarrière,jepassaienrevuelesgrostitresetm’arrêtaisurceluiquidisait:«QuatrelycéensdeClearbrookdécédésdansunaccident

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devoiture.Lechauffeuravaituntauxd’alcoolélevédanslesang.»Ilétaitparulemardiprécédent.

Je lus l’articleavecdétachement, commes’il s’agissaitd’inconnusetnonpasdemesamis.Cettefois,leursnomsétaientcités.CodyReece,dix-huit ans. Chris Byrd, dix-huit ans. Megan Byrd, dix-sept ans. PhillipJohnson, dix-huit ans. Mon nom n’y figurait pas. On parlait seulementd’unemineurededix-septans,dontl’état,bienquecritique,étaitstable.

Tous, excepté une personne, avaient été éjectés du véhicule,totalement,oupartiellementpourl’und’entreeux.Jerevislabâchejaunesurlepare-brise,côtépassager,etje…Jenevoulaispasypenser.

Jecontinuaidefairedéfilerl’articleetdelelire.Lespremiersrapportstoxicologiques avaient confirmé que le conducteur, Cody, avait unealcoolémiedeuxfoissupérieureàlalimiteautoriséeparlaloi.Cemardi-là, ils n’avaient pas encore eu entre lesmains le rapport complet de lapolice.Je…JerevisCodydansmatête,ratantlapoignéedelaportièreetje l’entendisdenouveau,commes’ilétaitassisàcôtédemoi,medire :«T’essérieuse?J’aibuqu’unverre!»Jenevoulaispasensavoirplus,maisjen’arrivaispasàm’arrêter.

Je parcourus rapidement l’article qui annonçait que le lycée deClearbrookavaitannulélematchcontreHadley,levendrediprécédent,etdéclaré forfait, par respect pour les joueurs disparus. Ils parlaient desgarçonsetdeleursprouessessurleterrain,del’espoirdeCodyd’intégrerl’universitéd’ÉtatdePennsylvanie.OnévoquaitégalementlesprojetsdePhillipetdeChris,quivisaientl’universitédeVirginie-Occidentale.

Un autre article avait été mis en ligne la veille. Un moment derecueillementallaitavoirlieulevendredisoir,aprèslepremiermatchdel’équipedefootdeClearbrook,pourunesaisonquis’annonçaitdifficile.Mais cet article mentionnait également autre chose : une nouvelleenquête.

Une plainte avait été déposée contre…Oh,monDieu ! Le cœur auborddeslèvres,jerelusleparagrapheplusieursfois.

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Unenouvelleenquêtevientd’êtreouvertedanslecadredel’accident.Lesautoritéslocalesontrévéléquelespassagers,tousmineurs,avaientquitté,cesoir-là, la résidence d’Albert et Rhonda Scott. Il semblerait que les deuxadultes se trouvaient chez eux au moment des faits et étaient donc aucourant de la fête qui s’y tenait. Ils pourraient être reconnus coupables denégligence,miseendangerdelavied’autruietd’avoirfournidel’alcoolàdesmineurs.

Oh,bonsang.C’étaientlesparentsdeKeith.Jesavaisqu’ilsétaientprésents,cesoir-

là. Je les avais vus dans lamaison, dans la cuisine. Et ce n’était pas lapremièrefêtequisedéroulaitchezeux.

Sonnée, j’arrivai à la fin de l’article et… commis l’erreur de lire lescommentaires laissés sous l’article qui avait annoncé leurs noms. Lepremier commentaire disait simplement : « Je vais prier pour eux. » Ledeuxième : « Quel gâchis ! RIP. » Le troisième : « J’avais vu ce Reecejouer.C’estvraimentdommage.Ilauraitpufinirpro.»

«C’estpourçaqu’ilne faut jamaisconduireaprèsavoirbu !Quelletragédie!»

« Cette route n’est déjà pas facile, sobre. Il faut vraiment être idiotpourlaprendrebourré.»

Àpartirdelà,letondescommentairesempirait.Deparfaitsinconnussepermettaientdeparlerdemesamisàtortetàtravers.Ilsécrivaientdeschosesaffreuses.Onauraitditqu’ilssemoquaientquelesamisdeCodyetdePhillipoulafamilledeMeganetChrispuissentleslire.

«Ilsontprisunedécisionstupide.Ilssontmorts.Findel’histoire.»«Pourquoiest-cequ’ondevraitserecueillirpourunebanded’abrutis

quiontprislevolantalorsqu’ilsétaientbourrés?»«Aumoins,cesquatre-làn’aurontpasd’enfants.»« Les parents du gamin qui a organisé cette fête devraient être

poursuivispourmeurtre!!!»

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« Je suis méchante de me réjouir qu’ils n’aient tué personned’autre?»

«Heureusement,ilsn’onttuépersonned’autre.Abrutis.»Les commentaires continuaient ainsi à l’infini. Des centaines

d’inconnusdonnaientleursavis.Certainspriaient,d’autresplaignaientlesparents.

—Lena?(Mamèreétaitdevantmaporte.)Qu’est-cequetufais?Sesyeuxseposèrentsurmonordinateur.Elles’approcharapidement

demon lit pour jeter un coup d’œil à l’écran.Quand elle vit ce que jelisais,ellem’arrachal’ordinateurdesmainsetlereferma.

Je la regardai faire en tremblant.Mon corps tout entier frissonnait.Monvisageétaithumide.Jenem’étaispasrenducomptequejepleurais.

—Tuaslucescommentaires?—Non,répondit-elleenposantmonordinateursurlebureau.J’enai

aperçuquelques-uns.Çam’asuffi.—Tusais…cequ’ilsdisent?—Çan’a aucune importance. (Elle s’assit au bord du lit, à côté de

moi.)Cen’estpas…— C’est ce qu’ils pensent d’eux ! m’exclamai-je en désignant mon

ordinateurdel’index.(Jetâchaiderespirerprofondément.Jesavaisqu’ilfallaitquejemecalme.)C’esttoutcequ’onretiendrad’eux,pasvrai?

—Non.Pasdutout.(Ellepassaunbrasautourdemesépaules.)Parceque ce n’est pas le souvenir que tu garderas ni que leurs famillesgarderont,etc’estleplusimportant.

Ellesetrompait.Désormais,lemondeentierlesvoyaitdifféremment.Megan, Cody, Phillip et Chris se résumaient à ces commentaires. Leursquatreviesseréduisaientàunemauvaisedécisionetàdestauxd’alcoolélevés.Ilsn’étaientplusriend’autre.

Nidesstarsdufoot.Nidesfutursétudiants.Niuneproduvolley.

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Niuneamiequipouvait tout laisser tomberpourvenirvousécoutervousplaindred’ungarçon.

Niungarçonquis’inquiétaitassezpourlefuturd’unamipourposerdesquestionsautourdelui.

Niungarçonquiportaittoujourslespirestee-shirtsdelaTerre.Nidespersonnesquisavaientvousfairerireentoutescirconstances.Désormais, ils étaient un taux d’alcool deux fois supérieur à celui

autoriséparlaloi.Ilsétaientirresponsablesetirréfléchis.Ilsnetransmettraientpasleursgènes,etheureusement.Ilsl’avaientbiencherché.Ils n’étaient qu’une bande de gamins stupides qui avaient pris la

mauvaisedécisionetenétaientmorts.Ilsétaientdevenusunmauvaisexemple.Voilàtoutcequ’ilsétaient,àprésent.Leursviesentièresneserésumaientplusqu’àunspotdeprévention

surlesdangersdel’alcoolauvolant.Riend’autre.Etcelamerendaitmalade.Parcequecesinconnus,ilsavaientraison.

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CHAPITRE16

Jelesentendisaurez-de-chausséeenvirontrenteminutesaprèslafindu lycée. Leurs voix s’élevaient jusqu’à l’étage. Je ne discernais pas cequ’ellesdisaient,mais je savaisquemamèrene lesempêcheraitpasdemonter.

Prised’unepaniquesoudaine,jemeredressaid’unbondetmetournaivers la porte du balcon. Pouvais-je réussir à m’échapper ? Non, c’endevenaitpresque risible.Si jememettais à courir, je risquaisdeperdremescôtesaupassage.Etdetoutefaçon,oùserais-jeallée?J’étaispriseaupiège.

AbbietDaryarrivaient.Lorsquejeperçusleurspasdansl’escalier,jemetendisdelatêteaux

pieds.Une douleur intense se réveilla dansmes côtes et je n’avais plusaccès aux puissants antalgiques de l’hôpital. On m’avait donné descachets,maisjenelesavaispasencorepris.

Je fis tomber le classeur rempli de cours et de devoirs. La pressiondansmapoitrineaugmentaencore.

Abbifutlapremièreàpasserlaporte.Elles’arrêtanet.Darylasuivait,mais Abbi resta un long moment immobile. On aurait dit qu’elle nepouvaitpasentrer,carcettechambrereprésentaittoutcequenousavionsperdu.J’avaisressentilamêmechose.

Ses cheveux étaient attachés en chignon haut. Elle avait des pochessous les yeux. Quand Dary la contourna et que je la vis entrer, je merendiscomptequ’elleparaissaittoutaussi…dévastée.

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Ses cheveux noirs frisés étaient coiffés en arrière avec du gel et lamontureblanchedeseslunettesneréussissaitpasàdissimulerlarougeurdesesyeux.Entempsnormal, lestenuesdeDaryétaientextravagantes.Aujourd’hui,elleportaitseulementunjeanetuntee-shirtàcolenV.Pasdecouleursvives.Pasderobedécaléenidebretelles.

—Tu faispeuràvoir,déclaraAbbid’unevoix rauqueauboutd’unmoment.

J’avaislabouchesèche.—Crois-moi…cen’estpasmarrantàvivrenonplus.LevisagedeDarysedécomposa.Ellevints’asseoirsurmonlit.Abbi,

elle,selaissatombersurlefauteuildebureau.Penchéeversmoi,Darysepritlatêteentrelesmains.Sesépaulestremblaient.J’auraisvoululuidirequelquechose,larassurer.

— Pardon. (Sa voix était étouffée.) J’avais dit à Abbi que je nepleureraispas.

— C’est vrai. (Abbi releva les jambes sur le siège et passa les brasautour.)Ellemel’avaitpromis.

—C’est justeque…tum’asmanqué.(Elle repoussases lunettes sursonfrontavantdes’essuyerlesyeuxetdeseredresser.)Quandtamèrenousadit que tunevoulaispasdevisiteurs, il a falluattendrepour tevoir,pours’assurerquetuallaisbien.

— J’essaie de ne pas t’en vouloir à ce sujet, intervint Abbi, la têteposéecontresesgenoux.MaisdevoirpasserparSebastianpouravoirdetesnouvelles,cen’étaitvraimentpascool.

—Jesuisdésolée.(Jemelaissaiallerenarrièreenfaisantattentionànepasdérangerlesoreillers.)Sebastian…s’estimposé.

—Tu avais besoin de temps. J’essaie de comprendre,mais… (Darypassa le dos de sesmains sur ses yeux.) C’était dur. (Ellemarqua unepause.)Toutesttellementdur.

—Trèsdur,admis-jed’unepetitevoix.—Commenttutesens?demandaDaryenbaissantlesmains.—Mieux.Courbatue.

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Elleremitseslunettes.—Ettapoitrine?Tespoumons?C’estpourça,l’inhalateur?Ellejetauncoupd’œilàl’objetposésurlapiledecahiers.Jehochailatête.—Oui.Ledocteurpensequejen’auraipasdeséquelles,maisjedois

utiliserl’inhalateurdeuxfoisparjourpendantaumoinsunesemaine.—Ettonbras?demandaAbbi.Jelevaimonbrasgaucheetgrimaçai.—Ça ira aussi. Avec un peu de chance, onm’enlève le plâtre dans

deuxsemaines.Abbicontinuaàl’observer.—Qu’est-ceque…tuvasfaire,pourlevolley?—Jenesaispas.(Jem’installaiunpeumieuxcontrelesoreillers.)Je

n’yaipasencorevraimentréfléchi.—Quand je me suis cassé le bras, j’ai porté un plâtre pendant six

semaines,ditDaryd’unairrenfrogné.Jemesouviensquedulierreavaitréussi à se glisser à l’intérieur, cet été-là. Mon Dieu. C’était une vraietorture.

Jejetaiuncoupd’œilàAbbi.Elleneregardaitplusmonplâtre,maislepieddulit.

—Et…vous?Vousallezbien?Abbieutunriresansjoie.—Bien?Jenesaismêmepluscequeçaveutdire.—C’est justeque…(Dary ferma les yeux et secoua la tête.)Megan

était folle…adorable et si folle.C’est bizarredeneplus l’avoir prèsdenous,deneplusentendresavoix,denepluslavoirs’exciterparcequ’elleavuunchatdanssonjardin.Plusrien…neserajamaiscommeavant.

—Tutesouviensdel’accident?medemandasoudainAbbi.Unfrissonmeparcourut.—Seulementdebribesdeconversations.—Tamèrenousaditquetuavaissouffertd’unecommotionetquetu

avaisdumalàterappelerquoiquecesoit,ditDary.

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Jemecontentaidehocherlatête.—Alors, tune te souviensvraimentpasde toutcequi s’estpassé?

insistaAbbi.Jereportaimonattentionsurelle.—Non,répondis-jeàcontrecœur.Maisje…Jemerappellequej’étais

entraindet’envoyerunSMSpourtedirequeje…quejepartais.—Jenel’aipasreçu.Abbiposalespiedsparterre.—Jen’aipaseu…letempsdel’envoyer.Daryfermalesyeux.— Je sais que tu ne te souviens de rien, mais… tu crois qu’ils ont

souffert?Je pris une grande inspiration et fis glissermes doigts le longde la

couette.—Jenecroispas.EtCodynonplus.—Ilnes’estjamaisréveillé,murmuraAbbi.Jesecouailatête.Jenesavaispasquoidire.L’absencedeMeganétait

commeuneentité,lourdeettangible,danslapièce.Elles restèrentunpetitmoment,Daryassise surmon lit,Abbi sur le

fauteuildebureau.Ellesmeparlèrentdulycée,deMeganetdeschansonsqui avaient été diffusées à son enterrement. Elles me racontèrentcomment les parents de Keith faisaient face à l’enquête qui avait étéouverteàleurencontre.C’étaitsurtoutDaryquiparlait.

Moi, jeme contentais de hocher la tête et de répondre quand il lefallait, mais je n’étais pas vraiment là. Mon esprit était à des milliersd’années-lumière.C’étaitpresquel’heurededînerlorsqu’ellesselevèrentpourpartir.Darymeserradanssesbras.

Puis,cefutletourd’Abbi.— Je sais que tu as besoin de temps et de tranquillité, dit-elle en

pressantsonfrontcontrematempe.(Ellemurmuraitet j’étaislaseuleàl’entendre.) Je sais que c’est difficile pour toi, mais ça l’est aussi pour

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nous.Nel’oubliepas.Tuasbesoindenous.(Savoixsebrisaetpar-dessussonépaule,jevisDarybaisserlatête.)Commenousavonsbesoindetoi.

J’entendis qu’on appuyait sur la poignée. Quand je relevai la tête,j’aperçus une ombre sur le balcon. Mon cœur fit un bond dans mapoitrine.Jeposail’inhalateuràcôtédemoi.Aumêmemoment,laportes’ouvritetSebastianentra,refermantderrièrelui.

Ilportaitdéjàsonpyjama:pantalonenflanelleetdébardeurblanc.Çalui allait bien. À dire vrai, il était toujours beau, mais quelque chosem’empêchaitd’apprécierl’instant,commesijeneleméritaispas.

Commesij’enavaisperduledroit.—Jenet’aipasenvoyédemessage,dit-ilenvenants’asseoirsurmon

lit,parcequejemesuisditquetunerépondraispas.—Alorspourquoies-tuvenu?Ileutunsourireencoin.—Tulesaistrèsbien.Je restai perplexe,mais avant que j’aie eu le temps de répondre, il

s’allongea à côté de moi, sur le dos. On était épaule contre épaule.Hanche contre hanche. La sensation que j’éprouvais à son contact étaittoujours la même. Une sorte de courant électrique qui parcourait mapeau.Maiscettefois,uneombredeculpabilitévenaits’ymêler.Commesicen’était pas juste pour les autres que je ressente toujours ce genredechoses.

—Qu’est-cequetufais?demandai-je.— Jememets à l’aise, répondit-il en souriant. Je compte rester un

boutdetemps.J’enrestaibouchebée.—Jenesaispassi tuesaucourant,mais jemefatiguevite.Jesuis

censéemereposer…—Tuterappellesquandtuasattrapélamononucléose,àonzeans?

medemanda-t-iltoutàcoup.

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Jefronçailessourcils.Biensûrquejem’ensouvenais.Lafièvreavaitété terrible. J’avais eu l’impressionquema têteallait exploser. J’étais àpeuprèssûrequeDarymel’avaitrefilée.

—Nosparents voulaient qu’ongardenosdistances.Monpère avaitpeur que je l’attrape et que je rate l’entraînement. (Il rit doucement.)Bref.Tun’allaispasbien,parcequetutesentaisseule.Tun’arrêtaispasdepleurnicher…

— Je ne pleurnichais pas ! protestai-je. J’étais cloîtrée dans machambre.Quandjenedormaispas,jem’ennuyais.

—Tuétaismaladeettunevoulaispasêtreseule.(Ils’interrompitetattenditquejeleregardepourcontinuer.)Tuvoulaismevoir.

Lerougememontaauxjouesetjehaussailessourcils.Avait-ilfumé?—Jenevoulaispastevoir,toi,enparticulier.J’avaisjusteenvieque

quelqu’un…—Tuastoujoursvouluêtreavecmoi,m’interrompit-ilsansmequitter

desyeux.Pasavecn’importequi.Moi.Ébahie, je le dévisageai pendant plusieurs secondes. Alors les

événementsdelafêtemerevinrentenmémoire.Nousnoustenionstousles deux au bord de la piscine. Je croyais qu’il allaitm’embrasser. Puisnousnousétionsdisputés.Jerepensaiaussiaumardiprécédent,auborddulac.Jel’avaisembrassé.Maisjenem’autorisaipasàm’appesantirsurlaquestion,parceque,encoreunefois,cen’étaitpasjuste.

—Cequejeveuxdire,c’estquesituneveuxpasquejereste,çan’arienàvoiravec la fatigue.Je saiscequi sepassedans ta tête.Enfin, jecrois.On reparlerade tonbesoindem’avoirprèsde toi, toutà l’heure,dit-ilencroisantlesbrassursontorse.Pourl’instant,j’aimeraisquetumeraconteslavisited’AbbietDary.

Commentça,onallaitreparlerdemonbesoindel’avoirprèsdemoi?Ilétaithorsdequestionquejesoisprésentepourcetteconversation.

—Jenepartiraipas.(Ilpressasongenoucontrelemien.)Alorsparle.Auboutd’unmoment,jeposailesyeuxsurlatélévision.Aufondde

moi,jesavaisquejepouvaislefairepartir.Ilsuffisaitquejeluidisequeje

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n’avais vraiment pas envie qu’il reste. Il ne serait pas content, mais ilcéderait.Toutefois,jesavaisquejen’enavaispasenvie.Jenevoulaispasêtreseule.J’avaisbesoindemesamis.

J’avaisbesoindelui.— Ça m’a fait plaisir de les voir, admis-je d’une voix enrouée.

Commentsais-tuqu’ellessontvenues?Tum’espionnes?—Peut-être.(Ilrit.)Non.Ellesm’enontparlé,aujourd’hui,aulycée.

Elles m’ont dit qu’elles n’hésiteraient pas à insister jusqu’à ce que tufinissesparaccepter.Tuleurasbeaucoupmanqué,Lena.Lasemainequivientdes’écouleraététrèsdifficilepourelles.

—Jesais.Ilrestasilencieuxuninstant.—Meganétaitleuramieaussi.Laculpabilités’enroulaautourdemesboyauxcommeunserpent.—Jelesaisaussi.—Jen’endoutepas,maisilsepassequelquechosedanstatête.Jelissainerveusementlacouette.J’avaistantàdire,maisjenesavais

pasparoùcommencer.—Ilsepassebeaucoupdechosesdansmatête.—C’estcompréhensible,murmura-t-il.Ils’enpassebeaucoupdansla

mienne aussi. C’est très étrange. Parfois, au réveil, je me rappelle desphrasesqueCodym’adites.Oudestrucsstupidesquejeluiairacontés.

Lagorgenouée,jefermailesyeux.— En cours, aujourd’hui, quelqu’un a fait une super blague. Mon

premierréflexeaétédevouloirlarépéteràPhillip.Ill’auraitadorée.Puisjemesuisrappeléquecen’étaitpaspossible,continuaSebastian.Ethier,quandjesuisrentrédanslacantine,jet’aicherchéeduregard.

Jenesavaispasquoidire.—Ilsmemanquent,Lena.(Ilpressasonépaulecontrelamienne.)Tu

memanques.J’ouvrislesyeuxetmelaissaiallercontrelui.—Pourtant,jesuislà.

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—Tuessûre?Jeclignailesyeux.—Oui.Sebastianrestasilencieuxunmoment.—Ça fait dubiendeparler d’eux, tu sais ?Dumoins, c’est ce que

disentlespsychologuesquisesontinstallésaulycée.Lorsque je parlais de Megan et des garçons, j’avais l’impression de

recevoir une balle en plein cœur. Je ne comprenais pas comment celapouvaitfairedubien.

Commejenerépondaispas,ilmeposalamêmequestionquem’avaitposéeDary.

—Tutesouviensdel’accident?Etjeluidonnailamêmeréponse.—Seulementdesbribes.Ilhochalentementlatête.—Tuterappelles…pourquoituespartieaveceuxsansmeprévenir?Monpetitdoigtmedisaitqu’ilvoulaitmeparlerdequelquechose…

quejefaisaisdemonmieuxpourocculter.J’ignoraiscommentrépondreàsa question. À présent, mon raisonnement me semblait stupide.Terriblementstupide.Maisj’étaisfatiguéederépondre«jenesaispas»,épuiséederaconterdesdemi-véritésetdesdemi-mensonges.

—Tu étais avec Skylar. Je… Je ne voulais pas vous déranger, c’esttout. (Je jetai un coup d’œil dans sa direction. Il ne semblait pascomprendreceque jedisais.) Jene t’aiplusvuaprès sonarrivée.Alorsj’aipréférénepasvouschercher.Jemesuisditquevousvouliez…êtreseuls.

Uneémotionquejefusincapabledereconnaîtrepassasursonvisage.Ildétournalatête.Unmuscletressaillitdanssamâchoire.

—Bordel,marmonna-t-ilensepassant lamaindans lescheveux.Jene sais pas pourquoi tu as cru que Skylar et moi avions besoin d’êtreseuls. Au contraire, j’aurais préféré qu’on vienne nous interrompre. Jepensaisquetut’amusaisaveclesautres.

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Souslescouvertures,jecroisaimesjambes.—OK.—Hé, je suis sérieux. (Ilbaissa lamainet ses cheveux retombèrent

sursonfront.)Skylarvoulaitqu’ondiscute.Ellevoulaitqu’onseremetteensemble. J’aipassémon tempsà lui expliquerquec’était terminé.Ellem’enavoulu.Elleamêmepleuré.

Lasurprisem’envahit.—Tunet’espasremisavecSkylar?— Non. (Il rit.) C’était fini à l’instant où l’on s’est séparés, au

printemps. Je ne reviendrai pas en arrière. Je n’ai rien contre elle, jel’aimebeaucoup,maisc’estterminé.

Unepartdemoi, cellede l’ancienneLena, aurait vouludisséquer lamoindredesesparolespourdéterminers’ilmementaitpournepasmefairesouffrir.

Lanouvellemoin’avaitpasbesoindeça.Sebastiann’avaitaucuneraisondemementir.—Pendantquejediscutaisavecelle,j’aireçuunmessaged’Abbi.Elle

vous cherchait, Megan et toi. (Il se frotta le menton.) Des gens quiquittaient la fête ont vu l’accident et ont reconnu le 4 × 4 de Chris.Commelarouteétaitbloquée,ilssontrevenussurleurspas.C’estlàquej’aisuqu’ils’étaitpasséquelquechosedegrave.J’aiessayédet’appeler.Jet’aienvoyédesmessages.

Je n’avais toujours pas consulté les appelsmanqués ni les SMS surmontéléphone.

Ilsoufflabruyamment.Plusieurssecondess’écoulèrent.—Commenttutesens?Vraiment?Contretouteattente,saquestionm’ébranlaetcraquela lesmursque

j’avaisérigésautourdemoi.—Jeneveuxpasretourneraulycée,murmurai-je.Jenesaispassije

peuxfairefaceàtoutlemondealorsquejesuis…—Alorsquetuesquoi?Responsabledelamortdemesamis.

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Cette simple pensée me souleva le cœur. Je n’étais pas prête àretourner à l’école. Je n’étais pas prête à parler de la souffrance, de lapeine, de la culpabilité. Je n’étais pas prête à mettre des mots sur cesémotions amères. Je ne savais pas comment avouer à mes amis quej’aimaisetaugarçondontj’avaistoujoursétéamoureusequej’avaiseulepouvoirdechangerlecoursdeschoses,quej’auraispuéviterl’accident.

—Cen’estpasgrave,dit-il.Onn’estpasobligésdeparler.Magorgeseserra.—Merci.— Tout finira par s’arranger. (Il prit ma main posée sur les draps

entre nous et noua délicatement nos doigts ensemble.) Tu veux savoircommejelesais?

—Comment?Mespaupièresétaientlourdes.J’avaisdumalàlesgarderouvertes.Ilmeserralamainunpeuplusfort.—Tuaslaissélaportedubalconouverte.

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CHAPITRE17

J’étais allongée dansmon lit, les yeux rivés surmon téléphone.Onétait mardi après-midi et ma mère, qui avait pu apporter quelquesdossiers à la maison, travaillait dans la cuisine. Le matin, elle m’avaitannoncéqu’elleavaitparléavecmonpère.C’étaitlapremièrefoisqu’ellementionnaitsonnomdepuisqu’ilétaitpassémerendrevisiteàl’hôpital.

Ellem’avaitdit qu’il comptait faireuneffortpourêtreplusprésent.J’ignoraiscequecelaimpliquait.

Je ne m’attendais pas à ce que les choses changent. Mon pèrecontinuerait à m’appeler de temps à autre et je ne lui répondrais pas.L’accidentavaitchangébeaucoupdechoses.Pasça.

Lorsquejeregardai l’espacesur le lit,àcôtédemoi, jerepensaià laveille. J’ignorais à quelle heure Sebastian était parti, car je m’étaisendormie.Toutcequejesavais,c’étaitqu’àmonréveililavaitdisparu.

«Toutfinirapars’arranger.»Serait-cevraiment le cas ?Lorsque jem’étais réveillée, avantque la

brumedusommeilnesedissipe, j’yavaiscru.Puis j’avaisbougé,etunedouleuratrocem’avaitparcourulapoitrine.

Oui,j’yavaiscru…jusqu’àcequejemerappellequemesamisétaientmorts.

Jusqu’àcequejemerappellequej’auraispuleursauverlavie.Je pris une grande inspiration et grimaçai.Mes côtesme brûlaient.

Plusletempspassait,plusjemesentaismalàl’aise.Jenesavaispasquoifaire.

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Monentraîneuravaitappelécematin-là.Jenesavaispasquiétaitàl’autreboutdufil jusqu’àcequemamèremepasselecombiné.Alorsilétaittroptardpourrefuserdeluiparler.

Lesmains tremblantes, l’estomac noué, j’avais attrapé le téléphone.L’entraîneur était un homme sévère. Il avait viré des filles de l’équipepourmoinsqueça.

Jemepassailamainsurlefront.Ils’étaitd’abordenquisdemonétat.Je lui avais répondu que jeme sentaismieux. Puis il m’avait posé desquestions surmonbras et je lui avaisdit que j’étais censéegardermonplâtrependantplusieurssemaines.

Malgrétout,ilmedemandad’êtreprésenteauxentraînementsetauxmatchs.J’étaisstupéfaited’apprendrequej’avaistoujoursmaplacedansl’équipe.

Ceretournementdesituationétaitpourlemoinsinattendu.Ilm’annonçaqu’ilallaitessayerdelaissersachanceàuneélèveplus

jeune.Jecroisquej’avaisacquiescé.IlneparlapasuneseulefoisdeMeganoudesgarçons.Jemedemandaissimamèreluiavaitdonnédesinstructions.Sinon,

pourquoin’aurait-ilpasévoquéMegan?Elleétaitunmembreimportantde notre équipe. Elle étaitmêmemeilleure que notre capitaine.Megann’auraitaucunmalàintégreruneéquipeuniversitaire.

N’auraiteu.Megan aurait été repérée.Avantde raccrocher, notre entraîneurme

ditdeprendresoindemoietmerépétaqu’ilvoulaitmevoirlasemaineprochaine.Aprèsquoimamèrerécupéralecombinéetjerestaiimmobile,lesyeuxrivéssurmonpropretéléphone.Jesavaisqu’ilcontenaitdesSMSetdesmessagesvocauxquejen’avaispasconsultés,maisjen’arrivaispasàm’enpréoccuper.Jenepensaisplusqu’àcequel’entraîneuravaitdit.

Ilvoulaitquejecontinuedefairepartiedel’équipe,maispourmoi…c’était difficile à envisager. Voyager avec l’équipe, rester assise sur unbanc,nepassongerquej’avaiscommencéàjoueràcausedeMegan.Nepaspenseràsonabsence.

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Lorsque jeposai lesyeuxsurmesgenouillères,dans le fonddemonplacard,jesusquemadécisionétaitprise.

Jeme glissai hors du lit etm’en approchai. Le plâtre plaqué contremescôtes,jemepenchaipourlesramasserpuislesjeterdansl’armoire,surleslivresetlesjeans.Jerefermailaporteetreculai.

Jen’enauraisplusjamaisbesoin.

Lesamedimatin,Loriétaitassiseàlatabledelacuisine,lespiedssurledossierd’unechaise.Sinotremèreavaitétéprésente,ellene l’auraitpas laissée faire,maiselleétaitsortie fairedescourses.D’habitude,Lorinerentraitpasleweek-end,carRadfordn’étaitpaslaporteàcôté,maisMamannevoulaitpasmelaisserseule.Elleavaitsansdoutepeurquemespoumonsnemelâchent.

Cela faisait deux semaines que j’avais été grièvement blessée, etphysiquement,jecommençaisàmesentirnormale.Jem’essoufflaisviteetmescôtesetmonbrasmefaisaientsouffriràchaqueheuredujouretdela nuit, mais les hématomes sur mon visage s’étaient résorbés et mamâchoiren’étaitplusdouloureuse.

Plusimportant:j’étaisenvie.Jemarchaisautourde la tablede la cuisineparceque j’étais censée

fairedel’exercice,maisaussiparcequej’avaisdumalàresterenplace.Marchermefaisaitmalauxcôtes,maisjecommençaisàm’habitueràlabrûlure.

Loriépluchaituneorange.Leparfumd’agrumeembaumaitlapièce.—TusavaisquePapaétaittoujoursenville?Jem’arrêtai,àmi-cheminentrelefrigoetl’évier.Notremèrem’avait

ditqu’elleluiavaitparlé,maisellen’avaitpaspréciséqu’ilétaittoujoursenville.JelecroyaisrepartipourSeattle.

—Quoi?—Etoui.(Elledéposal’écorcesurlaservietteenpapieràcôtéd’elle.)

Ilestdescendudansunhôtelavecsuites,tusais,ceuxoùtupeuxresterlongtemps.

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—Ilcompterestercombiendetemps?Ellehaussalesépaules.—Aucuneidée.Jemangeavecluicesoir.Tudevraisveniravecmoi.Jerisetleregrettaiaussitôt.Celafaisaitunmaldechien.—Horsdequestion.Maismerci.Lorilevalesyeuxaucieletdétachaunquartierd’orange.—Cen’estpasgentil.Sansreleversoncommentaire,jerecommençaiàmarcher.—Commentest-cequ’ilpeutsepermettredepayercegenred’hôtel?

Çadoitcoûtersupercher!—Apparemment,ilgagnebiensavie,répondit-elle.Ilarriveàmettre

pasmald’argentdecôté.Tulesauraissituluiparlais.—Oh,génial,ilgagnesuffisammentd’argentpoursepayerunesuite

dansunhôtel,rétorquai-je,énervée.J’ouvrislefrigod’ungesterageurpourprendreunsoda.Loriavalalederniermorceaud’orangesansmequitterdesyeux.—Mamannes’ensortpastropmalnonplus.—Çan’apasétéfacile,luidis-je.Tulesais.Je m’échappai vers le salon et allumai la télévision. Après m’être

installée sur le canapé, je zappai entre les différentes chaînes. Lori mesuivit,maisavantqu’elleaitpus’asseoir,onfrappaàlaporte.

—J’yvais.Elleseretournaetdisparutdanslepetitvestibule.CelanepouvaitpasêtreSebastian.Ilétaitvenumerendrevisitetous

lessoirsdepuis lundi,mais ilétaitcensés’entraîner,àcetteheure.Touslessoirs.

—Elleestlà-bas,indiqualavoixdeLoridanslecouloir.Uninstantplustard,Daryentradanslesalon.—Salut,dit-elleenfaisantunsignedelamain.Jem’ennuyais.Mes lèvress’étirèrentenunlégersourire.Lasensationétaitétrange.

Jemerendisalorscomptequejen’avaispassouridepuis…depuiscettesoirée-là.

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—Alorstuasdécidédevenirmevoir?—Exactement ! (Elle se laissa tomber sur le fauteuil.) Jem’ennuie

tellementquejemesuisditquej’allaisregarder…(Ellejetauncoupd’œilàlatélévision.)…undocumentairesurlaguerredeSécessionavectoi.

Lorigloussaets’assitsurlecanapé.—Tuvasregretterdenepasêtrerestéecheztoi.— Ça m’étonnerait. (Dary remonta ses jambes sur le fauteuil.) Ma

mèreveutréorganisernosrangements.Vouspouvezcroirequej’exagère,mais vous ne la connaissez pas. Quand je suis rentrée, ellem’attendaitavecune listedes tâchesàeffectuer.Alors j’aimentiet je luiaiditquej’avaispromisdet’aideravectesdevoirs.Jesuisvenueàpied,d’ailleurs.Pourquoiest-cequ’ilfaitsichaud?Onestenseptembre!

— Le réchauffement climatique, répondit Lori en attrapant latélécommandepourdésactiverlesondelatélé.OùestAbbi?

Je grimaçai. Abbi n’était revenue me voir qu’une seule fois depuislundi,lemercredi.Ellen’étaitpasrestéelongtempsetm’avaitlaisséeavecDary.Depuis,ellenem’avaitplusenvoyédemessagesetnem’avaitpasnonplusappelée.

—Elleestavecsesparents,réponditDary.Ilsfontuntrucensemble.Jenedisrien,mais jesavaisquec’étaitunmensonge.Lesamedi,sa

mère travaillait à l’hôpital et vu les relations tendues entre ses parents,celam’auraitétonnéequ’ilsfassentunesortiefamiliale.

Labananequej’avaismangéeplustôtmepesasoudainsurl’estomac.Abbinevoulaitpasmevoir.Lesraisonsauraientpuêtremultiplesetjeneluienvoulaispas.

— Quand est-ce que tu retournes au lycée ? Lundi oumardi ? medemandaDary.

— J’ai vu lemédecin hier. Il veutme revoir lundi. Si tout va bien,j’iraiencoursmardi.

Darysepassalamaindanssescheveuxcourts.—Jesupposequetuashâte.—Pasvraiment,murmurai-je,lagorgenouée.

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Ellefronçalessourcils.—Ahbon?Si j’étais à taplace, je croisque je seraisdéjàdevenue

folle.Etpuistuaimesbienl’école.Je commençais à devenir folle et j’aimais l’école,mais retourner au

lycéesignifiaitquej’allaisdevoirfairefaceauxautreset…—Toutlemondeahâtedetevoir,ditDaryquiavaitremarquémon

hésitation.Situsavaislenombredepersonnesquim’ontdemandédetesnouvelles!Onpensebeaucoupàtoi.

JeprisunegorgéedesodaetsongeaiàlacartedevœuxqueSebastianm’avait apportée. Elle était toujours sur mon bureau, dans le sac enpapier.

—C’estjusteque…ceneserapaspareil,sanseux,avouai-je.Cen’étaitqu’unepartiedelavérité.J’avaisdéjàutilisécestratagème

avecSebastianquandjeluiavaisditquejen’avaispasenviederetourneraulycée.

Darybaissalatêteetpritunegrandeinspiration.—Cen’estpaspareil.Pasdutout,même,mais…ons’yhabitue.Vraiment?Quandellerepritlaparole,savoixtremblait.—Bref.Tuaspurattrapertonretard,côtédevoirs?Contentedechangerdesujet,jemedétendis.—Presque.Ilnemerestequ’uneoudeuxlecturesetdesexercices.— Tant mieux. Au moins, tu ne te sentiras pas dépassée. (Elle

s’appuyasurl’accoudoirdufauteuil.)Commentçava,avecSebastian?Loriricana.—Ilvitpratiquementici,maintenant.Jeluijetaiunregardnoir.—N’importequoi.— Et moi qui pensais que ça ne pouvait pas être pire qu’avant,

continua ma sœur sans m’écouter. J’avais déjà l’impression d’avoir unfrère,maismaintenant,ilestlàtoutletemps.

Daryéclataderire.

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—Commenttupeuxlesavoir?luifis-jeremarquer.Tunevispasici.—Cen’estpasl’heuredetoninhalateur?répliqua-t-elleensouriant.Jelevailesyeuxauciel.— Je ne sais même pas pourquoi tume demandes comment ça va

avecSebastian.Daryémitunsonquiressemblaitàungrognementdeporcelet.—Pitié,Lena…Cen’estpasparcequejesuispartieenvacancesune

semaineque jene suispasau courantdubaiser etde ladisputeà la…(Elle s’interrompit et je me crispai. Elle secoua la tête.) Abbi m’a toutraconté.

C’étaitsansdouteunebonnechosequ’Abbinesoitpaslà,parcequej’avaisenviedelafrapper.

—Attendsuneminute,nousinterrompitLoriensepenchantversmoi.TuasembrasséSebastian?

J’ouvrislabouche.—Oui!réponditDaryàmaplace.Aulac,apparemment.— Il était temps ! (Le sourire aux lèvres, Lori se rassit.)MonDieu,

attendsquejelevoie!Jesuissuper…— Ne lui dis rien. S’il te plaît, Lori. C’était… Je ne sais pas. Une

erreur. Ilnem’apas rendumonbaiser.C’est simplementarrivé commeça,parhasard…

—Embrasserquelqu’unn’estpasquelquechosequiarriveparhasard,tusais.(Loripenchalatêtesurlecôté.)Enfin,jecroyaisquetulesavais.

—Abbim’aditquevousvousétiezdisputésaprèsqu’ilt’ajetéedansla piscine ? Tu étais censée lui en parler plus tard. (Dary posa sa jouecontresonpoing.)Qu’est-cequis’estpassé?Allez,dis-moi !Tuasdéjàavoué à Abbi… et àMegan que tu étais amoureuse de lui.On était aucourant,maisbon.

—Iln’yapasgrand-choseàdire.Jesoupiraietcherchaiuneéchappatoireautourdemoi.Aprèscequi

s’était passé, je n’avais pas très envie de parler de Sebastian. Cela me

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paraissaitdéplacé.Maisellesmeregardaienttouteslesdeux,patiemment,commesiellesnepartageaientpasmonsentiment.

—Avantqu’ilmejetteàl’eau, jecroyaisqu’ilallaitm’embrasser.Jeme suis énervée et je l’ai laissé en plan. J’étais en train de parler à…Cody,expliquai-je.(Ladouleurquis’éveillasoudaindansmapoitrinemecoupa le souffle.) Quand il est revenume voir. Je neme rappelle pluspourquoi on a commencé à se disputer. Il a dit quelque chose. J’airépondu,puisjeluiaiavouéquejepensaisqu’ilallaitm’embrasser,maisSkylarestarrivéeetjemesuisenfuie.

Jem’interrompisetmetournaiversDary.—Ilm’aditqu’ilnes’étaitpasremisavecSkylar.— Je n’en ai pas l’impression, confirma-t-elle, les lèvres pincées, en

regardantleplafond.Ilsnesont jamaisensemble,aulycée.Enfin, je l’aidéjàvuealler luidirebonjour,mais iln’a jamais l’air ravi, si tuvois cequejeveuxdire.Ondiraitqu’ilsecontented’êtrepolienattendantquesameilleureamieLenaviennelesauver.

Ellesouritàpleinesdents.Jesecouailatête.—Attends.Revenonsunpeuenarrière,demandaLori.Mamanestau

courant que tu l’as embrassé ? Parce que si tu crois qu’elle ne sait pasqu’ilvientdanstachambreà1heuredumat’,tuesbiennaïve.

J’écarquillailesyeux.—Elleestaucourant?Loriéclataderire,commesielletrouvaitmacrédulitéadorable.—Jepensequ’elleadessoupçons.Oh.Cen’étaitsansdoutepasbonsigne.—Toutlemondesaitquevousallezvousmarierunjour.Vousserez

tellementmignonsqueçaenseraécœurant,ditDary.—Jen’ensuispassisûre,protestai-jeenlevantmonbrasvalide.On

peutparlerd’autrechose?—J’avaisuneautreraisondevenir,enfait,avouaDaryenremontant

ses lunettes sur son nez. Je me demandais si tu voulais aller au

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cimetière… je peux conduire ta voiture. (Elle jeta un coup d’œil à masœur.)ÀmoinsqueLoriveuilleveniravecnous?

Moncœur se serra. Jeblêmis.Alleraucimetière?Voir la tombedeCodyetdePhillip?CelledeMeganetdeChris?La terreseraitencorefraîche.L’herben’auraitpascommencéàrepousser.

—Jenesaispassic’estunebonneidée,ditLorienm’examinant.Ilfaitchaud,dehors,etilfautbeaucoupmarcher.Jenesuispassûrequecesoitconseillé.

Darysemblaacceptersonexcuse.Cen’étaitpascomplètementfaux.Quandellepartit,deuxheuresplustard,ellemepromitdem’envoyer

unmessage.—Merci,dis-jeàLoriquandellerefermalaporte.Pourl’histoiredu

cimetière.Ellehochalatêted’unairdétaché.—Tun’espasprêteàyaller.Etpasseulementphysiquement.J’attrapai un coussin et le serrai contre moi. Je savais qu’elle avait

raison.—TuneparlesjamaisdeMeganoudesgarçons.(Elles’approchadu

canapé.)Tuneparlespasdel’accidentnonplus.Alorsjemedoutaisquetunevoudraispasallervoirleurstombes.

Leurstombes.Jedétestaiscemot.Ilétaitfroid,dénuédesentiments.—Tusais,ilfaudraquetuyailles,unjour.(Loris’assitàcôtédemoi

etposa lespieds sur la tablebasse.)Tuenaurasbesoin.Pour faire tondeuil.Enfin,quelquechosecommeça.

— J’en ai conscience. C’est juste que… (J’avais l’estomac noué.) Jepeuxteposerunequestion?

—Biensûr.—Tucroisquecequis’estpasséestvraimentunaccident?Ellefronçalessourcils.—Queveux-tudire?—C’est difficile à expliquer,mais…est-ce qu’onpeut considérer ça

comme un accident ? Cody… avait bu avant de prendre le volant. (Je

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serrailecoussinunpeuplusfort.)S’ilavaitsurvécu,ilauraitétépoursuivipourhomicideinvolontaire,non?

—Jepense.— Alors, comment est-ce qu’on peut appeler ça un accident ?

(N’aurais-je pas dû être poursuivie, moi aussi, pour ne pas l’avoirempêchédeconduirealorsquej’étaissobre?)Pourmoi,unaccidentestunévénementqu’onn’auraitpaspuéviter.Cequi s’estpasséauraitpul’être.

Loriposalatêtecontreledossierducanapé.—Jecomprendscequetuveuxdire,maisje…jenesaispasquoite

répondre. Cody ne pensait pas perdre le contrôle de la voiture. Il nepensait pas qu’il tuerait les autres et te blesserait, pourtant il l’a fait.Chaqueactionauneconséquence.

—L’inactionaussi,murmurai-je.Ellerestasilencieuseuninstant.—Mamanm’atoutraconté.Jemecrispai.Quelquessecondess’écoulèrent.—Ellem’aditqu’ilsontvérifiétonalcoolémiequandtuesarrivéeà

l’hôpital,pendantqu’ilstefaisaienttouslesautrestests.Lesmédecinsontditquetun’avaisrienbu.Tuétaisclean.

Lagorgenouée,jefermailesyeux.—Qu’est-cequis’estpassé,Lena?(Ellesetournaversmoietpliaune

jambepourposerlepiedsurlecanapé.)Tusaisquetupeuxteconfieràmoi.Jenetejugeraipas.Çateferaitdubiendeparler.

J’ouvris la bouche. Le besoin de m’ouvrir à elle était presque tropintense.Mais,quoiqu’elledise,ellemejugerait.C’étaitnaturel.

Alorsjegardailesilence.

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CHAPITRE18

Lesamedisoir,Sebastianallachercherunevieillechaisedejardinenplastique dans la cabane de ses parents et la hissa jusqu’àmon balconpours’installeràcôtédemoi.

Nousétionsassiscôteàcôte.Sespiedsétaientposéssurlarambarde,les miens par terre. Lever les jambes mettait trop de pression sur mescôtes.

Lajournéeavaitétéchaude,digned’unmoisd’août.Maislesoir,l’airs’était rafraîchi. Le temps avait toujours été comme ça par ici. Le jour,l’étérefusaitdes’enaller.Leventétaitchaud,l’atmosphèrehumide.Puis,durantlanuit, l’automnes’installaitpeuàpeu.Ilfaisaitplusfroidetlesfeuilles tombaient jusqu’à ce que la nature se pare de teintes orange etrouge.D’ici la fin dumois, des citrouilles commenceraient à apparaîtresurlesperrons.Dansdeuxmois,onparleraitdeThanksgivingetdeNoël.Laviepoursuivaitsoncours,nonpasàunevitessed’escargot,maisàunrythme effréné où tout allait si vite que j’avais l’impression de voir lascèneauralenti.

—Tun’asriendemieuxàfaire,cesoir?luidemandai-je.Ilétaitarrivédepuisunedemi-heure.Unmoisplustôt,ilauraitpassé

son samedi soir chez Keith. Ou au bord du lac avec Phillip et Cody.Aujourd’hui,ilétaitassissurmonbalcon.

—Pasvraiment.Jeréarrangeailecoussindansmondos.—Jesupposequ’iln’yapasbeaucoupdefêtes,encemoment.

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—Si,deuxoutrois.PaschezKeith,biensûr.(Ildonnaunpetitcoupcontrelabouteilled’eauplacéeentresesgenoux.)Maisjepréfèreêtreici.

Saréponsemegonflalecœur,maisaulieudeprofiterdelasensation,jeleperçaicommeunballon.

—CommentvaKeith?—C’estdifficilepourlui.Iln’enparlepasbeaucoup.Jenecroispas

qu’ilaitledroit.Dumoins,c’estsansdoutecequel’avocatdesesparentslui a conseillé de faire. J’ai entendudire que la famille de Phillip allaitporter plainte contre eux. Apparemment, ils essaient de convaincre lesautres familles de s’allier à eux. Je ne serais pas surpris qu’ils tecontactent.

Tandisquej’observaislesfeuillessedétacherdesbranches,emportéesparunebriselégère,jesecouailatête.

—Jeneveuxpasm’enmêler.—Jem’endoutais.Keithsesenttrèsmal.Ilsesentcoupable.Jetriturailalanguettedemacannette.— Est-ce qu’on peut vraiment dire qu’il est coupable ? Ses parents

savaient qu’on organisait des fêtes chez eux. Tout le monde était aucourant. Ils ne nous en ont jamais empêchés. Mais ils n’ont obligépersonnequiaitbuàprendre levolant. (Jem’interrompis. Jene savaispas ceque je voulaisprouver.Sansdouteessayais-jedeme trouverdesexcuses.)Excuse-moi.Jeréfléchisàvoixhaute.

Àdirevrai,unmoisplus tôt, jen’yauraismêmepaspensé.Faire lafête, boire un verre ou deux, rentrer en voiture… cela nous arrivaitconstamment.Jen’avaisjamaiscruqu’unteldramepouvaits’abattresurnous.J’avaisconsciencequec’étaitidiotdemapart.Etterriblementnaïf.Etquecelanousavaitmenésàunetragédie.

Sebastianneréponditpastoutdesuite.Quandjetournailatêteverslui,jevisqu’ilobservaitlesétoiles.

—Tuveuxsavoircequej’enpense?—Oui,murmurai-je.J’avaispresquepeurdecequ’ilallaitmedire.Ilsetournaversmoi.

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—Jecroisqu’onesttousresponsables.Incapablededétournerlesyeux,jemefigeai.—J’yaibeaucoupréfléchi,cesdernierstemps.Cesoir-là, j’avaisbu,

maisjecomptaisquandmêmeteramener.Ilnem’estjamaisvenuàl’idéequejepouvaistemettreendanger.Nimoi-même,d’ailleurs.

—Tun’étaispasivre,luifis-jeremarquer.Jenet’aijamaisvuessayerdeconduirecomplètementbourré.

—Non,c’estvrai,maisquelleest la limite?medemanda-t-il.Deuxbières?Trois?Cen’estpasparceque jemesensbienetque jenemeconduis pas n’importe comment que l’alcool n’a aucun effet sur moi.Peut-être que je suis incapable de m’en rendre compte. Je sais qu’oncroirait entendre une vidéo de prévention, mais il suffit de quelquessecondesd’inattention.

—Oui,murmurai-je.— Je suis sûr que Cody s’estimait en état de conduire. Il n’aurait

jamaisprislevolants’ilpensaitvousmettreendanger.Non,jelesavais.Ma poitrine me faisait souffrir, mais cette douleur n’avait aucun

rapport avec mes blessures. Cody était persuadé de pouvoir conduire.Chris,MeganetPhillipluiavaientfaitconfiance.

—Allez,viens,ilteditqueçava!(Meganmepritlamainetsepenchaversmoipourmemurmurerà l’oreille :)J’ai enviedemangerdesnuggetsavecdelasaucechinoise!

Lagorgenouée,jelaissailesouvenirs’envoler.Aucund’entreeuxnes’était inquiété de l’état de Cody, parce qu’ils avaient tous bu. Moi ?J’avaisbienvuqu’ilétaitivre.

Toutefois,Sebastianavaitraison.Nousétionstousresponsablesàuncertaindegré.Nousnousétionstousmontrésirresponsablesàunmomentouàunautre.Leproblème,c’étaitquepersonnenepensaitquecegenred’accidentpouvaitseproduire,jusqu’àcequ’ilsoittroptard.Auboutducompte,j’étaisaussicoupablequeCody.Peut-êtrepasdevantlaloi.Maisd’unpointdevuemoral.

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Etj’ignoraissijepouvaisvivreaveccepoidssurlaconscience.—Darym’aenvoyéunmessage,toutàl’heure.Jehaussaiunsourcil.—Pourquoi?Elleestvenuemevoir,aujourd’hui.— Je sais. (Sebastian reposa la bouteille entre ses genoux.) Elle

s’inquiètepourtoi.—Ellenedevraitpas.(Jemepenchaisurlecôté.Ladouleurdansmes

côtess’amplifia.)Jevaistrèsbien.Sebastianeutunriresansjoie.—Tuesloind’allerbien,Lena.—Qu’est-cequetuinsinues,aujuste?—J’insinuequecen’estpasparcequetudisquetuvasbienquec’est

lavérité.Repoussantmes cheveux en arrière, j’observai une étoile disparaître

derrièrelesnuages.—Tuasdécidéd’étudierlapsychologie,ouquoi?Ilricana.—C’estunebonneidée.Jesuisplutôtdoué.Jegloussai.—Situledis.Il tendit lamain versmoi et tira doucement sur unemèchedemes

cheveux.—Tutesenscapabledeconduirepouralleraulycée,cettesemaine?

medemanda-t-il.J’enparlaisavecmonpère.L’undesescollègues,à lacentrale,aeuunpneumothorax,luiaussi.Lesmédecinsnel’ontpaslaisséconduireavantqu’ilsoitcomplètementguéri.

— Je n’y ai pas encore réfléchi. J’espère que je serai autorisée àconduire.

—Malgré ton plâtre ? Ce n’est que ton bras gauche,mais avec tespoumons,çacommenceàfairebeaucoup.(Ilbaissalebrasetreportasonattention sur le ciel.) J’habite à côté. On peut très bien aller au lycéeensemblejusqu’àcequetuterétablisses.

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—Tun’espasobligé.Jesuissûreque…—Jesaisquejenesuispasobligé.J’enaienvie.Jemetournaiverslui.Nosregardssecroisèrent.—Jevaisbien.Jepeuxconduire.—Oupas.Jepariequetesréflexessont lentsparcequetescôtes te

font souffrir. Et si tu as des difficultés à respirer, tu peux causer unaccident. (Il se pencha en avant. Même si nous étions assis sur deuxchaisesdifférentes,l’espaceentrenousparutseréduiredangereusement.)J’aifailliteperdre.Jeneveuxplusjamaisrevivreça.

Marespirationsebloquadansmagorge.Celan’avaitrienàvoiravecl’étatpathétiquedemespoumons.

—Etcommentjevaisrentrer?Tuvasaufootaprèslescours.Moi,jen’aiplusd’entraînement,luidis-je.J’arrête.

—J’aiuneheuredebattemententrelelycéeetlefoot.Sebastian n’eut aucune réaction par rapport au volley. L’entraîneur

m’attendraitsansdoutemardisoir,maisilétaithorsdequestionquej’yaille.

— Et pourquoi est-ce que je ne te rendrais pas ce service ? Si nossituationsétaientinversées,tun’hésiteraispasuneseconde.

Il avait raison,mais les situations n’auraient jamais été inversées. Iln’étaitpasaussistupidequemoi.Toutefois,sedisputerpourcegenredechoses était ridicule. Sebastian étaitmon voisin et, quoi qu’il ait pu sepasserentrenous,ilétaittoujoursmon…meilleurami.Dumoins,jusqu’àcequ’ilapprennelerôlequej’avaisjouédanscetaccident.

Il semordit la lèvre inférieure,puis la libéra lentement.D’habitude,cettemaniemerendaitfolle.

—Ilfautqu’onparle.—Dequoi?Jecontemplaisaboucheetrepensaiàlasensationdeseslèvrescontre

lesmiennes.Ilpenchalatêtesurlecôté.—Detasdechoses.

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Oui.Destasdechosesauxquellesjenevoulaispaspenser.Jereculaietm’adossaiàmachaiseavecprécaution.—Jecommenceàêtrefatiguéeetje…—Nefaispasça,medit-ild’unevoixdouce.Neterenfermepassur

toi-même.Moncœurseserra.—Jenemerenfermepas.—Si.TurepoussesAbbietDary,etlaseuleraisonpourlaquelletune

faispaslamêmechoseavecmoi,c’estquejenetelaissepasfaire.—Tum’énerves,marmonnai-je.Ilretiralespiedsdelabalustradeetposasabouteilleparterre,àcôté

desachaise.—J’aiquelquechoseàtedire.Tun’espasobligéedemerépondre.

Tu n’es pas obligée de dire quoi que ce soit. J’aimerais juste que tum’écoutes.

—Jevaisêtrefrancheavectoi, luidis-jeenmetournantverslui.Jenesaispasdutoutdequoituveuxmeparler.

Ilesquissaunsourireencoin.—Tulesaurasbienasseztôt.J’attendis.Sebastianmeregardadanslesyeux.—Quelâgeonavaitquandons’estrencontrés?Sixans?Sept?—Huit,répondis-jesanssavoirquelétaitlerapport.Onaemménagé

iciquandj’avaishuitans.Tujouaisauballonavectonpèredanslejardinderrièrecheztoi.

—Oui,c’estça.Tuétaissurlebalconettumeregardais.J’enrestaibouchebée.—Tum’asvue?Nousn’avionsjamaisdiscutédecejour-là.Pourquoil’aurait-onfait?

J’ignoraisqu’ilm’avaitremarquée.Lelendemain,ilavaitfrappéàlaporteetm’avaitdemandésijevoulaisfaireduvéloaveclui.

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—Je t’aivue,meconfirma-t-ilenposant lamainsurmonbras.J’aiaussientendutonpèretecrierdetedépêcherderentrerpourdéfairelescartons.Jecroisquetuluiasréponduquefairetravaillerlesenfantsétaitinterdit.

Jenepusréprimerunsourire.—Çameressemblebien.—C’estàcemomentquejesuistombéamoureuxdetoi.Jeclignailesyeux.—Qu…Quoi?Comme il regarda soudainpar terre, ses cils dissimulèrent ses yeux.

Seuleunefaibleampoulenouséclairaitdansl’obscurité.—Quandtum’asembrassé,auborddulac,j’aiétédéstabilisé.Mesyeuxs’arrondirent.Qu’était-ilentraindesepasser?— Je ne regrette pas. Ça nem’a pas déplu. C’est juste que je n’ai

jamaiscruquetu…mevoyaisdecettefaçon.(Lerirequiluiéchappaétaitgêné,dénuédeconfianceensoi.)Non.C’estfaux.J’avaisdesdoutes.Jeregretted’avoirpaniqué.Siseulementjet’avaisembrassée,moiaussi.Siseulement, je…Si seulement je t’avais embrassée à la piscine… (Il pritune grande inspiration et releva les yeux versmoi.) J’en rêve depuis silongtemps.

—Quoi?répétai-je,hébétée.Sebastiannedétournapasleregard.—Jenesaispasàquelmomentleschosesontchangé,àquelmoment

j’ai commencé à te voir vraiment. Non, tu sais quoi ? C’est encore unmensonge.Jem’ensouviens trèsbien. Je suis tombéamoureuxde toiàl’instantoùjet’aientenduerépondreàtonpèrecejour-là.Maisjen’avaispaslamoindreidéedecequeçasignifiaitnidecequejeressentais.Ilm’afalludesannéespourcomprendre.LorsquetuascommencéàsortiravecAndre,toutestdevenuclair.J’étais…disonsquejen’étaispasravi.Jenel’aimais pas. Je trouvais que tu valaismieux et je ne supportais pas lafaçondontiltetouchaitsansarrêt.

Jerestaipétrifiée,àledévisager.

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—Pendantlongtemps, jemesuisvoilélaface.Jemesuisconvaincuquej’étaisduravecluiparcequej’étaistonmeilleurami.Maiscen’étaitpasqueça.Chaquefoisque je levoyaist’embrasser, jevoulais luicollermonpoingdanslafigure.Quandjemerendaiscomptequ’ilétaitcheztoi,j’avaisenviedevousinterrompreetdem’assurerquevousnepouviezpasresterseuls.(Ilritencore.)Àbienyréfléchir,jel’aisouventfait.

Sebastiannementaitpas.Àplusieursreprises, ilétaitentrédansmachambre sans prévenir en passant par le balcon. Ce qui s’était parfoisavéré gênant. Il n’hésitait pas à s’installer sur le lit et à squatter machambrependantdesheures.Jemerappelaisqu’Andrenetrouvaitpasçaparticulièrementdrôle.

—Quandtul’asquitté,jen’aipasseulementressentidusoulagement.J’étaisfoudejoie.Jet’aientendueenparleravecAbbietjemesouviensd’avoirpensé:«C’estmachance!»

Moncœurs’arrêta.Net.—Mais…tuétaisavecSkylar…—C’estlaraisonpourlaquellejel’aiquittée.Elleavaitraisonquand

elledisaitquejemesouciaisdavantagedemesamisqued’elle,maisellen’avaitpastoutcompris.L’amiedontjemesouciaisdavantage,c’étaittoi,medit-il.Jepensaisàtoidelafaçonquej’auraisdûpenseràelle.

J’ouvrislabouche,ébahie.—Jen’ai jamais cruune secondeque tupouvais ressentir lamême

chose.Jenevoulaispasdétruirenotreamitié.(Sebastiansepenchaversmoi.Sonvisagen’étaitplusqu’àquelquescentimètresdumien.)Lorsquetu m’as embrassé, j’ai… J’ai paniqué. Je me sens vraiment bête,maintenant.J’auraisdûdirequelquechose.Jenepeuxpasretournerenarrière,maisjeveuxquetusachesquejeneregrettepascebaiser.Cequejeregrette,c’estdenepast’avoirembrasséeenpremier.

Sebastianpritunegrandeinspiration.—Cejour-là,jecomptaisteledire.C’estpourçaquejet’aiditqu’il

fallaitqu’onparle.Avec lerecul, j’auraisdûdemanderàSkylardenouslaisser. Je regrette tellement !Car si je l’avais fait, je… jenepensepas

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quetuseraismontéedanscettevoiture.Onnelesaurajamais,mais…Jesuisamoureuxdetoi,Lena.Maintenant,tulesais.(Unrireunpeuforcélui échappa encore.) Je… Je t’aime vraiment beaucoup et j’aurais dût’embrasser, devant la piscine. J’aurais dû te dire que… (Il se racla lagorge.)…quej’aienviedet’embrasserdepuistrès longtemps.Quejenetevoispasseulementcommeuneamie.

Était-ceunrêve?Celayressemblait.J’attendaisd’entendrecesmotsdepuistoujours.

— Je pense… Je pense savoir ce que tu ressens, mais tu n’es pasobligée de me répondre tout de suite, dit-il en me regardant dans lesyeux,commepourjaugermaréaction.Jevoulaisjusteteledire.

Jemecontentaideledévisager.Jen’arrivaispasàcomprendreoùilvoulaitenvenir.

Enfin,si.Jecomprenais.Ilmedisaitqu’ilavaitenviedem’embrasser.Depuisdesannées.Qu’ilm’aimait.D’amour.Depuis longtemps.Lechocme rendait muette. J’avais gagné le gros lot. Mes rêves devenaientréalité…maispourquoifallait-ilquecelaarrivemaintenant?Alorsquejeneméritaispluslebonheur?Alorsquequatredemesamisétaientmorts,parmafaute?

Jesecouailatête.—Pourquoi…pourquoimaintenant?Pourquoiest-cequetu…?(Ma

voixsebrisa.)Pourquoiest-cequetuasattenduçapourmel’avouer?—Jen’auraispasdûattendre.—Tuas le pire timingde l’histoire. (Jeme levai pourmettrede la

distanceentrenous.Lemouvementbrusqueréveillaladouleurdansmescôtes.)Lemomentestmalchoisi,Sebastian.

—Moi,jecrois,aucontraire,quelemomentestidéal,rétorqua-t-ilenmeregardantcontournerlachaise.Parceque,tusaisquoi?Attendreesttroprisqué.Iln’yapasdemauvaismomentpourdireàquelqu’unqu’onl’aime.

Sebastian m’aimait. Il m’aimait ? Non, c’était impossible. Pasmaintenant.Ilauraitfalluqu’ilmelediseavant.

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Lorsquejereculaiendirectiondemachambre,ilselevaetmesuivit.Jemeretrouvaidoscontre laporte.Jepassai lamainderrièremoipourl’ouvrir,maismefigeaienlevoyants’approcher.

Debout devant moi, il posa la main contre la vitre, à côté de monvisage.

—Lemeilleurmomentpourteledireauraitsansdouteétéquandjeme suis rendu compte de mes sentiments pour toi, souffla-t-il en sebaissant vers moi. (Mon cœur s’emballa. On aurait dit un marteaupiqueur.)Depuis,j’aieudescentainesd’occasionsdelefaire.

—Jen’arrivepasàréfléchir.Mavoixétaitrauque.Lesyeuxécarquillés,jeledévisageai.— Tu n’as pas à réfléchir. Je voulais juste clarifier les choses.

(Sebastiandéposaunbaisercontrematempe.Jefermailespaupières.)Àquoi ça sert d’attendre ? Qui peut dire si on sera encore là demain ?L’accidentnousarappeléque,danslavie,rienn’estjamaiscertain,qu’iln’yapastoujoursun«plustard».(Ilm’embrassadenouveaucontrelatempeavantdereculeretdemeregarderdanslesyeux.)Alorsj’aidécidéd’arrêterdevivrecommesij’avaisl’éternitédevantmoi.

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CHAPITRE19

En temps normal, ma première réaction aurait été d’appeler mesamies.Laconversationquej’avaiseueavecSebastianétaituncoderouge.J’avaisbesoindelaraconterencoreetencoreàquelqu’un.

Maisplusrienn’étaitnormal.Je mourais d’envie d’appeler Abbi et Dary. J’avais failli le faire le

dimanchematin,mais jem’étais contentée de fixermon téléphone desyeux jusqu’à ce que des larmesme troublent la vue. Je n’avais pas étécapable de composer leurs numéros. J’avais l’impression de ne plus enavoirledroit.Aprèscequis’étaitpassé,ellessemoquaientsansdoutedecequim’étaitarrivéavecSebastian.

Àprésent,onétaitlundisoiretj’étaisassisesurmonlitentraindemerongerlesonglescommeunemortedefaim.Untoutautreproblèmemepréoccupait.

Lemédecinm’avaitautoriséeàretournerau lycéedès le lendemain.Jen’avaispluslechoix.Biensûr,sijedisaisàmamèrequejenevoulaispas y aller, elle contacterait le secrétariat pour le leur dire, mais elledemanderait sansdouteun jourde congéà sonpatronpournepasmelaisserseule.LoriétaitrentréeàRadford.Ilyavaittoujourslapossibilitéd’appelermonpère,maisj’ignoraisoùilsetrouvaitetmamèresavaitquecela ne me plairait pas. Dans tous les cas, même si son patron s’étaitmontréextrêmementcompréhensif,jenevoulaispascauserdeproblèmesàmamère.Alorsj’iraisaulycéelelendemain.Jeverraistoutlemonde.Jenepourraisplusmecacher.

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Sebastianm’accompagnerait envoitureet,Seigneur, ilne fallaitpasquejepenseàluisinonj’allaisressasserjusqu’àl’obsessionsesparolesdesamedisoir.

«C’estàcemomentquejesuistombéamoureuxdetoi.»Jesentismoncœurs’affolerdansmapoitrine.Il faut que je pense à autre chose. Je tentai d’oublier l’aveu de

Sebastian.Malheureusement,c’étaitaussiaiséquedescendreunescalierlesjambesligotées.Unfrissondescenditlelongdemacolonnevertébrale.Mon regard se posa sur la mappemonde accrochée au-dessus de monbureau. Quelques années auparavant, j’avais attrapé un feutre bleu etentourélespaysquejevoulaisvisiter.Sebastianavaitfaitlamêmechoseavec un feutre rouge. De nombreuses destinations se recoupaient. Àl’époque,nousavionstreizeouquatorzeans.

Était-ildéjàamoureuxdemoi?Je fermai les yeux. L’espace de quelques secondes, un ou deux

battements de cœur, je laissai le souvenir de ses paroles pénétrer mapeau,sefrayeruncheminàtraversmesmusclesetvenirsegraverjusquedansmesos.Monpoingsefermacontremapoitrineetmonestomacserenversa comme si j’avais été sur des montagnes russes. Durant cesquelquessecondes,jem’autorisaiàimaginermavietellequ’elleauraitdûêtre.

Sebastianm’auraitavouéqu’ilm’aimait.Onseseraitembrassés,avecplusd’ardeurqu’avant.J’auraisréponduàsonbaiser.Ilestfortpossiblequ’onseseraitlaissésunpeuemporter.Peut-êtremêmequ’onseraitallésplusloin,etcelaauraitétéincroyable,parfait.Onseraitallésaucinéma.On se serait tenu la main au lycée et on se serait rendus aux fêtesensemble.Tout lemondeaurait souri etmurmuré « c’estpas trop tôt »dansnotredos.Onauraitpassénotretempsànoustoucheret…

Delamain,j’essuyaimesjoueshumides,puisjeglissaijusqu’auborddu lit et posai les pieds par terre. Ce n’est que lorsque jeme levai quej’ouvrislesyeux.Unedouleurintensemetraversalethoraxetmeramenaàlaréalité.Jeprisuneinspirationtremblante.

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Laculpabilitém’envahit,écrasante.De quel droit pensais-je à ce genre de choses ? Je me sentais

tellement, jene saispas…égoïste !C’étaitmal. J’ignoraisceque j’étaiscenséeressentiroucommentj’allaispouvoircontinueràavancer,maisjesavaisquejeneméritaispasuntelbonheur.

Pasmaintenant.Peut-êtreplustard,dansunecentainedelendemains.Maispasaujourd’hui.

—Tuessûrequetutesensprête?Assiseàlatabledelacuisine,jerelevailatêteetfistomberlesmiettes

debiscuitsaccrochéesàmesdoigts. Jen’avaispas faim,mais jem’étaisforcéeàmanger.Lesrestesdemonpetitdéjeunersucrés’accrochaientàmagorgecommedelasciure.

—Oui.Mamèresetenaitdevantl’évier.Elleavaitenfiléunpantalonnoiret

unchemisierbleuclairpourallertravailler.Enapparence,elleavaitl’airde la professionnelle parfaite,mais je savais, à son regard, qu’elle étaitinquiète.

— Si tu ne te sens pas bien ou si tu es fatiguée, je veux que tum’appellestoutdesuite.Jeviendraitechercher.

— Tout va bien se passer, lui dis-je en me levant. (Je froissai maservietteenpapieretallailajeteràlapoubelle.)Nepassepastajournéeàt’inquiéterpourmoi.

—Jesuistamère.C’estmonboulot.Unlégersourireétirameslèvres.—Tout irabien.Promis.Lemédecinaditquemaguérisonétaiten

bonnevoieetquejenedevraisrencontreraucunproblème.—Jesais.J’étaislà.Maisilnousaaussiavertiesquecinquantepour

cent des personnes qui ont souffert d’un pneumothorax subissent unerechute.

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—Maman…Je soupirai. Avant que j’aie eu le temps de dire quoi que ce soit

d’autre,onfrappaàlaporte.Quandelles’ouvrit,jemetournailentementversl’entrée.Moncœurbattaitlachamade.

—Bonjour,ditSebastian.C’estmoi.Lesouriredemamèresemblailluminerlapiècecommeunsoleil.Des

bruitsdepass’approchèrentdelacuisine,puisSebastianapparut.Ilavaitles cheveux humides et son tee-shirt usé mettait en valeur ses largesépaules.

Ilétaitvraimenttrèsbeau.Jemepassailesmainssurlejean.Toutàcoup,manervositén’avait

plusrienàvoiraveclelycée.Dimanche,Sebastianétaitrevenumerendrevisite et n’avait pasmentionné une seule fois la conversation que nousavionseuelaveille…maiselleétaitlà,danssesyeux,danslafaçondontilmetouchaitoupressaitsajambecontrelamienne.

—Bonjour,répéta-t-ilenentrantdanslapièce.Tuesprête?Jehochailatête.Ilfallaitquejemereprenne.—J’aimeraisquetumerendesunservice,luiditmamèretandisqu’il

s’approchaitdemoi.(J’étaisrestéefigéedevantl’évier.)J’aimeraisquetugardesunœilsurLena.

—Maman,grognai-je.Ellenemeprêtapaslamoindreattention.—Jeneveuxpasqu’elleenfassetrop.Lajournéevaêtrelonguepour

elle.J’écarquillai les yeux. Sebastian venait de passer un bras sur mes

épaules. Il l’avait fait des centaines de fois et faisait attention à ne pasmettretropdepoidssurmondosetmescôtes,mais je fus incapablederéprimerunfrisson.

Sebastianlesentit.Jelesavaisparcequ’ilavaitunsouriremalicieuxauxlèvres.

—Nevousinquiétezpas,madameWise.Jenevaispaslaquitterdesyeux.

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Oh,monDieu.L’enviedemelaisserallercontreSebastianetdecollermajouecontre

sontorsefaillitavoirraisondemoi,maisjeréussisàm’écarterpourallercherchermonsacàdos.L’enfileràmonépaulefutdouloureux.Ilfaudraitquejem’ensouvienne.

—Onferaitmieuxd’yaller.Onvaêtreenretard.—Lemondeextérieurt’attend!s’exclamaSebastianenattrapantles

livresquejedevaisrangerdansmoncasier.Ma mère nous suivit jusqu’à la porte. Avant que je descende les

marchesduperron,ellemeretintetmepritlevisageentresesmains.—Je t’aime,murmura-t-elleavec ferveur.La journéevaêtre longue

pourtoi.(Ellemeregardaitdanslesyeux.)Pourdenombreusesraisons.—Jesais.Dessanglotsavortésmebrûlaientlesyeuxetlagorge.MamèremelibéraetsetournaversSebastian.—Jetelaconfie.Ellemeconfiaitàlui?Jegrimaçai,maisniluiniellenes’enrendirent

compte.—Comptezsurmoi,luipromit-il.Etilyavaitunesolennitédanssesmots,commes’ilprêtaitserment,

commes’ilacceptaituneresponsabilitétacite.—Merci,luiditmamèreenluitapotantl’épaule.Jemeretinsàpeinedeleverlesyeuxauciel.—Ondevraityaller,insistai-jeendescendantl’allée.Riantdanssabarbe,Sebastiandévalalesmarchespourmerejoindre.

Jefisunsignedelamainàmamère,puistraversailejardinetfranchisleportillonendirectiondechezSebastian.

— Tu sais, lui dis-je en repositionnant l’anse de mon sac sur monépaule,tun’aspasàt’occuperdemoi.

Grâceàsesgrandesenjambées,Sebastianm’avaitdépassée.—Si.(Ilchangeameslivresdebraspourouvrirlaportearrièredesa

Jeep,puislesdéposaàl’intérieur.)Jeveillesurtoidepuispluslongtemps

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quetunelepenses.Leslèvrespincées,jeluiadressaiunregardagacé.—Queveux-tuquejerépondeàça?—Rien. (Il passa les doigts sous l’anse demon sac etme le retira.

J’inspiraidoucement.)Tuasl’airbeaucoupmieux,aujourd’hui.Commejenem’attendaispasàcecompliment, jeclignai lesyeuxet

baissailatêtepourmeregarder.Jeportaisunvieuxtee-shirt,unjeanetdestongsquipartaientenmorceaux.

—Tutrouves?—Oui.Ilplaçamonsacàl’arrièredelaJeepavantderefermerlaportière.Il

se tourna versmoi et s’approcha jusqu’à ce que ses pieds touchent lesmiens.Jeduspencherlatêteenarrièrepourleregarderdanslesyeux.

—Tun’asplusunseulbleusurlevisage.Jefaillisbiennepascomprendrecequ’ildisaittantj’étaistroublée.— Ils avaient presque tous disparu, mais tu avais encore quelques

marques,parici.Son pouce glissa sur le côté gauche de ma mâchoire. J’en eus le

soufflecoupé.Sonintenseregardbleunuitcroisadenouveaulemien.—Iln’yenaplusaucun.—C’estvrai?soufflai-je.—Oui…(Sonpoucecontinuaitdemecaresserlevisage.)C’étaittrès

léger,maisjelevoyais.Jefrissonnai.Ilremontalégèrementjusqu’àmeslèvresetlescaressadoucement,du

boutdesdoigts.Ilbaissalatête.—Çane vapas être facile, aujourd’hui, dit-il d’une voixplus grave

qu’àl’accoutumée.Physiquement,tutefatiguesencorevite…(Sonpoucepassa de nouveau surma lèvre inférieure.) Et toutes ces émotions vontt’épuiser. Le jour de la rentrée, j’ai… Je ne sais même pas commentl’expliquer.

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Chaquecellule,chaquemuscledemoncorpsétaittenduetdétenduàla fois. J’avaisdumalàmeconcentrer surcequeSebastiandisaitalorsqu’il me touchait comme il ne l’avait jamais fait auparavant, commej’avaistoujoursrêvéqu’illefasse.

— Toi… Toi, tu as encore fait des recherches sur la psychologie,soufflai-je.

Onauraitditquejehaletais.Sebastianaffichaunsourireencoin.— Disons que ces derniers temps, j’ai beaucoup parlé… et écouté,

aussi.Surprise, je penchai la tête sur le côté. J’étais sur le point de lui

demander ce qu’il voulait dire lorsque, soudain, il déposa un baiser aucoindemeslèvres.Cefutbref,encoreplusquelebaiserauborddulac,pourtantjeleressentisauplusprofonddemonâme.

—Qu’est-cequetufais?hoquetai-je.Ilreculaetsesyeuxvoilésmedétaillèrentdelatêteauxpieds.—Jetiensmespromesses.

Quandj’entraidanslapremièresalledecours,unmotm’attendait.Laprofesseurem’interpellaavantquej’atteignemonbureaupourmetendreune feuille de papier. Son visage parcheminé arborait une expressioncompatissante.

—Tuesattendueaubureaudelaviescolaire,mapuce.Mapuce?Personnenem’avaitjamaisappeléeainsiaulycée.Malgré

tout,j’acceptailemotetressortisdelasalle.Je gardai la tête baissée. Pour entrer. Pour sortir. Dans le couloir.

Mêmedevantmoncasier,oùSebastianm’avaitaidéeàrangermeslivresavantdem’embrasserencoreunefois,surlajoue,etdemelaisserpourallerencours.

Tout le monde me regardait et murmurait derrière mon dos. Enrefermant la porte de mon casier, j’avais commis l’erreur de relever latête.Unefilleàlaquellejen’avaisjamaisparlés’étaitprécipitéeversmoi

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etm’avaitprisedanssesbras.Ellem’avaitensuitedébitéunmonologueextrêmement gênant pourm’expliquer qu’elle était désolée pourmoi etqu’elleétaitcontenteque jesoissaineetsauve.Jeneconnaissaismêmepas son prénom. Quelque chose me disait qu’avant l’accident elle nesavaitpasquij’étaisnonplus.

J’étaisrestéeplantéelà,sanssavoirquoifaire.Notefroisséeàlamain,jemedirigeaiversl’entréedulycéeetpoussai

les portes en verre qui menaient au bureau de la vie scolaire. Uneemployée administrative était assise à l’accueil.C’était une vieille damequiportaitlerougeàlèvresleplusrosequej’avaisjamaisvu.

Jem’approchaid’elle.—Onm’aditdevenirici.Jem’appelleLenaWise.— Oh ! (Quand elle reconnut mon nom, ses yeux chassieux

s’illuminèrent.)Resteici.Jevaisleurdirequetuesarrivée.Leurdire?Décontenancée,jereculai.Quesepassait-il?J’observaila

vieille dame traverser l’étroit couloir quimenait aux autres bureaux. Jen’attendispas très longtemps.Ungrandmonsieurauxcheveuxargentésvintbientôtàmarencontre.

— Mademoiselle Wise ? dit-il en me tendant la main. Je suis leDrPerry.Jefaispartiedel’équipequiaétéappeléeicisuiteauxrécentsévénements.

Oh.Oh,non!—Vousvoulezbienvenirdiscuteravecmoi,quelquesminutes?Il se plaça sur le côté et attendit.Cen’était pas comme si j’avais le

choix.Ravalantunsoupir,jemedirigeaiàmontourdanslecouloiretsuivis

le Dr Perry dans une salle de réunion, d’habitude réservée aux rendez-vousaveclesparents.Despostersstupides,censésêtreinspirants,étaientaccrochés auxmurs. Dessus, des chatons s’accrochaient à des cordes etvantaientlesméritesdutravaild’équipe.

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Je laissai tomber mon sac par terre et m’assis sur une chaise enplastique inconfortable tandis que ledocteur allait s’installer en facedemoi de l’autre côté du bureau. Une tasse, proclamant qu’il était le«meilleur Papa dumonde » (sans doute un cadeau de fête des Pères),étaitposéeàcôtéd’undossierfermésurlequelétaitinscritmonnom.

—Est-cequejepeuxt’appelerLena?medemanda-t-il.J’acquiesçaietglissailesmainsentremesgenoux.Lemouvementtira

surmonbrascassé.Jelerelevaietposaileplâtresurlatable.—Parfait,s’exclama-t-ilavecunsourire.Commejetel’aidéjàdit,je

suisleDrPerry.J’aimonproprecabinet,maisjetravailleégalementdansles différentes écoles de la région lorsqu’il n’y a pas suffisamment depsychologuesattitrés.

Ilme déclina alors tout son pedigree. Je devais admettre qu’il étaitimpressionnant:universitéd’ÉtatdePennsylvanie.UniversitéBrown.Destasdediplômesdontlestitresauraienttoutaussibienpuêtreenlangueétrangère.Puislaconversationrevintàmoi.

—Commenttesens-tu?Tuescontented’êtrerevenueaulycée?—Ça va, répondis-je en croisant les chevilles. Je suis… jeme sens

prête.Ilposaunbrassurlebureau.—Cenedoitpasêtrefaciled’avoirmanquédeuxsemainesetdegérer

lamortdetesamis.Son franc-parler me surprit tellement que je sursautai. C’était la

première personne à aborder le sujet de manière aussi directe en maprésence.

—Je…C’est…(Jeclignailesyeux.)C’estcompliqué.— J’imagine. La mort de quatre jeunes gens qui avaient un avenir

brillant devant eux n’est pas évidente à accepter. Et encore moins àcomprendre.(Pendantqu’ilparlait,ilsemblaitjaugermaréaction.)C’estencoreplusdifficilepourtoi,quiétaisdanslavoitureaveceux.Tuasétégravement blessée et, selon ton dossier, tes blessures t’empêchent dejouerauvolley-ball?Celafaitbeaucoup.

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Jemecrispai.Aussitôt,unedouleuraiguëmeparcourutlapoitrine.Jejetaiuncoupd’œilàlaporte.Avecunpeudechance,jepouvaisréussiràm’échapper.

—Onneparlerapasde ça aujourd’hui,medit-il d’une voixdouce.Détends-toi.

Jereportaimonattentionsurlui.—Aujourd’hui?— Nous allons nous voir trois fois par semaine pendant un mois,

m’annonça-t-il en attrapant sa tasse.Visiblement, tamèrene t’en apasinformée.

Elleavaitoubliédementionnercelégerdétail.Énervée,jecroisailesbrassurmonventre.

— Normalement, nos sessions auront lieu les lundis, mercredis etvendredis.Aujourd’hui,c’estunpeuparticulierpuisquec’esttarentrée.Àpartirdedemain,onsuivranotreemploidutemps.

Troisfoisparsemaine?MonDieu…Jesoufflaibruyammentetlevailesyeuxpourregarderleplafond.

—Jenecroispasquecesoitnécessaire.Ilsirotasoncafé.—Jepensequesi,aucontraire.Tun’espaslaseuleàvenirnousvoir

ici,tusais?Tun’espasseuledanstonchagrin.Jebaissailatêtepourleregarder.J’auraisvoululuidemanderdequi

il parlait. S’agissait-il de Sebastian ? Cela aurait expliqué sa soudaineclairvoyanceparrapportàcequejeressentais.

Je ne posai pas la question. Après tout, il n’était sans doute pasautoriséàdivulguercegenred’informations.

—Personnenesemoqueradetoiparcequetuviensmevoir.Jen’enétaispassicertaine.Iloubliaitqu’onétaitaulycée.Jugerles

autresétaitmonnaiecourante.—Tuenasbesoin,Lena.Tun’enaspeut-êtrepasl’impressionpourle

moment,etaudébut,tutrouverassansdoutequecesrendez-voustefont

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plusdemalquedebien…mais tunepeuxpas toutgarderen toi. Ilvafalloirqueçasorte.

Serrantlesdents,jenedisrien.Ilm’examina.J’avaislasensationdésagréablequ’illisaitenmoi,qu’il

devinaitleschosesdontjenevoulaispasparler.—Laculpabilitéquel’onressentlorsqu’onestl’uniquesurvivantd’un

accident est très lourde à porter, Lena.On appelle cela le syndromedusurvivant.Cen’estpasunechosequ’ilfautprendreàlalégère.Tunetedébarrasseras jamaisentièrementdecefardeau,maisensemble,onpeutparveniràl’alléger,àlerendresupportable.

Jesoufflaidoucement.—Comment?—Je saisquepour lemomentcela teparaît impossible,mais lavie

continue. Tu seras là demain. La semaine prochaine. Lemois prochain.L’annéeprochaine.Dansquelquetemps,turéussirasàallerdel’avant.

Effectivement,celameparaissaitimpossible.—Je…jenepensaispasqueçapouvaitnousarriver,murmurai-jeen

fermant brièvement les yeux. Je sais que c’est idiot,mais je ne pensaisvraimentpasqueçapouvaitnousarriverànous.

— Ce n’est pas idiot. Personne ne réfléchit à ce genre de choses.Personnenecroitquelaprochainefoisçapourraitêtresoi.

Lorsqu’ils’interrompit,jecomprisqu’ilétaitaucourant.Ilsavait.Mesyeuxseposèrentsurledossierdevantluietlesbattementsdemoncœurs’emballèrent.Avait-ilparléà lapolice?Àmamère?Quandilreprit laparole, j’aurais voulu me lever et m’enfuir de cette pièce, mais j’étaiscommecolléeàmonsiège.

—Jesaistout.

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CHAPITRE20

—Tunevaspasàl’entraînementdevolley?medemandaDary.—Pasaujourd’hui.Jene luidonnaipasplusd’explications.Notreentraîneurétait venu

me voir àmon casier après la pause déjeuner. Ilm’avait demandé si jecomptais assister à l’entraînement. Je lui avais répondu que je mefatiguaisviteetquemamèrepréféraitmesavoiràlamaison.

Cen’étaitpastoutàfaitunmensonge.Quandilm’avaitditqu’ilespéraitmevoiràl’entraînementlasemaine

suivante,j’avaishochélatête.Celaauraitétél’occasionparfaitepourluiannoncer que je quittais l’équipe, mais j’avais choisi de repousserl’échéance.

End’autrestermes,jem’étaisdéfilée.Sebastian avançait devant nous dans le couloir, en dehors du

gymnase,sonsacàdosàl’épaule,lemienàlamain.—Lavueestplutôtpasmal,mesoufflaDary.Un sourire fatigué étirames lèvres. Je ne pouvais pas le nier, et en

même temps, la seule chose dont j’avais envie était de faire la sieste.J’étaisvidée.

De l’autre côté de Dary, Abbi tapait sur l’écran de son téléphone àtoutevitesse.

—Ilesttellementserviable!Surprise,jemetournaiverselle.Quecesoitenchimieouàlacantine,

Abbi avait été peu bavarde. Tout le monde avait discuté sauf elle. À

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l’instardelafillequim’avaitprisedanssesbraslematinmême,d’autrespersonnesm’avaientapprochéedanslajournée.J’avaisreçudescâlinsetdes vœux de rétablissement de camarades que je connaissais à peine.D’autres,commeJessicaetsesamies,restaientàl’écart,maisétantdonnéque Jessica était sortie avec Cody, ce n’était pas étonnant. Skylar nem’avaitpasadressélemoindreregardnonplus.

Dans tous les cas, j’avais la nette impression qu’Abbi m’en voulait,mais j’ignoraispourquoi.Elleavait tantde raisonspotentiellesd’êtreencolèrecontremoi.

—Oui,ilest…serviable.— Ça s’appelle comme ça, maintenant ? plaisanta Dary. Quand un

mect’aimebien,ilestserviable?—Ditcommeça,c’estmignon,réponditAbbi,lesyeuxrivéssurledos

deSebastian.Leschosesontchangé,entrevous?J’ouvris la bouche pour leur raconter ce que Sebastian m’avait dit

avant de me reprendre. J’étais certaine qu’elles s’en moquaient. MonabsencederéponsesemblaagacerAbbi.

Quandon sortit du bâtiment, le ciel était gris et l’odeur de la pluieimprégnaitl’air.

Visiblementinquiète,Darynousobserval’uneaprèsl’autre.— Et si on se retrouvait tout à l’heure pourmanger unmorceau ?

Comme…Commeavant?Commeavant,avecMegan.— Je ne sais pas, répondis-je d’une voix rauque. J’ai beaucoup de

travailàrattraper.Lesourireencoind’Abbiétaitamer,savoix,tranchante.—Biensûr.L’estomacnoué, jemetournaivivementverselle.Abbi fitunemoue

agacée.—Tuseraspeut-êtrepluslibrelasemaineprochaine?demanda-t-elle.Jehochailatêteetmurmurai:—Sansdoute.

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—Jevousenvoieunmessagetoutàl’heure!s’exclamaDaryavantdenousembrasserchacunesurlajoue.

Aprèsnousavoirsaluées,elles’éloignaverssavoiture.Devantnous,Sebastianseretournapourmeregarder.Ilétaitpresque

arrivé à sa Jeep et je savais qu’il n’avait pas beaucoup de temps àmeconsacrer,maisilfallaitquejeparleàAbbi.Lesquestionss’amoncelaientdansmonesprit. Jesavaisque j’auraismieux faitdemetaire,mais j’enétaisincapable.

Aussim’arrêtai-jeetmetournai-jeverselle.—Onpeutdiscutercinqminutes?Ellehaussalessourcilsetrelevadoucementlesyeuxdesonportable.

Sonregardn’étaitpashostile,maisiln’étaitpasfranchementamicalnonplus.Ilyavaitcommeunmurentrenous.

—Qu’ya-t-il?Prenantunegrandeinspiration,jeluidemandai:—Tues…encolèrecontremoi?Abbibaissasontéléphoneetpenchalatêtesurlecôté.L’espaced’un

instant,jecrusqu’ellen’allaitpasmerépondre.—Jepeuxêtrehonnête?Moncœurseserra.—Onatoujoursétéhonnêtesl’uneenversl’autre.Ellelevalesyeuxverslesgrosnuagesetsecoualatête.—Laisse-moiteposerunequestion.—D’accord.— Qu’est-ce qui se passe entre vous deux ? demanda-t-elle en

désignantSebastiand’ungestedumenton.—Rien,répondis-jeaussitôt.Ilm’aide,c’esttout.— Tu es sérieuse ? C’est tout ce que tu as à dire ? (Ses doigts se

resserrèrentsurl’ansedesonsac.)Jesaisqu’ilnefaitpasquet’aider.—Il…—IladitàSkylarqu’ilétaitamoureuxdetoi,m’interrompit-elle.Sonregardétaitglaçant.

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Jeclignailesyeux.—Iladitquoi?— Skylar a dit à Daniela que Sebastian lui avait avoué qu’il était

amoureux de toi. C’est pour ça qu’ils ont rompu, au printemps,m’expliqua-t-elleensedandinantd’unpiedsurl’autre.Ilnepouvaitpasseremettreavecelleparcequ’ilavaitdessentimentspourtoi.Ettoi,tuesen train de me dire que tu ne le savais pas ? Depuis le temps qu’ilt’obsède,tunet’esjamaisdoutéederien?Ettuvasmefairecroirequ’iln’ajamaisétéhonnêteavectoiàcesujet?

—Je…Je reculai.Mes yeux trouvèrent Sebastian. Il était en train de poser

monsacsurlabanquettearrière.—Jen’arrivepasàcroirequetunem’enaiespasparléalorsqueje

saiscequeturessenspourlui!J’étaislàquandtuétaisbouleverséeparceque tu l’avais embrassé et qu’il n’avait pas l’air intéressé, dit-elle d’unevoixcassée.Jesuisl’unedetesmeilleuresamies,etmoi,jesuistoujourslà.Jesuistoujoursvivante.Pourtant,tunem’enaspasparlé.Tunem’aspasparléd’unechosetrèsimportantepourtoi.

Seigneur.Moncorpstoutentiertremblait.Jenem’étaispasattendueàavoircetteconversationavecelle.

—Jen’avaispasenvied’enparler.Enfin,si.J’aivouluvousappeler,Daryet toi, à l’instantoùSebastianm’aavoué ses sentiments,mais j’aiencoredumalàycroire.Sadéclarationsortunpeudenullepart.Jenesais pas s’il est sincère ou s’il dit ça à cause de… ce qui s’est passé,m’empressai-je d’ajouter. Et puis je ne me sentais pas de parler deSebastianaprèsça.

—C’esttoutleproblème,Lena.Tun’espaslaseuleàavoirsouffert.D’accord,tuétaisdanslavoitureetjen’aipaslamoindreidéedecequetu as vu ou vécu. Pas la moindre. Et tu sais pourquoi ? Parce que turefusesd’enparler.TuneteconfiespasàDary…

—Jesuisrevenueaulycéeaujourd’hui,luifis-jeremarquer,lagorgenouée.Çafaitseulement…

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—Troissemainesetdeuxjoursquevousavezeucetaccident.Jesais,rétorqua Abbi en respirant fort. Je sais parfaitement quand sont mortsMegan,Cody,PhillipetChris.Etjemerappelletrèsbienquej’aicruquetuallaismourir,toiaussi.

Jeprisunegrandeinspiration.—Abbi…Savoixsemitàtrembler.—Est-cequetuenasconscience?Est-cequetucomprendsqu’ona

touscruquetuétaismortedanscettevoiture?Ouquetuallaismouriràl’hôpital,commeCody?Qu’avecDaryetSebastian…(Elleledésignadudoigt.)Onavaitpeurdeça?Etquandonaapprisquetuétaisvivante,tun’asmêmepasdaignénousvoir!

Deslarmesmebrouillaientlavue.—Jesuisdésolée,murmurai-je.(Jenesavaispasquoidired’autre.)

Jesuisdésolée.Matête…Je…Abbilevalamain.—Jepeuxcomprendrequetuneveuillespasparler.Jepeuxmême

comprendrequetun’aiespasenviedediscuterdechosestriviales.Jesuisdésolée,jeneveuxpasêtreméchante.Jesaisquec’estdifficilepourtoi.Mais pour moi aussi ! Et pour Dary, Sebastian, Keith et toute l’écoleaussi!Enrevanche…(Elleserralespoingset levalatêteverslecielencomptant jusqu’à cinq à voix basse.)Ce que je ne comprends pas, c’estcomment tu t’es retrouvée dans cette voiture, Lena. Comment tu as pulaisser Cody conduire s’il était bourré. Tu n’as rien bu. J’étais avec toiavant que tu partes. Tu n’avais pas une goutte d’alcool dans le sang.PourtanttuesmontéedanscettevoitureettuaslaisséCodyconduire.

Jereculaicommesiellem’avaitfrappée.Audébut,jenesuspasquoidire,puislechoclaissalaplaceàlacolère,unecolèrenoireetardentequiexplosaenmoicommeunvolcan.

—Meganettoi,vousêtesalléesàcettefêteavecChris,alorsquevouspensiezqu’ilétaitivre.Tu…

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—On le soupçonnaitd’avoirbu.Onn’enétaitpas sûres, rétorqua-t-elle,agacée.Etest-cequ’ilaquittélarouteettuéquatrepersonnes?Non.

Sa réponseme laissa bouche bée.Qu’aurais-je pu lui dire de plus ?Elleavaitraisonet,enmêmetemps,elleétaitcomplètementàcôtédelaplaque.Ellenesaisissaitpasàquelpointelleavaitdelachancedesetenirenviedevantmoi.Àquelpointnousavionstouteslesdeuxdelachance.

— Hé ! Tout va bien ? demanda soudain Sebastian qui nous avaitrejointes.

Il posa lamain contremes reins et porta son attention sur Abbi. Ilavaitlamâchoirecrispéeetleregarddur.

—Oui, dit Abbi avant de prendre une grande inspiration. Tout estparfait.Àplus.

Les épaules tendues, je l’observai se retourner et s’éloigner vers savoiture.Abbiavaitmenti.

Toutn’étaitpasparfait.Aucontraire.

Unefoisrentréechezmoi, j’entendismonportablesonnerdansmonsacàdos.Jesortismontéléphone.C’étaitmonpère.

—Ilnemanquaitplusqueça,marmonnai-jeenraccrochant.Jen’avaispaslaforcedeluiparler.Aussimetraînai-jejusqu’àmachambreetpassai-jel’heuresuivanteà

fairemesdevoirs.Dumoinsessayai-je,carjen’arrêtaispasdepenseràcequ’Abbi et le Dr Perry m’avaient dit. Quand ma mère rentra, je merésignaiàdescendrelarejoindre.Elleétaitentraindeposersonsacsurlatabledelacuisine.

—Alors,commentças’estpassé,aulycée?— Bien. (Jem’assis à la table.)Même si j’aurais préféré qu’onme

préviennequej’avaisrendez-vousavecunpsy.Mamèreretirasaveste.— Je ne t’en ai pas parlé parce que je savais que ça n’allait pas te

plaire et parceque jene voulais pas que tu t’inquiètes avantmêmed’y

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aller.Lajournées’annonçaitsuffisammentdifficilesansquej’enrajoute.— Tu aurais mieux fait de me le dire, histoire que je me prépare

psychologiquement.Ellefitletourdelatableetvints’asseoiràcôtédemoi.—Lelycéem’acontactéelasemainedernièrepourmeparlerdeleur

cellule psychologique. J’ai pensé que ce serait une bonne idée que tuparlesàquelqu’un.

—Jen’ensuispassisûre,marmonnai-je.Mamèresouritlégèrement.—Ilfautquetut’ouvresàquelqu’un.J’auraispréféréquecesoitmoi,

maisceserasansdouteplusfacileavecuninconnu.(Elles’interrompit.)Dumoins,c’estcequeleDrPerrym’adit.

Jemepassaiunemainsurlevisageetfermailesyeux.— Est-ce que… Est-ce que tu lui as répété ce que j’ai avoué à la

police?—Jeluiaidittoutcequ’ilavaitàsavoir,répondit-elleenmeprenant

lamaingauche.Touslessujetsquetudevaisaborderaveclui.Jelibéraimamainetmelevai.Lacolèrequej’avaisressentieplustôt

enversAbbim’envahitdenouveau.—Jen’aipasenvied’enparler!C’estsidifficileàcomprendre?Ouà

respecter?Mamèremeregardadanslesyeux.—Danscettesituation, respecter tavolontén’estpas forcémentune

bonnechose.— Quoi ? m’exclamai-je en me retournant. Ce n’est même pas

logique!Çaneveutabsolumentriendire!Je me dirigeai vers l’escalier, bien décidée à aller bouder dans ma

chambre.—Lena.Jen’avaispaslamoindreenviedem’arrêter,maisjelefis,aubasdes

marches.—Quoi?

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—Jenet’enveuxpas.Jemecrispai.Mamèresetenaitdansl’entrée.Lorsqu’ellecroisalesbras,sonvieux

chemisier bleu usé se tendit sous le geste. Je repensai à ce que Lorim’avaitdit.D’aprèselle,mamèresedébrouillaitbien,financièrement.Sic’étaitlecas,pourquoin’achetait-ellepasdenouveauxchemisiersaulieudeprendresoindesanciensàl’excès?

—Audébut, j’étaisénervée.Biensûr, j’étais rassuréeque tusoisenvie,mais je t’en voulais parce que tu avais pris unemauvaise décision.C’estfini.Jesuistoujoursaussibouleverséeparl’accidentetcequetuastraversé,maisjenet’enveuxplus.

Jemecontentaideladévisager.Commentpouvait-elledireunetellechose?Commentpouvait-ellenepasm’envouloir?

Ellepritunegrandeinspiration.—Jevoulaisquetulesaches.Jecroisquetuenasbesoin.Je ne savais pas quoi dire. Mes genoux étaient sur le point de me

lâcher.Mamèrenem’envoulaitpasetcelanemeplaisaitpas.Elleauraitdûmedétester.

Je me dépêchai de monter l’escalier avant qu’elle ne reprenne laparole.Jefisclaquerlaportederrièremoi.Enferméedansmachambre,jefissemblantdemeconcentrersurmesdevoirsetnedescendisaurez-de-chausséequepourledîner…parcequej’avaissentiuneodeurdepouletgrillé.

Riennepouvaitm’empêcherdemangerdupouletgrillé.Il était un peu plus de 19 heures lorsque j’enfilaimon pyjama : un

shortavecunvieuxdébardeur.Unecouverturesurlesjambes,j’étaisbiendécidéeàreprendremesdevoirs,maisjem’assoupisavantmêmed’avoirouvertmon livre d’Histoire. Ce ne fut pas un sommeil reposant. Jemeréveillaistouteslesquinzeminutes.J’ouvraisdenouveaulesyeuxlorsquej’entendisuneporteserefermer.Jetournailatêteendirectiondubalcon.Uncourantd’airétonnammentfroidparvintjusqu’àmoi.

Sebastianentradanslapiècesansunmot.

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Avecungrognement, jesortisunemaindesous lacouvertureetmefrottailevisage.

—Tusais,cen’estpastrèslégalderentrerchezlesgenscommeça.—Mais si, répondit Sebastian en venant s’asseoir surmon lit. C’est

unemarquedegalanterie.Jebaissailamainetfronçailessourcils.—Commentça?—Je t’évitede te leverpour aller ouvrir laporte. (Ilme fit un clin

d’œil.Pourquoiétait-ilaussisexy?)Jenepensequ’àtoi.Levant les yeux au ciel, je me déplaçai de manière à ce que mes

jambespointentverslui.—Situledis.Etsijen’avaispasenviedetevoir?—Tuauraisfermélaporteàclé,merépondit-il.Situneveuxpasme

voir,tun’asrienàfairedeplus.Ilavaitraison.Jenel’avaispasfait,parcequej’avaisenviedelevoir.

Jelevoulaisici,avecmoi,alorsquejen’auraispasdû.Danstouslescas,ilétaithorsdequestionquejel’avoue.

—Tuempiètessurmaliberté.Sebastian rejeta la tête en arrière et rit à gorge déployée. Très fort.

J’écarquillailesyeux.—Chut!(Jemetournaivivementversmaporteclose.)Mamèreva

t’entendre.—Jesuisàpeuprèssûrqu’elleestaucourantquejevienstevoirtous

lessoirs.C’étaitplusoumoinscequem’avaitditLori.—Çam’étonneraitqu’ellesachequeturestesdesheures.—Non, sansdoutepas. (Il se laissa tomber sur le lit, la tête sur les

coussinsàcôtédemoi.)Tudormaisdéjà?Iln’estque21heures.—J’étaisfatiguée.Lajournéeaété…Jem’interrompis.Commentaurais-jepudécrirecequej’avaisvécu?—Elleaétéquoi?(Commejenerépondaispas,ilinsista.)Elleaété

quoi,Lena?

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Jesoupiraibruyammentpourluifairecomprendrequ’ilm’ennuyait.— Difficile ! J’ai l’impression d’être unemamie de quatre-vingt-dix

ans.J’avaisenviedefairelasiesteaprèslacantine.Mescôtesm’ontfaitmaltoutelajournéeetjenepouvaispasprendremesmédicaments,sinonjemeseraisendormieencours.

—Et?mepressaSebastianquandjem’arrêtai.—Etc’étaitdifficile,c’esttout.Sebastian demeura silencieux. Je savais qu’il attendait que je

continue.Plusieurssecondess’écoulèrentavantquejereprennelaparole.—J’étaiscenséeavoircoursd’écriturecréativeavecMegan.C’était…

(J’avaisunebouledans lagorge.)C’étaitétrangedenepas laretrouveren cours et à la cantine. Je n’ai pas arrêté d’attendre qu’elle viennes’asseoir. Et ne pas aller à l’entraînement m’a fait bizarre. J’ai eul’impressiond’avoiroubliéquelquechosetoutelasoirée.

—Pareilpourlesgarçons.(Sebastiancroisalesbrassursontorse.)Jem’attends toujours à entendre Chris jeter des poids dans la salled’entraînement.ÀentendrePhillipsemoquerdesautres.OuàvoirCodyàcôtédemoi,pendantlesentraînements.

Nous étions confrontés à des pertes terribles. Tant de chosesn’auraientplusjamaislieu.Jefiscourirundoigtlelongdemonplâtreetinspiraidoucement.

—Onm’aobligéeàvoirunpsychologue.—Moiaussi,répondit-il.Jecroisquelamoitiédesélèvesdedernière

annéeyestpassée.Jeleregardaiencoin.—Jedoislevoirtroisfoisparsemaine.Jenelusaucunjugementsursonvisage.—Çateferasansdoutedubien.Jen’enétaispasaussisûrequelui.—Tuluiasparlé?Vraimentparlé,jeveuxdire?luidemandai-je.Ilneréagitpastoutdesuite.

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—Oui. Çam’a aidé. (Son regard rencontra lemien.) Et ça t’aideraaussi.

Sauf que Sebastian ne portait pas le poids de la culpabilité quimerongeait.

—Qu’est-cequis’estpasséavecAbbi,toutàl’heure?medemanda-t-ilenroulantsurlecôtépourmefaireface.

Mesépauless’affaissèrent.Labrûlurefamilièredeslarmesmenoualagorge.

—Rien.—J’aipourtantl’impressiond’avoirinterrompuquelquechose.Vous

aviezl’airénervées.(Sebastianm’attrapalementonetmeforçaàtournerlatêteverslui.)Parle-moi,Lena.

Jebaissailesyeux.Lecontactdesesdoigtsmeréchauffalapeau.—Elle…Elleestencolèreaprèsmoi.—Pourquoi?medemanda-t-ilenmelibérant.Samainglissalelongdemamâchoire.Unfrissonmeparcourut.—Parcequeje…Parcequejelatiensàdistance,admis-jeenfermant

lesyeux.(Ilmecaressaitlescheveux.)Jenemeconfiepasàelle.Cen’étaitpaslaseuleraisondesacolère,maisjenepouvaispasme

résoudreàluiparlerdelaseconde,pasquandilmetouchaitainsi.—Jenefaispasexprès.C’estjusteque…Jemesensresponsable.Samainsefigea.—Lena,tun’espasresponsable.Cen’estpastoiquiconduisais.MonDieu.Ilnesavaitpas.Ilnesedoutaitderien.J’allaism’écarter

quand ilme retint. J’ouvris les yeux.Sesdoigts glissèrentdemanuquejusqu’àl’espaceentrenosdeuxcorps.

Sebastianétaitallongésurleflanc,àcôtédemoi,latêtesoutenueparsonbrasplié.Ainsi, ilmedominaitpresque. Il yavaitquelquechosedetrèsintimedansnospositions,commesinousnousétionsretrouvésainsides centaines de fois. Et c’était le cas, mais ce qu’il m’avait avoué lesamedi précédent changeait tout. Nous n’étions plus seulement deuxmeilleurs amis allongés côte à côte sur un lit. Il n’était plus seulement

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monvoisin.Peuimportaitcequisepasseraitàpartirdemaintenant,nousne pourrions plus jamais revenir en arrière, et même si c’était ce quej’avaisdésirépendantsilongtemps,j’étaismortedepeur.

—Lena,murmura-t-il.Entreseslèvres,monprénomressemblaitàuneprière.—Jeneveuxplusparler,dis-je.Je…Jeveuxqueturestesici,maisje

neveuxplusparler.Il comprit tout de suite. Son regard changea. Un éclat vif remplaça

l’inquiétude. Il semordit la lèvre inférieure.Enun instant, l’atmosphèredelapiècesetransforma.Cefutradical.J’étaissurlepointdepleureretdem’enfuirquelquesinstantsauparavant,etvoilàquejemeretrouvaisaubordd’untoutautreprécipice.

Sebastianm’avaitditqu’ilm’aimait…qu’ilétaitamoureuxdemoi.Etmoi,jel’aimaisdepuis…depuistoujours.Jen’avaispas l’impressionde lemériter,pasplusquecette seconde

chancequis’offraitàmoi.Jen’auraispasdûavoir ledroitdesentirmarespirations’accéléreroucettechaleursoudainesubmergermessens.

Peut-être ne m’aimait-il pas de cet amour magnifique etinconditionnel que je lisais dans les romans qui jonchaient chaquecentimètrecarrédemachambre?Cettechaînequiconnectaitdeuxâmesentreelles, ce lien indestructiblequi survivait auxcirconstances lesplusterribles et aux décisions les plus difficiles. Il était clair que Sebastianpensait m’aimer, mais face à l’épreuve, il était courant de croire etd’éprouver des choses qui n’existaient pas vraiment. Avec le temps, cessentiments s’évanouissaient en même temps que la douleur diminuait.Puislaviereprenaitsoncours.

Pour l’instant, je n’avais pas envie de réfléchir à ce qui nous avaitamenésàcettesituationniàcequisepasseraitaprès.Jenevoulaispaspenserdutout.J’avaisseulementenviedemelaisserporterparl’incendiequis’étaitéveillédansmonbas-ventre,parcettedifficultéàrespirerquin’avaitrienàvoiravecmescôtesetmespoumonsblessés.

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Peut-être réagissais-jeainsi à causedemon retourau lycée?OudemonentretiensurpriseavecleDrPerry,pendantlequelilm’avaitannoncéqu’il était au courant de tout ? Cela aurait aussi pu être lié à madiscussion avec Abbi, qui savait que j’avais quitté la fête suffisammentsobrepourfairelebonchoix…Àmoinsquecenesoitàcausedecequem’avaitditmamère.

OuparcequeSebastianm’avaitavouéqu’ilm’aimait.Ouunmélangeinextricabledetoutescesraisons,mais…nepouvais-

jepas,jenesaispas,fairesemblantl’espaced’uninstant?Fairecommesitoutn’étaitquedansmatête?Moncœurbattaitàtoutrompre.Mesyeuxdescendirent le long de sa pommette jusqu’à la cicatrice qui barrait salèvresupérieure.

Je levai la main pour le toucher, mais m’interrompis à la dernièreminute.

Unlégersourireétiraseslèvres.— Tu peuxme toucher, si tu veux. Tu n’as pas àme demander la

permission.Je voulais le toucher. J’en mourais d’envie, mais j’hésitais. Si je le

touchais, jene faisaisplus semblant.Cen’étaitplus seulementdansmatête.Commentallais-jem’enremettre,après?

Sontorsesesoulevacommeilprenaituneprofondeinspiration.—J’aimeraisquetumetouches.J’eneuslesoufflecoupé.Alors,d’ungestehésitant,jeposailamainsursajoue.Quandjesentis

un frissonparcourir soncorpsmusclé, j’éprouvaiunplaisiretune fiertéimmenses. Son visage était doux. Sa barbe commençait à peine àrepousser.Jefisglissermesdoigtslelongdesajoueetpassaimonpoucesursalèvreinférieure.Il inspirasoudainetjefrissonnai.Jecontinuaidesuivrelecontourdeseslèvresavecmesdoigts,sentantlarugositédesacicatrice.Ilfermalesyeux.

Pendanttoutescesannées,jenel’avaisjamaistouchédecettefaçon.Jamais.J’étaisperduedanscemoment,dansl’instant.Mamaindescendit

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le longde sagorge.Mesdoigtseffleurèrent sonpouls.Soncœurbattaitaussivitequelemien.

Jecontinuai.Je posai la main à plat sur son torse. Le son qu’il émit était à mi-

cheminentrelegémissementrauqueetlegrognement.C’étaitcommesij’avais laissé tomber une allumette dans une flaque d’essence. Un feuardent s’était allumé. Enhardie par ses réactions, je poursuivis moncheminplus bas, le longde ses pleins et ses déliés. Sesmuscles étaientdurs et ciselés, comme je l’avais imaginé en les regardant et en leseffleurantparmégarde.

Maisaujourd’hui,jenemecontentaispasdeleseffleurer.Jeprenaismontemps.Jecaressaisesabdosavecundoigt,puisdeux,

lestraçantcommepourlesapprendreparcœur.Jedescendisencore.Jefisletourdesonnombril,puism’aventuraiplusbas.Ilportaitun

basdepyjamaenflanelle.Iltrembladenouveauets’approchaencore.Sacuisseétaitcolléeàlamienne.

Onn’apasledroit.Je ne méritais pas d’avoir tout ça, pourtant j’étais incapable de

m’arrêter.Lentement,jerelevailatêtepourleregarder.Ses yeux bleus avaient la couleur de toutes cesmers que je n’avais

jamais vues en vrai, mais que j’avais entourées sur la mappemondeaccrochée au-dessus demon bureau. Pendant que j’explorais son corps,nosvisagess’étaientrapprochés.Nossoufflessemêlaient.

Sansréfléchir,jefranchisladistancequinousséparait.La sensationde sa bouche contre lamienne fut aussi électrisante et

remarquablequelapremièrefois.Peut-êtreplusencore.Lapressionétaitdouce,tendre.Meslèvresbougeaientlentementcontrelessiennes.

Quand il posa la main sur ma nuque, je laissai échapper ungémissement qui me surprit moi-même. J’ouvris la bouche et alors, lecontrôlequeSebastianavaitsurluicédaetilm’embrassapleinement.Detoutsonêtre.Moncœurallaitexploser.Salanguevintàlarencontredela

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mienne.Elleavaitungoûtdementheetd’unesaveurquiluiétaitpropre.Ma main descendit vers sa hanche et l’agrippa pour l’intimer de serapprocher,maisavecmescôtesetmonplâtre,c’étaitimpossible.

Ilcontinuadem’embrasser,deboiremessoupirs.Quandils’écarta,ilme mordilla la lèvre inférieure. Je gémis. Puis il déposa des baisersjusqu’àmagorge.Jerejetai la têteenarrièrepour lui faciliter l’accès. Illécha et suça ma peau, surtout ce point sous mon oreille qui faisaitonduler mes hanches et fléchir mes orteils. Lorsqu’il m’embrassa denouveauetquenoslanguesseretrouvèrent,leseulsonquel’onpouvaitentendredanslapièceétaitnotrerespirationaffolée.

J’ignore combien de temps on resta là, à s’embrasser. J’eusl’impression que ça durait une éternité. Chaque fois qu’on se séparait,c’était pourmieux se retrouver. Ce n’était pas un jeu.Ni lui nimoi nefaisions semblant. De simples amis ne s’embrassaient pas ainsi. Ils nes’accrochaientpasdésespérément l’unà l’autre commenous le faisions.Mesdoigts s’enfonçaientdans seshanches et ilme tenait par lanuque,comme pourm’empêcher dem’échapper alors que je n’en avais pas lamoindreenvie.

Oncontinuades’embrasser.Jusqu’àplussoif.Lorsqu’ilfinitpars’écarter,jeposailefrontsursonépaule.Lesouffle

court, j’agrippai le tissu de son tee-shirt. Pendant un longmoment, onrestaainsi,l’uncontrel’autre.Puisils’allongeadenouveausurlecôtéetme caressa doucement le dos. Son souffle chaud dansait sur ma joue.C’étaitapaisant.

Lerestedelanuitsepassaensilence.

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CHAPITRE21

Un poster stupide était accroché au mur. C’était une photo deparachutistesquisetenaientlamainenpleinechuteavecpourlégende:«Letravaild’équipe».

Il n’y avait qu’un lycée pour choisir des gens qui sautaientvolontairement dans le vide pour illustrer le travail d’équipe.Personnellement,cegenred’équipesnemefaisaitpasrêver.

LeDrPerryattendaitquejerépondeàsaquestion.Ilavaitprocédédelamêmefaçonlesmercredietvendrediprécédents.Nousétionslundi,lepremierjourdemadeuxièmesemained’école.Rienn’avaitchangéetenmêmetemps,toutétaitdifférent.

La question d’aujourd’hui n’était pas la même que la semaineprécédente.Jusqu’àprésent,ils’étaitconcentrésurmonretouraulycéeetsur la possibilité d’assister à l’entraînement de volley alors que je nepouvais rien faire. Je n’avais pas répondu à ce dernier problème, toutcomme j’évitais de parler àM.Rogers. Ilm’avait demandé comment jeréagissaisà lacuriositémorbidedecertainscamarades.Comment jemesentaisenclasse.Ilm’avaitparlédel’accident.Pasdecequ’ilyavaitdansmondossier,maisdeladifficultéàsedétacherdelaculpabilitéd’êtrelaseulesurvivanteetdel’importancedecontinueràvivre.

Cette semaine, ilm’avaitdemandési jemesentaisprêteàallervoirlestombesdemesamiscar,selonlui,ils’agissaitd’uneétapeimportantedu deuil. Je ne voulais pas lui répondre et enmême temps, jemouraisd’enviedemeconfieràlui,carjenepouvaispaslefaireavecmesamis,

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surtoutpasavecAbbi,quisemblaits’êtremisdans la têteque j’étaisunêtrehumainexécrable.Etmêmesijepartageaissonavis,cen’étaitpaslecontexte idéal pour m’ouvrir à elle. Je n’avais pas non plus parlé àSebastian,pasmêmeaprèslesbaisersquenousavionséchangéslemardisoir.

Jepassailapaumedemamaindroitesurl’accoudoirdemachaise.— Je ne veux pas penser à eux de cette façon, répondis-je au bout

d’unmoment,sansquitterdesyeuxleposterdesparachutistesaccrochéderrièrelui.(Ilsportaienttousdescombinaisonsdecouleursdifférentes.Ilsmefaisaientpenseràuneboîtedecrayonsdecouleur.)Quandjepenseà Megan, je la vois assise dans ma chambre en train de me parlerd’émissions qu’elle regardait. L’idée de me rendre au cimetière où ilssont…(Jefrissonnai.)J’ensuisincapable.

LeDrPerryhochalentementlatêteetportasatasseàseslèvres.Le« meilleur Papa du monde » avait été remplacé par une photo d’ElvisPresley.

—Tun’aspasencoredépasséletraumatismedel’accident.Tantquetunel’auraspasfait,tunepourraspasfairetondeuil.

J’enroulaimesdoigtsautourdel’accoudoir.—Jepeuxt’yaider.Qu’est-cequetuendis?Jereportaimonattentionsurluietprisunegrandeinspiration.— J’aimerais surtout, plus que tout au monde, que les choses

redeviennentcommeavant.—C’est impossible, Lena.Onne peut pas revenir en arrière. Il faut

quetul’acceptes.Quoiqu’ilarrive,tesamisnereviendrontjamais…—Jelesais!lecoupai-je,frustrée.Cen’estpascequejevoulaisdire.—Alors,queveux-tudire?medemanda-t-il.— Je… veux redevenir celle que j’étais, parvins-je à articuler.

(Soudain, ce fut comme si j’avais ouvert une vanne et un torrent deparolesm’échappa.)Jeneveuxplusêtrecellequejesuismaintenant.Jene veux plus y penser toute la journée. Même quand je pense à autrechose,jemesensmalparcequejen’aipasledroitd’oublier.Jeneveux

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plusvoircetteexpressionsurlevisagedemamère.Jeveuxrecommencerà jouer au volley parce que je… j’adorais ça,mais l’idéeme révolte, àcausedeMegan. Jeneveuxpluspasserdu tempsavecmesamisetmedemander ce qu’ils pensent réellement de moi. Je ne veux pas qu’ilss’imaginentquejenesaispasquel’accidentaététerriblepoureuxaussi.Je veux croire que Sebastian m’aime vraiment et pouvoir l’aimerlibrement en retour. (J’ignorais s’il comprenait ce que je disais, n’étantpassûred’yparvenirmoi-même.)Jeneveuxplusressentirtoutça.Maisjesaisquec’est impossible.Quand jemeréveilleraidemain, rienn’aurachangé.Jen’enpeuxplus.

Ilplissalesyeux.—Commentvois-tutonfutur,Lena?Je me laissai retomber contre ma chaise. Mes côtes m’élancèrent

aussitôt. Je grimaçai. La douleur n’était plus aussi présente, mais meheurteràunechaiseenboisn’étaitdéfinitivementpasunebonneidée.

—Quevoulez-vousdire?—Oùtevois-tudansunan?—Jenesaispas.(Quelleimportance?)Àlafac,jesuppose.— Pour étudier l’histoire et l’anthropologie ? me demanda-t-il. J’ai

discuté avec ton conseilleur d’orientation. Ilm’a parlé desmatières quit’intéressaient.

—Oui.Voilà.Jeferaiça.—Etdanscinqans?Oùtevois-tu?Unsoudainagacementm’envahit.—Qu’est-cequeçapeutfaire?—C’estimportant,carsitun’acceptespasdefaireuntravailsurtoi-

mêmeaujourd’hui,danscinqans,tuenserastoujoursaumêmepoint.Mesépauless’affaissèrent.Cinqans,çameparaissaituneéternité.—Est-cequetuveuxdépassertontraumatismeettondeuil?Est-ce

quetuveuxtesentirmieux?medemanda-t-il.Fermantlesyeux,j’acquiesçaiensilence,maisaufonddemoi,jem’en

voulais.Jem’envoulaisdesouhaiterallermieux.

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—Alorsilfautcommencerparletraumatisme,avantdes’attaqueraudeuil.Aprèsça,jeteprometsquetuirasmieux.(Ils’interrompit.)Maisjenepeuxpas faire le travail à ta place. Il va falloir que tu sois honnête,mêmesilavéritétemetmalàl’aise.

J’ouvrislesyeux.Leslarmesmebrouillaientlavue.—Jene…Jenesaispassij’ensuiscapable.—Tuesensécurité ici,Lena.Personnenete jugera, insista-t-ilavec

douceur.Pourallermieux,tuvasdevoirrevivrecettefête.Tuvasdevoirparlerdecedonttutesouviens,decequis’estréellementpassé.

—Tun’aspasfaim?JeclignailesyeuxetrelevailentementlatêteversSebastian.Ilétait

assisdetraverssurlachaisevoisinedelamienne.L’undesesbrasétaitposésurlatable,l’autresursesgenoux.Leboutdesesdoigtseffleuramacuisse.Moncorpsréagitaussitôt.Unechaleursoudainecaressamapeauet le désir et l’excitation se répandirentdansmes veines.Nousnenousétions plus embrassés depuis mardi soir. Pourtant, il venait me rendrevisitetouslessoirs,etlematin,ilcontinuaitdem’emmeneraulycéealorsquejepouvaisconduire.Àmidi,ils’asseyaitàcôtédemoiàlacantineetme touchait de temps en temps. Il posait lamain surmon bras oumataille,ilm’effleuraitlebasdudosoulanuque.

Jevivaispourcesmoments…mêmesij’avaisconsciencequejen’enavaispasledroit.

—Quoi?demandai-je.Jen’avaispaslamoindreidéedecequ’ilm’avaitdit.— Tu n’as pas touché ton repas, dit-il en désignant mon plateau.

Enfin,sionpeutappelerdelasaladeunrepas.Delasalade?Surprise, jebaissailesyeuxversmonassiette.Ahoui.

Elleétaitpleinede feuillesvertes.Jenemesouvenaispasd’avoirchoisiça,mais ce n’était pas surprenant. Depuisma séance avec le Dr Perry,j’étaiscomplètementdéphasée.Lesimplefaitdesavoirquej’allaisdevoir

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luiraconterl’accidentlemercredisuivantmemettaitsensdessusdessous.Lamatinéeétaitpasséesansquejem’enaperçoive.

Ils’attendaitàcequejeparledecesoir-là.Sanstabou.Etj’ignoraissij’enétaiscapable.LeDrPerryétaitdéjàaucourant,biensûr.Abbiaussi.Quandjeregardaismesamis,jenepensaisqu’àça.EtlorsqueSebastianvenaitchezmoietfaisaitsesdevoirsàcôtédemoi,jen’entendaisqueçadansmatête.J’avaiségalementcesouveniràl’espritquandj’avaiscroiséJessica, la copine de Cody, dans le couloir entre deux cours. Elle nem’avaitpasremarquée,maismoi,jel’avaisvue.

LeriredeDarymeramenaàlaréalité.—Jemedemandaispourquoituavaisprisdelasalade.Jecroisqueje

net’aijamaisvueenmangersansbaconoupouletfrit.—Aucuneidée.Jejetaiuncoupd’œilàAbbi,assiseenfacedemoi.CommeDary,elle

avaitdelapizzadanssonassietteetcequiressemblaitàducoleslaw.Abbiavaitmangéseulementlamoitiédesapartdepizza.Elleétaiten

train de dessiner une rose sur la couverture d’un cahier. Ellem’avait àpeineadressélaparoleenclassedechimieetencoremoinsaudéjeuner.Sansdoutemefaisait-ellelatête.Maispouvait-onfairelatêteàquelqu’unquin’étaitpasvraimentlà?

J’observainotretable.Désormais,toutlemondesemélangeait.Avant,Abbi, Dary, … Megan et moi mangions toutes les quatre. Nous étionstoujours assises avec d’autres élèves, mais nous restions entre nous.Désormais,Sebastianetplusieursjoueursdefoots’asseyaientavecnous.

DontKeith.Il était à côtéd’Abbi. Jene l’avais jamais vu si silencieux. Lui aussi

avait changé. Il n’étaitplus exubérant commeautrefois. Il continuaitdejoueraufootetj’avaisentenduAbbidireàDaryplustôtdanslasemaine,avantqueKeitharriveàlacantine,qu’ilavaitétéréprimandépendantunmatchparcequ’ils’étaitmontréviolentsurleterrain.

Aujourd’hui, il gardait la tête baissée. De temps en temps, il sepenchaitversAbbietluimurmuraitàl’oreille.Ellerépondaitsurlemême

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ton.Sortaient-ilsensemble?Jel’ignorais.Jen’avaispasposélaquestion.Sebastianserapprochadavantage.Songenoutouchaitlemien.—Çava?medemanda-t-ilàl’oreille.— Oui. (Je m’éclaircis la voix et m’efforçai de lui sourire.) Je suis

fatiguée,c’esttout.Ilmedévisageaunmoment.Jesavaisqu’ilnemecroyaitpasetqu’il

m’interrogeraitplustard.— Tu travailles au Joanna’s ce soir, puisque tu ne joues pas ?

demandaDary.Jesecouailatête.—Euh,non.Cen’estpasprévu.Jevaisauvolleyd’habitude.—Tuvasquandmêmeassisteraumatch?Je secouai de nouveau la tête. Notre entraîneur m’avait laissée

tranquillelasemaineprécédente,maisjesavaisquecelanedureraitpas.Iltenaitàcequejevienneàl’entraînementaujourd’hui.

—Ça,alors!(Daryremontaseslunettessursonnezetjetauncoupd’œilautourd’elle.)Jecroisquejet’aitoujoursvuesoitenmatch,soitauJoanna’s!

—Oui…(JeregardaiSebastiancoupersonpouletrôtiendeux,puisenpetitsmorceaux.)Ilssonttoustrèsgentils.Etpatients.

—Qui?demandaDary.Jemeraclailagorge.—L’entraîneur,parexemple.Ilesttrèspatientavecmoi.Sebastian rassembla lesmorceauxdepouletqu’ilavait coupéset les

déposa sur ma salade. J’écarquillai les yeux. Venait-il de couper manourriturecommesij’étaisunegamine?

—Tiens,dit-il.Maintenant,tuasquelquechoseàmanger.—Cen’est toujourspasdupoulet frit, commentaDary en souriant.

Maisçafaisaitlongtempsquejen’avaisrienvud’aussimignon.

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Moi,jetrouvaisçaridicule.Etmignon,d’accord,parcequejesavaisqueSebastiancherchaitàme

faireplaisir.Unsouriretimideauxlèvres,j’attrapaimafourchette.—Etenplus,ilfautlanourrir,maintenant?demandaAbbi.Le rouge aux joues, je relevai vivement la tête.Abbimedévisageait

d’unairagacé.—Pardon?demandaSebastian.Abbihaussalesépaulesetsetournaverslui.—Elle se fait conduire.Ellenepeutallernullepart toute seule.On

doitfaireattentionàcequ’onditensaprésence…alors,jemedemandaissienplus,ilfallaitlanourrir.

Jemefigeai.Moncœur,mespoumons,moncerveau,toutsemitsurpause.

— C’est quoi, ton problème, Abbi ? demanda Sebastian d’une voixénervée.

En facedemoi, jevis l’expressiond’Abbi se fissurerunpeu,commeunedéchiruredanssonmasque.Savoixsefitrauque.

—C’estunequestionvalide.Jenedoispasêtrelaseuleàmelaposer.—Abbi,ditKeith.(Pourlapremièrefoisdepuisledébutdurepas,il

avaitparlésuffisammentfortpourquejel’entende.)Arrête.Àcôtédemoi,Darys’étaittendue.—Quoi?C’estuneadulte,non?rétorquaAbbi.(Lorsqu’ellereporta

sonattentionsurmoi,seslèvrestremblaient.)Ellepeuttrèsbienparleretmettreuntermeàtoutça!

J’eus un mouvement de recul, comme si elle m’avait frappée. Jecomprenais très bien ce qu’elle voulait dire. Elle neparlait pasde cetteconversation.Elleparlaitdecefameuxsoir.

Cefutlagoutted’eauquifitdéborderlevase.Jeme levaiet ramassaimonsacposépar terre.Sebastianessayade

me retenir, mais je ne l’écoutai pas. Lorsque je me redressai, je meretournaisansprononcertouscesmotsquimedémangeaient.

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J’étaisdanslecouloirquandDarymerattrapaetmepritparlebras.—Hé,attends!medit-elleenm’obligeantàm’arrêter.Çava?Jelevailesyeuxversleplafond.—Jevaisbien.SiAbbit’avaitentenduemeposerlaquestion,satête

auraitsansdoutefaituntourcomplet.—Abbi…—…secomportecommeuneconnasse? terminai-jeàsaplace.(Je

m’en voulus aussitôt. Fermant les yeux, je secouai la tête.) Pardon. Cen’estpasvrai.Elle…

—Elleadumalàgérerlasituation.(Darymeserralebras.)Maislà,elleaétéparticulièrementméchante.

Jerepoussailescheveuxquitombaientdevantmonvisageetjetaiuncoupd’œilàlaportedelacantine.

—Ellet’aditquelquechose?—Àquelpropos?—Àproposdemoi…àlafêtedeKeith?Darymelâcha.— Elle m’a dit que Sebastian et toi vous étiez disputés et elle m’a

aussiparlédeKeith.(Ellemarquaunepause.)Pourquoi?Visiblement,Abbineluiavaitpasconfiésesdoutes.—Parcuriosité.—Est-cequ’ilyaquelquechosequejedevraissavoir?medemanda-

t-elle.Lemoment était idéal. J’aurais pu avouer à Dary ce qu’Abbi savait

déjà. J’aurais pu lui expliquer pourquoi Abbim’en voulait autant.Maisquandj’ouvrislabouche,lesmotsmemanquèrent.

Plusieurs minutes s’écoulèrent. Dary passa un bras autour de mesépaules.

— Tout finira par s’arranger. Je sais que pour l’instant ça paraîtdifficileàcroire,maisçavas’améliorer.Tuverras.

Je ne répondis pas, car je savais que ce n’était pas parce que l’ondésiraitardemmentquelquechosequ’onl’obtenaitforcément.

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Daryposasatêtecontrelamienne.—J’aimeraisque leschoses redeviennentcommeavant,murmura-t-

elle.Megannereviendrapas.Ellenereviendrajamais.Maisnous,onestlà.Onpeutretrouvercequ’onavaitavant.J’ensuispersuadée.

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CHAPITRE22

Celundin’enfinissaitpas.Quand la dernière sonnerie de la journée retentit, je me rendis

directementàmoncasier.J’étaisplusqueprêteàrentrerchezmoi.Aussiregrettai-jedenepaspouvoirmecacherentremes livresetmescahierslorsquej’aperçusM.Rogerss’approcherdemoi.

Réprimantunarsenalde jurons, je fourraimon livredechimieaveclesautresetpriaipourqu’ilneviennepasmevoir.Aprèstout,peut-êtresebaladait-ildans lecouloir,audouxsondesclaquementsdeportesenmétaletdesconversationsbruyantes?

J’étais en train de récupérermon cahier d’Histoire quand j’entendisl’entraîneurm’appeler.Parmonnomentier.Ilnemanquaitplusqueça.

—Bonjour,luidis-jeenrangeantmoncahierdansmonsac.—Tu vas à l’entraînement ?me demanda-t-il en se postant devant

moi.Jen’étaispasprêtepourcetteconversation.J’auraispréférém’enfuir

loind’ici.Aulieudequoijesecouailatêtetoutenrefermantmonsac.— Je sais que tu ne peux pas jouer à cause de tes blessures, mais

j’aimerais que tu assistes à l’entraînement, Lena, dit-il. (Sans même leregarder, je savaisqu’ilavaitcroisé lesbras.)Ceseraitbienpour toi.Etpourl’équipe.

—Jecomprends,mais…(Lagorgenouée,jerefermailaportedemoncasier.)Jenepeuxpas.

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— Médicalement, tu ne peux pas rester assise sur un banc ? medemanda-t-il.

Jen’arrivaispasàdéterminers’ilétaitsérieuxousarcastique.Vusonexpressionimpassible,ilétaitsansdoutesérieux.—Jepensequejepourrais,maisje…jenevaispascontinueràjouer

auvolley.Ilhaussalessourcils.—Tuquittesl’équipe?L’estomacnoué,jehochailatête.—Oui.Jesuisdésolée,maisavecmesblessureset leretardque j’ai

prisenclasse,c’estsansdoutelameilleurechoseàfaire.M.Rogerssecoualentementlatête.—Tuesunmembreimportantdel’équipe,Lena.Onpeut…— Merci, l’interrompis-je en me dandinant d’un pied sur l’autre,

pendant qu’un groupe d’élèves nous dépassait. Et j’apprécie vos effortspourm’intégrer,maisjevaisraterdestasdematchsetd’entraînements.Jeneseraipascapablederetrouvermonniveauàlafindel’année.C’estmieuxainsi.

— Si on t’enlève ton plâtre à la fin du mois, tu pourras jouer enoctobreetdanstouslestournoisauxquelsonaccédera,contra-t-il.Tuasencoreunechancedetaperdansl’œild’unrecruteur.Tutesouviensdelaboursedontonaparlé?

—Megan aurait obtenu une bourse, répondis-je sans réfléchir. Ellen’enauraitpaseubesoin,maiselleenauraitdécrochéune.Pasmoi.

Lasurprisedéformasonvisage.—Toiaussi,tupourrais…—Cen’estplusdansmesprojets,coupai-jeenreculant.(Derrièrelui,

je vis Sebastian approcher. Je pris une inspiration tremblante.) Je suisdésolée,dis-jeenlecontournant.Lapersonnequimeramènechezmoiestlà.

Rogerssetournaversmoi.—Jepensequetucommetsuneerreur.

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Sic’étaitlecas,elleiraits’ajouteràlalistedetoutesleserreursquej’avaisdéjàfaites.

—Situchangesd’avis,viensmevoir,dit-il.Ontrouveraunesolution.Jenecomptaispaschangerd’avis,maisjehochaiquandmêmelatête

avantderejoindreSebastian.Sonregards’attardaàl’endroitoùl’entraîneurs’étaittenu.—Toutvabien?—Oui, évidemment, lui répondis-je en le laissantme prendremon

sac.Onpeutyaller.Ses yeux se posèrent surmoi et, l’espace d’un instant, je crus qu’il

allaitdirequelquechose,maisiln’enfitrien.Tandisqu’onmarchaitdanslecouloirensilence,jerepensaiàcequeM.Rogersm’avaitdit.

Mon estomac se noua davantage. Avais-je pris la bonne décision ?Danstouslescas,ilétaitdéjàtroptard.

Lesoirmême,jemeretrouvaiassiseàlatabledelacuisine,entraindepoussermespetitspoisdansmonassietteavecmafourchette.Parfois,j’avaisdumalàcroirequemamèrecontinuaitdem’enserviralorsqu’ellesavaitpertinemmentquejenelesmangeaispas.

Quandellem’avaitdemandécomments’étaitpassémonrendez-vousavecleDrPerry,jeluiavaisraconténotreconversation,sansentrerdanslesdétails.Ellem’avaitensuiteposédesquestions surAbbietDary, carellen’avaitplusvuAbbidepuisuncertaintemps.Jeluiavaismentienluidisant qu’Abbi était occupée. En revanche, elle ne me parla pas deSebastian,cequimeconfirmaqu’elleétaitparfaitementaucourantdesesvisitesnocturnes.Toutefois, jenecomprenaispaspourquoiellenedisaitrien.

—Lori pense rentrer ceweek-end,m’appritmamère en découpantunetranchedupaindeviandequiavaitmijotétoutelajournée.

—Ahoui?(Mêmesijen’avaispastrèsfaim,jeplantaimafourchettedanslaviande.)Çafaitbeaucoupderoute.

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—C’estvrai,maiselleaenviedetevoir.(Mamèremeregardadanslesyeux.)Elles’inquiètepourtoi.

Lemorceaudepaindeviandeeutsoudainungoûtamer.—Papaesttoujoursenville?Mamèresetenditlégèrement.—IladûrentreràSeattle,maisjesaisdesourcesûrequ’ilt’aappelée

etaessayédetevoiravantdepartir.Jehaussai lesépaules.Leplusdrôledanscette situation, c’étaitque

rienn’empêchaitmonpèredemevoirs’ilenavaitréellementenvie.Jenerépondaispasàsesappels,maisilauraittrèsbienpupasseràlamaison.Ilauraitpumevoir.J’avaisconsciencequemarancœuràcesujetn’étaitpaslogique.Aprèstout,jen’avaispasenviedelevoir.Jecrois.

Jenesavaispluscequejevoulais.—Ilreviendra,ditmamèreenreposantsonverre.PourThanksgiving.

Onferaundîner…—Etonferasemblantd’êtreunefamilleheureuse?J’avaisconsciencequejemecomportaiscommeunegamine.— Lena, dit ma mère d’un air exaspéré. (Elle posa sa fourchette.)

C’estunhommebien.Jesaisquevousavezdes…différendsàrésoudre,maisquoiqu’ilarrive,ilresteratoujourstonpère.

—Unhommebien?(Jen’arrivaispasàcroirequemamèreprennesadéfense.)Ilt’aquittée!Ilnousaquittéesparcequ’ilnesavaitriengérer.Rien!

—Machérie…(Ellesecoua la têteetposa lebrassur la table.)Nosproblèmesnevenaientpasseulementdelafaillitedesonentrepriseetdumanqued’argent.Ilyavaitd’autresfacteurs.J’aimaistonpèreet,quelquepart,jepensequejel’aimeraitoujours.

Les lèvres pincées, je levai les yeux vers le plafond. Je m’en étaistoujoursdoutée,maiscelam’énervaitqu’ellel’admettesiouvertement.

—Il fautquetucomprennesunechoseausujetdetonpèreetmoi,dit-elle en prenant une grande inspiration. Ton père, Alan, nem’aimaitpasautantquemoijel’aimais.

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Son ton était désinvolte, comme si elle ne venait pas de lâcher unevéritablebombe.

Jelaregardai,bouchebée.Lesyeuxrivéssursonassiette,ellesoupirabruyamment.—Jecrois…Non,jesais…Jel’aitoujourssu.Ilm’aimait.Iltenaità

moi,maiscen’étaitpassuffisant.Alanaessayé.Ilafaitdesonmieux.Jeneluicherchepasd’excuses,mais…ilnem’aimaitpasassezpourqueçafonctionne.

Je continuai de la dévisager. Je ne savais pas quoi dire, car… carc’étaitlapremièrefoisquej’entendaiscetteversiondesfaits.

—Ons’estmariéstrès jeunesquandonaapprisquej’étaisenceintedeLori.C’étaitcommeça,àl’époque.(Ellechoisitcemomentpourlâcherunedeuxièmebombe.)Tonpèrenevoulaitpaspartir,Lena.Ilmevoyait,il nous voyait, comme sous sa responsabilité. Et c’est vrai, il étaitresponsable de vous, mais pas de moi. Je voulais être son égale. Sapartenaire.

—Quoi?murmurai-je.Mafourchettefaillitmeglisserdesdoigts.—C’estmoiqui luiaidemandédepartir.C’estmoiquiaidemandé

qu’onsesépare.(Sonsourireétaittristeetunpeuamer.)J’aicruquelemettrefaceàcequej’avaistoujourssoupçonné,luidirequejesavaisqu’ilne m’aimait pas assez et lui demander de partir lui ferait prendreconsciencequ’ilsetrompaitetquesessentimentsétaientaussifortsqueles miens. (Son rire se fit cassant, comme du verre.) Je suis peut-êtreadulte, Lena,mais de temps en temps, je crois aux contes de fées. Luidemanderdepartirétaitmadernièrechance.J’espéraisqu’il…

—…seréveilleraitettomberaitamoureuxdetoi?demandai-jed’unevoixsuraiguë.

Y avait-elle vraiment cru ? Je fermai brièvement les yeux.Avait-elleréellementpenséqu’enluidemandantdepartirellevivraitheureusepourtoujours,commedansleslivres?

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—Oui.Aujourd’hui,jecomprendsqu’onnepeutpasforcerquelqu’unànousaimerdavantageenluifaisantpeur.Çanefonctionnepascommeça.

Jenesavaispasquoidire.— Je l’aime. Plus que tout.Mais dès que j’ai cessé demementir à

moi-même,notremariageétaitterminé.Jeme laissai tomber en arrière contrema chaise, lesmains sur les

genoux.—Pourquoi…pourquoinenousl’as-tupasdit?Sonpetitsouriretristes’évanouit.—Parfierté?Parcequej’avaishonte?Quandonadivorcé,tuétais

tropjeunepourcomprendre.Loriaussi.Cen’estpasfaciledeparlerdecegenredechoses,d’avoueràtesfillesquetuesrestéeaussilongtempsavecunhommequinet’aimaitpas.Pasvraiment.

— Mais je… (J’avais toujours cru que mon père avait fui sesresponsabilités.)Tuluiasdemandédepartir?

—C’était lameilleure solution. Je sais que j’aurais dû être honnêteavec vous, mais… (Elle s’interrompit et se tourna vers la fenêtre quidonnaitsurlejardin.Elleposalamainsursaboucheetclignarapidementlesyeux.)Danslavie,onnefaitpastoujourslesbonschoix.Êtreadultenesignifiepasêtresage.

Comme tous les soirs, la porte du balcon s’ouvrit un peu après20 heures. Cette fois, je ne dormais pas. Je regardaismon livre sans levoiretessayaisdelirelemêmeparagraphepourlacinquièmefois.Depuisledîner,jen’arrivaisplusàmeconcentrer.

Enmevoyant,Sebastiansouritd’unairamusé.—Sympa,tontee-shirt,dit-ilenrefermantlaportederrièrelui.—Ilestgénial,tuveuxdire!C’était un tee-shirt noir trop large avec un bébé Deadpool dessiné

dessus.Sebastianapprochadulitàgrandesenjambées.Monventreseserra.

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—C’estvrai,maisjepréfèrequandtuportesmonmaillotdefoot.Lerougeauxjoues,jerepoussailescheveuxquimetombaientdevant

levisage.—Jel’aijeté.—Situledis.(Ilselaissatombersurmonfauteuildebureaucomme

Abbiavaitl’habitudedelefairelorsqu’ellemeconsidéraitencorecommesonamie.)Qu’est-cequetuasfait,cesoir?

—Pasgrand-chose.Je leregardai lever les jambesetétendre lespiedssur le lit,prèsde

meshanches.Ilétaitpiedsnus.Jeposaimonsurligneursurmonlivre.—Ettoi?—Jesuisalléàl’entraînement,commed’habitude.(Ilcroisalesbras

sursapoitrine.)Oh,etj’aiprisunedouche.Jefusincapablederéprimerunsourire.—Bravo.Ilrejetalatêteenarrièreenriant.—Mavieestpassionnante.Tandis que je l’observais, je croisai son regard et on resta ainsi, les

yeuxdanslesyeux,unlongmoment.Unedoucechaleurserépanditdansmagorge,mapoitrine,puisplusbas.Beaucoupplusbas.Détournant leregard,jeprisunegrandeinspirationpourmecalmer.

—Aufait,euh…mamèrem’aapprisunenouvellefracassantecesoir.—Àquelpropos?— Elle m’a avoué pourquoi mon père était parti. (Je récupérai le

surligneurpourjoueravec.)Tusaisquej’aitoujourscruqu’ils’étaitenfuiparcequ’iln’arrivaitpasàgérersesresponsabilités?

—Biensûr.(Ilreposasespiedsparterreetsepenchaenavantpourm’accordertoutesonattention.)C’estpourçaqu’ilestparti,non?

Jesecouailatête.—Enfait,ilestpartiparcequ’iln’aimaitpasassezmamère.Enfin,il

l’aimait,mais il n’était pas amoureux d’elle. (Je lui répétai tout ce que

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m’avait dit ma mère tout en triturant le surligneur.) C’est dingue, pasvrai?

—Waouh.(Ilhaussalessourcils.)Qu’est-cequeturessens?Tonpèreettoi,vousn’êtespas…

Pasbesoindeterminercettephrase.J’enavaistoujoursvouluàmonpèredenousavoirabandonnées.Jelevailesmainspourlecouper.

— Je n’en sais rien. Je crois que je suis trop choquée pour être encolère.Commentest-cequemamèreapunouscacherlavéritépendantsilongtemps?Etenmêmetemps, j’aidelapeinepourelle.Jecomprendsqu’ellen’aitpaseuenvied’enparleràquiconque.

D’enparler,toutcourt.Cesentimentm’étaitfamilier.—J’aitropdechosesentêtecesjours-ci,avouai-je.J’ail’impression

qu’ellevaexploser.Mamèrenousa laissépenser,Lorietmoi,quemonpèreétaitunmoinsquerien.Enfin…ilaquandmêmeépouséquelqu’unqu’iln’aimaitpas,donciln’estpasparfaitnonplus,mais…jenesaispas.

—Ilesttempsdetechangerunpeulesidées.Il se leva, attrapamon livre, le referma et le posa surma table de

chevet.—Hé!m’exclamai-je,j’étaisentraindefairemesdevoirs!— Oui, oui. (Mon cahier, mon stylo et mon surligneur rejoignirent

monlivre.PuisSebastians’assitsurlelit,devantmoi,unejamberepliéesouslui-même,songenoutouchantmonmollet.)Onestlundisoir…

— Il paraît. (Je posai les mains sur mes genoux.) Merci de me lerappeler.Queferais-jesansteslumières?

Seslèvresseretroussèrentencoin.—Tusaiscequeçaveutdire?—Quejedevraisattendreunesemainepourvoirleprochainépisode

deTheWalkingDeadsilanouvellesaisonavaitcommencé?—Non,dit-ild’unevoixfaussementagacée.Jeleregardaiposerlamaindroiteprèsdemongenougauche.—Euh…Qu’il resteseulementquatre joursdecoursavant leweek-

end?

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—Aussi, oui. (Il se pencha légèrement en avant. Les battements demon cœur s’accélérèrent et tout à coup, mes problèmes de la journées’évanouirent.)Maislelundi,çaveutdireautrechose.Quelquechosedebeaucoupplusimportant.

—Quoi?Mesyeuxseposèrentbrièvementsurseslèvres.Jesentismonventre

setendre.Ilpenchalatêtesurlecôté.—Lelundi,onneparlepas.—Onneparlepas?répétai-jebêtement.Unedoucechaleurs’éveilladansmapoitrineetdescendit le longde

moncorps.Pensait-ilàlamêmechosequemoi?— Non. (Il s’approcha encore, à tel point que je sentis son souffle

danser contre ma joue.) J’ai décidé que le lundi était un soir sansdiscussion.Ettusaiscequeçasignifie?

Jeserrailepoing.—Non?—Qu’onvadevoirtrouverd’autresfaçonsdeseservirdenoslèvreset

denoslangues.Lesyeuxécarquillés,jetoussaipourdissimulermonrire.—Tuasvraimentosédireçaàvoixhaute?— Absolument ! Et je ne regrette rien. (Quand il pressa son front

contrelemien,jesursautai.)Jen’aimêmepashonte.—Ilfaudraitdéjàquetufassesquelquechose,pouravoirhonte.—Oh,jepeuxfairedestasdetrucs,répondit-ild’unevoixsuave.Mais

jenesaispassitulesupporterais…Unlégerrirem’échappa.—Sebastian…—Aujourd’huiestunlundiunpeudifférent.(Samaingauchetrouva

mamaindroiteetsesdoigtsfrôlèrentmapeau.)Jepeuxtemontrer?medemanda-t-il en les faisant remonter le long de mon bras, jusqu’à la

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manche de mon tee-shirt. (Un violent frisson me parcourut.) Tu veuxbien?

J’enmouraisd’envie,mais je…jepensaisàcequemamèrem’avaitdit pendant le dîner. Sebastian et moi étions amis depuis toujours. Oupresque.Jesavaisqu’iltenaitsincèrementàmoi,maism’aimait-ilcommejel’aimais?Depuisl’accident,ilmeconduisaitaulycée,s’assuraitquejemangeaiset faisaitpreuvedetoutessortesd’attentionsàmonégard.Cen’étaitpas toutà fait lamêmesituationquemesparents. Jen’étaispastombéeenceinte.Maisj’avaisfaillimourir.

—Est-cequejesuissoustaresponsabilité?—Quoi?medemanda-t-il.—Est-cequetuasl’impressiond’êtreresponsabledemoi?—Dansquelsens?Qu’étais-jeentraindeluidemander,aujuste?—Rien.Cen’estpasgrave.—Non.Jesuiscurieux.Queveux-tudire?Etmerde.J’auraismieuxfaitdemetaire.—Est-ce que tu t’occupes demoi parce que tu te sens obligé de le

faire,aprèscequis’estpassé?—Quoi?Non!Jem’occupedetoiparcequej’enaienvie.Il… Il avait bien répondu, mais cela ne changeait rien. Son front

bougeacontrelemienetsoudain,jesentissonsoufflecontremeslèvres.Jemouraisd’enviedemejetercontreluisanspenserauxconséquences.

—Tucroisquec’estraisonnable?—J’ensuis sûr. (Sesdoigts tracèrent lecontourdemamanche.)Je

pensequ’ilfautquetuarrêtesderéfléchir.JedoutaissérieusementqueleDrPerrysoitd’accordaveclui,maisje

metrompaispeut-être.Aprèstout,ilm’avaitditquejedevaiscontinueràvivre et faire face au traumatisme et au deuil… et personne ne medonnaitcommeSebastianlasensationd’êtrevivante.

Toutefois,jen’étaispascertainequeleDrPerryaitentêtelesbaisersd’ungarçonquandilmeparlaitd’allerdel’avant.

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Lorsque je reculai, je vis le visage de Sebastian se crisper. Il meregardadanslesyeux.

—Tusaiscequejeressenspourtoi.Moncœurfaillitbondirhorsdemapoitrine.—Seb…—Jet’aime,reprit-ilenposantlamaincontremanuque.(J’eneusle

soufflecoupé.Moncœursegonfla.)Jesuisamoureuxde toidepuisdesannées.

—Sebastian,lesuppliai-je,auborddeslarmes.— Je sais que pour l’instant tout semélange dans ta tête et que la

seulechosequejepuissefairepourtoi,c’estêtreàtescôtéspendantquetuguéris,pasàpas,maissacheque j’attendrai letempsqu’il faudra.(Ilpassa lamain dansmes cheveux.) S’il y a une chose dont tu peux êtresûre,c’estquecequejeressenspourtoiestbienréel,etcedepuis…

Moncœurbattaitsifortqu’ilmefaisaitsouffrir.—Ilfautquejetedisequelquechose.—Tun’espasobligéedemedirequoiquecesoit.—Tunecomprendspas,répondis-je,lagorgenouée.—Jen’enaipasbesoin.Sonpoucedescenditlelongdemagorgeenunecaresseréconfortante

etsensuelleàlafois.Jesecouaifaiblementlatête.—Pourquoimaintenant?demandai-jeencoreunefois.Pourquoi?—Parcequ’onétait tropstupidespour le faireavantetparcequ’on

estvivants.Maintenant.Jenesaispasquibougeaenpremier,luioumoi,ousionavançaau

mêmemoment,maisnosbouchessetrouvèrentsanshésitation.Pendantquejel’embrassais,mamainseposasursontorse,puisremontajusqu’àson épaule. Son baiser me consumait, allumait en moi un brasier quidévoraitmapeau,transformaitmesmusclesenlaveetmesosencendre.On se servait de nos langues et de nos dents. Andre nem’avait jamaisembrasséecommeça.Aucungarçonnem’avaitjamaisembrasséedecettemanièreetc’étaitaussieffrayantqu’excitant.

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Sebastianm’embrassaitcommes’iln’avaitpasl’intentiondes’arrêteret, sans m’en rendre compte, je me retrouvai allongée sur le dos. Ilm’avait aidée à basculer sur le lit avec beaucoup de douceur et deprécaution.

—C’estmontour,murmura-t-ilcontremabouche.Jen’avaispaslamoindreenviedel’arrêter.Sebastianselançadansuneexplorationtoutaussiminutieusequela

mienne, la semaine précédente. Ses lèvres tracèrent le contour desmiennes pendant que ses doigts descendaient le long de ma poitrinejusqu’àmonventre.Despapillonss’étaientréveillésenmoietleursailesbattaientfollement,enrythmeavecmoncœur.Samainglissasousmontee-shirt,contremonventre.

Quandilrelevalatête,unequestiondanslesyeux,jehochailatête.Alors, laquestionsetransformaenpromesseet la tensionfut…presqueinsoutenable.

Pendant que ses doigts remontaient lentement, légers comme uneplume, jusqu’à mes côtes, je m’accrochai à lui, à ses cheveux les pluslongs. Quand sa main monta encore plus haut, je hoquetai contre sabouche.Lesonquis’échappadeseslèvresmefitmecambrerdavantage.J’avaismalauxcôtes,maisjem’enmoquais.

Sebastian eut un rire rauque et sensuel. Lorsqu’il retira samain, jetiraiunpeuplussursescheveux.

—Jen’aipasterminé.Seigneur.Ses lèvres se posèrent de nouveau sur les miennes, tandis que ses

doigts experts descendaient, cette fois, jusqu’à mon bas de pyjama. Ilhésitauninstant.Moncœurs’arrêta.Moncorpstoutentiersetenditsouslecoupdel’excitation.Puissamainglissaentremes jambes.Unviolentfrissonmetraversa.C’étaitdelafolie,mais jem’enmoquais.Monshortétaittrèsfin.J’avaisl’impressionqu’iln’yavaitrienentresamainetmoi.Toutemonattentionétait focaliséesursesdoigts.Uncourantélectriquedéferladansmesveineset…

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Dans le couloir, une porte se ferma. J’ouvris vivement les yeux.Sebastian s’arrêta, les lèvres au-dessus des miennes, et sans retirer samaind’entremesjambes,tournalatêteverslaporte.Jem’attendaisàcequ’elles’ouvred’uninstantàl’autresurmamère,maisjenesavaispassielle nous tuerait ou nous féliciterait. Comme rien ne se passa, je medétendisunpeu.

—Oh,monDieu,murmurai-je.Àprésent,moncœurbattaitfortpourunetoutautreraison.Avecunsourireamusé,Sebastianmeregardadanslesyeuxethaussa

unsourcil.—Çaauraitétégênant.—Ahoui?Tucrois?(Jelerepoussaidemamaindroite,mêmesi,en

réalité,j’auraispréférél’attireràmoi.)Tudevraisyaller.— Oui. (Sebastian ricana et s’allongea sur le flanc.) Mais avant, je

voulaistedemanderunechose.—Quoi?—Tusaisqu’onfinitl’entraînementplustôtlejeudi,quandonaun

match?medemanda-t-il.(Jehochailatête.)Donccommejerentreplustôt,mesparentsaimeraientquemapetiteamieviennedîneràlamaison.

Je me figeai. Avais-je bien entendu ? C’était impossible, pourtantquandjemetournaiversluietvissonsourire,sonsouriresexy,àcouperlesouffle,jesusquejenem’étaispastrompée.Unemyriaded’émotionsetdepenséescontradictoiresm’envahirent.La joiemerendait tellementlégère que j’aurais pu m’envoler jusqu’au plafond, mais une aiguilledouloureuse fit éclater ma bulle avant que je l’atteigne. La culpabilitéenfonçaprofondémentsesgriffesglacéesdansmapoitrine.

—Tapetiteamie?murmurai-jeenmerelevantsivitequemescôtesm’élancèrent.

Ils’appuyasursoncoudesanssedépartirdesonsourire.—Oui,jecroisquec’estcommeçaqu’ungarçonappellelafillequ’il

embrasseetàqui ilaenviede fairedes tasdechoses…(Sonregardsevoila.)Sapetiteamie.

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MonDieu.Commentpouvais-jeêtreallongéeiciaveclui,l’embrasseretressentir

toutes ces nouvelles émotions alors que Megan reposait six pieds sousterreparcequejen’avaispas…parcequejen’avaisrienfaitpourstoppercequis’étaitpassé?

J’avaisenviedem’arracherlapeau.C’étaitlapremièrefoisquejemesentaisaussisaleetégoïste.

LesouriremalicieuxdeSebastiandisparutdesonbeau,presquetropbeau,visage.

—Quoi?Jemelevaietmisdeladistanceentrenous.—Jene…Jenepeuxpasêtretapetiteamie.

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CHAPITRE23

Sebastianmeregardaitcommesijem’étaisexpriméedansunelangueétrangère.

—OK,dit-ilauboutd’unmoment.J’auraisdût’enparleravant,c’estvrai.J’aipeut-êtreétéunpeutropsûrdemoi…

—Oui,jesuisàpeuprèscertainequecegenredechosesnesedécidepastoutseul.

Seslèvresseretroussèrentencoin.—Veux-tu êtrema petite amie, Lena ?me demanda-t-il d’une voix

tendreetmoqueuseàlafois.Mon cœur bondit dans ma poitrine comme s’il sautait sur un

trampoline.Combiendetempsavais-jeattenducesmots?Desannées.Detrès longues années. Pourquoi fallait-il qu’il les prononce maintenant,aprèstoutcequis’étaitpassé?

Jesecouailatête.—Jenepeuxpas.—Tunepeuxpasquoi?—Jenepeuxpasêtretapetiteamie.L’espace d’un instant, Sebastian resta immobile. Puis il se redressa

d’uncoup.—Tuessérieuse?—Oui.Jefisletourdulittoutenrecoiffantunemèchederrièremonoreille.

J’ouvris la porte du balcon et sortis. L’air frais me fit un bien fou. Je

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m’approchaidelarambarde.Quandj’entendisSebastianmerejoindre,jefermailesyeux.

—Jenecomprendspas,dit-il.Pourquoiest-cequetunepourraispasêtremacopine?(Commejenerépondaispas,ilseplaçaàcôtédemoi.)Ilyaquelqu’und’autre?

—Quoi?(Jefailliséclaterderire.)Non.Iln’yapersonned’autre.—Tucomptespartirdemainetneplusjamaismerevoir?—Nonplus,répondis-jeenfronçantlessourcils.—Alorspourquoiest-cequ’onnepourraitpasêtreensemble?(Ilse

tournaentièrementversmoi.)Cequivientdesepasserestlapreuvequejeteplais,queturessenslamêmechose.Lafaçondonttum’astouchélasemaine dernière… La colère que tu as ressentie lorsque tu as cru quej’allaist’embrassermaisquejet’aijetéeàl’eau…Tuneressenspastoutçasitunedésirespaslapersonne.(Samainseposacontremesreinsetjemefisviolencepournepasmelaisserallercontrelui.)Àmoins…Àmoinsquetuneveuillesqueça?Tefairedubien?

J’auraispudireoui.Aumoins,celaauraitclos laconversation,maisj’enétaisincapable.

—Non,cen’estpasça.—Alors,qu’est-cequisepasse?Jepassailamainsurmonplâtre.Jen’arrivaispasàcroirequej’aieà

leluiexpliquer.— C’est juste que ça fait bizarre. On a vraiment le droit d’aller de

l’avantetd’êtreheureux?Aussivite?Sebastianrestasilencieuxunmoment.—Mais…C’estlavie,Lena.—Waouh,marmonnai-je,estomaquée.—Quoi?Peut-êtrequec’étaitunpeutropdirectpourtoi,maisc’est

lavérité.Onnepeutpass’arrêterdevivreparcequed’autres…parcequed’autressontmorts.

Ça,jelesavais.C’étaitluiquinecomprenaitpasleproblème.Cequejeressentaisn’étaitpaslaculpabilitédusurvivant.C’étaitplusinsidieux.

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Plusamer.—Cen’estpassisimple.—Si.(Ilmepritlementonetmeforçaàleregarderdanslesyeux.)

Si,c’estaussisimplequeça,Lena.Jepoussaiunsoupirexcédéetm’écartai.—Tunecomprendspas!—Tun’arrêtespasdedireça!(Lafrustrationétaitperceptibledans

savoix.)Jefaisdemonmieuxpourcomprendre.Pourêtrepatient.Pourêtre làpour toi.Mais tunemedispascequi sepassedans ta tête.Pasvraiment. Tu as l’air d’oublier que je traverse exactement la mêmeépreuvequetoi,justeàcôté.

Jerefermailaboucheetcroisailesbrassurmapoitrine.—Cequiestarrivéànosamism’afaitl’effetd’unedouchefroide.Je

saisqueçapeutparaîtrecliché,maisonnesaitpassionseraencore làdemainoul’annéeprochaine…

—Tuesentraindemedirequ’ilfautquej’ailledel’avant!Qu’ilfautquej’oublie…

—Cen’estpascequej’aidit!Pasdutout!—Tun’aspasprononcécesmots,maisçaveutdirelamêmechose.—Lena…—Tutefousdemoi,ouquoi?(Mavoixétaitmontéedanslesaigus.)

Tudisquemaintenant,tufaistoutcedonttuasenvieparcequetuvoislavie différemment, mais c’est des conneries. Tu sais que c’est desconneries.

—Cenesontpasdesconneries,dit-ild’unevoixgrave.—Tuneveuxplusjoueraufoot,Sebastian.Tumel’asavoué.Ilseredressadetoutesahauteur.—Etsionparlaitunpeudeça?ajoutai-jeenserrantlepoing.Tune

veuxplus jouer au foot,mais je te parie quedansun an, tu seras dansl’équipedetafacparcequetun’aspaslecouragedefairefaceàtonpère.Alors n’essaie pas de me faire croire que tu as complètement changé

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depuis l’accident, que tuasmûri etque tuaffrontes tesproblèmes sansrechigner.

Illevalatêteversleciel.Onauraitditqu’ilcherchaitsesmots.—Çan’arienàvoiraveclefoot.Onparledenous.—Comment est-ce que tupeuxpenser ànous ?m’exclamai-je.Nos

amissontmorts!Ilsviennentjustedemourir.Ilsnereviendrontjamais,ettoi,laseulechoseàlaquelletupenses,c’estbaiser!

Jeprisunegrandeinspiration.Dèsquelesmotsétaientsortisdemabouche,j’avaisvoululesravaler.

J’étaisalléetroploin.LesyeuxdeSebastiantrahirentsonchoc,puissamâchoiresecrispa.—Jen’arrivepasàcroirequetuaiesditça.Tut’entends?Moinonplus.Jen’arrivaispasàycroire.Lagorgenouée,jetentaidecalmerlesbattementsfousdemoncœur.—Sebastian,je…— Non. (Il leva la main pour m’interrompre.) Je vais te répondre

rapidement.Ettuasintérêtàécouter.Jefermailabouche.Etécoutai.— Nos amis sont morts, c’est vrai. Merci de m’avoir rappelé que

j’avaisperdutroisdemespoteslesplusprochesetquej’aifailliperdremameilleure amie, la fille dont je suis amoureux. Ce qui nous différencie,c’estquemoi,jenepassepasmesjournéesàruminer.Ettusaisquoi?Çanefaitpasdemoiquelqu’undemauvais.Nosamisn’auraientpasvouluqu’onselamentesurnotresort.PasmêmeCodyetsonegodémesuré.(Ilfitunpasversmoi.)Jenesuispasmortaveceuxetjenemettraipasmaviesurpause.D’accord,çanefaitqu’unmoisetpersonnenes’attendàceque tu aies fait ton deuil. Mais reprendre le cours de ta vie et aimerquelqu’unneveutpasdirequetuastournélapage.Çaneveutpasnonplus dire que tu les oublies. Je peux très bien mener ma vie tout enpleurantleurmort.

J’ouvrislabouchepourparler,maisiln’avaitpasfini.

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—Etcommentoses-tuinsinuerquejenetienspasàeuxouquejenepensepasàeuxtouslesjours?Cequenousétionsentraindefairesurcelitn’estpasunemarqued’irrespect.Maistusaisquoi,c’estenpartiemafaute.Tun’esclairementpasprêtepourça.Tuescomplètementàcôtédelaplaqueetj’aicru…Jenesaismêmeplus,maisjesuisvraimentdésolé.Pardon.(Savoixsefitrauqueetilsepassalamaindanslescheveux.)Cequejeressenspourtoi,cequ’onétaitentraindefaireetcequej’aienviedetefaire…cen’estpasseulementpourbaiser.Je…n’arrivepasàcroirequetupuissespenserçademoi.

Leslarmesmemontèrentauxyeux.Jelesfermaiaussitôt.— Je ne suismême pas sûr que je puissemettre ta réaction sur le

compteduchagrin,dit-il, et je sentismoncœur se craqueler.Parcequemalgrécequis’estpassé,malgrénosproblèmes,tudevraismeconnaîtremieuxqueça.

Mes larmes me brûlaient et malgré tous mes efforts, l’une d’elless’échappaetcoulasurmajoue.Jel’essuyaid’unemain.Jerestaideboutainsiquelquesinstantsavantd’ouvrirlesyeux.

Sebastianavaitdisparu.Jenel’avaismêmepasentendupartir.C’étaitcommes’iln’avaitjamaisétélà.

Lelendemain,jenemerendispasaulycée.Lematin,j’avaisditàmamèrequejenemesentaispasbien.Ellene

m’avait pas demandé pourquoi et c’était tout aussi bien. J’ignorais siSebastianétaitvenumechercherpourm’emmeneràl’école.J’avaiséteintmon portable pour me couper du monde extérieur. Plus que tout, jevoulaismecacher.

Je ne pourrais pas en vouloir à Sebastian s’il décidait de ne plusjamaism’adresserlaparole.

J’avaisconscienced’avoirtoutgâché.Jen’avaispasétéhonnête,jenelui avais pas avoué ce que j’éprouvais réellement, ni pourquoi mon

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sentimentdeculpabilitén’étaitpaslemêmequelesien.Jen’étaisfrancheavecpersonne.J’étaislâche.

Commemonpère.Pourtant,jen’avaispasenvied’êtrecommeça.Alorsjerestaiallongée

desheuresàréfléchir.Ilétaitunpeuplusde13heuresquandj’entendismamèremonterà

l’étage.— Je suis venue voir comment ça allait, dit-elle en entrant. Tu as

éteinttontéléphone.Jevoulaism’assurerquetoutallaitbien.—Pardon,murmurai-jedepuismonlit,pathétique.—Oùesttonportable?D’un geste las, je désignai mon bureau et regardai ma mère s’en

approcheretleramasser.Puisellel’allumaetlefittombersurmonlit,àcôtédemesjambes.

—N’éteinsplusjamaistontéléphonequandtuesmaladeàlamaison.Je veuxpouvoir te joindre. (Sa voix était sévère, son regarddur.)C’estcompris?

—Oui.Sesépaulessetendirentsoudain.Ellecroisalesbrassursapoitrine.—Lena…Jesaispourquoitun’espasalléeaulycéeaujourd’hui.—Maman…grognai-jeenmeprenantlevisageentrelesmains.Mamèrecroyaitsansdoutequecequ’ellem’avaitapprisausujetde

mon père m’avait bouleversée. Pour être honnête, je ne savais qu’enpenser.

Elles’assitauborddulit.— Sebastian est passé te prendre cematin, pour aller à l’école.On

aurait dit qu’il n’avait pas beaucoup dormi et il n’a pas eu l’air surprisquandjeluiaiditquetunetesentaispasbien.

Mon cœur stupide se gonfla. Sebastian était venume chercher alorsquejel’avaisinsultédelapiredesfaçons.

Mamèremarquaunepauseavantdereprendrelaparole.

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— Tu crois que je ne sais pas que Sebastian vient te voir tous lessoirs?

Jemecouvrislesyeuxaveclamain.—Vousessayezd’êtrediscrets,maisjevousentendsparler,parfois.Je

ne t’ai pas fait la remarque,parceque je penseque tu as besoinde tesamis en cemoment etparceque jen’ai pasbeaucoupvuDary etAbbi,m’expliqua-t-elle.EtpuisjefaisconfianceàSebastian.

J’avaisenviedemecachersousmonlit.—Jetefaiségalementconfiancepourfairelesbonschoixvis-à-visde

lui,ajouta-t-elleetjen’étaispascertainedelacroire,carilétaitclairqueje n’étais pas douée dans ce domaine. J’ai entendu une partie de votreconversation,hiersoir.

Oh,Seigneur.Jegrimaçai.—Lena,souffla-t-elle.Cegarçont’aimedepuislepremierjour,quand

ilestvenufrapperàlaportepourtedemandersituvoulaisfaireduvélo.—Jesais,Maman.(Jeposailamainsurlelitetlaregardai.J’avaiseu

tout le temps de réfléchir durant lamatinée.) Je pense… je pense qu’ilm’aime vraiment, murmurai-je. (Mes lèvres tremblaient.) De tout soncœur. Mais je… je ne sais pas si je suis prête pour ça. J’ai attendu cemomentuneéternité,maismaintenant…j’ail’impressionquec’estmal.

—Machérie,dit-elled’unevoixtremblanteensepenchantversmoipour me prendre la main. Tu traverses des épreuves difficiles en cemoment.Jesaisqu’iln’yapasqueSebastian.Tonentraîneurm’aappeléecematin.Ilm’aapprisquetuavaisquittél’équipe.

—Je…Mesenviesontchangé.—C’estpareilpourSebastian?— Non. Pas vraiment. C’est juste que… je ne le mérite pas. Je ne

méritepastoutça.—Pourquoidis-tuunechosepareille?Jeposailesyeuxsurlamappemondeavantdereportermonattention

surelle.

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—Tusaispourquoi.Sesyeuxs’arrondirentdesurpriseetsoudain,elleeutl’airsurlepoint

depleurer.— Oh, mon cœur, ne dis pas ça. Tu mérites d’être heureuse. Tu

méritesd’avoirunavenirettoutcequetuastoujoursdésiré.Cettenuit-lànedéfinirapastavietoutentière.

—ElleapourtantdéfinicelledeMeganetdesautres.Quandlesgensparleront de Cody, son souvenir sera toujours terni par ce qu’il a fait.PareilpourChrisetPhillip.

Etceseraitlamêmechosepourmoisimoncomportementvenaitàsesavoir.

Mamèremeserralamainunpeuplusfort.Àsonexpressionhorrifiée,jecomprisqu’ellenesavaitpascommentmeréconforter.

Jeretiraimamaindelasienneetmeredressailégèrement.— J’aimerais revenir en arrière et agir différemment. J’ai été si

stupidedem’inquiéterpourdeschosesfutiles.Mescraintesdecettenuit-làmeparaissenttellementridicules,aujourd’hui.

—Mapuce,tescraintesn’ont jamaisétéridicules.(Ellemereprit lamain.)Aujourd’hui,tuvoisleschosesdifféremment.Voilàtout.

Lemercredimatin, Sebastianme conduisit au lycée. Le trajet se fitdans un silence gêné et je sus que je ne reproduirais pas l’expérience.J’allaisdemanderàDarydemeramenerchezmoi,etdès le lendemain,j’essaieraisdeconduireseule.J’avaisbesoindeprendrelevolant.

Deprendrelecontrôle.Demeprendreenmain.Tandis que j’avançais vers les bureaux administratifs, je ne pensais

plusàSebastianniànotredisputeouàcequemamèrem’avaitavoué.Jeréfléchissaisàcequiallaitsepasserdurantlestrenteprochainesminutes.

Aujourd’hui,j’allaisdevoirparlerdelasoiréedel’accident.Sansriencacher. Il fallait que je le fasse et que je m’allège de ce poids qui

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m’écrasait la poitrine. J’ignorais si celame soulagerait oum’accableraitencore davantage,mais il était grand temps que je le dise à quelqu’un,avecmespropresmots.

Lesmainstremblantes, j’entraidans lapetitesalle.Jevisàpeine lesaffichesdébilesaccrochéesauxmurs.LeDrPerrym’attendait,assisàsonbureau,avecune tasseque jeneconnaissaispasdevant lui. J’étais tropnerveusepourlirecequiétaitécritdessus.Jesavaisqu’elleétaitnouvellecar,àladifférencedesprécédentes,elleétaitorange.

—Bonjour, Lena. (Le sourire aux lèvres, il se laissa aller en arrièredanssachaisetandisquejem’asseyaisenfacedelui.)Onm’aditquetun’étaispasvenueàl’écolehier.Tunetesentaispasbien?

Après avoir posémon sac par terre, jem’assis sur la chaise. J’étaisraidecommeunpiquet.

—C’étaitunemauvaisejournée,voilàtout.—Tuveuxenparler?Mon premier réflexe fut de refuser, mais cela aurait été contre-

productif.Aussiluiracontai-jecequis’étaitpasséavecSebastian.J’omisquelques détails, bien sûr, car cela aurait été trop gênant. Quand j’eusterminé, jeme sentais épuisée tant sur le plan physique qu’émotionnel.Pourtant,laséancenefaisaitquecommencer.

— Tu penses que Sebastian a tort de vouloir continuer à vivrenormalement?

—Oui.Non.(J’avaisenviedemetaperlatêtecontrelatable.)Jenesaispas.Enfin,non.Iln’apastort.Ilaledroitdecontinuer.Ilaledroitde…

—Etpastoi?m’interrompitleDrPerry.Je secouai la tête et ouvris la bouche pour lui dire la vérité, mais

mêmes’ilétaitdéjàaucourant,elleétaitdifficileàavouer.—Pourquoiest-cequej’enauraisledroit?Ilposasatasse.—Pourquoinel’aurais-tupas?—Parcequetoutestmafaute,répondis-je.

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J’avaisenviedevomir.—Jecroisqu’avanttoutechoseilfautquetumeracontescequis’est

passé cette nuit-là, me dit-il d’une voix douce. Tu crois que tu en escapable?

—Oui,répondis-je.Ilfautquejelefasse.Ilfautquejeparledecettenuit-là. (Les larmesmemontèrentauxyeuxetmoncœurs’emballa.) Jesavais que Cody avait bu et je… j’aurais pu l’empêcher de prendre levolant.Jen’étaispasivre.

Alorsjemeremémoraitoutcequis’étaitpasséavantl’accident.

J’étais dans l’allée qui menait à la maison des parents de Keith avecMegan.Jevoulaisrentrer.Jesentaisunemigrainepoindre,justederrièrelesyeux,etlamusique,lescrisetlesriresn’aidaientpas.

Toutefois, je refusais de demander à Sebastian de me raccompagner.C’était hors de question après notre discussion – ou plutôt notre dispute.Sanscompterquejenel’avaisplusvudepuis l’arrivéedeSkylar.Jen’avaisaucuneenviedelessurprendreentraindeseroulerdespelles.

Uneboulepesaitsurmonestomac.Jeregrettaisd’avoirparléàSebastian.Demain,toutseraitdifférententre

nous. On ne reviendrait plus jamais en arrière. On ne pourrait pas fairesemblant.

Jevoulaisjusterentrerchezmoi.—OùestChris?demandai-je.Megan,quiétaitappuyéecontremoi,désignaCodyd’ungestedelatête.

Celui-ci était penché en avant, le bras posé sur la portière ouverte d’unevoiture, et discutait avec quelqu’un.Chris, le cousin deMegan, se tenait àcôtédelui.

—L’undesdeuxvanousramener,dit-ellelentement.C’esttoutcequejesais.

Codypartaitavecnous?—Jecroisquejesuisbourrée,reprit-elled’unevoixtraînante.

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—Ahbon?Tucrois?raillai-je.Jel’enviaispresque.—Justeunpetitpeu.(Avecunsoupir,ellepassaunbrasautourdema

taille.)Jet’aime,Lena.Jesourisetrecoiffaimescheveuxhumidesenarrière.—Moiaussi,jet’aime.—Tum’aimesassezpourmeporter jusqu’àchezmoisansréveillerma

mèreetmemettreau lit?medemanda-t-elleens’écartant.(Lechantd’uncriquet capta un instant son attention.) Mais d’abord, on va passer auMcDo.J’aienviedenuggets.

Jeris.— Je peux sans doute t’aider pour les nuggets, mais je ne suis pas

certainedefairelepoidsfaceàtamère.Ellegloussaetobservalesalentoursentanguant.—Attends…TuasditàSebastianquetupartais?— Jene saispasoù il est, répondis-je en regardantCodyetChris,qui

revenaientversnous.Elletapadanssesmains.Lemouvementlafitreculer.—Onvalechercher!—Chercherqui?demandaCody.—Sebastian!s’exclamaMegan.Jegrimaçai.Cody,lui,passasonbrasautourdemesépaules.— Il est avec Skylar.Dans le pool house, je crois, dit-il enme serrant

contrelui.Jelesaivusyentrer.Le trouqui s’était formédansmoncœur tripladevolume.Codyaurait

très bien pu mentir, mais je n’avais aucun moyen de le savoir. De toutefaçon…celan’avaitpaslamoindreimportance.

Megangrimaça.—Bon,d’accord.Onnevapaslechercher.—Çameva,répondis-jeenmelibérantdel’étreintedeCody.Chris bâilla et lança ses clés à Cody. Elles heurtèrent son torse et

tombèrentparterre.

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—Tuveuxbienconduire?luidemanda-t-il.Jesuiscrevé.— Ouais. D’accord. (Cody se pencha pour ramasser les clés.) La

prochainefois,préviens-moiavantdeleslancer.—Maintenant,jecomprendspourquoituesquarterbacketpasreceveur,

letaquinaChris.—Vatefairefoutre,rétorquaCody.Leretourpromettaitd’êtretrèslong.—Hé!Attendez!s’exclamaPhillipderrièrenous.(Ilcouraitdansnotre

directionentenantsonmaillotd’unemain.)Jeviensavecvous!Àcôtédemoi,Megansouffla.—Etmoiquipensaisavoirréussiàm’endébarrasser.Visiblement,leurdiscussionnes’étaitpasbienpassée.—Montez!ditCody.Iltenditlamainverslaportièreetlamanqua.Lapoignéeclaqua.— Hé ! s’exclama Chris qui s’asseyait à l’avant, à côté de lui. Fais

attention!Certainsd’entrenousprennentsoindeleurvoiture.— Si tu t’inquiètes pour ta voiture, pourquoi est-ce que tu le laisses

conduire?demandaPhillipendonnantunetapesurlesfessesàMeganaupassage.

Elleseretournasivitequ’ellefaillittomberàlarenverse.Jelarattrapaipar le bras tout en regardant Cody ouvrir sa portière. Ses mouvementsétaient étranges, saccadés. Dans la lumière de l’habitacle, son visage avaitl’airunpeurouge.

—Tuvasbien?Tupeuxconduire?—Pourquoiest-cequeçan’iraitpas?Ils’assitderrièrelevolant.Jem’arrêtaidevantlaportièrearrière.—Ondiraitquetuastropbu.Ilfronçalessourcils.—T’essérieuse?J’aibuqu’unverre.Sontonagressifmesurprit.—C’étaitjusteunequestion.

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—Allez,viens,ilteditqueçava!(Meganmepritlamainetsepenchaversmoi pourmemurmurer à l’oreille.) J’ai envie demanger des nuggetsavecdelasauceaigre-douce!

—Beurk,murmurai-je,distraite.Toutenmemordantl’intérieurdelajoue,j’essayaidemerappelerceque

Codyavaitbu.Jel’avaisvuavecunebouteilleàlamain.Oubienétait-ceunverre?Jen’avaispasfaitattention.

—Jedevraispeut-êtreconduire?proposai-je.Chrisgrogna.—Situveuxrentrercheztoi,montedanscettevoiture,Lena.Phillips’installaitdéjàdel’autrecôté.Megan,elle,mepoussaitpourque

jemonte.—Jeneveuxpasm’asseoiràcôtédelui,souffla-t-elle.— Je t’entends, tu sais ? (Phillip tapota la place dumilieu.) De toute

façon,jepréfèreêtreàcôtédeLena.Elleestplusgentille.— «Elle estplusgentille », l’imitaMegande lavoix laplusaiguëque

j’avaisjamaisentendue,lesmainsposéessurleshanches.Dépêche-toi,Lena.J’aifaim.

— Tout ira bien,me dit Cody en s’asseyant au volant du4×4. (Sesyeuxbrillaientdanslalumièreartificielle.)Jetejure.Jeconnaiscetteroutecommemapoche.

Je ne savais pas s’il était suffisamment sobre pour conduire, mais lesgarçons me regardaient d’un air agacé, et Megan insistait parce qu’ellevoulaitàtoutprixmangerdesnuggets.

—Ilteditqu’ilvabien!s’exclamaMeganavantdeglousser.J’aiunedecesfaims!

—Allez,dépêche-toi,insistaCody.Arrêtedechipoter.Assieds-toi.Jesentismonvisages’empourprer. Ilavaitraison.Jem’inquiétaispour

rien. Aussim’installai-je dans la voiture, serrée entreMegan et Phillip. Auboutd’uneoudeuxminutes,jeréussisàrécupérerlaceinturequiétaitsousPhillipetm’attachai.Pendantquelesautresbaissaientleursvitres,jesortismontéléphonedemonsac.J’avaisplusieursmessagesdeDary.

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MeganpassalebrasdevantmoipourenfoncersonindexdanslajouedePhillip.

—Hé,tum’achètesdesnuggets?Jem’écartai touten lisant lesmessagesdeDary.Ellem’avaitenvoyé la

photod’un tableauqu’un enfantdedeuxansauraitpupeindre,avecpourlégende:«C’estdel’art,ça?Jecroisquejen’ycomprendsrien.»

—Bébé,jepeuxt’acheterdeuxmenusnuggets,réponditPhillip.Ettoutelasauceaigre-doucequetuveux.

Quelromantisme…Megansoupira.—Tumeconnaistellementbien.Tusaisquej’aibesoindesaucechinoise

pourêtreheureuse.Pourquoiest-cequ’ons’estséparés?Jegrimaçai,sansleverlesyeuxdemontéléphone.La radio s’alluma soudain. Quand je relevai la tête, je vis que Chris

s’endormait déjà. Cody faisait défiler les stations tellement vite que je nereconnaissaispasleschansons.

Je retournai àmesmessages, sans prêter attentionàMegan et Phillip.J’espéraissimplementqu’ilsn’essaieraientpasdes’embrasseralorsquej’étaisentre eux. Dary m’avait envoyé la photo d’une robe et me disait qu’ellecomptaitcoudrelamême.Jeluirépondis.

Çat’iraitsuperbien.OnrentredechezKeith.

Jet’appelledemain.

L’air frais s’engouffrait par les fenêtres et soulevait mes cheveux. Jerelevailatête.J’avaisl’impressionqu’onallaitvite,maisjenevoyaisrienàl’extérieur. Après avoir envoyé ma réponse à Dary, j’écrivis un message àAbbipournepasqu’elles’inquiètedemonabsence.

JesuisrentréeavecMegan.Jenevoulaispaste

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—Put…!Codyneterminapassonmot.Le4×4viraàdroitesibrusquementque

monportablefutéjectéd’entremesmains.Quelqu’un (Megan?) cria.On fit une embardée.Vite. Trop vite. Jene

comprenaispascequisepassait.Lapeuretladésorientationm’empêchaientderespirer.

Letemps…Letempssemblaralentiretaccéléreràlafois.Jelevailesbraspouressayerd’attraperlesiègeavant,maissoudain,je

me retrouvai en l’air. Quand on retomba, le choc fut si terrible que je lesentis se répercuter dans tous les os de mon corps. Un coup de tonnerretonitruantsecoualavoiture.J’entendisduverresebriser,puisretomberenpluied’éclatsdeglace.Unedouleurinsupportableexplosadansmonvisage.Quelquechosem’avaitheurtée…unbras…non,unejambe.

On volait. L’air nous soulevait. La ceinture de sécurité me bloqua,s’enfonça dans mon ventre et ma poitrine, tandis que ma tête partait enarrière. Une douleur fulgurante me traversa tout le corps. La gorge mebrûlait.

Dumétalgrinça.C’étaitletoit.Oh,monDieu,letoits’étaitarraché.Onétait à l’envers, puis à l’endroit, puis encore à l’envers, et ainsi de suitependantcequimesembladureruneéternité.Toutcequej’entendais,c’étaitlebruitdu4×4quisedésintégrait,morceauparmorceau.Ladouleurquejeressentaisétaitinsupportable.Iln’yavaitplusriend’autrequelapeine,laterreur,lestonneauxdelavoiture,lescris.

Alors,toutdevintnoir.

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DEMAIN

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CHAPITRE24

Assise sur mon lit, j’observais mon téléphone portable comme jel’avais fait des centaines de fois depuis l’accident. Il était petit et noir.L’écranétaitaussilisseetparfaitquelejouroùjel’avaisacheté…toutlecontrairedemoi,quimesentaisbrisée,détruite.

Lagorgenouée, je fermai lesyeuxetprisunegrandeinspiration.Laséance avec le Dr Perry m’avait anéantie. Si on ne comptait pasl’interrogatoire de la police à l’hôpital, c’était la première fois que jeparlaisde cequi s’était réellementpassé et que jemettaisdesmots surmessouvenirs.

Je croyais que m’ouvrir m’aiderait à avancer, que les choseschangeraient, que je ressentirais un certain soulagement… mais celam’avait seulement donné envie d’effacer à jamais ces souvenirs de mamémoire.

Ce soir-là, j’étais suffisamment lucidepour savoir queCodyn’auraitpasdûprendrelevolant.J’auraisdûécouterlapetitevoixdansmatêteetle sentiment de malaise qui me retournait l’estomac. Pourtant, je nel’avais pas fait. Si j’avais insisté, tout serait différent aujourd’hui. Et lesjoursàvenirseraientaussiradieuxquelesplusbeauxdenosjourspassés.

Je ne croyais tout simplement pas qu’un tel drame pouvait nousarriver.Pasànous.

Quand j’ouvris les yeux et aperçus le téléphone devant moi, mapoitrine se serradavantage.Celame rappelait ceque j’avais ressenti en

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meréveillantà l’hôpital.Depuis, jem’étaisserviedemonportablepourpasserdesappelsouenvoyerdesmessages,mais…

Maisilmerestaitdesmessages,écritsetvocaux,quejen’avaisjamaislusouécoutés.Jenelesavaispasoubliés.Jelesavaissimplementmisdecôté.

J’attrapai mon téléphone et ouvris mes messages. Je les fis défilerjusqu’àatteindreceuxquejen’avaispaslus.Ilyenavaitunedizaineetilsdataientd’aprèsl’accident.Jelus les«J’espèrequetuvasbien!»,puislesnombreux«Jesuistellementcontentequetuaillesbien!Écris-moi!»Je les ouvris les uns après les autres sans rien ressentir, jusqu’à ce quej’atteigneunmessaged’Abbi.Sursonicône,elleportaitunbonnetpanda.

Jenesavaismêmepasoùelleavaitpudénicherunbonnetpareil.Le derniermessage qu’ellem’avait envoyé datait dumercredi après

l’accident.

Pourquoi est-ce que tu ne veux pas nous voir ?

Tunousmanques.Ons’inquiètepourtoi.

Chaqueinspirationmebrûlaitlagorge.Abbisavait-ellequejen’avaispas mon portable avec moi à l’hôpital ? Est-ce que c’était important ?J’avaisrefusédevoirmesamis.J’avaisattenduunmoisavantd’ouvrircesmessages.Non.Çan’avaitpaslamoindreimportance.

Enremontantdanslesmessages,jevisqu’ellem’enavaitenvoyédeuxle soir de l’accident. « Où es-tu ? » et « RÉPONDS-MOI TOUT DESUITE!»

Le message précédent avait été envoyé pendant la fête. C’était unselfie de nous deux. On souriait, nos visages collés l’un contre l’autre.Derrièrenous,ondevinaitlatêtedeKeith.

Commesi celane suffisaitpas, j’allai ensuiteouvrir lesmessagesdeSebastian. La gorge sèche, je remontai jusqu’à ceux que je n’avais pasencorelus.Lespremiersressemblaientàceuxd’Abbi.

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Oùes-tu?

Il y en avait plusieurs, qu’il avait dû envoyer les uns à la suite desautres.

Tuespartiesansmeledire?Bon. Réponds-moi. Je commence à paniquer.

Quelqu’un a dit qu’il y avait eu un accident

graveprèsd’ici.Allez.Réponds.S’ilteplaît.

Moncœurbattaittrèsfort.Jesavaisqu’ilm’avaitégalementlaisséunmessagevocal,quim’attendaitsurmonrépondeurcommedenombreuxautres.

Je refermai ses messages et continuai mon exploration. Mon pouces’arrêtasurl’icônedeMegan.Lederniermessagequ’ellem’avaitenvoyécomportaitunepiècejointe.Jesavaisdequoiils’agissait.C’étaitlaphotod’un ballon de volley-ball sur lequel elle avait dessiné un visage. Elles’était amusée, un soir, après l’entraînement. J’ignorais ce qui lui avaitpris.Meganétaitcommeça.Elleaimaitfairedeschosesincongrues.

Jemouraisd’enviedeliresesmessages,maisjenem’ensentaispaslaforce.J’étaisincapabledevoirsesmots,demereplongerdanscequiavaitétéetcequineseraitplusjamais.Jefermail’applicationetconsultaimesmessagesvocaux.

Jelesécoutaitous.Lorim’avaitlaisséunmessageaprèsqueMamanl’avaitcontactée.Elle

medisaitqu’ellearrivaitetqu’ellem’aimait.Savoixétaitcalmeetposée.Rien à voir avec celle d’Abbi, quim’avait appelée, cemême soir, parcequ’elle ne me trouvait pas, ni celle de Dary, le dimanche suivant. Jecomprenaisàpeinecequ’elledisait.

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Ilyavaitdesmessagesdemonéquipedevolleyetdecamaradesquiétaientdanslamêmeclassequemoil’annéeprécédente,auxquelsj’avaisàpeineparlédepuis.Leursvoixm’étaientétrangères,maislesmessages,eux,étaienttouslesmêmes.

Lorsque j’arrivai à la fin desmessages, je voyais à peine l’écran demontéléphone.J’avaislesyeuxembuésdelarmes.Lamaintremblante,jeretournaienarrière,versceluiquej’avaismisdecôté.CeluideSebastian.

Lorsquej’appuyaisurlebouton«Lecture»,jesentistouslesmusclesdemoncorpssecrisper.Quelquessecondess’écoulèrentensilenceavantquej’entendesavoix.

—Réponds,Lena.Jet’ensupplie.Répondsàtonfoututéléphone.(Savoixétaitrauque.Ilétaitclairqu’ilcommençaitàpaniquer.)Tun’espasdanscettevoiture,tum’entends?Putain,jet’enprie.Dis-moiquetun’espasdanscettefoutuevoiture.Appelle-moi.Dis-moiquetun’espasdanscettevoiture.

Lemessages’arrêtait là.Je laissai tombermonportableetpressai lapaumedemesmainscontremesyeux.Sebastianparlaitdelamêmefaçonquelorsqu’ilm’avaitvueàl’hôpital.

Ilparaissait…détruit.Parcequ’àcemoment,aufonddelui,ilsavait.Ilavaitcomprisqueje

ne le rappellerais pas, que j’étais dans cette voiture avec Cody, Phillip,ChrisetMegan.

Je fis glisser mes mains le long de mes joues humides. Mon cœurn’étaitplusqu’uneblessureouverteetdouloureuse.Unenuitavaitsuffiàfairebasculernosviespourtoujours.Unmauvaischoixavaitchamboulénotreavenir.

Qu’aurais-je fait différemment ce soir-là si j’avais su qu’il n’y auraitpasdelendemain?

Tout.Absolumenttout.

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CHAPITRE25

Descitrouillesornaientlesperrons.Lesfeuillesdujardinavaientprisdesteintesorangeetrouges,toutcommelesérablesquibordaientlesrueset entouraient le lycée. Les décorations d’Halloween avaient fait leurapparitiondanslesvitrinesdesboutiquesdelaville.

Lesbanderolesannonçantlebaldel’automneétaientaccrochéesdanslescouloirs.Onpouvaitsentirl’excitationfrémirdanslessallesdeclasseetlacantine,oùtouteslesdiscussionstournaientautourdubal,delafêteetdesrobes.

L’air s’était rafraîchi. Les tee-shirts à manches longues et les giletsavaientremplacé lesdébardeurs,mais jen’avais toujourspasrangémestongs.Jelesporteraisjusqu’auxpremièresneiges.

Jecommençaisàpréparermademanded’inscriptionàl’universitédeVirginie.

Deux semainesplus tôt, onm’avait retirémonplâtre.Mes côtesmefaisaientencoresouffrirdetempsentemps,maisjepouvaisdormirsurleflancetjerespiraisdenouveaunormalement.Celafaisaitunpeuplusdedeuxmoisquel’accidentavaiteulieuet…

Lesgenscommençaientdéjààoublier.Laviereprenaitsoncours.Parler auDr Perry de ce qui s’était passé le soir de l’accident avait

allégélepoidsécrasantquejeportaissurlesépaules,sanspourautantlefairedisparaître.

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Quandjeluiavaisannoncéquej’avaisenfinécoutéetlulesmessagessur mon téléphone, il m’avait félicitée. J’avançais. Petit à petit. Aprèsavoirracontémaversiondesfaits,jen’avaiseuaucunerévélation,aucunmomentdegrâce.

Laseulevéritéquicomptait,c’étaitquej’avaiseuunchoixàfaire.Etquej’avaisfaitlemauvais.Lemercrediprécédent,leDrPerrym’avaitditceci:— Certains diront et croiront fermement que Cody est le seul

coupable, parce qu’il se trouvait derrière le volant. D’autres diront quepersonnen’estàblâmer.Maisilsauronttoustort.Sais-tupourquoi?

—Non,pourquoi?demandai-je.—Lebutn’estpasderejeterlafautesurquelqu’unpourl’accablerou

le blesser. L’action comme l’inaction ont leurs conséquences. Si onn’assumepasnosresponsabilités,onestcondamnésàrépétersanscesselesmêmeserreurs,m’expliqua-t-il.Touteslespersonnesprésentescesoir-là,cellesquivousontvuspartir,quisavaientquevousaviezbu,etmêmeles parents qui vous ont autorisés à consommer de l’alcool, sontcoupables.Toiaussi,tul’esenpartie.

Enpartie.Pasentièrement.Enpartie.Cela neme semblait pas faire une grande différence,mais il me le

répéta à la fin de la séance, puis le vendredi suivant. Je n’étais pas laseuleresponsabledel’accident.Etcettenotionmemarqua.

Les choses ne changèrent pas du tout au tout. Il n’y avait pasd’interrupteur magique capable de me faire accepter la situation. Aucontraire, j’eus soudain l’impression que tout était plus réel, que messouvenirsn’enétaientqueplusclairs.

Etpuis,aprèslaséancedumercredi,lescauchemarscommencèrent.J’étaisderetourdanslavoiture,secouéedanstouslessens.Parfoisje

rêvaisque jen’étaispasmontéededans,maisque je savais cequiallaitarriveràmesamis.Mespiedsétaientrivésausol.Ilfallaitquej’appelleà

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l’aide,que jeprévienne tout lemondeparcequ’ilsallaientmourir,maisj’étais incapabledebouger.Jerestais figée jusqu’àceque jemeréveilleenhaletant.Souvent,quandj’ouvraislesyeux,mamèremesecouaitparlesépaulesetj’avaismalàlagorge.Jecomprenaisalorsquej’avaiscrié.

Le Dr Perry avait raison. Les titres ronflants attachés à son nom yétaient sans doute pour quelque chose. Je souffrais encore d’untraumatisme par rapport à l’accident, par rapport aux souvenirs quej’avais préféré taire. En parler les avait ramenés sur le devant de moninconscient.

Etjeparlaisbeaucoup.Les séances du vendredi et du lundi furent une leçon en thérapie

d’exposition.Serappelerlascène.Larevivre.Àmesurequejerépétaiscequi s’était passé, lesmotsme venaient avec de plus en plus de facilité.Maiscen’estquelevendredisuivantqu’undéclicseproduisit.

Mesamisétaientmorts.Ilsétaientmortspourdebonetmonsentimentdeculpabiliténe les

feraitpasrevenir.Riennelesferaitrevenirnineferaitchangerd’avislesinconnus qui se permettaient de les juger. Rien ne pouvait non plusarrêter la justicedepoursuivre la familledeKeith.Rienn’empêchait lesavocatsdenouscontacter,mamèreetmoi,chaquesemaine.

Àlafindenotrerendez-vous,j’avaistellementcherchéàretenirmeslarmes,envain,quej’avaismalauvisage.Jepassailerestedelajournéeàmecacherpournepasquelesgensvoientquej’avaispleuré.

LeDrPerryavaitraisonàproposduprocessusdedeuil.Jusqu’alors, je ne l’avais pas vraiment commencé. Aveuglée par le

traumatismeetrongéeparlaculpabilité,jen’avaispaseuletempsdemedétacherdemesamis.Jen’avaismêmepascherchéàlefaire.

Les jours, les semainesquipassèrent furent trèsdifficiles. J’avaisdumal à me concentrer en classe. Ils me manquaient : Megan et sonhyperactivité,Codyetsonarrogance,Phillipetsonsarcasme,Chrisetsonhumour.

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Mes autres amis, ceux qui étaient toujours là, me manquaient, euxaussi.Ilsmemanquaientterriblement.

Dary faisait toujoursdesonmieuxpourque leschoses redeviennentnormales.Abbi,elle,m’adressaitàpeinelaparole.

Voir mes amis avancer alors que je me tenais toujours au bord duprécipice,àmoitiédanslevide,étaitépuisant.J’avaisl’impressiond’êtredansunecourseoùtoutlemondemedépassait.DaryetAbbidiscutaientdesrobesqu’ellesavaientachetéesleweek-endprécédent.Ellesm’avaientproposé de les accompagner, mais j’avais refusé. Elles agissaient…normalement.Commeavant.Pasmoi. J’étais coincéedans la souffrancedudeuilquis’étaitabattuesurmoi.

Maisceluiquimemanquaitleplus,c’étaitSebastian.Notrerelationétaitdevenuecompliquée. Ilnem’évitaitpas,maisce

n’étaitpluspareil.Ilcontinuaitdemangeravecnous,demeparler,maischacunedenosconversationsmeparaissaitforcéeetsuperficielle.Ilavaitélevédesmursautourdelui.

Plusrienn’étaitcommeavant.Jel’avaisblessé.Jem’étaisfaitdumalaussi.Etilnes’endoutaitmêmepas.Lorsque Skylar s’était approchée de notre table, le lundi précédent,

j’avaiscruqu’onm’arrachaitlecœur.SebastianétaitassisavecGriffithetKeith qui, comme d’habitude, se trouvait à côté d’Abbi. Une fois, je luiavais demandé s’ils sortaient ensemble, mais elle s’était contentée desecouerlatêtecommesij’avaisdûconnaîtrelaréponse.

Toutefois, à cet instant, je ne pensais pas à Abbi et Keith, jen’entendais que le rire cristallin de Skylar et celui, plus grave, deSebastian.

«C’estàcemomentquejesuistombéamoureuxdetoi.»Sebastianavaitacquiescé,puisavaitlentementtournélatêtedansma

direction.Nosregardss’étaientcroisés.Lesienétaitvoilé.Puis,tendu,il

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avaitreportésonattentionsurSkylar.Sonrireavaitrésonnéunesecondefois.

Il avait dit m’aimer, mais lui aussi reprenait le cours de sa vie,retournaitversSkylar,avecsonjolisourireetsaconsciencetranquille.

Après les cours, lemardi suivant, je me traînai jusqu’àma voiture.Comme j’étais arrivée en retard, le matin, j’avais dû me garer tout aufond, à côté du terrain de football. Le soleil avait fait son apparition etréchauffait la froide journée d’automne. C’était le temps parfait pours’entraîner.M.Rogersadoraitnousfairefairedestoursdeterrain.C’étaitplusfacilequandleschaleursestivalesavaienttiréleurrévérence.

Maiscesoir,jenecouraispasavecl’équipe.Cegenred’entraînementne me manquait pas. Les matchs, oui. Pendant longtemps, je m’étaispersuadée que Megan était la seule raison pour laquelle je jouais.Aujourd’hui,jesavaisquecen’étaitpasvrai.

Je soupirai et pressai le pas. J’avais traversé la moitié du parkinglorsquej’entendisquelqu’uncriermonprénom.C’étaitSebastian.Enmeretournant, je le vis courir vers moi. Il portait déjà sa tenued’entraînement:collantsdesportetshortennylon.

Lesbattementsdemoncœurs’emballèrenttandisquejeleregardaisapprocher.

—Hey,croassai-je.—Hey.(Il laissasesbrasretomber.)J’aiunequestionàteposer.Je

voulaislefaireàlacantine,maisj’aioublié.—Oui?—Tuvasaubal?medemanda-t-il.Prise au dépourvu, je me contentai de le dévisager, bouche bée.

Comptait-ilm’y inviter ?Après leshorreursque je lui avais balancées ?Aprèsunmois sans separler?S’ilme ledemandait, jenepourraispasrefuser,mêmesijen’avaisaucundroitd’allerdanserquand…

Ravalantmonamertume,jesecouailatête.—Non.Jen’enaipasl’intention.

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Ilplissasesbeauxyeuxbleus.—C’esttondernierbald’automne.—Jesais.J’avaisl’impressionquec’étaitmadernièrechanced’alleraubaletde

jouerauvolley,mais cen’étaitpas le cas.Paspourmoi.Ç’aurait été ladernièrechancepourMeganetlesautres.

—Tucomptesrestercheztoi?Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule avant de reporter son

attentionsurmoi.Je compris alors qu’il n’avait jamais eu l’intention de m’inviter. Le

rouge me monta aux joues. À quoi m’étais-je attendue ? Pourquoim’aurait-ilinvitée?Jemeraclailagorge.

—Oui.Jeresteraichezmoi.Sebastianmeregardalonguement.—C’esttoutcequetuvoulaismedire?luidemandai-jeenbaissant

lesyeuxverssonépaule.—Oui,répondit-ilenreculantverslelycée.J’étaiscurieux,c’esttout.

(Aumomentoùilallaitseretourner,ilhésita,avantdemedire:)Àplus,Lena.

—Salut,murmurai-jeenl’observantrepartirencourant.C’étaitlaconversationlapluslonguequenousavionseuedetoutela

semaine.«Jesuisamoureuxdetoi.»Debout dans le parking, je fermai les yeux. Un klaxon retentit non

loin.Ilm’avait aimée etmoi… j’avais gâché notre amitié et les prémices

d’unavenircommun…avantmêmequ’ilnecommence.

Daryétaitappuyéecontrelecasieràcôtédemoi.Sonnœudpapillonàpoisétaitassortiauxbretellesbleuetblancqu’elleportait.

—Tuasrendez-vousavecleDrPerry,aujourd’hui?

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—Oui.(Jesortismonlivred’Histoiredemoncasier.)Jenelevoisquelundi et vendredi ces deuxprochaines semaines.Après, je pense que ceseraterminépourlemoisdenovembre.

—C’estplutôtbonsigne,non?Jehochailatêteetfermailaporteducasier.C’étaitbonsigne,maisj’ignoraissileDrPerrypensaitréellementque

j’allaismieuxousiletempsqu’ilpouvaitm’accordertouchaitàsafin.Jesavais, en tout cas, qu’il avait dit à ma mère, lors d’une de leursconversations téléphoniques, qu’un suivi psychologique en dehors dulycéeme ferait du bien.Malheureusement, lamutuelle demamère necouvrait pas ce type de consultations et nous n’avions pas d’argent àdépenserpourcegenredechoses.

Avecunpeudechance,monétats’amélioreraitavantqu’ilparte.Maisilnefallaitpasvendrelapeaudel’oursavantdel’avoirtué.— Je peux te poser une question ? (Quand j’acquiesçai, elle

continua:)Qu’est-cequisepasseavecSebastian?Çametracassedepuisplusieurssemaines,maiscommetuterenfermesdèsqu’onparledelui,jen’airiendit.

Jeremontail’ansedemonsacsurmonépaule.—Ilnesepasseriendutout.—Tuessûre?Parcequ’ilparlaitdetoivingt-quatreheuressurvingt-

quatreettoutàcoup,ilnes’assiedplusàcôtédetoietjenevousaiplusjamaisvusdiscuter.

—Ilestoccupé,c’esttout.Moiaussi,mentis-jeavantdeluitournerledos.

Darymarchaprèsdemoi.—Aufait, j’aientenduunerumeur,reprit-elleenparlantlentement,

commesiellechoisissaitsoigneusementsesmots.J’aihésitéàteledire,parcequejenevoulaispastefairedelapeine,maisenmêmetemps,jeneveuxpasquetul’apprennesparhasard,sic’estvrai.

Lesmusclesdemondossetendirent.Jem’attendaisàtout.

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— Quoi ? (On s’arrêta au bout du couloir, près de projets d’artplastique tellement affreux que je me demandais pourquoi on les avaitexposés.)Quellerumeur?

Darysemorditlalèvreetsedandinad’unpiedsurl’autre.— J’ai entendu dire… Enfin, Abbi a entendu dire et m’a rapporté

que…—Attendsuneminute.Abbiaentenduunerumeuretellet’enaparlé

àtoi.Pasàmoi?Lacolèrefitmontermavoixdanslesaigus.—Oui,soufflaDary.—Ellen’auraitpaspum’enfairepart?—Elleauraitpu,maisvousn’êtespassuperproches,encemoment.

Etpuis jepensequ’elle savaitque je te le répéterais,meditDary. Je tesignalequetunefaispasbeaucoupd’effortspourapaiservotrerelation.

J’ouvris la bouche pour la contredire, mais elle avait raison. Je nefaisaispasbeaucoupd’effortstoutcourt.

—Bon,qu’est-cequ’elleaentendu?—ElletraînaitavecKeithaprèsl’entraînement…—Ilssontensemble?demandai-je.Daryhaussalesépaules.—Quisait?Jecroisqueoui,maisAbbineveutpasqueçasesache.

TuconnaisAbbi.Entoutcas,ilsvontaubalensemble,mêmesielledoitm’yconduire.Keithl’ainvitée.(Ellepritunegrandeinspirationavantdecontinuer.)Bref.Elle traînait avecKeithaprès l’entraînement.Sebastianétait avec eux. Skylar était dans les parages, elle aussi. Elle n’était pasaveceux,maiselleétaitlà.Tuvois?

Moncœurseserra.—Abbi a entendu Skylar et Sebastian parler du bal. Selon elle, on

auraitditqu’ilscomptaientyallerensemble.(Daryavaitl’airgênée.)Abbin’enestpassûreparcequ’ellen’apastoutentendu,maisc’estcequ’ellepense. La dernière fois que tu nous as parlé de lui, tu nous as dit qu’ilt’avaitavouéqu’ilt’aimait.Alorstuméritaisdelesavoir.

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Jenesavaispasquoidire.Celan’auraitpasdûmesurprendre.Mêmesi j’avais l’impression qu’on m’avait piétiné le cœur avec des rangers,c’étaitmoiquiavaisrepousséSebastian.

Jecommençaisàcomprendrepourquoi ilm’avaitdemandési j’allaisaubal.Ilavaitvoulus’assurerqu’ilpouvaityalleravecSkylar,sansquejelesvoiesurleurtrenteetunetparfaitsl’unpourl’autre.

—C’estbien,murmurai-jeenclignantrapidementlesyeux.—Tuessérieuse?C’esttoutcequetuasàdire?Jehochailentementlatête.—Oui.Jesuiscontentepourlui.Poureux,mentis-je.Désormais,jedevaismecontenterdelesoutenir.C’étaitlamoindredeschoses.

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CHAPITRE26

— Comment s’est passée ta reprise du travail, ce week-end ? medemandaleDrPerrylelundimatin.

Onétaitladernièresemained’octobre.Lebald’automneauraitlieuleweek-end suivant. Un gros match, suivi d’une grosse fête. En tempsnormal,jen’auraispascommencéàtravaillerauJoanna’savantlamioulafinnovembre,maiscommejenejouaispasauvolley,j’avaisdécidédegagnerunpeud’argent.

—Bien. (J’enroulai les bras autourdemesgenoux.)C’était étranged’y retourner. Felicia, une autre serveuse, m’avait préparé un gâteau.C’étaitgentildesapart.

—Ungâteauauchocolat,j’espère!dit-il.(Quandjehochailatête,ilsourit. Aujourd’hui, il n’y avait pas de tasse devant lui, seulement unthermosargenté.)Tuasfaitcequejet’avaisdemandé?

Leslèvrespincées,jesecouailatête.Unepatience infinie sepeignit sur sonexpression. Jemedemandais

commentilfaisait.—Etavectesamis?Commentçava?Ilmeposaitcettequestiontousleslundiscartouslesvendredis,ilme

demandaitdemeconfieràl’und’euxdurantleweek-end.C’étaientmesdevoirs.Pourlemoment,jen’avaispasréussi.

Jetâchaidemedétendreunpeu.— Dary est toujours pareille. Elle aimerait que tout le monde

redevienne comme avant, vous voyez ? Elle aimerait qu’on soit de

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nouveau tous amis. Ce n’est pas qu’elle essaie d’oublier Megan ou lesgarçons,maisje…Jecroisqu’elleneveutplusypenser.Alorsjeneveuxpasfaireremontertoutçaàlasurface.

—Teconfiersurcequetutraversesneferapasforcémentremonterdes choses, me dit-il et je n’étais pas certaine d’être d’accord avec lui.Qu’enest-ild’Abbi?

— Elle nem’a plus jamais rappelé que je n’avais pas bu ce soir-là,maisellem’adresseàpeinelaparole.

Unetristesseterribles’abattitsurmoi.Abbimemanquaittoutautantque Megan. L’une d’elles était perdue à tout jamais. L’autre s’étaitéloignéeetjenesavaispascommentm’enrapprocher.

—Jenesaispassijevousenaiparlé,mais…jeluiaifaitremarquerqu’elle était venue à la fête dans la voiture de Chris tout en lesoupçonnantd’avoirbu.(Malà l’aise, jechangeaideposition.)Ellem’arépondu que ce n’était pas la même chose parce que personne n’étaitmort.

— Quand leurs actions n’ont pas eu de conséquences, certainespersonnesontdumalàadmettrequ’ellesontfaitdeschoixquiauraientpudébouchersurundrame.Ilestdifficiled’admettrequel’onn’estpasparfait,quel’onauraitpuêtrecettepersonne.Quel’onauraitpuprendreladécisionmenantàunecatastrophe.

LeDrPerrycroisalesjambes.—Certains ont de la chance.D’autres non.Mais ce n’est pas parce

qu’onn’apassouffertdirectementdelasituationqu’onnepeutpass’enservirpourévoluer.Parfois, ilsuffitd’êtretémoind’undramecommeletien pour se réveiller, pour se rendre compte qu’on aurait pu être à taplace. Et cette prise de conscience peut être la source de nombreuxconflitsintérieurs.Ilfautducouragepourl’admettre.C’estbeaucoupplusfaciledepointerdudoigtleserreursdesautresetdemettreunvoilesurlessiennes.(Iltapadoucementsurlebureauavecsonstylo.)Enfin,ilyaceux qui ne retiennent jamais la leçon.Ceux-là seront les premiers à tejuger.

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Jemerongeailesongles.—Ilsontraisondemejuger.J’auraistrèsbienpurefuserdemonter

dans cette voiture. J’aurais pu essayer de prendre les clés de Cody.J’auraispuretourneràlapiscinepourchercherKeithouSebastianou…

— Oui. Tu aurais pu. Tu aurais pu ne pas céder à la pression etdéciderderesteràlafête.Tuauraispeut-êtreréussiàconvaincreMegande rester avec toi. Mais même avec la meilleure volonté du monde,l’accidentauraitpeut-êtreeulieu.TuauraispuprendrelesclésdeCody,maisilestplusprobablequ’ilnet’auraitpasécoutéeetqu’ilauraitprislevolant.(Ils’interrompitetsoufflabruyamment.)Codyétaitbeaucoupplusfortquetoi.Tunesaispassituauraisréussiàluiprendresesclésous’ilauraitattenduquetuailleschercherquelqu’und’autre.

—J’auraispuessayer,murmurai-jeenreposantlespiedsparterre.—Tuauraispu,Lena,maistunel’aspasfait.Tuluiasdemandés’il

allaitbienetquandilt’aréponduoui,tun’aspasécoutélavoixaufonddetoiquitedisaitlecontraire,mais…(Ilsouffla.)Jevaisêtrefrancavectoi.Tuveuxbien?

Jeplissailenez.—Jecroyaisquevousl’étiezdepuisledépart.Unlégersourireétiraseslèvres.—Tuasfaitdemauvaischoix,cesoir-là.Tulesaisettul’asaccepté.

Tune te voilespas la face.Tun’aspas cherchéà réécrire l’histoire.Tuaurais très bien pu te convaincre que tu n’aurais rien pu faire pourempêcherl’accident,maiscen’estpaslecas.Tuasconsciencedecequis’estpasséetdecequiauraitpusepasser.Celanechangerajamais.Ilvafalloirquetuapprennesàvivreaveclesdécisionsquetuasprises,quetules acceptes, que tu apprennes de tes erreurs, que tu évolues et que tudeviennesunemeilleurepersonnegrâceàelles.

Jemepassaiunemainsurlevisage.Heureusementquejen’avaispasmisdemascara,carilauraitcoulésurmesjoues.

—Comment est-ce que je peux accepter les erreurs que j’ai faites ?Comment devient-on une meilleure personne ? Pour l’instant, j’ai

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l’impressiond’êtrelepiredéchetdel’humanité.—Tun’espaslepiredéchetdel’humanité.Jeluiadressaiunregardincrédule.Il haussa un sourcil et leva la main, comme pour m’empêcher de

parler.—Lesplusgrandschangementsseproduisentlentement…ettrèsvite

àlafois.—Çaneveutriendire.—Unjour,tuterendrascomptequetuasdépassél’étatdanslequel

tutetrouvesaujourd’huietquetuasacceptéqu’ilexistedeschosesquetu ne peux pas changer. La vie aura repris son cours. Et tu auras uneimpressiondesoudaineté,alorsqu’enréalitéleprocessusauraétélong.

Jeplissailesyeux.—Cen’estpastrèsencourageant.LeDrPerrysouritd’unefaçonquivoulaitclairementdirequ’unjourje

partageraissonopinion.—Pourcommencer,ilfautquetuteconfiesàtesproches.Unsentimentdepaniquemenoual’estomac.—Tuaslechoix.Soittucontinuesdevivredanslacraintequ’ilsne

découvrentlavérité,etonsaittouslesdeuxquec’estfatigantetquetesamitiésenpâtissent…Soittuleurparles.

—Mais…Ets’ilsmedétestent?demandai-je.— Alors ça voudra dire qu’ils n’étaient pas vraiment tes amis,

répondit-il. Ils seront peut-être en colère au début, ou déçus, mais unvéritable ami t’acceptera avec tes défauts parce qu’il ou elle tient à toi,toutsimplement.

Jemeremisàrongermesongles.Cedontj’étaiscoupablenerelevaitpasdusimpledéfaut.

—EtavecSebastian,commentçasepasse?medemanda-t-il.Unetristesseécrasantem’envahitdenouveau.JelerevisavecSkylar

et repensai à la rumeurqueDaryavait entendue. Je secouai la tête.Cen’était pas important. Il était venu déjeuner au Joanna’s le samedi

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précédent, après son entraînement, comme avant… avant l’accident. Ilavaitcommandéunepartdetarteetunverredelait,maiscen’étaitpluspareil.

—Pastrèsbien,admis-jeauboutd’unmoment.J’aimeraisluiparler,mais…et s’ilmehait,après?Jesaisbienquevouspensezque, s’ilmedéteste,c’estqu’iln’étaitpasvraimentmonami,maisill’est.Ilétaitmonmeilleurami.Etcequej’aifait…

LeDrPerrymeregardadanslesyeuxd’unairsérieux.—J’aimeraisque tu comprennesquelque chose.Tun’aspas tué tes

amis,Lena.Tuasfaitunmauvaischoix,certes,maiseuxaussi.Tunelesaspastués.

Aprèslescours,jerefermailaportedemoncasieretpassaimonsacàmonépaule.Unedouleursourdedescendit le longdemonbras,mais jegrimaçaiàpeine.Jemeretournaietavançaidanslecouloirsansvoirlesvisagesautourdemoi.Depuismonrendez-vous,lematinmême,avecleDr Perry, je ne remarquais plus personne. Ses paroles se répétaient enboucledansmonesprit.

Avant qu’il me le dise, j’avais déjà assimilé que je n’étais pas, enthéorie,responsabledelamortdemesamis.Maconsciencen’avaitdoncpasétéplusapaiséedel’entendre.Jen’avaispasprislevolantaprèsavoirbu ce soir-là. Toutefois, je n’avais rien fait pour empêcher Cody de lefaire.Légalement,jen’étaispascoupable.Jen’avaisrienfait.

Toutefois,j’étaismoralementresponsable.C’étaitunpoidsdifficileàporter.Commentsedébarrassait-ond’untel

sentimentdeculpabilité?Jen’étaispascertainequecesoitpossible.Maisj’étaisprêteàessayer.Àmidi,jen’étaispasalléeàlacantine.J’avaisleventrenouéàcause

de ce que je m’apprêtais à faire. Pendant que je me cachais dans labibliothèque,Darym’avaitenvoyéunmessage.Je luiavaisréponduquej’étudiaispouruncontrôle.

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En réalité, ce que je comptais faire une fois rentrée chez moi medonnait envie de vomir surmes chaussures. C’était peut-être pour celaque lorsque j’arrivai dans le hall qui menait au parking, je m’arrêtaidevantlesportesclosesdugymnase.

De l’autre côté des petites fenêtres, les filles s’échauffaient. Monventre se noua. L’entraîneur se tenait près du filet et donnait desinstructions.Lesmursetlesportesépaissesétouffaientsavoixpuissante.Ilrestaitencorequelquessemainesavantlafindelasaison.J’avaissuivileursprogrès.L’équipeavaiteuunebonneannéeetarriveraitsansdouteendemi-finales.

Jedevraisêtrelà-bas.Dès que cette pensée traversa mon esprit, je fermai les yeux pour

contenir la vague de regrets qui me submergeait. Cela faisait deuxsemainesqu’onm’avaitretirémonplâtre.J’auraispujouer.J’auraispu…

J’auraispufairedestasdechoses.Maisilétaittroptard.J’avaisprisladécisiondequitterl’équipeetje

ne pouvais pas revenir en arrière,même si le volley-ballmemanquait.Quandj’étaissurleterrain,jenepensaisàriend’autre.JenefantasmaispassurSebastian.Jenem’inquiétaispaspourmamèrenipourmonpèreabsent. Sur ce terrain, jeme contentais deme concentrer sur le ballon.Surmonéquipe.

—Jepeuxrecommenceràjouer,murmurai-je.Unesecoussemetraversadepartenpart.Surprise,j’ouvrislesyeux.

L’équipes’étaitdéplacéeverslesgradins.Oui,jepouvaisrecommenceràjouer.Tenterd’intégreruneéquipeàlafac.Cen’étaitpasgagné,maisjepouvaisessayer.Jepouvais…

Desbruitsdepasmesortirentdemespensées.Jeresserraimaprisesurl’ansedemonsacetreculaipourregarderdequiils’agissait.

Keith.Je ne l’avais pas vu de la journée. Il était habillé comme pour se

rendre à une réception : pantalon noir et chemise blanche. Son sac desportpendaitàl’unedesesépaulesetiltenaitsescramponsàlamain.

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Quandilm’aperçut,ilralentit.—Salut,dit-ilenjetantuncoupd’œilàlaportederrièremoi.Qu’est-

cequetufais?Commejenesavaispascommentexpliquermaprésenceici,jehaussai

lesépaules.—Tuvasàl’entraînement?— Oui. (Il s’arrêta devant moi. Ses yeux étaient un peu rouges.)

J’avais rendez-vous avec mes parents et… les avocats. Ça a pris unegrandepartiedel’après-midi.

Monventre senoua.Keith, lui, devait faire faceàdes conséquencesd’untoutautreordre.Commentavais-jepul’oublier?

—Comment…Commentçasepasse?Ilpassasamainlibredanssescheveux.—C’est…Ças’annoncemal.Notreavocataconseilléàmesparents

de plaider coupables. Tu sais, pour écoper d’une amende et de travauxd’intérêt général, au lieu de se retrouver en prison. (Il prit une grandeinspirationetbaissalamain.)Uneplainteaétédéposée,tusais?

Jehochailatête.Jenesavaispasquoiluidire.—Jepeuxteposerunequestion?—Biensûr,répondis-je.Ilserralesdentsetdétournalesyeuxavantdereportersonattention

surmoi.—Pourquoiest-cequetun’aspasportéplainte,toiaussi?Tuasété

gravementblessée.Tuétaisdanslavoiture.Commejenem’attendaispasàcettequestion,jecherchaimesmots.—Je…Jenepensepasquec’étaitlabonnechoseàfaire,répondis-je.

(Etjelepensaisréellement.Jen’avaispasbucesoir-là.Enréalité,j’auraisdûêtrepoursuivie,moiaussi.)Jeneveuxpasm’enmêler.

Ilhochalatête.Plusieurssecondespassèrent.—Mesparentssontdesgensbien.Ilsnousontlaissésboirechezeux

parce qu’ils pensaient que ce serait plus sûr, qu’on ne prendrait pas levolant… (J’avais conscience de tout cela.) Cody aurait pu rester à la

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maison. Il savait qu’il pouvait dormir sur le canapé. Tout le mondepouvaitrester.Ons’étaitmisd’accord.Amusez-vous,maisneprenezpaslavoituresivousavezbu.(Keithjuradanssabarbe.)Codylesavait.

Mapoitrineseserra.Sesparentsn’étaientpasmauvais. Ilsn’avaientsimplementpasenvisagétouteslesconséquencespossibles.C’étaientdesgensbienquiavaientpris lamauvaisedécisiond’autoriser lesfêteschezeux.

—Jesais.— J’ignore…J’ignore ce qui va se passer,maintenant. (Ses épaules

s’affaissèrent.) Ils vont perdre la ferme, les vergers… tout. (Il regardaderrièremoi et secoua la tête.) Je ne saismêmepas pourquoi je vais àl’entraînement.Àquoiçasert,putain?

—Jesuisdésolée,luidis-jetoutàcoup.Une expression de surprise passa sur le visage de Keith, bientôt

remplacéeparl’incrédulité.Seslèvresbougèrent,commes’ilvoulaitdirequelquechose,maisaucunsonn’ensortit.C’estalorsquejecompris.Jecompris qu’il ne savait pas pourquoi je m’excusais et cette prise deconsciencemefrappadepleinfouetaveclaforced’untrente-sixtonnes.

Keithétaitcommemoi.Ilblâmaitsafamille.Ilseblâmait,lui.Il ne voyait pas l’intérêt de continuer de faire ce qui le passionnait

avant.Ilressentaittoutçaetenmêmetemps,ilvoulaitdéfendresafamille.

Cen’étaitpasjuste,carKeithn’avaitrienfaitdemal.Ilneméritaitpascequiluiarrivait,maisil…

Ilétaitcommemoi.C’étaitlapremièrefoisquejeleremarquais.Abbi,elle,l’avaitcompris

depuislongtemps.Aveugléeparmaproprepeineetmonpropresentimentdeculpabilité,jen’avaispasvucequetraversaitKeith.Jen’avaispasvuceque traversaientAbbietDary.OumêmeSebastian. J’avaisocculté la

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souffrancedu lycée toutentier. Jusqu’àprésent, jenem’étais intéresséequ’àmapetitepersonne.

Keithbaissalatête.—Je…Jedoisyaller,dit-ilenmedépassant.Àplus,Lena.—Salut,murmurai-je.Jeleregardais’éloigneretrestaiplantéelà,longtempsaprèsqu’ileut

disparu. Quand je repris ma route à travers le hall, des centaines depensées différentesme traversèrent l’esprit,mais une question sortit dulot.

Étais-je quelqu’un de bien qui avait simplement pris une mauvaisedécision?

Je faisais les cent pas sur mon balcon en attendant que Sebastianrentre de l’entraînement. Après les cours, assise dansma voiture, je luiavaisenvoyéunmessagepourluidemanderdepasser.Ilnem’avaitpasrépondutoutdesuite.Moncœuravaitbattulachamadetoutaulongdutrajet du retour. Sebastian n’était pas revenume voir depuis le soir denotredispute.

Il était un peu plus de 16 heures lorsqu’il m’avait répondu qu’ilviendrait. Depuis je respirais normalement, mais je n’avais jamais étéaussinerveuse.

Refermantlespansdemongiletsurmapoitrine,j’avançaiversleboutdubalcon et jetai un coupd’œil vers samaison.Mon souffle se bloquadansmagorge.SaJeepétaitgaréedans l’allée.Enrelevant lesyeux, jemerendiscomptequesachambreétaitallumée.Quandétait-ilrentré?Jen’en avais pas lamoindre idée. Les entraînements pouvaient durer desheures.

Je regrettai tout à coup d’avoir mangé une assiette entière despaghettis.J’avaisenviedevomir.

J’avais décidé de parler à Sebastian en premier parce que je leconnaissais depuis plus longtemps. Et aussi parce qu’ilm’avait dit qu’il

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m’aimait. J’avais sans doute tout gâché en l’insultant la dernière fois,maisilméritaitdeconnaîtrelavérité.

AbbietDaryaussi.Ellesétaientlessuivantessurlaliste.Ilfallaitsimplementquejesurviveàcettediscussion.Quand la lumière disparut de la chambre de Sebastian, je laissai

échapperuncouinementdesurprise.J’étaispétrifiée.Deboutausommetdel’escalierquimenaitaubalcon,jeregardailaportedederrières’ouvriretSebastiansortirsurlaterrasseenbriques.

Malgréladistanceetlemanquedeluminosité,jevisqu’ilavaitprisletemps de prendre une douche. Ses cheveux mouillés étaient coiffés enarrièreetmettaientenvaleursonvisagetailléàlaserpe.Ilportaitunbasde jogging qui descendait très bas sur ses hanches et un tee-shirt àmancheslongues.

Il était à tomber par terre. Pourquoi ne pouvait-il pas puer latranspirationetêtrecouvertdeterreetd’herbes?

Pasquecelaauraitchangéquoiquecesoit.Je l’auraisquandmêmetrouvécanon.

Sebastiantraversalaterrasseenbriqueetrelevalatête.L’espaced’uninstant, il se figea. Il s’était sans doute rendu compte que je l’observaispendanttoutcetemps.

Puisillongealecôtédelamaisonetpassaleportillon.Lesbattementsde mon cœur s’emballèrent. Sebastian arriva alors dans mon jardin etentrepritdegravirlesmarches.

Cen’estqu’àcemomentquejeretrouvail’usagedemesjambes.Lesmainsliées,jereculai.Sonvisageapparutenpremier,etbientôt,il

se retrouva devant moi, me dominant de toute sa hauteur. Son regardbleu était prudent, comme chaque fois qu’il me voyait depuis notredispute.

Ilmeregardadanslesyeux.—Jesuislà.—Onpeut…alleràl’intérieur?demandai-je.

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Sebastianexamina laporte. Ilhésitait et cela faisaitmal,parcequ’iln’avaitjamaishésitéàvenirchezmoi.Auboutd’unmoment,ilaccepta.

J’ouvris la porte et le laissai entrer avant qu’il changed’avis. J’allaiensuitem’asseoirauborddulit.Sebastian,lui,s’installasurmachaisedebureau.

—Keithm’aditqu’ilt’avaitvueavantl’entraînement,dit-il.—On…Onadiscutécinqminutes.Sebastianattenditquejedéveloppe.Commejen’enfisrien, jelevis

se renfermer. Lagorge sèche, jemedépêchaidedire lapremière chosequimepassaparlatête…etquiserévélaêtrelachoselaplusridiculedumonde.

—Commentçava,avecSkylar?Ilrestauninstantsilencieux.—C’estpourçaquetum’asdemandédevenir?Pourparlerd’elle?—Non,répondis-jeaussitôt.Oubliecequejeviensdedire.Jenesais

mêmepaspourquoijet’aiposélaquestion.—Çam’auraitétonné,marmonna-t-il.Jetressaillis.—J’aiquelquechoseàtedire.Maisd’abord,ilfautquejetedemande

pardonpourcequejet’aidit,euh,ladernièrefoisquetuesvenuici.Cen’étaitpasbiendemapart.

—Non,répondit-il.Eneffet.Jegrimaçai,maiscontinuai.—Jesavaisparfaitementquecequ’onfaisait…quetunevoulaispas

simplementcoucheravecmoi.(Lerougememontaauxjoues.)Etjesaisquetesamistemanquentautantqu’àmoi.Jen’auraisjamaisdûinsinuerlecontraire.

Sebastian ne répondit pas. Je relevai les yeux vers lui. Il medévisageait avec intensité, la tête penchée sur le côté. Ce n’est qu’à cemomentqu’ilpritlaparole.

—Ilt’afalluunmoispourt’excuser?

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—J’auraisdû le faireplus tôt. J’enavais envie,mais…(Jedéglutispéniblement.)Jen’aipasderaisonvalable.Laseulechosequejepeuxtedire,c’estque j’ai faitungros travail surmoi-mêmeavec leDrPerry. Ilfautquetusaches lavérité.Jenesaispascomment tuvasréagir.Peut-êtrequetupartirasetquetunevoudrasplusjamaism’adresserlaparole.Peut-êtrequetuvasmehaïr.(Leslarmesmemontèrentauxyeux.)Maisjedoist’avouerquelquechose.

L’expression de Sebastian changea imperceptiblement, mais je leconnaissaistellementbienquejem’enaperçus.C’étaitcommesilesmursqu’il avait élevés autour de lui étaient soudain tombés. Il se pencha enavant,lesavant-brasposéssursesgenoux.

—Jenepourraijamaistehaïr,Lena.La tendresse brutale de ses paroles me brisa le cœur en mille

morceaux. Il ne se doutait de rien. Quoi qu’il dise, il risquait de medétester.C’étaitlavérité.Malgrétout,jeprisunegrandeinspirationpourmecalmeretluiavouai:

— Lorsque je suismontée dans lamême voiture que Cody, je… Jen’étaispasivre.J’auraispul’empêcherdeconduire.Jenel’aipasfait.

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CHAPITRE27

Sebastian n’eut aucune réaction. Pendant un long moment, il restaimmobile,àm’observer,puis,sansmequitterdesyeux,ildéclara:

—Cequis’estpassécesoir-làn’étaitpastafaute,Lena.— Si, en partie, lui dis-je en reprenant lesmots du Dr Perry. C’est

pourçaquejen’enaiparléàpersonne.J’auraispuarrêterCody.J’auraisdûlefaire,maisjenel’aipasfait.

Il se redressa et je vis samâchoire se crisper. Le silence pesant quis’ensuivitmitmesnerfsàrudeépreuve.

—Dis-moitoutcequetuassurlecœur,Lena.Mes lèvres bougèrent,mais aucun son ne s’en échappa. Ilme fallut

plusieursessaisavantdetrouverlesbonsmots.J’avaisbesoindesuivrelaméthode que m’avait inculquée le Dr Perry : commencer du début etrevivrelascène,mêmesic’étaitdifficile.

—Aprèsnotre…Aprèsnotrediscussion,pendantlafête,jesuisalléem’asseoiravecAbbietKeith.Ilsparlaientfort.Jenemesouviensplusdequoi.Onaurait dit qu’ils sedisputaient et flirtaient enmême temps. Jesuis restée un peu avec eux,mais je n’ai rien bu.À part de l’eau et, jecrois…non,j’ensuissûre.J’aibuunCoca.Ilcommençaitàsefairetard.J’avaisenviederentrer.

Cesoir-là,assiseàcôtéd’Abbi,jenepensaisqu’àSebastian,quiavaitdisparuavecSkylar,sansmedouterunseulinstantque,quelquesheuresplustard,riendetoutcelan’auraitlamoindreimportance.

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Je pris une grande goulée d’air et évitai son regard. Il savaitparfaitement pourquoi je n’étais pas allée le chercher, comme je l’avaispourtantpromis.

—Meganvoulait rentrer, elle aussi. Elle avait faim.Elle voulait desnuggets.JenemerappellepaspourquoiCodys’est jointànous.JesuissortieavecMeganetChris…etCodyétaitavecnous.Chrisétaitbourré.Quelqu’unnousaditqu’ilavaitcommencéàboireendébutd’après-midietlui-mêmenousaavouéqu’ilsesentaittropfatiguépourconduire.Codyaprissesclés.Audépart,ilavaitl’airbien.Jetelejure.Maisaprès,jemesouviens de l’avoir vu tendre lamain vers la poignée de la porte et lamanquer.

Jefermaislesyeux,résolueàcontinuermalgréladouleur.—Jeluiaidemandés’ilsesentaitcapabledeconduireetilarépondu

oui.Maquestionl’aagacé.Jen’avaispasenviedemonterdanslavoiture.L’instinct,jesuppose.Jesuisrestéedeboutàcôté,jusqu’àcequeChrismedisedem’asseoiretqueMeganmepousseàl’intérieur.Phillipplaisantait,commed’habitude,etCodym’aditqu’iln’avaitbuqu’unverre,mais jesavais…Jesavaisquecen’étaitpasvrai.Maisilm’aditqu’ilallaitbienetje…jenevoulaispasêtrecettefille,tusais?Cellequiprendlatêteàtoutlemondepourrien.

Leslarmesmebrûlaientlesyeux.— En cédant, je suis quand même devenue quelqu’un que je ne

voulaispasêtre. J’auraisdûessayerde l’arrêter. Je savaisqu’ilavaitbuplusd’unverre.Ilavaitlesjouesrouges.Jen’auraispasdûmonterdanscette voiture, parce qu’il n’aurait jamais dû prendre le volant et…Seigneur.Touts’estpassésivite.Jevenaisd’envoyerunmessageàDaryetj’étaisentraind’écrireàAbbipourluidirequej’étaispartie.Laradioétaitallumée.Jemesouviensdel’airquis’engouffraitparlesfenêtres.Jemerappellem’êtreditqu’onroulaitvite,puis j’aientenduCodycrieretMeganhurler.Et…voilà.(J’exhalaientremblant.)Tuvois?J’auraispufairequelquechose.L’arrêter.ResterchezKeith.Prendre levolant.Maisj’aiprislamauvaisedécision.Jesuis…

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Jenesavaispasquediredeplus.J’avais terminé.Si j’avaispu, jemeseraiscachéesousmon lit,mais

j’en étais incapable. Au lieu de quoi je restai immobile et attendis queSebastianmefassepartdesacolèreetdesadéception.Jesavaisqu’enluiavouant la vérité je devrais affronter sa réaction. C’était tout le but del’exercice.

Lentement,j’ouvrislesyeuxetregardaiSebastian.Sonvisageétaittrèspâleetfermé.Sesmains,poséessursesgenoux,

étaientcrispées.—Tu…Tutesouviensdel’accident?Jehochailatête.—Detoutjusqu’àcequejeperdeconscience.J’aireçuuncoupàla

tête,maisjemerappellequelavoitureaheurtéunarbre.Jemesouviensdes tonneaux… Je n’ai jamais été aussi terrifiée de toute ma vie. J’aicru…

Jem’interrompis.Sebastiansavaittrèsbiencequej’avaiscru.J’avaiscruquemadernièreheureétaitarrivée.—MonDieu.(Ilfermalesyeux,avantdedire:)Jelesavais.—Quoi?soufflai-je.Ilsepenchadenouveauenavant.Lachaisegrinçasoussonpoids.—Jesavaisquetun’avaispasbu,cesoir-là.—Jenecomprendspas.Ilenlevalesmainsdesesgenoux.—Jecroisquejenet’aivuebourréequ’uneseulefoisetcen’étaitpas

àunefête.Megant’avaitmiseaudéfideboirelabouteilledevinquetamèreavaitoubliéderanger.Tuétaistellementivrequetun’arrivaispasàmonterl’escalier.Meganestvenuemechercherpourteporterjusqu’àtonlit.

Unsouriretristeétirames lèvres.Ah,Megan…J’avaisoublié lanuitd’horreurqu’ellem’avaitfaitpasseràcausedecettebouteille.

—J’aiététrèsmalade.

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—M’enparlepas.(Ilrelevalatête,luiaussisouriaittristement.)Dèsqu’on est arrivés dans ta chambre, j’ai dû te porter jusqu’à la salle debains,oùtut’estransforméeenvolcancracheurdevomi.

Seigneur.Sebastian m’aidait à me tenir droite, un bras autour de ma taille,

pendantqueMeganmetenait lescheveux.Celas’étaitproduitdeuxansplustôt.

Celaavaitétéégalementlaseulefoisoùj’avaisvraimentbu.Je ne sais pas pourquoi, mais je ne croyais pas que Sebastian s’en

souvenait.—Jesaisquetuneboisjamaisplusdequelquesgorgées.Et,àmoins

quetun’aiesdécidédefaireuneexceptioncesoir-là,ilétaitclairquetuétaissobre,medit-il.

—Si jecomprendsbien…(Sonnée, jem’humectai les lèvres.)Tu tedoutaisdepuisledébutquej’étaismontéedanscettevoiturealorsquejen’avaispasbu?

Sebastianhochalatête.—J’ignoraisquetutesouvenaisdel’accident.Audébut,tuprétendais

lecontraireetcommetunevoulaispasendiscuter,jemesuisditquetun’avaispasencoretotalementrecouvrélamémoire.Maismaintenantquejesaisquetutesouviensdetout…?MonDieu…

Jen’arrivaispasycroire.Ilmeregardadanslesyeux.—Jeseraismontédanscettevoiture,moiaussi.—Quoi?soufflai-jeensursautant.Jevoulusmelever,maismesjambesrefusèrentdemesoutenir.—J’auraissansdoutefaitlamêmechose,dit-il.Non,iln’yapasde

doute. Je suis persuadéque j’aurais fait lamême chose. J’aurais pris laréponse de Cody pour argent comptant et je serais monté dans cettevoiture,commetoi.Jenesaismêmepassij’auraishésitéaussilongtemps.

—Arrête.Onsaittouslesdeuxquetunel’auraispasfait.TuauraisarrêtéCody.Tu…

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—J’aibu,cesoir-là.Pourtant,j’avaisl’intentiondeteraccompagner,m’interrompit-ilense laissant tomberenarrière, sur lachaise.Je te l’aidéjàdit.J’auraistrèsbienpuêtreàlaplacedeCody.J’enaiconscience.Boiredeuxoutroisbièresetpenserquejepeuxconduirequandmême.Jel’aifaitbientropsouvent.

Jevoulais luidireque cen’étaitpas lamêmechose,mais ça l’était.J’enrestaisansvoix.Jem’attendaisàcequ’ilsoitfurieuxetdéçuparmoncomportement,maisaucundecessentimentsnese lisaitsursonvisage.Ilsnetransparaissaientpasnonplusdanssesparolesnidanssesactes.

Toutàcoup,ilselevaetvints’asseoirsurlelit,àcôtédemoi.Ilneditrien.Àcetinstant,lesmotsétaientinutiles.

Tandis qu’il me dévisageait, je pris conscience que pendant tout cetemps, il connaissait lavérité. Il savaitque j’avais fait lemauvais choix,mais il était assez lucide pour admettre qu’il s’était retrouvé dans dessituations similaires et avait fait lesmêmes erreurs. La seule différence,commel’avaitdit leDrPerry,étaitqu’ilavaiteudelachance.Iln’avaitjamaiseuàpayerpourlesconséquencesdesesactes.

Celanelerendaitpasinnocentpourautant.Etmoinonplus.Toutefoisilnemejugeaitpas.Etnel’avaitjamaisfait.Pendanttoutce

temps,j’avaiseupeurdesaréactionquandilapprendraitlavérité,alorsqu’ilsavaitdéjà.Ilsavaitmaisn’enavaitpasmoinsétéprésentpourmoi.Ilsavaitetm’avaitquandmêmeditqu’ilm’aimait.

Mesépaulessedétendirentpetitàpetit.—Tunemedétestespas?Tun’espasécœurénidég…—Arrête.Jenepourraisjamaispensercegenredechoses,Lena.Pas

detoi.Une vague de soulagement m’envahit. La douleur cruelle que je

ressentaiscommençaità retirer sesgriffesdemoncœur.Je reprisd’unevoixfêlée:

—Pourquoi?Moi,jemedégoûte.Jemedéteste.

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—Tuascommisuneerreur,Lena. (Il sepenchaversmoi.)Voilàcequis’estpassé.Tunelesaspastués.Tuascommisuneerreur.

Uneerreurquiavaitcoûtélavieàquatrepersonnes.Jefrissonnaietessuyaimeslarmes.J’enavaisassezdepleurer.—Lena,murmura-t-ild’unevoixrauque.Viensici.Sebastiantenditlamainversmoi.Jebougeaisansmêmeypenser.Mesdoigtss’enroulèrentautourdes

siens et il m’attira à lui, jusqu’à ce que je me retrouve assise sur sesgenoux, une jambede chaque côté des siennes et les bras autour de sataille.

Puis ilpritmonvisageentresesmainset,sansunmot, ildéposaunbaisersurmajoue.Ilembrassachaquelarmequitombait.

Soudainjem’effondrai.Jem’autorisaiàressentirtoutelapeinequejerefoulaisjusque-là.

Sebastian grogna et guida ma tête contre son torse. En quelquessecondes,meslarmesimbibèrentsontee-shirt.Ilpassasesbrasautourdemoietm’étreignit.Ilmeserrafortcontreluipendantquejepleurais.PourMegan.Pourlesgarçons.PourAbbietDary.Etpourmoi.

Nousétionsallongéssurlelit,l’unenfacedel’autre.Seulsquelquescentimètres nous séparaient. Il était tard, après minuit, et le matinarriveraitbienasseztôt,maisnousnedormionspas.Quandmessanglotss’étaient calmés, nous avions continué à chuchoter. Je lui avais confiémonsentimentdeculpabilité,monenviederevenirenarrièreetdefaireunchoixdifférent.Jeluiparlaidescauchemarsetluiavouaiquemamèreétait au courant, qu’elle était déçue même si elle ne me le disait pas.J’admisque je regrettaisd’avoir arrêté le volley-ball. Je lui racontaimaconversationavecKeithetmonépiphanie.Jeluiparlaimêmed’Abbi.

Sebastianm’écoutaattentivement.—Tuvasleurparler?medemanda-t-il.ÀAbbietDary?—Illefaut.(J’avaislesbrascroiséssurmapoitrine.)Ceneserapas

facile,maisilfautquejelefasse.(Jerepliailesjambes.)Abbit’aditquoi

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quecesoit,parrapportàl’accident?—Non.Riendeplusquelesautres.Rienàtonsujet,entoutcas.(Il

glissaunpeuplusversmoi.)Abbis’estbeaucouprapprochéedeKeith.Jecroisqu’ellel’aideàsurmonterl’épreuvequ’iltraverse.(Iltenditlamainversmoietattrapaunemèchedecheveuxtombéesurmajoue.)Cequ’ilvitestcomplètementdifférentdetasituation.Personnenerejettelafautesurtoioutafamille.Personnen’estaucourantdecequetuviensdemedire,etmêmesic’étaitlecas,ilsaccepteraientquetuaiesfaituneerreur.

Uneerreurmortelle.—MaisKeith…Toutlemondesaitquecesontsesparentsquinous

ontfournil’alcool.Ilsétaientlesadultesdansl’histoire.Àcausedeça,safamille est en train de se déchirer, m’expliqua calmement Sebastian.Personnenes’enestprisdirectementàKeith,maisilnevapasbien.Lui,parcontre,illaissesesamisl’aider.Jeneveuxpasêtreméchant,mais…

—Cen’estpasmoncas,terminai-jeàsaplace.Jemesentaismal.Jen’avaismêmepaspenséàcequeKeithvivaitde

soncôté.Sebastianlaissacourirundoigtlelongdemapommette.Jerelevailes

yeuxverslui.Quelquechose,jen’auraissudirequoi,avaitchangéentrenous.Cechangementétaitpresquepalpable.Jepensequ’ilavaiteulieulorsqu’ilavaitembrassémes larmesetm’avait serréecontre luipendantquejesanglotais.

—Tunecomptesvraimentpasalleraubald’automneceweek-end?medemanda-t-il.

LesujetmefitpenseràSkylar.—Ettoi?—Jesuiscenséyalleravecdespotes.—PasSkylar?Ilhaussaunsourcil.—Pasdutout.(Ilrit.)Qu’est-cequitefaitpenserça?Jesentismonvisages’empourprer.—Vousparlezbeaucoupencemoment,c’esttout.

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—On a toujours parlé, répondit-il d’un air amusé. Si tu veux toutsavoir,elleyvaavecunmecd’unautrelycée.

—C’estvrai?m’exclamai-je,surprise.Pourtant,onm’aditquevousdiscutiezdubal.

—Onenadiscuté,oui,maisonn’ajamaisditqu’oniraitensemble.(Sonregardsefitsérieux.)Ellesaitquejenereviendraijamaisverselle.Tudevrais lesavoir, toiaussi.Cen’estpasparceque leschoses…nesesontpasdérouléescommejeledésiraisquejevaismejetersuruneautrefille.

C’étaitma faute si les chosesne s’étaientpasdéroulées comme il ledésirait.Jelesavais.

Sebastianmecaressalajoue.—Ilyatoujourslebaldepromo.J’aimaislafaçondontilavaitprononcécettephrase.—Oui,lebaldepromo.Ilrestasilencieuxuninstantavantdereprendrelaparole.—Mercipourcesoir.Jefronçailessourcils.—Pourquoiest-cequetumeremercies?— Parce que. (Sa main glissa jusqu’à mon épaule, qu’il serra.) Tu

portaiscefardeautouteseule,maismaintenant,c’estterminé.Tuasosém’enparler.TuvasenparleràAbbietDary.Tun’esplusseule.

Unsourirefatiguéétirameslèvres.—Cen’estpasmoiquidevraisteremercier,danscecas?—Non.Jen’airienfait.Jemesuiscontentéd’écouter.Etc’étaitlachoselaplusextraordinairequisoit.—Tuasfaittoutletravail,ajouta-t-il.Dans un sens, Sebastian avait raison. Il m’avait fallu beaucoup de

travailpourarriverjusqu’ici.Monsourires’élargit.ParleràSebastiancesoiravaitétéungrandpas

enavant.Désormais, j’avaisun choixà faire : laissermon sentimentdeculpabilitémedétruireouapprendreàvivreavec.

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Etjecomptaisbienprendrelabonnedécision.

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CHAPITRE28

Le mercredi suivant, le Dr Perry était tellement content de mesprogrès qu’il me confia une mission. Deux, en fait, à ajouter à ladiscussionquejedevaisavoiravecAbbietDary.

— Il y a deux choses que j’aimerais que tu fasses, me dit-il. Ellest’aiderontàfairetondeuil.Lapremièreseradet’autoriseràressentir lasouffrancequelamortdetesamistecauseunjourparsemaine.

Jefronçailessourcils.—Unejournéeentière?— Non, sauf si tu en éprouves le besoin, expliqua-t-il. Tu peux y

consacreruneouplusieursheuresparjour.Leplusimportant,c’estquetuprennes le tempsdetesouvenirdetesamis.Regardedevieillesphotos,visiteleursréseauxsociauxs’ilssontencoreenligne,écrisàleurpropos.Jeveuxquetupensesàeux,quetuterappelles,maissurtoutquetunebloquespascequeturessens.Tucroisquetuenescapable?

Peut-être.Ceseraitdifficilederegarderleursphotosetleursderniersposts,maisjepouvaislefaire.

—Faire sondeuiln’estpas facile.Ce le seraencoremoinspour toi,parcequeturessensdelaculpabilitéparrapportà l’accident.Et iln’estjamaisaiséd’accepterlamortdepersonnesquisontresponsablesdeleurpropredécès. (Ilposa lesbrassur la table.)Je travailleparfoisavecdespersonnesquiontperduunprochesuiteàuneoverdose.Cesgenssontencolère, ilsdoutent.Commetudoissansdoute le faire.Mais,auboutducompte, la seule chose qui importe, c’est que ces garçons et cette fille

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étaienttesamis.Ilsoccupaientunegrandeplacedanstavie.Tuasledroitd’êtretriste.

Jehochailentementlatête.—Jepeuxlefaire.—Queljour?medemanda-t-ilaussitôt.—Euh…fis-jeenfronçantlenez.Ledimanchesoir?Cela ne changerait pas grand-chose : c’était déjà lemoment le plus

déprimantdelasemaine.—Parfait.Ladeuxièmechoseestunepromessequej’aimeraisquetu

mefasses.Jehaussaiunsourcil.— Je voudrais que tu me promettes de te rendre sur leurs tombes

avantlafindel’année.Àcetteidée,monventreseserra.Unelueurdecompassionbrilladanssesyeux.—Jesais.Àl’instantoùtuverrasleurstombes,celavoudradirequ’ils

sontvraimentmorts.Justement.Jepenseque,pourtoi,c’estunpassageobligé. Tu n’as pas pu assister aux funérailles. Te rendre sur leurssépulturest’aideraàfairetondeuiletplusencore.

Lapoitrineoppressée,jehochailatête.—Jeleferai.Ilfallaitquejelefasse.Parcequej’avaisprisladécisiondenepaslaisserleschoixquej’avais

faitsle19aoûtdernierdéterminerlecoursdemaviefuture.

J’avaisencorel’estomacretournélorsquej’arrivaiàlacantine,maisjemefisdemonmieuxpouravalercequiétaitcenséêtredeslasagnes.Enréalité, cela ressemblait à une bouillie de steak recouverte de fromage.Sebastianavaitreprissaplaceauprèsdemoi.Toutefois,ilmetournaitledos. Il semblait en pleine conversation avec l’un des autres garçons àproposdelameilleureboissonénergétiqueouuntrucdanslegenre.Keithlesécoutait.

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C’étaitlemomentidéal.— Euh, jeme demandais si vous vouliez allermanger unmorceau,

aprèslescours…?demandai-jeàAbbietDary.J’étais tellement nerveuse qu’on aurait dit que je leur proposais un

rendez-vousgalant.LeregarddeDarys’illuminaaussitôtderrièreseslunettes.—Avecplaisir!(Ellejetauncoupd’œilàAbbi.)Jen’airiendeprévu.—Jenesaispas.(Abbiétaitentraindedisséquerseslasagnesavecsa

fourchette.)Jenepensepasquej’auraifaim.LesépaulesdeDarys’affaissèrent.Jem’étaispréparéeàcetteréponse.—Onpourrait aller boireun smoothie, suggérai-je, sachantqu’Abbi

nedisaitjamaisnonàunsmoothiebienfrais.Onn’estpasobligéesd’allerdansunrestaurant.

Levisaged’Abbinelaissaitrienparaître.Ellerelevalesyeuxversmoi.Leslèvrestremblantes,jemepenchaienavantpourmurmurer.

—S’ilteplaît.Ilfautabsolumentquejevousparle.Ses traits se détendirent. Je retinsma respiration. J’étais persuadée

qu’elleallaitrefuser,maiselleaccepta.—D’accord.Unevaguedesoulagementm’envahitetmanquamefairetomberde

ma chaise. Dary, elle, semit à taper dans sesmains comme une otariesurexcitée.

—Merci,murmurai-je.Abbi ne répondit pas, mais elle hocha la tête et c’était un début.

C’étaitsuffisant.

Smoothiesàlamain,ons’assitàunetableaufonddupetitbar.Abbis’installa en face de Dary et moi. J’avais choisi un « classique », unsmoothieà la fraise.Daryavaitprisuneboissonplusoriginale, avecdubeurre de cacahuète à l’intérieur. Abbi, elle, s’était contentée d’unsmoothieàlamangue.

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SiMeganavaitétéavecnous,ellen’auraitpascommandéàboire.Elleaurait mangé une pita fourrée en nous assurant qu’elle prenaitsimplementsadosequotidiennedeprotéines.

Daryn’avaitpascessédeparlerjusqu’àcequ’ons’assoie.Dèsqu’ellesetut,Abbipritlaparole.

—Alors,pourquoituvoulaisqu’onvienneici?Jemefigeaiàmi-chemindemapaille.—J’aibesoind’uneraison?—Non,réponditDaryenmêmetempsqu’Abbidisaitoui.Abbis’expliqua.—Çafaitdesmoisquetuneveuxrienavoiràfaireavecnous.Ilya

forcémentuneraison.—Cen’estpastoutàfaitvrai,luifitgentimentremarquerDary.—Pourtoi,peut-être,maismoi,jenelavoispresquejamais,rétorqua

Abbiavantd’avalerunegorgéedesmoothie.—OK.(Jelevailamainpourlesinterrompre.)Jel’aimérité.Jen’ai

pasétéunetrèsbonneamie,cesdeuxderniersmois.J’enaiconscience.C’est pour ça que je voulais qu’on discute aujourd’hui. J’aimerais…J’aimeraisvousparlerdel’accident.Decequis’estpassécesoir-là.

Daryposalesbrassurlatable.— Tu n’es pas obligée. (Quand elle se tourna vers moi, ses yeux

étaientbrillantsdelarmes.)Tun’espasobligéedefaireça.—Si.(Jecroisaileregardd’Abbi.)Ilfautquejevousdiselavérité.Alors,c’estcequejefis.Jeleurrépétaicequej’avaisracontéàSebastian.Cettefois,cefutplus

facile et moins douloureux, car c’était déjà la troisième fois que je meracontaiscettenuit.Enrevanche,j’avaisdumalàregarderAbbiouDarydanslesyeux.Jem’yforçai,carjesavaisqu’Abbiconnaissaitlavéritéetque Dary s’en doutait sûrement. Je remplis le silence amer qui nousséparait et étalaima vérité sur la table entrenous, en espérant qu’ellescomprendraientmoncomportementdepuisl’accident.Malgrétout, jenem’attendaispasàcequ’ellesmepardonnent.

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Pendantquejeparlais,Daryrelevaseslunettesetsepritlatêteentreles mains. Je sentais ses épaules trembler contre moi. Poursuivre monrécit alors que je savais qu’il la bouleversait était aussi agréablequemarchersurdubrisdeverrechaufféàblanc.

— J’ai entamé un travail sur moi-même et je continue à le faire,terminai-je,vidéedetouteénergie.J’aiconsciencequ’apprendreàgérermonsentimentdeculpabilitén’estpasunebonneraisonpourvousavoirmises de côté. Je ne m’attends pas à ce que… à ce que vous mepardonniez.J’avaissimplementbesoind’êtrehonnêteavecvous.

Abbineme regardaitpas.Elle avaitdétourné les yeuxquand j’étaisarrivée à la partie où j’avais demandé à Cody s’il se sentait bien. Leslèvrespincées,ellejouaitavecsapaille.

Magorgemebrûlait.—Jesuistellementdésolée.C’esttoutcequejepeuxdire.Jesaisque

çanechangerienetqueçanelesferapasrevenir,maisjesuisvraimentdésolée.

Darybaissalesmains.Sesyeuxbrillaient.—Jenesaispasquoidire.—Tun’aspasàdirequoiquecesoit,répondis-je,tremblante.Elles’essuyalesjoues.—Jem’endoutais,tusais.Jesaisquetuneboisjamaisbeaucoupet

jemesuisdemandépourquoitun’avaispasprislevolant,maisje…C’estaffreuxdeseretrouverdanscegenredesituation.Tuveuxfairecequiestjusteetenmêmetemps,tun’aspasenvied’agacertoutlemonde.

Abbirestasilencieuse.—J’auraisdûfairelebonchoix,luidis-je.Darysouffla.Onauraitditqu’unfrissonluiavaitparcourulecorps.—Oui.Tuauraisdû.Jem’adossaià labanquetteetposai lesmainssurmesgenoux.Que

pouvais-je dire de plus ? De plus que la vérité ? En engageant cetteconversation, je savais que je pouvais perdre l’amitié de Dary, commej’avaisdéjàperducelled’Abbi.

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Auboutd’unmoment,Abbipritlaparole.—Tuas…faituneerreur.Uneénormeerreur,dit-ellesanslever les

yeuxdesaboissonjaunevif.Maisc’esttout.Tuasjustefaituneerreur.Marespirationsebloquadansmagorge.Jen’auraispaspudécrirece

que jeressentais.Cen’étaitpas l’absolutionqu’onm’offrait,maisc’étaittoutaussipuissant.

Darysetournaversmoi.Sesjouesétaienthumides.Pendantunlongmoment, elle ne dit rien, puis elle posa la tête contremon épaule. Untremblementmeparcourut.

—Bon, reprit-elle d’une voix rauque.OK.Maintenant, j’ai envie defrites.Leproblème,c’estqu’ilsn’envendentpas,ici.

Unrirebrisém’échappa.—Oui,desfrites.Ceseraitparfait.Abbisecoualatête,faisantvolersesdeuxnattes.—Tuviensdeboireunsmoothieentier,etmaintenant, tuveuxdes

frites?—J’aibesoindesel.Detonnesdesel.Abbilevalesyeuxauciel.— Tu sais, dit Dary en relevant la tête de mon épaule. Je t’aime

toujours.Jevoulaisquetulesaches.Les larmesmemontèrentauxyeux,mais je lesrepoussai.Comme je

nemesentaispascapabledeparler,jehochailatête.Puis le sujet de conversation changea. Quand on sortit du bar à

smoothie,toutsemblaitêtrerentrédansl’ordre.Oupresque.Toutefois,avantd’allermangerdesfrites,ilfallaitencorequejeparle

àAbbiseuleàseule.Jem’arrêtaidevantmavoiture.—Abbi,attendsuneminute.AprèsavoirfaitsigneàDary,elleseretournapourmefaireface.Les

murs qu’elle avait élevés autour d’elle étaient retombés. Du moins,certainsd’entreeux.

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—Jesaisqueleschosessontencoreunpeubizarresentrenous,maisjevoulaistedemanderdesnouvellesdetesparents.Commentçava,entreeux?

QuandAbbiouvritlabouche,jemepréparaiàcequ’ellem’assèneuneremarquemordante,maiscenefutpaslecas.

— Maman a arrêté de « travailler tard », dit-elle en mimant desguillemets. Et ils ne sedisputent plus autant qu’avant. Jene sais pas sielle a avoué la vérité à mon père, mais apparemment, ils essaient desauverleurcouple.

Jem’adossaiàmavoiture.—C’estunebonnechose,non?—Oui, je pense. En tout cas, on n’a plus à les écouter essayer de

s’entre-tuer.Ellerepoussal’unedesesnattesderrièresonépaule.—Jesuiscontentedel’entendre.Vraiment.Elleacquiesçaavantdeprendreunegrandeinspiration.—Ilfautquejetedisequelquechose,d’accord?Jemecrispai.—D’accord.— Je suis désolée pour ce que je t’ai dit à propos de Chris. J’ai

prétenduquecelan’avaitrienàvoirdemonterdanssavoiturealorsqueluiaussiavaitbu,maisjesaisquelasituationétaitexactementlamême…J’aieudelachance,c’esttout.(Elledéglutitbruyamment.)Jem’excusedet’avoirditça.Jen’auraispasdû.

Jefermaibrièvementlesyeux.—Cen’estpasgrave.Celan’avaitpluslamoindreimportance.—Jenet’envoulaispasparcequetuétaismontéedanscettevoiture.

Enfin, si, j’étais en colère. Je pense que tout le monde l’aurait été, audébut. Mais ce qui m’a vraiment mise en rogne, c’est que tu m’aiesempêchéedet’aider.Tut’escomplètementrenferméesurtoi-même.

—Jesais,murmurai-je.C’estvrai.

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—Tute rendscomptedecequ’onapuressentir?Jenesavaispasquoifaire.Tunet’esconfiéeàpersonne.C’estpourçaquej’étaisénervée.J’aiperduMeganetj’avaisl’impressiondet’avoirperdue,toiaussi.

—Jesuisdésolée.Cen’étaitpasconscientdemapart.Je…—Jecomprends.Tun’étaispastoi-même.J’auraisdûfairelamême

chose que Dary : te laisser du temps. De l’espace. (Elle baissa la tête.)Excuse-moidenepasl’avoirfait.

—Tun’aspasà t’excuser. (Je fisunpasverselle.) Jeneveuxplusentendre la moindre excuse. J’aimerais juste que… les chosesredeviennentcommeavant.

—Moiaussi.Alors, Abbi me prit dans ses bras. C’était une étreinte rapide, à

l’opposé de celles dont nous avions l’habitude, mais c’était mieux querien.C’étaitundébut.Ellerecula.

—Ilfautquej’yaille,maisjet’enverraiunmessagetoutàl’heure.Turépondras,pasvrai?

—Biensûr.Abbimesouritavantdes’éloigner.J’avaisenviedepleurer,maispour

uneraisoncomplètementdifférente,cettefois.Tellementdifférente.

Mercredi soir, Sebastian était assis sur mon lit pendant que je lui

racontaismonaprès-midiavecAbbietDary.JeluiparlaiensuitedesdeuxchosesqueleDrPerrym’avaitdemandédefaire.

— Ça a été une longue semaine pour toi, me dit-il quand j’eusterminé.

J’étais assise à côté de lui, les jambes croisées, un coussin sur lesgenoux.

—Très.—Commenttutesens,maintenantquetuasparléàAbbietDary?Jehaussailesépaulesetserrailecoussinplusfortcontremoi.

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—Mieux.Rassurée.Aumoins,ellessontaucourant.Jesaisqueçanechangerienetqu’ellessontdéçues,maisiln’yaplusaucunsecretentrenous.Alors,oui,c’estunsoulagement.

—Jecomprendsceque tuveuxdire.(Ilpencha la têtesur lecôté.)Parfois,dire lavéritéestplus importantque lapeurdedécevoir l’autre.(Quandildonnaunpetitcoupdanslecoussin,unlégersourireétiraseslèvres.)Tusais,lesoirdenotredispute,tuavaisraisonsurunpoint.

Jehaussailessourcils.—Jepensaispourtantavoireutortsurtoutelaligne.— Non. Pas sur toute la ligne. (Il attrapa le coussin posé sur mes

genoux et le plaçaderrière lui.)Tuavais raison : jen’avais pasparlé àmonpèreàproposdufoot.

Oh.Mince.J’avaiscomplètementoubliéquejeluiavaislancécelaauvisage.Jel’avaissansdouteocculté.

—J’aiparléàmonpère.Jesursautai.—C’estvrai?— Oui, me répondit-il, les yeux mi-clos. Ça ne s’est pas très bien

passé.Jememisàgenouxetmerapprochaidelui.—Qu’est-cequis’estpassé?Raconte-moitout!Un léger sourire apparut sur ses lèvres lorsque jeme laissai tomber

devantlui.—Jeluiaitoutavouéilyadeuxsemaines.Iln’yapasgrand-choseà

dire.J’aijusteétéfrancaveclui.— Et tu ne m’en parles que maintenant ? m’exclamai-je en lui

donnantunetapesurlebras.Sebastian!—Hé,fit-ilenm’attrapantlamain.(Ilriait.)Onn’étaitpasvraiment

enbonstermes,jeterappelle.Etpuistuavaisd’autreschatsàfouetter.—C’estvrai.Malgrétout,jemesentaiscoupabledenepasavoirétéprésentepour

lui. Je ne pouvais pas revenir en arrière. La seule chose que je pouvais

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faire,c’étaitêtrelàpourluiàpartirdemaintenant.—Commentilaréagi?—Ilapétéuncâble. Ilm’aditque jen’étaispasmoi-même,que je

réagissaiscommeçaàcausedel’accident.Jeluiairépondulavérité,quelefootballnem’intéressaitplus.(Ilposanosmainsjointessursongenou.)Jeluiaiexpliquéquec’étaitcequejeressentaisdepuisuncertaintemps.

—Waouh.— Il ne m’a pas parlé pendant une semaine. (Quand je grimaçai,

Sebastians’esclaffa.)Maisjecroisqu’ilessaied’acceptermadécision.Ilarecommencéàm’adresserlaparole.Mamèreestsansdoutederrièretoutça.

Jeluiserrailamain.—C’estgénial.—Oui,murmura-t-ilensemordantlalèvreinférieure.Iln’apasl’air

dedéprimer.Alorsc’estbien.Toutsourire,jeluidemandai:—Bon,maintenantquetune jouerasofficiellementpasau footà la

fac,quelleuniversitévas-tuchoisir?— Mon Dieu, j’ai tellement plus de choix, maintenant ! dit-il en

regardantlamappemondederrièremoi.Jenesaispas…Jevaispeut-êtreétudierencollègecommunautairependantunanouenvoyermondossierà l’InstitutpolytechniquedeVirginieou…(Sesyeuxbleuscroisèrent lesmiens.) L’université de Virginie, tout court. (Il rougit pendant que je ledévisageai,bouchebée.)Ouailleurs.Quisait?J’aiencoreletempsdemedécider.Bref,dit-ilens’allongeantsurlelit.(Iltirasurmamain.)Tuveuxregarderunfilm?

J’observaisonprofiluninstantavantdehocherlatête.—Commetuveux.Sonsourirecontagieuxmeréchauffadel’intérieur.Ilm’attiraàluide

façon à ce que jem’allonge contre son flanc. Je tendis lamain vers latélécommande, qui se trouvait sur la table de chevet, et la lui tendis.Sebastianallumalatélévisionetfitdéfilerleschaînes.

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—Sebastian,soufflai-je.Iltournalatêteetposasesyeuxmagnifiquessurmoi.—Jesuisfièredetoi.Jevoulaisquetulesaches.Jesuisvraimenttrès

fièredetoi.Unsourireéblouissantsedessinasurseslèvresetnelequittaplusde

toutelasoirée.

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CHAPITRE29

Le soir du bal d’automne, il n’y avait absolument personne auJoanna’s,àtelpointqu’à21heuresFeliciamejetapratiquementdehors.

Après avoir retirémon tablier, je sortis du restaurant etmedirigeaiversmavoiture.Jerentrairapidementchezmoi.Unefoisgaréedevantlamaison, je jetaiuncoupd’œilàmonportable.Darym’avaitenvoyéunephotod’Abbietelledansleursjoliesrobes.Ellesposaientsousunearchedécoréedefleursetjouaientàlaperfectionlecouplegêné.Abbisetenaitderrière Dary et avait passé les bras autour de sa taille. Je leur avaisenvoyéunmessageunpeuplustôtpourleursouhaiterunebonnesoirée.Darym’avaitréponduaussitôtavecuncœuretunsmiley.Unedemi-heureplus tard, j’avais reçuunmessaged’Abbi. Il était simple,maisavait faits’envolerlepoidsquipesaitencoresurmesépaules.

Tunousmanques.

C’étaitundébut,untrèsbondébutmême,pourréparernotreamitié.J’aurais voulu les accompagner au bal, parce que je savais que je meseraisamuséeavecelles,maiscesoir,j’avaisl’intentiondefairequelquechosequejen’avaisplusfaitdepuistrèslongtemps.

Lire.Etj’avaishâte.J’allaislireunbonromantoutenmangeantaumoinslamoitiéd’un

paquetdechips.Peut-êtremêmelatotalité.Ilétaithorsdequestionqueje

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culpabilise pour ne pas être allée au bal ou que j’imagine Sebastian entraindedanserentourédefilles.

Cedernierétaitpassémevoir,laveille,aprèslematch.Nousnenousétionspasembrassésetnousn’avionspasnonplusparlédel’accidentoudesonpère.Nousavionssimplementétudiéensemble.

J’ignorais comment notre relation allait évoluer. Une partie de moiespérerait toujours plus qu’une simple amitié, mais j’étais heureused’avoirretrouvémonmeilleurami.C’était…C’étaitsuffisant.

Jesortisdelavoitureetavançaiverslaporte.Aumomentoùj’allaisactionnerlapoignée,elles’ouvrittouteseule.

Mamèresetenaitdansl’entrée.Ellemefitsignedelarejoindre.—Viens.Dépêche-toi.Jefronçailessourcilsmaismedépêchaid’entrer.Quandmamèreme

débarrassademonsac,jelaregardaifaire,bouchebée.—Qu’est-cequisepasse?Jeregardaiautourdemoi.Àtouslescoups,monpèreallaitapparaître

danslecouloirsombre.— Rien du tout, répondit ma mère en me prenant la main pour

m’attirerdanslesalon.(Ellesoulevaunepiledevêtementsetmelesmitdanslesbras.)Vatechangerdanslasalledebains.

—Quoi?Je baissai les yeux sur ce que je tenais entre lesmains.C’étaitmon

pullleplusconfortableetunleggingnoirquemamèreavaitsansdoutelavé,carladernièrefoisquejel’avaisvu,ilétaitrouléenboule,sale,surlesoldemachambre.

—Jenecomprendsrienàcequisepasse.—Neposepasdequestions.Fais-moiconfiance.(Ellemepoussavers

l’escalier,puisjusqu’enhautdesmarchesetjelalaissaifaire.)Jet’attendsdanslecouloir.Tuasunquartd’heure.

Jem’arrêtaidevantlasalledebains.Unéclatderirem’échappa.—Pourquoifaire?Tuagisdefaçontrèsbizarre…

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—Entredanscettesalledebains,répétamamèreensouriant.Sinon,tuespunie.

—Quoi?hoquetai-jeenriant.Tuasperdulatête?Mamèrecroisalesbras.—Jesuiscapabledetechangermoi-même,tusais.—Oh,monDieu.D’accord.D’accord.Lesvêtementsaubras,j’entraidanslasalledebains.Jen’avaispasla

moindre idée de ce qu’ellemijotait ni pourquoi jeme changeais. Est-ceque je sentais le poulet frit ? Je n’avais pas beaucoup transpiré auJoanna’s,maisjeprisquandmêmeunedouche.C’étaitl’undemesrituelslorsquejerentraisàlamaisonaprèsletravail.J’attachaitoutdesuitemescheveuxenchignonpournepasavoiràlessécher.Enm’habillant,jemerendiscomptequematenueincluaitunepairedechaussettesépaisses.Jelesenfilai.

Commeprévu,mamèrem’attendaitdanslecouloir.—Tucomptesmedirecequisepasse?demandai-jeenremontantles

manchesdemonpull.—Non!s’exclama-t-elleenseretournant.Suis-moi.Curieuse,jelasuivisaurez-de-chausséepuisdanslacuisine.—Enfilecesbaskets.(Elledésignaunepairedechaussuresposéesà

côtédelaporte.)Etsors.—Jet’avoueque jecommenceunpeuàpaniquer,dis-jeenenfilant

mesbaskets.J’ail’impressiondemarchertoutdroitdansunpiège.—Tucroisvraimentquejeferaisçaàmafille?Jeluiadressaiunregardméfiantavantd’ouvrirlaporte.Alorsjemefigeai.Sebastiansetenaitdehors,surlaterrassequemamèren’utilisaitplus.

Ses vêtements étaient semblables aux miens, à l’exception du bas desurvêtement et d’un bonnet tombant gris. Derrière lui, son jardinparaissaitplusilluminéqued’habitude.

C’estalorsquejeviscequ’iltenaitàlamain.

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Unesortedebraceletenfleurs,commelesgarçonsenoffraientàleurcavalière de bal. Une rose rouge vif, parfaitement éclose, entourée depetitesfleursblanchesetdefeuillesverttendre.

Jerelevailesyeuxverslui.Ilarboraitunsouriretimide.—Commetun’espasalléeaubal,jemesuisditqu’onpouvaitpasser

lasoiréeensemble.Moncerveautoutentiersemitsurpause.—Soyezsages,ditmamèreavecunregardappuyé.Etamusez-vous.Lesyeuxgrandsouverts, jeregardaimamèrerefermerlaporte,puis

meretournaiversSebastian.—Tun’étaispascenséalleraubald’automne?Ilsecoualatêteets’approchademoi.—Non.Onpourratoujoursalleraubaldepromo,pasvrai?«On.»Àlafaçondontill’avaitdit,onauraitpucroire…—Oui,murmurai-je.—Jepeux?medemanda-t-il.La tête dans les nuages, je lui tendis le bras. Sebastian passa le

braceletàmonpoignetgaucheetl’attacha.—Çatevabien.Jeclignairapidementlesyeux.—Merci.—Nemeremerciepasencore,medit-ilenmeprenantlamain.(Ilme

guida jusqu’au portillon qui reliait nos deux jardins.) J’ai pensé qu’onpourraitfairequelquechosedeplusintéressantqu’alleraubal.

Lagorgenouée,jelesuivis.Lasurprisemerendaitmuette.—Situveuxtoutsavoir, j’enaienviedepuislongtemps,alors jeme

suisditquec’étaitlemomentidéal.(Ilpoussaleportillonetonlefranchitensemble.)Qu’est-cequetuendis?

Bouche bée, je découvris le spectacle qui s’offrait à moi. Desguirlandes lumineuses avaient été accrochées entre le cabanon et lesarbres et baignaient le petit jardin d’une douce lumière. Au centre, à

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quelquesmètresdelaterrasse,avaitétéinstalléeunetente.Ilyavaitunelampeàl’intérieur.

—Tuveuxcamper?murmurai-je.Sebastian me libéra et enfouit les mains dans les poches de son

pantalon.Ilhochalatête.—Onlefaisaitsouventquandonétaitpetits,tuterappelles?—Oui.(Biensûrquejem’ensouvenais.)Touslessamedissoir.Ton

pèreoulemieninstallaitlatentepournous.—On faisait griller des chamallows. (Il tapa doucement son épaule

contrelamienne.)Jusqu’àcequetutebrûleslescheveux.—Jenemesuispasbrûlélescheveux!L’éclat de rire qui m’échappa me surprit tellement que je refermai

aussitôtlabouche.Depuiscombiendetempsn’avais-jepasriainsi?—Ahoui,pardon.Seulementlespointes.(Cettefois,ilselaissaaller

contremoi.Jemetournailégèrementetposailatêtecontresonbras.)Onneferapasgrillerdechamallowscesoir,maisj’aiapportéautrechose.

—Quoi?Mavoixétaitrauque.— Tu vas devoir attendre pour le savoir, répondit-il. C’est une

surprise.—Encoreune?—Encoreune.Seigneur.De ma main droite, je me frottai les yeux. Des larmes s’étaient

accrochéesàmescils.—Tuvasbien?—Biensûr.(Jemerepriset,enfaisantunpasenarrière,jejetaiun

œilàlaportearrièredelamaison.)Oùsonttesparents?—Ilssontallésaurestaurant.Ilsserontlàtoutàl’heure.—Ilssontaucourantpourtoutça?Ilrit.

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—Oui.Mamèrevoulaitresterpournousprendreenphotodevantlatente.Selonelle,onluiagâchéleplaisirdenousvoirapprêtéspourlebald’automne.

Unnouvel éclat de rirem’échappa et secouamon corps tout entier.Quand il s’évanouit comme des cendres dispersées par le vent, je merendiscomptequeSebastianm’observaitsouslalumièredesguirlandes.

—Çam’amanqué,dit-ilensetournantversmoi.Det’entendrerire.Plusquejenel’auraisimaginé.

Lesoufflecourt,jerelevailesyeuxverslessiens.—Moiaussi.—Tantmieux.(Ilmeregardaunlongmomentdanslesyeuxavantde

soupirerbruyamment.)Prêteàvisiterlatente?Jelesuivisenjouantavecunepetitefleurblanchesurmonbracelet,

maistoutàcoup,undoutemetraversa.—Tun’auraispasparléàFelicia,parhasard?Ilsourit.Visiblement,ilétaitcontentdelui.Ilavaittoujourslesmains

danslespoches.—Çasepourrait.—Tuluiasparlé!(J’écarquillailesyeux.)C’estpourçaqu’ellem’a

autoriséeàrentrerdeuxheuresplustôt.Quandes-tualléelavoir?—Jeudisoir,répondit-il.Sesyeuxbrillaientdanslafaiblelumière.—Etdetouteévidence,mamèreétaitaucourant,elleaussi.— Je lui en ai parlé avant-hier. Elle m’a dit, et je cite : « Tu es

adorable.»Pasquej’endoutais.—Tuesadorable.Ilricanaetsoulevaunpandelatente.—Aprèstoi.Je retiraimes baskets avant d’entrer. Je pouvaisme tenir debout à

l’intérieur. Pas Sebastian. Il s’agenouilla à côté de moi tandis que jerespirais l’odeurderenferméquiéveillaitenmoi lesouvenirde longuesnuitsd’étépasséesdansunetenteencorepluspetitequecelle-ci.

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Il y avait un matelas gonflable par terre ainsi que deux sacs decouchageetunecouverturequejemerappelaisvaguementavoirvuechezSebastian. Des coussins étaient disposés sur un côté du matelas. Unepetite lanterne LED reposait sur une table en plastique pliante. De lanourriture et des boissons nous attendaient dans un coin : sodas,tupperwareetmêmeunsachetdechips.

C’était l’une des raisons pour lesquelles j’aimais Sebastian et que jel’aimeraistoujours.

Sebastianattrapauntupperwareetretiralecouvercle.—Mamannousafaitdesbrowniesauxchamallows.J’ensalivai.—Desbrowniesauxchamallows?Çaal’airsuperbon.—Tun’imaginesmêmepas ! (Il replaça le couvercleetattrapaune

autreboîte.)Ladernièrefoisqu’elleenafait,j’enaitellementmangéquejemesuisrendumalade.

Je ris et le regardai ouvrir la deuxième boîte. Celle-ci contenait desfraisesetdescubesdepastèque.

—Jelesaicoupésmoi-même,dit-ilens’asseyantauborddumatelas.Jetrouvequeçaméritedesfélicitations.

Toutsourire, je le félicitaien lui tapotant légèrement la tête.Quandj’observaidenouveaulatenteautourdemoi,l’émotionmenoualagorge.C’étaitparfaitetterriblementadorabledesapart.

J’avaisenviedepleurer.—C’est…—Quoi?medemandaSebastianenrelevantlatête.—Merci.(Jemelaissaitombersurlematelas,àcôtédelui,puisme

penchai et pris son visage entre mes mains.) Merci infiniment. Je nem’attendaispasàceque tu fasses cegenredechoses. Je saisque jenele…

—Nedispasça.(Ilenroulasesdoigtsautourdemespoignetsetonseregardadanslesyeux.)J’aimeraisqu’onnepenseàriend’autre,cesoir.

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C’est toi et moi et une tonne de calories qui n’attend que nous. Riend’autre.Pasdepassé.Rien.

Alors,àcetinstantprécis,àcetendroitprécis,jecessaidepenser.Etpourunefois,j’agis.Franchissant la distance qui nous séparait, j’embrassai Sebastian sur

les lèvres en essayant de lui transmettrema gratitude et tout ce que jeressentaispour lui à travers cebaiser. Iln’hésitapasune seule secondeavantdemerépondre.Ils’agenouilladevantmoietfitremontersamainjusqu’à ma nuque. Sa bouche était douce et ferme à la fois et quandj’entrouvrisleslèvres,ilapprofonditnotrebaiser.

Ils’écartaenpremier.Quandilrepritlaparole,savoixétaitdevenuedélicieusementrauque.

—Ondevraitcommenceràmanger.—D’accord.Àcestade,j’auraisditouiàn’importequoi.On se sépara puis on disposa les différents sachets et tupperware

devantnous.Enmangeant,ondiscutade toutetderien.C’étaitgénial.Cela faisait tellement longtemps que je ne m’étais pas contentée…d’exister.Quejen’avaispasparlédemonémissionpréféréeoudeslivresqui m’attendaient dans ma chambre et que je n’avais plus entenduSebastianréfléchiràcequ’ilvoulaitétudieràlafacsansquelepassémerattrape.

Quandj’eusassezmangé,Sebastianrefermalessachetsetlesboîtes.—Onvavraimentdormirici?luidemandai-je.Sebastianritdoucement.— Évidemment ! (Il tourna la tête versmoi et haussa les sourcils.)

Saufsi,biensûr,tun’espasàl’aise.—Si,répondis-je.C’étaitlavéritéet,enmêmetemps,c’étaitunmensonge,carpasserla

nuiticiavecluin’avaitrienàvoiraveccequenousfaisionsquandnousétionspetits.

Ilbaissalesyeux.

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—Tuessûre?—Oui.(Jeglissaiverslui.)Maisj’aidumalàcroirequenosparents

nouslaissentfaire.—Ilsnousfontconfiance.Jericanai.Sebastians’allongeasurlematelas,surlecôté.—Tun’aspasà rester toute lanuit,dit-il.Tupeuxpartir quand tu

veux.Tandis que je m’installais à côté de lui, je ne pus m’empêcher de

songer que je n’aurais jamais cru partager de nouveau une tente avecSebastian. Enfant, je ne l’avais jamais imaginé torse nu, et jamais leschosesauxquelles jepensaisàcet instantnem’auraienttraversél’esprit.Jem’allongeaisurleflancpourluifaireface.J’ignoraiscombiendetempsj’allais rester, mais au fond de moi, je savais que, quoi que je décide,Sebastiannemeferaitaucunreproche.

Iln’attendaitriendemoi.Toutdemême,jetenaisàfairequelquechosepourlui.Lerougememontaauxjouesavantmêmequelaquestionfranchisse

meslèvres.—Est-cequejepeux…direquejesuistapetiteamie?Lesourirequiilluminasonvisagemecoupalesouffle.—J’enrêvedepuislejouroùjemesuisrenducomptequej’aimaisles

filles.Unsentimentdejoiem’envahit,pétillantcommeduchampagne,etje

refusaisdelaisserquoiquecesoitleternir.Riendutout.Jeposailamainsursontorse,sursoncœur,etilposalamainsurlamienne.Soudain,jemesentisportéeparunélandecourage.

Lesyeuxgrandsouverts,jeprononçailesmotsquejevoulaisluidiredepuissilongtemps.Desmotsquejen’avaispluspensémériterpendantquelquetemps.

—Jet’aime,soufflai-je.D’aussi loinquejemerappelle, j’aitoujoursétéamoureusedetoi.

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SebastianréagitaussitôtIlposalamainsurmajoue,puispressaseslèvressurlesmiennes.Nos

bouchessefondirentavecfrénésie.Lasienneavaitlegoûtduchocolatetdu sel. Tout en approfondissant le baiser, Sebastian me serra plus fortcontrelui.

Ilpassaunbrassousmoietonseretrouvaplaquésl’uncontrel’autre,poitrinecontretorse,hanchescontrehanches.Lorsqu’ilmefitroulersurledos, ilme suivit etnosmains avidesglissèrent sous les vêtementsdel’autre.Lasensationdesapeaunuecontrelamiennemegrisa.

Mesdoigtsparcoururentsondosetsesflancs.Lessiensdescendirentlelongdemeshanchesetdemacuisse.Ilenroulamajambeautourdesataille,nousrapprochantencore.Sonpulldisparut,bientôtsuividumien,et alors, pour la première fois, on se retrouva réellement peau contrepeau.

Dedélicieux frissonsmeparcouraient tandisque son torseduveteuxcaressaitmapoitrine.Dessensationsdébridéesenvahissaientmessens.

—Cen’estpaspourçaquej’aiorganisécettesoirée,medit-ild’unevoixquejeneluiconnaissaispas.Onn’estpasobligésdefairequoiquecesoit.Onne…

—Jesais.(Lamainposéecontresanuque,j’ouvrislesyeux.)Jesais.Je rapprochai de nouveau mes lèvres des siennes. Quand on

recommença à s’embrasser, quelque chose avait changé. Nos baisersétaientpluspassionnés,plus…déterminés.Jemesentaislibredelaplusmerveilleuse des façons. J’ignorais ce que la nuit nous apporterait,comment les choses évolueraient, mais je faisais confiance à Sebastian.Commeilmefaisaitconfiance.

—Jet’aime,murmurai-jecontresabouche.Un grognement rauque, brisé lui échappa. Il s’installa entre mes

jambeset,toutàcoup,sontorseseretrouvadenouveaupressécontremapoitrine.Quandilbougea,j’eusl’impressiondesombrer,denager,demenoyerdanslessensations.

Alorsjem’autorisaiàvivre.

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Àaimer.Etcenefutpaslafindumonde,bienaucontraire.Cefutmagnifique.J’étaisvivante.

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CHAPITRE30

Lesdernièresfeuillesmordoréestombaientdesbranchespresquenuesets’écrasaientsur lesol.Nousétions laveilledeThanksgiving.Le lundisuivantauraitlieumadernièreséanceavecleDrPerry.

Ilm’avaitdonnédesdevoirs.Etjem’efforçaisdelesfaire.Ledimanchesoir, jemerappelaismesamis.Audébut,celaavaitété

difficile.Depuis l’accident, j’évitaisderegarder leurpageFacebook, leurcompteInstagramoumêmeleursphotos.Jen’avaispasnonplusluleursanciensmessagesete-mails.

La première fois, j’avais tenu une demi-heure avant de refermerl’albumphoto.Jen’avaispaspleuré.Jenesaispaspourquoi.Cen’étaitpas comme si, d’habitude, je ne me transformais pas en fontaine. Ledimanche suivant, j’avais à peine ouvert leurs réseaux sociaux que jem’étaiseffondrée.Voirleursdernierspostsm’avaitétéfatal.

Le samedi après-midi avant l’accident, Megan avait parlé deDanceMoms. À ce moment-là, elle n’avait pas la moindre idée qu’elle allaitmourir, plus tard dans la soirée. C’est cette idée quime bouleversait leplus.Aucundenousnes’étaitdoutéquenosviesétaientsurlepointdechangerdefaçonradicale.

Sur Instagram, il y avait une photo de Cody, datant de la veille dudrame. Il tenait un verre en plastique rouge dans lamain et souriait àl’objectif. Chris était avec lui. Ils avaient l’air tellement heureux… Je

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regardai longuement leurs sourires, car c’était ce que je voulais merappeler.

Phillipavaitpartagéunevidéodecaméracachée,avecpourlégende:«PTDR».SesderniersmotssurInternetétaient«PTDR».

Tandisquejeparcouraisleurscomptes,leplusdifficileétaitdelirelesmessages qui avaient été laissés après l’accident. Les mots emplis dedouleur et d’incompréhension, les #RIP, le choc que leur mort avaitcausé.

Toutcelamebrisadenouveaulecœur.J’avais passé la soirée sur le canapé, dans les bras de ma mère, à

manger des chocolats et à parler d’eux. Le lendemain, au réveil, jemesentaistrèsmalet,enmêmetemps,jemesentaisunpeumieux.

Unpeupluslégère.Toutefois,jen’étaistoujourspasalléemerecueillirsurleurstombes.Lorsquej’étaissortiedelasalleauxafficheslesmoinsinspirantesdu

mondepourladernièrefois,leDrPerrym’avaitsouri,commed’habitude,maiscettefois,sonsourireavaitquelquechosededifférent.

Ilétaitemplideconfiance.Pasd’espoirnid’approbation,maisdeconfiance.Enmoi.Comme s’il savait que je finirais par fairemondeuil et la paix avec

moi-même. Peut-être avais-je même déjà commencé. Cela faisaitlongtempsquejenem’étaispassentieaussiapaisée.

Sebastian était assis sur une vieille chaise, les pieds relevés sur larambarde du balcon, et j’étais installée sur ses genoux, les jambes surl’accoudoir.Unedoucecouvertureenchenillenousprotégeaitdufroid.

Nouslisions.Ensemble.Pour une amoureuse des livres, la situation était tellement idyllique

quej’auraispudenouveautomberamoureusedelui.Je refermai le roman d’urban fantasy que je lisais, le posai surmes

genoux,puisrelevailesyeuxversSebastian.Ilétaittrèsconcentré.Ilavaitles sourcils froncés, les lèvres pincées…C’était adorable. Il avait choisi

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uneBDqu’iltenaitd’unemain.Sonautrebrasétaitautourdemataille,souslacouverture,etsesdoigtsdécrivaientdelentscerclessurmapeau,commes’ilessayaitdemedireque,mêmes’illisait,iln’oubliaitpasquej’étaissursesgenoux.

Toutefois,jevoulaisqu’ilm’accordedavantaged’attention.Jepressaimeslèvrescontresajoueetsourisenl’entendantrefermer

saBD.Sonbrasseresserraautourdemataille.—Qu’est-cequetufais?medemanda-t-il.—Rien.Jedéposaidesbaisers le longde samâchoirepuissante. Il tourna la

têteversmoi.—J’aimebeaucoupce«rien».Cette fois, je l’embrassai sur la bouche. Ilme répondit avec tant de

fouguequejeregrettaiquemamèresoitàlamaison.Je fis glisser ma main le long de sa joue, puis reculai de façon à

pressermonfrontcontrelesien.—Tonrepasestàquelleheure,demain?—18 heures. Tu es sûre que tu ne veux pas venir ? (Sa famille se

rendait chez ses grands-parents pour célébrer Thanksgiving.) Tu es labienvenue.Ilsseraienttrèscontentsdetevoir.

—Jesais.(Jelaissaicourirmonpoucesursamâchoire.)Çameferaitplaisiraussi,maismonpèreest là,cetteannée.Si jenemangepasaveceux,mamèrevapéteruncâble.

Ilm’embrassaaucoindeslèvres.—C’est vrai. (Il s’interrompitpourm’embrasserde l’autre côté.) Je

suis surprise que ta sœur ne passe pas son temps à nous espionner endessinantdescœursavecsesdoigts.

Jeris.—Ellenepeutpas.Mamère l’a réquisitionnéedans lacuisinepour

cuisinerdestartes.—Jecroisqu’ilest tempsd’aller inspecter lacuisine,dit-ilaprèsun

tempsderéflexion.

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—Etmoi,jecroisquetuvasvitechangerd’avisunefoisquetuaurasgoûtélestartesdemasœur.(Jepassaiunbrasautourdesoncouetposaila têtecontre sonépaule. Il ritdoucement.) Jene saispaspourquoimamèreluiademandédelespréparer.J’ail’impressiond’êtrepunie.

Unnouveléclatderiresecouasontorse.—Jeterapporteraidelatartedemagrand-mère.—Àlacitrouille?—Àlacitrouilleetàlanoixdepécan.— Miam. (Mon ventre gargouilla.) J’ai hâte ! Je peux avoir de la

crèmefouettéeavec?Mamèreprendtoujourslamoinschère.C’est…Toutàcoup,laportedubalcons’ouvrit.Jerelevaivivementlatêteen

m’attendantàvoirmasœuroumamère,maisc’étaitmonpère.Papa.Mon père venait de sortir dema chambre, sur le balcon, alors que

j’étaisaffaléesurlesgenouxdeSebastian.Merde.Dansunsursaut,jemedépêchaidemerelever.Malheureusement,je

meprislespiedsdanslacouvertureetmanquaitomberparterre,latêtelapremière.Jen’avaisvraimentpasenviequemonpère,mêmes’ilavaitétéabsenttoutescesannées,mevoiesurlesgenouxdemonpetitami.

La tête baissée, Sebastian m’aida à me libérer de la couverture. Jesavaisqu’ildissimulaitsonhilarité.Dèsqu’onseraitseuls, jen’hésiteraispasàmevenger.

LesyeuxnoisettedemonpèreseposèrentsurmoiavantdesetournerversSebastian,quiselevaitàsontour.

—Tamèrem’aapprisquevoussortiezensemble.Cefutlapremièrechosequ’ilmedit.Qu’ilnousdit.Jenel’avaisplusvuetjeneluiavaisplusparlédepuisqu’ilétaitvenu

merendrevisiteàl’hôpitaletiln’avaitriendemieuxàmedire?Jen’étaispasparticulièrementsurprise.Sebastianfitletourdelachaiseetluitenditlamain.—Bonjour,monsieurWise.

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Unlégersourireauxlèvres,monpèreacceptadeluiserrerlamain.—Sebastian,mongarçon.Çamefaitplaisirdetevoir.—Moiaussi,réponditSebastianenreculant.Samaintrouvalamienneetilentrelaçadoucementnosdoigts.Lerougememontaauxjoues.— Je ne savais pas que tu étais là. Je croyais que tu ne venais pas

avantdemain.— Je viens d’arriver, m’expliqua-t-il. J’espérais qu’on pourrait se

parlerseulàseulpendantquetamèreettasœurs’appliquentàdétruirelacuisine.

Commejen’étaispascertainedevouloirmeretrouverseuleaveclui,j’hésitai un instant. Finalement, j’acquiesçai. Autant en finir. De toutefaçon, jenepouvaispas l’éviter. Il allait rester avecnouspendantdeuxjours.

—D’accord,dis-jeavantdereleverlatêteversSebastian.Jet’enverraiunmessagetoutàl’heure.

Ilmedévisagea longuement sansme lâcher lamain.Sonexpressions’étaitfaiteinquiète.

—Tuessûre?—Certaine,répondis-jeàvoixbasse.Net’enfaispas.Sebastianparaissaitréticentàl’idéedepartir.Jenepouvaispasluien

vouloir. Dire que ma relation avec mon père était tendue relevait del’euphémisme. Au bout d’un moment, il se pencha vers moi etm’embrassasurlajoue.

—D’accord.J’attendstonmessage.Après avoir dit au revoir àmon père, il se dirigea vers l’escalier et

nous laissa seuls. Je ne savais pas quoi dire. Aussi ramassai-je lacouvertureetlapliai-je.

Comme toutesmes pensées avaient été accaparées par l’accident ettoutcequis’yrapportait,jen’avaispasprisletempsderéfléchiràcequemamèrem’avaitavouéniàcequecelaimpliquait.

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— Comment vas-tu ? me demanda-t-il en s’appuyant contre labalustrade.

—Çava.—TusorsvraimentavecSebastian?(Ilritavantmêmedeterminersa

question.)Enfin, j’espèrequec’est lecas,vu lapositiondans laquelle jevousaitrouvés.

Mes joues s’empourprèrent, mais je repoussai l’envie de lui faireremarquerquemamère le lui avaitdéjàdit.C’était terminé. J’enavaisassezd’êtreencolère,déchiréepar lesémotions.Avec leDrPerry,nousn’avions jamaisparlédemonpère,mais si j’avais réussi à surmonter letraumatisme causé par l’accident, je savais que je pouvais surmonter…toutcequiserapportaitàmongéniteur.

—Oui,onnesortpasensembleofficiellementdepuistrèslongtemps,répondis-je en regardant les baskets usées de mon père. Je suis… trèsheureuseaveclui.

Unsemblantdeculpabilitémetransperçadepartenpartcommeuneflèche. Avouer que j’étais heureuse m’était encore difficile. Et ce seraitsansdoutecommeçapendantunlongmoment.

—C’estunbongarçon.Jenepeuxpasdirequeçamesurprend.J’aitoujourssuquevousfiniriezensemble.

Jehaussailessourcils.—Ahoui?—OK. J’espérais que vous finiriez ensemble, admit-il. Je te l’ai dit,

c’estunbongarçon.Ildeviendraunhommebien.Jemedandinai.—Tu as l’air d’aller beaucoupmieux,medit-il, changeant enfin de

sujet.Tun’asplusdeplâtrenid’hématomes.Tumarchesettutedéplacesnormalement.Jesuisrassurédevoirça.

Lacouvertureserréecontremapoitrine, jerelevai latêteetregardaimonpère.Jeleregardaivraiment.Iln’avaitpaschangédepuisqu’ilétaitvenu me voir à l’hôpital. Il paraissait peut-être un peu plus vieux etfatigué,maisilétaittoujoursaussitendu.Laconversationétaitlaborieuse.

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Pour être franche, cela avait toujours été le cas. Petites, Lori étaitprochedePapaetmoidenotremère.Peuimportaitoùnousallions(aurestaurant, au zoo ou dans des parcs d’attractions), nous choisissionsnotreparentpréféré.Ellepartaitavecnotrepère.Jem’accrochaisànotremère.Papaetmoi…nousn’avionsjamaiseudelienpuissant.Cen’étaitpasentièrementsafaute.J’auraisdûrépondreàsesappels,surtoutaprèsavoirappris lavéritédelabouchedemamère…maisluiauraitdûêtreunmeilleurpèreetnepasbaisserlesbrasfaceàmonmutisme.

Sesyeuxplongèrentdanslesmiens.Nousavionslemêmeregard.—Jemesuisfaitbeaucoupdesoucipourtoi.— Je vaismieux. Je ne suis pas encore… rétablie à cent pour cent,

maisçavamieux.Ilsouritlégèrement,maislatristesseétaittoujoursprésentedansson

regard.—Jesais.Tuesforte.Jenecroispasquetuterendescompteàquel

point.—Jenesaispas…(Jem’assissurlachaiseetposailacouverturesur

mesgenoux.)Sij’étaissifortequeça,jenemeseraispasretrouvéedanscegenredesituation.

Ilsemblayréfléchiruninstant.— Peut-être. Mais il faut avoir une grande force de caractère pour

surmontercequetuasvécu.Leslèvrespincées,jehochailatête.—Tuesplusfortequemoi,ajouta-t-il.Surprise,jesursautai.Monpèrenemeregardaitpas.Ilposalesmains

surlarambardeetobservalejardin.— Tu sais ce que me disait toujours ton grand-père, alors que je

détestais ça ? « Ça iramieux demain. » Ilme le disait quand j’étais encolèreouquandquelquechosemecontrariait.«Çairamieuxdemain.»Jenedétestaispascettephrase,audébut.Aucontraire.Pendantlongtemps,çaa étémaphilosophiedevie. (Il se retourna lentementpourme faireface.)Tucomprendsoùjeveuxenvenir?

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Jebaissaidenouveaulesyeuxverssesbaskets.—Chaquefoisquelasituationétaitdifficile,irréparableoudifférente

de ce que je désirais, je me disais : « Ça ira mieux demain. » Cela nerendaitpaslasituationplusfacile.Celaneréparaitpasleschoses,maissijemesentaismalàl’aiseousijen’avaispasenviedefairequelquechose,jelerepoussaisaulendemain.Leproblèmeétaitquelejoursuivant,jenefaisaistoujoursrien.

Ladouleurquejeressentissoudainmefitfermerlesyeux.Jeprisunegrandeinspiration.

—C’est une jolie philosophie, pourtant, tu ne trouves pas ? Penserque,quoiqu’ilarrive,mêmesitonexistenceestrempliededéception,unevie meilleure t’attend dans le futur. Malheureusement, l’avenir estincertain. (Il s’interrompit et prit une grande inspiration.) Tu as appriscetteleçonbientropjeune,mapuce.

«Touteslesquatre,onseserreratoujourslescoudes.»«Quoiqu’ilarrive.»On ne serait plus jamais toutes les quatre. Jamais. Mon père avait

raison.L’avenirétaitincertain.—Iln’yapastoujoursun«demain».Etpasseulementàcausedela

mort. Parfois, c’est à cause des décisions que l’on prend pour nous-mêmes. (Il se passa la main sur le visage et je me rendis compte quej’avais hérité cette habitude de lui.) Jem’en veux de te l’avouer,maisc’estexactementcequej’aifaitavectoi.«Demain,j’arrangeraileschosesentrenous.»Mais,demainestpassé,etjen’aijamaisrienfait.

Leslarmesmebrûlaientlesyeux.—Je…Jenet’aipasfacilitéleschoses.—Cen’estpasgrave,répondit-ild’unevoixrauque.Jesuistonpère.

C’est ma faute. Pas la tienne. Alors j’aimerais qu’aujourd’hui soit le«demain»quejen’aipasarrêtéderepousser.Qu’endis-tu?

Monpèremetenditlamain.Pendantunlongmoment,jerestaifigée,àleregarder.Puisjelâchailacouvertureetentrelaçaimesdoigtsaveclessiens.

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CHAPITRE31

Assise dans ma chambre, le téléphone plaqué contre ma poitrine,j’observais la mappemonde accrochée au-dessus de mon bureau. Lescercles que Sebastian etmoi avions tracés étaient flous.Ma respirationétaittremblanteetdouloureuse.

Jel’avaisfait.J’avaislulesanciensmessagesdeMegan.Ilyenavaitbeaucoup.Montéléphonelesgardaitenmémoireàmoins

quejeneleseffacemanuellement.Pendant que je lisais ses messages les plus absurdes, les larmes

s’étaientmêléesauxéclatsderire.J’auraisvoulul’appeleretlavoirunedernière fois. Pour de vrai. Pas sur une photo. Pas à travers quelquesphrases.

Maisjesavaisquec’étaitimpossible.Àpartirdemaintenant,messouvenirsdevraientsuffire.Soufflantbruyamment, jeposaimontéléphonesurmonbureauet le

branchai,puisjefistournermonfauteuilàroulettesversmonplacard.Laporteétaitentrouverteetildébordaitdevêtementsetdelivres.

Ensortantdulycée,laveille,j’avaisfaitungrandpasenavant.Celane faisait pas partie des tâches que le Dr Perry m’avait demandéd’accomplir, mais à mon sens, c’était la meilleure façon, pour moi,d’honorerlamémoiredeMegan,defairequelquechosepourelle.

Defairequelquechosepourmoi.

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Je me levai et m’approchai du placard. Mes chaussettes épaissesbruissaient contre le sol. Une fois la porte ouverte en grand, jem’agenouillaietpoussaisurlecôtémesjeansfroissés.Avecdélicatesse,jedéplaçaiégalementlapiledelivrescontrelemuretmepenchaienavant.Jetâtonnaijusqu’àcequemesdoigtsrencontrentcequejecherchais.Matrouvailleàlamain,jereculaietbaissailesyeux.

Mes genouillères étaient rayées à force de rencontrer le sol dugymnase,maisellesmeservaientdepuisquatreans.Ellesmeserviraientaumoinsencoreunan.

Aprèslescours,laveille,j’étaisalléevoirM.Rogers,notreentraîneur.La saison était terminée, mais il connaissait des clubs hors cursus

scolairequijouaienttoutel’annéedanslarégion.L’und’euxrecrutaitenfévrier.Jecomptaispasserlesessais,cequisignifiaitquej’avaisintérêtàme bouger les fesses. Heureusement, Rogers m’avait concocté unentraînementsurmesure.

Cela ne me ferait pas obtenir une bourse, mais j’avais la fermeintention d’intégrer l’équipe de volley de l’université dans laquellej’étudierais.Jevisaistoujoursl’universitédeVirginie,mais lespremièresadmissionsn’avaientpasencoreétéannoncées.

Dès le lendemain, je me rendrais au gymnase et courrais dans lesgradins,arméedecesgenouillères,avec joie.JeleferaisensachantqueMeganserait…Qu’elleauraitétéfièredemoi.

Enattendant,lajournéen’étaitpasencoreterminée.Aucontraire,ellenefaisaitquecommencer.J’étais assise dansma voiture. Face àmoi s’étendaient des collines,

des tombes et des anges en pierre à perte de vue. Des arbres nusparsemaientlepaysage.Unelégèrecouchedeneigerecouvraitlesol.

L’arrivéedel’hiveravaitétébrusque.Enunclind’œil,legivres’étaitaccrochéàl’herbeetlaglaces’étaitétenduesurlesroutes.Nousétionsle20 décembre. Cela faisait exactement quatremois quema vie avait étémisesensdessusdessous.

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Je n’avais rien planifié. J’étais venue au cimetière ce jour-là paraccident,maisenregardantau-dehors,bienauchauddansmavoiture,jemedisquelehasardfaisaitbienleschoses.

Lagorgenouée,jegardailesyeuxdroitdevantmoi.—J’airetrouvémesgenouillères.—J’aidumalàcroirequetuarrivesàretrouverquoiquecesoitdans

ce placard, me dit-il d’une voix taquine. (Un léger sourire étirait seslèvres.)Jeviendraiavectoi,demain.

Quand jeme tournaivers lui,monregardrencontraaussitôt le sien,bleuetbrillant.

—Tun’espasobligé.Tuassansdoutemieuxàfairequeresterassisdanslegymnaseoumonteretdescendrelesgradins.

—Sijen’enavaispasenvie,jenetel’auraispasproposé,répondit-il.Et puis je ne viens pas seulement pour te soutenir moralement. Je nevoudraispasquetutombesetquetutecassesquelquechose.

—N’importequoi.Jelevailesyeuxauciel,maismonsourires’élargit…jusqu’àcequeje

metournedenouveauverslestombessilencieuses.J’avaisencoredumalàaccepterdel’aide.Carc’étaitcequeSebastianmeproposait.Ilvoulaitêtreprésentpourmoi,carilsavaitquelarepriseduvolleyseraitdifficiletantsurleplanphysiquequ’émotionnel.Commecequejem’apprêtaisàfaire.

Danstouslescas,ilétaithorsdequestionquejemerenfermesurmoi-même.S’il yavaitbienunechoseque j’avaisapprise cesderniersmois,c’étaitquelorsqu’onvoustendaitlamain,ilfallaitlaprendre.Cen’étaitpastoujoursfacile,maislavien’enétaitqueplusbelle.

—D’accord,murmurai-je.Lesilenceretombaentrenous.Sebastianposalamainsurmongenou.—Tuesprête?Jereportaimonattentionsurluiethochailatête.Ilmedévisageaavecsoin.

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—Tun’espasobligéedelefaireaujourd’hui.Onpeutrevenir…— Non. Si je ne le fais pas maintenant, je repousserai toujours à

demainetjeneleferaijamais.Je pensai à mon père, à nos appels désormais hebdomadaires que

nousnousobligionsàrespecter,mêmelorsquenousn’avionsrienànousdire.Notrerelationsereconstruisait,petitàpetit.

—Ilfautquejelefasse.—OK.Il passa la main derrière ma nuque et me rapprocha de lui pour

m’embrasser.Sonbaiserfutdouxetbref.—Cechapeautevatrèsbien.Jerisettouchailebonnetgrisquej’avaisempruntédanssachambre.

Lesienétaitnoir.—Tutrouves?—Oui.Iltirasurlescôtésdubonnetpourletendre.Quand je posai de nouveau les yeux sur le pare-brise, mon sourire

s’évanouit.Unfrissonmeparcourut.JemeretournaiversSebastian.— Tu n’es pas seule, murmura-t-il. (Son regard était doux et ses

gestesmesurés.)Jesuislà.EtAbbietDaryaussi.Nosamiessetrouvaientdanslavoiture,derrièrenous,etattendaient

que j’ouvre la portière pour sortir à leur tour. Les choses s’étaientamélioréesavecAbbi.Onsevoyaitdenouveauendehorsdulycéeetonse parlait comme de vraies amies. Je savais qu’un jour on retrouveraitnotre relation d’antan. Je le ressentais dans toutes les cellules de moncorps. Toutefois, cela allait prendre du temps, car en la repoussant, jel’avais blessée, et ce genre de blessures mettaient un certain temps àcicatriser.

Toutcommeletraumatismequenousavionssubi.Continuerdevivrealorsquenosamisétaientmortsnesefaisaitpas

du jour au lendemain, même si parfois j’en avais l’impression, commelorsque jeme rendais compte que je n’avais pas pensé àMegan ni aux

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garçonspendantunoudeuxjours.Ilm’arrivaitencorederessentirdelaculpabilitéàcesujetoudepleurerenpensantàlaviequ’ilsauraientpuavoir,àtouteslesoccasionsquis’étaientenvoléesenl’espacedequelquessecondes.

Ilfallaitdutempsetlesoutiendelafamilleetdesamispouraccepterquelaviesuivaitsoncours.Lavieavançaitetonnepouvaitpasresterenarrière,surlebas-côté,dansunpasséquin’existaitplus.

Quantàl’autresentimentdeculpabilitéquejeportaisenmoi…c’étaitplus compliqué, plus difficile à effacer. Savoir que j’avais joué un rôledans ce drame me hanterait très longtemps. J’allais beaucoup souffriravantdem’endéfaireetcela laisseraitdescicatrices,mais,petitàpetit,j’apprenais à vivre avecmes responsabilités, avecmon silence, avec lesleçonsquejedevaistirerdemeserreurs.

Le passé et l’avenir de mes amis avaient été effacés en quelquessecondes. Les miens auraient pu l’être aussi. Les commentaires desarticlesdejournauxauraientpumeconcerner,etquelquepart,c’étaitlecas.Jesavaisquejenepourraisjamaisrevenirenarrièrepourchangercequi s’était passé. La seule chose que je pouvais faire, c’était devenirquelqu’undemeilleur.J’étaisvivante.J’étaistoujourslà.

Jesavaisque jenepouvaispasrecommencerdezéro.Jenepouvaispas réécrire lemilieu demon histoire. Tout ce que je pouvais changer,c’étaitdemain,tantqu’ilexistait.

Lagorgesèche,jeposaimamaingantéesurlapoignéedelaportièreet l’ouvris. L’air froid s’engouffra aussitôt dans la voiture. Je sortis. Legraviercraquasousmesbottes.

Je regardai le cimetière et laissai le parfum de la neige emplirmespoumons.Autourdemoi,desportièress’ouvrirentetserefermèrent.Ducoindel’œil,j’aperçusAbbietDaryapprocher,puisSebastianmepritlamain.Alorsjefisunpasenavantetjecompris.Jecomprisquemêmesil’avenirétait incertain,mêmes’iln’yavaitpas forcémentde lendemain,lespossibilités,elles,étaientinfinies.