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LA SIGNIFICATION DE LA ,,RGFRACTION SPGCIFIQUE” POUR LA CHIMIE ANALYTIQUE, par M. N. SCHOORL. Pour l’identification d’un corps (individu chimique) il suffit en principe de la mesure d’une seule grandeur spkcifique (voir Chem. Weekbl. IS, 500-502). Pour les liquides sont A remarquer, A’ ce point de w e , le point d6bullition, la densit6 et l’indice de rkfraction. La mise en pratique de ce principe est limitee par deux causes: 1’. la puretC du corps n’est jamais parfaite et toute impuretC influence en gCnCral la valeur de la grandeur spkcifique, 2“. la prB cision de nos mesures est limitbe. Pour cette raison il est souvent nkcessaire d’augmenter la certitude de l’identification par la mesure de plus d u n e propriCtC spkcifique. La relation entre la constitution chimique des composes et la valeur numkrique des grandeurs sptcifiques caractkristiques n’est connue B prbsent que d u n e manihre incompl6te l), de sorte qu’d n’est pas possible de dCduire de cette constitution chimique par appro- ximation relativement exacte leurs valeurs numkriques. I1 en est autrement pour une grandeur, nommke ordinairement la ,,refraction specifique”, qui donne une expression du pouvoir rkfrin- gent independant de la densit6 du corps (et par consCquent de la tempCrature et de la pression). La plus simple des expressions, dont n-1 on se s a t A present est celle de GLADSTONE et DALE (1858) 2) ~ d’ 1) Voir entre autres pour la relation entre le point de fusion et la constitution des composes organiques : FRANCHIYOST, Verh. der Kon. Akad. v. Wetensch. te Amster- dam, i e Sectie, Tome V, No. 6, (1897) et pour la relation entre la densittr et la constitution H. KOPP, Abh. uber die Vorausbestimmung des spez. Gewichts chemischer Verbindungen., Pogg. Ann. d. Phys. 47, 133, (1839) et les tomes suivants. ’) L’expression est donnee d6jA pour les gaz par BEER (1853).

La Signification de la “Réfraction Spécifique” pour la Chimie Analytique

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LA SIGNIFICATION DE LA ,,RGFRACTION SPGCIFIQUE” POUR LA CHIMIE ANALYTIQUE,

par M.

N. SCHOORL.

Pour l’identification d’un corps (individu chimique) il suffit en principe de la mesure d’une seule grandeur spkcifique (voir Chem. Weekbl. I S , 500-502).

Pour les liquides sont A remarquer, A’ ce point de w e , le point d6bullition, la densit6 et l’indice de rkfraction.

La mise en pratique de ce principe est limitee par deux causes: 1’. la puretC du corps n’est jamais parfaite et toute impuretC

influence en gCnCral la valeur de la grandeur spkcifique, 2“. la prB cision de nos mesures est limitbe. Pour cette raison il est souvent nkcessaire d’augmenter la certitude de l’identification par la mesure de plus dune propriCtC spkcifique.

La relation entre la constitution chimique des composes et la valeur numkrique des grandeurs sptcifiques caractkristiques n’est connue B prbsent que dune manihre incompl6te l), de sorte qu’d n’est pas possible de dCduire de cette constitution chimique par appro- ximation relativement exacte leurs valeurs numkriques.

I1 en est autrement pour une grandeur, nommke ordinairement la ,,refraction specifique”, qui donne une expression du pouvoir rkfrin- gent independant de la densit6 du corps (et par consCquent de la tempCrature et de la pression). La plus simple des expressions, dont

n-1 on se s a t A present est celle de GLADSTONE et DALE (1858) 2) ~

d ’

1) Voir entre autres pour la relation entre le point de fusion et la constitution des composes organiques : FRANCHIYOST, Verh. der Kon. Akad. v. Wetensch. te Amster- dam, i e Sectie, Tome V, No. 6 , (1897) et pour la relation entre la densittr et la constitution H. KOPP, Abh. uber die Vorausbestimmung des spez. Gewichts chemischer Verbindungen., Pogg. Ann. d. Phys. 47, 133, (1839) et les tomes suivants.

’) L’expression est donnee d6jA pour les gaz par BEER (1853).

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La signification physique de n-1 est le retard relatif de la IumiGre dans’ la substance l) ; c’est pourquoi on peut nommer cette grandeur de la substance ,,le pouvoir de retarder b IumiGre”.

En divisant cette grandeur par d, on obtient une expression pour le pouvoir retardant de la substance Zi une densite I, ce qui corres- pond alors Zi I gr. de substance dans I cm3. Cette grandeur est donc indkpendante de la densite que la substance doit avoir sous les con- ditions donnees de tempkrature et de pression et elle se rapporte pour toutes les substances A la mCme densite. Alors eUe n’est dkpen- dante que de la nature de la substance et elle peut Ctre nommke le ,,pouuoir retardant reduit”.

De cette grandeur est B remarquer, qu’on peut ddduire sa valeur numkrique, au moins pour les substances organiques, de la composi- tion, jusqu’8 une prdcision de quelques un i tb de la troisiPme deci- male. I1 est donc possible de donner avec elle une identification pro- bable de la substance, sans qu’on ait besoin d’autres moyens que ceux de la determination de l’indice de refraction et de la densite ( A la mCme tempbrature).

L’emploi d’autres grandeurs specifiques pour l’identification, p. ex. des liquides, exige l’usage de ‘tables, dans lesquelles ces grandeurs sont rangdes dans une serie ascendante.

On peut calculer cependant la valeur de la rkfraction specifique d’aprh la loi de GLADSTOSE-DALE (1863), qui dit que la refraction

nD - I d

moldculaire (RID = - - . m) est par approximation une grandeur

additive, composCe des refractions atomiques des atomes qui se trou- vent dans la molkcule de la substance. CeUes-ci sont connues suffi- samment par les recherches de LAXDOLT (depuis 18641, BRUHL (depuis 1880) et d’autres, et elles sont pour la raie D du sodium

pour C 4.9 I pour -KH, 7,2 ,, H 194 ,, = XH 6,o

417

,, 0--( ,, C-OH) 2,6 ,, Br 15s ,, 0 < ( ,, C-0-C) 2.4

=Iq ,, CH, 717 j ,, 0 = (dansC = 0) 3,z , I c1 9 3

p p J 25 I

incrkment pour la liaison nonsaturkk /- 2,6.

L’inspection des chiffres de la liste ci-dessous de substances, choi- sies arbitrairement de composition diffdrente, met en bvidence h quel point la refraction spkifique calculde B partir des rkfractions atomi- ques s’accorde avec Ics valeurs trouvbes.

l ) Voir SLTIIERLASU, Phil. Mag. 27, 147--149 (1889), qui deduisait cette signification avant LE RLASC et KOI{I.AIUD (1896) ; ceux-ci I’cxpliquent crpm- dant avec plus de clarte, tandis que CHI~ISTIASSEN (1884) donnait d6j.A la rnl’rne notion iiuparavant, mais d’une manitre peu Claire.

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! ! t dine

I I

I

14 0,6652 20 ‘0,790 15,5 10,813 20 ,0,780 20 10.807

Substance .- _-

1,3792 1,3613 1,4024 1,3316 1.3636

Hexane Alcool Cthylique Alcool butylique Ace t a1 deh y d e PropionaldCh y de Acetone Acetate d’bthyle Acide acetique Acide caproique Acroleine Limonene Benzene Phenol Amine propiolique Amine dipropioliquc Amine tripropiolique Tropine Chloroformc Br omoformtt Bromure cl’6thyk Bromure d’i4 hylene

CEIIl, CITi,O C,H,,O

I

Formule m i __ i 86 46 74

(C,H),NH ‘1011 19,5 0,738

C,HI,IO 1415 76 1,039 (c,Ir,)p ,1431 i9,4 0,757

1,4045

1,4894 1,4175

I ,

20 ,0,790 1113595 30 0,901 11,3726 20 11.0495 !1.3718 19.6 101922 ‘114145

La concordance incomd6te est iustement de

11-21 no-i d I d

, &ID= -- . m I _

trouve Itrouvc; 0,570 0,457 0,495 0,425 0,449 0,459 0,414 0,354 0,450 0,475 0,962 0,570 0,512 0,541 0,548 0,552 0,471 0,298 0,210 0,293 0,248

49,O 21 ,o 36,6 i 8,7 26,l 26,4 36,4 21 ,2 52,2 26,7 76,4 44,45 48,l 31,9 55,3 78,8 66,4 35,8 53.3 31,95 46,6

~ - ialculr 49,O 20,8 36,2 18,6 26,3 26,s 36,4 21,2 52,O 26,l 76,6 45,6 48,2 31 ,7 55,o 78,2 67,5 35,7 52,8 32.3 46,4

grande importance pour la dbtermination de‘ la constitution des substances or&niques, comme il rCsulte des recherches d’EYKMAN (depuis 1889). A c8tC de l’avantage particulier, qu’on peut dCduire la rCfraction

spkcifique des liquides organiques de la composition avec une certi- tude de quelques unit& de la troisi6me dCcimale, il faut signaler aussi deux dCsavantages :

1’. La concordance de la valeur ca1culi.e et obtenue ne suffit pas B cause de ses Ccarts B servir de contr8le pour la puretC des substan- ces. La rkfraction spbcifique calculke n’a donc pas la mCme signifi- cation que d’autres grandeurs (surtout la densite et l’indice de rC- fraction) dkterminees avec des substances p0res.

2’. L’Ctendue des mesures est B peu p r b de 0,300 A 0,600. On trouve les valeurs les plus basses pour les substances organiques oxygCnCes et halogCnb, comme l’acide formique avec 0,304 et le chloroforme avec 0,297, et les valeurs Ies plus ClevCes pour les combinaisons hy- drogCnCes, comme les termes infbrieurs de la sCrie des paraffines (pentane avec 0,573) et les hydrocarbures benzCniques avec beaucoup de liaisons nonsaturkes. (benzhe avec 0,585).

I1 est vrai que la refraction molCculaire (voir la liste) a apparam- ment une Ctendue de mesure plus grande, mais cela n’est pas essen- tiel, parce qu’on doit alors introduire une supposition sur la grandeur molCculaire. C’est surtout Cvident pour les po lymhs oii les rkfractions

- 10-1

d

:alcule 0,570 0,452 0,489 0,423 0,453 0,453 0,4i4 0,354 0,448 0,466 0,563 0,585 0,513 0,538 0,544 0,547 0,478 0,297 0,208 0,296 0,247

-

- -

1) Les chiIIres de ce tableau, pour le calcul de la refraction, sont prispour la plupart dans les tableaux de LANDOLT-BORNSTEIN-ROTH (1912).

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molkculaires sont des multiples les unes des autres, quoique leurs rkfractions spkcifiques soient les mCmes.

La rCfraction spkcifique a donc, par suite des dksavantages nommks, un pouvoir distinctif relativement petit, de sorte qu’on n’en peut faire usage pour l’identification des corps, que dans des conditions dkfinies.

En ceci et dans le mode de calcul cette grandeur est conforme au poids mol6culaire, qu’on peut dkduire de m6me de certaines constan- tes atomiques, en ce MS des poids atomiques. On peut donner ici la valeur cakulCe avec plus de prdcision que celle de la rkfraction spkcifique pour une substance quelconque, mais rarement une dkter- mination pratique est possible avcc tant d’exactitude, aussi vite et avec si peu de matiere, que la ddtermination de nD et d pour la rkfraction spkcifique. Avec une prdcision jusqu’h la troisiemc deci- male, qui suffit ici, on peut determiner tres vite et avec quelques gouttes de liquide seulement, la densite avec le micro-pycnomktre (pipette capillaire) et l’indice de refraction avec le rkfractomktre universe1 de Zeiss-Abbe.

L’application de la rbfraction spkifique (comme grandeur calculee) pour l’identification des corps est limitee B cause des motifs ci-dessus mentionnes, aux MS oii l’on a un choix limit6 de possibilitks.

Si le choix devient plus grand, la mkthode ne donne plus qu’une identification probable.

Ceci est Clucidi. par les cas suivants: 1’. Quand on a isold dans une transformation chimique un corps qui

n’est pas connu jusqu’8 present. Supposez que le produit volatil, qui se forme lors du rancissement des graisses (oenanthaldkhyde), est isole et purifik pour la premiere fois de graisse rance. On peut alors constater facilement que la substance est une aldehyde et on peut prksumer a propos de sa formation que c’est une aldehyde aliphatique saturee dc la formule gknerale C,,H2,0. Avant qu’on eat prkpard et analysk cette aldehyde, il manquait les dmnCes (point d‘kbullition, densitk, etc.) pour constater de quelle aldehyde il s’agit. I1 faut alors recourir l’analyse (tldmentaire ou B la dktermination d u poi& molkculaire. Aussi pourrait-on identifier avec probabilitd l’aldkhyde par dktermination de la rbfraction spbcifique. On trouve-

rait I) alors A 79’ : d = 0,7676 et nD = 1,3857 d’oii resort -- =

= 0,503. Pour les termes successifs d’une skrie homologue des aldC-

hydes aliphatiques saturkes on trouve par calcul pour les va-

leurs 0,473, 0,485, 0,494, 0,501, 0,507, 0,511 pour les termes a 4, 5, 6, 7, 8 et 9 atomes de C. La determination prkchdente mkne alors au resultat, que l’aldkhyde isolke a probablement la formule C,H,,-CHO.

nD - I d

“D - I d

1) Empruntb rtux recherches d E y K h i m (Oeuvres posthumes publit9 pilr HOL- LEMAN, 1919, p. 450). Sa deuxikme observation i 18,s avec d = 0,8211 e t n, =

= 1,4139 donne pour L--- = 0,504. n -1

d

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2'. Quand on veut contr8le.r si une substance resue rkpond 8 la composition indiquCe. Supposez qu'on revive un liquide avec l'kti- quette ,,mkthylal", dont on ne p u t pas s'assurer l'identification par des rhctions simples. La dktermination de la rkfraction spkcifi- que donne B 15":

du produit r e p 0,875 1,3564 0,408 aprhs rectification au point d'kbullition 40-42' 0,881 1,3550 0,403

nD-1 d tandis que le calcul pour HB C (OCHJt = 76 donne pour ~ a 0,404-

Outre par le point d'kbullition (qu'on doit accepter d'autres obser- vateurs) l'identification devient donc aussi t r b probable par la. r6- fraction spCcifique. La substance ne pourrait pas Stre I'homologue

,,diCthylacCtal" avec - = 0,455 et non plus le chlorure de mC-

thy lhe (avec un point d'kbullition Cgal B celui du mbthylal), avec nD - I

d 3'. @and on doit identifier un liquide tout B fait inconnu, et

quand la dktermination du point d'kbullition laisse encore un nombre de possibilitks, comme ce sera le cas gdnkralement 1). Quand on ne dispse pas d'autres propriCtCs, faciles A contrbler, on peut se tirer d'affaire par la dktamination de la rCfradion spkifique, et en a m - parant cette valeur avec c q e s qu'on peut calculer pour les substances diffkrentes A point d'6bullition Cgal.

Quand on a par exemple une substance liquide avec un p i n t d'kbullition d'environ 200°, on aurait Ie choix entre les substances suivantes ; la rCfraction spkcifique est alors dCcisive.

nD-I d

0,321 (calc.) ou 0,318 trouvk).

n-1 calc.') trouve d Benzoate de mbthyle CIH,. C O O . CH, 0,475 I 0,472

j 8::;: Acktoph Anone C,H, . CO . CH, 0,518 p . Cr6SOl C,H, . CH, . OH 0,525

4'. Pour distinguer un nombre de combinaisons organiques, dont les propriCtCs chimiques sont trQ concordantes, mmme p. ex. un nom- bre d'hydrocarbures chlorb, qui suivent iu , et dont on se sert pour des liquides B Cpuiser.

I1 rCsulte de la concordance des valeurs calculCes et trouvCes de la rCfradion spCcifique et des divergences qu'elles montrent pour les combinaisons diffkrentes, qu'en gCnCral on peut les identifier dnsi,

1; I1 y a un besoin urgent d'une table de liquides organiques, ranges d'aprks le point d'ebullition en ordre ascendant, c o m e elle existe pour les polnts de fusion des substances solides de R. KEMPFF, 1913, Tabelle der wichtigsten orga- n h h e n Verbindungen, geordnet nach Schmelzpunkten.

2) Pour ce calcul iI laut prendre pour le groupe aromatique C,H, la valeur 45 dans la refraction moleculaire.

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ayant en m&me temps un contrdle sur leur formule moldcubire, ce qu'on ne peut pas dire p. ex. du point d'kbullition.

trow6 0,353 0,326 0,312 0,308 0,298 0,298 0,290

dichlore thylhe trichlor6thylenc perchlorethylhe t6trachlorethane pentachlorethane chloroforme t6trachlor. de carbone

diffdrence 0,006 0,003

4 , 0 0 1

4 ,001 -0,001

-

-0,003

97 131' 166 168 2026 120 154

34,8 43,2 51,6 51,8

M, 1 0,359 0,329 0,311 0,308

' trow6 1,28 I 1,452 1,476 , 1,481

1,61 I 1,466

n,--i I ca-tr d

Utrecht , Lab. #harm. de Z'Unav., avril 1920.

( R e p le 8 mai 1919).