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Le céphalalgique aux urgences : 4 ans au Centre Urgences Céphalées de l’hôpital Lariboisière (Paris)

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Page 1: Le céphalalgique aux urgences : 4 ans au Centre Urgences Céphalées de l’hôpital Lariboisière (Paris)

© MASSON Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 6-7, 729-731 729

D. VALADE

Migraine et céphalées

Le céphalalgique aux urgences : 4 ans au Centre Urgences Céphalées de l’hôpital Lariboisière (Paris)

D. ValadeCentre d’Urgence Céphalées, Hôpital Lariboisière, Paris, France.

RÉSUMÉAprès 4 ans d’existence, le Centre Urgences Céphalées a accueilli 33 000 patients dont 2/3 de femmes et 1/3 d’hommes, âgés pour77 p. 100 entre 20 et 50 ans. Ces patients provenaient à 90 p. 100 de Paris et d’Île-de-France, et étaient atteints pour 2/3 de céphaléesprimaires, c’est-à-dire de migraines, de céphalées de tension, d’algies vasculaires de la face et de céphalées chroniques quotidiennes. Aucours de ces 4 ans, le nombre de céphalées secondaires a augmenté et atteint 17,5 p. 100 avec une nette prévalence des céphaléesvasculaires, notamment des hémorragies méningées, et induit une augmentation du nombre d’examens tant biologiques que radiologiques,ainsi que du nombre d’hospitalisations.

Mots-clés : Céphalées primaires • Céphalées secondaires • Migraines • Hémorragies méningées

SUMMARYHeadache presenting to a Casualty service: four year experience at an Emergency Headache Center.D. Valade, Rev Neurol (Paris) 2005; 161: 6-7, 729-731

We report our 4-year experience at the Lariboisiere Hospital Emergency Headache Center. During this period, we provided care for33,000 patients, two-thirds women, one-third men, 77 percent aged 20-50 years, 90 percent residing in Paris or the suburban areas. Abouttwo-thirds of our patients complained of primary headache, i.e migraine, tension type headache or cluster headache, but the number ofpatients with secondary headache has progressively increased to account for about 17.5 percent of our current recruitment. Vascular head-ache, particularly after meningeal hemorrhage has been prevalent, leading to an increasing number of orders for biological and radiologicalexplorations as well as hospitalizations.

Keywords: Primary headache • Secondary headache • Migraine • Meningeal hemorrhage

INTRODUCTION

Le 12 septembre 2000 s’ouvrait à l’hôpital Lariboisièresous l’égide de l’Assistance Publique, la première unitémédicale en Europe consacrée à l’accueil et au traitement enurgence des céphalées. Elle répondait à un véritable besoinde santé publique et visait à améliorer en priorité la prise encharge médicale des patients atteints par des céphalées spé-cifiques nécessitant un diagnostic urgent et la mise en œuvred’un traitement rapide plutôt que des patients touchés pardes céphalées chroniques pour lesquelles il existe déjà desstructures spécialisées de prise en charge de la douleur.

L’hôpital Lariboisière a été choisi pour accueillir ce centrecar il possède à la fois une importante activité d’urgences,la multidisciplinarité nécessaire à la prise en charge despatients atteints de maux de tête (neuroradiologie, neuro-chirurgie, ORL, ophtalmologie), une expertise internatio-nale reconnue dans le domaine des céphalées, notammentgrâce aux travaux des équipes de neurologie, biochimie,

génétique et un centre de la douleur qui est un des quatrecentres identifiés par l’Agence Régionale d’Hospitalisation.

Si le centre a assuré durant 3 ans une présence 24 heu-res sur 24, depuis le 1er septembre 2003 — il est ouvertdu lundi au samedi de 08 h 00 à 18 h 00 aux adultes dontla céphalée nécessite une prise en charge d’urgence,c’est-à-dire essentiellement ceux dont les maux de tête sontd’apparition brutale récente ou bien qui sont en pleine crise(migraine, algie vasculaire de la face…) et qui ne sont passoulagés par les traitements habituels, il ne s’agit nullementd’une consultation « à froid » pour des patients atteints defaçon chronique de migraines ou d’autres variétés de mauxde tête : le patient examiné au centre retournera le plus sou-vent à son domicile et sera alors suivi par le médecin de sonchoix ; sinon, il pourra selon la cause de son mal de tête êtrehospitalisé.

La céphalée est à la fois un symptôme relevant d’une trèsgrande variété de causes qu’il est essentiel d’identifier etune douleur qu’il convient de soulager au plus vite. Cette

Tirés à part : D. VALADE, Centre Urgences des Céphalées, Hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris Cedex 10, France.

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D. VALADE

double mission de diagnostic et de traitement d’urgenceconfère à ce centre toute sa spécificité.

Trente trois mille six cent soixante patients ont été exa-minés en urgence durant les 4 premières années : 9 167 ontété revus en post-urgence par des médecins du centre, lesautres ayant été dirigés vers un généraliste ou un neuro-logue au plus près de leur domicile. Enfin, sur les4 000 patients hospitalisés, 2 600 patients sont revenus auxurgences, soit 6,4 p. 100 des patients vus. La moyenne desconsultations aux urgences semble stable avec environ600 consultations par mois, plus ou moins 10 p. 100.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Le nombre de patients repartant sans avoir été examinépar un médecin et après avoir été enregistré est del’ordre de 1 par semaine, ce qui est extrêmement faibleet qui est la plupart du temps le fait de patients ayant descéphalées chroniques quotidiennes et qui voyant deux outrois personnes avant eux se tenant la tête, couchées surdes brancards, se sentent brutalement moins concernés parl’urgence de leur cas. En effet, le délai d’attente est relati-vement court puisqu’il ne dépasse jamais 30 minutes entrele moment où le patient s’inscrit et où il est pris en chargepar un médecin.

Quatre-vingts pour cent des patients se rendent à l’hôpitalseuls, 15 p. 100 des patients arrivent accompagnés par unou plusieurs membres de leur famille et enfin, 4 à 5 p. 100arrivent aux urgences par un autre moyen (ambulances,police, pompiers ou SAMU). Le nombre de patients adres-sés par d’autres services d’urgence, voire d’autres serviceshospitaliers, par un spécialiste ou par un généraliste, ne faitque croître depuis l’ouverture du centre.

Les femmes (65,5 p. 100) consultent davantage que leshommes (34,5 p. 100), ce qui est tout à fait en accordavec les données de la littérature. Il s’agit la plupart dutemps de patients jeunes : 77 p. 100 ont entre 20 et50 ans. Quatre-vingt treize pour cent des patients pro-viennent de Paris et d’Île-de-France, ce qui est relativementnormal pour des urgences. 5,7 p. 100 viennent de province et0,9 p. 100 de l’étranger ou des DOM-TOM. Il s’agit le plussouvent de patients en vacances dans la région parisienneou arrivés à la gare du nord de Belgique ou de Grande-Bre-tagne et qui se trouvaient en transit.

DONNÉES CLINIQUES

En théorie, nous ne recevons au centre d’urgence descéphalées que des patients qui se présentent bien évidem-ment avec des céphalées en crise, à l’exclusion des patientsprésentant en plus de la température ou une hypertensionartérielle, ces deux paramètres étant mesurés avant l’admis-sion aux « urgences céphalées ». Si les patients présententdes céphalées plus un de ces paramètres, ils sont dirigésvers les urgences générales.

Actuellement, avant hospitalisation, nous avons retrouvé67 p. 100 de céphalées primaires, 17,3 p. 100 de céphaléessecondaires et 15,7 p. 100 de céphalées inclassables. Au filde ces 4 ans, le nombre de céphalées primaires a diminuéprogressivement au profit des céphalées secondaires, alorsque le nombre de céphalées inclassables avant hospitalisa-tion est resté relativement stable.

Céphalées primaires

Elles représentent les 2/3 des patients vus en urgence. Lesmigraines avec ou sans aura constituent la moitié des cépha-lées primaires, les céphalées de tension environ le quart,alors que la proportion d’algies vasculaires de la face estnettement supérieure (5 p. 100) aux données de la littéra-ture (2 p. 100).

Céphalées secondaires

Nous avons répertorié toutes les céphalées touchant plusde 50 patients et avons constitué ainsi 12 catégories,sachant qu’il existe une catégorie « céphalées diverses »,pour laquelle il y avait chaque fois moins de 50 patientsrépertoriés sur 4 ans.

Les causes vasculaires représentent de très loin la causela plus fréquente, et sont retrouvés dans environ 1/4 descéphalées secondaires. Ensuite, viennent par ordre de fré-quence les sinusites, les céphalées post-traumatiques, leshypotensions du liquide céphalo-rachidien, les névralgiesfaciales, les tumeurs et les méningites, toutes catégoriesreprésentant chacune plus de 250 patients vus en 4 ans.

Parmi les causes vasculaires, si les hémorragies méningéesreprésentent à elles seules la moitié des causes vasculaires,seuls les accidents vasculaires cérébraux, les thrombophlé-bites cérébrales et les dissections des gros vaisseaux du coureprésentent chacune plus de 150 patients vus en 4 ans.

ÉVALUATION DU DIAGNOSTIC

Si l’évaluation du diagnostic des céphalées primaires nenécessite aucun examen complémentaire (Valade et al.,2001) lorsqu’elles répondent aux critères de l’IHS avec unexamen clinique et neurologique normal, il n’en est pas demême pour les céphalées secondaires, ni pour les céphaléesprimaires qui présentent des atypies ou pour lesquelles ilmanque un des critères IHS. Nous avons eu recours auscanner X chez un patient sur quatre, des examens biologi-ques chez un patient sur cinq ; une ponction lombaire ouune IRM n’a été effectuée que chez un patient sur vingt enmoyenne, en sachant que pour certains patients, lorsque lediagnostic était évident ou suspecté au scanner X, bien sou-vent, le patient était hospitalisé et le reste des examens réa-lisé lors de son hospitalisation.

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© MASSON Migraine et céphalées • Le céphalalgique aux urgences 731

D. VALADE

DISCUSSION

Le Centre d’Urgences Céphalées a fermé ses portes pourla garde de nuit et pour les dimanches, sans que toutefoiscela n’ait altéré la fréquentation du centre puisque le nombrede patients en 2004 était identique à celui de l’année 2003.

Les principaux problèmes que nous rencontrons sont :d’une part, l’aval des urgences (nous n’avons pu voir qu’unpatient sur trois en consultation « à froid ») ; d’autre part,le retard d’installation d’une deuxième IRM dans l’hôpitalLariboisière ne nous permet d’avoir accès à ce type d’exa-men qu’une fois par jour, nécessitant d’avoir recours à desdemandes extérieures et trop souvent extérieures à l’Assis-tance Publique ; et enfin des problèmes de locaux liés àl’augmentation de l’activité nécessitent un surcroît de per-sonnel médical. Nous tendons de plus en plus vers notreobjectif : en effet, le nombre de consultation de patientsatteints de céphalées chroniques quotidiennes qui peuventconsulter au lieu de venir en urgence diminue au profit desconsultations de patients atteints de céphalées secondairesqui représentent de vraies urgences.

Pour les céphalées primaires, la proportion d’algies vas-culaires de la face est toujours très importante (beaucoupplus que dans la littérature) alors que le taux de céphaléesde tension qui est un véritable diagnostic de neurologue atendance à légèrement augmenter ; celui des migraines estrelativement stable.

Pour les céphalées secondaires, nous constatons une aug-mentation des patients avec hypotension du liquidecéphalo-rachidien, notamment celles post-PL car il existedans notre centre des spécialistes réalisant des blood-patchde façon rapide. Les autres SAU de Paris et de la régionparisienne ont ainsi tendance à nous adresser leurs patientsatteints de céphalées post-PL. La deuxième catégorie enaugmentation correspond aux céphalées d’origine vascu-laire grâce à la réalisation systématique d’exploration. Lesautres céphalées secondaires, que ce soient les tumeurs, lessinusites ou les méningites sont relativement stables. Letaux de céphalées secondaires augmentant, les hospitalisa-tions sont à leur tour plus fréquentes. Toutefois, la mise enplace de protocoles rigoureux a permis d’améliorer la rapi-dité du diagnostic et la mise en place de traitements systé-matiques. Grâce à ces mesures associées à l’augmentationdu nombre de personnel médical, des études devant débou-cher sur des publications internationales sont en coursdepuis 1 an sur les céphalées en coup de tonnerre, les hypo-tensions du LCR et la biochimie de l’algie vasculaire de laface.

RÉFÉRENCES

VALADE D, DUCROS A, ELKHARRAT D. (2001). Quelle céphalée nerequiert pas de neuro-imagerie d’urgence ? In : Monogra-phies de la SFUM. Céphalées en urgence. Éditions Masson,p. 43-49.