L'Anthropologie Des Quilombos

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  • Civilisations59-2 (2011)Les apparences de l'homme

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    Vronique Boyer

    Lanthropologie des quilombos et laconstitution de nouveaux sujetspolitiquesDe lethnie la race et de lautodfinition auphnotype................................................................................................................................................................................................................................................................................................

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    Rfrence lectroniqueVronique Boyer, Lanthropologie des quilombos et la constitution de nouveaux sujets politiques,Civilisations [En ligne],59-2|2011, document 8, mis en ligne le 01 July 2014. URL : http://civilisations.revues.org/pdfindex2634.htmlDOI : en cours d'attribution

    diteur : Universit Libre de Bruxelleshttp://civilisations.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur : http://civilisations.revues.org/pdf/2634Ce document PDF a t gnr par la revue. Tous droits rservs

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    Lanthropologie des quilombos et la constitution de nouveaux sujets politiques De l ethnie la race et de l autodfinition au phnotype1

    Vronique Boyer

    Rsum : Au Brsil, les productions culturelles de matrice africaine sont apprhendes comme des lments caractrisant un groupe ethnique spcifique, celui des Noirs qui se distinguent aussi par leur type physique particulier, soit leur race . Larticle se propose dexaminer la faon dont seffectuent ces glissements successifs partir dun exemple tenu pour emblmatique de la prsence africaine au Brsil : les quilombolas dont les droits territoriaux sont garantis par la Constitution de 1988. Une premire partie montre que les choix oprs par lanthropologie brsilienne pour construire un modle thorique flexible du quilombo renvoient au projet den faire un outil dmancipation politique pour des populations domines. Dans un second moment, on indique comment ce programme conduit paradoxalement une imputation didentit. Le propos des anthropologues rendre plus lisible la catgorie officielle de quilombo est en effet lorigine dune superposition des notions dethnie et de race que reflte lutilisation rcurrente de ladjectif compos ethno-racial .

    Mots-cls : quilombo, anthropologie, race, ethnie, Brsil.

    Abstract: Anthropology of quilombos and the constitution of new political subjects: from ethnicity to race and from self-definition to phenotype. Brazil cultural phenomena of African origin are understood to characterize a specific ethnic group, that of the Blacks, who are also distinguished by their specific phenotype, that is their race. This article will examine the way in which these conceptual shifts take place, starting with what we consider to be an emblematic example of the African presence in Brazil: the quilombolas (maroon communities) whose territorial rights are guaranteed by the 1988 Constitution. The first part of the article shows how Brazilian anthropology chose to construct a flexible theoretical model for the quilombos that is related to the project of producing tools for the political emancipation of subaltern populations. In the second part we show how this program leads paradoxically to the attribution of identity. The object of the anthropologists to make the official category of quilombo easier to understand is in effect at the basis of the conflation of the notions of ethnicity and race, manifest in the recurrent use of the compound adjective ethno-racial.

    Keywords: quilombo, anthropology, race, ethnicity, Brazil.

    1. Je remercie pour leurs vigoureuses et ncessaires critiques mes collgues du Cerma : Anath Ariel de Vidas, Sara Le Menestrel, Gilles Rivire et Carmen Salazar-Soler. Je remercie galement les deux valuateurs anonymes de la revue pour leur lecture attentive et leurs suggestions, et Roberto Arajo pour ses remarques sur la dernire version du texte.

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    D epuis les travaux sur les relations raciales mens dans les annes 1960 par le sociologue Florestan Fernandes, la reprsentation du Brsil comme pays du mtissage (miscigenao) et de la dmocratie raciale na cess de voler en clat. Il est dsormais admis quil sagit l dune fable , dune idologie masquant une toute autre ralit : les Noirs 2, qui figurent parmi les plus pauvres, sont victimes dun racisme dautant plus insidieux quil est bien souvent inavou. Pour cette raison, le Brsil, linstar dautres pays latino-amricains, semploie depuis la fin des annes 1980 corriger les ingalits sociales par des politiques dactions affirmatives comme la rserve de quotas pour les Noirs lentre de luniversit.

    La dnonciation des prjugs dont ces derniers souffrent avait dj mobilis auparavant une partie de la communaut scientifique. Il y a prs de quatre-vingts ans dj, deux grands congrs organiss par des historiens et des anthropologues3 visaient mettre en vidence les apports des Africains rduits en esclavage la socit brsilienne dans les domaines religieux, culinaire, linguistique, etc. La continuit pressentie entre lAfrique et le Brsil tait pointe par lutilisation de ladjectif compos afro-brsilien pour qualifier lensemble des productions culturelles considres, et entre autres les cultes de possession. Toutefois, dans lesprit de ces scientifiques, la fidlit relle lAfrique tenait moins la couleur de la peau des individus qu leur adhsion pleine la mentalit et la civilisation africaine . Roger Bastide nhsitera pas crire qu il est possible dtre Africain sans tre noir (1978 : 12).

    Le thme des survivances et des rinterprtations des traditions africaines est toujours hautement valoris. Mais lide que race et culture ne concident pas ncessairement ne semble plus aujourdhui faire lunanimit. Signe de ce changement, le terme afro-brsilien cde la place des expressions, telles que matrice (matriz) ou racine (raiz) africaine, qui cartent toute rfrence la socit daccueil. Dans le contexte actuel, deux champs importants de la recherche brsilienne les recompositions culturelles sur le nouveau continent traites par lanthropologie et le devenir des groupes humains issus de lesclavage auquel lhistoire et la sociologie se sont intresses ont fini par se juxtaposer compltement. Les productions culturelles de matrice africaine sont dsormais apprhendes comme des lments caractrisant un groupe ethnique spcifique, celui des Noirs (negros) qui se distinguent en outre du reste de la population par leur type physique particulier : la texture de leurs cheveux et leur couleur de peau fonce, soit leur race 4.

    Larticle se propose dexaminer la faon dont seffectuent ces glissements successifs partir dun exemple tenu pour emblmatique de la prsence africaine au Brsil. Depuis la promulgation de la Constitution de 1988, les quilombolas5 ou descendants desclaves fugitifs le plus souvent tablis en milieu rural sont en effet perus comme un groupe ethnique

    2. Je traduirai le mot portugais negro par Noir en y mettant une majuscule (tout comme Blanc et Indien) pour indiquer quil sagit dune catgorie sociale ; jinsisterai sur ce point en utilisant des guillemets lors du premier usage de ce terme.

    3. Le Premier Congrs Afro-brsilien, qui a lieu en 1934 Recife, est suivi dun autre en 1938 Bahia. Les

    actes de ces congrs seront publis par la suite (Estudos afro-brasileiros, 1935. Rio de Janeiro : Ariel editora ; O negro no Brasil, 1940. Civilizaao brasileira).

    4. Sur la transformation de la culture afro-brsilienne en culture noire , voir Agier et Carvalho (1994).

    5. De quilombo : village fortifi construit par les Marrons.

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    porteur dune culture diffrente. Ils bnficient, pour cette raison, de programmes spciaux en matire de droits territoriaux6, mais aussi de sant et dducation, inspirs du traitement rserv aux populations amrindiennes. En accord avec larticle 169 de lOrganisation Internationale du Travail quil a ratifi en 2002, ltat brsilien a opt pour un principe de catgorisation ethnique ouvert et non contraignant. Le Ministre Public Fdral, charg de dfendre les droits constitutionnels, retient lauto-dclaration comme critre de dfinition de lappartenance des individus et des groupes afin dviter toute assignation identitaire, mais aussi tout dni didentit des groupes minoritaires : doivent tre tenus pour Amrindiens ou pour quilombolas tous ceux qui se reconnaissent comme tels.

    Aprs avoir t longtemps cantonne aux livres dhistoire, danthropologie et de folklore, la notion de quilombo appartient donc prsent au vocabulaire courant et au champ du politique. Lexplication donne sa notable diffusion est que, nayant plus se fondre dans la masse par crainte des reprsailles de la troupe coloniale, puis par peur de la stigmatisation par leurs contemporains, les quilombolas sassumeraient enfin en tant que tels. Le nouveau cadre lgal, les droits et la protection quil garantit, leur permettrait dmerger en tant que groupe sur la scne nationale. De fait, depuis le milieu des annes 1990, le nombre de groupes se dclarant quilombolas na cess daugmenter dans tous les tats (sauf le Roraima et lAcre) et le Secrtariat spcial pour la promotion de lgalit raciale (SEPPIR) les estime au minimum 3 0007.

    Les anthropologues brsiliens qui ont accompagn avec intrt la rsurgence de cette identit cache ou invisible ont rapidement object que la dfinition donne par les autorits (le quilombo historique issu de la rsistance lesclavage) ne rendait pas compte de ses modalits dexpressions actuelles (cf. infra). loccasion des congrs scientifiques, dans les nombreux groupes de travail consacrs ce thme, les dbats ont pu prendre un tour encore plus critique. Certains participants ont fait tat de leur perplexit en indiquant que le vocable quilombo ne figure pas parmi les termes didentification utiliss par les acteurs eux-mmes. Dautres ont fait part de leur difficult tirer profit dune dfinition tatique contestable pour comprendre les ralits sociales quils tudient. Toutefois, ds quil sagit de produire des articles scientifiques, lheure nest plus aux doutes, aux interrogations ou aux nuances ; chacun se rfre immanquablement la notion de quilombo pour caractriser les groupes considrs, en prcisant que sa redfinition ou sa re-smantisation lui confre le statut de concept analytique8.

    Il est vrai que lanalyse de la construction (ou de la dconstruction) des identits est pour le moins dlicate. La justice statuant sur des cas concrets partir de la catgorie officielle de quilombola, toute critique court le risque de tomber aux mains dopposants,

    6. Larticle 68 de lActe des dispositions constitutionnelles transitoires de la Constitution stipule : Aux rmanents des communauts des quilombos occupant les terres [de leurs anctres] est reconnue la proprit dfinitive [de celles-ci], ltat devant mettre leurs titres respectifs .

    7. http://www.portaldaigualdade.gov.br/copy_of_acoes [consult le 7/12/2010].

    8. La virulence du dbat sur le principe des actions affirmatives (elle est son comble pour ce qui est des quotas rservs aux Noirs) explique en partie que nul ne veuille sexposer publiquement. Sur la participation de lanthropologie la redfinition de la catgorie quilombo, voir Boyer (2010a). Pour une description analytique de cette partie du champ de lanthropologie brsilienne, du rle quentend jouer la discipline linterface des groupes sociaux et de ltat, et sur les effets de linstitutionnalisation de cette ligne de recherche, voir Boyer (2010b).

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    grands propritaires ou grandes entreprises prts faire feu de tout bois pour quchouent les demandes de rgularisation territoriale en cours9.

    Pourtant, bien que la marge de manuvre soit extrmement troite, certains lments incitent penser que la rflexion est indispensable, voire salutaire. Tout dabord, la position dterminante quoccupe lanthropologie auprs des instances charges de lapplication des politiques publiques en faveur des quilombolas : les avis techniques (laudos), pices fondamentales des dossiers prsents, sont en effet obligatoirement rdigs par des reprsentants de la discipline. Ces derniers acceptent de rpondre favorablement aux sollicitations des institutions en esprant oprer une mdiation efficace entre ltat et les populations et ainsi dfendre des minorits. Or, le faible nombre de titres mis au regard de celui des requtes10 et le durcissement des conditions imposes par lInstitut de la Colonisation et de la Rforme agraire dans sa dernire Instruction Normative datant doctobre 200911 jettent une ombre sur la relle volont du gouvernement brsilien de satteler la question foncire mme dans le seul cas quilombola. Outre que les bnfices escompts de la collaboration des anthropologues avec les institutions pourraient se rvler illusoires, celle-ci comporte un risque certain : porter le grand public croire que des catgories administratives sont valides par la science et, ce faisant, quelles dsignent des groupes sociaux vritablement autres. Il est alors craindre que cette coopration entre les anthropologues et ltat ne soit pas perue comme un ralliement stratgique faute dalternative politique une position soutenue par certains spcialistes (par exemple, Mota 2005). Et quau contraire, elle soit plus communment interprte comme une adhsion inconditionnelle la lecture du tissu social promue par ltat, lecture que les reprsentants de la discipline contribueraient en ce cas lgitimer.

    Jaimerais explorer dans les pages qui suivent la faon dont lanthropologie brsilienne des quilombolas apprhende ce groupe et les individus rels qui le composent, en soulignant les termes et les concepts quelle mobilise pour ce faire. Je mintresse donc moins au point de vue des populations concernes12 qu celui que les chercheurs expriment dans leurs crits. Le corpus utilis est form aussi bien de livres et articles publis que de rapports dexpertise, de

    9. La difficult de lexercice critique est galement pointe par Odile Hoffmann pour la Colombie : Il ne suffit pas de prouver la nature construite des identits, car la dconstruction simple se transforme alors en instruments de dlgitimation aux yeux des acteurs eux-mmes aux prises avec ces catgories explicatives (ou celles de leurs opposants) (2004 : 228).

    10. Selon lInstitut national de la colonisation et de la rforme agraire (INCRA) ayant en charge la dlimitation des terres, si 113 titres de proprit concernant 183 communauts quilombolas ont t mis entre 1995 et 2010, pas moins de 996 demandes demeuraient encore en attente, lune ou lautre des phases du complexe processus de titularisation.

    11. Avec la dernire Instruction normative de lINCRA, le certificat mis par le Registre gnral des rmanents de communauts quilombolas tenu par la Fondation culturelle Palmares (institution charge de dfinir les politiques publiques en faveur des Noirs) devient non seulement un document indispensable toute demande, mais les conditions de son obtention sont rendues plus difficiles. Cette dernire exige en outre la prsentation dun rapport synthtique de la trajectoire commune du groupe et prvoit une ventuelle visite technique la communaut dans le but dobtenir des informations et dclairer de possibles doutes (Comisso Pr-ndio, http://www.cpisp.org.br/terras/html/pesquisa_porque_governo.asp, consult le 8/12/2010).

    12. Les catgories locales didentification feront lobjet darticles ultrieurs partir de recherches personnelles menes dans ltat amazonien de lAmap.

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    thses et de communications prsentes des colloques. Une premire partie montre que les choix oprs pour construire un modle thorique extrmement flexible du quilombo renvoient au projet den faire un outil dmancipation politique pour des populations domines13. Dans un second moment, jindiquerai comment ce programme conduit paradoxalement une imputation didentit. Car les signes culturels et/ou sociaux qui auraient d permettre de constituer les quilombolas en tant que groupe unitaire, spcifique et reconnaissable en tous lieux ne vont cesser de se drober. Le registre de lethnicit plac au point de dpart dclar des analyses sefface ds lors progressivement, et le plus souvent subrepticement, devant celui de la race, le phnotype intervenant telle une vidence comme un critre probant dappartenance. Le propos des anthropologues rendre plus lisible la catgorie officielle de quilombo est ainsi lorigine dune superposition des notions dethnie et de race que rend bien lutilisation rcurrente de ladjectif compos ethno-racial .

    Lautodfinition quilombola : du nominalisme de ltat au ralisme politiqueDans un pays o la structure foncire est profondment ingalitaire, linstitution dun

    cadre juridique pour la rgularisation des terres quilombolas suscite un grand enthousiasme de la part de tous ceux qui luttent pour davantage dquit, et beaucoup despoir parmi des populations exposes la menace des grands propritaires terriens, des entreprises prives ou des projets damnagement du territoire. Pourtant, les nouvelles orientations du gouvernement brsilien nont pas eu dcho immdiat : il a fallu attendre 1992, soit cinq ans aprs la promulgation de larticle 68, pour que se fassent entendre des revendications quilombolas.

    Le fait tient en partie la notion retenue par ladministration pour tenter de rparer la dette que la socit a envers les descendants des esclaves. Il est en effet rarement utilis par les groupes quil est cens nommer. Ceux-ci se dsignent plutt comme petits (pequenos), pauvres (pobres), travailleurs ruraux , squatters (posseiros), dici mme (daqui mesmo), familles modestes (famlias humildes) ou dune mme famille (uma famlia s)14. Dans un article jug prcurseur des tudes de quilombo, puisquil concerne un village de la zone rurale pauliste maintenant un vocabulaire de mots dorigine africaine 15, P. Fry, C. Vogt et M. Gnerre (1981) ne font dailleurs pas une seule fois rfrence ce terme. Plus encore, la catgorie institutionnelle semble parfois ntre pas mme comprise des populations : U. Capinan et L. Cardel (sd : 16), A. L. G. Figueroa (2007 : 54) et J.-F. Vran (2003 : 278) notent par exemple que le vocable est aussitt traduit par celui de quilmetro (kilomtre) qui situe des groupements de maisons sur une route.

    La lecture de la bibliographie montre que lapparition du terme est laboutissement dun long processus de mobilisation16, au cours duquel des groupes ruraux marginaliss sans

    13. Les interrogations de Christine Chivallon propos de la notion de diaspora pourraient en ce sens tout aussi bien sappliquer celle de quilombo : le sens dune notion est-il redevable des adquations repres dans lexprience singulire de populations [] ? Ou se montre-t-il plus sensible aux projets sociaux de ceux, intellectuels, universitaires, chercheurs, qui fixent le contenu des concepts ? (2002 : 53).

    14. Voir par exemple Chagas (2001), Silberling (2003), Souza (2007), Vran (2003).

    15. http://www.quilombocafundocom.br/resistencia_cultural.php [consult le 10.12.2010].

    16. Par exemple, Russczyk (2007), de Sousa (2007) et Zigoni (2007).

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    nom (Penna-Firma & Brondizio 2007 : 360) sapproprient dune identit lgalise (Chagas 2001 : 224) ; et quune fois atteint lobjectif dune rgularisation foncire, son usage peut ventuellement tomber en dsutude (Vran 2003).

    Les nouvelles dispositions du gouvernement brsilien, qui se veulent respectueuses du droit des minorits, sont louables sur le papier. Nanmoins, leur application ne va pas sans poser certains problmes. Signalons tout dabord que si la reconnaissance dune adoption progressive du mot quilombola semble tenir compte des enseignements de lanthropologie pour laquelle les identits sont contextuelles et situationnelles, lobligation faite aux populations dadhrer une notion qui leur est trangre nest pas remise en cause : pour faire valoir leurs droits auprs de ltat, celles-ci sont contraintes de renoncer leurs propres catgories didentification au moins publiquement. On peut alors se demander si cette exigence ne porte pas un srieux coup au principe mme de lautodfinition (lequel devait permettre dviter le pige dune dangereuse essentialisation), voire ne le vide compltement de son sens.

    Les choses sont dlicates galement pour ce qui est de la mise en uvre des politiques publiques. Les anthropologues apportent leur contribution en effectuant des expertises par conviction dsintresse ou par ncessit pour ceux qui travaillent temps plein pour les institutions charges de dlimiter les terres quilombolas17 et certains constatent que la tche savre tout le moins ardue. Dans certains cas, lenchevtrement des terres occupes par des groupes quil faut dsormais distinguer rend la dmarcation territoriale trs complexe (Lucchesi 2009). Dans dautres cas, cest la constitution par les intresss de listes discordantes dayants-droit qui fait problme (Hartung 2009). Lexcution de ces politiques publiques, qui concernent les seuls quilombolas, et non tous les pauvres dpourvus du titre officiel de leurs terres, impose ainsi de trancher quelquefois dans le vif des rseaux sociaux et/ou de sparer nettement des espaces dont les limites taient jusque-l consensuelles.

    Enfin, les reprsentants de la discipline reconnaissent que la caractrisation gnrale des communauts rmanentes de quilombo est loin dtre simple. Ces dernires ne prsentent pas ncessairement des traits socioculturels analogues, pas plus quelles ne partagent obligatoirement une histoire semblable : on en localise dans des environnements gographiques aussi diffrents que les milieux rural et plus rcemment urbain, dans des rgions trs loignes comme le nord et le sud du pays, sur des terres qui ont t donnes par un matre ou achetes par un anctre, celui-ci pouvant par ailleurs avoir t tant un ancien captif qutre n libre. Lintgration de groupes sociaux trs diversifis dans un unique ensemble institutionnel conduit oblitrer ce qui fait la singularit de chacun dentre eux. Elle a en cela un effet dhomognisation du rel auquel les spcialistes des quilombos sont bien sr sensibles. Soucieux de prendre de la distance avec les catgories officielles, Jos Mauricio Arruti prend ainsi soin de souligner limpossibilit de vrification objective (1997 : 15) des appartenances. Prenant le cas des Noirs et des Indiens dans le Nordeste du pays, il affirme que, dans de nombreuses situations, il nexiste aucune vidence formelle de la distinction : celle-ci est, pour les Pankararu, de nature politique et symbolique, servant de terme accusatoire et factionnel ; quant aux Antikum, ils sont passs de lune lautre catgorie au cours de leur histoire (id. : 14-15). Convoquant dautres tudes de cas pour tayer ses remarques propos de la plasticit (id. : 14) des notions et du rle de

    17. En particulier, pour lInstitut national de la colonisation et de la rforme agraire (INCRA).

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    diffrenciateur interne quelles assument (ibid.), Arruti dnonce ds lors l arbitraire que peut constituer la dichotomie indiens/noirs (id : 16). De fait, en ne prenant pas en considration les reprsentations locales de la diffrence, elle crase la multiplicit des configurations du rapport lAutre.

    Le risque dune unification abusive des registres de laltrit est dautant plus grand, indiquent ces chercheurs, que ltat se prvaut dune dfinition trop littrale et trop troite de la notion de quilombo (les quilombolas en tant que descendants desclaves marrons). Comme lcrit encore Arruti, les units de description des populations soumises rpondent, au prix dune rduction brutale de leur altrit, aux ncessits de production dunits gnriques dintervention et de contrle social (1997 : 14, voir galement Leite 2000 : 343). En dautres termes, ltat veut des dfinitions concises, claires et oprationnelles pour faciliter son action mme si elles ne rendent pas compte de la complexit du rel.

    Cette proccupation concernant lusage des catgories cres par les autorits nest pas spcifique aux quilombolas. Henyo Baretto Filho fait une observation dans le mme sens propos des dites populations traditionnelles 18 : si nous considrons que lacte de catgorisation exerce du pouvoir en lui-mme et que lefficacit du discours performatif est proportionnelle lautorit de celui qui lnonce, les populations traditionnelles sont dans une large mesure institues comme ralit par le pouvoir de rvlation et de construction exerc par lobjectivation du discours normatif et administratif (2006 : 136). Car, pas plus que les quilombolas, les populations traditionnelles ne forment un groupe homogne : il ny a pas forcment de ressemblance religieuse, identitaire, cosmologique, linguistique, etc. (Little sd : 22) entre elles.

    La crainte exprime par P. Little que les catgories juridiques se substituent aux catgories danalyse (id. : 15) et celle de J. M. Arruti quelles ne traduisent une volont de contrle des populations (voir aussi Little, id. : 15) renvoient ainsi dune faon gnrale la nomination des groupes sociaux par ltat19. Pour ce qui est des quilombolas, le terme retenu date de lpoque coloniale, o il tait dfini comme crime contre lordre esclavagiste, mais il est devenu au cours du XXe sicle un symbole de la rsistance des cultures africaines, puis des rsistances lesclavage, avant dtre une mtaphore pour parler de la rsistance la dictature militaire20. Or le sens actuel donn la catgorie quilombo semble prendre le contrepied des prcdents, toujours plus ouverts, puisquil en revient une dfinition troite. Ne pourrait-on alors craindre que ce resserrement vise encadrer fermement les politiques redistributives, et peut-tre mme les limiter ? Cest ce qui inquite Maristela de Paula Andrade quand elle sinterroge sur la diffrence entre une communaut noire rurale et une communaut noire rurale quilombola : lArticle 68, pens pour inclure, ne pourrait-il pas tre utilis pour exclure ? (2003 : 40).

    18. La notion, forge lors de la confrence Eco 92 qui sest tenue Rio de Janeiro, sapplique aux populations qui vivent de la pche artisanale et de la collecte des produits de la fort : les seringueiros (collecteurs de caoutchouc), les ribeirinhos (habitants des rives des fleuves), etc.

    19. Quoique la base des catgorisations juridiques au Brsil soit culturelle et ethnoraciale et non socioprofessionnelle et nationale comme en France, le processus en cours semble sapparenter celui quanalyse Grard Noiriel (2007) chez nous, cest--dire la fabrication par ladministration de catgories dayant droit des groupes aux frontires rigides o linclusion de certains signifie lexclusion dautres.

    20. Je remercie Peter Fry davoir attir mon attention sur ce point. Voir sur ce thme Gomes (1996).

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    La multiplication des ethnographies, comme le recommande deux reprises cette anthropologue dans le mme article (id. : 37, 40), constitue le plus sr moyen de parer une caractrisation assurment abusive de tous les quilombolas par la rsistance arme lesclavage ou un usage collectif de la terre. Accumuler les donnes sur la religiosit, les pratiques matrimoniales, lorganisation sociale ou lexercice du pouvoir permettrait de nourrir les analyses de matriaux pour comprendre le vcu des groupes sociaux placs dans la catgorie officielle quilombo . Ce programme de travail aurait ventuellement favoris ensuite un retour critique non seulement sur ce qui est cens les distinguer des populations voisines, mais aussi sur laction de ltat elle-mme. Car en considrant les termes dauto-identification au regard de la trajectoire singulire de chacun dentre eux, de son insertion sociale et de la structure foncire locale ou rgionale, on se serait donn des instruments pour comprendre la diversit des situations et les moyens de construire un modle anthropologique des nouvelles revendications politiques o lidentitaire se conjugue avec le territorial. Peut-tre mme, puisque cette approche aurait accord une attention soutenue la faon dont les acteurs sociaux parlent deux-mmes et procd un examen attentif des mots mobiliss et des registres dont ils ressortent un examen que lun des prcurseurs de ces tudes, Alfredo Wagner Berno de Almeida, appelle de ses vux21 , aurait-elle pu y compris contribuer la mise en place dun principe dautodfinition refltant au plus prs les ralits des formations sociales qui se trouvent aujourdhui marginalises. Le vocable mocambo, qui dsignait galement par le pass les habitations des esclaves marrons, aurait t cet gard sans nul doute dj plus vocateur que celui de quilombo, dans la mesure o des lieux gographiques proches de certaines localits portent parfois ce nom22.

    Lanthropologie brsilienne a toutefois choisi demprunter une autre voie : garder le terme juridique en tentant de montrer quels groupes il pourrait correspondre dans la socit actuelle. En effet, dans les annes 1990, les spcialistes des communauts noires rurales ont expliqu que le quilombo aurait toujours un sens aujourdhui la condition dtre redfini ou re-smantis (Boyer 2010a)23. Lobjectif sest rvl tre un puits sans fond. La conceptualisation du quilombo laide des notions de mode de production et de territorialisation a sembl efficace pour rendre compte de lensemble des dites communauts noires rurales qui, les premires, se sont saisies de larticle 68. Elle sest nanmoins montre peu adapte pour caractriser les groupes urbains qui se sont par la suite mobiliss autour de demandes de reconnaissance en tant que quilombolas (Silveira 2007 : 13) le terme devant alors tre encore retravaill pour parvenir largir son champ dapplication.

    21. Le point de dpart de lanalyse critique est se demander comment les agents sociaux eux-mmes se dfinissent et se reprsentent leurs relations et leurs pratiques face aux groupes sociaux et agences [reprsentants des institutions de ltat et organisations non gouvernementales] avec qui ils interagissent (Almeida 2002 : 67).

    22. Cest par exemple le nom du hameau tudi par Arruti (2006).

    23. La catgorie populations traditionnelles a fait lobjet de choix analogues, justifis en ces termes par P. Little : il faut se centrer sur la question foncire et juger le concept dans ce champ (sd : 22). Notons que les critres retenus sont identiques ceux qui sont censs caractriser les quilombolas : un rgime commun de proprit, un sens dappartenance un lieu spcifique et une profondeur historique de loccupation. Celle-ci peut nanmoins tre trs rcente : une dizaine dannes pour certaines populations traditionnelles dans lAmap (Lna 2005) ou certains quilombos dans le mme tat (recherche personnelle).

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    Cette option dcoule clairement de prises de position courageuses en faveur des exclus, pour autant quun engagement politique fort des intellectuels aux cts de ceux-ci puisse modifier la donne dune domination sculaire. Or si les anthropologues renonaient indiquer o se trouvent des quilombolas ou si aucun groupe ne se reconnaissait dans la catgorie tatique, les droits territoriaux garantis par la loi chapperaient assurment de potentiels bnficiaires. Il convenait ds lors de faire en sorte que la notion de quilombo puisse recouvrir un large ventail de situations sociales afin de la transformer en une catgorie politique inclusive. En dautres termes, lobjectif scientifique de la re-smantisation du quilombo comprendre la formation des groupes nomms laide de ce terme et restituer leur exprience actuelle a depuis le dbut trouv son sens dans une cause militante faire en sorte que ces groupes puissent accder des droits territoriaux. Ds lors, lintrt de la plupart des chercheurs tudiant des quilombolas ne sest pas port sur les nuances dans la construction du rapport lAutre (ou aux Autres) ou sur les subtilits des processus de symbolisation de la diffrence, mais il sest concentr sur la mise en vidence la plus claire possible de frontires et de limites , et son rappel incessant. Lenjeu majeur ntait donc pas de dterminer ce quon entend, dun strict point de vue anthropologique, par quilombola.

    Le fait est perceptible quand certains auteurs dclarent attendre de leurs efforts analytiques pour repenser la notion quils permettent de la conserver dans son rle de modle [papel modelar], comme inspiration politique pour les mouvements sociaux contemporains (Leite 2000 : 341 ; cest moi qui souligne). La construction dun modle unique pour le quilombo est intimement lie un projet politique dcrit en ces termes par Ilka Boaventura Leite :

    En tant que forme dorganisation, le quilombo rend possible de nouvelles politiques et stratgies de reconnaissance. Premirement, travers la responsabilit que le groupe a de dfinir des demandes lgitimes et son pouvoir dagglutination, dexercer une pression et de produire une visibilit dans une arne politique o dautres groupes se trouvent dj. En second lieu, travers son questionnement, mme indirect, de la fonction paternaliste de ltat, de lutilisation que font les politiques des tendards des mouvements sociaux dans des campagnes politiques millionnaires. Et, en troisime lieu, en proposant la rvision des priorits sociales, travers, principalement, limplantation de politiques publiques tournes vers des demandes considres plus importantes et reprsentatives des intrts de ces communauts. (2000 : 345)

    Le quilombo serait un outil efficace pour penser et appuyer des revendications territoriales auxquelles les syndicats de travailleurs ruraux nont pas su rpondre dans un pass rcent (Almeida 2002 : 72). En permettant dorganiser les luttes sociales autour de nouveaux mots dordre, il donnerait des groupes trs fragiles les moyens de contourner les tats pour accder directement aux programmes du gouvernement fdral (Silberling 2003 : 164). Certains anthropologues, linstar de Leite cite plus haut, soulignent aussi que la reconnaissance des quilombolas en tant que sujets politiques autonomes (Mota 2005) a un effet de maturation politique qui les encourage prendre leur destin en main : ils se voient investis de la responsabilit de dfinir leurs demandes et confrs la lgitimit ncessaire pour les faire valoir, linstar dautres organisations. Ils se trouveraient alors en position de rompre avec le clientlisme, en exigeant une rorientation des politiques publiques sur la base de priorits quils auraient eux-mmes dfinies. Ainsi que le souligne Almeida, est lordre du jour une unit sociale base sur de nouvelles solidarits, laquelle se construit en combinant des formes de rsistance qui se sont consolides historiquement et lapparition

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    dune existence collective capable de simposer aux structures de pouvoir qui rgissent la vie sociale. Il y a une flagrante politisation du problme avec le processus de consolidation du mouvement quilombola en tant que force sociale (2002 : 79). Ce qui intresse avant tout les anthropologues est la monte en puissance des groupes quilombolas sur la scne politique, une visibilit quils voudraient aider renforcer.

    Cest pourquoi nombreux sont ceux qui proposent dintgrer cette catgorie des cas encore non rvls eux-mmes : il faut inclure [dans la catgorie quilombola les communauts] qui sauto-identifient dj [de cette faon, et] celles qui ont les mmes caractristiques, mais ne sauto-dnominent pas ainsi, principalement parce quelles ne disposent pas de lorganisation et des moyens pour formuler un discours dans ces termes (Leite 2000 : 347 ; cest moi qui souligne). L organisation voque par lanthropologue est lassociation dment enregistre auprs dun notaire dont les groupes sociaux doivent se doter pour pouvoir soumettre un dossier de rgularisation foncire : cest elle, et elle seule, que sadresseront leurs interlocuteurs institutionnels. La mention de moyens inexistants, quant elle, ne devient intelligible quen la rapportant au fait signal plus haut que quilombo ou quilombola ne sont pas des termes dautodfinition. Il est alors probable que ces moyens soient dordre lexical ou discursif et quils renvoient la capacit des acteurs de sapproprier ces vocables. Dans le mme sens, Arruti insiste sur la ncessit de ne pas avoir une vision troite du principe dauto-identification, en considrant aussi le processus de familiarisation des groupes avec les termes institutionnels : la notion dauto-attribution peut [] se transformer en mcanisme de rification, si les conditions sociales daccs et ladoption des catgories de (di)vision du monde social sont abstraites de lanalyse (2008 : 341). La non-dfinition de certains groupes en tant que quilombola conduit de fait leur exclusion des politiques de redistribution : dune certaine manire, il revient alors aux chercheurs de rtablir les conditions de leur inclusion en construisant une grille de lecture qui prendrait mieux en compte lampleur de la demande sociale identifie comme quilombola.

    Lapproche en termes dethnicit permettrait dapprhender lmergence de ces nouveaux sujets politiques dun bout lautre du Brsil en les fondant dans un unique acteur social dit quilombola. Elle serait en effet susceptible de maintenir lunit de la catgorie lgale de quilombo parce que, en tournant fermement le dos au culturalisme, elle est capable de supporter les importantes et videntes variations entre les groupes : la diversit des quilombolas y est implicitement conue comme le pendant de celle, connue et reconnue, des socits amrindiennes.

    Ainsi, au fur et mesure de sa re-smantisation , le quilombo saffranchit de toute obligation de conformit un quelconque modle et acquiert une souplesse ingale : il nest pas un prsent, une ralit dores et dj observable, mais une possibilit, un devenir pour les groupes sociaux. Il est ds lors susceptible dtre un instrument dmancipation politique. Car la transformation de la notion coloniale en concept savant par des scientifiques dialoguant (parfois vivement) avec les autorits lui confre un sens positif et une respectabilit indniable censs rsoudre, ou au moins aplanir, lobstacle de lautodfinition problmatique. Du point de vue des anthropologues, le quilombo nest plus une survivance archaque dont les populations locales chercheraient loigner le souvenir en raison des nombreux prjugs ; elles pourraient dsormais se lapproprier comme un signe de modernit, une modernit mature qui ne renie pas le pass, mais se construit partir de lui.

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    De lethnie la raceLcueil dune vision passiste du quilombo a t djou par sa re-smantisation. La

    rinterprtation du terme colonial par les anthropologues entend doter la notion dune porte conceptuelle et dun statut scientifique. Il sagit, dun point de vue intellectuel, de lui confrer la capacit de rendre compte dune multiplicit de situations sociales et, dun point de vue juridique, de justifier linclusion dans une mme catgorie institutionnelle de groupes trs divers. Le choix mthodologique opr pour donner de la substance lide dun collectif, sinon homogne du moins cohrent, est dinsister plutt sur les lments rcurrents que sur les particularits observables. Cest cet effort de gnralisation qui permet de construire les quilombolas en tant que groupe ethnique mobilis autour de la dfense dintrts communs. Nous verrons que lapproche adopte nira pas toutefois sans susciter des problmes imprvus.

    La lecture apparemment aisment accessible des ralits sociales laide de la notion de quilombo incite considrer les diffrences comme lexpression de variantes mineures dun modle unique. Or, ce fait a une consquence indsirable que certains dfenseurs du nouveau concept indiquent. Ces derniers notent en effet que le recours lethnie a ses limites et quen particulier il favorise la production de strotypes malheureux. Pour que leur identit quilombola soit prise au srieux par les bureaucrates et les techniciens reprsentant ltat (Andrade 2003 : 40), les groupes concerns doivent exhiber, comme si ctait une caractristique propre, au moins quelques uns des traits culturels associs cette matrice africaine dont ils procderaient : importance de loralit, des ftes religieuses, transmission de la mmoire des anctres, usage collectif de la terre, connaissance du territoire, voire pratique des cultes de possession, jeux et danses comme la capoeira et le jongo ou, pourquoi pas, le hip-hop.

    En sappuyant sur lanalyse du sociologue Muniz Sodr, I. B. Leite dnonce les drives du fait de tenir les quilombolas pour des rmanents , entendu non seulement comme ce qui est issu de (la descendance), mais aussi comme ce qui subsiste, ce qui reste (la rmanence) de lAfrique au Brsil :

    Il existe tout un ensemble dactions [de la part de ltat et relay par] les mdia, pour transformer celui qui est appel, de faon quivoque, rmanent en un morceau de folklore national. Il sagit dun ethnicisme qui, daprs Muniz Sodr produit une ghettosation ou une touristification des diffrences, qui selon lui exige des cultures une authenticit, une espce dme populaire, pour mieux les consommer . (Leite 2000 : 350 ; voir galement Russczyk 2007 : 168)

    Pour lanthropologue, ces attentes exposent les quilombolas nourrir, dans limaginaire national, la reprsentation dun Autre intrieur, authentique et folklorique , livr en pture la consommation touristique. Le constat sous-estime certainement la capacit de rappropriation des catgories officielles par les groupes rcepteurs et il leur suppose une extrme passivit face aux interlocuteurs institutionnels.

    Il prend pourtant indubitablement la mesure des rapports de domination et des contraintes qui sexercent sur des populations extrmement fragiles. Car, si les quilombolas ne prsentent pas les signes quon attend deux, les fonctionnaires des institutions pourraient se croire fonds signaler leur manque didentit [...] de fiert [et de] sentiment dappartenance (Andrade 2003 : 42) ce qui remet en cause directement la demande de rgularisation

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    foncire24. Lemploi de la notion quilombo, qui tend subsumer des situations sociales diverses sous une tiquette appose den haut, encourage ainsi la reconduction de clichs sur la faon dont doit se manifester la diffrence des dits quilombolas.

    Comment chapper alors au pige inattendu dune rduction lexotisme qui menace de se refermer avec force sur ceux dont on prtendait souligner la modernit politique ? Comment insister sur lunit formelle de cette catgorie tout en pointant la diversit de ses formes concrtes ? En dautres termes, comment mettre en vidence la singularit de lidentit quilombola sans lessentialiser pour autant ? La rponse quelque peu surprenante des anthropologues ces interrogations consiste faire rfrence au phnotype pour confirmer lethnie. A priori, lemploi du terme negro (noir) propos des quilombolas renvoie un prsuppos dordre logique : les actuels quilombolas, descendants des Africains qui ont fond les quilombos, ont de fortes chances davoir la peau fonce. Cependant, des lments suggrent que certains dentre eux peuvent avoir lpiderme plus clair. Lhistoriographie a attest pour le pass de la prsence dIndiens et de Blancs pauvres dans les villages marrons. Et cette proximit est encore releve aujourdhui puisque des anthropologues font tat de la pleine identification de multres (mulatos) et de Blancs (brancos) avec la lutte des Noirs (negros) (Leite 2000 : 352, voir galement Almeida 2002 : 69). Lutilisation du vocable negro propos du quilombo serait en ralit avant tout mtaphorique. Elle nest pas cense dcrire prcisment la couleur de la peau des individus, mais a plutt pour objectif de renforcer le contraste entre des groupes : les quilombolas et les autres. Quilombo se voit en quelque sorte adjoindre le mot negro pour rendre davantage visibles les contours de lethnie quilombola. Dans le cadre des revendications territoriales actuelles, des parents, allis ou voisins qui ne sont pas pretos (noirs de peau) seraient donc en principe susceptibles dtre tenus pour des negros quilombolas en raison de leur engagement politique indiscutable.

    Lintroduction du phnotype, voire de la race, aux cts de lethnie, nen est pas moins effective et permanente. Leur association est si intime que lexpression retenue, y compris par ltat, pour qualifier les quilombolas et les negros est celle de groupe ethno-racial : sont ainsi rappeles la fois les valeurs partages et lascendance commune. Ces notions, qui sappuient toutes deux sur les registres de lethnie et de la race, ont dailleurs t construites partir dune dmarche englobante analogue. En effet, la proposition des anthropologues dintgrer la catgorie dauto-identification quilombola, les communauts se dclarant dj comme telles et dautres non encore rvles elles-mmes , relve de la mme logique que la demande du Mouvement noir unifi au cours des annes 1990. Ce dernier exige alors que les catgories du recensement national preto (o sintgrent les individus se reconnaissant comme noirs de peau) et pardo (ceux qui se voient comme mtis) soient fusionnes en un groupe unique, celui des negros (entendu ici comme identit politique)25. Lune et lautre initiatives sont motives par un dsir de juste reprsentativit et dquit sociale, et lune et lautre remettent en cause limage jusque-l donne de la nation : les

    24. Pour un exemple amazonien o un groupe sapproprie des catgories officielles en les transformant en autant de mannes financires, et sans renoncer affirmer sa particularit dune identit multiple, voir Boyer (2009). Cette possibilit ne soffre toutefois pas des groupes confronts des conflits fonciers et alors contraints pour solliciter la protection de ltat de sen tenir une seule dentre elles.

    25. Cette proposition sera abandonne aprs avoir t teste par lInstitut brsilien de gographie et de statistiques auprs dun chantillon reprsentatif de population, car de nombreux pardos, placs devant lalternative branco ou negro, optaient pour le premier terme.

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    quilombos ne seraient pas une exception mais la rgle pour les descendants des Africains rduits en esclavage ; les negros ne seraient pas une minorit mais ils constitueraient prs de la moiti de la population, voire davantage26.

    Pour autant, il ne sagirait pas de mettre en place une nouvelle vision fige des choses et les chercheurs ne manquent pas de rappeler que lidentit est affaire de contexte et dautodfinition. Par exemple, Miriam de Ftima Chagas constate que la rfrence constitutive du groupe ne serait pas une africanit, mais le lieu de naissance des individus (a prpria natividade) (2001 : 228)27. linstar dAntonio Srgio Guimares (2008) dans un article propos, entre autres termes, de la couleur et de la race , la plupart des anthropologues assurent en outre avoir conscience des carts de sens et dusage entre les concepts analytiques et les catgories natives. Tout comme le vocable quilombola, celui de negro ne saurait en aucun cas, dans cette perspective, contribuer naturaliser les diffrences : il importe de les apprhender comme des identits politiques que les groupes les plus divers peuvent actionner. Les anthropologues prennent dailleurs grand soin de souligner que le terme race doit tre compris loin de toute conception biologisante, en tant que construction sociale parmi dautres (Almeida 2002 : 69). La race negra et l ethnie quilombola paraissent ds lors des notions si flexibles et si conjoncturelles quelles semblent quasiment sur le point de se dissoudre en autant de configurations singulires.

    Paradoxalement, cest ce moment quest raffirme, dune part, linsparabilit de la race et de l ethnie et, dautre part, leur pertinence pour saisir le rel. Reflet dun possible autisme, les termes dautodnomination que lon voit apparatre dans les extraits dentretiens cits (par exemple, preto, Figueroa 2007 : 58, 60 ; petits , Chagas 2001 : 222 et Souza Filho & Andrade 2007 : 87, 105) sont trs rarement repris dans les commentaires pour discuter les rapports quils entretiennent avec les catgories officielles28, et a fortiori pour analyser les reprsentations locales de lidentit. Abondent en revanche dans ces crits des expressions peu prsentes dans les citations, telles que quilombola, negro ou d origine africaine , comme pour recadrer et clarifier le propos un lecteur inattentif.

    Plus encore, lusage presque indiffrenci de ces mots ne donne pas limpression dtre simplement synonymique, afin dallger lcriture de lassantes rptitions. Certaines formulations ne laissent gure de doute sur la place accorde la race dans les analyses du quilombo. Ainsi, Carlos Eduardo Marques admet que la dfinition de lappartenance ethnique dans larticle 2 du dcret n 4.887, qui rglemente lapplication de larticle 68, pourrait tre considre comme essentialiste dans la mesure o est introduit dans le lexique un complment racial (2008 : 78). Il prfre retenir que cette mention traduirait le succs dun acte militant : en faisant rfrence une prsomption dancestralit negra , la rdaction du texte reflte la participation effective du Mouvement noir dans la conqute de politiques caractre affirmatif (ibid.). Lauteur va au-del puisquil reconnat en outre la race de

    26. Selon le recensement de 2000, le Brsil compte 54% de brancos, 38% de pardos, 6% de pretos et moins dun 1% pour les amarelos (asiatiques) comme pour les indgenas (amrindiens), La proportion de negros (pardos plus pretos) augmente considrablement si lon considre la population sous le seuil de pauvret : 34% sont brancos, 59% sont pardos et 7% sont pretos.

    27. Notons que la dfinition de lappartenance par le lieu de naissance ne se limite pas aux quilombolas. Elle est extrmement frquente dans la plupart des groupes ruraux.

    28. Parmi les exceptions, citons Andrade (2003) et Souza (2007).

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    perdurer comme un marqueur diacritique ( travers les traits phnotypiques) (2008 : 81), autrefois de faon ngative et de nos jours de manire positive. Dans le mme sens, Leite dclare prendre la mesure de son importance en prcisant que le phnotype est un principe gnrateur didentification (2000 : 345).

    Indpendamment des modalits de la redfinition de la race , effectue en parallle de la re-smantisation du quilombo, ces quelques exemples indiquent bien que la singularit des dits quilombolas est autant value laune des productions symboliques et sociales des groupes que de lapparence physique des individus qui les composent29. La proposition de Leite, cit la fin de la premire partie, dintgrer la catgorie officielle les communauts quilombolas encore non rvles elles-mmes parat faire cho cette supposition que leurs caractristiques communes ne sont ni seulement sociologiques ni uniquement culturelles. Le juriste Girolamo Treccani, aujourdhui assesseur de lInstitut de terres du Par (ITERPA) qui procde la rgularisation des territoires quilombolas dans cet tat amazonien, est alors en droit de retenir de ses lectures anthropologiques que le principe dautodfinition reprsente un dfi totalement nouveau pour lanthropologie et les sciences sociales, car il pose la question de la couleur comme lment fondamental didentification groupale (2006 : 150, cest moi qui souligne).

    Conclure de lhistoriographie que les quilombolas noirs forment un sous-ensemble des negros dont les ascendants nont pas tous particip la formation de quilombos se rvlerait donc une grave erreur. La re-smantisation de la catgorie institutionnelle ayant fait le lit du passage de lethnie la race, chaque negro doit tre virtuellement considr comme un quilombola. Il est ds lors possible de prdire que les fameux cas quilombolas encore non rvls eux-mmes sont constitus de negros qui peuvent de la mme faon signorer en tant que tels, mais dont la couleur de peau est de toute vidence preta tout du moins aux yeux dun observateur extrieur. Les discours, qui oscillent entre un relativisme insistant sur lauto-dsignation et la diversit phnotypique, et un objectivisme mettant laccent sur des critres observables, entre autres la nuance de lpiderme et la texture des cheveux, ont pour effet de reconduire la reprsentation des quilombolas comme ethnie, ventuellement porteurs dune culture spcifique, mais surtout comme appartenant la race negra.

    Il ne fait aucun doute que negro, une catgorie historiquement et politiquement construite est un objet dtude lgitime pour lhistoire et lanthropologie. La remarque vaut galement pour le quilombo, un thme de recherche dautant plus fond quil est au cur des nouvelles politiques publiques. Nanmoins, ces deux notions ne sauraient tre tenues pour des outils danalyse efficaces puisque leur dfinition et le rle quelles sont susceptibles de jouer dans lorganisation des rapports sociaux dpendent dautres variables socio-historiques la relation entre les lments de chaque configuration particulire constituant prcisment la

    29. Par exemple : Les donnes dordre socio-conomique et culturel [...] dmontrent que lancestralit negra du groupe est non seulement prsume, mais dote de contenus spcifiques concrets, en conformit avec lidentit ethnique et culturelle quilombola autodclare. Que cette identit, outre quelle sassocie une mmoire et un phnotype afro, a des expressions de rsistance des faits historiques qui ont reprsent et reprsentent loppression et la souffrance pour les membres de la communaut, non seulement dans le pass, mais aussi notre poque. (Figueroa 2007 : 110, cest moi qui souligne).

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    question anthropologique30. Ainsi, pour prendre un exemple latino-amricain, les Saramaka, dont il est entendu quils sont noirs, ne reconnaissent pas tous les Noirs comme Saramaka (Price 2000 : 265). Il ny a pas, dans ce cas, de correspondance entre race et ethnie .

    Il en irait tout autrement dans le Brsil contemporain. En effet, ltat semble considrer que la couleur de la peau, reflet de la race , est pour les quilombolas un critre essentiel dans la dfinition de leur appartenance. Il est pourtant probable que les choses soient en ralit davantage complexes et que ces derniers partagent lopinion des Saramaka qui ne pensent pas tous les Noirs comme des membres de leur groupe. Plus encore, il est presque certain que les dits quilombolas repousseraient les Saramaka vers la nature sauvage aux cts des Amrindiens, en raison de leur mode de vie et de leur diffrence linguistique. La race et l ethnie ne concideraient donc pas plus ici. Quoi quil en soit de ces trop rapides considrations, ce qui importe vraiment nest pas de savoir si les acteurs sociaux se sentent rellement quilombolas, sils le sont sans en avoir conscience ou sils ont une identit ethnique et/ou raciale singulire en listant les lments qui le prouveraient. Ce que lanthropologie doit clairer en multipliant les enqutes ethnographiques (et en prenant la parole des populations concernes au srieux), cest dans quel contexte sont prononcs les diffrents termes voqus au cours de cet article (quilombo, quilombola, negro, preto, etc.), dans quel cadre ils acquirent du sens et le(s)quel(s).

    Dans un ouvrage o il analyse les processus dinclusion et dexclusion au long de lhistoire brsilienne, Andreas Hofbauer (2006) montre qu partir des annes 1950, sous lgide de lUNESCO, la culture , puis l ethnie se sont substitues la race pour tenter dchapper au dterminisme biologique. Il indique toutefois que les deux premires notions nont cess de rester adosses la troisime car, en prsentant lavantage de se baser sur des corps statistiques finis, celle-ci paraissait offrir un angle dattaque prometteur pour tudier et dnoncer le racisme (chap. 4). La tension qui traverse le travail de re-smantisation du quilombo pourrait tre un reflet actuel de cette difficult trouver une autre voie : lanalyse des identits dployes, redfinies, assumes, ou tout autre terme que lon veuille leur appliquer, a bien du mal ne pas oprer un glissement vers une approche par la diffrence naturalise de la race .

    Il est vrai que le nouveau contexte politico-lgal, o tre quilombola signifie avoir accs des droits, est propice pour changer limage du negro. Le Noir, longtemps marqu et dvaloris comme apparence, dans sa relation avec la socit brsilienne [tait tenu pour un] agent de contamination (Arruti 1997 : 10 ; italiques dans loriginal) : il devait rester lcart ou se blanchir . Car la diffrence de position sociale, que tout un chacun supposait inscrite dans la physionomie des individus, justifiait auparavant lexploitation des plus fragiles. Or, avec la ferme inscription de la lutte contre les discriminations dans lagenda politique, il est dsormais impossible de persister dans le dni ou la dissimulation du racisme ce que rappellent les innombrables dbats et tribunes sur ce thme. Le Noir est donc en mesure de se constituer comme un modle positif didentification y compris pour ceux qui cherchaient nagure garder leurs distances. prsent, la diffrence raciale , qui est

    30. Depuis les annes 1950, de nombreux chercheurs se sont attachs rpondre cette question pour le Brsil (entre autres Marvin Harris, Oracy Nogueira). Les historiens ne sont videmment pas en reste. Pour une tude assez rcente de lhistoire des classifications dans les recensements aux 18e et 19e sicles, voir Roberto Guedes (2007).

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    considre comme le prdicat dun statut social subordonn, doit apparatre au grand jour afin de mieux protger les plus faibles. On assiste ainsi un spectaculaire retournement dans la lecture des catgories noir et blanc , perceptible tant pour ce qui est de lobjectif recherch (exploiter ou protger) que dans la faon de poser les termes de lquation (le statut attestait de la race ; la race annonce la classe).

    Pour autant, la donne actuelle conduit-elle une rupture complte avec les reprsentations antrieures concernant le rapport entre Noirs et Blancs ? On peut en effet se demander si la thse de la contamination dnonce juste titre par Arruti ne retrouve pas un nouveau souffle bien quelle ne soit plus videmment ici une pense de la souillure. Dans la mesure o le groupe negro est conu comme celui des non Blancs , cest encore la vieille ide dune altration du blanc par le noir (et jamais linverse) qui prvaut. Le maintien dune mme logique o le Blanc reste en creux ltalon conforte donc la croyance en lexistence dun groupe blanc identifiable et spar qui se reproduit, et se protge, par une totale endogamie une fiction que les dominants ont continuellement revendiqu par le pass.

    Cette remarque ne signifie pas que ltat et les anthropologues, qui ont chacun leur faon contribu au renouvellement de cet ancien systme de reprsentations, poursuivent les mmes objectifs : le premier affirme, dans larticle 68, lexception quilombola tandis que les seconds se sont toujours soucis de gnraliser le champ dapplication de la notion. La question fondamentale pour ces derniers est la suivante : comment faire pour quelle devienne de plus en plus inclusive ? Comment permettre une appropriation la plus large possible de la catgorie officielle par les groupes sociaux ? Le respect que ne manque pas dinspirer leur solidarit avec les luttes sociales et la conscience des enjeux politiques qui se nouent autour de limage des quilombolas ne doivent pas occulter, nanmoins, les problmes thiques poss par cette conception et cette pratique militantes de la discipline. Ainsi, est-il important de sinterroger sur les consquences de ladhsion de lanthropologie aux catgories de ltat et de son travail pour les transformer en concepts scientifiques (quand bien mme la finalit est alors de les mettre au service des plus dmunis). Ne risque-t-elle pas ce faisant dapporter sa contribution afin que des populations historiquement et socialement marginalises admettent le point de vue des lites quant leur diffrence ? Linterrogation se fait dautant plus pressante quen souscrivant un partage de la population en groupes tanches qui recevront chacun un traitement diffrenci, le regard se dtourne de lampleur et de la persistance dingalits profondes (reprables dans bien dautres domaines que laccs la proprit foncire) que lon ne peut rapporter au seul cas quilombola.

    ConclusionLattention croissante accorde la concordance entre, dune part, la dfinition

    de lidentit des groupes et des individus et, dautre part, la gnalogie biologique laquelle ils sont censs se rattacher stend prsent dautres ensembles que les Noirs. Le phnomne peut ainsi tre observ pour la ligne amrindienne que lon pensait, au Brsil, fermement arrime la notion dethnie. La cration de lUnion Nationale des Indiendescendants (UNID) en 2002 Salvador (Bahia) constitue un bon exemple dune telle tentative. Lune des fondatrices de lassociation, Celene Fonseca, qui a fait une matrise en

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    histoire et civilisations lcole des hautes tudes et se dclare anthropologue31, crit un texte en 2006 sur l indianodescendance (indiodescendncia)32, dont elle prsentera une version plus toffe lors du congrs de lAssociation brsilienne danthropologie en 2007. Dans ce document au titre explicite indianodescendance : pour fonder le concept (indiodescendncia : fundamentando o conceito) lauteur tente dexpliquer pourquoi il est ncessaire de disposer dun terme davantage inclusif que celui dIndien pour dsigner les individus qui se rclament dune ascendance indigne relle ou suppose (2007 : 2).

    Celene Fonseca est consciente que sa proposition lexpose aux critiques des indignistes et des leaders amrindiens. Les premiers lui reprochent den revenir lide dun indien gnrique et de sattacher aux sujets individuels et non collectifs ; ils objectent aussi que, lIndien tant un descendant dIndien, les deux termes sont quivalents. Les seconds craignent que leurs droits institutionnels conquis de haute lutte ne soient menacs (id. : 9-10). Lauteur construit alors son argumentation en soulignant ce qui diffrencie lIndien et lIndiendescendant. LIndien, indique-t-elle, appartient une communaut ; il sidentifie et est identifi comme tel ; il a un lien fort avec le territoire occup et vit gnralement en milieu rural. Par contraste, lIndiendescendant a des ascendants indiens sans entretenir de relation intrinsque avec le monde indien ; il habite dans les villes et assume des activits conomiques considres urbaines , et surtout il est isol, ou tout au plus insr dans une famille (2006 : 3). Lensemble de ces diffrences justifierait ladoption dun terme qui les exprime (2007 : 7).

    Mais les Indiendescendants se distingueraient dun autre groupe galement tenu pour indien : les Indiens du Nordeste qui se sont longtemps reconnus dans dautres catgories sociales (caboclos, vachers , etc.). En dpit des processus dassimilation quils ont subis, ces derniers ont en effet russi maintenir une certaine unit territoriale qui leur a permis de choisir cette dimension comme stratgie (2007 : 8) pour faire valoir leurs droits. Or, pour leur part, les Indiendescendants sont rests sur le bord du chemin, perdus (foram ficando na borda do caminho, desgarrados ; ibid.). Si donc, pour les uns comme pour les autres, laffirmation de lidentit est avant tout un acte politique (id. : 7), les Indiendescendants n ont pour dernire ressource identitaire [que] leur phnotype, [un phnotype qui pourra] tre culturellement travaill (id. : 6).

    La race ne se substitue pas ici entirement la culture puisque le processus de redcouverte des racines oublies passe encore par la rlaboration culturelle : ce (rel ou suppos) substrat gntique devra tre complt par un sentiment dappartenance et son expression dans des activits sociales et culturelles (id. : 5)33. Elle tend cependant de toute vidence prendre lavantage. Car la revendication dindianodescendance, acte politique qui sactualiserait travers la culture, saccompagne dun retour au corps, au phnotype dnonciateur [denunciador] de la diffrence , pour reprendre les termes utiliss par Celene Fonseca dans son rsum. Ds lors, il parat clair que les formules propos

    31. http://www.unidbrasil.com.br/artigos_7.html [consult le 30/12/2010].

    32. Je respecte la graphie de lauteur en ne mettant pas de trait dunion indiendescendant et afrodescendant. On remarque que le premier terme commence apparatre dans quelques articles de revues scientifiques : Jocelio Teles dos Santos et Delcele Mascarenhas Queiroz (2005-2006), Joel Zito Arajo (2008).

    33. Parmi les exemples donns par lauteur des souvenirs denfance qui lient au monde indien , citons : le type daliments, le fait de dormir dans un hamac, les esprits caboclos des cultes de possession (2007 : 8).

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    dun lien biologique rel ou suppos doivent tre comprises comme des prcautions discursives. Et quen ralit, ce qui est annonc est la rversion naturelle dindividus gars (par le mtissage ?) leur suppos tat originel.

    Cette importance de lhrdit par le sang , courante dans les habituelles reprsentations concernant le Noir (celui-ci tant marqu par une couleur quil transmet ses enfants), peut surprendre dans le cas dun personnage prsent comme intimement li lIndien (lequel est cens se rvler et se reproduire par son mode de vie). Pourtant, un examen attentif montre quil nest gure tonnant que lui soit attribue une telle place dans la dfinition de lindianodescendance. Celene Fonseca rappelle que ce concept [] a t calqu sur celui dafrodescendance , avant dajouter un peu plus bas que les indiendescendants sont aux Indiens ce que les afrodescendants sont aux quilombolas (id : 4) : la prsence dans la socit des Indiendescendants et des Afrodescendants est diffuse, on les trouve dans les villes et ils sont dterritorialiss , tandis que les Indiens et les quilombolas se concentrent dans des espaces prcis dont les limites sont connues.

    LIndiendescendant est en fait le dernier avatar de la figure de lAutre dans une squence qui mle, en les alternant, des rfrences aux images de lIndien et du Noir34. Le premier chanon est indiscutablement constitu par les Indiens des basses terres amazoniennes qui incarnent laltrit absolue. Viennent ensuite les Indiens du Nordeste qui sont engags dans un processus de redcouverte de leur identit, et sont parfois qualifis d mergents pour les distinguer des prcdents dits alors purs . son tour, le cas de ces Indiens a servi d exemple prcieux (Arruti 2006 : 42) pour penser et comprendre les ethnicits noires actuelles dont les quilombolas seraient une expression emblmatique. Enfin, dans le dplacement opr par Celene Fonseca, ces derniers sont hisss aux cts de lIndien pur , talon par excellence de la diffrence. Pour cet auteur, les quilombolas sont incontestablement noirs, mais la race comme prdicat dappartenance au groupe ne sert qu affirmer celui-ci en tant quethnie diffrencie. Cest donc le Noir, dans sa version la plus large de lAfrodescendant, qui lui sert de pierre angulaire pour concevoir une nouvelle forme dindianit. Le principe selon lequel des traits phnotypiques attestent infailliblement dune ascendance depuis toujours appliqu aux Noirs brsiliens est de la sorte retenu pour construire un modle viable de lindianodescendance.

    La multiplication des catgories dautodfinition, pour autant quelle sinscrive dans un lgitime combat pour le droit la diffrence et laccs la citoyennet, peut avoir des effets politiques indsirables. Ainsi, prdit Celene Fonseca, la tonalit plus claire des indiens, et par extension des indiendescendants, par rapport la plupart des afrodescendants, peut tre un facteur de manipulation identitaire de la part de groupes blancs/blanchis, et privilgis, pour viter la redistribution de richesse dans le pays (id. : 10). En outre, la lutte des Indiendescendants se voit place en concurrence directe avec celle du mouvement noir : il y a des cas de personnes qui, bien quindiscutablement indiodescendantes, se positionnent culturellement ou socialement comme blanches ou noires (id. : 5).

    Cette remarque sur laugmentation ventuelle des frictions entre des groupes qui partagent une condition socio-conomique analogue est galement fonde pour les quilombolas. La littrature signale que les demandes de rgularisation foncire voient principalement

    34. On a ici encore une illustration du processus qui va de lintgration infriorisante la sparation valorisante (Agier et Carvalho 1994 : 112) analys par ces auteurs pour les annes 1990.

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    le jour quand clate un conflit avec un ennemi extrieur (grand propritaire foncier, etc.) (par exemple, Zigoni 2007 ; Ayala & Brustolin 2008 ; da Silva 2008 ; Capinan et Cardel 2007). Mais elle mentionne aussi les tensions internes, parfois vives, qui surgissent quand les individus sont somms dafficher une identit ethnoraciale o, pour diffrentes raisons, ils ne se retrouvent pas et de souscrire un rgime territorial dont ils ne veulent pas (entre autres, Marques 2008 ; Cardoso 2008 ; Figueroa 2007 ; Boyer 2010c). Nul ne saurait nier que les populations encourent alors le risque de perte de droits (id. : 11) inscrits dans la constitution, comme le souligne avec acuit Celene Fonseca dans sa conclusion. Cependant, il est plus difficile de la suivre quand elle soutient que ce risque dcoule de la non-prise en compte de la grande demande identitaire dont le mouvement indiendescendant prtend se faire le porte-parole.

    mon sens, cette perte de droits rvle linefficacit de la substitution de la classe par la race pour lutter contre le racisme et les ingalits sociales. Car la prolifration des catgories ethniques lgales et des rgimes territoriaux qui leur sont associs contraint non seulement les populations se soumettre un travail de dsenchevtrement des gnalogies quils se reconnaissent, mais elle fragmente en outre les solidarits politiques. Au bout du compte, la catgorie quilombola, comme la naissante proposition dindianodescendance, semble tre le rsultat du ddoublement de la figure du pauvre . Or, selon le sociologue Jess Souza, la concomitance entre les deux phnomnes [noirs et pauvres] montre une corrlation, mais elle nexplique pas pourquoi et comment seffectue cette corrlation, pas plus quelle nclaire le rle relatif de la variable raciale dans la reproduction de lingalit (2005 : 44). En dautres termes, sa visibilit pose une question sans permettre dy rpondre. Et il suggre de dpasser ce constat en examinant plutt le code social qui surdtermine le prjug racial (id : 60), cest--dire en sattachant mettre en vidence les logiques de classification des individus et des groupes, de renouvellement des mcanismes dexclusion et de contrle des privilges. Pour mener bien une telle analyse, il est indispensable de se dfaire tout dabord de la tendance traiter les groupes/races comme des donnes naturelles ; il est aussi ncessaire de cesser de voir lusage flexible des dnominations de couleur uniquement comme lexpression dun manque de conscience politique (Hofbauer 2006 : 415).

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