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LA NAISSANCE DU TAIJIQUAN MODERNE. Il y a plus de trente ans, j'ai eu la chance de rencontrer la forme de Taijiquan de Pékin en 24 mouvements et les B trésors dans un cours donné par une femme Claudine Shinoda. Ce Taijiquan résumé et simple m'a permis de commencer la pratique et de me passionner. Comme bien d'autres, c'est en allant au-delà de cette première approche que je découvris les styles traditionnels et un Aft profond et immense. L'article qui suit éclaire une paftie de I'histoire du développement du Tajiquan en Chine et dans le monde. Georges Saby. Interuiew de Li Deyin par Luis Soldevilla L'année passée, nous avons fêté le cinquantenaire de la forme simplifiée de Taijiquan en 24 mouvements, celle qui est surnommée << forme de Pékin >>, une série très controversée, qui non seulement a atteint son objectif : la popularisation du Taijiquan dans toute la Chine, mais aussi alla beaucoup plus loin, elle le fit connaître sur toute la planète, et contribua à la revitalisation des styles traditionnels. Le professeur Li Deyin, neveu du créateur de cette forme, est également la source de formes de compétition et d'éventail . Il nous parle de la naissance du Taijiquan simplifié et de sa contribution a la divulgation de cet aft. Vous êtes entré tout petit dans le monde des arts maftiaux traditionnels, pour des raisons familiales. Nous aimerions que vous nous parliez de votre jeunesse et comment se déroula le processus de la création de la forme standardisée en 24 mouvements. Chez moi la vie tournait autour des afts maftiaux trad ition nels. C'était le quotidien, jour après jour. Mon grand-père Li Yulin était une personne très connue et respectée dans les cercles maftiaux, et il se dédiait complètement à I'enseignement, de telle softe que j'entrai en contact avec cette ambiance très tôt dans ma vie. L'influence de mon grand père fut très impoftante pour notre famille, spécialement pour mon père Li Tianchi et mon oncle Li Tianji qui eux aussi furent de fameux aftistes martiaux. La norme dans la famille, c'était que le Wushu devait faire partie de notre vie, en marge d'une profession a laquelle on devait se dédier. Donc, petit nous devions I'apprendre. Comme mes frères et aînés, je devais le soir pratiquer après la softie du collège sous la superuision de mon grand- père. Quand on faisait quelque chose de mal, que nous étions distraits, ou que nous ne pratiquions pas à cent pour cent, il se fâchait à notre encontre et nous reprenait avec beaucoup de sévérité. Mon grand-père était de I'opinion qu'il fallait commencer par apprendre le Shaolin. Il disait que le kungfu de Shaolin donnait aux enfants la stabilité, la flexibilité et la résistance. A paftir de I'adolescence vers les quatorze ans, il commençait à nous enseigner le Xing yi quan, parce qu'il disait que cet art nous appoderait puissance et vélocité. Et plus tard encore, à la fin de I'adolescence, plus ou moins lorsque nous terminions les études secondaires, il commença à nous enseigner le Taijiquan, parce qu'il Page | 5

LA TAIJIQUAN - ABC-chi · 2020. 6. 4. · LA NAISSANCE DU TAIJIQUAN MODERNE. Il y a plus de trente ans, j'ai eu la chance de rencontrer la forme de Taijiquan de Pékin en 24 mouvements

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  • LA NAISSANCE DU TAIJIQUAN MODERNE.

    Il y a plus de trente ans, j'ai eu lachance de rencontrer la forme deTaijiquan de Pékin en 24 mouvementset les B trésors dans un cours donnépar une femme Claudine Shinoda. CeTaijiquan résumé et simple m'a permisde commencer la pratique et de mepassionner. Comme bien d'autres,c'est en allant au-delà de cettepremière approche que je découvrisles styles traditionnels et un Aftprofond et immense.L'article qui suit éclaire une paftie deI'histoire du développement duTajiquan en Chine et dans le monde.

    Georges Saby.

    Interuiew de Li Deyin par LuisSoldevilla

    L'année passée, nous avons fêté lecinquantenaire de la forme simplifiéede Taijiquan en 24 mouvements, cellequi est surnommée >, une série très controversée, qui nonseulement a atteint son objectif : lapopularisation du Taijiquan dans toutela Chine, mais aussi alla beaucoup plusloin, elle le fit connaître sur toute laplanète, et contribua à la revitalisationdes styles traditionnels. Le professeurLi Deyin, neveu du créateur de cetteforme, est également la source deformes de compétition et d'éventail . Ilnous parle de la naissance duTaijiquan simplifié et de sa contributiona la divulgation de cet aft.

    Vous êtes entré tout petit dans lemonde des arts maftiaux traditionnels,pour des raisons familiales. Nousaimerions que vous nous parliez devotre jeunesse et comment se déroula

    le processus de la création de la formestandardisée en 24 mouvements. Chezmoi la vie tournait autour des aftsmaftiaux trad ition nels.C'était le quotidien, jour après jour.Mon grand-père Li Yulin était unepersonne très connue et respectéedans les cercles maftiaux, et il sedédiait complètement àI'enseignement, de telle softe quej'entrai en contact avec cette ambiancetrès tôt dans ma vie.L'influence de mon grand père fut trèsimpoftante pour notre famille,spécialement pour mon père Li Tianchiet mon oncle Li Tianji qui eux aussifurent de fameux aftistes martiaux. Lanorme dans la famille, c'était que leWushu devait faire partie de notre vie,en marge d'une profession a laquelleon devait se dédier. Donc, petit nousdevions I'apprendre. Comme mesfrères et aînés, je devais le soirpratiquer après la softie du collègesous la superuision de mon grand-père. Quand on faisait quelque chosede mal, que nous étions distraits, ouque nous ne pratiquions pas à centpour cent, il se fâchait à notreencontre et nous reprenait avecbeaucoup de sévérité.Mon grand-père était de I'opinion qu'ilfallait commencer par apprendre leShaolin. Il disait que le kungfu deShaolin donnait aux enfants la stabilité,la flexibilité et la résistance. A paftir deI'adolescence vers les quatorze ans, ilcommençait à nous enseigner le Xingyi quan, parce qu'il disait que cet artnous appoderait puissance et vélocité.Et plus tard encore, à la fin deI'adolescence, plus ou moins lorsquenous terminions les étudessecondaires, il commença à nousenseigner le Taijiquan, parce qu'il

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  • pensait qu'il était I'aft le plus subtil deceux qu'il connaissait, et qu'il nousaiderait à développer sensibilité etintelligence.La forme de Taijiquan simplifiée étaiten gestation en 1955, alors que jeterminais mes études secondaires,juste avant d'entrer à I'université. Jeme rappelle que lorsque j'arrivais àI'université, je continuais toujours àpratiquer mon Taiji autant quepossible, et les gens quim'approchaient me demandaient ceque j'étais en train de faire.A cette époque, les arts martiaux et leTaijiquan se pratiquaient très peu dansles collèges et universités.Le Shaolin nes'enseignait pas nonplus ? Non, pas dansles lieuxd'enseignement, etpas comme paftied'un programmeéducatif. Parexemple il y en avaitqui pratiquaient leTaijiquan et leShaolin hors ducollège, mais il nes'agissait pasd'enseignementofficiel. A l'époque,se pratiquaient aucollège des sportsplus conventionnels,course, athlétisme,football, ce genre dechose. Mais si quelqu'un désiraitapprendre les afts maftiaux, il devait lefaire hors du collège. Il devait trouverun bon professeur et pratiquer un styletraditionnel, gagner le droit d'êtrel'élève d'un Maître, passer par lacérémonie du Paisheu et cette sorte dechoses.

    Depuis lors I'enseignement ofticiel duWushu ne reprend plus ces formes dupassé. A cause de tout celaI'enseignement des afts maftiauxparaissait un peu fascinant,mystérieux, et en même temps ilrequerrait un grand esprit de sacrifice,de discipline et d'effoft. C'était quelquechose que tout le monde ne pouvaitpas faire.En 1953 le gouvernement de Pekincréa ce que I'on appela le ConseilNational des Sports, afin de régulertoutes les activités sportives.Ce Conseil organisa le premiersymposium sur les arts maftiauxchinois et la première compétition de

    Wushu à l'échellenationale dont lescélébrations eurentlieu en simultané àTianji, la ville ouj'étais étudiantbachelier. A la suitede ce symposium, onarriva à la conclusionque le Wushu étaitun immense trésorpour la Chine, et qu'ilfallait faire un effoftpour le promouvoiret le défendre danstout le pays. Ainsideux mesures furentprises pour s'orienteret atteindre cetobjectif, la premièrefut la création d 'un

    Comité spécial du Conseil National deSports dédié à la promotion du Wushu,qui serait la plus grande autorité enmatière d'investigation et dedivulgation des arts maftiaux chinoisdans tout le pays. La seconde décisionfut de réunir tous les champions decette compétition, dans un centred'entraînement qui s'appelait Université

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  • Centrale de Spofts ou se forma lapremière équipe nationale d'aftsmaftiaux chinois.Cela eut lieu en 1955, mon oncle LiTianji fut nommé premier entraîneurde cette équipe nationale, I'annéesuivante il fut délégué au Comité desafts maftiaux du Conseil national desports avec la mission de compiler uneforme standardisée de Taijiquan. L'idéeétait que pour pouvoir défendreefficacement le Wushu dans toute laChine il était nécessaire d'avoirquelque chose qui puisse facilementêtre assimilé parc la majorité despersonnes, et on arriva a la conclusionque parmi tous les afts maftiauxqu'englobe le Wushu, le Taijiquan étaitle plus adéquat.Pour faire avancer ce projet, il étaitd'abord nécessaire de résoudre deuxproblèmes.Le premier était qu'il fallait trouver uneforme facile à apprendre. La forme deTa'rjiquan de style Yang avait plus decent mouvements et tout le monden'avait pas la motivation et le tempsnécessaires pour apprendre une formeaussi longue et aussi complexe. Ilfallait en concevoir une qui puisse seréaliser en 5 à 6 minutes, de façon àce que les gens puissent la pratiquerau travail pendant les pauses, aumoment des repas, ou à I'heure duthé.....D'autre pâtr, il allait être trèsdifficile d'obtenir I'adhésion des genspour ce type d'exercice sans qu'ilspensent : >. Lesecond problème est le même quecelui qui existe encore en Chine avec lavariété d'idiomes et de dialectes :d'une contrée à I'autre se pratiquentde langues complètement différentes.Pour obtenir une véritablepopularisation du Ta'rjiquan, il fallaitstandardiser ce travail de manière à ce

    que tout le monde étudie laforme et qu'elle soit enseignéemême méthodologie et lesprincipes dans tout le pays.

    mêmeavec lamêmes

    Pour dessiner les séquences demouvement de cette nouvelle forme.Pour représenter le style Chen, il yavait Chen Fake le grand-père de ChenXiaowang, pour le style Wu Wu Tunan,comme représentant du style Sun,mon oncle Li Tianji, pour le style YangTian Zhenfeng et Zhang Wenguang,pour le style Li Gao Ruizhou, et aussiun historien Tang Hao. On réunittoutes ces personnes afin qu'ellessélectionnent les mouvements quidevaient être inclus dans la formestandardisée.La seule condition était que cetteforme devait être simple, brève, et queles gens de la rue sans connaissancespafticulières puissent I'apprendrerapidement, Le problème survintlorsqu'on en fut au moment de savoirsur quel style devait se baser la formestandardisée. Evidemment chacun desMaîtres présent était d'avis que sonstyle devait être choisi, aussi on décidade prendre deux ou trois mouvementstypiques de chaque style et de lescombiner. Ce qui arriva, c'est la même

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  • chose que si c'étaient réunis unepersonne de Pékin, une de Shanghai,une de Canton, une autre de Shuzhoupour créer une nouvelle languecombinant quatre dia lectes.Le résultat final serait terriblementcompliqué à comprendre, et àapprendre. Comme on pouvait s'yattendre cette première version futrejetée lorsqu'elle devint publique. Aulieu d'obtenir une forme facile àapprendre et à pratiquer, on avaitfabriqué quelque chose d'encore pluscompliqué.A la suite de l'échec de cette premièretentative, le Conseil National desSpofts ordonna au Comité des Aftsmaftiaux une nouvelle forme deTa'rjiquan simplifié. Ce nouveau comitéétait formé de différents spécialistes.L'un d'entre eux était Tang HaoI'historien du Taijiquan et qui avait étéresponsable de la superuision desmatériels enseignés par legouvernement central de Nanjingdurant la période de la République deChine avant I'instauration de laRépublique Populaire.

    Ce comité décida que la nouvelleforme n'avait qu'a être établie à partirdu style de Taijiquan le plus populaire,sans aucun doute à ce moment là lestyle Yang était le plus pratiqué danstoute la Chine populaire. Les formestraditionnelles avaient entre quatre-vingt et cent mouvements, etbeaucoup d'entre eux étaient desrépétitions, €fl réalité, il n'y avaitqu'environ quarante posturesdifférentes. Parmi ces quarante etautres, on sélectionna les vingt-quatreplus représentatives du style Yang.Ensuite il fallut élaborer tout lematériel pédagogique nécessaire à ladivulgation de cette forme :photographies, textes explicatifs,etc.....et ce matériel fut officiellementpublié en 1956. De fait, on a célébréI'année dernière le cinquantièmeanniversaire de la naissance de laforme simplifiée en 24 mouvementsavec une cérémonie à la ville natale deYang lu chan, Yongnian province deHebei. Quelle furent les réactions dansla communauté des afts maftiauxchinois à la publication de cette forme

    en 24 mouvements ?Quand la forme simplifiée fut publiéeen 1956, il y eut beaucoup decritiques. Dans le milieu des aftsmaftiaux, les réactions furent engénéral négatives.

    Les autres étaient Mao Buhao et WuGaoming deux fameux aftistesmaftiaux, quoique pas concrètementspécialistes en Ta'rjiquan, et mon oncleLi Tianji qui avait été transféré aucomité pour diriger le grouped'élaboration de la nouvelle forme.

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  • Il y en eut qui affirmèrent que cen'était pas une forme de style Yang,que c'était le style de Li tianji parceque c'était lui qui apparaissait sur lesphotos du livre montrant les postures.Ils pensaient que si le style simplifié sebasait sur le style Yang, le compilateuret démonstrateur aurait dut être undes gardiens du style Yang. Et quoiqueLi Tianji était suftout un grand expeftde style Sun, il avait aussi apprit de LiJinglin le style Yang et l'épée deWudang. Finalement, le travail que luiavait commandé sa hiérarchie, était depopulariser le Taiji, et il I'avait fait enutilisant comment ciment, le style leplus populaire, en ne suivant pas sapréférence personnel le.Depuis cinquante ans, beaucoup deces personnes, parmi celles qui viventencore, remercient la forme en 24mouvements, parce qu'elle a permit deconveftir le Taijiquan en I'art maftialchinois le plus connu et le pluspratiqué dans le monde entier. Et il n'apas été préjudiciable aux sÇlestraditionnels. Au contraire, il acontribué à la revitalisation duTaijiquan traditionnel, y comprisquelques styles qui avaient quasimentdisparu. Sans I'effet de divulgationgénérale qu'a tenu la forme de Pékin, ilse peut que ne se serait pas produit leresurgissement et I'allant actuel pourChen jia gou et le Taijiquan de lafamille Chen. En 1956 la région deChen jia gou était très abandonnée, lemonastère de Shaolin étaitpratiquement en ruine,....De fait lepremier groupe étranger de passionnésde Taiji qui visita Chen Jia gou, fut ungroupe d'élèves japonais qui avaientappris le Tajiquan simplifié et quiintéressés pour en connaître plus surles origines du Ta'rji, avaient décidé devisiter le lieu perdu ou était né le styleChen.

    Malgré votre jeunesse à cette époque,vous avez participé activement à ladivulgation de cette forme en 24mouvements. Est-ce que cela fut li& àvotre parenté avec Li Tianji, et votreproximité avec le processusd'expansion de cette forme, ou est-cequ'il y eut d'autres raisons ?l Enréalité, ce ne fut pas parce que mnoncle avait été le principal créateur dela forme simplifiée. En 1957 jecommençai des études en économie àI'Université Populaire de Pékin, etcomme je I'ai dit précédemment, àcette époque peu de gens ypratiquaient les afts maftiaux. Donc jeme suis dévoué activement à ladivulgation du Taijiquan et de la forme24 mouvements, dans le cadre deI'université.Quatre ans après jbbtins ma licence en196. Il y avait beaucoup de gens quipratiquaient le Taijiquan. Alors lerecteur de I'université me convoqua, àla lumière des résultats obtenus, il meproposa de rester en tantqu'enseignant de Taijiquan. L'idée meplut et j'acceptai, et c'est ce que je fispendant plus de quarante années,jusqu'à ce que je me retire.Actuellement le Taijiquan simplifié faitpartie du curriculum de I'UniversitéPopulaire. Tous les nouveaux étudiantsdoivent I'apprendre en premièreannée, la fin de laquelle ils doiventpasser un examen et démontrer qu'ilssavent I'exécuter.(Afticle Paru dans Taichichuanrevista de aftes y estilo internos no13)

    Note de G. Saby, effedivement nousavons rencontré deux étudiants chinoisà l'Ecole centrale de Nantes gui nousont confrrmé l'obligation de connaîtrela forme simplifiée en 24 mouvementspour obtenir leur examenuniversitaire.

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