31
KAZAK PRODUCTIONS présente ZOO Un film de Nicolas Pleskof CNC/CONTRIBUTION FINANCIERE KAZAK PRODUCTIONS 9 rue Réaumur, 75003 PARIS TEL : 01 48 24 30 57 Mail : [email protected]

KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

KAZAK PRODUCTIONS

présente

ZOO

Un film de Nicolas Pleskof

CNC/CONTRIBUTION FINANCIERE

KAZAK PRODUCTIONS

9 rue Réaumur, 75003 PARIS

TEL : 01 48 24 30 57

Mail : [email protected]

Page 2: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

2

SOMMAIRE

Synopsis

Scénario

Note d’intention de réalisation

Fiche technique et artistique

Page 3: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

7

SYNOPSIS

Des menstruations de leurs filles à la naissance de leur chien, tout est sous contrôle dans la vie d’Emmanuelle et Olivier Teziev, vétérinaires spécialisés dans la reproduction canine assistée. Mais ce matin Léa, leur fille cadette, n’est pas descendue déjeuner. Sur son lit à sa place, les Teziev et Émilie, leur aînée, découvrent avec horreur un monstrueux cocon. Progressivement, le chaos s’installe.

Page 4: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

8

SCENARIO

1. CHAMBRE DE LEA (INT- NUIT) LEA , 12 ans, les cheveux très noirs et quelques boutons sur le front, dort dans son lit. Elle est parfaitement immobile. On n’entend que le bruit de sa respiration. D’abord très doucement, presque imperceptible. Puis il s’amplifie. S’accélère. De plus en plus fort. Le sommeil de la gamine se trouble. Elle fronce les sourcils, tourne la tête de droite et de gauche. Puis elle se met à tousser, crachant un épais liquide blanchâtre qui dégouline sur son cou. La même matière blanche, plus épaisse encore, dégouline de sa bouche. Sur ses joues. Glisse jusqu’à ses bras, recouvre son torse, recouvre ses mains. Recouvre son visage.

NOIR-TITRE : ZOO 2. CUISINE (INT- MATIN) Une cuisine grande et lumineuse. Nous sommes dans une maison aisée et coquette. EMILIE , 18 ans, post-ado au look branché, est assise à table devant un bol de café. Sa mère, EMMANUELLE , 40 ans, très belle femme moderne et élégante, est debout face à elle. Au sol, un tout petit Jack Russel au collier rose mange dans sa gamelle. EMMANUELLE ( énervée)

Emilie, tu loupes encore UN cours, ils te virent, c’est assez concret pour toi ça ?

EMILIE Mais Maman avoue que c’est juste absurde! Pas un clebs ! Pas un chat ! Pas l’ombre d’un hamster ! Franchement, j’ai disséqué plus de bestioles en troisième ! EMMANUELLE Ecoute, je t’ai dit mille fois que ce serait comme ça. Tu vas pas faire accoucher un cheval au bout d’un mois! On te l’a dit : le début c’est toujours très emmerdant, très théorique… EMILIE Je sais bien, c’est juste que… je pensais pas que ce serait à ce point-là ! Cinq semaines de prépa-véto, j’ai pas vu un animal et j’ai fait quoi ? J’ai fait de l’anglais et 150 heures de maths ! J’trouve ça con, c’est du temps perdu, c’est tout.

EMMANUELLE Emilie, tu sais que c’est comme ça, ton père et moi on l’a fait avant toi et tu constates qu’on n’en est pas mort. Tu ne peux rien y faire et moi non plus, alors tu te calmes, tu serres les dents et tu vas à tes cours de maths !

Page 5: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

9

Emilie s’apprête à répondre quand OLIVIER , 45 ans, une belle gueule de papa décontracté et un costume-chemise, entre dans la cuisine, tout sourire.

OLIVIER Salut les filles !

Le chien aboie joyeusement. Olivier s’approche pour embrasser Emmanuelle sur la bouche. Elle tourne la tête pour lui tendre sa joue. Olivier y dépose un simple baiser. EMMANUELLE

Ta fille sèche, ta fille est trop bien pour les maths. Olivier se tourne vers Emilie, tente d’être autoritaire.

OLIVIER Emilie, tu sais que c’est comme ça, ta mère et moi on l’a fait avant toi et tu constates qu’on n’en est pas mort ! Tu peux…

EMILIE (le coupant) Non mais c’est bon là, détendez-vous, j’irai. C’est juste que je sais que ça me servira à rien et ça me saoule.

EMMANUELLE Tu plaisantes ?

Emmanuelle saisit le petit Jack Russel et le pose sur la table, en face d’Emilie. Le chien reste immobile et fixe sagement la jeune fille

EMMANUELLE Tu vois Clebs ? Et bah Clebs c’est que des maths ! Génétiquement c’est juste une équation parfaite. Pour lui, avec ton père, on a fait un croisement entre deux Jacks aux génotypes les plus purs et parfaits possibles sur des centaines de générations puis on a contrôlé et nettoyé chacun de ses gènes. Y a pas une tare, pas un défaut, il est aussi pur que le premier Jack Russel de l’histoire mais en mieux. Cette bestiole, c’est rien de plus qu’une addition et une multiplication ! Donc fais des maths ma chérie.

Emmanuelle part préparer une casserole de lait chaud. Ses gestes sont nerveux et fébriles. Olivier, qui a regardé sa femme, l’air très inquiet, pendant tout son discours, sort une plaquette de comprimés de sa poche. Vexée, Emilie attrape le badge de sa mère marqué «EMMANUELLE TEZIEV, Centre de Reproduction Canine Assistée» sur la blouse posée sur la chaise à côté d’elle. Elle l’accroche à son pull face à Clebs, comme le défiant. Olivier casse un comprimé en deux et le tend à Emmanuelle, doux. OLIVIER Tiens, juste un demi ça va te détendre.

Page 6: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

10

EMMANUELLE (tout en gobant illico le cachet) T’es chiant, tu sais bien que j’essaie d’arrêter, je veux pas m’habituer.

Clebs, comme lassé de son face à face avec Emilie, saute par terre. Emilie donne un discret coup de pied au chien qui pousse un petit cri et se précipite dans les bras d’Olivier. OLIVIER ( à Emilie, mécontent)

Mais ça va pas non ? Elle y est pour rien cette pauvre bête !

Emilie souffle, blasée.

EMMANUELLE (froide) Olivier, dans les trucs vraiment importants, faudra qu’on ait réglé cette histoire d’ovulation du York avant ce soir.

OLIVIER (un peu énervé) Mais je t’ai dit, on va re-doser les anti-progestatifs et ce sera réglé, laisse-moi m’en occuper pour une fois, et t’inquiète pas…

Emmanuelle, beurrant des tartines, ne prête aucune attention à Olivier.

OLIVIER (cont) … Et d’ailleurs tu sais que plutôt que de t’angoisser sur les ovulations d’un York, tu pourrais t’intéresser à celles de Léa ! La petite est réglée depuis deux mois, elle croit qu’on n’a rien vu passer.

Air dégouté d’Emilie qui se réfugie dans son bol de café. EMMANUELLE

Ah ça non ! J’attends qu’elle en parle elle-même, ça la mettra d’autant plus mal à l’aise si je viens l’agripper avec ça. Sa sœur était venue me le dire au bout d’un mois et ça c’était fait tout seul. (elle se retourne vers Emilie) Et c’était très bien non ? EMILIE (ironique) Euh ouais si on veut, ou demande toi peut être plutôt pourquoi on n’a pas envie de t’en parler. OLIVIER Et toi ma chérie, pourquoi tu vas pas lui parler ? Tu parles tellement bien !

Emilie lève les yeux au ciel. Emmanuelle soupire.

EMMANUELLE (remuant le chocolat chaud qu’elle termine de préparer) Bon mais qu’est-ce qu’elle fabrique? LEA, A TABLE DEPECHE TOI !

Olivier s’assoit à table avec Clebs dans les bras, attendri.

Page 7: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

11

OLIVIER Oh, c’est mon chien brimé ça! EMMANUELLE

LEA ! Dépêche, il est 8 heures et quart ! (à Emilie et Olivier) Mais elle fait quoi, elle se douche ?

EMILIE Euh non, Léa, elle se douche pas.

EMMANUELLE LEA ! Enervée, Emmanuelle part chercher sa fille. Olivier se retourne vers Emilie, sourcils froncés. OLIVIER (chuchotant)

T’es pas possible Emilie, tu sais très bien que ta mère est fragile en ce moment, tu pourrais pas éviter de la contrarier ? C’est pas possible ça ? EMILIE Quoi elle est fragile ?

OLIVIER Tu sais très bien de quoi je parle.

EMILIE Quoi t’es encore là-dessus ? Papa, ça fait plus de deux mois qu’elle l’a perdu, on va pas la ménager éternellement pour un fœtus de trois semaines.

Un hurlement strident d’Emmanuelle les fait sursauter. 3. CHAMBRE DE LEA (INT- JOUR) Emmanuelle se tient appuyée contre la porte de la chambre. L’air terrifié, elle fixe l’intérieur de la pièce. Olivier et Emilie déboulent derrière elle.

OLIVIER Quoi quoi qu’est-ce qu’il y a ?

Les deux sont stoppés net, stupéfaits, face au spectacle sous leurs yeux : Sur le lit de Léa, à la place de la gamine, un immense cylindre caoutchouteux et filandreux grisâtre, luisant ; pareil à un gros cocon d’insecte. La chose est recouverte d’épais filaments de moisissure verte qui se répandent sur le lit comme des tentacules.

EMMANUELLE (paniquée) Mais qu’est-ce que… Mais c’est qu…

Page 8: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

12

Olivier attrape le poignet d’Emmanuelle.

OLIVIER Calme-toi.

Emilie avale sa salive et entre dans la chambre d’un pas décidé. EMMANUELLE EMILIE ARRETE ! EMILIE (se stoppant net) Mais quoi faut voir ce que c’est ! EMMANUELLE

Non ! Non ! Touche à rien ! (à Olivier) Mais putain Olivier fais quelque chose ! OLIVIER Je sais ! Ne faites RIEN.

Olivier quitte la chambre à toute vitesse laissant les deux femmes fixées sur la chose.

EMILIE (fascinée) Mais d’où ça sort ? EMMANUELLE Mais d’où tu veux que ça sorte?!

EMILIE Mais c’est… c’est vivant ?

Olivier débarque à toute vitesse dans la chambre, une mallette en plastique dans la main. OLIVIER (à Emmanuelle)

Tiens, viens m’aider. Olivier se précipite pour poser la mallette sur la table de nuit à côté du lit ; Emmanuelle le suit rapidement, bousculant Emilie qui lui jette un regard noir. Olivier et Emmanuelle sortent un appareil d’échographie portable et un tas de câbles électriques de la mallette. Olivier a les gestes concentrés, Emmanuelle passe fébrilement les câbles à son mari. Emilie plante ses yeux sur la chose, en proie à un magnétisme total. L’on voit alternativement le visage de la jeune fille, puis la masse monstrueuse. Comme une confrontation. Olivier branche la sonde à l’appareil. Il marque un temps d’arrêt devant sa femme.

OLIVIER Emmanuelle… Juste … tu…enfin… t’as aucune idée de ce que c’est bien sûr?

Page 9: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

13

EMMANUELLE Quoi ? Evidemment, c’est quoi cette question ?

OLIVIER J’veux dire t’as… Y’a jamais eu d’antécédents dans ta famille ? EMMANUELLE (au bord de la crise de nerfs)

Hein ? Mais de quoi ? OLIVIER Je… je sais pas, des mycoses ou des infections…

EMMANUELLE Non mais tu vas la fermer, allume ce truc !

Emilie, collée à la porte, passe son regard de l’un à l’autre de ses parents. Olivier attrape le visage d’Emmanuelle. OLIVIER Calme-toi, je t’en prie calme-toi. Olivier allume l’écran de l’appareil. Sous les yeux aux aguets d’Emilie, le couple accomplit en silence le rituel échographique: Olivier étale du gel sur le haut de la masse puis commence à y faire glisser la sonde. Emmanuelle scrute chaque centimètre de l’écran. D’étranges formes apparaissent à l’image. Emilie se précipite pour regarder. Olivier tente de voir l’écran caché par sa femme et sa fille. Le regard d’Emmanuelle se fige, elle n’en croit pas ses yeux. EMMANUELLE Olivier, arrête. Elle se décale du moniteur pour laisser regarder son mari. Les yeux d’Olivier s’éclairent: on distingue difficilement une forme de corps dans l’image échographique.

EMILIE Mais je vois rien ! Je vois rien ! Emmanuelle tourne lentement une molette sur le moniteur : un son de cœur qui bat, très lentement, emplit la pièce. Les yeux d’Emmanuelle se remplissent de larmes, elle souffle, met sa main sur son visage.

OLIVIER Mon dieu. EMILIE Alors, elle est vivante?

EMMANUELLE Elle est tout à fait vivante. ELLIPSE

Page 10: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

14

Une petite machine à électrocardiogramme a été installée à côté du lit. Elle est reliée à la masse par des électrodes et affiche un pouls variant de 34 à 35 battements par minute. Emmanuelle, un masque de protection sur le visage et des gants en plastique aux mains, palpe la masse comme on palperait un ventre, paniquée. Olivier est rivé sur l’électrocardiogramme qui imprime les courbes de rythme cardiaque. Emilie récupère les imprimés, émerveillée. Olivier se redresse et souffle. Emmanuelle plante ses yeux dans ceux de son mari.

EMMANUELLE (à Olivier) C’est… c’est bien ça hein ?

Olivier hoche fébrilement la tête. EMILIE

Ca quoi ?

OLIVIER C’est un cocon. Emmanuelle souffle, comme venant de se prendre un coup. EMILIE Quoi ? OLIVIER (à Emmanuelle)

Pour l’instant, elle a l’air d’être au stade pré-nymphal, ça… ça veut dire qu’elle entre dans sa phase de métamorphose. EMMANUELLE Mais… Mais si ça se trouve, c’est juste une espèce de forme hibernante mais sans nymphose…

OLIVIER (se laissant envahir par l’excitation) Non ! Y a tout… Y a tout. Chrysalide sur-protéinée qui la nourrit, bradycardie... Si ça suit son cours dans quelques heures… elle va démarrer une histogenèse.

EMMANUELLE (enlevant son masque) C’est pas possible... EMILIE Mais c’est quoi ? EMMANUELLE Elle va… Elle va…changer de tissus.

Olivier approuve de la tête, tentant de retenir cette excitation fascinée qui l’assaille.

EMILIE (enthousiaste) C’est une blague ? Non sérieux ?

Page 11: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

15

OLIVIER Mais c’est… c’est prodigieux ! C’est inespéré ! Vous vous rendez compte ? OK, alors maintenant on va le veiller tous les trois, faut rien louper de ce qui se passe d’accord ? C’est trop important ! Ça va être…

EMMANUELLE (catastrophée) Mais ça va être rien du tout ! Emilie tu vas dans le jardin, tu me ramènes les cisailles, on peut encore la sortir de là avant cette putain de nymphose. OLIVIER T’es folle ? Tout son corps est relié à la chrysalide, tu vas la tuer.

Olivier attrape le poignet d’Emmanuelle et l’éloigne très fermement du cocon. Regard halluciné d’Emmanuelle.

OLIVIER (cont) Personne ne fait RIEN avant l’éclosion ! Maintenant on s’organise et…

Emmanuelle se jette violemment sur le cocon avant qu’il n’ait fini sa phrase. Elle plante ses ongles dans la paroi, tentant nerveusement de l’ouvrir avec ses mains.

EMMANUELLE (explosant) LEA ! Ma chérie ! LEA !

Olivier se précipite sur Emmanuelle et l’attrape à la taille. Il tente de la détacher du cocon mais elle s’agrippe et résiste de toutes ses forces. Emilie observe la scène avec délectation. OLIVIER

Arrête ! Arrête ça !

EMMANUELLE Je la perdrai pas elle aussi tu m’entends.

Emilie se précipite pour aider son père en tirant sur le bras d’Emmanuelle qui se met à hurler d’une force terrifiante. Olivier et Emilie arrivent à détacher Emmanuelle du cocon.

EMMANUELLE

Cette merde transformera pas mon bébé. Lâchez-moi ! Emmanuelle se débat hystériquement et se libère d’Olivier et d’Emilie, faisant violemment tomber sa fille. Emilie attrape son coude blessé qui saigne abondamment. Emmanuelle se précipite à nouveau sur le cocon et arrache un petit morceau de sa surface, faisant couler un liquide gluant de la « plaie ». Olivier rattrape sa femme, la ceinture et la plaque au sol sur le dos. Elle crie.

OLIVIER (à Emilie) Tu vas dans ma mallette grise dans la cuisine, tu me montes une seringue de Propofol.

Page 12: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

16

Emilie approuve fébrilement de la tête, se relève et part en courant tandis qu’Olivier maintient sa femme.

OLIVIER On est obligés d’aller jusqu’au bout maintenant tu comprends ? On n’a pas le choix, c’est pour qu’elle vive.

EMMANUELLE (hystérique) Si elle vit, c’est comme moi je l’ai faite t’entends !

Emilie entre dans la chambre en trombe, une seringue à la main, regarde sa mère d’un air dur et débouche la seringue qu’elle tend à son père. OLIVIER Maintiens là. Emmanuelle hurle. Emilie, froide et assurée, se baisse et plaque le bras tendu de sa mère au sol, d’une force inouïe. Olivier, suant, lui injecte l’intégralité de la seringue. Emmanuelle se débat quelques secondes puis sa respiration se calme d’un coup. Elle faiblit et entre dans un état léthargique. Emilie et Olivier restent à la maintenir au sol un temps jusqu’à ce qu’elle s’endorme totalement. Ils se regardent, Olivier se sentant coupable et Emilie l’air soulagé. Olivier se lève, attrape les épaules d’Emmanuelle. OLIVIER (à Emilie) Prends ses pieds. Emilie s’exécute. Ils la soulèvent et la portent jusqu’au couloir. A l’instant même où Emilie passe le seuil de la pièce… 4. COULOIR (INT- JOUR) ... La porte se claque toute seule violemment derrière eux. Stupeur d’Olivier. Emilie retient un sourire d’excitation. Olivier dépose le haut du corps d’Emmanuelle et se jette sur la porte. Il tente de l’ouvrir, pousse de toutes ses forces, la frappe mais elle ne cède pas d’un millimètre. OLIVIER (à Emilie) Pose et remonte-moi la caisse à outils. Emilie traine le corps plus loin dans le couloir, le pose et part en courant dans les escaliers. EMILIE (off) J’arrive.

Olivier tente d’enfoncer la porte en la cognant de plus belle. Le bip régulier de l’électrocardiogramme derrière la porte le nargue. Emilie revient en courant avec la caisse à outils, la tend à son père. Olivier en sort un tournevis qu’il introduit dans la serrure. Il tente de la débloquer, tourne de toutes ses forces.

Page 13: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

17

Le plat de serrure finit par céder et tombe au sol avec la poignée ; une épaisse tresse de moisissure déborde du trou laissé dans la porte, le bouchant totalement. Amusement d’Emilie. ELLIPSE 5. COULOIR/ CHAMBRE DE LEA (INT- FIN DE JOURNEE) Olivier, traits tirés, est accroupi devant la porte marquée de centaines de traces de chocs en tous genres et tente de l’ouvrir avec un pied de biche, sans succès. Emilie est endormie contre le mur, un petit bandage autour de son coude blessé. Emmanuelle git toujours au bout du couloir. Olivier frappe violemment la porte et jette l’éponge. Il se laisse tomber dos au mur, yeux fermés. Tout à coup, le son de l’électrocardiogramme derrière la porte s’emballe. Olivier et Emilie ouvrent aussitôt les yeux et se lèvent d’un coup. Les battements s’accélèrent puis plus qu’un long son continu. On entend alors une suite prolongée de sons visqueux, entremêlés aux bruits de souffle et d’efforts d’une voix enfantine. Un bruit de verrou. La porte s’ouvre lentement. Dans l’embrasure apparaît alors une petite fille de 5-6 ans, les cheveux très noirs, la tête recouverte de liquide visqueux et de fils de sang séchés. Ses bras, jambes et sa tête dépassent d’une très légère membrane rosâtre et injectée qui lui fait comme un manteau amniotique. Emilie se précipite vers la petite pour déchirer ce « manteau ». Derrière, Emmanuelle ouvre péniblement les yeux et se redresse, en pleine gueule de bois de tranquillisants. Elle voit la gamine et met la main sur sa bouche, l’air nauséeux. Emilie arrache la membrane, la petite rit, comme chatouillée. La voilà libre, elle flotte dans le pyjama taille 12 ans qu’elle portait dans la séquence 1 : c’est bien Léa.

OLIVIER

L.. Léa ? Tu… Tu nous reconnais ? Emilie reste accroupie, la membrane dans les mains. Léa, lève la tête vers le groupe, amusée. LEA Bah oui j’te reconnais Papa. Emmanuelle, ne pouvant se retenir, vomit sur le sol. LEA (à son père) Oh, faut donner des médicaments à Maman. Emilie serre la membrane contre elle. Olivier s’accroupit et attrape les épaules de Léa, soulève ses bras, touche son ventre, comme vérifiant sa réalité. Léa regarde le visage de son père sans trop comprendre. Emmanuelle, tête appuyée contre le mur halète, fixant le sol. Emilie regarde à l’intérieur de la chambre: le cocon est fendu en son milieu et une longue tresse de moisissure le relie à la serrure de la porte. Clebs arrive sur le pas de la porte, prend un temps d’arrêt et, voyant Léa, se met à aboyer.

LEA CLEBS ! Mon chien.

Page 14: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

18

Clebs part en courant. La gamine, folle de joie, se détache de son père et suit le chien dans le couloir, manquant de trébucher dans son pyjama trop grand, ne prêtant aucune attention à sa mère qui la regarde partir, tremblante. Emilie, penchée à l’intérieur du cocon se retourne, enthousiaste et émue, vers son père.

EMILIE

Papa… C’est fabuleux !

EMMANUELLE ( hurlant, à Emilie) Mais enlève tes mains de ça, sors de là !

Emilie et Olivier sursautent et se retournent vers Emmanuelle qu’ils avaient oubliée. 6. CUISINE (INT- SOIR) Emmanuelle, une tasse de café à la main, est assise à table devant un album photos. Olivier est debout derrière elle, tenant dans ses bras un gros bouquin marqué « Entomologie Générale ». A l’autre bout de la table, la petite Léa les regarde, inquiète, un verre de jus d’orange à la main. Elle tient Clebs sur ses genoux. Derrière, Emilie prépare des bâtonnets de poisson pané à la poêle, jetant de temps à autre des regards à ses parents. Sur la page ouverte de l’album-photos, Emmanuelle et Olivier détaillent plusieurs clichés de Léa enfant ; c’est exactement la même petite fille que celle face à eux. OLIVIER C’était quand ça ? EMMANUELLE

C’était l’été juste avant ses 6 ans, un truc comme ça. OLIVIER

Mais même chez les insectes des cocons de rajeunissement ça n’existe pas.

Olivier se retourne d’un coup et commence à faire les cent pas, en intense réflexion. LEA (timide) Maman, j’ai 6 ans quand ?

Emmanuelle ne lève même pas la tête. Emilie sert le poisson pané à sa sœur qui pose Clebs par terre.

EMILIE Tiens, mange ma poulette…

OLIVIER (parlant pour lui-même, un peu inquiétant) Un papilloma… gangréné… géant.

Emilie met ses mains sur les oreilles de Léa.

Page 15: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

19

OLIVIER Comme si… comme une dérive infectieuse. EMMANUELLE (hurlant) Mais enfin on s’en fout du nom que ça a !

Emilie, un sourire en coin, retire ses mains des oreilles de sa sœur, qui, de plus en plus inquiète, ne comprend rien à ce qu’il se passe.

EMMANUELLE Si cette merde peut contaminer un gosse, c’est que c’est bactérien et qu’on est les prochains sur la liste, c’est tout ce qu’il y a à savoir ! Demain, on va découper ce truc en morceaux et le brûler dans la cheminée et…

Olivier va attraper les épaules de sa femme.

OLIVIER (prudent) Ma chérie, écoute-moi, il faut que tu manges et que tu te détendes maintenant, tu vas prendre un peu d’alprazolam et …

EMMANUELLE (se levant d’un coup) Mais tu vas pas encore me shooter putain! (à Emilie et Olivier) Vous êtes malades, qu’est-ce qui vous prend mais ouvrez les yeux ! Mais comment vous pouvez faire comme si c’était pas grave ? (se retournant vers Léa) Enfin c’est… c’est un monstre Olivier !

EMILIE (dure, les mains sur les épaules de la petite)

C’est ta fille Maman.

EMMANUELLE Ma fille ?... C’est plus ma fille… C’est… C’est une saloperie !...

Regard de Léa, perdue. EMMANUELLE (cont) … C’est … C’est une aberration! Et les aberrations, on les met dans le formol et on les stocke, on leur offre pas le gite et le couvert. Je veux pas la voir vous comprenez, je veux pas ! Foutez là dehors ! Et me touchez plus vous…

Emmanuelle est stoppée par un long hurlement strident de Léa. Les trois se figent de surprise. La petite s’arrête et, mâchoires serrées, respirant fort, fixe sa mère les yeux terrifiés, au bord des larmes. Emilie se précipite pour serrer la petite. Olivier fixe Léa, fasciné par sa violence. Furieuse, Emmanuelle attrape le chien par terre et part à toute vitesse de la pièce. EMILIE (à Olivier)

Laisse-tomber. Elle a jamais été capable de gérer tout ce qu’est pas une équation.

Page 16: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

20

OLIVIER (la coupant, l’air dur) Emmène la petite en bas et installe-la pour la nuit. Et tu me prépares un objectif à immersion.

Emilie attrape la main de sa sœur et acquiesce doucement. 7. CHAMBRE DE LEA/ COULOIR/SALLE DE BAINS (INT- SOIR) Emmanuelle entre à pas de loup dans la chambre au cocon, un tisonnier en métal à la main. Elle porte Clebs sous le bras. Des traces baveuses ont dégouliné des bords du cocon et trempent les draps. Emmanuelle se poste face à la chose. Elle embrasse Clebs et le pose par terre.

EMMANUELLE Aveugles. Ils sont complètement aveugles mon pépère. Emmanuelle, après une hésitation, plante rageusement le tisonnier au centre de l’ouverture du cocon qui est pris instantanément d’un violent spasme. Elle sursaute et prend un pas de recul. Clebs part en courant. Un bruit visqueux prolongé, comme un intense gargouillement. Le cocon tremble. D’épaisses traces visqueuses se mettent à dégouliner abondement sur ses côtés. Les yeux d’Emmanuelle s’éclairent mais l’écoulement s’arrête net. Le cocon s’immobilise, intact, et recrache en l’air le tisonnier qui retombe au sol. Les traits d’Emmanuelle se décomposent. Olivier entre dans la chambre. Le couple se dévisage un instant. OLIVIER (calme)

Emmanuelle, écoute-moi, je m’excuse pour le Propofol et pour… Ecoute je crois qu’il faut que tu bosses avec moi, que tu m’aides, parce que là on tient quelque chose de très grand (Il s’arrête, remarquant le tisonnier). Mais qu’est-ce que tu fais ?

EMMANUELLE

Qu’est-ce que je fais ? Mais j’essaie de nous sauver vu que je suis la dernière personne censée ici Olivier! OLIVIER (parlant comme à un enfant) Ecoute, promets-moi de plus rien tenter maintenant. Je maitrise tout d’accord ?

EMMANUELLE Maitriser tout ? Toi ? Mais tu maitrises rien du tout! Si on pouvait maitriser les erreurs de la nature… mais moi je serais enceinte de trois mois et toi tu serais moins con. Tu comptes faire quoi ? Bourrer cette saloperie de calmants pour l’endormir et l’observer tranquille ? Mais la merde c’est pas l’endormir qu’il faut Olivier, c’est la détruire !

Olivier s’assombrit, frappé au cœur. Il s’approche d’Emmanuelle, l’œil noir.

Page 17: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

21

OLIVIER Je sais très bien ce que je fais. Ce qui se passe c’est une aubaine, un truc sans précédent, inestimable… et on n’a pas le droit d’ignorer ça tu comprends ? On n’a pas le droit.

EMMANUELLE (glaciale) Un Honoris Causa de biologie pourrait pas gérer ça Olivier. Alors un rat de labo comme toi…

Olivier serre les dents et, furibond, attrape sa femme par la taille. Elle se débat, hurle. Il la traine de force hors de la chambre. EMMANUELLE Arrête laisse-moi ! Olivier traine Emmanuelle dans le couloir, puis dans la salle de bains. Tout en la maintenant, il attrape la petite clé en métal sur la serrure intérieure de la porte et pousse Emmanuelle dans la baignoire. Il sort, claque la porte et la verrouille. Emmanuelle, de l’autre côté, se jette sur la poignée de toutes ses forces. Sans succès. Olivier, haletant, reste un temps contre la porte, sombre. Il retourne dans la chambre de Léa, prend un temps d’arrêt devant le cocon, puis sort une seringue de sa poche. Il se baisse et prélève un liquide opaque et épais de la surface du cocon. Il sort de la chambre, les yeux rivés sur sa seringue, l’air possédé. 8. CAVE (INT- SOIR) A la cave. Sur une tablette contre le mur est installé une sorte de mini-laboratoire (microscope, tubes à essais…). Emilie prépare un bain d’un liquide bleuté. Elle se retourne vers sa sœur, assise sur un matelas gonflable de fortune, les bras remplis de vieilles peluches. EMILIE (douce)

Poulette, dis, est-ce que tu te rappelles quelque chose… d’avant ? LEA

Bah ce que je me rappelle… C’était comme un cauchemar. J’étais grande… Et puis… J’étais comme Maman dit… Un monstre.

EMILIE

T’inquiète pas ma poulette, Papa et moi on va bien s’occuper de toi. Emilie, d’une infinie douceur, embrasse le front de Léa. La petite lui sourit, confiante. La porte de la cave s’ouvre. Olivier apparaît, un duvet et quelques affaires sous le bras, et une grosse mallette en métal sous l’autre. Emilie sourit en le voyant. Il descend les marches.

OLIVIER

Tu peux aller te coucher Emilie, merci. EMILIE (déçue)

Mais j’ai mon duvet.

Page 18: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

22

OLIVIER Ta mère va emménager dans la salle de bains pour un certain temps, je préfère que tu restes là-haut au cas où elle ferait des conneries. EMILIE (agréablement surprise) Bien joué ! Mais justement tu crois pas que ça lui fera du bien de passer une nuit seule pour réfléchir ? Alors qu’ici t’auras besoin d’aide pour… OLIVIER Emilie s’il te plaît.

Emilie jette un regard complice à Léa et regarde froidement son père. Elle se dirige en silence vers la porte. Elle s’arrête au niveau d’Olivier, le regarde droit dans les yeux. Il semble gêné.

EMILIE (un sourire forcé) Bonne nuit tous les deux. Elle quitte la cave. Léa et son père restent face à face. La petite lui lance un grand sourire. ELLIPSE Au bureau-laboratoire, une plaquette de verre sur laquelle repose le liquide prélevé du cocon est posée sous le microscope allumé, à côté de la seringue et de notes griffonnées d’Olivier : au bout de chaque ligne, des points d’interrogations. Assis à côté, Olivier, l’air très concentré, serre un garrot à Léa qui ferme les yeux, crispée. Il approche sa seringue de son bras. OLIVIER Allez t’es prête ma puce ? T’es courageuse. On compte jusqu’à trois… OLIVIER ET LEA Un, deux… Avant le « trois », Olivier pique la petite qui pousse un cri tandis que la seringue se remplit lentement. Olivier tressaillit : le liquide est verdâtre et opaque, exactement le même aspect que le liquide prélevé sur le cocon. Il regarde Léa, halluciné, perdu. L’émotion le gagne. LEA (yeux toujours fermés) C’est fini ? Je peux ouvrir ?

OLIVIER Euh… Oui oui… La gamine ouvre les yeux et essuie avec sa main les gouttes du liquide coulant de son bras. Puis elle lèche ses doigts. Olivier, bouleversé, laisse s’échapper une larme. Il pose la seringue près du microscope. Puis il sourit, et se met à serrer Léa de toutes ses forces.

Page 19: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

23

OLIVIER T’es un miracle ma chérie. Dans les bras de son père, la petite ferme les yeux et sourit. Sa bouche et son menton brillent de sang verdâtre. INSERT : une image de microscopie cellulaire: d’inquiétantes cellules vertes grouillantes se collisionnent à l’écran. L’image est hypnotique, kaléidoscopique. Un long bruit sourd, comme un lourd râle ventral, emplit progressivement l’espace sonore. 9. SALLE DE BAINS/ CHAMBRE DE LEA/ CAVE (INT- NUIT) Tout au long de cette séquence il n’y a aucun « son in », l’on entend uniquement le son sourd commencé pendant l’insert continuer et envahir l’espace sonore de plus en plus fort. 9 a. Salle de bains La nuit. Emmanuelle, terrifiée, fébrile, se douche, assise dans la baignoire. Elle se frotte frénétiquement avec des quantités astronomiques de savon et de shampoing. 9 b. Cave Olivier et Léa dorment, paisibles, sur le matelas gonflable. Olivier serre Léa dans ses bras. 9 c. Chambre de Léa Emilie est seule assise sur ses genoux face au cocon, les yeux grands ouverts, sa tête effectuant d’inquiétants mouvements répétés d’approbation, comme en transe. On reste un long instant sur le cocon. Un son d’électrocardiogramme continu monte. 10. CUISINE (INT- MATIN) Le lendemain matin. Emilie, assise à table, mange tranquillement une copieuse assiette d’œufs brouillés/ bacon. Clebs, assis par terre la regarde, langue pendante. Emilie, perverse, s’amuse à narguer le chien en agitant au-dessus de lui un morceau de bacon, trop haut pour qu’il ne l’attrape ; puis continue, sereine, de manger. Olivier, cheveux en bataille du réveil, entre, l’air confiant et un peu illuminé, et jette à la poubelle ses seringues de prélèvement. Emilie lève la tête, souriante.

EMILIE Salut Papa, la petite a bien dormi ? OLIVIER (exalté)

Léa… son sang... C’est la même composition en tout point que le liquide nymphal, c’est comme si elle était sous perfusion permanente, autonourrie... Tu comprends c’est le plus beau sang du monde, elle est au-delà de nous. Ce truc nous a élus Emilie !

Page 20: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

24

EMILIE (enthousiaste) Justement Papa. C’est pour ça qu’il faut qu’on parle de Maman. Elle acceptera jamais ça et tu le sais bien. Je me demande si faudrait pas… qu’on l’anesthésie plus franchement. On a assez de Propofol pour…

OLIVIER Non on va pas faire ça. Je vais la laisser enfermée et lui filer des anxios jusqu’à ce qu’elle retrouve la raison, et quand elle sera maitrisée, je la sortirai et là je lui ferai comprendre… que j’avais raison. J’ai raison Emilie ! Ce truc c’est une aubaine, on doit l’accueillir… comme un don. EMILIE (se levant) Mais tu crois quoi ? Que tu vas lui dire « C’est un miracle » et qu’elle va se jeter dans tes bras en criant « Amen, quelle chance on a » ? Ouvre les yeux, tout ce que tu vas gagner c’est que tu vas lui faire encore plus peur. Papa elle t’écoute pas. Tu vois pas que pour elle t’es un assistant point barre? Elle va te dire que t’es taré et essayer de tout détruire. De le détruire lui, de détruire Léa. De te détruire.

Olivier, énervé, ouvre la bouche comme pour parler mais serre les dents. EMILIE (douce)

Papa, je sais que c’est dur à entendre, mais vois la vérité…Y a que moi qui veut ton bien ici, et c’est pour ton bien qu’on doit la neutraliser… OLIVIER

Je crois que je vais me taire Emilie. Emilie sourit doucement. Elle attrape une main de son père.

EMILIE Justement non Papa! T’es pas obligé de tout contenir, t’as le droit aussi d’ouvrir les vannes, t’as le droit de fondre en larmes devant moi, t’as pas à tenir une position d’homme si tu veux craquer, pas devant moi.

Elle attrape le visage de son père des deux mains, d’un geste étrangement sensuel, presque une caresse.

EMILIE Je suis là tu sais…

Olivier est troublé, il prend un mouvement de recul et se détache de sa fille. Il la regarde en silence un long instant, sombre. OLIVIER (stoïque)

Tu sais Emilie, des fois tu dis des choses vraiment moins intelligentes que toi. Reste à ta place et juste…Tais-toi.

Emilie est humiliée. Furieuse. A cet instant Léa entre dans la cuisine, l’air penaud : son bas de pyjama est trempé d’urine.

Page 21: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

25

D’abord surpris, Olivier se met à sourire, étrangement ému. LEA

Papa…

OLIVIER T’inquiète pas ma chérie, si tu re-grandis tout pareil, ça t’arrivera plus vers tes 7 ans, Emilie va s’occuper de ça. EMILIE (à sa sœur)

Je suis désolée ma puce… Emilie se retourne vers Olivier, dure. EMILIE

… Je dois rester à ma place. Emilie quitte la cuisine d’un pas furibond. Olivier reste face à Léa, ne sachant pas quoi faire.

OLIVIER Bon heu… Viens on va dans la salle de… Heu non non bouge pas.

Stressé, Olivier va vers l’évier, mouille un torchon, reste un temps démuni face aux produits s’offrant à lui et saisit, maladroit, une bouteille de liquide vaisselle : il en met une petite quantité sur le torchon sous le regard médusé de Léa. Il se retourne, torchon en main, un sourire contrit aux lèvres. Léa est effrayée.

LEA Je veux Maman. Olivier s’apprête à parler puis se ravise, hésite. Il souffle. 11. CHAMBRE DE LEA (INT- JOUR) Emilie entre dans la chambre de Léa et claque la porte, hors d’elle. Elle se jette sur le lit et encercle le cocon de ses bras. Haletante, elle se frotte nerveusement contre lui dans une sorte de transe érotique. Puis elle se redresse, son corps est recouvert de matière baveuse.

EMILIE

S’il te plait… Son regard est implorant. Lentement, les yeux rougis, Emilie s’apaise. Elle se penche sur le cocon, caresse les parois, sensuellement. Puis, avec douceur, elle se glisse à l’intérieur et cherche une position confortable. Emilie ferme tranquillement les yeux. Le cocon se referme doucement sur elle.

Page 22: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

26

12. SALLE DE BAINS/ CAVE (INT- JOUR) 12a. Salle de bains Emmanuelle, regard vitreux, est assise toute habillée dans la baignoire, serrant ses genoux. Elle baigne dans quelques centimètres d’une mélasse grisâtre, mélange des contenus d’une dizaine de bouteilles de savons et autres shampoings vidés qui reposent à la surface. Un bruit de serrure la fait sursauter. Olivier ouvre prudemment la porte. Il marque un temps d’arrêt, impressionné. OLIVIER Il faut que tu viennes avec moi, je… j’ai une urgence… EMMANUELLE Elle… Elle est encore là ? OLIVIER S’il te plaît… (plus doux)… Ma chérie. Emmanuelle respire fort, l’air inquiet. Elle semble se battre contre elle-même puis, comme cédant, finit par approuver d’un mouvement de tête hésitant. 12b. Cave Olivier descend les escaliers de la cave tenant Emmanuelle, tremblante, par la main. Dans son autre main : un gant mouillé et du savon. Léa, dans son pyjama taille 12 ans tout retroussé et taché d’urine, se tient debout devant son matelas, toute inquiète.

OLIVIER (doux) Y’a que toi qu’elle veut. Tu sais bien.

Léa sourit de soulagement en voyant sa mère. Emmanuelle reste sur les marches, dos collé au mur. Olivier entre dans la pièce. OLIVIER

Dis-moi où sont les vieilles fringues des petites. EMMANUELLE

Les cartons « Léa 6-12 » sont là-bas derrière les jouets, à côté du disjoncteur.

Olivier fouille et trouve les dits-cartons.

OLIVIER Parfait ! (confiant, à Emmanuelle) Viens allez, elle va pas te mordre !

Emmanuelle jette des regards peu rassurés à sa fille qui s’évertue à lui sourire tandis qu’Olivier fouille un des cartons. Il en sort une pile de petites culottes. Il en déplie une, rose à pois. Il sourit, amusé. Emmanuelle le regarde, semble se calmer. Olivier remarque une robe au fond de la caisse. Son regard s’éclaire. Lentement, il la saisit, ému. Il se tourne vers Emmanuelle, lui montre.

Page 23: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

27

Timidement, Emmanuelle s’approche. Elle attrape la culotte à pois et la serre contre sa poitrine. Puis elle saisit la robe. L’émotion la gagne aussi. Olivier et Emmanuelle se regardent, les yeux rouges. Comme se combattant elle-même, lentement, Emmanuelle s’approche de sa fille. EMMANUELLE Lève tes bras… LEA (rassurée, à Olivier) Regarde pas Papa ! Olivier tourne pudiquement la tête. Il entend le son d’Emmanuelle nettoyant et rhabillant Léa. La petite est prête. La robe lui va parfaitement. Emmanuelle est terriblement émue. Olivier tourne la tête. Un sourire nait presque machinalement sur son visage. Les larmes coulent des yeux d’Emmanuelle. Elle serre les dents.

LEA

Bah quoi ? Qu’est-ce qu’il y a Maman ?

EMMANUELLE Rien. Je pensais pas te revoir avec ça un jour…

Léa enlace alors sa mère, un sourire heureux aux lèvres. Surprise d’Emmanuelle. Elle lâche la culotte taille 12 ans tachée d’urine. Emmanuelle et Olivier se regardent. Timidement, lentement, comme ayant du mal à se l’autoriser, Emmanuelle se met à enlacer sa fille à son tour. Olivier lui sourit. En caressant le bras de sa fille, Emmanuelle fait tomber le petit pansement à l’endroit de la prise de sang. Deux gouttes de liquide verdâtre s’échappent alors de la petite plaie sur ses doigts. Emmanuelle ouvre les yeux, voit le liquide et repousse brutalement Léa. La petite, effrayée, s’agrippe à Olivier. La respiration d’Emmanuelle s’accélère. Elle se met à reculer lentement.

EMMANUELLE Non… Je peux pas… Olivier, je peux pas… OLIVIER (plein d’espoir) Ma chérie écoute-moi ! Son sang…

EMMANUELLE (hurlant) JE PEUX PAS VOUS ENTENDEZ! Léa sursaute. Olivier va serrer Emmanuelle dans ses bras. Il la maintient fort, ne lui laisse pas le choix. Emmanuelle tente faiblement de s’extirper puis craque, fond en larmes, n’essaie plus de le repousser.

EMMANUELLE Mais putain Olivier… Mais pourquoi ? Pourquoi nous ? Et pourquoi toi? Mais qu’est-ce qui te prends ? J’comprends rien, RIEN.

Page 24: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

28

OLIVIER (se durcissant, attrapant fermement les bras de sa femme) Mais arrête ! Arrête tu m’entends ! Tu vois pas ?

Olivier lâche les bras de sa femme, la voix plus douce et le regard intense. OLIVIER

Ma chérie… et si c’était juste plus fort, plus beau que nous ! Et si c’était juste… là… Là pour nous !

EMMANUELLE Mais enfin ferme-là ! Tu vois pas que plus rien ni personne n’est là ? Ni toi, ni moi, ni nous, ni les filles! Tout est parti, tout est mort !

Emmanuelle se retire lentement des bras d’Olivier. Son regard se durcit, il a l’air abattu.

EMMANUELLE (triste) J’ai perdu Olivier… Tu sais très bien que je finirai par vous faire du mal à tous. Je t’en prie, ramène-moi.

Regard sombre d’Olivier. Léa, l’air haineux, se met à enlever sa robe. 13. SALLE DE BAINS (INT- JOUR) Emmanuelle se tient debout dans la salle de bains, le regard vide, mort. Olivier lui fait face. Il tente de caresser la joue de sa femme mais elle s’éloigne et effectue un mouvement de tête qui semble dire « Vas-y ». Olivier, l’air grave, recule. Il ferme doucement la porte et enferme Emmanuelle. 14. CHAMBRE DE LEA (INT- SOIR) Le soir. Plein cadre, un dessin d’enfant aux crayons de couleur signé « Léa » : une famille se donnant la main devant une maison : la maman, le papa, la petite fille, le chien et en bout de file, tenu par la petite : le cocon. L’on s’éloigne. Le dessin est posé sur le cocon qui est recouvert de jouets, peluches et dessins de Léa soigneusement disposés. L’appareil d’échographie est débranché. La caméra se pose au niveau du sol de la chambre: on ne voit que le bas du lit et le sol. Un bruit visqueux, prolongé. Une matière gluante dégouline. Les jouets de Léa tombent. Un pied nu féminin se pose sur le parquet, puis un autre. Le manteau amniotique tombe. La silhouette quitte la pièce. 15. SALLE DE BAINS (INT- SOIR) Emmanuelle, couchée dans la baignoire, ouvre les yeux à la seconde où elle entend le bruit de pas. Il se rapproche. Un bruit de clé dans la serrure. La lumière s’allume. Une silhouette d’abord indéfinissable pénètre la salle de bains et s’approche du miroir. Ce sont les vêtements d’Emilie. On découvre alors son visage : la jeune fille s’est transformée en Emmanuelle. Les

Page 25: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

29

cheveux un peu plus longs, la peau un peu plus blanche que l’originale, elle semble comme plus jeune. Elle ne prête pas la moindre attention à sa mère, hallucinée, dans la baignoire. Devant le miroir, Emilie/ Emmanuelle écarquille les yeux. Elle approche ses mains de son visage le tirant de plus en plus, comme pour vérifier qu’il est vrai, qu’il tient. Un sourire diabolique naît sur son visage. Dans le miroir, derrière elle, se lève Emmanuelle, glaciale. Très tranquillement, Emilie/ Emmanuelle se retourne. Les deux femmes se confrontent. Emmanuelle s’approche lentement de sa fille. Le regard d’Emilie/ Emmanuelle est triomphant.

EMMANUELLE Petite conne. D’un coup, Emilie/ Emmanuelle se jette sur Emmanuelle et la plaque contre le mur. Emmanuelle, sonnée, encaisse le choc. Elle tente de crier mais Emilie l’attrape par le cou et se met à serrer, les yeux remplis de haine. Emmanuelle suffoque. Emilie ne faiblit pas, soutient le regard de sa mère, inébranlable. Emmanuelle souffre le martyr, se tord. Puis lentement, ses mouvements faiblissent. Son visage est écarlate. Elle émet un ultime son guttural de douleur. Ses mains se décrispent. Ses yeux roulent. Emmanuelle meurt. Emilie/Emmanuelle, haletante, lâche Emmanuelle. Son corps tombe lourdement sur le sol. 16. CHAMBRE DE LEA (INT- SOIR) Emilie/ Emmanuelle, sonnée, entre dans la chambre au cocon, tenant le corps d’Emmanuelle dans ses bras. Elle s’approche doucement du cocon ouvert et l’y dépose délicatement. Elle regarde sa mère un temps, les yeux remplis d’émotion. Puis elle prend un pas de recul. Le cocon se referme doucement sur le corps, dans ce même bruit visqueux. Emilie/ Emmanuelle souffle, comme sortant d’un cauchemar. Avec tendresse, elle ramasse les peluches de Léa et les re-dispose sur le cocon. Elle se retourne : Léa est sur le pas de la porte, l’air interrogateur.

EMILIE/ EMMANUELLE (pleine de douceur) Ma chérie… Emilie/Emmanuelle écarte ses bras. La petite sourit et se précipite pour l’enlacer. 17. CUISINE (INT- SOIR) Assis à la table de la cuisine, Olivier feuillette, mélancolique, l’album-photo que feuilletait Emmanuelle. Il s’arrête sur une photo d’Emmanuelle, lui et Léa à 6 ans, souriants. Il sourit, caresse le cliché. Un bruit de pas. Il lève la tête. Emilie/ Emmanuelle se tient devant lui, l’air doux. Stupeur d’Olivier. Emilie/ Emmanuelle lui sourit. Après un temps à la dévisager, Olivier se lève, désorienté, s’approche d’elle. Emilie/ Emmanuelle, rayonnante, attrape le visage d’Olivier à deux mains, comme elle le faisait dans la scène 10. Olivier plante ses yeux dans ceux de la jeune fille, fronce les sourcils.

Page 26: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

30

Il attrape lentement la main gauche d’Emilie/Emmanuelle, passe son pouce sur son annulaire sans alliance, respire sa peau. Puis son regard descend le long du bras de la jeune fille, il le soulève et s’arrête sur sa blessure au coude. Olivier écarquille les yeux, comprenant. Il plante son regard dans celui de sa fille.

OLIVIER Em…

EMILIE/ EMMANUELLE (souriant, dans un doux murmure) Papa vois la vérité… Il y a que moi qui veux ton bien ici… Les yeux brillants, Emilie/ Emmanuelle l’embrasse passionnément. Olivier, d’abord fébrile, tremblant, se laisse progressivement aller au baiser. Leurs deux visages s’éloignent lentement. Olivier respire fort. Il se met à sourire, confiant.

OLIVIER Je vais me taire alors… Les yeux remplis d’émotion, heureuse, Emilie/ Emmanuelle se met nue devant Olivier. Il s’approche d’elle, regarde son corps comme pour la première fois. Il le caresse avec douceur et d’une précaution infinie. Il embrasse tendrement ses seins, son ventre, son sexe. Emilie/ Emmanuelle arrache, espiègle, la chemise d’Olivier. Déboutonne son pantalon. Elle pose sa main sur son torse. Olivier sourit et la fait virilement basculer sur la table de la cuisine. Emilie/ Emmanuelle rit. Elle lui attrape le cou. Ils s’embrassent voracement. 18. CUISINE (INT- MATIN) Le matin suivant. Emilie/ Emmanuelle, sereine, prépare une casserole de lait chaud. Clebs mange dans sa gamelle. Léa est assise à table. Emilie/ Emmanuelle va lui servir son lait. Olivier, cheveux mouillés, entre dans la cuisine, en costume-chemise, souriant.

OLIVIER Salut les filles ! LEA Salut Papa.

Olivier s’approche d’Emilie/ Emmanuelle qui lui donne un tendre baiser. Léa attrape le badge de sa mère sur la blouse posée à côté d’elle et en lit l’intitulé sans y comprendre grand-chose.

EMILIE/ EMMANUELLE (à Olivier, complice) T’as bien dormi ? OLIVIER (joueur, l’entourant de ses bras) Parfaitement ! J’ai rêvé de Yorks et de progestérone…

Page 27: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

31

EMILIE/ EMMANUELLE (amusée, allant poser la casserole) Ça tombe bien. (A Léa) Allez, finis vite ma chérie, il est huit heures et quart.

Léa repose le badge et boit son lait. Emilie/ Emmanuelle sort de la cuisine. Olivier attrape Clebs. OLIVIER (gaga, l’embrassant) C’est mon chien ça ! Emilie/ Emmanuelle revient, tenant trois manteaux et un cartable d’enfant. EMILIE/ EMMANUELLE (distribuant les manteaux)

Allez allez messieurs-dames on y va. Tu vas être en retard ma poulette ! Et Papa et Maman ont des bébés chiens à fabriquer !

Olivier sourit, il repose Clebs qui aboie joyeusement. Léa finit son bol, se lève, enfile manteau et cartable tandis qu’Emilie/ Emmanuelle et Olivier enfilent les leurs, attrapent leurs blouses et leurs mallettes posées près de la porte. Emilie/ Emmanuelle ouvre la porte.

OLIVIER

Et qu’est-ce que t’as à l’école aujourd’hui ma chérie ?

LEA Que des maths ! Ils ferment la porte derrière eux. L’on reste un temps en silence sur la cuisine vide. 19. CHAMBRE DE LEA (INT- JOUR) Le cocon, inanimé, repose béant sur le sol de la chambre de Léa. Il semble sec, mort. A l’intérieur reposent les vêtements que portait Emmanuelle, chiffonnés, sales et cartonneux. Doucement, Clebs entre. Il s’approche, donne deux coups de langue sur la paroi du cocon. Puis, tranquillement, il commence à le grignoter.

FIN

Page 28: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

32

NOTE D’INTENTION

Et si l’impensable et le monstrueux surgissaient dans le lieu le plus normé et rassurant qui

soit? Et si tous nos repères de parents, de frères, de sœurs, de fils ou de filles venaient à

vaciller à cause d’une aberration de la nature ? Et si au cocon familial venait se substituer un

autre cocon qui révélerait le vrai visage de nos désirs ?

A l’origine de Zoo, il y a tout d’abord mon envie profonde de parler de la famille, ce cocon à

l’apparence rassurante qui cache au fond de lui mille bombes à retardements. Par l’utilisation

des codes du film fantastique, je veux raconter l’histoire d’un groupe qui se déchire puis se

reconstitue autour d’un élément étranger, et montrer comment toute famille contient en elle-

même les germes de sa propre destruction.

Il m’a semblé intéressant que ce cocon, comme le personnage de Terrence Stamp dans

Théorème de Pasolini, vienne réaliser les désirs enfouis et redistribuer les rôles en fonction

des envies profondes de chacun, celles que la morale ou la nature ne permettent pas: Léa

redevient l’enfant qu’elle regrettait de ne plus être, Emilie la grande ado en mal de

reconnaissance prend la place de sa mère et Olivier finit par coucher avec « sa fille ». Quand à

Emmanuelle, son refus de confier le futur de sa famille et le sien à ce cocon la conduira à la

disparition totale : tuée par son alter-ego monstrueux et digérée par le cocon lui-même.

Zoo se veut en ce sens un film radical et sans complaisance avec ses personnages,

profondément dérangeant.

Je tiens absolument à ne pas imposer de sens à ce film en laissant un champ interprétatif très

large au spectateur. Le cinéma fantastique a cette force de pouvoir confronter le spectateur à

des situations de fait inédites, et ainsi en appeler avec force à son jugement, son instinct, son

appropriation des choses, son rapport personnel à l’inconnu et au familier.

L’efficacité formelle du film se construira à mon sens dans le rapport que tiendra la mise en

scène avec le réel. Je veux filmer ce réel comme tel, dans son imagerie quotidienne,

imparfaite, et par là faire naitre l’inquiétude car le monstrueux apparaitra au sein d’un univers

qui nous ressemble.

Je veux ainsi privilégier une caméra au plus près du subjectif des personnages. Pas de point de

vue omniscient mais une caméra à l’épaule. Je souhaite utiliser des focales courtes, être prêt

de l’œil humain, filmer au-dessus des épaules des personnages, à échelle de leur vision.

La mise en scène tentera ainsi d’aller dans le sens d’un effet immersif, au cœur de l’horreur.

Page 29: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

33

La mise en scène du cocon lui-même et la façon dont il apparaitra à l’écran est évidemment un

enjeu fort du film. Il s’agira de ne pas céder à la fascination de l’objet à filmer. Il est

nécessaire que le cocon soit le plus possible lové dans le décor, une présence qui devient

presque évidente, qu’il en découle, qu’il fasse corps avec cette chambre, comme l’organe d’un

corps (voir croquis ci-joints). C’est à ce prix que sa présence sera d’autant plus terrifiante et

oppressante. Possession de Zulawski me revient à l’esprit : dans l’appartement envahi par la

créature, cette dernière est une présence permanente, on la sent, on l’entend, mais sa présence

à l’écran n’est jamais trop insistante ou appuyée. Et nous sommes terrifiés.

Concernant la direction d’acteurs, je voudrais faire évoluer le jeu des comédiens avec le film

lui-même au diapason des registres qui se télescopent. Partir d’un jeu du quotidien pour aller

progressivement vers un jeu absolument physique, où les corps pleurent, tremblent, hurlent,

vomissent, suent, tombent, désirent, font l’amour. Comme des personnages Pasoliniens, les

acteurs devront sortir de leurs gonds et mettre en jeu les manifestations physiques du

dérèglement et de la libération, jusqu’à même se dédoubler : ainsi l’actrice qui incarnera

Emmanuelle sera la même que celle qui interprètera la transformation finale Emilie/

Emmanuelle. Je prendrai ce défi de direction d’acteurs à bras le corps. L’expression des

retranchements et des émotions limites que je recherche ne passera pas par une direction de

jeu purement technique ou millimétrée mais absolument émotionnelle : je demanderai à mes

comédiens de s’approprier totalement leur personnage, de l’étudier, de l’identifier, de le

comprendre, pour que leur jeu découle de cette intimité qu’ils auront construit avec lui et

qu’ils l’interprètent ainsi avec leurs propres émotions. Pour cela, j’envisage une longue

préparation en amont avec chacun d’entre eux, beaucoup de rencontres informelles durant

lesquelles il s’agira plus d’apprendre à connaitre son personnage que de «répéter »

proprement dit. C’est à ce prix que le jeu sera, à mon sens, incarné et ne prendra pas le risque

de l’excès.

Le corps de mes acteurs sera la matière principale de mon film. S’il est une texture évidente

avec laquelle je veux mettre Zoo en image, c’est bien la peau, la matière organique, ses

mutations, ses frémissements. Je veux un film physique, absolument, à l’unisson des

tremblements et de la chair qui mute.

Page 30: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

34

Enfin, il me semble qu’une des forces formelles de Zoo, et son identité, proviendront de la

confrontation entre le traitement naturaliste du filmage et du décor évoqué plus haut et un

traitement de la lumière que je veux très travaillé et référencé. Mon idée pour l’image de ce

film est d’opérer un basculement lumineux qui partirait de l’ambiance des premiers

Cronenberg pour aller vers les lumières glaciales d’un Nuytten, à mesure que le récit bascule

dans la folie. Ainsi la première partie du film s’épanouira dans une lumière chaude de cinéma

fantastique américain des années 70, celle de films comme Carrie ou Furie chez De Palma ou

Chromosome 3 chez Cronenberg, une lumière qui provoquera un sentiment d’étrangeté et

d’atemporalité. Par la suite, à partir de la séquence de nuit qui entérine l’installation du chaos,

la lumière va évoluer, se blanchir et se verdir à mesure que le cocon prend possession de

l’histoire et des gens. Ici encore, c’est Possession que j’invoque, et le travail effectué par

Bruno Nuytten, que je rapprocherais volontiers en certains aspects de celui de Giuseppe

Ruzzolini sur Théorème. Dans ces deux films de déflagration du quotidien, les couleurs de

l’ordinaire sont gelées, mortifères, d’une beauté funèbre et fascinante.

Enfin, les deux dernières séquences, où la famille est « recomposée » verront le retour de la

lumière chaude du début du film, en confrontation ironique avec l’horreur qui a mené à cette

recomposition.

Je voudrais ainsi faire de Zoo un écrin à la fois séduisant et inquiétant, que l’on en ressorte

interrogé, séduit ou dérangé. Un film qui, de par son étrangeté, nous renverrait

paradoxalement à la fois à nous, notre famille et celle des autres.

Nicolas PLESKOF

Page 31: KAZAK Un film de Nicolas Pleskof

FICHE TECHNIQUE

ZOO

AUTEUR : Nicolas Pleskof REALISATEUR : Nicolas Pleskof GENRE : Fiction DURÉE : 26’ SUPPORT DE DIFFUSION : DCP 24i FORMAT : 2.35 SON : Dolby SR NUMERO DE VISA 132.950 LANGUE ORIGINALE : Français SOUS-TITRES : Anglais

LISTE ARTISTIQUE : Emmanuelle : Claude Perron Olivier : Christophe Grégoire Emilie : Alice De Lencquesaing Léa : Stella Trodonda

LISTE TECHNIQUE : Directeur de production : Pierre Delaunay Image : Simon Beaufils Son : Nicolas Waschkowski Montage image : Nicolas Desmaison Montage son : Alexis Jung Mixage : Vincent Cosson Etalonnage : Gilles Granier Musique : Vincent Govindin

PRODUCTION : KAZAK Productions / Amaury Ovise 9 Rue Réaumur 75003 Paris 01 48 24 30 57 [email protected]

SYNOPSIS : Des menstruations de leurs filles à la naissance de leur chien, tout est sous contrôle dans la vie d’Emmanuelle et Olivier Teziev. Mais ce matin Léa, leur fille cadette, n’est pas descendue déjeuner. Sur son lit à sa place, les Teziev et Émilie, leur aînée, découvrent avec horreur un monstrueux cocon. Progressivement, le chaos s’installe.