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Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) 94, 724—738 FORMATION MÉDICALE CONTINUE : LE POINT SUR. . . La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique V. Vilgrain a,,b , M. Ronot a,b , M. Abdel-Rehim a , M. Zappa a , G. d’Assignies a,b , O. Bruno a , M.-P. Vullierme a a Département de radiologie, hôpital Beaujon, Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP—HP), 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France b Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Inserm centre de recherche biomédicale Bichat-Beaujon, CRB3 U773, 75018 Paris, France MOTS CLÉS Stéatose ; Foie ; Stéatose hétérogène ; IRM Résumé La stéatose hépatique est une affection fréquente dont la prévalence est en augmen- tation avec celle de la stéatose hépatique non alcoolique. Elle peut se présenter de manière typique en imagerie, homogène ou hétérogène. Certaines présentations sont piégeantes en imagerie, qu’il s’agit de stéatose localisée ou de zone d’épargne stéatosique et le but de ce chapitre est de les expliquer et les illustrer. Le rôle des différentes méthodes d’imagerie est décrit en soulignant l’importance de l’IRM. © 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Définition La stéatose est définie par l’accumulation d’acides gras sous forme de triglycérides dans le cytoplasme des hépatocytes. Il s’agit d’une définition histologique. Elle se traduit en anatomopathologie le plus souvent par une stéatose macrovacuolaire, définie par de larges vacuoles intracytoplasmiques refoulant le noyau en périphérie. Beaucoup plus rarement, on observe une stéatose microvacuolaire qui correspond à des vacuoles de plus petite taille, laissant le noyau en position centrale. La stéatose microvacuolaire peut s’associer à la stéatose macrovacuolaire. Lorsqu’elle est présente isolément, il faut rechercher des causes particulières : la stéatose au cours de la grossesse, le syndrome de Reye et certaines stéatoses induites par des médicaments. DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.03.010. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Vilgrain). 2211-5706/$ see front matter © 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2013.02.010

La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique

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Page 1: La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique

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ournal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) 94, 724—738

ORMATION MÉDICALE CONTINUE : LE POINT SUR. . .

a stéatose hépatique : un grand piège de’imagerie hépatique�

V. Vilgraina,∗,b, M. Ronota,b, M. Abdel-Rehima,M. Zappaa, G. d’Assigniesa,b, O. Brunoa,M.-P. Vulliermea

a Département de radiologie, hôpital Beaujon, Assistance publique des hôpitaux de Paris(AP—HP), 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, Franceb Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Inserm centre de recherche biomédicaleBichat-Beaujon, CRB3 U773, 75018 Paris, France

MOTS CLÉSStéatose ;Foie ;Stéatose

Résumé La stéatose hépatique est une affection fréquente dont la prévalence est en augmen-tation avec celle de la stéatose hépatique non alcoolique. Elle peut se présenter de manièretypique en imagerie, homogène ou hétérogène. Certaines présentations sont piégeantes enimagerie, qu’il s’agit de stéatose localisée ou de zone d’épargne stéatosique et le but de ce

hétérogène ;IRM

chapitre est de les expliquer et les illustrer. Le rôle des différentes méthodes d’imagerie estdécrit en soulignant l’importance de l’IRM.© 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Définition

La stéatose est définie par l’accumulation d’acides gras sous forme de triglycérides dansle cytoplasme des hépatocytes. Il s’agit d’une définition histologique. Elle se traduit enanatomopathologie le plus souvent par une stéatose macrovacuolaire, définie par de largesvacuoles intracytoplasmiques refoulant le noyau en périphérie. Beaucoup plus rarement,on observe une stéatose microvacuolaire qui correspond à des vacuoles de plus petite

taille, laissant le noyau en position centrale. La stéatose microvacuolaire peut s’associerà la stéatose macrovacuolaire. Lorsqu’elle est présente isolément, il faut rechercher descauses particulières : la stéatose au cours de la grossesse, le syndrome de Reye et certainesstéatoses induites par des médicaments.

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.03.010.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventionalmaging, en utilisant le DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (V. Vilgrain).

211-5706/$ — see front matter © 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2013.02.010

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La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépati

Le Tableau 1 récapitule les causes les plus souventobservées de stéatose classique macrovacuolaire. La stéa-tose hépatique d’origine alcoolique est une des principalescauses. La stéatose non alcoolique (non-alcoholic fatty liverdisease [NAFLD]) est principalement observée chez desmalades ayant un syndrome métabolique ; elle est d’ailleursconsidérée comme la manifestation hépatique de ce syn-drome. Contrairement à la stéatose d’origine alcoolique, onobserve différents types de stéatose et de profils évolutifsdans le cadre de la stéatose non alcoolique : stéatose pure,stéatohépatite, voire cirrhose.

La stéatohépatite (non-alcoholic steatohepatitis [NASH])associe stéatose à des lésions nécrotico-inflammatoires avecballonisation hépatocytaire. Des corps de Mallory peuvents’observer. La NASH peut présenter différents degrés defibrose et évoluer vers la cirrhose. Le carcinome hépato-cellulaire complique cette entité et peut survenir au coursde la cirrhose, voire au cours des étapes préexistantes [1].

Épidémiologie

La stéatose hépatique est devenue une cause très fréquentede maladie hépatique en raison de l’augmentation de laprévalence du surpoids et de l’obésité dans le monde. EnFrance, la prévalence du surpoids dépasse 46 % de la popula-tion générale [2]. La prévalence de la stéatose métaboliquevarie dans le monde entre 43 et 45 % [1], elle est plus bassedans les pays asiatiques que dans les pays occidentaux. Elleest beaucoup plus importante dans les populations à risquecomme les patients diabétiques de type II ou les patientsobèses où elle varie de 50 à 90 % [1]. Une enquête francaiserécente souligne la grande fréquence des diagnostics mécon-nus de stéatohépatite. Un grand nombre de patients suivispour suspicion de syndrome métabolique par les endocri-nologues ne sont pas adressés aux hépatologues. De plus,le diagnostic de stéatohépatite est rendu difficile chez lespatients à transaminases normales [3].

Quel est le rôle du radiologue au cours dela stéatose hépatique ?

Il doit savoir :• reconnaître la stéatose hépatique ;• la quantifier ;

• tenter de différencier la stéatose pure de la stéatohépa-

tite ;• éviter les pièges que représente la stéatose hépatique en

imagerie, que vont illustrer les chapitres suivants.

Tableau 1 Principales causes de stéatose macrovacuolaire.

Très fréquentes Fréquentes

Alcool Hépatite C

Résistance à l’insuline Médicaments

Obésité Corticoïdes

Hypertriglycéridémie Chimiothérapie

Amiodarone

Tamoxifène

Méthotrexate

Opz

725

iagnostic de stéatose par excès

a première difficulté est d’éviter de faire des faux positifse stéatose. La stéatose n’a pas une présentation totale-ent spécifique en imagerie. En échographie, la stéatose

ugmente l’échogénicité hépatique et ainsi augmente leradient foie/rein et foie/vaisseaux. Mais il existe d’autresauses d’hyperéchogénicité, en particulier les maladies deurcharge.

Si l’hypodensité en plage, linéaire, respectant les vais-eaux est évocatrice de stéatose au scanner, cet aspect peute rencontrer au cours d’infiltration notamment tumoralet le rehaussement parallèle avec le reste du foie n’est pasotalement spécifique de stéatose (Fig. 1).

L’IRM est bien sûr la méthode d’imagerie la plus sensiblet la plus spécifique pour le diagnostic de stéatose. De plus,lle permet la meilleure quantification du pourcentage deraisse à l’intérieur du foie. La chute de signal en oppositione phase qui correspond à la mise à 180◦ des protons eau etes protons graisse est tout à fait caractéristique. Un piègelassique est la surcharge ferrique. On observe dans ce casne chute de signal sur les séquences en phase mais pas enpposition de phase sur une IRM à 1,5 Tesla où le premieremps d’écho est celui qui est en opposition de phase ete deuxième en phase. Il ne s’agit pas d’une stéatose hépa-ique, mais bien d’un déphasage accru du signal se majorantux valeurs croissantes du TE (Fig. 2).

téatose hétérogène

a stéatose hétérogène ne pose pas toujours de pro-lème diagnostique difficile. Ainsi le diagnostic est facileorsqu’elle se présente comme une plage linéaire, sans effete masse, avec intégrité vasculaire. Cette plage apparaîtyperéchogène et homogène en échographie, hypodense aucanner avant et après injection, avec une chute du signaln IRM en séquences T1 en opposition de phase. Il est mêmeossible de voir une chute plus importante à la frontière dea zone plus riche en graisse que le reste du foie (Fig. 3).ans d’autres circonstances, la stéatose est piégeante carlle prend un aspect pseudotumoral.

one de stéatose localisée ou d’épargnetéatosique localisée

Rares Congénitales

Nutrition GénétiquesNutrition parentérale MétaboliquesDénutrition SurchargeAmaigrissement MucoviscidoseBy-passRésection étendue du grêleRadiothérapie

n retrouve habituellement une prédominance topogra-hique dans ces distributions hétérogènes de stéatose. Cesones sont situées à proximité de la plaque hilaire : face

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726 V. Vilgrain et al.

Figure 1. a—c : infiltration tumorale du foie gauche mimant une stéatose localisée. Scanner après injection aux temps artériel, portal ettardif. Infiltration hypodense du foie gauche, sans atteinte vasculaire et sans effet de masse, correspondant à une infiltration métastatique.Présence d’une lame d’ascite. À noter l’absence d’envahissement vasculaire.

Figure 2. Surcharge ferrique hépatique. Séquences en pondération T1 en phase (a) et en opposition de phase (b). Chute du signal hépatiquesur la séquence en phase. La chute du signal est expliquée par le déphasage des protons lié à une perturbation du champ magnétique(concentration en fer élevée dans le foie). Cette chute du signal ne doit pas être prise pour une stéatose hépatique. À noter qu’il peuts’agit d’un facteur confondant s’il existe à la fois une stéatose hépatique et une surcharge ferrique.

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La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique 727

Figure 3. Stéatose hétérogène en IRM : a : présence d’un hyposignal marqué du foie droit sur la séquence en pondération T2 avec sup-pression du signal de la graisse ; b et c : le foie droit est hyperintense en pondération T1 en phase (b) et chute de signal en opposition de

oins stéatosique encore plus graisseuse.

Figure 4. Principales localisations rencontrées au cours de la

phase (c). À noter une zone frontière entre le foie stéatosique et m

postérieure du segment IV, face antérieure du segment I,face postérieure du lobe gauche et de part et d’autre dela vésicule biliaire (Fig. 4). Classiquement, on décrit aussiune plus grande fréquence de stéatose localisée près duligament rond. Macari et al. [4] ont retrouvé un pour-centage élevé d’anomalies près du ligament rond en IRM(21 patients sur 121 explorés). Il s’agissait majoritairementd’hypo-intensités apparaissant à la phase portale et la plu-part de ces anomalies ne chutaient pas de signal sur lesséquences en opposition de phase, ce qui fait évoquerbeaucoup plus un trouble de la perfusion qu’une stéatoselocalisée.

Chez les patients ayant un foie stéatosique, Aubin et al.[5] ont mis en évidence la présence d’épargne graisseusedes segments IV et V périvésiculaire de facon beaucoup plusimportante chez les patients ayant leur vésicule (78 %) quechez les patients ayant été cholécystectomisés (33 %). Ces

auteurs ont ainsi évoqué une explication veineuse, puisqu’ilexiste quasi constamment des petites veines cystiques quise jettent directement dans le foie et qui sont interrompueslors d’une cholécystectomie.

stéatose hétérogène : stéatose localisée ou zone d’épargne. Lesprincipales zones (en bleu) sont la face postérieure du segment IV, laface antérieure du segment I, la face postérieure du lobe gauche etde part et d’autre de la vésicule biliaire (vésicule biliaire en vert).

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De la même facon, lorsque le portoscan était l’examenabituellement fait dans le bilan préopératoire des méta-tases hépatiques, on observait dans un grand nombre deas des défauts de rehaussement périhilaire et ou périvési-ulaire après injection sélective dans l’artère mésentériqueupérieure, faisant ainsi supposer que l’apport veineux dees territoires ne venait pas directement de la veine porte,ais peut-être d’autres branches. Cela a été confirmé pares travaux asiatiques qui ont prouvé que les patients pré-entant un défect en portoscan avaient un retour veineuxberrant de veine gastrique ou d’arcade veineuse duodéno-ancréatique [6—8].

L’explication physiopathologique de ces stéatoses oupargnes graisseuses localisées préférentiellement à cer-ains territoires s’est complétée avec la théorie de l’insulineui stimule la conversion du glucose en acides gras. L’apportasculaire du foie est assuré par l’artère hépatique pournviron 30 % et la veine porte pour environ 70 %. Leux au sein de la veine porte provient des principauxffluents : veine splénique, veine mésentérique supérieure,eine mésentérique inférieure, ainsi que des affluents seetant directement dans la veine porte (veine gastrique

auche, veine gastrique droite et branche supérieure de’arcade duodénopancréatique postérieure). Ces derniersffluents ont un contenu en insuline très variable, puisquees veines gastriques sont pauvres en insuline, alors que

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igure 5. Reconstruction coronale d’un scanner abdominal au temps

réatiques : a : drainage normal des veines gastriques et de la branche sueines se jettent dans le tronc de la veine porte ; b : drainage aberrante territoire hépatique pauvre en insuline explique une zone épargnéee la branche supérieure de l’arcade duodénopancréatique postérieureecevant cette branche porte postérieure est plus riche en insuline et pe

V. Vilgrain et al.

es arcades duodénopancréatiques sont plus riches quee reste du système porte. Or, la variation de drainagee ces veines est fréquente. Ainsi, on peut observer deseines gastriques gauche ou plus souvent droite qui seettent directement dans le foie (principalement dans leegment IV), entraînant à cet endroit-là une teneur ennsuline plus faible et donc aboutissant chez un patientyant par ailleurs une stéatose hépatique à une zone foca-isée de parenchyme hépatique moins graisseuse que leeste du foie (Fig. 5). De la même facon, la branche supé-ieure de l’arcade duodénopancréatique peut se jeter nonas dans la veine porte elle-même, mais en intrahépa-ique près du hile, entraînant ainsi une zone focaliséeui recoit plus d’insuline et donc qui devient plus grais-euse. Les Fig. 6 et 7 illustrent ces deux situationsFig. 6 et 7).

téatose à distribution périphérique

n aspect particulièrement piégeant est celui d’une pré-ominance périphérique, sous-capsulaire, de la stéatose

épatique. Cet aspect s’observe en général chez desatients recevant une dialyse péritonéale avec administra-ion intrapéritonéale d’insuline, l’absorption de l’insulinee faisant par diffusion dans le système porte. Ce procédé

portal illustrant le drainage des veines gastriques et duodénopan-périeure de l’arcade duodénopancréatique postérieure (bleu). Ces

d’une veine gastrique se jetant directement dans le foie (violet). par la graisse chez un patient stéatosique ; c : drainage aberrant

se jetant directement dans le foie (vert). Le territoire hépatiqueut expliquer une stéatose localisée.

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La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique 729

Figure 6. Zone épargnée par la graisse dans un foie stéatosique : a et b : séquences en phase et en opposition de phase mettant enévidence une stéatose hépatique marquée en dehors de la partie basse du segment IV qui est hyperintense en opposition de phase ; c et d :séquences en pondération T1 avec saturation de la graisse avant injection (c) et au temps portal (d). Mise en évidence d’une veine entrant

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directement dans le foie (flèche). Il s’agissait d’un drainage aberra

est utilisé dans certaines équipes pour éviter les injectionsd’insuline sous-cutanées [9].

Stéatose multiple pseudotumorale

Chez certains patients, la stéatose hétérogène apparaît nonpas sous la forme d’une plage mais bien de multiples lésionsplus graisseuses que le reste du foie, réparties dans latotalité du parenchyme hépatique. Ces lésions évoquent for-tement des tumeurs hépatiques. Elles sont hyperéchogèneset homogènes en échographie, hypodenses au scanner à tousles temps, avec un rehaussement théoriquement parallèle àcelui du foie. On observe toutefois souvent une diminutiondu contraste entre ces lésions et le reste du foie au tempstardif. C’est l’IRM, avec la séquence en pondération T1 en

phase et en opposition de phase, qui permet de déterminerla nature graisseuse de ces îlots. Le diagnostic différentielest constitué naturellement par les autres tumeurs grais-seuses multiples et au premier plan, l’adénome hépatique

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une veine gastrique droite.

ans sa variété stéatosique. En faveur de la stéatose pseudo-umorale, on retient la multiplicité des lésions, leur petiteaille (inférieure à 2 cm), souvent la taille identique desésions, le rehaussement proche du foie et la présencenconstante mais très pathognomonique d’un liseré encorelus graisseux à la partie périphérique de ces îlots graisseuxFig. 8). En faveur du diagnostic d’adénomes hépatiquesultiples, on retient la taille variable des lésions et leur

ypervascularisation possible, mais souvent modérée, à lahase artérielle [10,11].

lot isolé de foie sain de topographie atypique

hez les patients stéatosiques, un aspect rare mais trèsiégeant est un îlot de foie sain ou contenant moins de

raisse que le reste du parenchyme hépatique, en dehorses zones particulièrement exposées aux concentrations dif-érentes en insuline. Le diagnostic différentiel est alors uneumeur du foie sur foie stéatosique. C’est la combinaison
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730 V. Vilgrain et al.

Figure 7. Stéatose localisée de la partie postérieure du segment IV : a et b : IRM en pondération T1 en phase et en opposition de phase.La partie postérieure du segment IV est hyperintense en phase (a) et chute de signal de facon homogène et marquée en opposition dephase (b) ; c et d : scanner au temps portal après injection retrouvant l’hypodensité marquée du segment IV. Mise en évidence d’un vaisseauentrant directement dans le foie (c) nettement plus évident sur la reconstruction de type MIP (d). Il s’agissait d’un drainage aberrant de labranche supérieure de l’arcade duodénopancréatique postérieure.

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es examens d’imagerie (notamment de l’échographie deontraste) qui, ne montrant pas d’hypervascularisation,ermet de diagnostiquer ces formes particulièrement trom-euses.

téatose périvasculaire

e facon tout à fait exceptionnelle mais très caractéris-ique, la stéatose peut prédominer autour des vaisseauxFig. 9). La série la plus importante rapportée dans la lit-érature comprend dix patients chez lesquels la stéatoseérivasculaire prédominait autour des veines hépatiqueshez trois, autour des branches portales chez cinq, à la fois

utour des veines hépatiques et des branches portales chezeux patients [12]. Chez trois de ces dix patients, la stéatoseérivasculaire n’était pas reconnue au scanner et le dia-nostic était redressé par l’IRM. Il n’existe pas d’explication

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laire pour cette présentation tout à fait particulière detéatose.

téatose et tumeurs hépatiques

ifficultés diagnostiques

a caractérisation des lésions focales hépatiques reposeur un signal spontané différent et un comportement dif-érent après injection de la lésion par rapport au resteu foie, le foie étant pris comme référence. Au cours dea stéatose, le signal du foie est modifié en échographie,u scanner et en IRM ; cela peut, d’une part, entraîner

ne sous-estimation des tumeurs hépatiques, notamment aucanner, et, d’autre part, rendre plus difficile la caracté-isation lésionnelle. L’IRM est l’examen d’imagerie le pluspproprié. Pour avancer dans le diagnostic, il est impératif
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La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique 731

Figure 8. Stéatose multiple pseudotumorale : a et b : séquences en pondération T1 en phase et en opposition de phase mettant en évidencedes lésions discrètement hyperintenses en phase (a), chutant de signal en opposition de phase (b). Notons la chute du signal encore plusmarquée en périphérie des lésions ; c et d : en pondération T1 avec saturation de graisse avant et après injection, le rehaussement de ceslésions est parallèle à celui du reste du foie ; e : en pondération T2 avec suppression du signal de la graisse, les lésions sont très discrètementhyperintenses.

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732 V. Vilgrain et al.

Figure 9. Stéatose périvasculaire : a—c : IRM en pondération T1 en phase (a) en opposition de phase (b) et saturation de graisse (c).P de lo éréen sign

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résence d’hypersignaux de part et d’autre de la branche gauchepposition de phase (b). La chute du signal est beaucoup plus mod’est visible sur la séquence en pondération T2 avec suppression du

e tenir compte de toutes les séquences en pondération1, non seulement les séquences en phase et en opposi-ion de phase, mais également les séquences dynamiques,es séquences de diffusion et les séquences en pondération2.

emaniements péritumoraux

es remaniements péritumoraux peuvent s’observer chezes patients ayant une stéatose hépatique. Il s’agit enègle générale d’une zone moins graisseuse que le resteu foie qui s’observe surtout autour de lésions ou tumeursypervasculaires, qu’il s’agisse de tumeurs bénignes (hyper-lasie nodulaire focale, angiome à circulation rapide) oue tumeurs malignes hypervascularisées (carcinome hépa-ocellulaire, métastase endocrine). Le mécanisme de cetteone d’épargne graisseuse n’est pas complètement élucidé,ien qu’il s’agisse probablement de remaniements liés à uneodification de la vascularisation. L’hyperartérialisatione la tumeur qui s’accompagne fréquemment d’un hyper

pport artériel du territoire hépatique avoisinant per-ettrait d’expliquer la diminution de la concentration

n graisse. En imagerie, cet aspect est piégeant eteut simuler une capsule péritumorale. Ces remaniements

maés

a veine porte en phase dont le signal chute de facon massive en sur la séquence en saturation de graisse (c) : d : aucune anomalieal de la graisse.

ont bien visibles au scanner et encore mieux en IRMù on met en évidence une « collerette » hyperintensentre la lésion et le reste du foie sur les séquencesn pondération T1 en opposition de phase ; cette colle-ette est invisible sur les séquences en pondération T1 enhase, en séquence en pondération T2 et en diffusionFig. 10 et 11).

Plus rarement, les remaniements péritumoraux peuventtre la conséquence d’une modification de la concentrationn insuline autour de la lésion. Ainsi de facon très carac-éristique, on observe une stéatose localisée autour desétastases hépatiques d’insulinome. Là encore, cette col-

erette qui chute de signal en opposition de phase ne doitas être interprétée comme une capsule périlésionnelle. Lauperposition des images en pondération T1 en phase, enpposition de phase, en saturation de graisse, ainsi que lesutres séquences (pondération en T2 et diffusion) aide àocaliser la lésion et à identifier les remaniements péritu-oraux (Fig. 12).On peut aussi observer un mécanisme inverse avec des

étastases hépatiques de glucagonome chez des patientsyant une stéatose hépatique diffuse. Dans ce cas, la zonepargnée par la graisse autour des lésions est induite par laécrétion locale d’hormones [13].

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La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique 733

Figure 10. Angiome à circulation rapide sur foie stéatosique. Présence d’un remaniement péritumoral : a—b : en pondération T1 en phase(a) et en opposition de phase (b), mise en évidence d’une lésion hypo-intense centimétrique, sous-capsulaire du foie droit. Présence d’unhypersignal périlésionnel en opposition de phase ; c et d : en pondération T1 après injection de chélates de gadolinium aux temps artérielet portal, hypervascularisation nette et massive de la lésion qui persiste au temps tardif ; e : en pondération T2, cette lésion centimétriqueest nettement hyperintense.

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734 V. Vilgrain et al.

Figure 11.

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La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique 735

Figure 12. Métastase hépatique d’insulinome : a et b : IRM en phase et en opposition de phase : visibilité d’une lésion du secteur postérieurdu foie droit, entourée d’un liseré qui chute de signal en opposition de phase (b) ; c : en pondération T1 après injection de chélatesde gadolinium, la lésion est hyperartérialisée. d : En séquence pondérée en diffusion, net hypersignal de la lésion entourée d’un halohypo-intense qui correspond à une stéatose autour de la lésion. La stéatose localisée est induite par la sécrétion locale d’insuline.

Figure 11. Splénose sous-capsulaire du foie gauche : a et b : séquences en pondération T1 en phase (a) et en opposition de phase (b). Chutedu signal, discrètement hétérogène, de l’ensemble du foie, correspondant à une stéatose marquée. Présence d’une lésion sous-capsulairedu lobe gauche hypo-intense, entourée d’un liseré hyperintense en opposition de phase ; c et d : séquences en pondération T1 après injectionde chélates de gadolinium au temps artériel (c), et au temps tardif (d) qui met en évidence une franche hyperartérialisation de la lésion ;e : lésion sous-capsulaire discrètement hyperintense en pondération T2 avec suppression du signal de la graisse ; f : reconstruction coronaled’un scanner après injection ne montrant pas de rate en place. Présence d’une autre localisation de splénose dans l’hypochondre gauche.Ce patient avait eu une splénectomie secondaire à un traumatisme. Le liseré hyperintense en pondération T1 en opposition de phase peuts’observer autour d’une lésion hyperartérialisée sur foie stéatosique.

Page 13: La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique

7 V. Vilgrain et al.

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• Le drainage veineux aberrant modifie laconcentration locale en insuline.

• La stéatose multiple pseudotumorale mime destumeurs graisseuses intrahépatiques et au premierrang les adénomes hépatocellulaires.

• Certaines stéatoses peuvent prédominer enpériphérie ou autour des vaisseaux portes ouveineux hépatiques.

• La stéatose hépatique rend plus difficile lacaractérisation des tumeurs du foie.

• Sur foie stéatosique, des remaniements

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36

onclusion

n conclusion, la stéatose hépatique est fréquente et enugmentation. Elle n’est pas toujours facile à reconnaîtren imagerie dans ses formes atypiques. Lorsqu’elle estétérogène, elle représente un piège fréquent. L’IRM et lahysiopathologie aident à redresser le diagnostic dans lalupart des cas.

POINTS À RETENIR

Notions générales• La stéatose hépatique est une affection fréquente.• Sa prévalence est en augmentation.• L’imagerie (échographie, scanner et IRM) en fait

le diagnostic aisément lorsque la présentation estclassique.

• L’IRM avec séquences en pondération T1 en phase eten opposition de phase est incontournable lorsque laprésentation est atypique.

Principaux résultats• La stéatose localisée et les zones d’épargne

graisseuse sur foie stéatosique prédominent autourde la plaque hilaire.

• Ces localisations sont expliquées par un drainage

aberrant intrahépatique de veines du système porte. 1

23

igure 13. a et b : échographie hépatique centrée sur le lobe gauche

péritumoraux peuvent s’observer autour de lésionshépatiques hypervascularisées.

as clinique

et homme de 73 ans, sans antécédent médical particulier,résente depuis 2010 une lésion de la face postérieure duobe gauche. Deux IRM, effectuées à deux ans d’intervalle,ontrent une stabilité de la lésion. Ses examens d’imagerie

ont visibles sur les Fig. 13 et 14.

uestions

. Décrivez les anomalies.

. Quelle est votre hypothèse diagnostique ?

. Comment affirmer le diagnostic ?

(coupe transverse et longitudinale).

Page 14: La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique

La stéatose hépatique : un grand piège de l’imagerie hépatique 737

Figure 14. IRM hépatique : pondération T2 (a), T1 avec suppression du signal de la graisse (b), après injection de chélates de gadolinium autemps artériel et portal (c et d). Les séquences en pondération T1 en phase et opposition de phase ne sont pas montrées car très artéfactées,mais montrent une chute du signal à la face postérieure du lobe gauche.

Réponses

1. Il existe une plage hyperéchogène, homogène, nonnodulaire de la face postérieure du lobe gauche en écho-graphie. En IRM, la lésion n’est pas visible en T2, esthypo-intense en T1 avant injection et peu différente dufoie après injection.

2. Le caractère peu nodulaire, la présence de graisse dansla lésion et le siège doivent faire penser à une stéatosehétérogène.

3. On peut affirmer le diagnostic en mettant en évidenceune veine de type porte entrant dans la lésion. Celle-ci est visible sur la Fig. 14d mais sera plus facile àmettre en évidence en échographie Doppler (Fig. 15).L’échographie de contraste montrera un rehaussement

de la lésion identique à celui du foie (Fig. 16). Le dia-gnostic est donc celui d’une stéatose hétérogène du lobegauche avec drainage aberrant d’une branche du systèmeporte dans la lésion hépatique.

Figure 15. Écho-Doppler.

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F

D

Lr

R

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igure 16. Échographie de contraste.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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