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41 L’Orthodontie Bioprogressive - juin 2015 Adresse de correspondance : E-mail : [email protected] À l’heure où les connaissances sur la psychologie de la douleur sont devenues une actualité scientifique, le seul traitement médicamenteux peut paraître insuffisant. Soit parce qu’il ne traite pas la cause, soit parce que la douleur est toujours associée à une dimension psychologique. Le praticien qui s’imagine ne traiter qu’un symptôme physique se fourvoie. Dans cette approche thérapeutique il communique déjà au patient le désir de ne pas se préoccuper de sa souffrance. Il agit psychologiquement à son insu (In-su). Freud le premier, a invité les médecins à s’intéresser non seulement au symptôme, mais à ce qui est dit de celui-ci, afin de rechercher la cause réelle du symp- tôme : « vous avez mal, depuis quand, pourquoi, comment ? Et à quoi nous renvoient les mots que vous utilisez, votre langage est un code. » L’odontologiste dans son vécu clinique Notre exercice, comme tout domaine médical nous a confronté à la problématique de la douleur. Ayant par ailleurs développé une compétence en psychologie et en psychanalyse, nous avons dû évoluer de nos connaissances de base vers une logique toujours plus précise, obsédante, retournant, fouillant la logique de la douleur, écoutant les patients. La douleur se voudrait être un phénomène perceptif et traitable techniquement, nous avons finalement découvert un monde en soi, celui de l’humanité. Oui, la douleur déborde largement sur le domaine de la souffrance, et nous pourrions aujourd’hui énoncer : souffrir c’est être humain. Nous espérons faire partager au lecteur cette exploration étonnante de la douleur, qui part d’un vécu négatif et peut si les circonstances le permettent et si le praticien se situe de façon stric- tement humaine, aboutir au franchissement d’une étape de vie. En effet comme l’enseignent les philo- sophes, il est des moments où l’homme doit renoncer pour continuer, et ce renoncement peut se faire dans la douleur. C’est exactement ce que signifie le terme proposé par FREUD : « la castration ». Douleur, castration, renoncement, dépassement, voilà des épreuves fondamentales de l’être, qui parfois se ment à lui-même pour ne pas affronter ce moment déterminant et le laisse dans un entre-deux insup- portable. Derrière la douleur le patient cache une vérité qu’il ne veut pas voir. Le praticien est-il alors un gourou, un prêtre, un guide ? La tentation en serait facile pour certaines personnes avides de pouvoir sur l’autre. Ce qui nous sauve, c’est de savoir gérer cette relation à mi-chemin entre le corps et la psyché, sans être un « psy » ou un « sage », mais un praticien qui La douleur : algie ou souffrance ? M.G. CHOUKROUN Résumé L’auteur propose de nommer « algie » les approches physiques de la douleur « l’algo- thérapie » son traitement. Il présente l’aspect humain dit subjectif de la douleur c’est-à- dire la « souffrance » et sa prise en charge selon les aspects les plus actuels des théories psychologiques. Il présente des exemples cliniques pour illustrer cette approche. Psychologie médicale

La douleur : algie ou souffrance - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/la_douleur_algie_ou_souffrance.pdf · terme de souffrance (Selon JD NASIO). L’Orthodontie Bioprogressive - juin

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41L’Orthodontie Bioprogressive - juin 2015

Adresse de correspondance : E-mail : [email protected]

À l’heure où les connaissances sur la psychologie de la douleur sont devenues une actualité scientifi que, le seul traitement médicamenteux peut paraître insuffi sant. Soit parce qu’il ne traite pas la cause, soit parce que la douleur est toujours associée à une dimension psychologique. Le praticien qui s’imagine ne traiter qu’un symptôme physique se fourvoie. Dans cette approche thérapeutique il communique déjà au patient le désir de ne pas se préoccuper de sa souffrance. Il agit psychologiquement à son insu (In-su).

Freud le premier, a invité les médecins à s’intéresser non seulement au symptôme, mais à ce qui est dit de celui-ci, afi n de rechercher la cause réelle du symp-tôme : « vous avez mal, depuis quand, pourquoi, comment ? Et à quoi nous renvoient les mots que vous utilisez, votre langage est un code. »

L’odontologiste dans son vécu clinique

Notre exercice, comme tout domaine médical nous a confronté à la problématique de la douleur. Ayant par ailleurs développé une compétence en psychologie et en psychanalyse, nous avons dû évoluer de nos connaissances de base vers une logique toujours plus

précise, obsédante, retournant, fouillant la logique de la douleur, écoutant les patients. La douleur se voudrait être un phénomène perceptif et traitable techniquement, nous avons fi nalement découvert un monde en soi, celui de l’humanité. Oui, la douleur déborde largement sur le domaine de la souffrance, et nous pourrions aujourd’hui énoncer : souffrir c’est être humain. Nous espérons faire partager au lecteur cette exploration étonnante de la douleur, qui part d’un vécu négatif et peut si les circonstances le permettent et si le praticien se situe de façon stric-tement humaine, aboutir au franchissement d’une étape de vie. En effet comme l’enseignent les philo-sophes, il est des moments où l’homme doit renoncer pour continuer, et ce renoncement peut se faire dans la douleur. C’est exactement ce que signifi e le terme proposé par FREUD : « la castration ». Douleur, castration, renoncement, dépassement, voilà des épreuves fondamentales de l’être, qui parfois se ment à lui-même pour ne pas affronter ce moment déterminant et le laisse dans un entre-deux insup-portable. Derrière la douleur le patient cache une vérité qu’il ne veut pas voir. Le praticien est-il alors un gourou, un prêtre, un guide ? La tentation en serait facile pour certaines personnes avides de pouvoir sur l’autre. Ce qui nous sauve, c’est de savoir gérer cette relation à mi-chemin entre le corps et la psyché, sans être un « psy » ou un « sage », mais un praticien qui

La douleur : algie ou souffrance ?M.G. CHOUKROUN

RésuméL’auteur propose de nommer « algie » les approches physiques de la douleur « l’algo-thérapie » son traitement. Il présente l’aspect humain dit subjectif de la douleur c’est-à-dire la « souffrance » et sa prise en charge selon les aspects les plus actuels des théories psychologiques. Il présente des exemples cliniques pour illustrer cette approche.

Psychologie médicale

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Choukroun M.G.

a étudié les implications psychologiques de son art. Malheureusement, la faculté est encore très timide sur cet enseignement et il m’a fallu fréquenter les deux universités (médicale et psychologique) pour acquérir cette compétence. Il ne faut pas s’étonner que certaines personnes, faute de cumuler ces deux

diplômes, puissent par ignorance verser dans des sciences douteuses, parfois ésotériques. Le traite-ment peut être simple et biochimique ou biophy-sique mais méfi ons-nous de jouer une complicité au mensonge que le patient se fait à lui-même dans le vécu de certaines douleurs.

Exemples cliniques

Un jeune patient se présente à ma consultation, se plaignant de douleurs consécutivement à la pose d’une orthèse. Je lui prescris du paracétamol. Les jours suivants, le patient ne se plaint plus. L’interpréta-tion médicale est simple : il s’agit d’un effet biochimique. Pourtant l’approche clinique agrémentée des recherches en sciences humaines engendre plusieurs questions :

Est-ce le paracétamol qui a traité la douleur ? Est-ce la bienveillance du praticien qui a agit ? Est-ce l’effet placebo du comprimé ?

Une autre patiente se présente en consultation se plaignant d’une fêlure dentaire très douloureuse. Son odontologiste lui a proposé un traitement par pulpectomie. L’interrogatoire révèle que cette douleur s’est déclarée lors d’une escapade à la campagne. Abandonnant ses enfants et son mari pour s’occuper de son potager, la patiente déclare que la lésion est sans relation avec un traumatisme actuel ou antécédent. Je lui explique que la fêlure n’est pas pathologique, que seule la douleur peut justifi er un acte thérapeu-tique, je lui fais prendre conscience de la culpabilité qu’elle a éprouvée dans cette « escapade » et qu’elle traduit sur son corps. Elle revient une semaine plus tard et déclare qu’elle a bien compris le sens de cette douleur, et qu’elle ne ressent plus rien. La douleur était-elle réelle ? Pourquoi une pulpectomie aurait-elle aussi répondu à la plainte ? Sur quoi exactement aurait agit l’acte médical ?

Une patiente se présente en consultation suite à une action très rapide sur un déplacement dentaire. Elle désire anticiper sur la fi n de la correction et maintenir cette position obtenue. Je lui demande si elle a souffert. Elle confi rme une douleur importante, mais me rassure en déclarant que celle-ci ne l’a pas dérangée et qu’elle est contente du résultat.

Voici donc trois situations qui doivent nous interroger sur la nature de la douleur et de son traitement.

La douleur et son champ sémantique

Les ouvrages médicaux que nous avons l’habitude de parcourir n’exposent qu’un phénomène particulier de la douleur. Ils analysent les éléments de la percep-tion et de la sensation douloureuse, ainsi que les circuits neurologiques, périphériques et centraux et les médiateurs chimiques. Toute cette étude désor-mais nous l’appellerons « l’algie » en relation avec la réponse pharmacologique, qui lui correspond : les antalgiques, les analgésiques, les anesthésiques et de ce fait nous devons utiliser un terme pour le traitement correspondant : « l’algothérapie ». Ces innovations linguistiques nous permettent d’indi-quer que la douleur n’est pas un terme scientifi que, la parole reste le terme du patient. Nous devons le conserver pour exprimer bien plus que ne le font

certains cliniciens qui réduisent cette clinique à la partie objective de la douleur.

Pourquoi s’accorde-t-on à écrire qu’il existe une partie subjective de la douleur et tenter avec insis-tance de ne gérer que la partie objective ?

Pourquoi existe-il des échelles de la douleur comme s’il fallait absolument objectiver le subjectif, sans parallèlement subjectiver la réalité du patient ?

Pourquoi reconnaît-on l’effet placebo comme un évènement affi rmé et positif, sans en chercher les causes et les paramètres qui peuvent l’infl uencer ?

Humainement, le phénomène algique n’est pas le seul qui affecte l’individu. C’est pourquoi nous devons envisager le bouleversement psychique qui accompagne la nociception et que nous nommerons la douleur proprement dite. Au-delà de la douleur, l’individu commotionné développe des réactions d’adaptation, que nous pouvons regrouper sous le terme de souffrance (Selon JD NASIO).

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Psychologie médicale

Donc trois catégories de phénomènes :

• l’algie (phénomène perceptif),

• la douleur (plainte physique),

• la souffrance (plainte de l’être).

FREUD a désiré montrer que la douleur est un méca-nisme de défense du sujet contre ses pulsions. L’être humain utilise un processus physique d’alerte et de défense contre les agressions environnementales. Ne sachant combattre ses souffrances internes, il réuti-lise ce processus de survie pour traduire de façon métaphorique son mal-être. La preuve : la clinique nous montre très souvent que sans s’occuper de la cause physique de la douleur, celle-ci disparait. Le contraire n’est cependant pas vrai. Certaines douleurs persistent, non pas qu’elles soient objectives, mais que le sujet s’y accroche pour ne pas rencontrer son moi intérieur. D’où la nécessité pour le praticien de respecter cette crainte.

Cette théorie rejoint totalement la recherche des philosophes sur la réalité, à commencer par Platon : la réalité extérieure est-elle objective ? Les philosophes montrent que chacun perçoit la réalité selon son vécu intérieur. D’où ce terme philosophique curieux, de Réel avec un grand R. Le Réel est la vérité intérieure.

La réalité extérieure est fi ltrée par nos sens, certains voient du noir ou d’autres voient du bleu, certains voient le verre à moitié vide là ou d’autres le voient à moitié plein. Nous comprenons bien à ce stade que le langage est le médiateur idéal pour « jouer sur les mots », à ceci près, que certains en arrivent au point du délire : le verre n’existe pas (délire par sous-traction : forclusion), il y a deux verres (délire par addition, par création). Enfi n il y a le délire le plus dangereux car jouant sur le rationnel, et dans une société scientifi que le rationnel est « a priori » admis, d’où tous ces patients qui semblent avoir raison mais qui nous semblent « bizarres », (délire construit), le plus affreux connu ayant été celui de Hitler avec sa « solution fi nale ». Si l’homme normal est enrobé de subjectivité, le délirant est lui radicalement patholo-gique. C’est l’un des signes principaux de la psychose.

Nous retrouverons bien sûr ces phénomènes déli-rants dans la clinique de la douleur :

absence de douleur (délire par déni, forclusion), notamment chez les clochards qui refusent de soigner des plaies graves. Douleur sur un organe sain et exprimé par l’hypochondrie « j’ai des arai-gnées qui me pincent le ventre docteur ». Ou encore le patient qui demande des brackets transparents, c’est-à-dire sans support matériel !

Application clinique

Un patient vient consulter pour une douleur chronique située an niveau du sterno-cleido-mastoïdien droit.

Historique : ces douleurs ont suscité une consultation en médecine générale qui n’a pas donné de traite-ment effi cace. Le patient est orienté en neurologie et fait l’objet d’une recherche de pathologies céré-brales, avec scanner à l’appui. Les résultats sont négatifs. Il est alors invité à consulter une orthoptiste dans le but de corriger une anomalie oculaire affectant les muscles posturaux. Cette démarche étant à nouveau négative, le pauvre homme est orienté vers un orthodontiste pour explorer l’occlusion dentaire.

L’examen radiologique et clinique ne révèle aucune pathologie articulaire et nous devons conclure que la douleur est probablement liée à une origine musculaire.

L’anamnèse va alors vite évoluer en hypnothérapie.

P : Quand avez-vous ressenti cette douleur pour la première fois ?

A : il y a trois mois docteur.

P : À quelle date plus précisément ?

A : En décembre 2006.

P : Dans quelles circonstances ?

A : J’étais dans ma voiture pour mon travail.

P : Racontez ?

A : Je travaillais beaucoup à cette époque…

P : Pour quelle raison ?

A : Parce que j’avais besoin d’argent.

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Choukroun M.G.

P : Pourquoi ?

A : Pour racheter la maison de ma mère !

P : Ah ?

A : Oui, mon frère avait tout perdu au jeu et il a vendu la maison de la mère.

P : Et donc ?

A : Alors je travaillais tellement que j’étais obligé de m’arrêter pour dormir, je m’endormais au volant.

P : Vous dormiez dans la voiture ?

A : Oui.

P : On pourrait essayer de revisualiser la scène. Asseyez-vous confortablement.

Sentez-vous que vous êtes bien dans le fauteuil, peut-être comme dans votre voiture ?

Ratifi cation, dissociation, l’induction agit. Je lui demande de fermer les yeux et de sentir le froid autour de lui, sur ses mains…

La résonance se met en œuvre et je rentre avec le patient dans son taxi. Je me situe derrière lui comme s’il ne savait pas que j’étais là. Je le regarde épuisé, anxieux. Je vois sa tête lourde, ses paupières se ferment et s’ouvrent plusieurs fois. Je le sens résister au sommeil. Finalement il s’endort. Ses muscles se relâchent, sa tête s’écrase contre la vitre. Elle est très froide. Son cou se tord en même temps que le froid se communique à tout son buste…

P : Je vous imagine très bien dans la voiture et donc en décembre il faisait froid, et vous dormiez, la tête appuyée sur la vitre, le cou tordu…

A : C’est exactement cela docteur.

P : Donc vous avez attrapé un coup de froid.

A : Oui.

Le patient revit avec moi la scène évoquée… Il est en transe, immobile détendu, le regard absent, il est dans l’Autre Scène. Sa souffrance est là entre nous, comme si elle prenait corps, comme si elle n’était plus absorbée par le froid, les douleurs, le réel. Il est souffrance.

P : Vous ne pouviez pas laisser votre mère à la rue ?

A : Non.

P : Mais vous ne pouviez pas frapper votre frère, on ne frappe pas son frère…

A : C’est exact docteur.

P : Alors comment aimer sa mère et détester son frère : n’est-ce pas incompatible ?

A : Oui sa famille c’est sacré.

P : Il y a une réponse…

A : Laquelle ?

P : Les protéger tous les deux, c’est cela votre salut.

A : Oui mais comment ?

P : Avez-vous réussi à racheter la maison de votre mère ?

A : Oui, ma mère ne sera pas à la rue…

P : Et votre frère, joue-t-il toujours au jeu ?

A : J’ai bloqué ses comptes, il ne peut plus faire de bêtises.

P : Très bien ! Vous en voulez à votre frère ?

A : Oui, il m’a mis et ma mère avec, dans une drôle de situation, mais maintenant c’est fi ni.

P : Je vous propose de rester sur ce dernier mot.

En visite de contrôle, le patient a eu progressivement une disparition de ses symptômes.

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Psychologie médicale

Analyse :

Nous avons donc toute la situation potentielle de la genèse de la douleur. Le patient a vécu une séance d’hypnose dans sa voiture (BENHAIEM parle « d’auto hypnose » à prendre ici à la lettre !). Il s’isole dans sa voiture, s’assoupit, concentre ses angoisses sur une partie du corps et en fait une métonymie : une partie du corps devient un signifi ant en douleur et repré-sente l’ensemble de sa souffrance. L’hostilité envers son frère, qui date probablement de son enfance (sadisme secondaire), se réactualise dans cet enjeu avec la mère et n’ayant pu l’exprimer, il la retourne sur son corps (masochisme secondaire).

La séance d’hypnothérapie peut s’expliquer comme un dénouement de ce lien métonymique.

Au-delà du langage exprimé dans la conscience, la relation mise en place par le thérapeute permet de faire fonctionner l’inconscient.

L’état psychique hypnotique et le transfert activé par l’« inconscient instrumental » (JD NASIO) effectuent une déliaison de la métonymie, visent à un apaise-ment des pulsions hostiles.

Le patient visiblement avait résolu le problème. Pour-quoi alors le symptôme avait-t-il persisté ? Parce que la question affective, elle était restée en suspens.

Le thérapeute a décodé la situation philosophique et a apporté une réponse. Le symptôme a perdu son sens.

Mais alors qu’est-ce que la douleur ?!

Lorsque le patient dit « j’ai mal », cette locution est polysémique. Elle interpelle le thérapeute par une demande que nous devons explorer avant de décider quelle est l’attitude à adopter.

La douleur est un cri, un appel à l’autre, car seul un être humain peut aider un autre être humain. Faute de trouver dans son groupe une empathie, l’homme moderne médicalise sa détresse et va trouver un thérapeute pour plaider sa cause. Malheureuse-ment, le thérapeute ne voit pas toujours la dimen-sion humaine et ne lui renvoie rien d’autre qu’un service technique dans lequel le patient bien souvent doit se contenter de « glâner » un peu de transfert…

Conclusion

Recevoir en consultation la douleur d’un patient et se contenter d’un comprimé, au sens littéral, n’est-ce pas enfermer l’humanité dans une pilule… !

La douleur transcendée par les artistes ED Glyphe de Patrice Queneau

Cet ouvrage préfacé par le professeur Henri-Bernard, s’annonce en parfaite conformité avec nos pensées.

« Le symptôme douleur a un sens ; il s’inscrit dans l’histoire, passée et présente de la personne malade. »

Pour ceux qui n’en seraient pas convaincus et qui posent l’hypothèse de trouver la cause physique de la douleur suffi t en soi pour la traiter, ce livre nous adresse toute l’histoire de l’homme en images, à travers la douleur comme expression de l’âme.

Le message chrétien notamment apparaît plus que jamais différent des autres religions en ce sens qu’il ne cherche pas à masquer la souffrance humaine par une idéalisation de l’homme, mais au contraire en le rendant plus que jamais réaliste par la « dolo-rosité ». Que ce soit le « massacre des innocents », ou « la piéta » en peinture et en sculpture, l’auteur

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Choukroun M.G.

prolonge sa recherche dans la culture profane et jusque dans la modernité. Les regards sur la douleur sont les plus variés.

La scie qui traverse le ventre de ce pauvre malade atteint de colique par DAUMIER, La grimace d’Holopherne égorgé par Judith, les dents arra-chées de Théodore RAMBOUTS, et l’évocation de Frida KALO par elle-même, atteinte dans sa chair et son âme. Une représentation de l’homme magnifi -quement agrémentée, montrant fi nalement que la douleur nous isole, et que les hommes du passé n’ont pas vécu au paradis.

Patrice QUENEAU est doyen honoraire de la faculté de médecine de Saint-Étienne, professeur émérite de thérapeutique, spécialiste de médecine interne et rhumatologue.

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