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La « catharsis » dans la philosophie aristotélicienne Maxime Vachon, Université Laval

Le présent article fait suite à l’événement « De la musique avant toute chose ! », qui réunissait des musiciens et des philosophes autour de ce vaste thème de la musique. Le titre de cette activité, « De la musique avant toute chose ! », mérite quelques remarques parce qu’il exprime bien, nous semble-t-il, le lieu de l’expérience musicale. Car la musique se situe avant toute chose en ce sens qu’elle ne se déploie pas dans la forme extérieure et distante des choses et des objets, mais bien dans l’élément intime de la vie affective. Cette influence de la musique, chacun peut la vivre, pour autant qu’il y est sensible.

Pour thématiser l’influence de la musique, sa signification et sa portée, la pierre de touche de notre analyse sera la notion aristotélicienne de « purgation » (catharsis) que produit l’expérience artistique, notion qu’il faut entendre au sens de « soulagement » ou encore de « défoulement ». Cela dit, les théories d’Aristote à ce sujet se trouvent dans un traité qui, de toute évidence, ne nous est pas parvenu1. Les seules explications de cette purgation se trouvent dans le dernier livre de la Politique, à travers ses développements sur la musique. 1. L’influence de la musique sur les dispositions à l’action

La perspective d’Aristote à la fin de la Politique est celle de l’éducation et de la culture. Il s’agit avant tout pour lui de constater l’influence de la musique sur le caractère habituel, la disposition de l’âme à l’action, la manière d’être d’une personne (l’ethos), et ainsi sur les habitudes et les coutumes. Aristote fait remarquer d’emblée que cette influence est manifeste puisque nous changeons lorsque nous écoutons de la musique, nous nous sentons différents, et notre disposition à l’action n’est plus la même2. Le fait, pour Aristote, se donne de manière évidente pour tous, comme il le souligne à de nombreuses reprises3. Les musiques qui portent l’âme jusqu’à l’enthousiasme, dit-il, en témoignent, car l’enthousiasme est bel et bien quelque chose comme une modification ou une affection (le pathos) du caractère de l’âme et de sa disposition à agir4.

D’une manière générale, le pathos se définit comme « la constitution d’un être en regard de quoi le devenir-autre est possible5 ». Le pathos de l’ethos, par conséquent, renvoie aux différentes possibilités d’être affecté en regard de la vie éthique. L’avènement de l’enthousiasme, par exemple, c’est-à-dire le passage du calme à l’euphorie sous l’effet de la musique, est possible à partir d’une constitution d’être en regard de quoi l’homme peut devenir autre (enthousiaste, en l’occurrence). L’éducation se trouve par là justifiée : les hommes ne sont pas figés dans leurs caractères, ils peuvent changer leurs habitudes et leurs dispositions.

Le pathos en vient aussi à qualifier « la réalisation de cette possibilité d’être affecté6 » : ce sont les mouvements de l’âme que nous subissons, les émotions et les passions. Il est possible de dire, par conséquent, que l’enthousiasme est une émotion (dimension affective), mais une émotion telle qu’elle détermine les actions et les réactions propres (dimension éthique) d’un homme enthousiaste (un tel homme sera porté à telle ou telle action). Ainsi, l’enthousiasme est en même temps une manière d’être affecté et une disposition à l’action, de même que le sont, en général, les autres émotions : la colère, par exemple, survient en nous (nous la subissons [vie affective]) suite au constat d’une injustice et, en même temps, elle détermine et oriente nos actions à venir (la réparation, la vengeance [vie éthique]).

La musique, comme cela a été dit, affecte les hommes dans leurs dispositions à l’action. À l’écoute des imitations musicales des caractères, en effet, tous deviennent « co-affectés »7, en ce sens que, semble-t-il, nous devenons nous-mêmes affectés par ces dispositions à l’action en même temps que nous sommes affectés par leurs imitations. La musique présente, en effet, des « ressemblances »8 de la colère, de la douceur, du courage, de la tempérance au point que nous nous sentons, à cause d’elles, disposés à la querelle et contraints (référence, sans doute, à la colère), tendres (référence à la douceur), mesurés et calmes (référence à la tempérance) ou encore enthousiastes9.

Considérant que, dans chaque cas, nous éprouvons du plaisir ou du déplaisir à l’égard de ces états qui surviennent en nous10 et donc aussi à ce qui leur correspond, il est nécessaire, dans un contexte éducatif,

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d’apprendre et de s’habituer à juger correctement et à se réjouir des caractères appropriés et des actions admirables, donc de leurs imitations (les caractères étant imités par la musique, les actions par la poésie dramatique). Il est nécessaire de développer ces bonnes habitudes11 parce que la vertu consiste justement à éprouver correctement12 la joie, l’amour et l’amitié, et la haine, etc.13 Par conséquent, il faut éduquer les enfants, dès leur plus jeune âge14, aux plaisirs des imitations musicales appropriées15. L’éducation permet ainsi de développer une sensibilité artistique, autant une aptitude à éprouver des émotions (pathos) qu’une disposition à éprouver ces émotions avec plaisir ou déplaisir (ethos).

2. L’expérience du mouvement et de l’altérité

En ces matières, la musique doit être privilégiée parce que l’audition, par opposition aux autres domaines du sensible16, est le seul domaine non seulement à pouvoir représenter des dispositions éthiques, mais à le faire avec beaucoup de vérité17. Aristote n’en expose pas les raisons, mais il est possible, dès à présent, d’en esquisser une interprétation à partir des autres textes du corpus aristotélicien. Pour le moment, il suffit de faire remarquer que, jusqu’à maintenant, la thématisation de la musique par Aristote s’est faite sans référence explicite au mouvement et au temps alors que, manifestement, ce sont là des éléments caractéristiques et essentiels du phénomène musical.

De ce que l’harmonie, en effet, est une synthèse ou une composition de grandeurs qui possèdent mouvement (comme l’harmonie de sons successifs) et position (comme l’harmonie de couleurs disposées les unes par rapport aux autres)18, il faut conclure que la musique, qui présente justement différentes formes d’harmonies19, est un art de la succession des sons, un art « en » mouvement ou un art « du » mouvement. Nous n’avons pas à faire, il faut le dire, de distinction entre succession et mouvement parce que la perception du mouvement est en tout point une perception de la succession20, et la musique se situe justement sur le plan de la perception. Les autres domaines artistiques, par contraste, ne se déploient pas dans la succession et le mouvement, si ce n’est, et il faudra y revenir brièvement, la danse, l’art dramatique et le cinéma, lesquels présentent par ailleurs, l’expérience le montre, cette même influence de la musique sur les caractères. Il faut faire, par conséquent, le constat suivant : seuls les arts en mouvement, en l’occurrence la musique, peuvent communiquer aux hommes certaines dispositions à l’action, alors que les arts visuels ne peuvent le faire que par représentation des signes de ces dispositions, donc par simple association21.

Il en est ainsi, peut-être, parce que l’action, et donc la disposition à l’action, s'appréhende à travers une expérience particulière de la temporalité qui se retrouve, en un sens, dans la musique. Durant l'écoute, en effet, nous faisons cette expérience de l’altérité du maintenant qui est toujours autre et autre22, de cette limite d'un passé et d'un futur toujours autres. Nous faisons alors encore et encore, par la mémoire, la synthèse des éléments passés en vue d’une harmonie particulière, en même temps que nous anticipons encore et encore, par l’attente et l’imagination, les éléments à venir en vue de cette même harmonie. Nous sommes immergés dans cette succession comme en une situation qui requiert notre action, car l’acteur éthique, tout autant, est situé par rapport aux évènements passés, au contexte présent et aux conséquences à venir.

3. L’intériorité de ce mouvement dans l’expérience musicale

Ce qu’il faut retenir, cependant, en vue de l'élucidation du pouvoir cathartique de la musique, ce n'est pas tant l'influence de la musique sur le caractère et les dispositions éthiques de l'auditeur que, plutôt, « la mise en mouvement » de cet auditeur (nous avons seulement suggéré que cette mise en mouvement est comme une mise en situation). Il s'agit donc, dans la présente section, de caractériser ce mouvement et l'expérience que nous en faisons dans l'audition de la musique.

Il faut remarquer d'abord que le mouvement est un sensible commun23, c'est-à-dire qu'il est perçu par l'intermédiaire de plusieurs sens (il n'est pas l'objet d'un sens en particulier). À ce titre, à savoir en tant qu'il est un sensible, la théorie aristotélicienne de la sensation s'y applique (au moins en partie, comme nous le verrons).

D'une manière générale, la sensation est la réception des formes des sensibles sans leur matière, à la manière de la cire qui reçoit l’empreinte d’un objet indépendamment de la matière de celui-ci24. Chaque

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sens pâtit sous l’effet de la forme d’un objet particulier (la détermination formelle de tel objet). Dans la sensation, l’acte du sensible est le même que celui du sens (bien que leur essence diffère) alors que le sensible en puissance (le sonore) n'est pas identique à la sensation en puissance (la capacité auditive)25.

En reprenant cette identité des deux actes (du sensible et de la sensation), il faut dire que la résonnance « objective » d’un objet et l’audition « subjective » par le sujet sont identiques26, ce qui veut dire qu’il n’y a aucune distance entre l’un et l’autre en acte. De fait, la sensation est la monstration de ce qui est là, le moment de la présence, la faculté du présent27.

Toutes ces remarques valent aussi pour les autres sens28, mais il est remarquable, pour notre propos, que l'audition, avant même le toucher, soit choisie par Aristote pour exemplifier cette identité du sentant et du senti. Car, alors que les sensibles en général sont souvent pensés, à tort, comme existant tels quels à l'extérieur de nous (c’est le déplacement d’air qui existe sans nous), le son est justement le sensible qui se laisse le moins appréhender comme quelque chose d’extérieur, de même aussi l'œuvre musicale. Le son, en effet, ne se maintient pas comme une propriété stable d’un objet (comme une texture), mais est rendu possible par un choc entre des solides29. Il est ainsi le plus évanescent des sensibles, car sa persistance dans le temps repose sur le mouvement, à savoir sur la continuité ou la succession des chocs qui le produisent, alors que les autres sensibles persistent dans le temps du simple fait que leur objet est en repos.

À l’évidence, cette théorie de l'identité du sentant et du senti en acte ne peut pas s’appliquer au mouvement : le mouvement existe (en acte) sans l'âme30. Le mouvement, en effet, n'est pas un sensible (il est l'acte de la puissance en tant que puissance)31, mais il est sensible (de même en est-il aussi de tous les sensibles communs). À ce titre, cependant, la théorie de la sensation peut encore s'appliquer. C'est ainsi que percevoir le mouvement, c'est se percevoir en mouvement32, de même que percevoir, c'est se percevoir tout court (le cas du toucher est particulièrement éloquent)33 : la présence de l’objet et la présence du soi-même sont co-données et co-constitutives. Et de même qu'il n'y a aucune distance entre la perception de l'autre et la perception de soi-même dans l'acte du toucher, de même n'y en a-t-il pas non plus entre la perception du mouvement et la perception de soi-même en mouvement dans l’écoute musicale.

S'il est vrai, par conséquent, que la musique est possible sur la base de l'altérité, de la succession, du mouvement, etc., il faut dire que la musique, plus que tout autre art, réalise en nous la conscience de notre être-en-mouvement. Plus que les autres arts, parce que le lieu de l'expérience musicale (l'« en nous ») est plus fondamental (plus près de nous : c'est nous) que celui de la danse (le corps) et rendu plus pur que celui du cinéma (médiatisé par une image extérieure), ainsi que le suggéraient déjà les remarques précédentes sur l'intériorité du son. Peut-être, de plus, la musique accède-t-elle à l'intériorité de l'âme parce qu'elle se fonde sur ce sens qui est aussi celui de la réception de la parole34, donc de la pensée et de la vie intérieure. Cet « en nous » de la musique, alors, ne serait pas autre chose que le lieu de ce dialogue intérieur et silencieux de l'âme avec elle-même35. Dans tous les cas, il faut bien voir que cet « en nous » est le lieu d'un mouvement, au moins toujours le mouvement de la pensée36. Nous sommes, pour ainsi dire, toujours en mouvement, et non seulement cela, mais nous pouvons l’être selon toute la gamme des mouvements de la vie affective, qui sont chacun comme une harmonie particulière, en attente, et que la musique vient réaliser en nous, pour autant que nous y sommes sensibles. 4. L’expérience de l’extase

Quel est cet être-en-mouvement de l'homme que révèle la musique ? Il faut, pour répondre à cette question, thématiser le texte de Physique, Δ, 12. À cet endroit, le mouvement est caractérisé comme l'« extase de l'étant-là » (littéralement : le mouvement met hors de soi ce qui est là)37. L'expérience de la musique est celle de l'extase.

Le terme « extase » est composé de la particule « hors de » (ex) et du verbe « se tenir en place » (ἱστάναι, istanai, ce verbe, avec ses dérivés et ses composés, occupe une place lexicale importante dans les chapitres)38. L'expression, sous sa forme verbale, signifie donc quelque chose comme « se tenir hors de sa place », ou encore « se tenir à distance de, à l'écart de ». Il est à propos, par conséquent, de parler d'une extase de l'acteur dramatique ou du rhapsode. C'est ainsi que Socrate se demande si le rhapsode est dans

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son bon sens ou en dehors, lorsque l'âme de ce dernier est dans l'état d’enthousiasme qui lui est propre39. Dans un autre dialogue40, Socrate parle même du philosophe comme de cet enthousiaste qui se tient à distance des objets que les hommes prennent au sérieux pour être, à la place, auprès du dieu. Malgré les apparences, cependant, ce sens de l'extase est inadéquat pour caractériser le mouvement puisqu'il détient encore la nuance du statique : que le rhapsode soit hors de lui-même signifie qu'il se maintient (état statique, qui perdure) en dehors de lui-même (de même pour le philosophe). Ce n’est pas ce qui se passe, en effet, pour celui qui écoute de la musique parce que ce dernier est sans cesse en mouvement, il suit le mouvement de la musique (il est affecté-avec, il est en mouvement-avec). Et le mouvement se caractérise par la structure « hors de quelque chose » « vers quelque chose »41. De sorte que, à considérer chaque moment d'un mouvement, il faut dire que chaque intermédiaire est un « ce vers quoi » et un « ce hors de quoi », de sorte que le mouvement se déploie dans un « hors de ce vers quoi » ou encore un « vers ce hors de quoi ». Ce qui est posé comme étant (le « vers quoi » atteint) est aussitôt nié (comme un « hors de quoi vers autre chose »). Ce qui est là, en mouvement, ne tient pas en place : le mouvement est l’extase de l’étant-là. Et les hommes sont toujours en mouvement, ils ne connaissent pas l’immobilité et ils ne se satisfont pas de l’immédiateté. Ils sont toujours, comme à travers tous les élans que produit en eux la musique, emportés au-delà d’eux-mêmes (par leurs ambitions, dans leurs projets, etc.). 5. La catharsis comme épuisement d’une puissance

Les développements précédents nous permettent désormais d'aborder la question de la catharsis avec tous les éléments conceptuels nécessaires.

La catharsis est introduite une première fois par un rapprochement avec la musique des rites orgiaques42, lesquels, autant par la danse, le chant et la musique (les arts du mouvement), amènent les hommes hors d'eux-mêmes, dans un état d'enthousiasme. Il n’est pas sans pertinence de rappeler le privilège de l’enthousiasme pour parler de l’effet de la musique tout au long des développements de la Politique que nous avons parcourus. Le passage le plus explicite à ce sujet est le suivant : « Et, en effet, certains peuvent être possédés par ce mouvement-là [à savoir l'enthousiasme], et nous les voyons, à partir des chants sacrés, lorsqu'ils se servent des chants qui mettent l'âme hors d'elle-même (ἐξοργιάζουσι, exorgiazousi), reprendre place, retrouver un état de repos (καθιστάναι, kathistanai), comme s'ils avaient subi un traitement médical ou une purgation43 ». C'est pourquoi il est possible, ajoute Aristote, d'employer certaines harmonies musicales à des fins de purgation.

Il faut remarquer avant tout et encore une fois le privilège de l’enthousiasme pour décrire l’expérience musicale. Il en est ainsi parce que ce « mouvement » de l’âme manifeste avec plus d’évidence cette « mise en mouvement » de l’auditeur que produit la musique (à ce titre, tous les états affectifs sont « enthousiastes »). Le caractère du « hors de soi » est également explicite dans le terme grec exorgiazousi, un terme qui, sans même le préfixe ex, désigne déjà l'état de frénésie et d'emportement. Dans cet extrait, l’état extatique est opposé à l'état statique que désigne le verbe kathistanai (un composé de istanai, tenir en place). C'est alors seulement que la catharsis apparaît, notion qui reprend les nuances de suppression (être déchargé) et donc d'élévation (être léger) du terme grec arsis (dans cath-arsis) et qu’implique tout autant le verbe auquel est associée la catharsis elle-même (kouphizesthai, être soulagé)44.

Le sens de la catharsis est donc celui d'un quelque chose en moins, un quelque chose qui se trouvait en nous comme une puissance d’être affecté, mais que la musique réalise sous telle ou telle forme jusqu’à l’épuiser. La catharsis se manifeste alors comme un repos (une stasis), sans doute comme une plénitude d’être et un bien-être momentané, par opposition au mouvement qui la précède, qui est plutôt comme un manque d’être (sur le repos et le mouvement comme être et non-être)45. La difficulté pour concevoir le passage de l’un à l’autre tient à ce que le contraire (l'état statique, le calme après la musique) est produit par le contraire (l'état extatique, l’emportement par la musique), mais cette difficulté n'en est pas une justement dans le cas du mouvement : le mouvement tend toujours vers sa propre suppression, jusqu'à l’épuisement de la puissance.

Pour le dire autrement, la musique réalise (amène à terme) ces élans (potentiels) et ces tensions (internes) de l’homme qui se découvrent à lui dans la vie éthique et, surtout, dans la vie affective (et les deux ne sont pas sans rapport). Qu’il s’agisse d’élans d’amour ou de haine, de pitié ou de peur, et ainsi des

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autres, tous, la musique nous en purge en nous les faisant vivre. Les harmonies qui leur correspondent réalisent alors en nous le repos, car elles viennent à bout de ce qui n'était pas encore réalisé en nous-mêmes, elles épuisent, pour un temps, la puissance que nous sommes. Pour un temps, parce que pour autant que nous existons, nous sommes inépuisables. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1 Aristote, Politique, Θ, 7,1341b40 ; W. D. Ross, Aristotle's Politica, texte établi, Oxford, Clarendon

Press, 1957. 2 Ibid., Θ, 5, 1340a8, 22-23. 3 Cf. φανερὸν, δῆλον, et encore φανερὸν, ibid., Θ, 5, 1340a40, 1340b11. 4 Ibid., Θ, 5, 1340a11-12. 5 Id., Métaphysique, Δ, 21, 1022b15-21 ; H. Tredennick, Aristotle. Aristotle in 23 Volumes, traduction,

London, William Heinemann Ltd.,vol. 17-18, 1933, 1989. 6 Ibid., Δ, 21, 1022b18. 7 Aristote, Politique,Θ, 5, 1340a13-14. 8 Ibid., Θ, 5, 1340a20-21. 9 Ibid., Θ, 5, 1340a43-1340b5. 10 Id., Éthique à Nicomaque, Β, 4, 1105b22-23 ; W. D. Ross, Aristotle's Ethica Nicomachea, texte établi,

Oxford, Clarendon Press, 1924. 11 Ibid., Β, 1, 1103b23-24. 12 Aristote, Politique, Θ, 5, 1340a15. 13 Dans le même ordre, cf. ces exemples de πάθη donnés en Aristote, Éthique à Nicomaque, Β, 4,

1105b23. 14 Aristote, Politique, Θ, 5, 1340b12-13. 15 Sur l’importance de lier les bonnes habitudes avec le plaisir, cf. Aristote, Éthique à Nicomaque, Β, 2,

1104b11-13. 16 Aristote, Politique, Θ, 5, 1340a27 et sq. 17 Cf. le terme ἀληθινὰς en Ibid., Θ, 5, 1340a19. 18 Id., De l’âme, A, 4, 408a5-8 ; W. D. Ross, Aristotle's De Anima, texte établi, Oxford, Clarendon Press,

1956. 19 Aristote, Politique, Θ, 7 en général. 20 Id., Physique, Δ, 11, 219a22-29 ; W. D. Ross, Aristotle’s Physics, texte révisé avec une introduction et

un commentaire, Oxford, Clarendon Press, 1936. 21 Aristote, Politique, Θ, 5, 1340a30 et sq. 22 Cf. la formulation qui se trouve dès Aristote, Physique, Δ, 10, 218a8-218a21. 23 Aristote, De l’âme, B, 2, 418a18-20. 24 Ibid., B, 12, 424a17-20. 25 Ibid., Γ, 2, 425b26-27. 26 Ibid., Γ, 2, 425b28-426a7. 27 Id., De la mémoire et de la réminiscence, 1, 449b13 ; R. Mugnier, Petits traités d’histoire naturelle,

Paris, Les Belles Lettres, 2002. 28 Aristote, De l’âme, Γ, 2, 426a8-15. 29 Ibid., B, 8, 419b19-20. 30 Aristote, Physique, Δ, 14, 223a27-28. 31 Cf. entre autres ibid., Γ, 1, 201a10-11. 32 Ce que suggère ibid., Δ, 11,219a5-6. 33 Aristote, De l’âme, B, 11, 423b12-15. 34 Sur la voix signifiante comme son, cf. ibid., B, 8, 420b32. 35 Platon, Théétète, 189e-190a ; J. Burnet, Plato. Platonis Opera, Oxford, Oxford University Press. 1903. 36 La particule dia- exprime durée et mouvement, cf. διανοουµένη, Id., Théétète, 189e et διάνοια, Aristote,

Physique, Δ, 11, 218b22. 37 Ibid., Δ, 12, 221b2.

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!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!38 Cf. Ibid., Δ, 10-14 en entier : ἵστασθαι en 220a13, ἐξίστησιν en 221b3, ἐνεστῶτος en 222b14, ἐκστάν en

222b15, ἐκστατικόν en 222b16, 21 et ἀπόστασιν en 223a5-6. 39 Platon, Ion, 535b-c ; J. Burnet, Plato. Platonis Opera, Oxford, Oxford University Press, 1903. 40 Id., Phèdre, 249c-d ; J. Burnet, Plato. Platonis Opera, Oxford, Oxford University Press, 1903. 41 Aristote, Physique, Δ, 11, 219a10-11. 42 Aristote, Politique, Θ, 6, 1341a22-24. 43 Ibid., Θ, 7, 1342a9-12. 44 Ibid., Θ, 7, 1342a14. 45 Aristote, Métaphysique, Γ, 2, 1004b28-29.