La Patrie Musicale de Chopin

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La Patrie Musicale de Chopin

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    PATRIEMUSICALEDl

    CHOPIN

    :n vente;diteur, y

    PARIS.

    ROUDANI

    /

    DE MDICT^VII

  • LA PATRIE MUSICALEDE

    CHOPIN

  • 2YGMUNT L. ZALE5KI

    LAPATRIEMUSICALEDE

    CHOPIN

    Confrences faites a l'cole des Hautes Etudes Sociales

    Fvrier-^lars, i()i6

    EN VENTE CHEZ B. ROUDANEZEDITEUR, 9, RUE DE MDICIS

    PARIS. MCMXVII

  • Mu

    2{9

  • EUX qui aiment la musique enFrance ont certainement une

    dcouverte faire : ils ignorent ou peu s'en faut, qu'il existeune musique polonaise (i).

    Depuis quelque temps, il est

    vrai, on s'applique a mieux dga-

    Jger les origines de l'uvre frmis-

    sante et nostalgique de Chopin.

    Mais ici encore on parat s'tonner qu'elle ait pusortir de la culture musicale polonaise. On hsite mmeparfois l'y rattacher. M. Albert Lavignac, professeur

    au Conservatoire, auteur d'un excellent manuel : Lamusique et les musiciens va plus loin : il n'hsite pas

    le classer je cite ses propres paroles en raison de sesaffinits, dans l'cole romantique allemande (2). Et dans

    (i) Pardon, joubliais, il est un chef d'uvre de platitude sentimen-tale curante, que rien n'a pu arracher aux faveurs de la fortune.C'est : La Prire d'une vierge, d'une bonne dame polonaise TeklaB.\DARZEWSKA (Bondagewska), dont les ditions en France se suiventet sans doute s'puisent.

    (2) La musique et les musiciens, Paris, Delagrave, s. d., p. 490.

  • - 6 ~

    la grande Encyclopdie de la musique , qui se publie

    chez Delagrave sous la mme direction, on lit dans le fas-cicule 34 ce qui suit : Allemagne... Le Romantisme... Le

    piano lyrique : Chopin . Et dans la note de la page 1079 :

    Qu'on s'tonnera peut-tre de le voir ici incorpor la

    musique allemande, mais puisque Fart polonais ne fait

    point l'objet d'une tude spciale dans cette Encyclopdie,

    il paratrait moins logique et plus superficiel d'associer

    Chopin la musique franaise, laquelle psychologique-

    ment il ne se rattache en rien. En ralit la Pologne luidoit de compter au premier rang dans le concert musical

    des nations (i).

    En effet, on s'tonne de cette omission de la Pologne,surtout aprs avoir vu annoncer dans la partie historique

    du mme ouvrage des tudes spciales sur les musiquesportugaise, finlandaise, hongroise, corenne, thibtaine,

    thiopienne, abyssinienne, sur la musique des Annamites,

    des Birmaniens, des Cambodgiens, des Laotiens^ voire des

    Malgaches et des Peaux-Rouges.

    Evidemment, l'excellent directeur de l'Encyclopdie a

    des gots un peu exotiques : il s'intresse plus la cra-

    tion des Hittites, des Cambodgiens et des Peaux-Rouges

    qu' celle de la patrie de Gomlka (xvi^ sicle) de Wienia-wski, de Paderewski, de Moniuszko et de Chopin. Car vous

    n'ignorez certes pas que Chopin est n en Pologne, qu'il

    (i) Encyclopdie de la musique et Dictionnaire du Conservatoire, lepiano lyrique : Chopin par B,-H. Rayniond-Duval, Paris. Delagrave,p. 1079.

  • a fait toute son ducation musicale Varsovie et qu'entin

    s'il porte un nom franais son oeuvre est sortie touteentire du sol polonais, en se rattachant une culture

    musicale de quelques sicles et surtout au riche patrimoine

    de la musique populaire polonaise..., et non allemande.

    Nous affirmerons mme que, sans un contact suffisant avecl'me musicale de la Pologne un aspect de Tuvrc deChopin, et peut-tre un de ses aspects essentiels demeureabsolument inaccessible.

    Les peuples slaves ont toujours t rputs pour leur

    gnie musical. Non seulement les tmoignages des histo-riens grecs fProcope, Thophilacte] et arabes fIbn-Duste,

    Al-Becri) l'attestent, mais surtout la cration populaire

    spontane et multiple. Une richesse surprenante de motifsmlodiques recueillis en Pologne par Kolberg (en 37

    grands volumes) en est la preuve dcisive. ... C'est la mu-

    sique populaire, crivait en 1840 Hector Berlioz ( i)qui offre

    en Pologne le champ le plus vaste aux compositeurs qui

    veulent donner leurs productions un cachet national .

    (2) Dans le Journal des Dbats, le 2O avril 1840. Et Berlioz y ajoute

    cette remarque judicieuse : Chaque province a ses airs particu-liers qui dift'rent entre eux par la mlodie et par le rythme. Les

    Mazureks, par exemple, ne sont pas les mmes partout ; celles delGrande-Pologne sont plus gaies, plus dansantes,que celles de la Peti-

    te-Pologne, celles des provinces mridionales ont un accent mlan-

    colique plus prononc. Ibidem.

  • 8

    Quelques uns d'entre ces motifs dits vers la moiti du

    xix sicle remontent aux temps paens (avant le x si-cle). Ils se sont conservs dans leur simplicit primitive

    en quelque recoin du terroir polonais. La caractristique

    principale de ces mlodies c'est qu'elles reposaient sur le

    mode sino-indien; les gammes de 5 et 6 tons. Ce mode le plus ancien peut-tre que l'humanit ait connu futrpandu primitivement dans beaucoup d'autres pays d'Eu-

    rope. Mais peu peu il fut touffe par l'influence grandis-

    sante de l'Eglise qui imposait partout les chants grgoriens.

    Plus tard, les modes modernes majeurs et mineurs l'onencore effac d'avantage. C'est en Ecosse et en Pologne

    seulement que subsistrentquelques spcimensde ce modesino-indien. Les paysans polonais possdent par exemple

    le Chant du houblon, sorte de chanson nuptiale o la gra-

    vit religieuse se transforme en un mouvement anim,robuste et d'une profondeur trange.

    Cependant, ce qui a fait de la musique populaire polo-

    naise une source musicale d'une richesse inpuisable et

    d'une originalit fconde c'est en dehors de l'imagina-tion mlodique trs captivante le rythme vari et sicaractristique des danses. Remarquons de suite que toutela cration musicale du peuple porte l'empreinte de rythmes

    de danses. Vous connaissez sans doute cette boutade : la Pologne dansante . Eh bien! cette fois l'ironisteanonyme ne s'est pas tromp. A moins qu'il ne travaille

  • ou prie le peuple polonais chante et danse. Il aimedanser et il exprime ainsi non seulement son temprament

    robuste et passionn, mais aussi ce besoin intime, cette

    aspiration instinctive, presque sensuelle vers le mouvement

    qui ralise pour lui, en quelque sorte la libert. Oui,la libert! Car n'est-il pas vrai tre libre c'estavant tout n'obir qu' son rythme individuel? Ou, encore

    tre libre, c'est obir une ncessit extrieure, c'estmme supporter l'invitable, mais toujours suivant lerythme qui s'harmonise avec la structure individuelle de

    l'homme. Ainsi, un clbre philosophe franais contempo-

    rain avait pleinement raison en affirmant que la danse est

    une ralisation partielle de la libert individuelle, qu'elle

    est plus naturelle que la marche ordinaire c'est--direplus spontane, plus adapte au mouvement intrieur de11 Aame.

    Sans vouloir entrer dans des dtails, qui pourraient

    paratre un peu fastidieux, il m'est cependant impossible

    d'omettre une courte numration des danses populaires

    caractristiques en Pologne. Ce sont surtout les danses

    rythmes trois temps qui prdominent : oberek, mazur

    (mazouri, kujawiak (kouawiak) et polonaise.

    Le caractre gnral de leur structure rythmique est

    l'accent instable mais trs marqu et une extrme abon-

    dance de syncopes. C'est prcisment par la position de

    l'accent qu'on peut les distinguer, les classer et en sommeles dfinir.

    Dans l'oberek, l'accent est sur le premier temps de la

  • 10

    mesure avec la quatrime mesure un accent trs marqusur chacun des trois temps.

    IJl;','! ,.-,;I

    ',

    .'il' 1?-"^I=5^=^=^=^ S tm

    Dans lemazour connu en France sous le nom un peudform de mazurka la quatrime mesure est rythmecomme celle de l'oberek. Par contre, dans les trois pre-mires mesures, Taccent tombe sur le troisime temps. Enoutre, le mouvement du mazour est un peu plus lent quecelui de l'oberek.

    ^ fes ^ ^e^-OL. N.n-V-Ca-

    fcrf'

    1 .1^ .1 1 'M-aii.__^_^ ?

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    La troisime danse populaire typique trois temps estle kujaw^iak (Kujawy comme Mazovie sont les noms deprovinces polonaises). Dans le kujawiak, l'accent tombesur le second temps des deux premires mesures, sur

    les trois temps de la troisime et sur le troisime temps

    seulement la quatrime mesure. Il est caractris de plus

  • 1

    1

    par une alliance ingnieuse du rythme vivace et de la

    mlodie sentimentale, parfois dlicate exprime tantt

    dans le mode majeur, tantt dans le mode mineur.

    t/VvgCa/nX^T>.0

    Enfin, un peu en dehors de ces trois formes essentielles

    apparat la polonaise, cette danse assez connue de nomtout au moins et dont le grand Jean Sbastien Bach s'estdj servi. La polonaise est lente, majestueuse et pourtantnergique. Son rythme, marqu sur le premier temps dela mesure, se distingue par une chute lgante des fins de

    phrases.

    A ces quatre formes du rythme trois temps il fautajouter le krakowiak quatre temps avec des syncopes

    trs caractristiques et puis la polka deux temps.

    Adopte en Bohme comme danse nationale elle n'enest pas moins ne en Pologne. D'ailleurs, son nom entmoigne.

  • 12

    Kteg=ga35^a ^"|i"l"V^'lM' l

    ^^^^^'ln'iliXu^'p \

    Par cette numration un peu htive vous pouvez juger

    dj, de la varit rythmique de la musique populaire

    polonaise. Est-il besoin de dire qu' ct de ces formes

    typiques et en mme temps les plus rpandues il en estd'autres qui en drivent. Telle le zbjnicki pas'sionn

    et sauvage, telle la kolomyjka, le drabant et beaucoup

    d'autres encore.

    C'est sur cette charpente rythmique originale, ingnieuse

    et riche la fois que repose tout l'dilice des mlodies

    populaires en Pologne, dont le caractre prdominant estune facilit gracieuse ou nergique, une fluidit tendre oupleine de joie tantt enveloppe d'une brume de tristesse tantt souleve par un soufle large de la plaine polo-naise. Car la musique populaire est l'image fidle de cetteplaine qui donna son nom mme la Pologne. C'est pr-

  • K")

    cisment dans ce trsor mlodique, maissurtout rythmique,

    que puisera Chopin pour crer des valeurs imprissables

    de la musique romantique.

    Nous avons dit que le libre essor de la musique popu-

    laire fut entrav, sinon arrt, par Tinfluence de la musique

    savante de l'Eglise. Lentement et pniblement, en tton-

    nant, la musique savante se fraya un chemin. Cependant,

    ds le xiii^ sicle cette plante exotique poussa sur le sol

    fertile de la Pologne. L'hymne religieux la Mre de Dieu,

    la Bogitrod:[ica^ qui servit en mme temps de chant decombat sortit du trfond mme du Moyen-ge. Probablement mme avant cette poque on psalmodia dj lesmajestueuses supplications : Dieu Saint^ Dieu Puissant et

    Immortel.., Chantes jusqu'aujourd'hui dans toutes les

    glises de Pologne, elles expriment son angoisse mystique

    dompte par la puissance mme de la foi.

    Plus tard, de cette collaboration du gnie musical du

    peuple avec celui de l'glise, rsultrent d'innombrables

    chants de Nol, de Carme et de Pques, formant peu peu

    une sorte de calendrier musical chrtien, survivance indra-

    cinable des vieux rites paens. En etet, mme aujourd'huichez le paysan polonais le chant a conserv son caractre

    quasi sacr.A chaque poque de l'anne correspond un chantou plutt une srie de chants d'un caractre musical diff-

  • 14 ~

    rent et qui ne doivent tre excuts que dans un temps

    donn.

    Le xve sicle nous apporte dj quelques noms de com-

    positeurs polonais dont je mentionnerai seulement celui

    d'un Nicolas de Radom contemporain de la premire cole

    flamande. On a retrouv notamment une srie de ses com-positions trois voix dans un manuscrit datant de 1443.

    Mais c'est au xvr sicle seulement qu'apparat en Pologne

    une floraison de savants thoriciens et de compositeurs de

    grand talent. Avec le roi Sigismond le Vieux, et surtout

    avec son successeur Sigismond Auguste tous deux ama-teurs fervents de musique Cracovie devient le vrai cen-tre musical de la Pologne en mme temps qu'un des cen-

    tres musicaux importants de l'Europe* Les dispositions

    naturelles du gnie populaire, le got passionn de deux

    rois, la richesse et l'clat de la vie, voire mme les prip-

    ties tumultueuses du mouvement religieux (la Rforme)

    avec son esprit d'mulation attis par les besoins de pro-

    pagande tout y contribue heureusement.Il est encore une circonstance d'un caractre gnral,

    qui peut-tre vaut la peine d'tre rappele : vers cette

    poque, la Pologne devient rapidement la nation la plus

    puissante de l'Europe orientale. En effet, le redoutableOrdre Teutonique semble tre dfinitivement bris. La

    Prusse Occidentale, suivant ses propres vux, est incor-

    pore la Pologne (paix de Thorn en 1466). En i523,

    Cracovie, le prince de la Prusse Orientale jure fidlit au

    roi Sigismond, son matre. Aprs la victoire d'Orsza (Or-

  • 13

    cha) la lutte polono-moscovite (pour la possession de

    Smolensk) n'est gure inquitante. Le danger tartare

    parat matris. La menace turque n'est pas encore appa-

    rente. Par contre, la Hongrie, la Bohme, la Moldo-Vaia-

    chie subissent Tattractionde lapolitique modrepolonaisc.

    En i56i, la Livonie suit Texemple de la Prusse et s'otfrelibrement au roi Sigismond Auguste. Enfin en iSg s'ac-

    complit dfinitivement la dite de Lublin l'uvre de

    l'Union de la Pologne et des provinces lithuaniennes.

    Ainsi le prestige politique et civilisateur de la Pologne

    grandit sans cesse.

    En mme temps, les relations intellectuelles avec l'Italie- surtout depuis le mariage de Sigismond I avec une

    Sforza deviennent de plus en plus intimes et frquentes.Et, chose curieuse, l'influence italienne, l'esprit italien dans

    le domaine des arts plastiques ont pour ainsi dire submerg

    et touff l'effort original de Tart polonais. Dans la mu-

    sique, c'est tout diffrent. De mme dans les sciences(Copernic, Adalbert de Brudzewo) et dans la littrature

    (Janicki, Kochanowski^. L'influence italienne leur servit

    la fois de ferment excitateur et ducateur. En effet, parmiles matres architectes et sculpteurs, nombreux, et souvent

    admirables, qui ont cnibcUi vers cette poque la capitale

    polonaise il est plutt rare de rencontrer un nom polo-nais : la ligne du clbre Wit Stwosz (Guy Stwosch)semble teinte. En revanche dans la musique du roi , quisous le rgne de Sigismond Auguste fut une des premires

    de l'Europe nous relevons 9 noms italiens, 8 allemands,

  • i6

    4 flamands, i hongrois et plus de 5o polonais. De plus, s'y

    trouvait rattach un choeur d'enfants exclusivement polo

    nais, et tous les compositeurs de la cour , sauf un qui

    tait flamand furent des polonais, (i).Il faut citer d'abord le nom d'un matre contrapun-

    tiste accompli, Waclav^zSzamotui ou Szamotulski (lisez:

    Venceslas de Chamotouly ou Chamotoulski) que H. Rie-

    mann dsigne comme le meilleur compositeur polonaisde son temps (2), n en 1529, Szamotulski a crit un

    nombre considrable de chants religieux psaumes, offi-ces, une messe deux churs, des motets et des hymnes.

    Il s'attachait surtout aux difficults du contrepoint o il

    excellait dans des combinaisons savantes et compliques.

    On peroit cependant chez Szamotulski un etfort soutenuet conscient pour dessiner la mlodie avec nettet et vigueur.

    Cette gravit noble, un peu austre et difficile de Szamo-

    tulski lui a valu le titre du plus notoire compositeur reli-

    gieux dans le camp des protestants polonais.

    Toute diffrente est Tuvre personnelle, inspire, forte

    et tendre la fois, de Nicolas Gomlka (i) auteur des

    Mlodies pour le Psautier polonais de Jean Kochanowski.

    L'invention, chez Gomlka, est prompte, frache et abon-

    (i) Cf. Al. PoLiNSKi, L'histoire de la musique polonaise, Lww,

    Varsovie, 1907, p. 54-55.

    (2) H, RiEMANN;, Dictionnaire musical, (trad. russe), Moscou, igoi;,

    p. 1413.

  • 17

    dante. Il ne s'gare pas dans les combinaisons savantes et

    laborieuses du contrepoint, il les vite mme, en soulignantpar contre la phrase mlodique, d'une souplesse peu com-

    mune et d'une grce parfois mouvante. Il se plat, enoutre, dans les modulations riches, imprvues, parfois un

    peu dures ou trop compliques, mais le plus souvent

    vigoureusement expressives, pleines d'originalit et de

    hardiesse. Il emploit par exemple les accords avec altra-

    tions, inconnues de son temps. Dans le psaume iSy

    il obtient un puissant etfet dramatique en introduisant

    rsolument un accord de neuvime avec la septime

    majeure et la neuvime augmente (2)

    Ailleurs, dans le psaume 81 il ose attaquer sans prpara-

    tion l'accord de septime de dominante, et cela avant

    Monteverde qui on attribue habituellement cette inovation

    .

    Le mme psaume 81, nous permet d'insister sur le carac-tre essentiellement pittoresque ou, si vous voulez, des-

    criptif des Mlodies de Gomdlka. On y voit de quellemanire et avec quelle matrise il exprime, \\ peint musi-

    calement le texte potique de Kochanowski. En effet lesmots ne sont pas pour lui de simples crochets o suspen-

    dre le manteau de la musique. Bien au contraire avec

    (i) Nicolas GoMLKA, lisez Gomoulka (iSSg-iog), a public sesMelodiae, en i58o Cracovie avec une ddicace, o il justifie la sim-plicit voulue de ses compositions, disant qu'elles s'adressent nonpas aux Italiens, mais au peuple de Pologne simple et casanier .

    (2) Voir A. PoLiNSKi, L'Histoire de la musique polonaise, op. cit.,

    p. g5 et 98.

  • i8

    une attention touchante et fidle je dirai mme avecune vritable pit artistique, il s'ingnie imiter le mou-

    vement de la pense, faire vibrer le contenu lyrique,

    largir le sens sonore des mots, prolonger, en somme intensifier musicalement le charme potique du chef-d'u-

    vre de Kochanowski. Mais le titre de gloire le plus rel

    provient pour Gomolka de son attachement intelligent

    la musique populaire. Un des premiers, sinon le premieren Europe, il a compris Timportance musicale de la cra-

    tion du peuple et il a su idaliser dans des limites ncessai-

    rement restreintes son initiative prcoce mais fconde. Il

    a russi notamment incruster des airs populaires parmi

    des compositions savantes. Mme il n'hsita pas intro-duire consciemment dans la musique sacre des motifs de

    danses populaires. Ainsi la mlodie et le rythme de ses

    nombreux psaumes, les psaumes i6, 47, 81 par exemple

    possdent un caractre musical nettement inspir par les

    chants et les danses des paysans polonais. C'est -pour cette

    raison que Gomika, moins savant et surtout moins appr-

    ci par ses contemporains que tant d'autres compositeurs

    polonais est devenu pour nous le plus grand de sonpays cette poque. 11 est Taudacieux et noble prcurseur

    de Chopin et de Moniuszko (lisez Moniouchko), car leurs

    tempraments, si diffrents soient-ils, puisent aux mmes

    sources de l'inspiration nationale.

    Contemporain d'Orlando Lasso, de Vittoria et du grand

    Palestrina Gomlka reprsente dignement avec Lopoliiaau talent robuste et savoureux, avec Szamotulski, avec

  • 10

    Zielinski (i) rimagination dbordante et entiamme

    la musique polonaise du xvie sicle.

    Au xvir sicle le mouvement musical s'tend, mais enmme temps il perd en profondeur et en force. Les talentsabondent, mais l'ducation musicale est moins solide,

    l'inspiration moins leve, moins pure. La cour royale ne

    rayonne plus avec autant de force et d'clat seulement,en dehors de ce foyer artistique principal, se forme une

    multitude de centres musicaux de valeur ingale : les grands

    seigneurs suivent l'exemple du roi et les nombreux tablis-

    sements de l'Eglise et des Jsuites s'ingnient dpasser en

    magnificence pompeuse Part sobre et vigoureux du sicle

    prcdent. Malheureusement, c'est surtoutle dilettantisme

    facile et ngligent qui profite de cette abondance de bon-

    nes volonts. En effet, dit Polinski non seulement lacour royale et les riches seigneurs entretenaient de nom-breuses musiques et des compositeurs, mais les collges,

    les cathdrales, les abbayes et mme les paroisses de quelque

    (i) Nicolas Zielinski, organiste et directeur de la musique de lar-chevque Barano\vski, ne dans la seconde moiti du xvi" sicle, reutune ducation musicale trs solide probablement Venise chez JeanGabrielli. Il y dita en iGii un recueil de ses compositions marquesd'une inspiration frache parfois impatiente : Partiiura pro organo

    Offertovia iotius anni auctore Nicolao Zielinski Polonu... Veneiiisapud Jacobum \'incentiuu xMDCXl.

  • 20

    importance possdaient chacune, ou peu s'en faut,leur propre compositeur.

    A vrai dire, un grand mouvement artistique se passerarement de la coopration et s'il est permis de dire de la noble complicit des dilettantes. Ce sont prcisment

    les dilletantes, les amateurs, qui crent Tatmosphre o

    peut vivre socialement parlant l'uvre nouveau-ne. Sans eux, sans cette trane d'enthousiasmes, de dis-

    cussions et mme de luttes mles de haines profession-nelles elle serait engloutie par le silence et par le vide.Mais si les amateurs veulent se poser en matres, si le

    sentiment de la mesure et disont le mot de la hirar-chie artistique s'teint compltement, le dilettantisme

    triomphateur nivelle toutes les valeurs : les chefs-d'uvre

    sont noys dans la multitude mdiocre et prtentieuse. La

    quantit tue la qualit. Le got dvie et sombre. C'est

    prcisment cette dviation du got qui commence vers la

    moiti du xvii^ sicle. Elle s'accentue encore au xvnie sicle

    et se termine enfin dans le cours du rgne de Stanislas

    Auguste.

    Il parat cependant qu'on a calomni un peu trop le

    sicle de Sobieski en Pologne. De mme que la littraturede cette poque, mconnue parce qu'oublie ou inconnue ( i ),

    (i) Les graves cvcnements historiques suivie d'une cration nouvelle

    forte et passionne ont pour ainsi dire interrompu la continuit du tra-

    vail et augment les chances d'oubli pour l'uvre touffue et trop abon-

    dante de ces temps. Ce n'est qu'a la fin du xix* sicle qu'on se mit dblayer le terrain, ressusciter ce sicle. Mais prcisment dans le do

  • 21Tart musical a produit beaucoup et parfois des uvres

    d'une haute valeur. En mme temps, le prestige de la litt-rature et de Fart polonais s'tendit bien au del des

    frontires polonaises. Ainsi rappelons en passant que Tart

    musical russe doit un polonais, Nicolas Dylecki (Dyletski

    1 630-1700), les Rgles de la grammaire musicale.

    Au mme Dylecki on attribue Tintroduction du systmemoderne de notation musicale en Russie (2). Bien plus

    tard la fin du xyih^ sicle Joseph Kozlowski de Varsovie

    fi 757-1831), y joua aussi un rle musical trs important.

    Mais, nous htant de traverser la production abondante

    de cette longue priode, nous ne nous arrterons que sur

    deux noms: S. S. Szarzynski (lisez : Chajygnski) et G.G.Gor-

    czycki lisez : Gortchytskii. L'uvre de Szarzynski com-

    pltement oublie ne fut dcouverte qu' la fin du xix.

    Elle consiste en une messe, quelques hymnes, quelques

    airs de concert ,un motet, une cantate et une admirable

    sonate en R majeur pour orgue et deux violons. Ce quicaractrise l'art de Szarzynski ce sont, d'aprs son bio-graphe, l'imagination fconde et d'une allure franchement

    dramatique, l'originalit et la richesse de ses mlodies,

    enfin, une hardiesse d'invention et d'initiative, qui Ton

    peut-tre rendu suspect aux compositeurs routiniers de

    son poque.

    maine de la musique malgr la cration de chaires spciales etmalgr des efforts clairs et multiples la tche n'est que com-mence.

    (2) Cf. H. RiFMANNj Dictionnaire musical, op. cit.^ p. 403-400.

  • 22Mieux connu et surtout mieux apprci par ses contem-

    porains que Szarzyiski fut Grgoire Gabriel Gorczycki.Ses nombreuses messes, motets, hymnes, d'un style reli-

    gieux svre et noble, rappelant parfois les meilleurs mai'

    trs italiens de Tpoque, rvlent une forte personnalit

    musicale et une grande matrise du contrepoint.

    Le xvii'^ sicle a vu s'introduire en Pologne un genre

    musical nouveau celui de Topera et du ballet. Il est vrai

    que pendant un sicle et demi ce genre appartient exclusi-

    vement aux Italiens. Malgr cela il entre, du moins commelment ducateur dans la vie musicale de la socit polo-

    naise. En effet les artistes polonais y prennent part commeexcutants ; d'autres, Elert par exemple, y exercent mmeleurs talents de compositeurs; les auteurs italiens sont

    souvent obligs d'crire pour le public polonais et s'adap-

    tent un peu atix exigences du milieu. Enfin Fopra italien,

    tout en retardant et affaiblissant Tessor de la musique

    nationale influence les compositeurs religieux et prpareainsi le terrain pour les nouvelles semailles. Citons sim-

    plement quelques dates qui nous donneront une ide suf-

    fisante de cette priode musicale.

    C'est au xvc sicle qu'il fautplacer les dbuts des repr-

    sentations musicales en Pologne. En iSyS notammentles Jsuites donnent en leur riche collge de Puhusk (lisez :

    Poultousk) de nombreuses reprsentations des Dialogues

    latins ou polonais, mis en musique par des auteurs polo-

  • nais. Un de ces dialogues , PArbre de la vie^ sorte de mystre crit en polonais contient deux churs dont

    un celui des anges est d'une suavit et d'un gotexquis. De nombreux personnages bibliques prennent part

    ce dialogue musical somptueux : Adam, Eve, Elie,

    Jsus-Christ, Chrubin, des diables, des anges (i). Mal-

    heureusement ces dbuts du drame musical ne tiennent

    pas leurs promesses. Varbre de la vie musicale polonaise

    cde la place une flore trangre luxuriante qui fascine le

    roi, la cour, les amateurs.

    Les premires reprsentations de l'opra italien en Polo-

    gne ne commencent d'ailleurs qu'en 1628 par La regina

    Sant Orsola, l'uvre de Marco de Gagliano. Ds lors, les

    reprsentations se poursuivent assez rgulirement au

    chteau royal de Varsovie. En i633 Pierre Elert, un polo-

    nais, compose un opra dans le got italien : La gloire

    royale ou le triomphe de Ladislas IV . Mais cet essai

    demeure sans suites. L'opra appartient aux Italiens :

    Gagliano et Scacchi surtout.

    Quand les braves bourgeois de Gdansk ^Dantzig) veulent

    fter rentre dans leur ville de la jeune reine (Marie-Louise

    de Gonzague), c'est Topera italien qu'ils ont recours. Et

    dans cette reprsentation de Gdansk, on n'oublia pas le

    ballet patriotique, L'^z^/6' blanc, o un aigle blanc entour

    (8) En mme temps et dans le mme tablissement, on a reprsen-t Achat, une tragdie latine illustr musicalement par le clbre

    compositeur espagnol Vittoria, ce qui prouve l'intensit et le srieux

    de ce mouvement musical en Pologne.

  • 24

    de quatre aigles noirs reprsentent la Pologne et ses pays

    vassaux. Or, ce ballet mme fut compos par des Italiens.Cependant, les rgnes du malheureux Jean Casimir et

    de Jean Sobieski furent moins favorables aux artistes ita.

    liens. Le mouvement ne se renouvelle que vers 1724, l'poque o le roi Auguste II construit Varsovie un di-

    fice spcial pour les spectacles de Topera. Mais les grands

    succs, le triomphe vritable, ne sont remports par l'opra

    italien qu'au dbut du rgne de Stanislas Auguste. C'est alors

    qu'il cesse d'tre un simple divertissement de cour pour

    devenir un besoin rel de la socit claire de Varsovie.

    En mme temps, la force cratrice du gnie nationalcommence se rveiller. En 1778 a lieu la premire repr-sentation du premier opra polonais : La Misre rcom-pense, de Mathieu Kamienski (i).

    L'anne suivante, un second opra Zoska, du mme au-teur est reprsent au Thtre National nouvellement cons-

    truit. Un succs immense les accueillit. D'autres opraspolonais suivront. Stfani (2), Elsner (3), le futur profes-

    (i) Mathieu Kamienski, (1734-1821) a crit huit opras, une messe,quelques polonaises et une cantate pour l'inauguration du monumentde Jean Sobieski.

    (2) Jean Stcfani (1746-1829), aprs avoir srieusement tudi la mu-sique populaire polonaise a crit une dizaine d'opras dont le meil-leurs est Les Cracoviens et les Montagnards, reprsent en 1794.

    (3) Joseph Elsner (1769-1854), a compos une vingtaine d'opraspolonais, une centaine de compositions religieuses d'un style noble,et pur, trois symphonies, quelques sonates et un nombre considra-ble de morceaux pour le piano et pour le chant. Elsner aussi sinspi-

  • 25

    seur de Chopin, enfin Charles Kurpiiski (i), le plus heureux

    et le plus talantueux des trois dpensent le meilleur deleurs forces dans ce but. Le rgne exclusif de Fitalianisme

    est termin. De cet effort sans cesse enrichi rsultera plus

    tard Tuvre forte et dlicieuse de Stanislas Moniuszko.

    En attendant, ct de ce rveil un peu tardif, il est vrai,de la musique dramatique , un large mouvement se

    manifeste dans la musique polonaise en gnral. De nom-breuses socits musicales sont fondes : Varsovie en i8o5,

    o on excute surtout les uvres de Beethoven, Lublin

    en 1816, Cracovie et Kalisz (Kalisch) en 1818. En mmetemps il existe l'universit polonaise de Vilna une chaire

    spciale consacre Tart musical. On enseigne galementla musique TEcole suprieure de Krzemicniec (Kche-

    mieniets). L'cole de chant et de diction fonde Varsovie

    par Elsneren 1816, contribue elle aussi intensifier le mou-

    vement.

    En mme temps, quelques rels talents se manifestent,le prince Nicolas Oginski (lisez : Oguignski) (i765-i833),

    auteur de nombreuses polonaises trs gotes et universel-

    rait souvent de la musique populaire polonaise et la recommandaittoujours l'attention de ses nombreux lves.

    (1) Charles Kurpiiski (1785-1857), composa plus de vingt oprasdont les plus applaudis furent :Le Chteau de C\ors^tynQ\.Hedvige.

    Son uvre se distingue par la facilit mlodique, la clart de com-position et un rel entrain.

  • - 26 -

    lement connues de son temps, Joseph Damse (1788-1852)^auteur d'oprettes et de chansons, le prince Antoine Rad-

    ziwill (1775-1833), auteur d'une partition de Faust (i),

    Marie Szymanowska (1795-1834), (Chymanowska), pianiste

    d'une clbrit europenne, qui composa de nombreuses

    mlodies, des tudes et des prludes pour piano et pour

    violon (2).

    Enfin, en 1821, le premier conservatoire polonais est

    cr Varsovie. Elsner le dirige, Kurpinski y enseigne-

    Les tudes y sont srieuses, le niveau musical trs lev.

    Comme dans presque toute cole, se forme au Conserva"toire de Varsovie, trs vite, une tradition spciale que les

    matres imposent toute une gnration d'lves, mes

    sensibles, musiciens enthousiastes et souvent dous de

    beaux talents. Cette tradition, ou plutt cette atmosphre

    musicale suggre aux lves-compositeurs la fois un

    devoir et une ambition : s'inspirer de la musique populaire

    pour crer la musique nationale. Et tous ils ont' obi cet

    appel. TelIgnaceFlixDobrzynski (Dobjygnski, i8o7'i867),

    compositeur srieux et d'un rel mrite qui crit ses meil-

    leures uvres (les symphonies en Ut bmol majeur et en Domineur] sur des thmes polonais. La mme remarque peuts'appliquer l'uvre d'un Krogulski mort prmaturment

    et la production abondante mais, somme toute, assez

    (i) Il composa en outre, Trois romances fi-anaiscs, La complaintede Marie Stitart et quelques quatuors.

    (2) Elle composa quelques mlodies pour les Chants historiques,

    de Niemcewicz et s'inspira aussi de la posie de Mickicwicz.

  • 2'

    mdiocre (symphonies, mazoureks, polonaises; de Joseph

    Nowakowski fi8oo-i865), connu plutt d'ailleurs commeauteurd'une trs bonne Ecole de piano . Suivant la mmevoie, mais ne sentant pas dans son me un souffle assez

    fort, Kolberg se dvoue entirement une tche en appa-

    rence ingrate et patiemment, pniblement, ramasse et pu-

    blie nous Tavons dit un recueil imposant des mlo-dies populaires polonaises. Entin, si le vritable talent d'un

    Thomas Nidecki (i), ne tint pas ses promesses et dvia,

    c'est principalement parce qu'il abandonna en quelque

    sorte cet idal commun impos par la vie.Ainsi le Conservatoire de Varsovie joua un rle dcisif

    dans le dveloppement de la musique polonaise. Il com-

    battit avec succs le dilettantisme, il releva le niveau de

    l'ducation musicale, il coordonna les efforts et donna une

    base solide toutes les aspirations jusqu'ici parses pour

    crer la musique vraiment nationale. Cet idal ce sontdeux de ses lves qui le raliseront sur des plans diffrents ;

    Chopin d'abord, Moniuszko plus tard tous les deuxsuivis d'une phalange de compositeurs et de virtuoses.

    N Zelazowa Wola (GelazowaWola),le 22 fvrier 1810,Frdric Chopin (i), reut de sa mre, Justine Krzyza-

    nowska), les premires notions musicales et ce qui est plus

    i() Auteur cfune mouvante Marche funbre et d'une cantateSalve Regitia, souNent excute jusqu'ici en Pologne.

    (7) Prnom donn l'enfant en hommage au propritaire de Zela-

  • prcieux le don et Tamour fervent de la musique. C'est Varsovie qu'il termina brillamment ses tudes dans un

    lyce polonais. C'est Varsovie galement qu'il t toute

    son ducation musicale. Son enfance et sa jeunesse se pas-

    srent soit la campagne au milieu des plaines de Mazo-vie, soit dans la capitale hroque de la Pologne. Les deux

    milieux se compltaient admirablement. Ce que les ma-tres lui enseignaient au Conservatoire Chopin en prenaitpleine conscience et le vivifiait en quelque sorte pendant

    ses longs mois de vacances. L, il s'assimilait le secret du

    contrepoint, l'art de l'harmonie et de la composition. Ici

    il prenait contact avec le double aspect de la ralit musi-cale polonaise :y/r^n2ze' ^'/77.s'^/r

  • 29 virtuose accompli et dj l'auteur de quelques chefs-d'u

    vres, Chopin se fixa en France avec toute la fleur decette gnration polonaise. C'est donc l'tranger qu'est

    ne la plus grande partie de son uvre comme celle de sesgrands compatriotes contemporains : Mickiewicz Slo-

    wacki, Krasinski,Zaleski, Mochnacki, Lelewel,Norwid (i).

    Comme eux, il a exprim mais dans une langue univer-sellement intelligible l'me alors meurtrie de la Polo-gne, cette intraduisible tQsknica polonaise, rehausseencore par la nostalgie profonde de toute la gnration

    qui a senti l'amertume du dsastre. Seul un polonais a dit Liszt pouvait crire la Marchefunbre de Cho-pin. En effet, s'il est un privilge que la Pologne a gardintact depuis un sicle c'est celui de la souffrance. Etaujourd'hui mme, avec la retraite dvastatrice des armesrusses, avec la terrible menace allemande, avec la lutte

    fratricide impose par l'iniquit des partages c'est encoreen Pologne que s'lve le sommet de la douleur. Chopina comme pressenti cette dvastation issue du grand crimeeuropen (je pense aux partages). Ce n'est pas tant la cl-bre Marche funbre de la sonate en Si bmol qui la tra-

    duit, mais bien plutt le final de cette sonate; Chopin yvoque, comme dans une hallucination prophtique, cedsert sans borne o le vent de novembre semble se pro-

    mener dans une solitude aveugle et dsole.

    (i) Rappelons que Chopin, composa 17 mlodies exclusivement surdes paroles de potes polonais, de Mickiewicz notamment.

  • 3o

    Mais non plus que la plainede Mazovie et que la musique

    populaire polonaise l'uvre de Chopin n'a la mono-tonie sombre de la mort. Elle ne reflte donc pas exclusi-

    vement Tme de la Pologne souffrante.

    L'enthousiasme, la force, l'obstination de vivre et la pas-

    sion de vaincre rsonnent haut dans tout l'difice musical

    cr par Chopin. Les sanglots nostalgiques de quelques

    prludes (les prludes en Mi mineur et, Si mineur parexemple), la magie crpusculaire des Ballades, les songes

    enlumins des Impromptus et la douceur rsigne de certains

    nocturnes (en Sol miner^ par exemple) ne font que mieux

    ressortir cette force vitale qui dborde et dramatise son

    uvre. Presque toutes les polonaises et les mazoureks,plusieurs tudes et jusqu' certains nocturnes en sont

    l'affirmation saisissante. En effet, l'nergie et la majest de

    la polonaise en La majeur V\n imptueux de celle en La

    bmol majeur qui voque quelque charge hroque des

    anciens hussards polonais ails (i) et prompts, la joie

    sonore de l'impromptu en Fr ou la srnit

    sublime et dlicieuse du nocturne en Sol majeur rvlent

    divinement cet aspect peut-tre moins immdiat mais plus

    profond de la musique chopnienne. Mais o la passion

    de la vie atteint son expression la plus puissante et la plus

    dramatique c'est dans la sonate en Si mineur^ dans son

    final surtout. Souvenez vous de ce mouvement rapide,

    (i) Ceci n'est pas une simple mtaphore; des ailes de trs grandes

    dimensions faisaient partie de Tarmure du hussard polonais

  • 3i

    tenace, infatigable, o les sons se prcipitent comme untorrent, fils des hautes cimes : il jaillit leste et fougueux,

    bondit sur les abmes, se cabre en une tempte blanche

    devant les barrires de granit et s'en va vers la plaine cu-

    mant et fou !..

    Plus sensiblement, plus intimement encore Tuvrede Chopin est lie la Pologne par son aspect harmonique

    par la structure intrieure des harmonies, des modu-lations, des dissonnances.

    Ici se rvle la parent troite, Taffinit profonde et

    mystrieuse de la musique chopnienne avec la langue

    maternelle du matre.

    La langue polonaise n'est pas directement mlodieuse,

    chantante, riche en voyelles qui crent l'harmonie pure,

    facile et dlicate, la joie sensuelle et passionne de Tita-

    lienne. Le vritable berceau musical du polonais ce furent :

    la plaine, la grande fort, le vent, la tempte... Mais c'est

    surtout la vie sonore de la fort qui s'incarne dans la lan-

    gue de Mickiewicz. Son tonnante richesse en dissonnances

    relve de ce milieu. De l provient galement cette abon-dance luxuriante en consonnes qui dans chaque mot

    semblent conspirer contre l'appareil vocal de l'tranger.

    Tantt elles s'entrechoquent, luttent, se cabrent en des

    sons durs et rauques, tantt elles s'organisent et s'unissent

    pour rejaillir en de vritables fuses sonores, clatantes et

    pittoresques, tantt enfin elles s'parpillent, se brisent et se

    dissolvent en murmures et en bruissements, qui s'teignentau sein mme du silence... Parfois de tout cet orches-

  • ^2

    tre chuchottant et bruissant se dtache un soupir ten-

    dre coup par un siflement strident et inattendu, ou s'ex-

    hale quelque plainte brve, retombant aussitt en une

    cascade de caresses lines qui rdent avec le vent travers

    le feuillage. Ou encore toute cette foule de thmeset de motifs musicaux se tord sous une pousse de pas-

    sion, se transforme en grondements lointains, en souffles

    larges allant crescendo vers une mlodie intense au rythme

    martel de Forage et se termine par les sons purs et forts

    d'un ^vT^niot (gjmotej ou grom (grome) au choc puissant

    et irrsistible.

    En d'autres termes c'est la vie sonore de la fort,riches en dissonnances, en modulations dlicates et inat-

    tendues, la vie musicale intense et multiple, toute sature

    de chromatisme fluide, qui se reflta, qui se matrialisa

    dans la langue polonaise.

    Mais cette prodigieuse opulence sonore du polonais,

    cette vie musicale dissonnante, large et capricieuse ne se

    rpte-t-elle pas en quelque sorte symtriquement dans l'uvre de Chopin. La premire impression musicale

    de sa vie ce fut sans doute la voix de sa mre qui la luiapporta avec les petits mots polonais caressants et tendres.

    Puis, lve d'un lyce polonais de Varsovie dirig parLinde (i). Chopin rdigea ( Szafary pendant ses vacan-ces) une petite revue p(>lonaise, le Kurjer S^afarski, o il

    (i) S. B. LiNDR fut l'auteur du grand dictionnaire de la langue

    polonaise.

  • s'amusa crire et illustrer de charmantes et spirituelles

    chroniques de vacances. Et dans la suite, il deviendra unadmirateur fervent des potes de son pays, et surtout de

    Tme sublime de Mickiewicz possde par le gnie mmede la Pologne.

    Ainsi ds son enfance Chopin recueillit et s'assi-mila les valeurs musicales du polonais pour les univer-

    saliser plus tard en crant le monde vivant de son uvre.En effet, si Ton contemple Taspect harmonique de Toeuvrechopnienne l'atmosphre bruissante du polonais peu peu nous enveloppe et nous fascine.

    Ce caractre ressort surtout dans les Etudes, dans les

    Ballades la troisime en particulier dans maintsPrludes et Nocturnes, dans les Impromptus celui enFa di:{e majeur par exemple, dans le clbre scherzoen Ut mineur et dans les Sonates le Final de celle enSi bmol mineur surtout.

    Parmi des couleurs crues et des dissonnances dcisives,

    autour de solutions harmoniques pour ainsi dire fatales

    tourbillonnent des bruissements chromatiques, descadences mourantes, des passages fluides et scintillants :

    tout un panouissement tumultueux de sonorits vier-ges et complexes, vocatricesde la symphonie ternelle de

    la fort.

    Et mme, quand de toute cette fascination ondoyantes'lve un mouvement mlodique dessin un peu l'ita-lienne le fond du paysage musical n'en demeure pasmoins trangement vocateur de quelque clairire soudai-

  • -34-nement ensoleille et remplie des sons d'un chalumeau mais entendus alors comme travers le flux des blsmouvants, qui semblent avoir appris la douce et bruissante

    caresse de la langue polonaise. Car la mlodie leplus souvent n'est chez Chopin qu'une accalmie cl-mente de Tme, ou plutt qu'une nostalgie de Tapaisement

    exprim par un unisson exceptionnel et passager de tous

    les lments sonores qui s'entrecroisent, qui luttent et qui

    dramatisent ternellement la vie du polonais. Parfois il est vrai la mlodie rsulte aussi d'une sorte de victoired'un thme qui se dgage de l'treinte passionne de la

    complexit sonore de cette vie, celle-ci tant toujours

    complexe, multiple et dramatique.

    Ainsi la musique de Chopin est lie jamais au caractre

    sonore de la langue polonaise. De mme que Palestrinaexprime la grce fluide et la noblesse divine de l'italien, de

    mme que Berlioz suggre l'lan irrsistible, le tempra-ment passionn et logique du franais, de mm'e enfln que

    Wagner traduit la richesse compacte et le terrible Ges-chrei de l'allemand l'uvre chopniennc vit et respiredans le milieu sonore de cette langue s:{elestna (chelestna)

    exmocarna^ qui incarne l'me tendre et forte de la Pologne.

    En somme Chopin, a recueilli l'inspiration du peuplepolonais; il l'a dveloppe, ennoblie et agrandie, sans ja-

    mais rompre les liens qui la rattachent au sol national.

    Mais si ces liens sont visibles dans le dessin mlodique,

    s'ils s'accusent dans le caractre harmonique et sentimental, ils rcssortent plus clairement encore dans la structure

  • rythmique de l'uvre de Chopin et de la cration sponta-

    ne du peuple. C'est ainsi que dans ses mazoureks et ses

    polonaises on retrouve non seulement le mazourmais aussi

    le kujawiak etToberek populaire (i). Par le rythme, son in-

    spiration atteint les sources les plus profondes et Fessence

    mme de la vie polonaise. Il y a mme chez lui une particu-larit rythmique qui semble traduire l'lment le plus insai-

    sissable du temprament polonais. C'est le tempo riibato;

    Texcutant emprunte en quelque sorte une partie de la

    mesure au temps voisin, pour appuyer, pour prolonger la

    mesure suivante; il accentue tantt une mesure tantt une

    autre d'une manire en apparence imprvue et arbitraire,

    mais qui dessine en ralit les mouvements les plus intimes

    de la vie intrieure. L'instabilit, la fluidit mme des tatsd'me se traduisent ici exactement par le contour et Tin-

    tensit de Tinspiration sonore. Cependant, le cadre flexible

    et mouvant du rythme soutient et modle le flux amorphe

    de la vie, fait ressortir son sens intrieur et en quelquesorte sa valeur sociale,.. Car le rythme est la discipline peut-tre mme la seule discipline cratrice derhomme libre! C'est ainsi que l'uvre de Chopin reflteune fois encore l'aspiration indracinable de l'me polo-

    naise : disposer de son destin individuel et collectif selon

    le rythme naturel qui signifie : la libert.

    (8) Il empruntait aussi le rythme du krakowiak (la cracovienne,danse de la province de Cracovie), mais trs rarement d'ailleurs,

    tant tranger cette province : ce qui atteste une fois de plus sa

    communion intime avec la terre natale.

  • Et Schumann avait certes raison : les nergies receles

    dans la musique de Chopin, ce sont bien des canons cachs

    sous les fleurs. En effet, son uvre raffermit la volontnationale, en exprimant la vie de la nation toute entire:

    tantt rimmense labeur des multitudes, tantt la prire

    large et caressante des bls cdant au souffle de Torage,

    tantt le mystre des forts, et les mystres de sa langue

    tantt enfin son effort hroque et continu pour vaincre c'est-

    -dire pour vivre.

    Stanislas Moniuszko(Moniouchko), (1819-1872), sous les

    rapports du genre et de l'inspiration complte en quelque

    sorte Tuvre de Chopin.

    En tant que musicien, Chopin fut avant tout, un fils deMazovie et de Kujavie de ces provinces qui ont suggr,

    sinon dtermin, le caractre rythmique et mlodique de son

    imagination musicale. S'il s'inspire parfois des chants popu-

    laires d'autres contres (de Cracovie par exemple) c'est plu-

    tt indirectement qu'il en prend contact, lien est tout autre-

    ment de Stanislas Moniuszko. N Ubiel dans la province

    de Minsk, presque aux conhns de l'ancienne Rpublique

    polonaise, il respira ds son enfance l'air de ces contres

    lithuaniennes qui ont enrichi la civilisation polonaise

    tous gards : science, littrature, art, instruction publique.

    L'cole lithuanienne, honore par le gnie de Mickiewicz

    est mme devenue reprsentative de toute la posie polo-naise. Une autre, celle de l'Ukraine, formeparMalczewski

  • -37-(Maltchewski),Zleskiet Goszczynski (Gochtchygnskl), et

    dont le caractre rgional fut plus accentu, dota leslettres polonaises d'une expression potique de la steppe.

    Or, Moniuszko, en musique, reste toujours un peu un

    reprsentant des ATre^;^, ces Marches rfe TJ^i"? polonaises.

    Elve du Conservatoire de Varsovie, plus tard professeur

    d'harmonie la mme cole, recueillant tous ses grandssuccs dans la capitale polonaise, utilisant enfin largement

    les thmes des mazours, des krakowiaks, des polonaises, il

    garda nanmoins au fond de Tme une disposition mlodi-

    que spciale si diffrente de cet esprit tumultueux, de cette r-

    volte constante qui couve sous la gat d'un mazour ou la

    plainte capricieuse et ironique d'un Kujawiak. Ce quiau contraire semble attirer avant tout son imagination

    musicale si tonnamment fconde c'est cette mlan-colie neigeuse vocatrice tendre des lointains blancs et

    rsigns.

    Il y a alors chez Moniuszko moins de complexit, moins

    d'lgance et surtout moins de raffinement rythmique,

    enfin peut-tre moins de dramatisme latent que dansl'uvre de Chopin. Il possde, par contre, une richesse

    d'inspiration mlodique et une facilit cratrice inouies;

    un soufle large, frais, ondoyant et qui apaise. Ses mlodies,

    ses chants, mme les plus imprgns de tristesse semblentvoquer toujours la solidarit profonde de l'homme et de

    la nature : un sanglot dirait-on qui s'teint au con-tact dlicat et caressant de la brise bien plus un san-glot qui se transfigure en sourire. Car Moniuszko n'est pas

  • 38

    un pur lgiaque. La gat franche et l'entrain joyeux ne

    lui font point dfaut. Il possde en outre une qualit pr-

    cieuse qui lui assurera le succs dans le genre de l'opra :

    le don de la peinture musicale des caractres. Alors prci-

    sment ce que Chopin, malgr les instances de ses amis, n'a

    mme pas voulu aborder, Moniuszko le cultiva et y excella,en compltant ainsi l'uvre frmissante du magicien du

    piano. L'opra polonais, n vers la tin du xvin^ sicle seu-

    lement malgr des efforts multiples et souvent heureuxfut encore bien au dessous du niveau normal de la

    musique de ce temps. Le rgne de l'italianisme semblait

    peser trop sur les compositeurs et gner surtout le libre

    essor de leur originalit nationale. A vrai dire, mme chezMoniuszko, la conception gnrale du genre ne diffre point

    ou diffre peu de celle d'un Meycrbeer ou d'un Verdi.

    Mais cette forme consacre, il a su prter je ne sais quel

    air familier et tendre; il russit l'imprgner, la remplir

    tellement d'une sensibilit toute polonaise et d'un souffle

    comme surpris sur les vastes plaines du pays que l'origi-nalit du caractre musical de la Pologne y apparat puis-

    samment.

    C'est ainsi que fut compos Halka (i) l'opra le plus

    populaire en Pologne, ce vritable Carmen polonais, o

    avec une grce pathtique et dlicieuse, l'auteur peint

    musicalement l'amour tragique d'une paysanne pour un

    (8) Halka, fut pour la premire fois donne en concert Vilno, le

    20 dcembre 1847, ^^ ^^ f^^ reprsente que dix ans plus tard, Varso-vie, k r' janvier i858.

  • -39-chtelain noblt; et insouciant. La cause du succs fou-

    droyant de Halka (plus de mille reprsentations Varso-

    vie) rside surtout en ceci : en Tcoutant, le public yretrouva sa propre sensibilit musicale et y reconnut Timage

    de sa propre vie mlodique, agrandie et tidlement repro-

    duite dans une sorte de miroir magique qui reflterait les

    sons et les rythmes. Mais il y a plus. Ce qui augmente la

    saveur spciale des opras de Moniuszko, c'est cette ten-

    dance manifeste reprsenter dramatiquement et peindre,

    suggrer musicalement la vie particulire de la socit

    polonaise. Dj dans Halka, le caractre brillant et lger

    de la noblesse est magistralement oppos la simplicit

    forte et dramatique de Tnie populaire. Mais o la force

    de suggestion et la finesse des couleurs musicales ressortent

    pleinement, c'est dans la Comtesse , sorte d'opra sati-

    rique. L'intrt principal repose dans cette pice sur un

    conflit entre le milieu lgant et corrompu de la Com-tesse et celui de l'ancienne tradition moins raffin, mais

    frmissant d'amour patriotique.

    Les mmes qualits, l'art de peindre musicalement lescaractres et le milieu social apparaissent dans Verbum

    nobile et dans le Chteau hant . Le premier est untableau musical de la vie des nobles anim par l'humour po-

    lonais, cet humour spcial, presquedpourvu d'ironie et de

    malice, etqui aideprcismentsupporterlemal.Enhn, le

    Chteau hant,l'uvre la plus mre peut-tre de Moniuszko

    est comme la synthse de tous les lments de son gnie.Son inspiration mlodique y esten parfait quilibre avec ses

  • 40

    dons prcieux de peintre dramatique. Cependant ce quicaptiva avant tout le public, ce fut la srnit un peu gravedu ton gnral de la pice, et surtout les airs, d'une grce,d'une suavit souvent dlicieuses. C'est qu'en ralitMoniuszko fut avant tout un incomparable crateur-improvisateur de mlodies . Il composa en dehors deses opras, de trs remarquables Messes, Litanies, et sept

    grandes et belles Cantates, dont deux sur les chefs-d'u-

    vre de Mickiewicz : lesAieux (Les Spectres i et Kon-rad Wallenrod . Mais c'est surtout son riche et toujoursvivant trsor de mlodies qui affirme sa place trs leve

    dans la musique polonaise. En ralit, chez Moniuszko,la communion de 'l'imagination musicale et du tempra-ment polonais est si intime, que peu peu certains de sesairs, semblent se dtacher de son uvre pour tomber enquelque sorte dans la proprit anonynie de toute la com-munaut musicale polonaise.

    En somme si l'uvre de Chopin est une gniale trans^figuration des chants et des rythmes populaires, celle de

    Moniuszko est comme \xn prolongement naturel et path-tique de la cration du peuple, sans que la rupture de

    continuit cratrice y soit perceptible.

    Avec Chopin, Moniuszko et plusieurs de leurs contem-porains compositeurs ou virtuoses, la musique polonaise

    remonte au niveau de la vie musicale europenne. Bien

    plus: travers le gnie enchanteur de Chopin, le mouvement

  • - 41

    polonais, le souffle musical du peuple polonais exerceront

    une influence profonde, quoique discrte, sur les grands

    matres de la musique contemporaine. L'cole Scandinave

    (Grieg), l'cole russe (Skriabin, Arensky, Rachmaninoff)

    mme Wagner; {i) et quelques Italiens s'inspirent souventet heureusement des initiatives musicales chopniennes.

    Il en est de mme en Pologne o Norwid (2) proclamal'uvre de Chopin comme gnratrice d'un art vraimentnational (3). Il va de soi, que le mouvement musical polo-

    nais, subit son tour l'influence des grandes initiatives

    trangres, et suit l'attraction de personnalits cratrices

    minentes. A l'italianisme, succde l'engoment pourMeyerbeer, pour Schubert, Mendelssohn et Verdi; puis

    arrive Wagner. L'cole franaise, son tour, agit fortement ;enhn, l'cole moderne russe depuis Tchakowski, et la

    mme poque, Richard Strauss, acquirent un rel prestige.Mais o il y a la vie, le jeu des influences signifle la lutte ;

    et lutter, c'est dans ce cas, discerner, assimiler ou repous-

    ser. Alors, diverses alternatives se prsentent : s'enrichir ou

    perdre un peu de son nioi, crer, en dominant ou fabri-

    quer en copiant en somme vaincre et grandir, outre vaincu. Cette question des influences ou plus exac-

    (i) Cf. Z. Jaciiimecki, Rys^aid Wagner, Lcopol, Varsovie, 1911,p. 231.

    2) Norwid, pote et peintre polonais (i82i-i883) admirateur enthou-

    siaste de la musique et auteur d'un pome vibrant : Le piano de Cho-pin, crit en i865.

    (3) Dans P)-ometliidio)t, pome crit en i85i.

  • 42

    temeiit des contacts et des luttes, ressort avec une inten-sit spciale en Pologne, dans ce pays, qui par sa situation

    gographique, est en quelque sorte destin au rle de car-

    refour des civilisations.

    Mais nous ne nous engagerons pas dans ce sujet com-

    pliqu et ardu. 11 suffit ici de remarquer tout simplement

    qu' travers ce flux d'activit musicale, tumultueux et scin-

    tillant, perce toujours une tendance gnrale dont la stabi-

    lit mme assure la victoire: Vattachement de plus en plussr, rflchi et multiple l'inspiration populaire, en

    mme temps que /'

  • -43-Tatry. Une race forte et nave, imptueuse et commeinspire directement de libert et de vie une race par-lant une langue polonaise pure, cristalline, aux accents

    qui semblent apporter Tcho lointain du moyen-ge cette race a conserv intacts, au milieu de ses montagnes,

    les coutumes anciennes et l'art primitif, original et savou-

    reux. Sa musique, ses chants, ses danses aux accents rudes

    et saccads, pleines d'un mouvement passionn et drama-

    tique, devaient ncessairement largir et enrichir Tinspira

    tion de la grande plaine polonaise.

    Enfin, ce mme but, la formation d'une Ecolepolonaise contemporaine, ou tout au moins de Tin-cessant devenir musical polonais contribuent encore cette

    tendresse et cette pit spciale que les musiciens polonais

    vouent l'uvre de Chopin. Il en rsulte une ambition

    secrte et quasi hroque de continuer, de dvelopper la

    grande initiative musicale chopnienne. Et mme, il se

    forma en Pologne, une tradition spciale de comprendre,

    de contempler, de rvler et de vivre l'uvre de Chopin.

    Car, je cite les paroles les plus autorises : ... Aucunn'a su rendre cQXie arythmie [arythrae del vie polonaise)

    avec plus de force que Chopin et, ... C'est dans cette

    musique que notre nation, notre terre, la Pologne entire,

    vit, sent, agit in tempo rubato (i).

    (i) Ignace Jean Paderewski^ A la mmoire de Chopin, discours pro-nonce le 23 octobre 1910 Lcopol (Lw6\v). Paris, Agence polonaise

    de Presse, 19 11, p. 8-9.

  • -44-

    En suivant le plan de ce travail, quelque sommairequ'il soit, il faudrait certes une tude spciale pour indi-

    quer Teffort musical contemporain en Pologne. Cependant,

    il serait regrettable d'abandonner cette esquisse, sans avoir

    not ft-ce des plus rapidement quelques nomsreprsentatifs ou qui promettent de l'tre.

    Revenons l'poque de Moniuszko, pour citer d'abord

    lesfrresKqtski,(Kontski) Antoni (i8i 7- 1899) et Apollinaire

    (i826-i879^Leurs compositions plutt, mdiocres,devaient

    une vogue considrable (le Rveil du lion, par exemple) la

    clbrit mondiale des frres Kqtski, comme virtuosespianiste et violoniste. Cependant, Apollinaire Kqtski a

    rendu un grand service comme rnovateur et directeur duconservatoire de Varsovie, Les mmes succs clatants,bien qu'phmres, furent obtenus pai un violoniste polo-

    nais, Charles Lipinski, mule-contemporain de Pganini,

    et auteur talentueux d'un grand nombre de compositions,

    dont le Concert militaire est apprci encore aujour-

    d'hui.

    Par contre, la clbrit de H. Wieniawski (i835-i88o)

    semble beaucoup mieux fonde sur son uvre peu volu-

    mineuse, sobre, forte et lgante. Citons son Kujawiak,

    imptueux et dlicat, sa charmante Lgende, ses deux

    concertos, ses mazureks et ses polonaises, pleines d'un

    noble lan et d'une grce potique irrsistible.

    Alexandre Zarzycki (Zajytski 1834- 1895) fut un dlicat

  • _ 43

    et un fort. C'est un compositeur srieux, consciencieux et

    dou en mme temps d'un sentiment potique exquis.Loin de possder l'abondante facilit cratrice d'un Mo-niuszko, Zarzycki travailla pour ainsi dire en profon-

    deur , s'appliquant vaincre les difficults; dominer

    compltement la forme. Sa suite pour orchestre , ses

    krakowiaks , son concerto pour piano et surtout ses

    limpides mlodies polonaises , lui ont valu, non pas

    certes l'admiration tapageuse du grand public, mais le

    dvoment sr d'un groupe d'admirateurs clairs.

    Zarzycki reprsente une priode en quelque sortes tran-

    sitoire. Une nouvelle gnration musicale se forme autourde trois noms marquants: Zelenski (Gelegnski) nen iSSy,Noskowski (1846) et Jarecki (1846).

    Le premier, professeur au Conservatoire de Varsovie,

    puis directeur du Conservatoire de Cracovie, composa

    quelques opras, dont un surtout, Goplana , tir de

    Balladyna (i) de Slowacki, a obtenu un grand succs

    bien mrit. C'est une pice forte et brillante o peut-tre

    un certain excs de virtuosit voile quelque peu la struc-

    ture limpide de Tuvre.

    Zelenski a crit une ouverture Tatry , beaucoup de

    cantates, de messes, hymnes, quelques quatuors, trios, so-

    nates, prludes, un grand nombre de mlodies qui ontrencontr un accueil chaleureux auprs du public polo-

    (i) Balladyna, draine fantastique et lgendaire, plein d'une imagina-

    tion envole, souple et avec en mme tenips, un tour d'ironie l'Arioste.

  • - 46 -

    nais. En outre, il s'occupa de pdagogie musicale. Le grand

    talent de Zelenski fut soutenu par une science musicale

    profonde, acquise surtout Prague et Paris. Dou d'une

    imagination plus facile et claire que puissante, d'un got

    dlicat, sr et cultiv, d'une sensibilit vive et sincre.

    Zelenski laissa une uvre d'une facture impeccable, d'une

    relle valeur motive et d'une grande importance duca-

    tive.

    Noskowski avec le mme grand savoir musical, affirmeune personnalit musicale toute diffrente : robuste, sin-

    cre, parfois un peu compacte et complique.

    Elve de Moniuszko et plus tard de Kiel, il obtient ses

    premiers succs Berlin (La Symphonie en La majeur). Il

    est cette poque connu et apprci par Liszt, qui ex-

    cute Weimar, ses Krakow^iaks et Taide mme lespublier. Cependant Noskowski revient bientt Varsovie

    pour tre directeur de la Socit Musicale et professeur de

    composition trs apprci au Conservatoire. Son oeuvre

    est presque aussi abondante et aussi varie que celle de

    Zelenski. En dehors de deux opras et d'une dizaine de tableaux scniques , ballets et oprettes, Noskowski

    composa quelques symphonies et pomes symphoniques

    dont la Steppe et les Variations libres sur le thme

    du prlude en La majeur de Chopin , toutes deux d'un

    soutiie large et d'un solide travail polyphonique, consti-

    tuent l'expression la plus complte de son talent. Il a pu-

    bli en outre un grand nombre de danses polonaises et de

    mlodies, ainsi qu'unrecueil d'airs pour enfants . Ecrits

  • nonchalamment sur des paroles mouvantes de Mme Ko-nopnicka ces airs sont de vrais petits chefs-d'uvre degrce, de simplicit, de got et parfois d'une force drama-

    tique inattendue.

    La facult matresse de Henri Jarecki est, me semble-t-il, le sentiment-instinct des valeurs mlodiques.

    Elve de Moniuszko, il a adopt une forme large, sim-

    ple, limpide o son me grave et lyrique peut se manifes-ter loisir. Il me parat d'ailleurs, le plus proche de latradition musicale de Moniuszko, avec cette ditfrence qu'il

    ne partage pas l'horreur de son matre pour la musique

    wagnrienne. Nomm trs jeune, chef d'orchestre duthtre polonais de Lopol, il composa des opras, des

    cantates et surtout beaucoup d'illustrations musicales, de

    drames de Sl'owacki et autres auteurs polonais.

    L'uvre de ces trois matres, surtout de Zelenski et de

    Noskowski accuse un ensemble de tendances acadmi-

    ques si l'on peut dire, o le souci de la forme, de la com-

    position et du style l'emporte sur le libre lan de l'inspi-

    ration.

    Beaucoup plus jeune que ces matres, L J. Paderewski

    (n en 1860) travaille un peu l'cart. Pianiste d'une

    clbrit mondiale, le grand patriote polonais, Paderewski

    je cite les paroles d'un critique parisien (i) fut avanttout un compositeur . Peut-tre lui arrive-t-il ce qui

    (i) Flicien GnTTiv, Mtisica, avril 1904.

  • -48-adviiit Liszt : la fascination blouissante du virtuose ne

    voilerait-elle pas un peu la valeur du compositeur. Son

    uvre, sans tre trs abondante est pourtant considrable.

    Son opra Manru sa symphonie enSi majeur, sa. fantai-

    sie polonaise pour piano et orchestre, son Concerto en La

    mineur pour piano et orchestre, sa sonate piano-violon,

    ses Danses polonaises, son Album des Tatry, son brillant Thme vari ses mlodies et tant d'autres oeuvres, for-mentun ensemble riche et d'une physionomie bien distincte.

    C'est un sentiment de plnitude et de grandeur un peu

    somptueuse qui s'en dgage, l'impression d'un quilibre

    parfaitde l'art et de l'inspiration, d'une harmonie intrieure

    des forces cratrices multiples et richement orchestres.

    Son got raffin et dlicieusement complexe et surtout,sa volont tenace d'atteindre la perfection de la forme et

    la puret du style, me paraissent quelque peu amortirson temprament de compositeur, et comme estomper laspontanit de son imagination musicale. Parfois cepen-

    dant un souffle imptueux et large, un dbordement inat-

    tendu de vie sonore, une plainte nostalgique qui ne veut

    pas dgnrer en cri semblent rvler quelque orage

    enseveli dans l'me tendre et passionne de l'artiste.

    A cette orientation musicale cre par Chopin et Mo-niuszko, et affermie par Zelehski, Noskowskiet Paderewski,

    se rattache un grand nombre de compositeurs, pour la

    plupart lves du Conservatoire de Cracovie ou de Varso-

    vie, tel par exemple Sigismond Stojowski, dont l'uvrepianistique et orchestrale, d'une inspiration abondante et

  • 49

    d'une facture solide, accuse certaines influences de la

    musique moderne franaise, tel Henri Opienski, musicolo-

    gue et chef d'orchestre distingu, auteur de nombreuses

    mlodies, de quelques pomes symphoniques de l'opra

    Maria et des Scnes lyriques en forme de quatuor dont l'uvre dnote une relle science musicale, un got

    raffin et sr, tels Statkowski, auteur d'opras, Melcer,Nowowiejski tous deux laurats de divers concours Ber-

    lin, Leipzig, (Lipsk) Londres tel Surzynski (Soujy-gnski) tout dvou la musique religieuse tel encorel'excellent chef d'orchestre et violoniste Emile Miynarski

    (ancien directeurdu Conservatoire de Varsovie) dontl'uvre

    mlodieuse et sobre continue dignement la brillante ligne

    des compositeurs-violonistes : Lipinski,Kqtski,Wieniawski

    et Gorski.

    Bientt cependant ds les premires annes duxx si-cle au milieu de ces aspirations multiples et de cet effortassez diffus s'annonce un nouveau courant : la JeunePologne (i). La formation de ce groupement me paratlie d'une manire assez troite l'accroissement de l'acti-

    vit musicale Varsovie, accroissement qui s'est produit

    aprs la fondation de la Socit philharmonique. Cette

    socit construisit en igoi un difice spcial avec une

    salle de deux mille auditeurs et organisa un grand orches-

    tre symphonique. Dsormais Varsovie attire les virtuoses

    (i) Ce nom voque celui de la Jeune Po/og^we littraire, un vastemouvement d'ides et d'art qui se forma et s'panouit antrieurement.

  • 5o

    clbres du monde entier et devient un des grands centresmusicaux de l'Europe (2).

    Or, la Jeune Pologne trouve dans la philharmonie un

    champ d'observations musicales et un stimulant prcieux,

    ce qui se manifeste d'ailleurs bien vite par l'abandon visi-

    ble du genre opra au profit de la musique symphonique.

    Ces Jeune Pologne rompent d'abord plus ou moins

    franchement avec l'attitude acadmique, lgante et

    impassible. Tout en se passionnant pour des problmes de

    thorie et surtout pour les procds nouveaux d'orchestra-

    tion ils proclament la souverainet de l'inspiration etde la libert cratrice sur le souci de la forme et du

    style.

    Ils veulent des contacts plus francs, plus directs et plus

    audacieux, avec le mouvement moderne europen. Loin

    pourtant de ngliger la tradition chopnienne, ils veulent,

    au contraire, l'exalter et l'approfondir. Ils s'efforcent en

    mme temps, d'exalter et d'affiner le caractre nationalde la musique polonaise, en dcouvrant et accusant des

    aspects jusqu'ici ignors ou inaperus du gnie populaire.

    C'est dans cette perspective cratrice, sinon d'aprs ces

    affirmations, formules un peu catgoriquement, que se

    dirigent quelque stalents sincres et de fortes personnalits

    artistiques : Mieczyslaw Karlowicz (Mietschyslaw Karlo-

    (2) En dehors de la philharmonie, du Conservatoire, du grand opra,et du thtre d'oprettes, existe toujours Varsovie Tancienne Socit

    Musicale, institution d'une importance particulire et qui dirige une

    cole de musique, sorte de Schola Cantorum polonaise.

  • witsch) rveur grave et chopnien fervent. Dans ses sym-

    phonies et pomes symphoniques, il tmoigne d'un savoir

    profond et averti de toutes les initiatives nouvelles. Com-positeur d'une grande lvation de sentiment et d'une ori-

    ginalit digne, sobre, qui s'abstient de vouloir se surpasser,

    ou mme de paratre autre qu'elle n'est. Passionnmentpris des Tatry il y fut enseveli encore jeune par une ava-

    lanche.

    L. Rzycki (Roujytskij, personnalit musicale exu-

    brante, talent sduisant, facile et primesautier, dnote

    une impressionnabilit rceptive, un peu dangereuse. Son

    scherzo pour orchestre, le Stahczyk m'a paru d'un

    admirable coloris orchestral : des scintillements de modu-

    lations, dans une gamme gristre et moire.Les mlodies d'Eugne Morawski, chercheur compli-

    qu et nostalgique, exhalent parfois un charme sombre et

    comme alourdi de dsespoir.L. M. Rogowski est un ironiste sensible d'une mor-

    hide:{:{a suggestive et raffine. (Prludes, Rflexions musi

    cales, Conte romantique et Conte merveilleux). Il vit

    voluptueusement dans le monde de ses fascinations enlu-

    mines d'un rythme complexe et d'une inspiration trange,

    en s'abandonnantde temps autre un mouvement pique

    large et tumultueux d'Ave vital, ou sobre et pathtique

    (la Suite blanc-ruthnienne et les Mlodies).

    L'uvre de Charles Szymanowski fChymanowski) compositeur d'une rare puissance cratrice et d'une force

    dramatique imprieuse rvle une conception presque clas-

  • siqiie de la forme. (Sonates en Do mineur et en La majeur et

    Variations sur des thmes des montagnards des Tatry).

    Pourtant cette forme est toujours remplie d'une vie sonore

    frmissante, d'une saveur toute romantique (comme dans

    ses Prludes), mais le plus souvent intense et passionne.

    Ainsi, loin de s'puiser dans un attachement trop troit

    la tradition nationale, ou de dvier dans Timitation

    creuse des matres trangers, l'uvre musicale de la patrie

    de Chopin se perptue, s'enrichit, et grandit.

    Le flux de la cration, le devenir musical polonais

    en aspirant les courants les plus divers etles individualits

    les plus opposes, affirme toujours sa force vitale et sa

    marche continue.

    Et cette continuit se manifeste depuis la riche inspira-

    tion populaire, travers toute l'volution musicale de l'an-

    cienne Pologne, travers l'uvre de Chopin, de Moniuszko

    et de leurs nombreux hritiers-continuateurs et mmejusque dans les chants nationaux, qui semblent sceller

    d'une touche lgre et forte, l'alliance de la vie musicale

    polonaise, du sol polonais et du cur de ses enfants.

    Deux surtout d'entre ces chants me paraissent reprsenter

    musicalement le double aspect de la ralit polonaise con-

    temporaine. L'un grave et douloureux une descente autombeau. Ce sont les supplications du peuple malheureux

    qui se recueille un instant dans la puissance de son dses-

    poir.

    L'autre, c'est le vritable hymne national polonais,

  • 33

    simple, sans art ni raffinement. Il est n en Italie, cinq ans

    aprs la Marseillaise, quand les lgions polonaises lut-

    taient gaiement et bravement ct des Franais sous les

    ordre de Bonaparte et pour la libert du monde !Le rythme de ce chant est celui d'un mazour populaire,

    et les paroles, crites par un soldat (Wybicki), sont aussi

    simples que la mlodie. Nanmoins, ce chant nous est

    cher entre tous. Car dans son rythme allgre, dans ses

    paroles crnes et entranantes, il renferme cette vrit source pour nous de vitalit et d'nergie : La Pologne n'estpas morte tant que nous vivons ! Car, en effet, c'estdans nos curs, dans nos mes Mickiewicz nous l'aenseign que nous portons depuis les partages, les fron-tires de notre patrie et son image vivante, jusqu' ce qu'elle

    se ralise dans la plnitude de ses droits souverains.

    Et cette chanson-hymne, gaie et forte, possde je ne sais

    quelle affinitintimeavecl'emblme nationalpolonais: l'Ai-

    gle blancaux ailesdployes sur un fond amarante et voussavez qu'amarante signifie : ce qui ne sefltritJamais.

  • DU MEME AUTEUR

    Z iycia miodziezy. Une tude sur la vie des tudiants deVarsovie (prix au concours de Sienkiewicz).

    Kobieta i kobiecos ^fv poezyi J. SloAvackiego. La Femmedans la posie de J. Slowacki, une tude littraire,

    Varsovie, 19 lo.

    Zygmunt Krasinski. Une esquisse sur la vie et Fuvredu pote, Varsovie, 1912.

    Dzielo i twrca. Recueil d'tudes et d'essais littraires(prix de l'Institut de Mianowski), Varsovie, 1914-

    Na "w^^zkiej miedzy snu i burzy. Un volume de posies,Varsovie, 19 14.

    Mickiewicziana. Etudes et notes sur les relations deMickiewicz et de Quinet.

    Une anthologie de la littrature polonaise contemporaine (sous

    presse).

    L'Idal moral et politique dans la littrature polonaise (en

    prparation).

    Imprimerie M. Flinikowski, 216, Boulevard Raspail, Paris (XIV),

  • i

  • ^/,?./^ ^>?^^^^^ /

    PLEASE DO NOT REMOVECARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET

    UN.VERSITY OF TORONTO LIBRARY

    ML306Z18

    Zaleski, Zygmunt L.La patrie musicale de

    Chopin

    Music

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