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Ann Chir Plast Esthét 2001 ; 46 : 564-71 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0294-1260(01)00050-4/FLA Article original La paralysie faciale dans les dysplasies oto-mandibulaires. Étude clinique et implications thérapeutiques D. Labbé , H. Bénateau Service de chirurgie maxillofaciale et chirurgie plastique, CHU de Caen, 14033 Caen, France Résumé Le pourcentage de paralysie faciale dans les dysplasies oto-mandibulaires est important puisqu’il oscille, selon les séries principales, entre 12 et 50 %. La classification OMENS qui intègre les anomalies du nerf facial et les anomalies musculaires constitue un progrès dans l’analyse des lésions. La littérature reste pourtant très pauvre sur les propositions de traitement des paralysies faciales dans les dysplasies oto-mandibulaires. Par une revue de littérature, les auteurs font le point sur l’atteinte du nerf facial dans les dysplasies oto-mandibulaires, et proposent un plan de traitement. Les enfants pris en charge avant l’âge de un an peuvent bénéficier d’une anastomose nerveuse transfaciale avec neurotisation selon la technique d’Iñigo. Les malades vus après l’âge de un an sont pris en charge vers l’âge de cinq à sept ans, de façon à avoir une bonne participation à la rééducation postopératoire indispensable. La lèvre supérieure sera réanimée par myoplastie d’allongement du muscle temporal ou greffe nerveuse transfaciale et lambeau musculaire libre. La prise en charge chirurgicale de l’étage orbitaire comprendra le plus souvent un allongement du releveur de la paupière supérieure du côté paralysé, une blépharorraphie externe asymétrique et une greffe chondromuqueuse. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS anastomose nerveuse transfaciale / dysplasies oto-mandibulaires / muscle temporal / paralysie faciale Summary – Otomandibular dysplasia and facial palsy. Clinical study and treatment planning. The percentage of facial palsy in the otomandibular dysostosis is great. It varies from 12 to 50% in the literature. The OMENS classification embodies the muscular and facial nerve defects, and appears to represent the most inclusive classification. Few literature reviews have proposed a treatment of the facial palsy in the otomandibularis dysostosis. The authors proposed a treatment protocol depending on the patient’s age. The patients before one year of age are treated with the Iñigo’s technique, wich provide reinnervation to the affected muscles through a crossed facial nerve graft. After one-year old, the surgical approach is realised at five to seven years old to permit a physical therapy. The upper lip is reanimated by the lengthening temporalis myoplasty or by free muscle transplantation with nerve graft. The orbital area treatment of the paralysed side can included a lengthening of the upper eyelid levator muscle, an asymetric lateral tarsorraphy and a chondromucous graft. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS crossed facial nerve graft / facial palsy / otomandibular dysostosis / temporal muscle Le pourcentage des paralysies faciales dans les dyspla- sies oto-mandibulaires (DOM) semble avoir été long- Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (D. Labbé). temps sous-estimé. Il suffit pour s’en convaincre d’ob- server l’augmentation régulière entre 1950 et 1991 des

La paralysie faciale dans les dysplasies oto-mandibulaires. Étude clinique et implications thérapeutiques

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Page 1: La paralysie faciale dans les dysplasies oto-mandibulaires. Étude clinique et implications thérapeutiques

Ann Chir Plast Esthét 2001 ; 46 : 564-71 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

S0294-1260(01)00050-4/FLAArticle original

La paralysie faciale dans les dysplasies oto-mandibulaires. Étude clinique etimplications thérapeutiques

D. Labbé∗, H. Bénateau

Service de chirurgie maxillofaciale et chirurgie plastique, CHU de Caen, 14033 Caen, France

RésuméLe pourcentage de paralysie faciale dans les dysplasies oto-mandibulaires est important puisqu’il oscille, selonles séries principales, entre 12 et 50 %. La classification OMENS qui intègre les anomalies du nerf facial etles anomalies musculaires constitue un progrès dans l’analyse des lésions. La littérature reste pourtant trèspauvre sur les propositions de traitement des paralysies faciales dans les dysplasies oto-mandibulaires. Par unerevue de littérature, les auteurs font le point sur l’atteinte du nerf facial dans les dysplasies oto-mandibulaires,et proposent un plan de traitement. Les enfants pris en charge avant l’âge de un an peuvent bénéficier d’uneanastomose nerveuse transfaciale avec neurotisation selon la technique d’Iñigo. Les malades vus après l’âgede un an sont pris en charge vers l’âge de cinq à sept ans, de façon à avoir une bonne participation à larééducation postopératoire indispensable. La lèvre supérieure sera réanimée par myoplastie d’allongement dumuscle temporal ou greffe nerveuse transfaciale et lambeau musculaire libre. La prise en charge chirurgicalede l’étage orbitaire comprendra le plus souvent un allongement du releveur de la paupière supérieure ducôté paralysé, une blépharorraphie externe asymétrique et une greffe chondromuqueuse. 2001 Éditionsscientifiques et médicales Elsevier SAS

anastomose nerveuse transfaciale / dysplasies oto-mandibulaires / muscle temporal / paralysie faciale

Summary – Otomandibular dysplasia and facial palsy. Clinical study and treatment planning.The percentage of facial palsy in the otomandibular dysostosis is great. It varies from 12 to 50% in theliterature. The OMENS classification embodies the muscular and facial nerve defects, and appears to representthe most inclusive classification. Few literature reviews have proposed a treatment of the facial palsy in theotomandibularis dysostosis. The authors proposed a treatment protocol depending on the patient’s age. Thepatients before one year of age are treated with the Iñigo’s technique, wich provide reinnervation to the affectedmuscles through a crossed facial nerve graft. After one-year old, the surgical approach is realised at five to sevenyears old to permit a physical therapy. The upper lip is reanimated by the lengthening temporalis myoplasty orby free muscle transplantation with nerve graft. The orbital area treatment of the paralysed side can includeda lengthening of the upper eyelid levator muscle, an asymetric lateral tarsorraphy and a chondromucous graft. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

crossed facial nerve graft / facial palsy / otomandibular dysostosis / temporal muscle

Le pourcentage des paralysies faciales dans les dyspla-sies oto-mandibulaires (DOM) semble avoir été long-

∗ Correspondance et tirés à part.Adresse e-mail :[email protected] (D. Labbé).

temps sous-estimé. Il suffit pour s’en convaincre d’ob-server l’augmentation régulière entre 1950 et 1991 des

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pourcentages de paralysie faciale décrits dans les diffé-rents articles scientifiques.

Grâce à l’évolution des classifications des dyspla-sies oto-mandibulaires, en particulier la classificationOMENS, la séméiologie semble accorder une place plusimportante à la paralysie faciale, et surtout aux paralysiespartielles et aux parésies faciales.

En revanche, la littérature reste très pauvre sur letraitement spécifique de ces paralysies et parésies fa-ciales. En ce qui concerne ce traitement, les dysplasiesoto-mandibulaires posent un problème particulier lié auxpossibles anomalies associées des muscles masticateurs,en particulier du temporal dont l’intérêt dans la réanima-tion des lèvres n’est plus à démontrer.

SÉMÉIOLOGIE-REVUE DE LITTÉRATURE

Le pourcentage de paralysie faciale dans lesdysplasies oto-mandibulaires

Grabb en 1965 [1] retrouve, sur 102 patients classés ensix groupes, 14 paralysies faciales dont cinq limitées auxlèvres. Ces 14 paralysies faciales sont retrouvées dans lesdeux groupes dans lesquels sont également observées desanomalies des muscles masticateurs.

Bergstrom en 1981 rapporte une série de 35 paralysiesfaciales congénitales [2]. Dans cet article, il décrit un tauxde 23 % de paralysies faciales dans les dysplasies oto-mandibulaires.

Couly en 1983 [3], sur 19 nourrissons porteurs d’ano-malies du premier arc uni- ou bilatérales, dont deuxGoldenhar, retrouve dix paralysies faciales totales ou par-tielles, soit un taux proche de 50 %.

Murray en 1984 retrouve, sur 62 patients traités pourdysplasie oto-mandibulaire, 16 paralysies faciales, soit unpourcentage de 26 % [4].

Bennun, de la même équipe, en 1985 [5], sur une sériede 74 microties, retrouve un pourcentage de 12 % deparalysies faciales, soit neuf cas sur 74 patients.

Bassila en 1989 [6], sur 50 dysplasies oto-mandibulaires,retrouve 22 % de paralysies faciales.

Vento [7] en 1991, toujours de l’équipe de Mulliken,sur une série de 154 patients, retrouve 45 % de paralysiesfaciales et décrit la classification OMENS : O orbite, Mmandibule, E oreille(ear), N nerfs, S parties molles(softtissues).

Ces différents pourcentages sont regroupés dans letableau I.

La classification OMENS

OrbiteL’asymétrie orbitaire est déterminée à partir du planmédian dessiné par une ligne verticale entre la crista galliet l’épine nasale antérieure, une ligne horizontale étant

Tableau I. Pourcentage de paralysie faciale (PF) dans les dysplasies oto-mandibulaires.

Auteurs Nbre de cas % de PF

Grabb (1965) 102 14 %

Bergstrom (1981) 35 23 %

Couly (1983) 19 50 %

Murray (1984) 62 26 %

Bennun (1985) 74 12 %

Bassila (1989) 50 22 %

Vento (1991) 154 45 %

tracée à angle droit du plan sagittal tangente au rebordsupra-orbitaire.

O0 : orbite normal,O1 : anomalie de taille,O2 : anomalie de position avec flèche indiquant s’il

s’agit d’une anomalie vers le haut ou vers le bas ;O3 : anomalie de position et de taille.

MandibuleElle est évaluée radiologiquement en fonction de laclassification originale de Pruzansky (1969) modifiée parKaban (1981).

M0 : mandibule normale,M1 : la mandibule et la fosse glénoïde sont petites et la

branche montante courte,M2 : la branche montante est courte et de forme

anormale,2A : la fosse glénoïde est dans une position acceptable

si l’on se réfère au côté opposé,2B : l’articulation temporomandibulaire est déplacée

en avant, en dedans et en bas avec un condyle trèshypoplasique ;

M3 : absence complète de branche montante, de cavitéglénoïde et d’articulation temporomandibulaire.

Ear (Oreille)Elle est évaluée par rapport à la classification de Meurman(1957).

E0 : oreille normale,E1 : hypoplasie moyenne avec oreille en cornet, toutes

les structures étant présentes,E2 : absence de conduit auditif externe et hypoplasie de

la conque ;E3 : absence d’oreille et malposition du lobule.

NerfsSont ici recensées les anomalies du nerf facial mais aussicelles des autres nerfs crâniens, par exemple du trijumeauN5 ou de l’hypoglosse N12,

N70 : pas d’anomalie du nerf facial,

N71 : atteinte du facial supérieur(figure 1),

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A B

C

Figure 1. A : paralysie faciale et DOM. B : paralysie frontale en contraction N71. C : paralysie des abaisseurs de la lèvre inférieure N7

2 (au totalN7

1 et 2) sans paralysie de la lèvre supérieure.

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Paralysie faciale et dysplasies oto-mandibulaires 567

N72 : atteinte du facial inférieur ;

N73 : atteinte de toutes les branches du nerf facial

(figure 2).

Soft tissues (tissus mous)S0 : pas d’anomalie des tissus mous ou de déficit

musculaire,S1 : anomalies minimes des tissus mous et des muscles,S2 : anomalies modérées entre S1 et S3 ;S3 : anomalies sévères avec aplasie musculaire, hypo-

plasie grave musculaire et sous-cutanée.Grâce à cette classification, dans la série de Vento sur

154 patients, une atteinte du nerf facial est retrouvée chez50 % des malades classés M1 et M2, et 70 % des maladesclassés M3.

L’analyse de ces séries, même si elle n’est pas trèsprécise sur les parésies faciales jusqu’à la classificationOMENS, semble concordante sur la prédominance del’atteinte du nerf facial inférieur (N72) ou de l’ensembledu territoire du nerf facial (N73).

Si Murray en 1984 [4] insistait sur la relation entrela gravité de l’atteinte de l’oreille et l’association d’uneparalysie faciale, Vento de la même équipe en 1991, avecune analyse plus précise, note une corrélation entre lagravité de l’atteinte mandibulaire et la paralysie faciale.

TRAITEMENT DE LA PARALYSIE FACIALEDANS LES DYSPLASIES

OTO-MANDIBULAIRES. REVUE DE LALITTÉRATURE

Encore une fois, la littérature est très pauvre concernant letraitement de la paralysie faciale dans les dysplasies oto-mandibulaires, plus encore que pour la séméiologie.

Edgerton [8], en 1977, insiste sur le fait que le trai-tement de la paralysie faciale doit être différé aprèsreconstruction de l’os et des parties molles.

Cousley [9], en 1997, propose également une réanima-tion différée par greffe transfaciale et lambeau musculairelibre après la reconstruction osseuse, mais sans présenterson expérience ; en cas de découverte précoce, il préconisela technique d’Iñigo sans rapporter d’expérience person-nelle.

Iñigo et Ysunza rapportent successivement leur expé-rience en 1993 et 1996 [10, 11] d’anastomose transfacialeavec neurotisationréalisée avant l’âge de un an dans lesformes complètes. La série de 1996 porte sur 18 cas, dontneuf de moins d’un an.

La technique consiste à prélever le nerf sural des deuxcôtés.

Un abord du nerf facial du côté sain est réalisé endisséquant les branches jusqu’à la sortie de la parotide.L’anastomose du côté sain est réalisée sur trois branchesà destinée buccale et zygomatique, puis les greffons sont

passés par un tunnel sous-cutané sous la lèvre supérieure.Du côté paralysé, l’exposition des muscles atteints estréalisée par un abord cutané. Chaque extrémité du nerfsural est divisée pour séparer les groupes de fascicules.Les fascicules sont implantés directement dans la massemusculaire. Une greffe est utilisée pour les musclesélévateurs de la lèvre supérieure et une pour les musclesabaisseurs de la lèvre inférieure.

Les malades ont été bien entendu évalués cliniquementavec une échelle de résultats et sur le plan électromyo-graphique en pré et en postopératoire. Les résultats sontdémonstratifs dans le groupe 1, c’est-à-dire pour les neufenfants opérés avant l’âge de un an. Tous ont obtenu un ré-sultat symétrique à la fois au repos, lors des mouvementsvolontaires et lors de l’expression spontanée, la qualité dela réinnervation étant évaluée à 100 %. Par contre, dansles groupes 2 et 3 (groupe 2 : 5 patients de un à quatreans ; groupe 3 : 4 patients de quatre à dix ans), la qua-lité de la réinnervation tombe à 40 % pour le groupe 2 età 25 % pour le groupe 3. Dans le groupe 3, deux des pa-tients n’ont présenté aucune amélioration et ont d’ailleursété réopérés selon la technique de transfert du temporal deRubin.

La qualité des résultats obtenus par l’équipe d’OrtizMonasterio avant l’âge de un an plaide en faveur d’uneanomalie du nerf facial du côté de la dysplasie otoman-dibulaire, sans anomalie des muscles peauciers de la facequi, présents à la naissance, subissent une atrophie pro-gressive ne permettant pas à cette technique d’anastomosetransfaciale et neurotisation d’être constamment efficaceaprès l’âge de un an.

Outre la littérature rapportant les traitements de para-lysie faciale dans les dysplasies oto-mandibulaires, il estintéressant pour le traitement de noter l’étude de Kane en1997 [12] qui étudie les muscles masticateurs en scannertridimensionnel et qui montre que le grade de Pruzanskyest directement corrélé au degré d’hypoplasie des musclesmasticateurs du côté atteint, alors que l’inverse ne seraitpas vrai. Ces constatations sont évidemment importantespour la réanimation des paralysies faciales vues après unan si l’on souhaite utiliser les muscles masticateurs, enparticulier le muscle temporal.

PROPOSITION D’UN PLAN DE TRAITEMENT

Enfants vus avant l’âge de un an

Pour ces enfants présentant une paralysie faciale complèteunilatérale ou majeure sur l’étage buccal (N7

2 ou 3) ilsemble que l’anastomose transfaciale avec neurotisationpour les N7

3, avec deux greffes surales, ou pour les N72

avec une seule greffe surale transfaciale, soit un traitementà proposer dans tous les cas compte-tenu de la qualitédes résultats présentés par l’équipe d’Ortiz Monasterio(figure 3).

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A B

C

Figure 2. Cas dû à l’obligeance du Dr F. Firmin. A : paralysie faciale au repos de profil. B : paralysie faciale au sourire N73. C : N7

3 occlusionpalpébrale incomplète.

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Figure 3. Technique d’Iñigo : greffe nerveuse transfaciale etneurotisation avant l’âge de un an.

Cependant, ce cas de figure d’une paralysie facialecomplète ou de l’étage buccal vu avant l’âge de un ansemble encore assez rare aujourd’hui.

Malades vus après l’âge de un an

Il semble intéressant d’attendre l’âge de cinq à sept anspour envisager la réanimation de la face paralysée afind’obtenir une parfaite adhésion de l’enfant au traitement,et en particulier à la rééducation postopératoire indispen-sable dans les transferts du muscle temporal.

L’étage labial et l’étage orbitaire et frontal seront traitésséparément.

Les lèvres (N72 ou 3)

La lèvre supérieure du côté paralyséLe traitement palliatif est décidé en cas de paralysiecomplète ou de parésie avec contraction inférieure à 50 %à la normale.• Myoplastie d’allongement du temporalCe procédé(figure 4)[13] ne peut être envisagé qu’aprèsavoir vérifié que le muscle existait cliniquement, qu’ilétait contractile et après avoir au besoin complété cesexplorations par une iconographie de type scanner avecreconstruction tridimensionnelle ou IRM. Ces examenscomplémentaires permettront un contrôle précis de laqualité du muscle temporal, de son intégrité, en particulieren ce qui concerne son tendon d’insertion.

La myoplastie d’allongement du temporal est réaliséepar une voie coronale unilatérale, avec abord premierde la partie basse du muscle et section de l’apophysecoronoïde lorsqu’elle existe, permettant de contrôler la

Figure 4. Myoplastie d’allongement du temporal pour réanimer la lèvresi le muscle temporal est utilisable.

qualité du tendon du temporal en début d’intervention.Le muscle est ensuite décollé de la fosse temporale puisabaissé par un tunnel dans la joue, dans le plan de laboule de Bichat, vers la lèvre supérieure grâce à uneincision nasogénienne. L’insertion sur la lèvre supérieureest réalisée à l’aide des repères préopératoires. La qualitéde cette insertion sera dépendante de la qualité du tendondu muscle temporal et, en cas d’anomalie de celui-ci, cette insertion pourra être améliorée par des greffesd’aponévrose temporale prélevées du côté sain par la voiecoronale (languettes d’insertion), permettant un étalementdu tendon de l’aile du nez jusqu’à la commissure et surtoute la lèvre supérieure.

On pourra ajouter à cette myoplastie d’allongementdu temporal une greffe nerveuse surale transfaciale bran-chée sur l’un des rameaux zygomatiques du nerf facialdu côté sain, et sur le nerf temporal profond postérieurou moyen du muscle temporal du côté réanimé. Cettegreffe nerveuse transfaciale viendra en complément de la

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Figure 5. Greffe nerveuse transfaciale et lambeau musculaire libre :indication de choix si le muscle temporal n’est pas utilisable.

myoplastie d’allongement pour permettre une « facialisa-tion » plus importante du muscle temporal et améliorer laqualité du sourire spontané. Cette greffe transfaciale nedispensera en aucun cas de la rééducation postopératoireindispensable pour obtenir successivement les trois stadesde sourire : le sourire mandibulaire, dépendant des mou-vements mandibulaires, le sourire temporal volontaire,indépendant des mouvements mandibulaires, et enfin, lesourire spontané.

• Greffe nerveuse transfaciale et lambeau musculairelibreCette technique(figure 5), prônée systématiquement parcertaines équipes [14], donne des résultats très variablesd’une équipe à l’autre. Dans certaines mains expéri-mentées ses résultats sont excellents. La greffe nerveusetransfaciale est réalisée un an avant le transfert musculairelibre, le plus souvent de muscle gracilis.

L’indication préférentielle de cette technique dans lesDOM serait la réanimation de la lèvre supérieure dansles cas de paralysie faciale (N7

2 ou 3) associée à undéficit sévère des tissus mous, et en particulier du muscletemporal (ne permettant pas son transfert). Dans ces cas,le transfert musculaire libre apporterait, en plus de laréanimation, un volume de tissus mous redonnant ungalbe à la joue.

La lèvre inférieure du côté paralyséElle ne sera pas réanimée [15], l’équilibre entre lesdeux lèvres inférieures étant obtenu grâce à des gestesprédateurs du côté sain.

Les lèvres du côté sainL’hyperactivité du côté sain sera traitée par des myecto-mies des muscles releveurs de la lèvre supérieure et desabaisseurs de la lèvre inférieure grâce à des repères pré-opératoires. Celles-ci seront réalisées selon Niklison parvoie endobuccale [16].

Étage orbitaire et frontal (N71 ou 3)

Le retentissement oculaire des paralysies faciales congé-nitales est en règle modéré chez l’enfant . Le traitement del’étage orbitaire sera soit réalisé dans le même temps pourles paralysies complètes dans le cadre d’un traitement glo-bal de la face, soit plus tard dans le cadre des parésies. Leprincipe du traitement sera d’éviter au maximum de créerdes paupières cicatricielles dont le vieillissement rendraitles réinterventions de plus en plus aléatoires.

Nous proposons donc dans le cadre d’un traitementprimaire :– allongement du releveur de paupière supérieureselonPaul Tessier [17]. Cet allongement est réalisé par unegreffe d’aponévrose temporale, et cet allongement seradu double de la rétraction mesurée en position assise enpréopératoire (mesures comparatives entre limbe et bordsupérieur de l’iris) ;– blépharorraphie externe asymétriqueselon Krastinova[18], afin de ne pas trop réduire la fente palpébraletout en mettant en tension la paupière inférieure. Lablépharorraphie est réalisée selon une mesure de 2 àla paupière inférieure sur 1 à la paupière supérieure,l’incongruence s’absorbant parfaitement grâce à la suturepar des points en U ;– greffe chondromuqueuseen cas d’abaissement plusimportant de la paupière inférieure, prélevée sur le trian-gulaire, la cloison nasale ou le tarse supérieur, et placéepar voie conjonctivale au bord inférieur du tarse inférieur[19].

Les trois techniques décrites ont l’avantage d’être ré-versibles et renouvelables. Bien sûr, ce traitement del’étage orbitaire n’est qu’indicatif. Toutes les autres tech-niques de traitement des paupières paralysées pourrontêtre utilisées en complément en fonction de chaque cas.

Du côté sain, pour l’étage frontal, seules desmyecto-miessur le muscle frontal et le corrugator seront réalisées,le plus souvent lors de la myoplastie d’allongement parla voie coronale. Les myectomies permettent d’obtenirune bonne symétrisation de l’étage frontal et pourraientéventuellement être remplacées par l’utilisation de toxinebotulique dans les cas où n’est pas réalisé un abord chi-rurgical.

CONCLUSION

La paralysie faciale dans les dysplasies oto-mandibulaires,mieux étudiée cliniquement grâce à la classification

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OMENS de l’équipe de Mulliken [7], serait liée à une ano-malie du nerf facial sans anomalie des muscles peauciers,expliquant les possibilités de traitement avant l’âge de unan par greffe transfaciale et neurotisation selon la tech-nique de Iñigo.

Au-delà de ce délai, l’atrophie musculaire ne permetplus d’espérer un résultat de qualité suffisante avec cettetechnique et oblige donc à avoir recours à des tech-niques de traitement palliatif de paralysie faciale de typemyoplastie du temporal pour l’étage labial, traitement delagophtalmie à l’étage orbitaire et myectomies de symé-trisation du côté sain portant sur tous les étages de la face.

Seule, la publication des résultats par les différenteséquipes permettra de mieux connaître les difficultés dutraitement et les moyens d’y remédier.

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