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La mythologie racontée à Juliette

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LA MYTHOLOGIE RACONTÉE A JULIETTE

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DU MÊME AUTEUR :

Romans et récits

Elle et Lui, Prix de l'humour 1951 (Flammarion). Trois sans toit (Flammarion).

Pecus (Robert Laffont). L'enlèvement de M. Rémi-Potel (Robert Laffont).

Essais et chroniques

Liberté européenne (Flammarion). On s'aimera toute la vie, illustré par Peynet (Le Livre contemporain).

Le cœur à l'ouvrage (Le Livre contemporain). Pourquoi Jaccoud a-t-il tué? (Flammarion).

Le premier sexe (Robert Laffont).

Histoire

L'histoire de France racontée à Juliette, édition revue et augmentée (Presses de la Cité). Les grandes heures de Lyon (Le Livre contemporain).

Deux siècles d'histoire de France par la caricature (Pont Royal). Les grandes routes du commerce (Flammarion).

Histoire universelle (Encyclopédie Weber, tome IX). Histoire du monde (Flammarion).

Tome I. L'animal vertical. Tome II. Le feu de Dieu.

Tome III. L'âge de raison. Tome IV. Le grand tournant.

Pour la jeunesse

L'histoire de France racontée à François et Caroline, édition revue et augmentée (Flammarion).

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Jean D u c h é

L A M Y T H O L O G I E

R A C O N T É E A

J U L I E T T E

ÉDITIONS ROBERT LAFFONT PARIS

Page 5: La mythologie racontée à Juliette

Si vous désirez ê t re t enu a u couran t des publ icat ions de l ' éd i teur de cet ouvrage, il vous suffit d 'adresser vo t re ca r te de visite a u x Édi t ions R o b e r t LAFFONT, Service « Bullet in », 6, place Saint-Sulpice, 75279 Paris Cedex 06. Vous recevrez régul ièrement , e t sans aucun engagement d e votre pa r t , leur bul le t in i l lustré , où, chaque mois, sont présentées tou tes les nouveau té s que vous t rouverez chez votre libraire.

© Editions Robert Laffont, S.A., 1977

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AVANT-PROPOS

Zeus qui se transforme en cygne pour couvrir Léda, en taureau pour enlever Europe, en pluie d'or pour féconder Danaé... Dionysos qui sort de sa cuisse, et Athéna, de son crâne... Hermès nourrisson qui vole les vaches de son grand frère Apollon... Et ces Centaures, ces Cyclopes, ces Nymphes, ces Satyres, ce Cerbère à trois têtes, cette Scylla à six têtes, ces « douze travaux d'Hercule », ces chevaux qui parlent, ces Sirènes dont le chant séduit mortelle- ment les hommes, Circé qui les change en pourceaux, Méduse qui les méduse... Est-ce que les Grecs étaient fous, pour croire à ces histoires? Eux qui, dès la plus haute antiquité, dit Hérodote, ont été distingués des Barbares comme étant plus éloignés de toute stupide crédulité? Eh bien, oui : ils étaient les plus intelligents, les plus sensés, des hommes de leur temps — peut-être même de tous les temps — et ils y croyaient. Serait-ce qu'il existe une crédulité intelligente? Je le crois.

D'ailleurs, notre étonnement est étonnant. Les vies des saints ne sont pas moins merveilleuses que celles des héros. Saint Denis décapité s'en va portant sa tête : Héraclès lui-même n'en aurait pas fait autant. Et elles ne mobilisent pas moins les foules. Un berger, guidé par une étoile, trouve sur une colline de la Corogne des ossements; ce sont, dit-on, ceux de saint Jacques, mort depuis neuf cents ans; et, pendant tout le Moyen Age, des centaines de milliers de pèlerins, à pied, vont prendre le chemin de Compostelle, le « champ de l'étoile » : ni les ossements de Thésée ramenés à

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Athènes, ni les cendres d'Achille enterrées devant Troie ne connurent pareille ferveur. Et le gouffre de Delphes, sanctuaire de tous les Grecs, fut-il plus fréquenté que la grotte de Lourdes? Je sais bien que la comparaison est sacrilège aux yeux d'un chrétien : il vit dans la Vérité, un Grec vivait dans l'erreur. Mais la question n'est pas là. La question qui nous occupe est : un croyant ne devrait-il pas être le premier à admettre le phénomène de la croyance? Ne soyons donc pas étonnés de voir des Grecs invoquer leurs dieux ou leurs héros comme nous invoquions nos saints. Quand Athéna prend Ulysse par la main, je pense à l'ange gardien de mon enfance.

On s'est beaucoup évertué à découvrir les origines des mythes. L'entreprise est assez vaine, par définition : quand ils émergent de la nuit des temps, c'est que des générations et des générations leur ont donné forme. Sans doute, on y peut voir des incarnations des forces de la Nature : Poséidon gouverne les océans ; Artémis, la vie sauvage; Déméter, les semailles et les moissons; Zeus, la foudre et la lumière. Mais Pierre Grimal a justement observé qu'à trop pousser dans cette direction, la mythologie serait vite réduite à un discours sur la pluie et le beau temps.

Rechercher des analogies chez les peuples primitifs, comme l'a fait Frazer, est plus instructif : si l'on pense que l'esprit humain est construit sur un modèle unique, ce que ces peuples font encore aujourd'hui, les préhellènes ont pu le faire, et pour les mêmes raisons. Georges Dumézil, en bornant le champ des comparaisons au domaine des peuples indo-européens, s'est engagé sur un terrain moins vague et, à travers des concordances irréfutables entre les légendes hindoues, iraniennes, germaniques, celtiques, grecques, il a pu jeter quelques lueurs sur l'existence d'un fonds commun. Mais des lueurs ne font pas la lumière.

Au contraire de Petitjean, ce que nous savons le mieux, ce n'est pas le commencement, c'est la fin. De même que, ces peuples sortis des steppes de l'Asie, nous nous contentons de les nommer indo-européens par leurs points d'arrivée dans ces deux culs-de-sacs que sont l'Inde et l'Europe, de même leurs mythes deviennent beaucoup plus clairs quand nous nous contentons de chercher, là où ils étaient, à quoi ils servaient.

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Les dieux avaient tous une fonction, ou plusieurs, parfois contradictoires, mais toujours précises. Et les exploits des héros ne sont jamais gratuits, sous cet air qu'ils ont de n'être racontés que pour notre plaisir.

Il n'est pas nécessaire, me semble-t-il, de recenser les fonctions divines ; elles apparaîtront au fil des récits. Mais peut-être est-il bon d'attirer l'attention sur une sorte de dialogue des dieux. Ils s'opposent entre eux comme nos passions en nous : ennemis et complémentaires. Déméter défriche les forêts d'Artémis, la vierge chasseresse, mais les graines germeraient-elles si venait à leur manquer la sève de cette sauvageonne? Au dieu de la violence aveugle, Arès, s'opposent également Héphaïstos, le dieu forgeron, industrieux, créateur de richesses, et Athéna, déesse de l'intelligence active, belliqueuse s'il le faut ; mais que sont-ils, sinon l'agressivité primaire réorientée pour la prospérité et la défense de la cité? Athéna, esprit clair, pratique, et qui aime les hommes qui sont des hommes, déteste Aphrodite qui les jette dans des passions fatales et ridicules; mais elle n'apprécie pas non plus qu'Artémis les dédaigne. En vénérant Apollon, virtuose de la lyre et modèle d'harmonie, un Grec peut essayer de mettre de l'ordre dans ses contradictions humaines ou divines, et devenir une sorte de souverain de lui-même; mais voilà qu'Apollon compose avec ce démon des délires orgiaques, Dionysos, et lui fait une place jusque dans son sanctuaire de Delphes! L'harmonie n'est pas de ce monde... Et comment en serait-elle puisqu'elle n'est pas non plus dans l'Olympe? « Celui qui règne dans les cieux et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartiennent la gloire, la majesté et l'indépendance » 1 a épousé Héra, déesse du foyer, qui n'arrête pas de lui faire des scènes de ménage.

Les héros, eux aussi, nous parlent de nous, et leurs paroles sont des actes. La signification profonde de ce qu'ils font n'est jamais explicitée : à nous de comprendre. Et jamais non plus de jugement moral : est-ce bien, est-ce mal, c'est la vie, voilà tout, prenez-le comme vous voudrez. Je dois avouer, cependant, que je me suis parfois permis, avec Juliette ma complice, de chercher ce que ça veut dire : point de vue bassement moderne.

1. Bossuet, Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre.

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On ne manquera pas d'être frappé par l'éternel retour de certains thèmes ; peut-être faudrait-il dire : par quelques obsessions des Grecs. Je me demande, d'ailleurs, si nous en sommes tellement libérés.

Il en est une que l'on verra resurgir tout au long des histoires, depuis la genèse (grecque) jusqu'au retour d'Ulysse à la maison, et dont, à ma connaissance, personne ne s'est encore avisé, c'est la femme. Je veux dire : l'affirmation constante de la virilité face aux pouvoirs inquiétants de la déesse-mère. J'avais déjà été conduit à faire cette constatation dans toutes les grandes civilisations quand j'y étudiais l'histoire des relations entre les s e x e s Dans la mythologie grecque, cela me paraît d'une telle évidence que j'aurais pu en faire mon fil conducteur, si ce n'eût été rejeter dans l'ombre d'autres thèmes.

Le conflit des générations n'est pas moins obsessionnel que le conflit des sexes. Du premier jour de la genèse, les hostilités sont ouvertes : Ouranos, le Ciel, renfourne ses enfants dans le ventre de la Terre-Mère, et son dernier-né, Cronos, le châtre. Cronos, lui, juge plus sûr d'avaler ses enfants; mais Zeus lui échappe, qui le détrônera. Et Zeus allait engendrer un fils qui l'aurait détrôné quand Prométhée lui révéla le danger. A la suite des dieux, combien de héros entendront un oracle les prévenir du risque d'avoir un fils! En vain : les fils finissent toujours par naître, et les pères par mourir, comme l'histoire d'Œdipe nous l'enseigne. Que les fils viennent à manquer, le péril arrivera par les gendres. Et les filles ne sont pas plus recommandables : elles ont une fâcheuse tendance à trahir leur père pour l'amour d'un beau garçon; c'est Médée qui livre la Toison d'Or à Jason, Ariane qui donne à Thésée le fil pour sortir du Labyrinthe après qu'il aura tué le Minotaure de papa. En vérité, la paternité n'est pas une situation de tout repos.

On ne sera donc pas surpris de voir plus d'un enfant « exposé », c'est-à-dire abandonné sur quelque montagne et nourri par un berger, une Nymphe, ou une bête, qui est généralement une chèvre : le père, n'osant pas le tuer, l'a livré au destin — qui lui retombe inexorablement sur le nez.

J'ai dit que la mythologie est une exaltation constante de la virilité. Mais trop, c'est trop. Quand l'amour-propre d'Achille exige

2. Le premier sexe, Robert Laffont éditeur.

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que ses compagnons soient massacrés par les Troyens, il est, à titre exceptionnel, blâmé : son orgueil, dit Ajax, a tourné en sauvagerie. Quand Héraclès, pas du tout fatigué par ses douze travaux forcés, entasse les cadavres et bafoue outrageusement l'amour, il faut qu'il périsse brûlé. Alors, purifié par le feu — par son propre feu, peut- être — il accédera à l'immortalité.

Il sera le seul. L'homme, en Grèce, est mortel. « Ce n'est point être sage que de penser à ce qui n'est pas mortel », dit Euripide. Et Pindare : « N'aspire pas, mon âme, à une vie immortelle, fais plutôt ce qu'il est en ton pouvoir d'accomplir maintenant. » Ou encore : « Ne cherche pas à égaler Zeus, les choses mortelles conviennent à un mortel. » Platon aura beau dire que l'idéal humain doit être « la ressemblance avec Dieu », ce ne sera jamais que manière de parler — transposant au spirituel l'idéal grec d'être « beau comme un dieu ». Ce n'est point qu'un Grec méconnaisse en lui ce quelque chose que nous appelons l'âme; mais la santé, l'énergie, la beauté du corps, voilà la joie de vivre : l'âme sans le corps ne peut être qu'une Ombre misérable au royaume des ténèbres, une âme en peine. Le Grec ne souhaiterait, s'il l'osait, que l'immortalité d'un athlète. Tout ou rien. Mais comment l'oserait-il? « Immortel » et « dieu », en grec, c'est tout un : devenir immortel serait devenir dieu; cela est impensable, et des hommes ont été châtiés pour des prétentions moins insensées. Marsyas (un Satyre, il est vrai), pour avoir prétendu qu'il était un meilleur musicien qu'Apollon : pendu; Arachné, pour avoir prétendu qu'elle tissait des toiles plus fines que celles d'Athéna : changée en araignée; Bellérophon, pour sa prétention de monter au ciel à cheval sur Pégase : désarçonné, et Icare, pour la même déraison, vit ses ailes fondre au soleil. L'homme doit garder la mesure.

Et s'il la garde, il sera la mesure de toutes choses. Même des dieux. Car, enfin, ces dieux ne sont que des projections de l'homme. Comme lui, ils sont, selon les rôles qui leur sont distribués, et selon l'humeur du moment, cruels, débonnaires, cupides, magnanimes, luxurieux, insensibles, amoureux, fourbes, loyaux, stupides, astucieux, jamais de purs esprits, et toujours un peu goinfres. Il n'y a rien de plus terrestre que ces Olympiens. D'ailleurs, ils se mêlent aux hommes pour un oui ou pour un non — et aux femmes pour un oui. Ils ont sur elles droit de cuissage, et avec les hommes leurs relations sont du genre féodal, de suzerain

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à vassal. Il y a entre eux des degrés dans la puissance, dans l'opulence, dans la beauté, dans la liberté, mais la seule, l'essentielle différence est dans la durée : les dieux demeurent, les hommes passent. « Comme naissent les feuilles, ainsi font les hommes, dit Homère. Les feuilles, tour à tour, c'est le vent qui les épand sur le sol, et la forêt verdoyante qui les fait naître, quand se lèvent les jours du printemps. Ainsi des hommes : une génération naît à l'instant même ou une autre s'efface. »

Peut-être la meilleure leçon que nous aient donnée les Grecs est-elle la soumission à la Nature; mieux : l'amour de la Nature. La Terre-Mère est toujours présente, qui les nourrit, les berce, les enchante, et les ensevelit. On laboure ses flancs, on débite ses arbres, on dépèce ses animaux avec beaucoup de respect. Elle est si vivante qu'elle a une âme, des âmes, plutôt, les Naïades des sources, les Néréides de la mer, les Nymphes des arbres, jolies filles de complexion amoureuse, sauf quand elles se sont vouées à la chaste Artémis; alors, pressées par quelque Satyre, elles lui échappent en des métamorphoses : c'est ainsi que la Nymphe Echo devint une voix qui renvoyait moqueusement à Pan ses appels, mais que la Nymphe Syrinx, qui avait cru se sauver en devenant roseau, fut découpée en tuyaux, et depuis lors exhale ses soupirs dans la flûte de Pan.

« J'ai toujours préféré la mythologie à l'histoire, a dit Cocteau, parce que l'histoire est une vérité qui se déforme de bouche en bouche et devient mensonge, alors que le mythe, de bouche en bouche, prend des forces et en arrive à devenir vrai. » Je lui laisse la responsabilité de ce jugement sur l'histoire, mais pour ce qui est des mythes grecs, auxquels il pensait, quand ils eurent pris leurs forces de bouche en bouche, de bouche en bouche ils s'affadirent, et leur vérité fut perdue. Le V siècle, le grand siècle de la raison athénienne, marque la rupture. Eschyle, Sophocle, humanisent les héros, mais c'est pour leur donner, face aux dieux cruels, une grandeur tragique. Quelques années plus tard, Euripide clame sur le théâtre : « Quelqu'un dira-t-il qu'il y a là-haut des dieux? Il n'y en a pas! Non, il n'y en a pas! (...) Ces contes sont faux, faux comme les barbares festins de Tantale. » Encore un peu de temps, et les philosophes, ayant châtré Zeus à la moulinette de leur

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cérébralité, vont en faire le principe abstrait de la Raison. Restait à trouver des explications rationnelles au merveilleux; de beaux esprits s'en chargèrent, dans la décadence de l'hellénisme. Persée délivre Andromède d'un monstre marin ? Il suffisait de comprendre que l'imagination populaire avait fabulé à partir d'un banal fait divers : un jeune homme avait sauvé sa fiancée des pirates qui allaient l'enlever sur leur bateau, qui s'appelait Le Monstre. Etc. Je regrette pour nos philosophes du Siècle des Lumières qu'ils aient eux aussi donné dans ces niaiseries rationalistes.

Nous avons retrouvé le sens du merveilleux. Et la psychanalyse n'a pas fini de déchiffrer dans les mythes le subconscient des Grecs, et le nôtre. Encore faut-il les voir dans leur vérité. Heureusement, s'il est impossible de distinguer leur forme originelle, il suffit d'un peu de flair pour sentir les « arrangements » de la décadence. Je les ai impitoyablement éliminés. Tout au plus en ai-je épinglé quelques-uns au passage, « pour l'exemple ». Il m'est arrivé aussi d'avoir à choisir entre plusieurs variantes : de bouche à bouche, comme dit Cocteau, et de siècle en siècle, l'imagination en a rajouté. Toutes ces variantes n'étaient pas décadentes, mais elles étaient incohérentes. Je me suis efforcé de maintenir une certaine cohérence, sans pour autant refuser ces contradictions qui sont la vie même des mythes; de préserver une certaine clarté, tout en réservant les ombres si nécessaires à la lumière. Malgré ce travail d'élagage et de mise en ordre, il subsiste un tel foisonnement que le lecteur jugera « qu'on s'y perd ». Et bien ! je voudrais que l'on accepte de s'y perdre, et que l'on se dise que cela n'a aucune importance; au contraire : que c'est bien ainsi, qu'il faut se laisser emporter, rouler par l'imagination débordante des Grecs qui ont créé ces fables et en ont vécu. C'est la seule façon, pour nous aussi, d'en vivre. Qu'Apollon soit le frère jumeau d'Artémis ou Pénélope une descendante de Prométhée, qu'est-ce que ça peut nous faire ? Qui s'en soucie pourra consulter les arbres généalogiques à la fin de ce volume. Qui veut mesurer le chemin parcouru en une nuit par le bébé Hermès poussant à reculons les vaches d'Apollon pourra consulter les cartes. Et qui tient à savoir si le temps des « travaux d'Hercule » peut tenir en une existence, ou si Atlas était déjà changé en montagne avant qu'Héraclès l'envoie chercher les pommes du jardin des Hespérides, sera perdu d'avance par refus de se perdre. Mais si, vous livrant à cette luxuriance avec la crédulité

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intelligente des Grecs, vous gardez présente à l'esprit une question, une seule : « Qu'est-ce que ça signifie pour moi ? », c'est vous que vous trouverez.

On se demandera peut-être pourquoi j'ai raconté cette mytho- logie à Juliette, vingt ans après l'histoire de la France. C'est tout simple. Dans le temps même des voyages d'Ulysse, j'ai parcouru l'histoire du monde. Et, heureux comme Ulysse d'avoir fait un beau voyage, je suis revenu, plein d'usage, retrouver ma Pénélope pleine de raison. A travers toutes ces folies, elle est mon garde-fou. Et rien ne vaut une femme comme elle pour prendre la mesure d'un dieu ou d'un héros. S'ils se haussent un peu trop le col (cela arrive même aux hommes), elle est là pour rabattre leur gloriole.

J. D.

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PREMIÈRE PARTIE

LES DIEUX

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1

LA NAISSANCE DES DIEUX ET DES HOMMES

— Il était une fois Zeus immortel. Dieu des dieux, il coulait des jours enchantés dans son palais de marbre aux toits dorés, situé sur la cime de l'Olympe, montagne fabuleuse de qui la tête au ciel était voisine (2985 mètres) et dont les pieds touchaient à l'empire des morts, tout comme le chêne de La Fontaine. Dans les étages intermédiaires, les hommes, qui étaient grecs, coulaient des jours inégaux dont les trois Parques, déplaisantes filles de Zeus, mesuraient chichement le fil sur la quenouille de la vie. Quand l'aurore, effleurant de ses doigts de rose la cime de l'Olympe, annonçait un autre jour, les hommes se mettaient au travail, et les dieux, à table.

Assis sur un trône d'or, Zeus à la barbe longue présidait le festin des dieux et n'en perdait pas une bouchée, bien que sa main droite fût occupée à brandir la foudre et sa gauche, une victoire. A ses pieds se tenait l'aigle, messager de la dite foudre, et Thémis aux belles joues, spécialiste de la Justice, toujours prête à inspirer la sagesse au maître des dieux et des hommes si par hasard il en avait cure. Hébé, vierge aux fines chevilles, versait à la ronde dans les coupes d'or le nectar ou l'ambroisie, sources de l'éternelle jeunesse, Apollon aux boucles blondes jouait de la lyre, les Muses aux bras blancs chantaient en chœur, les Charités, aussi nommées les Grâces, vierges couronnées de roses, dansaient sur le gazon, et Héra surveillait Zeus du coin de l'œil, car elle était son épouse légitime et soupçonneuse.

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Elle était aussi sa sœur. Comme Déméter, déesse des récoltes, à qui Zeus ne s'était uni qu'en passant, et comme Hestia, déesse du foyer, qui avait obtenu de son frère la faveur de rester éternelle- ment vierge. Les fils et les filles de Zeus constituaient le reste de sa Cour. Chacun avait sa spécialité. Apollon jouait une musique magique qui guérissait les maladies que, d'ailleurs, il répandait lui- même parmi les humains, en bon médecin soucieux de soigner sa clientèle. Tout le contraire d'un Apollon était Héphaïstos, boiteux, disgracieux, comme il sied à un dieu forgeron. Hermès au pied léger et à l'esprit rusé avait l'équipement nécessaire à un dieu du commerce et des voleurs, tandis qu'Arès était la sombre brute prédestinée à présider aux carnages de la guerre. Dionysos, enfin, le dernier né, avait inventé la vigne et son vin qui réjouit le cœur, mais qui aussi jette les dieux, et même les hommes, tantôt vers Arès, tantôt vers Aphrodite, dans des folies inégalement funestes. Si Aphrodite était la plus belle des déesses, sa sœur Artémis n'était pas mal non plus; mais, dotée d'une tout autre complexion, elle avait décidé de rester vierge et passait le temps à courir les bois avec les animaux. Quant à Athéna, pure comme Artémis, sédui- sante comme Aphrodite, belliqueuse comme Arès, elle avait trouvé le moyen d'être la déesse de la guerre juste, que l'on appelle la paix. Il n'en fallait pas moins pour qu'elle devînt la patronne des plus subtils des Grecs, les Athéniens.

Comme les deux frères de Zeus se cantonnaient dans les royaumes qui leur avaient été donnés en partage, Poséidon dans le maritime et Hadès dans le souterrain, les dieux de l'Olympe se comptaient douze, qui est un nombre plus satisfaisant que quatorze, et Zeus faisait régner son harmonie olympienne, ou presque, dans le Ciel et sur la Terre.

Mais pensez-vous qu'un si beau résultat aurait pu être atteint sans quelques gigantesques batailles?

— Je ne pense pas encore, dit Juliette.

— Au commencement était le Chaos, d'où émergea la Terre- Mère, Gaia aux larges seins. Elle n'était pas seule, mais comme le dieu qui lui tenait compagnie se nommait Éros, celui qui délie les membres, qui fait marcher l'Univers et courir tout le monde, Gaia se sentait d'autant plus esseulée. Alors, aidée par Éros, elle

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engendra son semblable pas tout à fait semblable, Ouranos, le Ciel, afin qu'il la couvrît.

— Et voilà comment les ennuis commencèrent, dit Juliette. — De leur accouplement sortirent monts et merveilles, et

quelques monstres : trois Monstres aux Cent-Bras et aux cin- quantes têtes, trois Cyclopes qui n'avaient qu'un œil mais un cœur violent et qui s'appelaient Éclair, Orage et Tonnerre 1 et une douzaine de Titans et de Titanides, six mâles et six femelles, parmi lesquels certains méritent une mention particulière, car ils sont toujours là : Océan, sur qui flottait la Terre (ronde déjà, mais plate, elle ressemblait alors à un disque) et sa sœur-épouse Thétys, la mer féconde; Hypérion, qui a disparu, il est vrai, mais nous a laissé ses enfants, nommés Soleil, Lune et Aurore; et deux remarquables femelles, mais sont-elles encore là? Thémis, la Justice que nous avons déjà vue assise aux pieds de Zeus, et Mnémosyne, l'Esprit et la Mémoire.

— Je ne sais pas, dit Juliette, si la Justice et l'Esprit sont encore là, mais il me semble, en tout cas, que ces deux filles spirituelles étaient des prématurées qui n'avaient rien à faire dans la bataille.

— Monstrueux ou spirituels, ces enfants qui sortaient de la matrice originelle n'inspiraient à leur père Ouranos que de l'horreur.

— Il ne prévoyait pas ça quand Éros le poussait à couvrir Gaia?

— N'y a-t-il pas encore des hommes qui n'y pensent pas? Bon. La Terre femelle avait piégé le Ciel viril. Alors, chaque fois que naissait un enfant, il le renfournait dans le ventre de la Terre. « La Terre énorme en ses profondeurs gémissait, étouffait, dit Hésiode. Elle imagine alors une ruse perfide et cruelle. Prompte, elle crée le blanc métal acier; elle en fait une grande serpe puis, s'adressant à ses enfants et pour exciter leur courage, leur dit, le cœur indigné : « Fils, issus de moi et d'un père insensé, si vous voulez me suivre, nous punirons l'insulte mauvaise de ce père, bien que ce soit votre père. Car c'est lui qui, le premier, a médité des

1. Ces Cyclopes-là ne doivent pas être confondus avec les Cyclopes mortels qui bâtirent pour le compte du roi d'Argos les murs « cyclopéens » que l'on voit encore à Tirynthe et à Mycènes, ni avec les Cyclopes de l'Odyssée.

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œuvres infâmes. » Enfermés dans ses entrailles, ils l'entendaient, mais ils faisaient la sourde oreille. Seul le dernier-né, Cronos aux pensées fourbes, répondit : « Ma mère, c'est moi qui m'engage à accomplir cet acte, car je ne respecte pas ce père si mal nommé père. » Et, docile, il répète : « C'est lui qui, le premier, a médité des œuvres infâmes. » Il prend la serpe. Dans le ventre maternel, embuscade propice à l'attentat filial, il attend. Et quand Ouranos pénètre son épouse, il lui coupe le système génitoire.

— Parfait, dit Juliette. Voilà la déesse-mère libérée de l'usur- pateur viril.

— Voire... Effacer la virilité d'un coup de serpe, ce serait trop facile. Le sperme de la blessure du Ciel en tombant sur la Terre engendra les Géants, qui devaient poser de graves problèmes à Zeus, les Nymphes des frênes d'où sortirait une race d'hommes détestables, et les Érinyes, déesses de la vengeance, d'où sortirait une cascade de catastrophes. Une goutte tombée dans la mer f é c o n d e e n g e n d r a A p h r o d i t e p o r t e u s e d ' A m o u r e t d e D é s i r . . .

— Q u i n e v o n t p a s t o u j o u r s n o n p l u s s a n s c a t a s t r o p h e s , d i t

J u l i e t t e .

— E n f i n , O u r a n o s l a n ç a s a m a l é d i c t i o n c o n t r e l e c r i m i n e l : l u i

a u s s i , il s e r a i t v a i n c u p a r u n d e s e s e n f a n t s .

— L e c o n f l i t d e s g é n é r a t i o n s é t a i t l a n c é . . .

— E n c o n s é q u e n c e , C r o n o s f i t e x a c t e m e n t c o m m e s o n p è r e , à

u n e n u a n c e p r è s . I n s t r u i t d e s r u s e s f é m i n i n e s , i l n e r e f o u l a i t p a s s e s

e n f a n t s d a n s l e v e n t r e d e s o n é p o u s e , R h é a : il l e s a v a l a i t . É t a i t - c e

b i e n i n t e l l i g e n t ? L o r s q u e R h é a a c c o u c h a d e Z e u s , e l l e p r é s e n t a à

C r o n o s u n e g r o s s e p i e r r e e m m a i l l o t é e d e l a n g e s , q u ' i l d é v o r a

b é a t e m e n t .

— S i c e d i e u n ' é t a i t p a s s t u p i d e , d i t J u l i e t t e , il n ' a v a i t p a s l e

g o û t d é l i c a t .

— R h é a m i t l e p e t i t Z e u s e n n o u r r i c e d a n s l ' î l e d e C r è t e .

C ' é t a i t e n c o r e l a v i e i l l e G a i a q u i a v a i t m o n t é c e t t e m a c h i n a t i o n .

C a r e l l e e s t i m a i t q u e C r o n o s l ' a v a i t b l o u s é e . I l a v a i t , i l e s t v r a i ,

e x t r a i t d u s e i n m a t e r n e l s e s f r è r e s e t s e s s œ u r s , m a i s p o u r l e s

p l o n g e r a u s s i t ô t d a n s l e s t é n è b r e s d u T a r t a r e . A s s u r é m e n t , il é t a i t

u n a u s s i m é c h a n t p è r e q u ' O u r a n o s . D e p l u s , i l é t a i t u n f i l s i n g r a t .

E n f i n , d e r n i e r g r i e f m a i s n o n l e m o i n d r e , il p r é t e n d a i t t o u t

2. Nous verrons qu'une tradition, en effet, dénie à Zeus sa paternité.

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régenter. La déesse primordiale n'avait fait que changer de despote. Zeus grandissait, et Cronos ne se doutait de rien. Toutes les

précautions avaient été prises. Il vivait dans une grotte du mont Aigaion. Des démons dont la Crète était peuplée, les Courètes, dansaient en entrechoquant leurs boucliers et leurs lances de bronze, vacarme qui couvrait les vagissements du nourrisson. Enfin sa nourrice était une chèvre, nommée Amalthée, dont une corne, qu'il avait cassée en folâtrant avec elle, déversait une nourriture complète, plus le nectar et l'ambroisie : c'était la « corne d'abon- dance ». Mais pourquoi une chèvre? Gaia se méfiait-elle de quelque trahison féminine? Ou bien l'histoire veut-elle signifier que Zeus, élevé loin des femmes, était destiné à établir le règne de l'homme? Quoi qu'elle fit, la pauvre déesse-mère travaillait à sa propre perte.

Lorsqu'il fut fortement constitué, Zeus songea à détrôner son père. (Cette fois, nul besoin d'arguments : cela allait déjà de soi.) Il s'arma de la foudre et revêtit la cuirasse qu'il avait faite avec la peau de sa nourrice, l'égide, ou « peau de chèvre ».

— Il avait tué sa nourrice? — Je crois qu'elle était morte de sa mort naturelle. Il

administra, par ruse, un vomitif à son père, qui restitua ses enfants. Les filles : Héra, Déméter, Hestia, et les deux garçons : Hadès et Poséidon. Alors Zeus et ses frères se ruèrent à l'assaut de leur géniteur. Hélas! Leurs oncles, les Titans, évadés du Tartare et pas rancuniers, volaient à la rescousse de Cronos.

— Ce n'était plus une affaire de famille, dit Juliette, c'était la grande guerre des générations.

— Dix ans plus tard, le destin n'avait pas encore décidé, et peut-être Zeus eût-il succombé (bien qu'il fût, en principe, invulnérable sous l'égide de sa défunte nourrice) si la vieille Gaia ne lui avait soufflé un conseil astucieux : délivrer du Tartare, à condition qu'ils s'enrôlent sous sa bannière, les autres oncles, les trois Cyclopes au cœur violent et les Monstres aux Cent-Bras.

— Moralité : l'intelligence pour triompher a besoin de la brute, dit Juliette.

— Il leur donna à boire un grand coup de nectar et d'ambroisie, et tous ne jurèrent plus que par Zeus. Alors s'engagea la lutte suprême. Les Cyclopes lançaient la foudre et les éclairs, trois cents mains des Monstres lançaient trois cents blocs de pierre.

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« Terriblement, alentour, grondait la mer infinie, dit Hésiode. La Terre soudain mugit à grande voix et le vaste Ciel, ébranlé, lui répondait en gémissant. Le haut Olympe chancelait sur sa base à l'élan des Immortels. Un lourd tremblement parvenait jusqu'au Tartare brumeux, mêlé à l'immense fracas de pas lancés dans une ruée indicible, ainsi que de puissants jets d'armes. Ils allaient ainsi se lançant des traits chargés de sanglots et, des deux côtés, les voix en s'appelant montaient jusqu'au Ciel étoilé, tandis que tous se heurtaient en un tumulte effrayant. » Vaincus, les Titans furent reprécipités dans le Tartare. Et Cronos avec eux, selon une version. Toutefois, une autre version veut que Zeus l'ait exilé aux frontières du monde, aux Champs Élysées, à moins que ce fût dans l'île des Bienheureux, prison dorée où il aurait enfin trouvé, loin des tumultes familiaux, une paisible existence de dieu retraité. Ce qui laisserait soupçonner une secrète connivence entre le fils qui avait détrôné le père et le père qui avait châtré le grand-père. Connivence contre qui?

— Contre la déesse-mère, dit Juliette. J'ai compris. — La victoire de Zeus inaugurait un ordre nouveau. Ou, pour

mieux dire : l'ordre. Avant lui, c'était la foire d'empoigne des puissances primordiales. Avec lui, l'intelligence commence. Et Gaia n'était pas contente. Non point que la vieille déesse-mère fût sotte, tout au contraire : elle comprenait — mais un peu tard — qu'en aidant Zeus à vaincre elle avait définitivement perdu la partie. Tant qu'elle n'avait fait que troquer une brute contre une autre, c'était vexant, ce n'était pas désespéré : une femme a les moyens de s'en jouer, elle l'avait prouvé.

— Merci quand même, dit Juliette. — Mais Zeus avait ajouté quelque chose au mâle originel. Et

elle réalisait maintenant que les coups formidables qu'il adminis- trait à son père, c'était elle, la grand-mère du monde, qui les recevait. Parce que c'étaient les coups d'une puissance délivrée de la gangue originelle, de la gangue femelle.

— Merci encore, dit Juliette. — Les temps étaient accomplis. Trois générations issues de ses

flancs avaient suffi : Ouranos, le Ciel, avait couvert la Terre; Cronos, le Temps, avait d'un coup de serpe bien placé séparé le Ciel et la Terre; Zeus avait ajouté à la puissance l'assortiment spirituel. Zeus était l'esprit incarné.

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— Autrement dit : l'homme, dit Juliette. Nombreuses sont les merveilles, mais rien n'est plus merveilleux que l'homme.

— C'est moi qui vous remercie. Et la place de la Femme-Terre était sous ses pieds, à ses pieds. Du moins était-ce ainsi que les Grecs, qui n'étaient pas féministes, entendaient l'histoire de la genèse.

Mais Gaia avait encore un ou deux tours à extraire de son sac avant qu'elle s'avouât vaincue. Ces Géants, par exemple, qui étaient nés de la blessure d'Ouranos et n'avaient pas encore combattu? Énormes, barbus, hirsutes, stupides, dociles, disciplinés, ces Géants étaient de bons petits. Extraits du Tartare et dûment chapitrés, ils se mirent en devoir de bombarder le Ciel à coups de rochers. Zeus mobilisa sa progéniture olympienne, et Apollon, Arès, Héphaïstos, Athéna, Dionysos... tous vinrent se ranger derrière la bannière paternelle.

— Des enfants qui défendent leur père! dit Juliette. Il y avait du nouveau sur la terre comme au ciel.

— Et ceci, n'était-ce pas encore une étrange nouveauté? Un oracle avertit Zeus qu'il ne pourrait venir à bout des Géants sans l'aide d'un mortel ! Rien de plus juste, à la réflexion : quand les dieux prenaient figure humaine, les hommes bénéficiaient d'une promotion divine. Pas n'importe lesquels, quand même : celui qui fut admis à cette Gigantomachie était né des amours adultères d ' A l c m è n e a v e c Z e u s e t s ' a p p e l a i t H é r a c l è s E t t o u t h e r c u l é e n

q u ' i l f û t , il n ' a v a i t d r o i t q u ' à u n h é r o ï s m e s u b a l t e r n e : a c h e v e r

d ' u n e f l è c h e l e s G é a n t s a b a t t u s p a r l e s d i e u x 4

Ce coup-là, est-ce que la vieille déesse allait capituler? Eh bien, non ! Elle se fit faire par le Tartare un dragon, nommé Typhon, mille fois plus redoutable que tous les Géants réunis, si grand que sa tête touchait les étoiles, sans compter les cent têtes de serpents qui s'alignaient sur ses épaules, où elles avaient de la place, d'ailleurs, car ses bras étendus atteignaient au couchant et au

3. A vrai dire, cet Hercule ne devait voir le jour que beaucoup plus tard. Une tradition populaire l'a placé ici, et non sans raison : que Zeus eût besoin des hommes pour asseoir son pouvoir, n'était-ce pas une trouvaille digne des démocrates grecs ?

4. La Terre avait pensé neutraliser le mortel en faisant pousser une herbe qui rendrait les Géants insensibles à ses flèches. Zeus défendit à la Lune, à l'Aurore et au Soleil de paraître, chercha lui-même dans la nuit cette herbe magique, et la faucha.

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levant; deux serpents d'une longueur proportionnelle constituaient ses jambes, il avait des ailes sur tout le corps, ses yeux lançaient des éclairs, sa bouche crachait des flammes. Telle était la dernière parade de la déesse aux abois. Toutefois, d'autres tiennent pour assuré que ce Typhon était issu d'Héra, en représailles, parce que Zeus s'était permis d'engendrer seul Athéna (en l'extrayant de son crâne.) Non content d'avoir asservi la femme, voilà qu'il prétendait à son privilège de génitrice! D'où Typhon. Monstrueux, évidem- ment, car (disaient les Grecs) qu'est-ce qu'une femme, sans l'homme, pourrait bien créer?

Fils d'Héra ou fils de Gaia, de toute façon Typhon était le fruit du dépit féminin, dont Zeus allait apprendre qu'il est terrible. Typhon déchaîné soulevait l'Océan, il faisait voler les montagnes, ses membres serpentins fouettaient l'air au hasard d'enlacements mortels. Les Immortels épouvantés s'enfuirent jusqu'en Égypte où ils se cachèrent dans des animaux, Apollon en milan, Héphaïstos en bœuf, Dionysos en bouc... laissant Zeus seul avec sa foudre combattre le dragon. Tantôt Zeus pourchassant Typhon, tantôt Typhon talonnant le dieu des dieux éperdu aux quatre coins du monde (méditerranéen), ce fut une interminable guerre-éclair — dont le théâtre est aujourd'hui encore jonché de pics et d'îlots rocheux. Zeus s'était vu à deux doigts de sa perte, mais pour finir, empoignant l'Etna, il en avait écrasé le dragon. Écrasé, mais pas mort, il est toujours là-dessous, et de temps en temps le volcan crache ses protestations enflammées.

Zeus pouvait enfin trôner en majesté au sommet de l'Olympe, entouré de ses enfants revenus d'Égypte et de leur frayeur. La vieille déesse-mère définitivement matée, l'esprit viril régnant sur la Terre et dans le Ciel, l'Océan et le monde souterrain concédés en fief à Poséïdon et à Hadès sous la suzeraineté de leur frère, tout ne serait plus désormais qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Le temps des monstres était terminé, ou presque. Mais si quelque monstre subalterne, Sphinx, Minotaure ou Méduse, venait à resurgir, un homme suffirait à en avoir raison. Les Immortels avaient une belle vie devant eux.

Mais ces hommes, à propos, d'où étaient-ils sortis? — Je ne vous le dirai pas, dit Juliette.

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— D'un peu partout. Les Grecs ne pouvaient pas imaginer un Adam unique d'où seraient issus des êtres aussi divers qu'un Achéen et un Barbare. Ils n'attribuaient pas non plus à Zeus la paternité de l'humanité. Ils avaient plutôt tendance à penser que les hommes étaient nés contre Zeus, par esprit de contestation. Et Zeus eût été mal venu à s'en plaindre : n'était-il pas la contestation couronnée?

— En somme, dit Juliette les hommes en naissant se compor- taient comme de petits dieux.

— D'ailleurs, une tradition leur donnait pour père Prométhée, fils du Titan Japet, archétype des contestataires de Zeus. Mais c'est là une idée simpliste de philosophes. Il y avait déjà des hommes, d'origine inconnue, et beaucoup moins civilisés que des Grecs, lorsque Prométhée s'était mêlé des affaires humaines. Et encore... Était-ce pour leur bien, ou pour embêter Zeus? Lors d'un sacrifice, il avait fait deux parts d'un bœuf, l'une d'une belle graisse qui ne recouvrait qu'un tas d'os, l'autre où toute la viande était dissimulée sous la peau. Zeus, invité à choisir sa part — les hommes auraient le reste — choisit la graisse, et ne trouva que des os à ronger. Furieux, il refusa d'envoyer aux hommes le feu.

— Comme ça, pas de grillades, dit Juliette. — Alors Prométhée déroba le feu au Soleil et le donna aux

hommes. En conséquence de quoi Prométhée se retrouva enchaîné au Caucase, un aigle dévorant son foie sans cesse renaissant. Châtiment exemplaire, mais pas à perpétuité, puisque Héraclès devait le délivrer. Le châtiment des hommes, lui, fut définitif. Zeus leur envoya la femme.

— Un peu usée, la plaisanterie, dit Juliette. — Oui. Mais, à l'époque, entièrement neuve. Je vais leur

envoyer, dit Zeus, « un mal dont ils se réjouiront tous, enveloppant d'amour leur propre souffrance ». Sur ses ordres, Héphaïstos modela dans l'argile une vierge pudique. Athéna broda pour elle une robe transparente et lui enseigna les arts ménagers. Aphrodite répandit sur son visage ce je ne sais quoi qui rend les hommes fous de désir. Les Grâces mirent à son cou des colliers d'or, et les Heures la couronnèrent de fleurs. Hermès mit dans sa bouche la parole, dans son cœur la tromperie, l'impudeur ailleurs, et la nomma Pandore, c'est-à-dire : celle qui a reçu des dons de tous les dieux. Alors Zeus en fit cadeau au frère de Prométhée, qui s'appe-

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lait Épiméthée, « l'imprévoyant ». Malgré le conseil que lui avait donné Prométhée, « le prévoyant », de n'accepter aucun cadeau de Zeus, le malheureux épousa Pandore. Il avait, comme tout un chacun, des jarres plantées dans le cellier de sa maison où il gardait ses provisions. Pandore pouvait y puiser à sa guise, sauf dans une, particulière, où étaient enfermés tous les maux de l'humanité, et qu'elle ne devait ouvrir sous aucun prétexte. Bien sûr, la curiosité féminine l'emporta, elle ouvrit la jarre — la « boîte de Pandore » — et tous les maux se répandirent sur la Terre, sauf un sur lequel elle avait précipitamment remis le couvercle : elpis, l'attente, que des optimistes appellent l'espérance, mais qui est plutôt l'ignorance, l'anxiété du prochain malheur qui nous tombera dessus jusqu'à l'instant fatal dont nous ne savons ni le jour ni l'heure.

Pandore et Épiméthée eurent une fille, Pyrrha, qui épousa son cousin Deucalion, fils de Prométhée, vers le temps où les autres hommes, rudes, grossiers, et qui avaient mangé du bœuf, excé- dèrent la patience de Zeus, qui décida de s'en débarrasser au moyen d'un déluge. Il plut. Ou pour mieux dire : Zeus plut, car ce grand dieu devait tout faire lui-même. Prométhée, toujours prévoyant, conseilla au jeune ménage de construire une arche. Et lorsque Zeus eut beaucoup plu, et que les eaux se furent retirées, Deucalion et Pyrrha se trouvèrent seuls sur la Terre. Ces deux-là plaisaient à Zeus, et cela se comprend aisément : ils étaient destinés à engendrer les Doriens, les Éoliens, les Achéens, les Ioniens, rien que des gens bien. Il leur ordonna de jeter par-dessus leur épaule « les os de leur mère ». Pyrrha n'osait pas commettre une telle impiété. Mais Deucalion comprit...

— Dans son intelligence virile..., dit Juliette. — Que ces « os » étaient des pierres, ossements de la vieille

Terre-Mère. Deucalion jeta des pierres, d'où naquirent des hommes. Des pierres que Pyrrha jetait ne naquirent que des femmes.

Tous les acteurs étaient désormais en place pour la tragi- comédie des dieux et des hommes.

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2

ZEUS

— Pour les Grecs, Zeus était essentiellement le dieu de la lumière. Il se situait au sommet de l'évolution cosmique qui avait vu le Chaos sortir de la Nuit, et du Chaos la Terre, le Ciel, l'Océan, le monde souterrain, que l'esprit souverain enfin avait ordonnés. Et comme les Grecs voulaient que la lumière régnât sur toutes choses, Zeus était aussi le dieu universel.

Malheureusement, les choses étaient beaucoup plus compli- quées. Je dois maintenant avouer que je les ai simplifiées afin d'apporter quelque clarté dans une matière obscure.

— Je vous le pardonne, dit Juliette. Vous n'avez fait qu'imiter Zeus.

— Merci beaucoup. Que cette conception de l'évolution cosmique soit le reflet de l'évolution de l'esprit humain se dégageant de la terreur préhistorique, c'est évident. Mais elle garde aussi les traces d'une conquête historique, la conquête des agri- culteurs indigènes par des nomades envahisseurs. Les uns, soumis par nécessité à la nature, adoraient la Terre nourricière et pra- tiquaient des rites de la fertilité. Les autres, errant dans les plaines de l'Asie, avaient sans doute, eux aussi, dans la nuit paléolithique, adoré la déesse qui produit et nourrit les animaux (comme ceux qui peignirent, aux parois des grottes de Lascaux ou d'Altamira, ces admirables bisons dans le ventre de la Terre). Mais ils l'avaient

1. Jupiter chez les Romains.

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délaissée au bénéfice d'un dieu céleste qu'ils emportaient avec eux à travers la steppe, dans leurs migrations sous la voûte étoilée. Les conquêtes terrestres s'accompagnaient de conquêtes célestes. Et le triomphe de Zeus sur les Titans, fils de la déesse-mère, s'il fut celui de la lumière, fut aussi celui des envahisseurs sur les indigènes de la péninsule.

Seulement, les vieilles croyances sont tenaces, et survivent aux conquêtes. En plus d'un lieu les vainqueurs ne purent que substituer au nom de la divinité locale celui de Zeus — lequel reçut, bon gré mal gré, les dévotions dues à une divinité primitive de la fertilité : ainsi les Aztèques christianisés continuant d'adorer Tlaloc, dieu de l'eau. D'où des figures de Zeus extrêmement diverses. D'où la pérennité de « mystères », dont ceux d'Éleusis sont les plus célèbres, où la clarté olympienne ne trouve pas son compte. D'où ces débauches érotiques de Zeus, très peu conformes à l'ordre moral et qui devaient si fort choquer les Pères de l'Église : il avait encore à remplir des obligations de dieu fertilisant. Quant aux maîtresses qu'il prit parmi les mortelles, Zeus a une autre excuse : le snobisme des Grecs, qui se disputaient l'honneur de vivre dans une cité dont le fondateur fût issu de Zeus, comme les Américains de la Mayflower.

Et puis, après tout, les Grecs avaient fait Zeus à leur image, avec leurs passions, en plus grand. Un Être Suprême impassible ne leur disait rien, quand ils n'étaient pas Platon. Ils se reconnaissaient dans Zeus superman, qui pouvait tout, même être juste et raisonnable, parfois.

D'ailleurs, comment aurait-il pu rester fidèle à Héra? Elle était, aux yeux des Grecs, l'épouse dans sa plénitude, c'est-à-dire possessive, jalouse, vindicative, assoiffée d'égards, discuteuse, toute l'épouse, rien que l'épouse, et pas une mère : elle ne lui donna que deux fils, et des moins plaisants, Héphaïstos le nain boiteux, Arès le brutal. Quel Grec n'eût trouvé là une raison suffisante de la tromper, lui qui était toujours prêt à faire sienne cette défense d'un plaideur devant ses juges : « Nous avons des épouses pour perpétuer notre nom, des concubines pour nous soigner, des courtisanes pour nous divertir ? »

Déesse du mariage, n'était-elle pas déjà exemplaire dans la

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façon dont elle s'y était prise pour se faire épouser ? Dès la naissance de son petit frère, elle avait décidé qu'il serait son époux. Quand il fut assez grand pour cet office, elle emprunta à Aphrodite la bandelette (aphrodisiaque) dont la déesse de l'amour soutenait ses seins (s'ils avaient besoin de l'être : il y a là une légère invraisemblance). Elle le rejoignit dans sa cachette, où le jeune Zeus ne manqua pas de succomber sous le charme; et les jouvenceaux couchèrent ensemble sans en informer leurs parents. Pendant trois cents ans, affirmaient les habitants de l'île de Samos, qui déniaient à la Crète l'honneur d'avoir abrité ces amours incestueuses et divines.

Toutefois, l'Argolide, où Héra était aussi tenue en grande vénération — « Argos, séjour d'Héra », dit Pindare, et Homère dans l' Iliade dit : « Héra l'Argienne » — l'Argolide donc, situait sur une de ses montagnes, la « montagne du coucou », l'entreprise de séduction, voici comment. La jeune fille se promenait, tenant à la main un lis, dont elle respirait le parfum en fermant les yeux (j'avoue que je le lui ai prêté, mais pas gratuitement : le lis devint un de ses symboles, Zeus sait pourquoi). Zeus, séduit, pour la séduire imagina un stratagème, assez grossier, d'ailleurs : il envoya un terrible orage de sa spécialité, se métamorphosa en coucou, et vint se poser tout tremblant sur les genoux de sa bien-aimée trempée. Compatissante aussi, voire complaisante, elle l'abrita sous sa robe, où le divin coucou en touchant au port reprit sa forme véritable pour prétendre y entrer. Mais la jeune vierge invoqua sa mère, et ne céda que contre promesse de mariage.

Il faut dire aussi, pour être équitable, que, selon les habitants de l'île d'Eubée, Héra avait été élevée dans leur île, qui était « propice aux vaches » ; qu'elle était la reine des vaches ; et que Z e u s , s a c h a n t c e l a , é t a i t v e n u l ' e n l e v e r

— D ' u n e f a ç o n o u d ' u n e a u t r e , d i t J u l i e t t e , il l ' a v a i t b i e n

c h e r c h é e .

— P e n d a n t t o u t e s a v i e i m m o r t e l l e , il s ' e n m o r d i t l e s d o i g t s .

H o m è r e n e m a n q u e p a s u n e s c è n e d e m é n a g e , H é r a o u t r a g é e

c l a m a n t l ' i n f a m i e d e s o n m a r i , Z e u s e x c é d é d e s e s c r i a i l l e r i e s

l ' e n v o y a n t a u d i a b l e : « T a c o l è r e m e l a i s s e i n d i f f é r e n t . Q u a n d b i e n

2. Dans l 'Iliade, Homère louange ses « yeux de génisse ».

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même tu t'enfuirais jusqu'aux bornes extrêmes de la terre et de la mer (...) dans l'insondable Tartare (...), je ne me préoccuperais ni de toi ni de ta colère! » Il alla jusqu'à la suspendre dans les airs, deux enclumes attachées à ses pieds. Le mois de janvier, favorable aux unions, ne lui en était pas moins consacré, et les femmes vénéraient en elle leur sainte patronne, ce qui était assez inquiétant pour les maris. Peut-être parce qu'elle était la « gardienne des clés de l'hymen ».

— Ce qui était, dit Juliette, peu encourageant pour les épouses.

— De quelque côté que l'on se tourne, l'amour conjugal ne se portait pas bien en Grèce.

Gardons-nous cependant d'oublier qu'un bon nombre des infidélités de Zeus dépassent de très haut le cocuage coutumier. Ce fut peut-être pour son plaisir, mais à coup sûr pour notre bien, qu'il s'unit à sa tante Thémis : elle détenait la loi de la nature qui régit les relations entre les dieux, les humains, les sexes, et les incite à s'unir plutôt qu'à se haïr. De leurs relations personnelles naquirent les Heures, qui avaient nom : Eunomia, « l'ordre légal », Diké, « la justice », Eiréné, « la paix ». Thémis était si bonne, si douce, qu'elle seule allait attendre aux portes de l'Olympe Héra courroucée revenant de ses voyages aux ténèbres. Et Héra ne lui tenait pas rigueur d'avoir couché avec Zeus. D'ailleurs, selon Pindare, Thémis avait été, bien avant Héra, la première amante de Zeus, et d'autres disent que les sages Heures, ses filles, avaient élevé Héra.

— Mais est-il bon de dire que la sagesse fit son entrée dans le monde sur un tel échec? demanda Juliette.

— Cela non plus n'est pas très encourageant, mais la vérité avant tout. On ne tiendra pas non plus rigueur à Zeus d'avoir enfanté les Charités avec Eurynomé. Leur nom grec évoque des réjouissances. Les Romains le traduisirent par gratia, qui est devenu « grâce » en français. Un mot chargé de sens, puisqu'il en a trois : la grâce de la beauté, la grâce d'une faveur, et l'action de grâces. Il n'en fallait pas moins, ni plus, pour que tant de peintres puissent faire danser les trois Grâces toutes nues.

Féconder la sœur de Thémis, Mnémosyne, n'était encore, pour Zeus, que le plus strict des devoirs : déesse de l'esprit et de la mémoire, les hommes avaient grand besoin de sa progéniture. Zeus,

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Ils nous sont familiers, ces dieux qui régnaient sur l'Olympe : Zeus, Athèna, Apollon, Hermès, Aphrodite,

Déméter, Arès, Dionysos... En avons-nous assez entendu parler de leurs festins, de leurs querelles et de leurs frasques !

Et les héros donc ! Nous ne connaissons qu'eux : Héraclès, Jason, Ariane, Thésée, Œdipe, Icare, Ulysse... Et Pandore et

sa boîte, Sisyphe et son rocher, Procuste et son lit, Tantale et son supplice, Pénélope et sa toile... Ils sont dans nos

mémoires, ils peuplent notre langage. Des amis, des copains. Qu'est-ce que nous avons encore à apprendre d'eux ? Qu'ont-ils

à nous dire, à nous hommes du XX siècle ? Eh bien, tout. Parce que tout est dans les mythes, les

contes et les légendes. Parce que toutes ces histoires folles, tous ces exploits incroyables sont pleins de significations,

sous cet air qu'ils ont de n'être racontés que pour notre plaisir. Pour le découvrir, il suffit d'y aller regarder de près,

d'ouvrir l'œil et de ne pas s'en laisser trop accroire. C'est ce qu'a fait Jean Duché. Mais un homme n'est qu'un homme : assez crédule, comme on sait. Une femme, avec sa finesse, son intuition, sa compréhension innée des rapports

familiaux et autres, n'était pas de trop pour y voir bien clair dans toutes ces affaires

divines. C'est pourquoi Jean Duché a invité Juliette

— qui n'a pas dit non — à le suivre dans son

voyage en Grèce. Et c 'est ainsi qu'après

sa fameuse Histoire de France racontée à Juliette, Jean

Duché a pu mener à bien cette Mythologie racontée à Juliette.

A vivre de plain-pied avec les dieux et les héros,

Juliette et Jean ont beaucoup appris et beaucoup ri.

A notre tour, maintenant.

Photo David Housez.

Page 33: La mythologie racontée à Juliette

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