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Working Paper n°:2013-78-4
La construction de l’engagement dans le secteur de l’intérim
Isabelle Galois-Fauriea,
a INSEEC Business School, Savoie Technolac, 12 avenue du Lac d’Annecy, 73381 Le Bourget du Lac Cedex,
France
Août 2013
An ulterior version of this article appeared in RIMHE, n°8, Août 2013, ISSN 2259-2490 It can be purchased at: CAIRN (http://www.cairn.info/revue-rimhe.htm)
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LA CONSTRUCTION DE L’ENGAGEMENT DANS LE SECTEUR DE L’INTERIM
Parler de fidélité à l'entreprise aujourd'hui peut faire rire, et qui plus est dans le secteur de l'intérim.
Une enquête menée par la DARES et l'INSEE en 2007 indique que les intérimaires n'ont ni l'envie ni
l'intention de rester intérimaire toute leur vie professionnelle. Seuls 20% des intérimaires ayant
participé à l'enquête ont réellement choisi cette modalité d'emploi et peuvent être considérés comme
des professionnels de l'intérim. La fidélisation de l'intérimaire à l'agence d'intérim apparaît alors
comme un paradoxe (Auteur1 & Auteur2, 2012).
Pourtant, fidéliser l'intérimaire à l'agence d'intérim apparaît clairement comme un objectif affiché par
l'entreprise de travail temporaire (ETT) dans laquelle nous avons mené notre étude. Abus de langage ?
Réalité observable ? Nous montrons dans cet article que la fidélité de l'intérimaire à l'ETT est possible,
qu'elle est dans une certaine mesure souhaitable, et en même temps, qu'elle n'est pas sans difficultés
pour l'ETT qui souhaite en faire son projet.
L'intérimaire, comme tout salarié, peut être considéré comme un client. Les travaux menés sur le
concept de fidélité en psychologie du travail et en marketing des services sont donc utiles pour
appréhender la fidélité de l'intérimaire à l'ETT. En psychologie du travail, le concept d'engagement
organisationnel (concept traduit de l'anglais "affective organizational commitment") apparaît comme
un concept clé pour étudier la fidélité du salarié à l'entreprise (Allen et Meyer, 1990). Un salarié fidèle
est un salarié affectivement impliqué dans l'organisation (Thévenet et Neveu, 2002), ayant l'intention
de rester et étant peu enclin à examiner des offres d'emploi sur le marché du travail externe (Peretti,
1999). En marketing des services, la notion d'engagement est également centrale pour expliquer le
comportement de fidélité du client à la marque ou à l'enseigne. Un client fidèle est attaché
émotionnellement à la marque (Jacoby et Chestnut, 1978), a une préférence pour la marque (Morgan et
Hunt, 1994), a la volonté de coopérer et de maintenir une relation durable avec le partenaire existant
en ayant une préférence pour ce dernier (Anderson et Weitz, 1989). La fidélité de l'intérimaire à
l'agence d'intérim peut alors se définir comme le fait d'aimer travailler avec l'agence, d'avoir envie de
continuer à travailler avec elle et d'accepter les missions qui lui sont proposées. Ainsi, le concept
d'engagement organisationnel nous semble le plus approprié pour comprendre ce qui amène
l'intérimaire à continuer à travailler avec l'agence d'intérim.
Le statut de l'intérimaire est par définition précaire. L'intérimaire va donc mettre en place des
stratégies de recherche d'emploi pour trouver ou maintenir les ressources dont il a besoin pour vivre
(du travail, un salaire, le maintien ou le développement de ses compétences, des relations sociales, de
la reconnaissance, une appartenance à un groupe). Il va mettre au service des entreprises sa valeur
professionnelle (compétences techniques, aptitudes professionnelles) et sa valeur sur le marché de
l'emploi intérimaire (adaptabilité, réactivité). Un processus d'échanges se met en place entre
l'intérimaire et l'agence d'intérim.
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Nous cherchons dans notre étude à comprendre comment se renouvellent les échanges entre les deux
acteurs en mobilisant les travaux de Blau (1964). L'objet de notre article est d'apporter une meilleure
compréhension des processus psychosociologiques à l'œuvre dans la construction de l'engagement de
l'intérimaire vis-à-vis de l'agence d'intérim. Nous souhaitons apporter un regard complémentaire aux
travaux réalisés dans le champ de la sociologie (Faure-Ghichard, 2000).
Nous savons que la façon dont l'organisation s'occupe de ses salariés influence de manière
significative le niveau d'engagement affectif des salariés et leur intention de départ. La justice
organisationnelle (Rhoades et al., 2001), le soutien organisationnel (Allen et al., 2003) ou encore le
respect du contrat psychologique (Rousseau et al., 2001) ont des effets bénéfiques sur les attitudes au
travail. Le bien-être ainsi ressenti par les salariés bénéficiant de signaux de reconnaissance positifs
émis par l'employeur crée un attachement affectif à l'organisation et génère des comportements
favorables à la performance (Panaccio & Vandenberghe, 2009). L'individu aurait alors peu de raisons
d'aller chercher du travail en dehors de l'entreprise. Le mécanisme de réciprocité est souvent invoqué
par les chercheurs pour expliquer ce phénomène (Blau, 1964): lorsque le salarié bénéficie ou obtient
quelque chose de positif de la part de l'entreprise, cela lui donne envie d'apporter à l'entreprise quelque
chose en retour.
Dans une première partie, nous discuterons les formes d'engagement et les typologies d'intérimaires.
Dans une seconde partie, nous présenterons le cadre théorique de l'échange social (Blau, 1964). Dans
une troisième partie, nous présenterons les résultats d'une étude qualitative menée auprès de 25
personnes (intérimaires et responsables de recrutement). Dans une quatrième partie, nous discuterons
les résultats de notre étude.
1. La notion d'engagement
La littérature en marketing des services et en psychologie du travail nous permet d'appréhender les
contours de l'engagement, concept clé pour étudier la fidélité à la marque, à l'enseigne ou à
l'entreprise.
En marketing des services, la notion de fidélité à la marque est indissociable de la notion
d'engagement vis-à-vis de la marque. L'engagement du client se définit comme la volonté de coopérer
et de maintenir une relation durable avec le partenaire existant en ayant une préférence pour ce dernier
(Anderson et Weitz, 1989). Les clients s’engagent durablement à acheter une marque pour réduire les
coûts de transaction et/ou réduire l’incertitude d’obtenir un « gain » à l’issue de l’échange
(Williamson, 1979), et pour obtenir certains avantages qu’ils ne pourraient pas obtenir s’ils
s’engageaient à court terme dans une relation d’échange (Marshall, Palmer et Weisbart, 1979). Bien
évidemment, l’engagement n’est jamais total et peut changer en fonction des circonstances (Day,
1969). D'autres auteurs définissent la fidélité comme l’attachement émotionnel du client à la marque
(Jacoby et Chestnut, 1978; Beatty et al., 1988) ou comme une préférence pour la marque (Morgan et
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Hunt, 1994). L'étude du comportement d'achats répétés ne suffit pas pour représenter la fidélité. Trois
raisons sont invoquées: d'une part, l'achat répété peut traduire un état de dépendance du consommateur
au produit lorsque le consommateur n'a pas d'autres alternatives d'achats (Des Garets et al., 2003);
d'autre part, parce que l'achat répété peut traduire une simple routine sans affection particulière pour le
produit (Heilbrunn, 2003); enfin, parce que le fait d'acheter le produit régulièrement peut traduire une
stratégie de contrôle mise en place par le consommateur qui cherche à éviter le risque lié à l’achat
d’une nouvelle marque dont il sait peu de choses (Dholakia, 1997).
En psychologie du travail, la notion de fidélité est, elle aussi, indissociable de la notion d'engagement.
La fidélité du salarié à l'entreprise traduit son attachement à l'entreprise et se mesure par son niveau
d'engagement affectif vis-à-vis de l'entreprise (traduit de l'anglais "affective organizational
commitment") et sa volonté de rester membre. Le concept d'engagement est indispensable pour
comprendre ce qui incite le salarié à s'investir - ou se désinvestir - dans l'entreprise. Deux grandes
formes d'engagement se distinguent dans la littérature: l'engagement affectif et de continuité.
L'engagement affectif indique que le salarié se sent bien dans l'entreprise et qu'il en retire une
expérience bénéfique. L'engagement de continuité indique que l'individu agit pour l'entreprise par
manque d'alternatives d'emploi ou parce que l'entreprise lui permet de maintenir des ressources qu'il ne
pourrait obtenir ailleurs. L'engagement de continuité traduit une relation instrumentale à l'organisation
("j'ai besoin") tandis que l'engagement affectif traduit une relation émotionnelle ("j'aime"). La "peur de
perdre", le "manque de perspectives", le "risque lié à l'inconnu" sont trois dénominateurs communs de
l'engagement de continuité. Le "plaisir de travailler pour et avec" serait plutôt associé à l'engagement
affectif.
Selon la théorie de la conservation des ressources (Hobfoll, 1989), l’individu cherche en permanence à
trouver, protéger et construire des ressources personnelles pour augmenter son bien-être. Le
comportement de l'individu peut s'expliquer par la peur de perdre ses ressources personnelles. En
période de crise, l’individu aura tendance à économiser ses ressources. En période de croissance,
l'individu peut partir à la conquête de nouvelles ressources. Les ressources sont différentes d'un
individu à l'autre. Certaines personnes vont rechercher du soutien social ou organisationnel, de la
reconnaissance, des biens matériels ou financiers. Ces ressources peuvent constituer une monnaie
d'échange pour ceux qui peuvent leurs en procurer. Sans ressources, l'individu est en difficulté et sa
relation à l'organisation peut s'en trouver dégradée.
Dans le cadre spécifique de la relation d'emploi intérimaire, les ressources dont ont besoin les
intérimaires sont multiples. Au-delà d'avoir du travail et un salaire pour satisfaire les premiers besoins
fondamentaux de tout individu (les besoins physiologiques et de sécurité) (Maslow, 1954), les
intérimaires ont aussi des besoins d'ordre socio-émotionnel : être écouté et compris, être soutenu dans
leur démarche de recherche d'emploi ou en cas de difficultés rencontrées dans l'entreprise utilisatrice,
être respecté dans leur choix d'accepter ou non une mission (Auteur 3, 2006). Nous faisons l'hypothèse
dans notre étude que le choix de continuer à travailler avec une agence d'intérim en particulier est
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motivé par le fait de pouvoir acquérir ou maintenir ces ressources-là. Cette hypothèse va à l'encontre
de l'idée que l'intérimaire aurait intérêt à travailler par alternance pour plusieurs agences d'intérim
différentes. N'est-ce pas d'ailleurs la démarche des intermittents du spectacle (Menger, 2005) ? Le fait
d'être inscrit dans plusieurs agences d'intérim augmenterait la probabilité d'avoir des missions plus
régulièrement, faciliterait leur retour à l'emploi et réduirait la durée des périodes d’inter-missions
souvant angoissantes (Lacroux, 2009). A contrario, le fait de travailler avec une agence d'intérim en
particulier permettrait à l'agence de mieux connaître l'intérimaire, de répondre plus précisément à ses
attentes, de le faire évoluer, et de mieux gérer "l'enchaînement" de ses missions. Cela permettrait à
l'agence d'intérim d'offrir une prestation de service de qualité à l'entreprise utilisatrice en mettant à sa
disposition des intérimaires en qui elle a confiance. L'agence d'intérim aurait intérêt à développer une
relation prioritaire et privilégiée avec les intérimaires ayant une valeur professionnelle et une valeur
sur le marché de l'emploi intérimaire, et réciproquement.
Dans une étude sociologique, Faure-Guichard (2000) évoque déjà la fait que, contrairement aux
intérimaires en insertion ou en transition, les professionnels de l'intérim refusent l'embauche et
construisent avec l'agence une relation « prioritaire et privilégiée, [qui] repose sur une logique de
don-contre-don, avec une réciprocité qui est parfois différée dans le temps »1. La relation entre
l'intérimaire et l'agence serait donc différente selon le profil de l'intérimaire. Les intérimaires
professionnels auraient une attitude plus favorable vis-à-vis de l’intérim que ceux qui « subissent »
leur statut d’intérimaire. De ce fait, leur attitude vis-à-vis des sociétés d’intérim serait également plus
favorable, ce qui expliquerait leur attachement plus grand à l’agence. A partir de ces travaux, nous
formulons la question de recherche suivante.
Question de recherche : La construction de l'engagement de l'intérimaire vis-à-vis de l'agence
est-elle différente selon le profil de l'intérimaire (Profil 1: intérim non choisi; Profil 2: intérim
choisi) ?
2. Engagement, don et contre-don
La théorie de la conservation des ressources permet de comprendre le comportement de l'individu au
travail. La personne va chercher à maintenir, protéger ou augmenter ses ressources en fonction de la
situation. Ce que va mettre en place l'organisation pour satisfaire les besoins en ressources de
l'individu aura des conséquences sur l'engagement organisationnel de celui-ci. Cette forme d'échange
dépasse le cadre formel du contrat de travail et ajoute une dimension sociale à la relation entre
l'individu et l'organisation.
En anthropologie, « l’échange est […] une situation de relation sociale qui s’inscrit d’abord dans la
sphère de l’économie, qu’il s’agisse du troc, de vente ou de don réciproque » (Bourdin et al., 2002,
p.17). Certaines sociétés archaïques ont construit leur économie sur la base d'un système d'échanges
1 INSEE, DARES (Enquête emploi) (2001), op. cité, p.67-68.
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réciproques. Dans ce système où le contrat est absent, il existe une règle codifiée par la pratique
sociale qui oblige le donataire à rendre au donateur le bien reçu. Les échanges, apparemment libres et
gratuits, s’avèrent contraints et intéressés (Mauss, 1950). Tout le système marchand repose sur la
réciprocité.
Blau (1964) s'inspire des travaux de Mauss (1950) pour construire la théorie de l'échange social
appliquée aux relations de travail. Il définit l’échange social comme « le processus de donner et de
rendre qui engage deux ou plusieurs personnes dans une relation » (Blau, 1964, p.IX). Les échanges
sociaux s’observent partout, dans la sphère privée ou publique. Les voisins échangent des services, les
collègues des conseils, le manager du soutien, les chercheurs des idées, etc. Blau (1964) se concentre
sur l’analyse microsociologique des mécanismes de réciprocité qui régissent les relations entre les
individus. Selon lui, l’instauration d’une relation d’échange social repose sur trois principes
fondamentaux : l’investissement dans la relation, l’engagement mutuel et la construction d’une
relation de confiance :
- Le don suppose un investissement dans la relation, dès lors où celui qui donne attend un retour.
Le don n’est pas désintéressé ;
- Les parties doivent s’engager l’une envers l’autre et avoir l’envie de créer une relation de
partenariat stable. Cependant, l’un des partenaires peut être plus ou moins dépendant de l’autre et donc
plus engagé dans la relation ;
- Une relation de confiance entre les partenaires est alors nécessaire. Elle réduit la perception du
risque que l’autre partie adopte un comportement opportuniste vis-à-vis d’elle, notamment dans une
relation de dépendance. En effet, il n’existe aucun moyen de s’assurer que la chose donnée sera
rendue.
L’application de ces trois principes permet de mettre en place des mécanismes de réciprocité.
3. Etude de cas
3.1. Méthodologie
Nous avons mené une étude de cas expérimentale dans une grande ETT pour observer les interactions
entre les intérimaires et les agences du réseau. La méthode expérimentale consiste à observer un
phénomène dans son contexte (Stake, 2005). Pour comprendre le processus de fidélisation de
l'intérimaire à l'agence, nous avons mené des entretiens approfondis auprès de 25 personnes (12
intérimaires et 13 chargés de recrutement et cadres de l'ETT). Notre démarche est compréhensive
(Kaufmann, 2007). Nous cherchons à donner du sens à ce que les acteurs nomment "fidélité à l'agence
d'intérim".
L’analyse des données est structurée autour des trois principes de la relation d’échange social :
l’investissement dans la relation, la volonté de s’engager durablement et la construction d’une relation
de confiance. Le logiciel Nvivo a permis de systématiser le traitement des données et de croiser les
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caractéristiques individuelles des intérimaires – choix de l’intérim ou recherche d’un emploi stable – et
les variables permettant de comprendre comment se construit la nature de l’engagement de
l’intérimaire vis-à-vis de l’agence.
Nous présenterons successivement les ressorts de l’engagement de l’intérimaire vis-à-vis de l’agence
du point de vue de l’intérimaire puis du point de vue de l’ETT.
3.2. Les ressorts de l’engagement du point de vue de l’intérimaire
Nous avons formulé l’hypothèse de recherche selon laquelle le fait d’avoir choisi ou non de travailler
en intérim influence la façon dont se construit l’engagement de l’intérimaire vis-à-vis de l’agence. La
figure 1 présente les ressorts de l’engagement de l’intérimaire selon son rapport à l’intérim.
Figure 1: les ressorts de l'engagement de l'intérimaire vis-à-vis de l'agence selon sa relation à
l'intérim
Les résultats de l’analyse de contenu des entretiens montrent que la construction de l’engagement de
l’intérimaire tend à être différente selon son rapport à l’intérim. Nous ne pouvons pas affirmer que les
intérimaires professionnels, c’est-à-dire ceux qui ont fait le choix de l’intérim, sont plus attachés à
l’agence que les intérimaires qui attendent de trouver un emploi stable. Néanmoins, les professionnels
de l’intérim cherchent à être satisfaits tandis que les intérimaires dans l’attente d’un emploi stable ont
besoin d’être dans une relation de confiance avec l’agence.
Les intérimaires professionnels expriment davantage leur satisfaction vis-à-vis de l’agence qu’un
besoin de créer des liens de confiance (3 intérimaires interviewées : Jeanine, 48 ans, agent de
production, coupeur ; Jerry, 24 ans, chauffeur poids-lourd ; Norbert, 48 ans, tuyauteur). La nature de
leur engagement est plus calculée qu’affective.
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Parmi eux, Norbert et Jerry ont une forte employabilité perçue sur le marché de l’emploi. Ils ont des
exigences en matière de conditions d’emploi et de travail et ont un pouvoir de négociation plus fort
que les intérimaires dont l’employabilité est perçue comme étant plus faible. Ils accordent de
l’importance au fait que l’agence respecte les engagements pris envers eux et réponde à leurs attentes.
La relation entre ces intérimaires et l’agence serait plus de nature transactionnelle que relationnelle.
Tant que l’agence remplit son contrat vis-à-vis de l’intérimaire, à savoir leur trouver du travail qui leur
correspond, l’intérimaire n’a pas de raisons d’aller chercher du travail ailleurs, par réciprocité.
Témoignage de Norbert, 48 ans, tuyauteur
« Le jour où ça ne me plaît plus, j’en parle et on me trouve autre chose. […] S’ils ont c’est bien,
s’ils n’ont pas, je vais ailleurs. Je peux aller chez yETT demain, ils me trouveront quelque chose.
[…] Tant que ça se passe bien, j’irai pas voir ailleurs. On me trouve régulièrement du travail, on
ne me laisse pas sur la touche. Tout le monde y trouve son compte. Moi et la boîte d’intérim. […] »
Quant à Jeanine, elle pense ne pas pouvoir retrouver du travail facilement en raison de son âge. Elle a
vécu un licenciement économique et a abandonné l’idée de retrouver un emploi stable. Elle utilise
l’intérim pour rester en lien avec l’emploi. Pour autant, elle n’est pas prête à accepter n’importe quel
type de mission. Elle éprouve un sentiment de dévalorisation personnelle à l’idée de multiplier les
démarches de recherche d’emploi auprès différentes agences d’intérim. Travailler avec une seule
agence lui permet de trouver une relative stabilité dans un environnement précaire.
Témoignage de Jeanine, 48 ans, agent de production, coupeur
« Licenciés au bout de 22 ans comme des malpropres. D’où mon inscription chez xETT. […] Je
suis bien comme ça. […] Non, je ne me suis pas inscrite ailleurs que chez xETT. […] Ils me
trouvent du boulot, ça me correspond. Pourquoi j’irai sonner aux portes pour trouver du boulot ?
Je ne veux pas faire la mendiante »
Stéphane, lui, a un fort sentiment d’appartenance à l’agence qu’il considère comme son employeur et
avec qui il a développé de bonnes relations. Il déclare même avoir créé une relation de partenariat avec
l’agence. Il l’utilise comme un intermédiaire pour faciliter son insertion sur le marché du travail. Il a
aussi créé une relation de confiance avec le recruteur qu’il considère comme son « agent ». Il continue
de travailler avec l’agence « par principe » : il est de ce fait dans une relation d’engagement plus
normative à l’agence.
Témoignage de Stéphane, 27 ans, cariste, magasinier, préparateur de commande
« Quand je suis en mission, j'ai l'impression de faire partie d'Adecco vraiment, avec tout ça: la
bonne relation que j'ai avec mon agent, toute la documentation qu'on m'a fourni, les avantages du
CE, etc. Tant que je ne décide pas d'être embauché dans l'entreprise par laquelle je suis passée, et
bien je travaille pour Adecco. […] C’est une question de principe pour moi. Le travail que je vais
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faire, il va rendre service à l'entreprise et en même temps, j'essaye d'être représentant d'Adecco,
parce que c'est Adecco qui me paie. »
Les intérimaires qui n’ont pas choisi de travailler en intérim ont à la fois besoin de travailler pour
l’agence (engagement calculé) et développe aussi une relation affective à l’agence (engagement
affectif). Ils vivent l’intérim comme une situation d’emploi précaire et sont en quête de sécurité et de
stabilité professionnelle. L’intérim est pour eux un moyen de s’insérer sur le marché du travail et de
trouver à terme un emploi stable.
Parmi eux, certains intérimaires expriment clairement leur attachement à l’agence (4 intérimaires
interviewés : Denise, 47 ans, secrétaire ; Fouad, 38 ans, agent de production ; Frédéric, 42 ans, cariste ;
Martial, 34 and, agent de production). Ils reconnaissent et apprécient le professionnalisme du chargé
de recrutement avec qui ils entretiennent de bonnes relations. Ils ont besoin de développer des
relations de confiance réciproque avec l’agence. La relation de confiance atténuerait le sentiment de
précarité des intérimaires qui « comptent sur leur agence » pour retrouver du travail rapidement. La
confiance dans l’agence provient du sentiment que celle-ci s’investit fortement dans sa relation avec
l’intérimaire en « faisant tout » pour lui trouver du travail.
Témoignage de Frédéric, 42 ans, cariste
« J’aime bien travailler avec eux. Je ne m’inscris jamais dans d’autres boîtes parce que justement,
j’ai besoin d’avoir un climat de confiance réciproque. […] Il y a des postes qui ne me
correspondent pas, et c’est vrai qu’ils sont respectueux de ça. […] Ils savent qu’ils peuvent
compter sur moi […] et que moi, je peux compter sur eux aussi. C’est réciproque. Ils me trouvent
du travail à chaque fois, quand j’ai des petits problèmes, ils sont à l’écoute. […] Je ne vais pas
dire que je suis privilégié, mais bon…Pour qu'ils arrivent à me trouver du travail aussi facilement,
aussi vite, c'est ou alors ils ont vraiment du boulot à ne plus savoir quoi en faire, où alors ils font
tout pour essayer de me trouver quelque chose. Je sais que des fois je venais à l'agence, ils
n'avaient rien sous la main, ils téléphonaient à leurs clients pour savoir s'ils cherchaient un
cariste, pour justement essayer de me caser. »
D’autres intérimaires n’expriment pas d’attachement particulier à l’agence mais plutôt le besoin de
continuer à travailler pour l’agence (engagement calculé) (4 intérimaires interviewés : Axel, 18 ans,
manutentionnaire ; Mathieu, 22 ans, manutentionnaire ; Séverine, 33 ans, assistante commerciale
trilingue ; Valérie, 31 ans, gestionnaire paie). Ils espèrent surtout que l’agence réponde à leurs attentes.
Leur principale attente est d’avoir du travail le plus régulièrement possible. Ils expriment aussi
d’autres attentes telles que le fait de pouvoir refuser une mission sans être sanctionné par l’agence (i.e.
que l’agence ne les rappellera plus), choisir l’entreprise utilisatrice ou encore avoir des missions qui
leurs correspondent. Le respect des engagements pris par l’agence est évoqué moins souvent même s’il
est présent dans certains discours.
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Témoignage de Mathieu, 22 ans, manutentionnaire
« Quand je demandais du boulot, ils m’en trouvaient, quand je n’en demandais pas, ils me
foutaient la paix. […] C’est vrai qu’ils m’ont toujours rappelé quand même, même quand je disais
non. J’ai des copains, ils disent non une fois, on ne les rappelait pas. Ils m’ont dit qu’ils me
rappelaient, et dans les deux jours qui ont suivi, ça s’est fait. […] Quand il y a du travail là-bas, ils
me mettent un peu en avant pour que je sois pris là-bas. […]Pour l’instant, ça se passe bien. »
Cette relation privilégiée repose sur contrat moral de type donnant-donnant.
Témoignage de Valérie, 31 ans, gestionnaire paie
« Ils vont toujours donner du travail aux mêmes. Il y a une notion de confiance de votre part. Leur
montrer que vous êtes quelqu’un de compétent et eux de vous donner des missions. C’est un
échange constant. »
Le respect des attentes des intérimaires et des engagements pris par l’ETT nécessite que l’ETT
s’investisse dans sa relation à l’intérimaire. Les intérimaires perçoivent les efforts réalisés par l’ETT
pour leur permettre d’enchaîner les missions. Cet investissement perçu influence le degré de
satisfaction et de confiance que l’intérimaire a dans l’agence. La satisfaction et la confiance dans
l’agence conditionne le renouvellement des contrats et le développement d’une relation privilégiée
avec l’ETT.
Enfin, la fidélisation de l’intérimaire à l’agence semble présenter quelques avantages aux yeux des
intérimaires : la gestion du temps et de la disponibilité et la gestion administrative des contrats de
travail (et notamment la gestion de la paie et de la trésorerie) sont simplifiées ; l’intérimaire peut
évoluer ou avoir des missions de plus en plus intéressantes grâce à la relation de confiance qui s’est
construite entre l’intérimaire et l’agence.
Témoignage de Mathieu, 22 ans, manutentionnaire
« Quand on est dans plusieurs agences, la paie, c’est plus compliqué »
Témoignage de Martial, 34 ans, agent de production
« Si j’arrivais aujourd’hui dans l’agence, on ne me proposerait pas les missions qu’on me propose
depuis un petit moment. Ils doivent connaître aussi leurs intérimaires. […] Quand on connaît, on a
un peu plus d’affinités avec les gens de l’agence, ça se passe mieux. »
Témoignage de Jerry, 24 ans, chauffeur PL
« Je pense que ce n’est pas évident de travailler avec plusieurs ETT. Il faut arriver à chevaucher
les contrats. Et les propositions sont instantanées, il faut être disponible tout de suite. C’est quand
même plus simple de rester dans la même ETT. »
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3.3. Les ressorts de l’engagement du point de vue de l’ETT
Le schéma 2 présente les ressorts de l’engagement de l’intérimaire vis-à-vis de l’agence vu par les
recruteurs et cadres de l'ETT interviewés.
Volonté de continuer à
travailler avec l’agence
(Engagement de
continuité ou affectif)
Volonté de pérenniser la relation
d’emploi avec l’intérimaire
(engagement de l’agence)
Investissement de
l’agence dans sa
relation à l’intérimaire
Perception chez
l’intérimaire de
signaux positifs
envoyés par l’agence
Création d’un lien de
confiance et
satisfaction vis-à-vis
de l’agence
Figure 2 : La construction de l'engagement dans le secteur de l'intérim selon la théorie de l'échange social
(Blau, 1964)
La volonté de créer une relation d’échange durable
L’analyse des entretiens réalisés auprès des recruteurs et cadres chez xETT indiquent qu’il existe une
réelle volonté de fidéliser les intérimaires qui ont donné satisfaction à l’agence dans la réalisation de
leurs missions. Cela fait même partie des objectifs des recruteurs en agence. Cette volonté réside dans
le fait que fidéliser l’intérimaire présente plusieurs avantages pour l’ETT :
- L’agence améliore la connaissance qu’elle a des compétences techniques, des aptitudes, du savoir-
être et des attentes de l’intérimaire. Elle peut répondre à ses attentes et en même temps être
réactive aux demandes des entreprises clientes.
- L’agence peut « garantir » au client une prestation de service de qualité, car elle met à la
disposition des entreprises des intérimaires en qui elle a confiance ;
- L’agence réduit ses coûts de recrutement et d’intégration (coûts liés à la sélection, à la visite
médicale, à la fourniture de matériels de protection, à la formation à la sécurité, etc.)
Témoignage d’Eliane, RR, agence industrie« A partir du moment où on a un noyau dur, on des
gens sur qui on peut compter. On a une relation de confiance avec nos intérimaires fidèles. A
partir de là, on sait que ça se passera bien […]. On les met en place, et en on entend plus parler.
[…] On sait qu’à chaque fois qu’on va prendre contact avec l’employeur, il va nous dire : « votre
gars, il est bien ». »
Témoignage de Sandrine, RR, agence industrie
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« Et puis, embaucher de nouvelles personnes, ça coûte de l’argent. Il y a l’obligation de faire
passer la visite médicale. Un nouvel intérimaire, on va lui faire un dossier, un entretien, ça fait
beaucoup de papiers à réunir et du temps passé avec la personne. Et ce j’aime autant garder ce
temps pour discuter avec mes intérimaires que j’essaye de fidéliser, plutôt que de renouveler en
permanence, de réexpliquer. »
L’agence s’organise pour replacer en priorité les intérimaires qui arrivent en fin de contrat, et
notamment les profils qui correspondent à des demandes récurrentes de la part des EU. Les
intérimaires dont les profils sont rares font l’objet d’une attention plus particulière. Si l’agence n’a pas
de missions à proposer à l’intérimaire, elle pourra contacter d’autres agences du groupe ou faire de la
proposition active auprès des EU pour tenter d’assurer une continuité dans le travail.
Témoignage de Murielle, RR, agence tertiaire
« On se dit : « cette personne, je m’engage, je fais tout pour la faire travailler à temps complet
toute l’année. C’est-à-dire qu’elle fait l’objet d’une attention un peu particulière. On va anticiper
sur ses fins de missions. On sait que le 15 avril, elle va terminer une mission, mais on est le 2 avril,
qu’on peut commencer à y penser pour les demandes qu’on va avoir dans la quinzaine pour qu’elle
puisse enchaîner par la suite. On va faire un bilan, on va avoir un entretien avec elle. On va voir si
on peut faire évoluer ses compétences. Ce sont des actions précises et ciblées […]. »
L’investissement de l’agence dans sa relation avec l’intérimaire et la réciprocité des échanges
La volonté de s’engager dans une relation d’échange durable avec l’intérimaire nécessite que l’agence
s’investisse dans sa relation avec l’intérimaire. Cet investissement s’exprime à travers tous les efforts
réalisés par l’agence pour donner du travail aux intérimaires et satisfaire leurs attentes. Cela passe par
la qualité de l’accueil, la considération, le fait d’aider l’intérimaire lorsqu’il rencontre une difficulté
d’ordre professionnel voir personnel et le fait de le faire évoluer à travers les missions ou de lui
proposer une formation pour développer son employabilité.
Témoignage de Sandrine, RR, agence industrie
« Ce qu’ils attendent de nous, c’est qu’on leur trouve du travail le plus longtemps possible. […] Et
il faut qu’on soit là pour les écouter, pour savoir ce qui se passe réellement bien dans les
entreprises, au niveau de la sécurité aussi, beaucoup d’intérimaires sont bien contents qu’on
s’inquiète de ça. Ils nous demandent au niveau des machines comment ça se passe. C’est
important, on fait attention à eux »
La réciprocité des échanges entre l’intérimaire et l’agence est évoquée par les recruteurs. Le fait de
répondre aux attentes et d’aider l’intérimaire, par exemple, peut être perçu par l’intérimaire comme un
signe de soutien de la part de l’agence. En retour, l’intérimaire continuera de travailler avec l’agence et
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acceptera parfois des missions qui ne lui correspondent pas complètement, pour rendre service à
l’agence.
Témoignage de Krystelle, RR, agence généraliste et nucléaire
« Les aider quand ils sont en situation difficile, sur le plan personnel aussi. On a la chance d’être
moins bousculés que dans d’autres agences, donc je peux me permettre d’avoir une écoute un peu
plus approfondie que d’autres. […] C’est vrai que, quelque part, on aura toujours le retour. Sans
qu’on se laisse envahir, sans se laisser berner par les gens. On n’est pas des assistants sociaux non
plus. Et lorsque j’ai une mission à proposer peu intéressante et que l’intérimaire y va en disant :
« c’est bien parce que c’est vous », ça veut tout dire. Il sait qu’en retour, la super bonne mission
sera pour lui. »
Véronique, RR, agence généraliste
« Il y a des gens qui nous rendent le service de nous dépanner, d’aller dépanner les clients, quand
on a des difficultés de recrutement. Quand on fidélise et qu’on connaît bien nos intérimaires et
qu’on leur apporte ce dont ils ont besoin, ils savent aussi nous rendre service auprès des agences.
Donc on a aussi besoin de ça en agence, parce qu’on a beaucoup de difficultés par rapport à
ça. Parfois, on a aucune possibilité de recruter parce qu’on ne trouve pas la délégation, alors
qu’on a tout mis en œuvre »
La construction d’une relation de confiance et la réciprocité
La construction d’une relation de confiance entre l’intérimaire et l’agence fait partie du processus de
fidélisation. Cette confiance repose davantage sur le savoir-être de l’intérimaire que sur son savoir-
faire. L’agence a besoin de pouvoir compter sur l’intérimaire et de savoir qu’il respectera ses
engagements, et notamment celui d’honorer son contrat jusqu’à son terme, ce qui n’est pas toujours le
cas. Là encore, certains recruteurs évoquent l’importance de créer une relation de confiance réciproque
entre l’agence et l’intérimaire.
Témoignage de Marie-Noëlle, RR, agence logistique
« C’est vraiment un partenariat, c’est une relation de confiance entre l’intérimaire et nous. Dès
lors où tout marche sur l’honnêteté et la franchise, on peut avancer. […] On arrive à comprendre
que les personnes peuvent refuser, mais dès lors où on s’engage, on doit s’engager et respecter le
contrat. Pour moi, tout est relié, de part cet engagement moral.[…] On va avoir une confiance
réciproque. Ils vont avoir confiance en nous dans la manière de gérer leurs missions, leurs
propositions de mission.»
4. Discussion
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Les résultats de notre enquête montre que la fidélisation de l'intérimaire à l'agence d'intérim est
possible, souhaitable et difficile à la fois.
Elle est possible puisque nous avons rencontré des intérimaires qui travaillent de façon exclusive avec
une agence d'intérim en particulier.
Elle est souhaitable car les intérimaires fidèles, qui ont développé une relation de confiance avec leur
agence, se voient proposer régulièrement des missions. L'enchaînement de leurs contrats devient un
priorité pour l'agence. Les intérimaires maintiennent ainsi leurs ressources (salaire, compétences,
reconnaissance) et peuvent même faire évoluer ces ressources lorsque l'agence leur confie des
missions plus intéressantes en termes de tâches ou de rémunération. Ils peuvent également donner leur
préférence pour travailler dans telle ou telle entreprise utilisatrice et enchaîner ainsi les missions.
L'agence d'intérim peut compter sur ces intérimaires fiables et compétents et offrir à l'entreprise cliente
une qualité de service. Travailler par alternance avec plusieurs enseignes de travail temporaire ne
semblent pas être une stratégie "payante" pour certains intérimaires. Cela complique à la fois la
gestion de leurs missions et de leur trésorerie. En travaillant avec plusieurs agences, l'intérimaire est
forcé de refuser des missions en prenant le risque de ne pas être recontacté par l'agence, qui en général,
préfère compter sur des intérimaires disponibles et réactifs. Les agences d'intérim ne pratiquent pas
non plus la même politique en matière de paie. Les salaires ne sont pas versés aux mêmes dates, ce qui
complique la gestion de la trésorerie et des relations avec Pôle emploi. Certains intérimaires pensent
donc qu'il est préférable de travailler régulièrement avec une seule agence d'intérim.
Elle est difficile puisque la relation d'emploi entre l'intérimaire et l'agence d'intérim est de court terme.
L'intérimaire n'a pas vocation à travailler toute sa vie professionnelle en intérim, l'agence d'intérim n'a
pas vocation à faire des missions intérimaires des emplois de longues durées. Il faut donc gérer la
période des inter-missions, qui, en réalité, et aujourd'hui, ne se gère pas. Se pose alors la question du
contrat à durée indéterminée conclut entre l'intérimaire et l'agence d'intérim, à l'instar de ce que
propose les SSII à leurs salariés.
Nous l'avons vu, la fidélisation de l'intérimaire à l'agence repose aujourd'hui sur les signaux envoyés
par l'agence à l'intérimaire et perçus par l'intérimaire comme des signaux positifs. L'intérimaire est
sensible au fait que l'agence prenne le temps de l'écouter, de cerner ses besoins et ses attentes, de le
soutenir en cas de difficultés, de lui donner du travail le plus régulièrement possible, et le cas échéant,
de lui faire bénéficier d'une formation pour augmenter son employabilité. Toutes ces actions
représentent un investissement de la part de l'agence. L'agence décide d'investir du temps et des
moyens pour les intérimaires qu'elle connaît, en qui elle a confiance et qui donnent satifaction chez les
clients. Cela présupose que l'intérimaire respecte ses engagements professionnels (honorer un contrat
jusqu'à son terme, être à l'heure). L'agence a donc la volonté de fidéliser les intérimaires, c'est-à-dire
de faire en sorte que l'intérimaire se sente bien dans l'agence et ait envie de continuer à travailler avec
elle. De tels signaux positifs contribuent à satisfaire l'intérimaire et à créer une relation de confiance
envers l'agence.
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Par ailleurs, il ressort de l'étude que les intérimaires n'ont pas tous le même mode de fonctionnement et
qu'il se dégage des "profils" d'intérimaires, ce qui n'est pas sans conséquence sur la façon dont se
construit l'engagement de l'intérimaire vis-à-vis de l'agence. Les résultats obtenus à l'aide du logiciel
N'Vivo montrent que les intérimaires professionnels (Profil 2: intérim choisi) expriment davantage
leur satisfaction à l'égard de la façon dont l'agence gère leurs missions que leur confiance dans
l'agence. Ils sont dans une relation plus instrumentale à l'agence (engagement de continuité). La
relation est plus transactionnelle que relationnelle. Les intérimaires attendent que l'agence leur propose
des missions régulièrement et bien rémunérées. Ces résultats corroborent les résultats de l’enquête
emploi menée par l’Insee et la Dares (2001, p.67-68) selon laquelle les intérimaires professionnels
développent avec l'agence d’intérim une relation « prioritaire et privilégiée » qui « repose sur une
logique de don-contre-don, avec une réciprocité qui est parfois différée dans le temps ».
Les intérimaires "en insertion" ou "en transition" expriment à la fois un engagement de continuité (par
manque d'alternatives d'emploi durable) et affectif. Les intérimaires qui n'ont pas choisi de travailler
en intérim (Profil 1: intérim non choisi) semblent plus sensibles aux aspects relationnels des échanges
que les intérimaires professionnels. Ils ont apprécié, à un moment donné, avoir ête aidés ou soutenus
par l'agence. Ils ont aussi besoin de créer une relation de confiance réciproque avec l'agence. Le besoin
de reconnaissance serait plus fort chez les intérimaires en situation précaire et en attente de mieux.
Pour conclure, si la fidélité de l'intérimaire à l'agence d'intérim a du sens pour les acteurs, il n'en reste
pas moins qu'elle laisse perplexe. Le témoignage de l'un des responsables de recrutement interviewé
révèle l'ambigüité du phénomène : "Je ne sais pas s'ils sont fidèles. Je dirais qu'ils sont méritants".
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