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75 4 LE CINÉMA QUÉBÉCOIS : DIVERSITÉ CULTURELLE OU « HOLLYWOODISATION » LATENTE ? Christian Poirier Département de science politique, Université Laval Le cinéma québécois connaît depuis quelques années un succès retentissant, tant au Québec qu’à l’étranger 1 . Alors que Les invasions barbares était consacré aux États-Unis meilleur film étranger en 2003 par l’Académie du cinéma, des arts et des sciences, que Séraphin. Un homme et son péché fracassait des records aux guichets et que le ma- gazine L’Actualité consacrait cette même année « l’année cinéma » 2 , des productions récentes, telles qu’Aurore, C.R.A.Z.Y, voire des documen- taires comme Les voleurs d’enfance, font courir les foules. En 2005, les films québécois ont atteint un sommet avec 5 millions d’entrées, soit 18,9 % de l’assistance totale 3 . En comparaison, les films canadiens- anglais arrivent à peine à rejoindre 3 % de l’auditoire sur leur propre 1. Ce texte s’inspire en partie d’une recherche financée par le Conseil de recherche Ce texte s’inspire en partie d’une recherche financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. 2. L’Actualité, vol. 29, n o 1, janvier 2004. 3. Les films américains ont récolté 68,6 %, les films français 4,2 %, les films cana- Les films américains ont récolté 68,6 %, les films français 4,2 %, les films cana- diens (sauf québécois) 1,3 % et les films « autres » 7,0 % (Institut de la statistique du Québec/Observatoire de la culture et des communications du Québec, 2006 : 1). Les résultats étaient de 13,0 % en 2003 et de 13,8 % en 2004. Berthold-Mondialisation.indd 75 04/04/07 15:13:38

LE CINÉMA QUÉBÉCOIS : DIVERSITÉ CULTURELLE OU ... · s’agit en outre d’un dispositif qui produit des films standardisés suscep-tibles de plaire à un large public et qui

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4LE CINÉMA QUÉBÉCOIS : DIVERSITÉ CULTURELLE

OU « HOLLYWOODISATION » LATENTE ?

Christian Poirier Département de science politique, Université Laval

Le cinéma québécois connaît depuis quelques années un succès retentissant, tant au Québec qu’à l’étranger1. Alors que Les invasions barbares était consacré aux États-Unis meilleur film étranger en 2003 par l’Académie du cinéma, des arts et des sciences, que Séraphin. Un homme et son péché fracassait des records aux guichets et que le ma-gazine L’Actualité consacrait cette même année « l’année cinéma »2, des productions récentes, telles qu’Aurore, C.R.A.Z.Y, voire des documen-taires comme Les voleurs d’enfance, font courir les foules. En 2005, les films québécois ont atteint un sommet avec 5 millions d’entrées, soit 18,9 % de l’assistance totale3. En comparaison, les films canadiens- anglais arrivent à peine à rejoindre 3 % de l’auditoire sur leur propre

1. Ce texte s’inspire en partie d’une recherche financée par le Conseil de recherche Ce texte s’inspire en partie d’une recherche financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.

2. L’Actualité, vol. 29, no 1, janvier 2004.3. Les films américains ont récolté 68,6 %, les films français 4,2 %, les films cana- Les films américains ont récolté 68,6 %, les films français 4,2 %, les films cana-

diens (sauf québécois) 1,3 % et les films « autres » 7,0 % (Institut de la statistique du Québec/Observatoire de la culture et des communications du Québec, 2006 : 1). Les résultats étaient de 13,0 % en 2003 et de 13,8 % en 2004.

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marché... Avec des recettes au 31 décembre 2004 de 8,1 M$ et de 7,3 M$ respectivement, les films Séraphin. Un homme et son péché et La grande séduction « talonnent » et dépassent même certains blockbusters américains (Institut de la statistique du Québec/Observatoire de la culture et des communications du Québec, 2005)4.

Cette réussite inopinée peut cependant faire écran. En effet, ce système semble de plus en plus privilégier les productions commercia-les à « gros budget » et encourager ce que l’on pourrait appeler une « hollywoodisation » du cinéma québécois avec un star system plaçant ses vedettes à l’avant-plan et dans les divers supports médiatiques. Il s’agit en outre d’un dispositif qui produit des films standardisés suscep-tibles de plaire à un large public et qui paraissent souvent formatés de façon similaire autour d’effets de mode, les derniers en date étant les films humoristiques (Camping sauvage) et les « remake » de classiques québécois (Séraphin. Un homme et son péché, Le survenant, Aurore...). De plus, ce système – tout comme celui d’Hollywood –, met au cœur de son fonctionnement le producteur, bien secondé par le distributeur, plutôt que par le cinéaste5.

Il convient donc de s’interroger sur certaines dynamiques à l’œu-vre ici en proposant un regard politologique. Trois étapes ponctuent notre parcours. Nous examinons d’abord la structuration ainsi que le fonctionnement de l’industrie cinématographique tout en étant parti-culièrement attentif aux relations qui se tissent entre les groupes d’in-térêt et l’État. Nous analysons ensuite les principaux discours et récits proposés par les acteurs en présence concernant les orientations géné-rales devant conduire les politiques cinématographiques, de même que les concordances et discordances pouvant être repérées entre ces récits. Enfin, nous nous penchons sur la plus récente politique fédérale,

4. Spider Man, recettes de 9,4 M$, Star Wars Épisode II – L’attaque des clones, recettes de 5,3 M$. Seul le film Titanic et ses 17,1 M$ de recettes au Québec appartient désormais à une classe à part (Institut de la statistique du Québec/Observatoire de la culture et des communications du Québec, 2005 : 82-84). Pierre Cayouette (2004 : 44) rappelle également que dans le palmarès des cent films québécois ayant rapporté les plus grosses recettes aux guichets durant les quarante dernières années, quatre des dix premières positions sont occupées par des productions de l’année 2002-2003.

5. Durant les deux dernières années seulement, la productrice Denise Robert de Durant les deux dernières années seulement, la productrice Denise Robert de la maison de production Cinémaginaire fut entre autres responsable, seule ou avec d’autres, des productions d’Idole instantanée, Ma vie en cinémascope, Aurore, Horloge biologique, Voleurs d’enfance ainsi que Maurice Richard.

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notamment sur une de ses composantes principales, à savoir les enve-loppes fondées sur la performance, qui illustre bien certaines tendances « commerciales » introduites au sein de ce secteur.

Quelques précisions supplémentaires s’imposent. D’abord, nous ne voulons surtout pas suggérer que ce qui est produit par l’industrie cinématographique québécoise est purement commercial. Un film net-tement plus « indépendant » comme La neuvaine de Bernard Émond a connu, en 2005, un succès d’estime et, surtout, a pu être produit. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de souligner que les enveloppes liées à la performance peuvent fort bien financer des œuvres plus « indépen-dantes ». De plus, il est important de souligner que les films « commer-ciaux » méritent tout autant que les productions plus « personnelles » une analyse sérieuse ; ils peuvent même révéler des aspects sociopoliti-ques particulièrement éclairants6. Notre objectif ici est de repérer cer-taines tendances liées aux politiques gouvernementales et non de juger la qualité intrinsèque des films. Enfin, nous allons nous concentrer plus particulièrement sur les années récentes, notamment depuis l’entrée en vigueur en 2001 de la nouvelle politique cinématographique canadienne. Il est cependant important de conserver à l’esprit que la situation ac-tuelle est également le résultat d’une évolution historique retraçée ailleurs (Poirier, 2004b).

Communauté cinématographique et relations entre l’État et les groupes d’intérêt

Le cinéma représente un domaine culturel éminemment com-plexe (Poirier, 2005). Les acteurs politiques y sont nombreux et, en raison des coûts de production d’une œuvre filmique, les aspects éco-nomiques sont souvent prédominants. Le développement du projet (incluant la scénarisation), la production et la distribution-diffusion constituent les trois phases essentielles de la vie d’un film. Le producteur joue, au sein de cette chaîne, un rôle majeur, recherchant les finance-ments nécessaires auprès de l’État et du secteur privé et « gérant » l’ensemble du dispositif ainsi que l’équipe établis afin de réaliser le projet. Le producteur est devenu, à cet égard, un véritable expert, sorte de « contremaître » ayant développé des compétences que bien peu de cinéastes possèdent.

6. Voir notre analyse de films tels que Voir notre analyse de films tels que Deux femmes en or, Cruising bar ou en-core Les boys dans Poirier, 2004a.

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Le distributeur occupe également une place primordiale, articulant l’interface entre le film produit et les différentes fenêtres de diffusion (salles de cinéma, clubs vidéo, vente au détail, télévision, etc.). Il pré-pare la campagne de publicité et de mise en marché et fait tirer le nombre requis de copies du film. Son implication (ou non) ainsi que ses liens avec les grandes chaînes d’exploitation (Famous Players, Cine-plex Odeon) représentent des éléments décisifs dans la carrière d’un film. Le secteur de la distribution est d’ailleurs si crucial que les grands studios hollywoodiens ont très rapidement créé leurs propres entrepri-ses de distribution au Canada afin de contrôler le plus efficacement possible ce marché.

Tous ces acteurs sont politiquement organisés et regroupés au sein de groupes d’intérêt qui les représentent. Un groupe d’intérêt est une organisation soucieuse d’influencer des décisions publiques touchant plus ou moins immédiatement les intérêts qu’elle a vocation ou préten-tion à représenter (Hudon, 2005 : 206). Or, les groupes ont acquis depuis quelques années, au sein des systèmes politiques québécois et canadien, une importance politique grandissante7. Les travaux de Diane Saint-Pierre (2003 ; 2004) ont d’ailleurs bien montré la place acquise, dans le secteur culturel québécois, par les groupes d’intérêt invités à participer à l’élaboration d’une politique publique.

La notion de communauté politique peut être ici fort pertinente. Une communauté est constituée d’acteurs spécialisés à l’intérieur comme à l’extérieur du gouvernement (politiciens, fonctionnaires, groupes d’intérêt, experts, journalistes, etc.), qui se concentrent sur une politique spécifique (Bernier et Lachapelle, 1998). William D. Coleman a particulièrement bien développé cette notion dans ses travaux sur le rôle des intérêts organisés dans la formulation des politiques publiques ainsi que sur le degré d’autonomie de l’État (Coleman et Skogstad, 1990 ; Atkinson et Coleman, 1996). Selon Vincent Lemieux (2002 : 53), une communauté est un réseau relativement stable composé « de rela-tions de pouvoir entre des alliés, qui sont eux-mêmes en relation de pouvoir avec leurs rivaux dans les débats auxquels donnent lieu les politiques publiques ». Nous allons, pour les fins de notre article, nous concentrer plus spécifiquement sur la présence des groupes d’intérêt.

7. Selon des données rassemblées par Lisa Young et Joanna Everitt (2004 : 4), 70 % Selon des données rassemblées par Lisa Young et Joanna Everitt (2004 : 4), 70 % des Canadiens font davantage confiance aux groupes plutôt qu’aux partis poli-tiques pour ce qui est de provoquer un changement politique.

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La figure 1 replace l’ensemble des acteurs actifs au sein de ce secteur, du côté tant public que privé, ainsi que le degré d’influence politique qu’ils possèdent, notamment envers les principaux organismes subventionnaires présents dans le milieu.

Les réalisateurs sont regroupés au sein de l’Association des réali-sateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), autrefois l’Association des réalisateurs et réalisatrices de films du Québec (ARRFQ), et les produc-teurs au sein de l’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ). La distribution se scinde en deux groupes avec,

Figure 1

la communauté cinématographique québécoise

Source : Poirier, 2004b : 255.

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d’un côté, l’Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films (ACDEF), qui défend les intérêts des distributeurs indépendants8 et, de l’autre, l’Association canadienne des distributeurs de films (ACDF), qui représente les grands studios hollywoodiens : Buena Vista (Walt Disney), Metro-Goldwyn-Mayer Studios, Paramount Pictures, Sony Pictures (Columbia), Twentieth Century Fox, Universal et Warner Bros. Ces studios sont également réunis au sein de la puissante Motion Picture Association of America (MPAA) ainsi que son « aile » internationale, la Motion Picture Association (autrefois la MPEAA, comme le montre la figure 1), un groupe d’intérêt particulièrement actif sur le plan interna-tional ainsi qu’au Québec et au Canada (Poirier, 2004b). Enfin, les exploitants de chaînes de cinémas sont rassemblés au sein de l’Associa-tion des propriétaires de cinémas du Canada (APCQ)9.

L’État a notamment institutionnalisé certains de ces groupes en les plaçant dans une arène politique éloignée des questions partisanes (les partis politiques) et des débats publics. On peut notamment consta-ter l’importance acquise par les groupes d’intérêt représentant les producteurs et les distributeurs (tant ceux affiliés aux majors américai-nes que les indépendants), qui ont joué un rôle primordial sur l’orien-tation essentiellement économique et commerciale insufflée aux politiques cinématographiques (Poirier, 2004b). En revanche, les réali-sateurs ont eu un poids politique nettement plus incertain et fluctuant. Les différences organisationnelles (personnel administratif et de recher-che, ressources financières, etc.) entre les cinéastes ainsi que les pro-ducteurs et les distributeurs sont d’ailleurs flagrantes. En effet, au moment où les producteurs, durant les années 1970 et 1980, consoli-daient leurs associations respectives, les cinéastes éprouvaient d’impor-tantes difficultés à effectuer la même démarche, étant fortement divisés quant à l’orientation (commerciale, d’auteur, politiquement engagée, etc.) à donner aux politiques cinématographiques10. Or, il est indéniable

8. Les distributeurs indépendants font ici référence à ceux qui sont distincts des Les distributeurs indépendants font ici référence à ceux qui sont distincts des distributeurs affiliés aux entreprises américaines. Il ne s’agit nullement ici de distributeurs « alternatifs » en opposition à des distributeurs « commerciaux ». Nous les nommons ici les distributeurs nationaux.

9. Il est à noter que nous ne présentons ici que les principales associations. De Il est à noter que nous ne présentons ici que les principales associations. De nombreux autres groupes sont présents, que ce soit au Québec ou au Canada anglais.

10. La présidente de l’ARRFQ, Iolande Cadrin-Rossignol, notait ainsi en 1986 : « Quand allons-nous témoigner du sens de l’organisation et de l’esprit d’équipe qui nous animent quand nous faisons un film ? L’état des assemblées générales

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que, sur le plan politique, la capacité de défendre et promouvoir des intérêts passe nécessairement par une organisation structurée, cohé-rente, capable de développer un argumentaire et d’effectuer un lobbying soutenu auprès des institutions politiques (Hudon, 2005)11.

La littérature portant sur les groupes d’intérêt a par ailleurs bien montré qu’une partie importante de leurs activités consistait à recueillir de l’information pour des fins stratégiques aussi bien externes, c’est-à-dire les relations avec les autres acteurs du système politique, qu’inter-nes, soit la coordination des membres et la production d’« incitatifs » pour ces derniers afin de les inciter à joindre l’organisation ou à de-meurer en son sein (voir, entre autres, Baumgartner et Leech, 1998 ; McFarland, 2005 ; Montpetit, 2002 ; Olson, 1978 ; Poirier, 2007). Les activités de lobbying, tant directes (auprès des autorités publiques) qu’indirectes (par exemple, des campagnes médiatiques, voir Kollman, 1998) impliquent nécessairement une connaissance approfondie des enjeux. Ne possédant pas toujours de telles capacités, les cinéastes ont souvent rencontré d’indéniables difficultés sur ce plan. L’État n’est ce-pendant pas totalement « dépendant » des groupes d’intérêt. Notre approche, qui se veut à cet égard résolument néo-institutionnaliste, reconnaît l’importance des institutions étatiques tout en tentant de saisir l’influence des autres forces politiques. L’adoption d’une politique publique revient en dernier recours aux gouvernements... C’est pourquoi il convient ici de parler davantage de « corrélation » ou de « discor-dance » entre les orientations gouvernementales et celles mises de l’avant par les groupes, que d’influence « unilatérale » de ces derniers sur les premières. Les groupes sont d’ailleurs reconnus par l’État, qui peut leur retirer à tout moment cette reconnaissance.

non seulement par le nombre, mais le ton, ressemble davantage à des rencontres de bar qu’à un regroupement de professionnels capables de gérer les sommes qui pourtant nous sont confiées quand nous réalisons même le documentaire le moins cher. Pourquoi ? Et nous nous étonnons d’être mal perçus des producteurs ? À qui la faute professionnelle ? [...] À l’heure où nous nous parlons, notre plus grand ennemi, c’est nous-mêmes ! » (Poirier, 2004b : 130).

11. Notons toutefois que l’influence ne se mesure pas nécessairement à la « quan-tité » de ressources organisationnelles détenues. D’autres facteurs, tels que la correspondance entre les propositions discursives des différents acteurs (voir plus loin) ou la présence d’entrepreneurs politiques canalisant et mobilisant les énergies (Ainsworth, 2002 ; Salisbury, 1969), jouent également un rôle majeur.

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L’intervention étatique dans ce secteur culturel est assurément décisive. Ainsi, malgré tous les succès remportés, l’industrie cinémato-graphique demeure fortement dépendante de l’apport des différents paliers de gouvernement. Il est d’abord important de noter que les deux niveaux, provincial et fédéral, sont présents dans le financement de l’industrie, l’implication fédérale étant particulièrement prégnante12. Du côté québécois, les fonds destinés au cinéma sont alloués par la So-ciété de développement des entreprises culturelles (SODEC), tandis que le ministère de la Culture et des Communications est responsable des orientations générales de la politique cinématographique. Au niveau canadien, Téléfilm Canada (l’organisme subventionnaire) ainsi que le ministère du Patrimoine canadien constituent le cœur du dispositif public, l’Office national du film (ONF) se concentrant, depuis la fin des années 1980, sur la production vidéo indépendante, les documen-taires et les films d’animation13. Les deux gouvernements interviennent de façon aussi bien directe (subventions) qu’indirecte (crédits d’impôt). En 2003-2004, la part du financement public (deux paliers confondus) par rapport au financement total atteignait 67,6 % pour les longs mé-trages de fiction14, celle des participants étrangers 18,6 %, celle des distributeurs 6,9 %, celle du secteur privé 4,7 % et enfin celle des

12. Le palier municipal est également présent, essentiellement au chapitre des faci-lités octroyées pour les tournages, qu’ils soient québécois, canadiens ou étran-gers.

13. Ceci constitue d’ailleurs un élément ayant « potentiellement » contribué à la réduction de la diversité de films produits puisque, jusqu’aux années 1980, l’ONF (seul ou en partenariat avec le secteur privé) fut responsable de la production de films aussi prestigieux que Pour la suite du monde, Mon oncle Antoine ou Un zoo la nuit. Certaines orientations récentes de l’ONF ont toutefois suscité quelques inquiétudes dans les secteurs actuellement couverts par l’organisme. Ainsi, selon Marie-Claude Loiselle (2005 : 3), les budgets décroissants alloués à la production (ils sont passés, pour le Programme français, d’environ 17 M$ à un peu plus de 10 M$ en quatre ans), de même que l’augmentation des parte-nariats avec le secteur privé peuvent « facilement laisser supposer que d’ici peu de temps les productions maison, conçues à l’abri des contraintes du marché, seront chose du passé. »

14. Dans un tel contexte, il peut sembler pour le moins paradoxal de lire dans le manifeste Pour un Québec lucide, dont la productrice Denise Robert fut l’une des signataires, que « [l]a responsabilité exige que nous mettions tous l’épaule à la roue. Chaque individu, chaque groupe, chaque leader doit abandonner le premier réflexe qui est celui de tous, en particulier dans le Québec d’aujourd’hui : protéger ses intérêts et faire appel à l’intervention du gouvernement » (Bouchard et al., 2005 : 6-7).

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entreprises de télédiffusion 2,2 % (Téléfilm Canada, 2004, Liste des tableaux complémentaires–Analyse de la participation financière : 1). Le tableau 1 montre les sources de financement des longs métrages de fiction tournés au Québec, durant la même année, dans la catégorie « investissements »15. Comme on peut le constater, l’implication directe de Téléfilm Canada est décisive.

Tableau 1

Sources de financement des longs métrages de fiction, catégorie « investissements », Québec, 2003-2004 (en %)

SODEC 17,8

Téléfilm Canada 42,9

Investissements des producteurs 7,4

Crédit d’impôt provincial 27,2

Autres sources 4,6

Source : Institut de la statistique du Québec/Observatoire de la culture et des communications du Québec, 2005 : 25.

De fait, en 1997, le gouvernement fédéral dépensait 20,85 $ par habitant dans le secteur cinématographique, tandis que le gouvernement québécois en investissait 4,95 (Bureau de la statistique du Québec, 1997 : 126). Pendant l’année 2003-2004, Téléfilm Canada a investi plus de 35 M$ dans les productions de langue française (essentiellement qué-bécoises)16, tandis que l’organisme consacrait près de 20 M$ en Onta-rio, près de 10 M$ dans l’Ouest et environ 2,5 M$ dans les provinces atlantiques (Téléfilm Canada, 2004 : 38). Cela indique que la détermi-nation des grandes orientations du secteur s’effectue prioritairement du côté fédéral et que les acteurs du secteur privé s’y mobiliseront da-vantage.

15. Les investissements totalisent 86,6 M$, soit 56,2 % de l’ensemble des sources de financement. Les autres apports proviennent des coproducteurs (21,0 %), des préventes (7,2 %) et des « autres sources » (15,4 %).

16. Organisme fédéral oblige, les statistiques fournies par Téléfilm Canada distinguent les secteurs « français » et « anglais ». L’essentiel de la production cinématogra-phique française étant cependant concentrée au Québec, nous pouvons tout de même tenir ces données pour de bons indicateurs de la situation québécoise.

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Ainsi, certains groupes d’intérêt tant autant que les gouvernements sont activement impliqués dans le secteur cinématographique. Poussons plus loin l’analyse en nous tournant vers les principaux discours propo-sés par les acteurs. Cela nous permettra de mieux cerner les « corres-pondances » et « dissonances » établies entre les différentes orientations de politique proposées.

Des récits politiques en tension

Les analyses mises de l’avant par Paul Ricœur nous serviront ici de balises. En effet, l’herméneutique qu’il a développée (1969, 1983, 1985a, 1985b, 1986) se propose d’étudier les manières dont les sociétés produisent leurs propres interprétations d’elles-mêmes. Ainsi peut-on comprendre comment se constitue l’imaginaire collectif servant de ré-férence aux sujets sociaux, tout en tenant compte des structures socia-les et politiques (institutions, acteurs, relations de pouvoir) qui influencent (ou sont influencées par) la production de ces référents discursifs17.

Plus spécifiquement, la notion de récit exerce, par l’intermédiaire de ce que le philosophe français nomme la mise en intrigue, une fonc-tion de sélection et d’articulation des événements et des actions dans le but de composer une histoire complète et entière. Cette opération permet de représenter les événements multiples, divers et disparates de façon concordante pour un individu ou une communauté. Cette dimen-sion narrative fait ainsi référence à trois éléments centraux : la conti-nuité temporelle (l’importance d’un sentiment de stabilité plus ou moins relié au passé), l’innovation (l’apprentissage de la nouveauté et l’apti-tude au changement) et la capacité de se raconter18. Le récit, tel que nous le concevons sous l’angle d’une analyse des politiques publiques, constitue un ensemble discursif cohérent articulé par des acteurs de façon récurrente et impliquant une conceptualisation des références temporelles (comment le secteur a évolué, quelles sont les tendances du passé et comment il devrait évoluer dans l’avenir afin de s’adapter aux changements). Le secteur cinématographique est ainsi « mis en narration » et bâti autour d’un certain nombre d’intrigues particulière-ment configurantes. Un récit hégémonique peut ainsi être repéré au

17. Voir également Dumont (1969).18. Voir également Whitebrook (2001).

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sein d’un secteur des politiques publiques ; il en va de même des mé-canismes de mise à distance, c’est-à-dire des récits alternatifs.

De nombreux chercheurs assignent une place importante à tout ce qui concerne l’ensemble des mécanismes de construction de la réa-lité sociale et d’interprétation du monde impliqués dans l’environnement discursif de l’élaboration, de l’implantation et de l’évaluation des poli-tiques publiques (Braun et Busch, 1999 ; Fischer et Forester, 1993 ; Hall, 1993 ; Jobert et Muller, 1987 ; Lecours, 2002, 2005 ; Sabatier, 1999 ; Sabatier et Jenkins-Smith, 1993 ; Yanow, 1996). Notre conceptualisation du récit, nous semble-t-il, peut bien s’intégrer à leur cadre général. La présence de ces cartes mentales légitimes à appliquer à un problème donné implique qu’il n’y a ici ni déterminisme absolu, puisque les acteurs politiques ont une capacité de choix et possèdent une marge de manœu-vre, ni volontarisme total, étant donné qu’ils subissent toujours certaines contraintes par les structures et les institutions.

Pierre Muller et Yves Surel (1998 : 162) parlent de « matrices cognitives et normatives » qui définissent dans un champ donné des visions du monde et des principes d’action19. Ces productions de ma-trices discursives sont étroitement liées aux rapports de force dans un secteur spécifique. Production discursive et production de pouvoir vont de pair. Incidemment, Claudio M. Radaelli (2000), qui utilise explici-tement la notion de récits de politique publique qui rendent les problè-mes sociaux compréhensibles, suggère une série d’actions plutôt qu’une autre et établit des liens entre le passé, le présent et le futur. C’est dire que les débats publics dans un champ donné s’articulent autour d’un certain nombre de structures narratives qui accompagnent l’action des acteurs de la décision publique, influencent le type de réponse qu’ils tendront à y apporter et fournissent des éléments de légitimation de l’action.

Les politiques publiques peuvent donc être conçues, dans la lignée herméneutique, comme des processus de réinterprétations successives d’un secteur, comme des propositions narratives précédant des récep-tions et engendrant d’autres propositions au sein d’une chaîne interpré-tative. Le tableau 2 dresse un bilan des zones discursives majeures des différents acteurs. Il identifie les récits dominants ainsi que les récits

19. Voir également le numéro de la Revue française de science politique (2000), dirigé par Pierre Muller et Yves Surel, consacré à ces approches cognitives des politiques publiques.

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minoritaires, c’est-à-dire ceux qui sont présents au sein de l’horizon discursif mais de façon nettement plus discrète. Ce tableau synthétise les positions historiques exprimées par les différents intervenants de même que les mémoires déposés lors de la phase de consultation pu-blique ayant entouré la plus récente politique cinématographique cana-dienne (2001).

Tableau 2

Zones discursives des acteurs politiques

type d’acteur récit dominant récit minoritaire

Cinéastes Identitaire/diversité culturelleExpertise

Commercial

ProducteursDistributeurs « nationaux »

CommercialExpertise

Identitaire/diversité culturelle

Distributeurs américainsChaînes de cinéma

Commercial Expertise

État Identitaire/diversité culturelleExpertiseCommercial

Source : Poirier, 2005 : 14.

Le récit identitaire est très manifeste au sein du discours gouver-nemental et justifie particulièrement son intervention dans le secteur culturel. L’action des pouvoirs publics en matière de culture et de ci-néma repose sur l’identification d’une société en tant que nation, qu’elle soit québécoise du côté du gouvernement provincial, ou cana-dienne du côté fédéral. La production culturelle permet alors à un groupe social de se constituer en nation et l’État se consolide en s’ins-tituant au cœur de cette mission collective. Le cinéma apparaît d’ailleurs, dans le cadre du fédéralisme canadien, comme un enjeu que se disputent les gouvernements québécois et canadien, les mêmes films québécois

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étant financés par les deux ordres de gouvernement mais pour des raisons différentes (l’identité québécoise d’un côté, l’identité cana-dienne de l’autre)20. Le cinéma émerge ainsi comme une composante à part entière des stratégies discursives utilisées par les gouvernements afin d’élaborer et d’implanter leurs agendas politique et constitution-nel21.

Depuis la fin des années 1990, le récit identitaire des deux paliers de gouvernement s’est particulièrement associé au thème de la diver-sité culturelle. Québec et Ottawa, de même que la Coalition pour la diversité culturelle, un groupe d’intérêt réunissant sous une même or-ganisation l’ensemble des autres groupes représentant les différents sous-domaines du secteur culturel (et les associations présentées ici), furent particulièrement actifs dans l’adoption par l’UNESCO, en octo-bre 2005, de la Convention sur la protection et la promotion de la di-versité des expressions culturelles, donnant ainsi une portée politique, économique et juridique à la Déclaration universelle sur la diversité culturelle adoptée en 2001. Cet événement est d’une importance capi-tale puisque la Convention met en place, sans doute pour la première fois, un cadre international reconnaissant aux États le droit de protéger et de soutenir leurs cultures nationales tout en soustrayant potentielle-ment le secteur culturel aux principaux accords liés au commerce et à la libéralisation des échanges économiques (voir Poirier, 2007).

Pour sa part, le récit commercial insiste sur l’importance d’une aide financière de l’État, ciblée prioritairement vers les productions commercialement « porteuses ». L’argument de la taille restreinte des marchés québécois et canadien ainsi que la concurrence américaine est une constante, justifiant ainsi la nécessité d’une aide de l’État. La

20. Nous avons d’ailleurs déjà noté plus haut que Téléfilm Canada nie très explici-tement l’existence d’un cinéma « québécois » et parle plutôt de films de langue française...

21. Notons que l’intervention du gouvernement fédéral dans le secteur culturel, un domaine pourtant de compétence provinciale, s’est historiquement légitimée en tant qu’extension de ses prérogatives en matière de taxation et surtout de droit de dépenser. Les décisions des différentes cours de justice (Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, puis Cour suprême du Canada) d’octroyer, au fil des ans, la radiodiffusion, la télédiffusion et les télécommunications au palier fédéral ont renforcé cette légitimité, le cinéma se situant à la confluence de l’art et de la communication de masse. Ottawa possède également la compétence en ce qui a trait au développement industriel, un aspect très présent dans le secteur ici étudié (ne parle-t-on pas des « industries culturelles »...).

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production, la distribution et la « consommation » des films sont orien-tées principalement vers la promotion des longs métrages conçus en tant que produits situés dans la sphère commerciale privée. Une autre variante de ce récit économique consiste à légitimer l’intervention étatique par ses retombées économiques, notamment en termes d’emplois.

Ce récit utilise aussi fort abondamment toutes les références liées aux transformations technologiques et économiques touchant le secteur. On demandera ainsi au gouvernement des aides substantielles afin de pouvoir « rivaliser » à armes égales avec les plus importantes entreprises mondiales évoluant dans la sphère privée au Québec ou au Canada. Les contextes du libre-échange, de la mondialisation des marchés, de la convergence des technologies et de fusions d’entreprises en puissants conglomérats sont des ingrédients récurrents de ce récit.

Un troisième récit se manifeste avec de plus en plus d’ampleur au fil des ans : celui de l’expertise et de la compétence. Domaine éminem-ment complexe, comme nous le mentionnions plus haut, le secteur cinématographique est structuré en plusieurs sous-ensembles impliquant une grande variété d’acteurs, d’enjeux et de stratégies. L’expertise est alors requise afin d’assurer une allocation maximale des ressources fi-nancières que l’État destine au secteur, et le producteur se trouve très rapidement propulsé au cœur du dispositif, ce qui marginalise, de la sorte, les cinéastes. Plusieurs de ces derniers se sont d’ailleurs « conver-tis » au référent de la compétence, l’utilisant notamment pour justifier une augmentation des aides gouvernementales ou pour remettre en question le récit commercial des organismes subventionnaires. On peut ainsi cerner une transition majeure de la part des cinéastes et des pro-ducteurs entre les années 1960, durant lesquelles ils agissaient surtout en tant que militants pour diverses causes sociales et nationales (un récit identitaire associé au socialisme et à l’indépendance du Québec), et les années 1990, durant lesquelles ils sont devenus des experts dans le cadre d’une économie libre de marché axée sur les produits cultu-rels22.

Ces trois récits dessinent ainsi des sphères discursives possédant plus ou moins de passerelles entre elles. Le langage des créateurs et des

22. Pour de plus amples développements concernant la transition entre la figure du militant et celle de l’expert (dans un autre contexte, toutefois), on consultera Ion, 1997.

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cinéastes, traditionnellement moins ancré dans le récit économique, sera alors potentiellement susceptible de rencontrer des problèmes de traduction au sein de l’appareil politico-administratif régulant le secteur. Examinons précisément la plus récente politique adoptée par le gou-vernement canadien et les principaux enjeux qu’elle soulève.

La politique des enveloppes fondées sur la performance : dynamiques et contradictions

En 1998, la ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, en-tame une révision approfondie de la politique cinématographique ca-nadienne. Un des éléments majeurs à l’origine de cette réflexion est, une fois de plus, le constat que les films canadiens ont difficilement accès à leur propre marché. Ce vaste processus politique sera ponctué par la diffusion d’un document de discussion (Ministère du Patrimoine canadien, 1998), par une consultation publique permettant aux princi-paux groupes d’intérêt d’exposer leurs besoins et leurs principales re-commandations (1998-1999), par un rapport du Comité consultatif sur le long métrage (1999) et enfin par une nouvelle politique en matière de longs métrages (Ministère du Patrimoine canadien, 2000). Il s’agit dorénavant, selon le gouvernement, de « bâtir un public ». Quelle est la solution retenue ? Battre les Américains sur leur propre terrain, étendu à celui du Canada, c’est-à-dire produire des films « à succès » qui vont « naturellement » percer le marché local et international23. La nouvelle politique du long métrage, dont le Fonds du long métrage du Canada constitue la pierre angulaire, poursuit plusieurs ambitions, en accord avec le récit économique dominant.

Le principal objectif vise l’augmentation des devis de production. Ainsi, au Québec, ces derniers ont connu, depuis l’entrée en vigueur de la politique, une augmentation constante, passant de 2 M$ en 1999-2000 à 5,2 M$ en 2003-2004 (Téléfilm Canada, 2004 : 21). Dans le reste du

23. Ce type de discours est très caractéristique du récit économique du libre marché. Selon le gouvernement, il va faire en sorte que les films canadiens vont passer de 2 % du marché en l’an 2000 à 7 % en 2004. Téléfilm Canada révisera par la suite ses ambitions à 5 %. Ces prévisions se concrétiseront largement dans le cas québécois (voir les chiffres fournis dans l’introduction) mais aucunement dans le cas du Canada anglais. Notons que la société d’État justifie fréquemment ses politiques en effectuant une fusion des données « françaises » et « anglaises », portant de la sorte la moyenne nationale près des 5 % visés (4,5 % en 2004-2005). La réalité demeure cependant nettement segmentée...

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Canada, les devis sont passés, durant les mêmes années, de 2,5 M$ à 6,9 M$. Le programme d’aide aux longs métrages indépendants à petit budget n’a financé pour sa part, en 2003-2004, que trois projets fran-cophones et six projets anglophones. Cela dit, l’analyse du portefeuille du Fonds du long métrage du Canada selon la taille des devis (de 2001-2002 à 2004-2005) montre que 66 % des investissements ont été alloués à la production de films à petit et moyen budget, soit moins de 5 M$, 31 % aux films se situant entre 5 et 8 M$ et 3 % aux productions de plus de 8 M$ (Téléfilm Canada, 2005 : 46). Téléfilm entend cependant nettement favoriser les films se situant dans la fourchette de 5-8 M$, puisque ce sont eux qui « obtiennent les meilleurs résultats » (Téléfilm Canada, 2005 : 42). En contrepartie, l’organisme constate également que les productions à budget moyen peuvent attirer les spectateurs et affirme, dans son plan d’entreprise 2006-2011, qu’il « favorisera les projets qui racontent des histoires d’intérêt local avec des devis de production moyennement élevés et qui profitent d’une collaboration étroite entre producteurs, distributeurs et exploitants » (Téléfilm Canada, 2006 : 19). Notons cependant qu’il n’est fait aucunement mention des cinéastes, ce qui reconduit ainsi les principaux paramètres de l’orienta-tion « hollywoodienne »...

Les ressources consacrées à la commercialisation des films (dont la responsabilité revient aux distributeurs) sont également en nette progression, notamment parce que « les distributeurs canadiens ne sont pas assez puissants au sein du marché pour influencer les dates et les lieux de sortie de façon à ce qu’un film canadien puisse atteindre un auditoire suffisant » (Ministère du Patrimoine canadien, 1998 : 13). Les devis moyens de mise en marché ont connu une augmentation au Québec de 225 000 $ à 347 000 $ entre 1999-2000 et 2003-2004, tandis qu’ils ont grimpé de 280 000 $ à 421 000 $ au Canada anglais (Téléfilm Canada, 2004 : 21). Soit dit en passant, les distributeurs n’ont plus droit, comme c’était le cas auparavant, à un soutien pour l’acquisition de films plus indépendants. Ils sont donc « naturellement » encouragés à éviter les risques et à privilégier les films commercialement porteurs. Rappe-lons également que l’engagement d’un distributeur est désormais une condition obligatoire pour tout producteur désirant soumettre une demande de financement à Téléfilm Canada. Cela veut dire qu’il devient de plus en plus difficile pour les productions plus indépendantes d’ob-tenir un soutien à la fois d’un distributeur et de l’organisme subvention-naire. Notons enfin que ce système encourage la concentration de

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l’industrie entre les mains de quelques puissantes entreprises de distri-bution24. Comme de nombreux projets sont même initiés par les distri-buteurs, cela réduit encore davantage l’influence des cinéastes.

Un des éléments centraux de ce nouveau dispositif concerne les enveloppes fondées sur la performance. Sommairement, la philosophie animant celles-ci est la suivante :

En reconnaissance des films qui ont réussi en salles commerciales, le FLMC [Fonds du long métrage du Canada] permet à Téléfilm Canada de réserver des ressources financières pour les sociétés de production et de distribution ayant connu un tel succès, pour leurs activités admissibles à venir (enveloppes fondées sur la performance). Le pourcentage de ressources financières allouées dans le cadre du FLMC au volet fondé sur la performance est directement lié à la performance des longs mé-trages canadiens en salles commerciales durant la période de référence (Téléfilm Canada, 2003 : 15).

Quatre principes sont au cœur de ces enveloppes. Premièrement, elles sont accordées aux entreprises dont les films obtiennent les plus importantes recettes au guichet. Le critère premier du financement est donc le succès commercial passé de la maison de production. Deuxiè-mement, les enveloppes sont précisément allouées au producteur, et non au cinéaste. C’est ainsi le producteur qui décidera des projets qu’il financera et des cinéastes auxquels il fera appel. Nous sommes ici typi-quement dans un cadre hollywoodien, alors que les studios et les pro-ducteurs détiennent la part importante du pouvoir au sein de l’industrie. Ce système encourage également la concentration du pouvoir entre les mains de quelques entreprises de production25. Une partie des envelop-pes est également réservée aux distributeurs pour la mise en marché, ce qui accentue la concentration évoquée plus haut, puisque seules trois entreprises (Alliance Atlantis, Christal Films et Equinoxe Films) se sont partagées en 2004-2005 les 5,4 M$ alloués à la mise en marché dans le volet performance (Téléfilm Canada, 2005 : 78).

24. Le nombre élevé d’acteurs présents au sein de l’industrie cinématographique a d’ailleurs été un argument récurrent utilisé par les pouvoirs publics afin d’« expliquer » la faible rentabilité des entreprises (voir Poirier, 2004b).

25. En 2004-2005, les principales entreprises bénéficiaires des enveloppes fondées sur la performance furent, par ordre d’importance, Cinémaginaire (6,5 M$), Cité-Amérique (3,4 M$), Melenny Productions (2,1 M$), Max Films (1 M$) et Go Films (0,9 M$). Voir Téléfilm Canada, 2005 : 78.

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Troisièmement, le versement des enveloppes est automatique, c’est-à-dire qu’il n’est aucunement conditionnel, comme autrefois, à une évaluation du scénario, que celle-ci soit effectuée par des fonctionnaires de l’organisme subventionnaire ou par des pairs. Bref, le producteur a carte blanche pour financer le projet de son choix. Quatrièmement, la part prise par ces enveloppes peut aller jusqu’à 75 % de l’ensemble des sommes allouées dans le cadre du Fonds du long métrage du Canada. Ainsi, en 2003-2004, 75 % des fonds réservés pour les projets de langue française ont été alloués aux producteurs ayant des enveloppes liées à la performance (Téléfilm Canada, 2004 : 22).

Quelques indicateurs statistiques permettront d’illustrer concrète-ment la problématique. Durant l’année 2002-2003, Téléfilm Canada a financé (volet production seulement) un total de quarante-trois projets dans le cadre du Fonds du long métrage du Canada, totalisant 55,3 M$. Le volet fondé sur la performance a soutenu sept projets pour un total de 14 M$, le volet sélectif a contribué à vingt devis impliquant 15,3 M$, et seize projets combinant les deux volets furent financés à hauteur de 26 M$ (Téléfilm Canada, 2004 : 23).

Comme on peut le constater, la dynamique insufflée par ces en-veloppes implique le financement important d’un nombre restreint de projets, au détriment d’autres films se classant dans le volet sélectif. Les producteurs sont donc encouragés à développer des projets qui auront un fort potentiel commercial et la tentation devient grande de ne pas produire des films plus « risqués »... Un producteur peut, bien entendu, produire de tels films avec ses enveloppes de performance. Les invasions barbares, La turbulence des fluides, La grande séduction et Québec-Montréal furent tous produits avec de telles enveloppes26. L’« esprit » de la politique ne va toutefois pas dans ce sens et peut potentiellement, selon le type de film développé, aller en contradiction avec les objectifs de diversité culturelle. Par exemple, de plus en plus de films de « genre » (une autre caractéristique hollywoodienne) utilisant les mêmes recettes (et souvent les mêmes vedettes du cinéma et de la télévision) sont pro-duits, les plus récents en date étant les comédies ainsi que les « remake »

26. Voir la lettre écrite par le « Groupe des six », à savoir les producteurs Roger Frappier, Richard Goudreau, Lorraine Richard, Denise Robert, Nicole Robert et Claude Veillet, dans La Presse du 3 février 2004 (24 images, 2006 : 35). Cela dit, il est important de noter que les films ayant droit aux enveloppes de perfor-mance peuvent également être financés avec le portefeuille sélectif, ce qui réduit ainsi la part des films plus indépendants.

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de classiques québécois (Séraphin. Un homme et son péché, Aurore...) ou les explorations du passé québécois (Nouvelle-France, Le Surve-nant)27.

Les cinéastes ne sont pas demeurés inertes face à ces développe-ments. Vingt-cinq cinéastes d’abord, suivis de trois cent cinquante-trois autres dès le mois suivant, ont publiquement manifesté leur désaccord face à cette politique :

Nous croyons que le financement public du cinéma national doit favo-riser la culture nationale dans sa diversité et non pas financer les profits des grosses maisons de production et de distribution en étouffant le cinéma d’auteur. Le jour où le cinéma national sera un calque sur grand écran de ce qu’on peut déjà voir à la télévision sera un jour de deuil. Nous exigeons la fin de la politique des enveloppes de performance et le rétablissement d’un soutien à la distribution conséquent pour le cinéma national28.

Ils font notamment remarquer que le système abandonne le cinéma national à la logique du marché en socialisant les coûts de production (puisque l’aide gouvernementale est essentielle) tout en privatisant les profits, qui reviennent à un nombre restreint de maisons de production et de distribution. Le cinéaste est alors réduit, comme c’est souvent le cas à Hollywood, à un rôle d’exécutant devant gérer de la façon la plus efficace et « experte » possible une production conçue en tant que « produit » ayant comme objectif final la rentabilité plutôt que, poten-tiellement, la diversité29. Notons que les cinéastes eurent en partie gain de cause puisque Téléfilm décida d’augmenter les fonds alloués au volet sélectif, ce qui montre bien l’impact que peut avoir une stratégie efficace de lobbying et de politisation d’un problème donné...30. Le

27. Il semble bien que l’adaptation pour le cinéma de séries télévisées à succès (par exemple, Les Bougon) constituera une prochaine « vague », accentuant encore davantage les liens entre télévision et cinéma au Québec.

28. « 25 cinéastes dénoncent – Le cinéma d’auteur est menacé », Le Devoir, 16 dé-cembre 2003.

29. Martin Frigon (2005) parle d’ailleurs d’une « grande réduction ».30. Mentionnons cependant que l’Association des réalisateurs et réalisatrices du

Québec (ARRQ) fut extrêmement divisée sur le sujet. La productrice Bernadette Payeur affirme d’ailleurs s’étonner « du silence actuel des réalisateurs » (24 ima-ges, 2006 : 31). La réalisatrice et productrice Nathalie Saint-Pierre ajoute : « On est tellement dociles. Nous devons avoir le courage d’aller sur la place publique pour critiquer les politiques des institutions. [...] On ne peut pas seulement s’asseoir et attendre que notre tour arrive ! » (24 images, 2006 : 35).

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programme des enveloppes de performance ne fut toutefois aucunement touché par cette mesure.

Une autre conséquence liée à cette politique concerne plus spéci-fiquement le gouvernement québécois, en l’occurrence la SODEC, qui semble devoir de plus en plus composer avec ce que décident le gou-vernement fédéral et Téléfilm Canada, compte tenu de leurs moyens financiers. Le gouvernement québécois reconnaît d’ailleurs lui-même, dans sa nouvelle politique cinématographique adoptée en 2003, les nouveaux effets de la politique des enveloppes de performance :

Dans un contexte marqué par l’orientation du gouvernement fédéral de privilégier les projets ayant un potentiel commercial élevé sur le marché intérieur en fait de recettes au guichet, le principal défi est de soutenir une grande diversité d’œuvres cinématographiques pour ce qui est du traitement et de l’écriture, des genres et des publics visés (Ministère de la Culture et des Communications du Québec, 2003 : 7).

Le gouvernement québécois souligne d’ailleurs qu’« en dépit de la multiplication des fenêtres et des supports de diffusion, l’offre ciné-matographique est de moins en moins diversifiée au Québec. Au cours des années 1970, le public a la possibilité d’aller voir, en moyenne, 530 longs métrages différents par an, contre 330 pendant les années 90 » (Ministère de la Culture et des Communications du Québec, 2003 : 8). Et c’était avant l’implantation des enveloppes... La SODEC a donc commencé à orienter son action vers les « laissés-pour-compte » des enveloppes. Ainsi, les budgets de soutien aux documentaires sont pas-sés de 1 309 439 $ en 2001-2002 à 2 136 121 $ en 2003-3004 (SODEC, 2004 : 33), tandis que le soutien à la scénarisation des secteurs indé-pendants et jeunes créateurs a grimpé de 354 900 $ à 528 470 $, et celui de la production, de 2 177 948 $ à 2 742 925 $ (SODEC, 2004 : 42). Le programme d’aide à la circulation des copies de films, permet-tant ainsi aux régions d’obtenir une diversité souvent réservée aux grands centres urbains, a également connu une croissance importante, passant de 295 766 $ à 535 880 $ (SODEC, 2004 : 38). La diversification des genres ainsi que le soutien à la production indépendante, para-indus-trielle et d’avant-garde constituent d’ailleurs des aspects importants du plan stratégique 2005-2008 de la Société (SODEC, 2005b).

Ainsi, le récit identitaire du Québec semble revenir sur la scène, après une éclipse au profit du récit commercial. Ce dernier demeure toutefois très présent au sein du discours de l’organisme d’État. Ainsi,

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entre 2002-2003 et 2004-2005, l’investissement moyen par projet a augmenté de 78 % pour les longs métrages et de 25 % pour les docu-mentaires (permettant ainsi un certain « rééquilibrage » face à Téléfilm Canada), tandis que le nombre de productions soutenues (tous genres confondus) est passé de 115 à 94, soit une diminution de 19 % de l’offre (SODEC, 2005a : 34). Les actions de la SODEC vont donc dans le sens de celles mises de l’avant par l’organisme fédéral. La Société mentionne d’ailleurs que « la tendance risquant de se poursuivre en 2005-2006, la SODEC fera une analyse détaillée de la situation afin de maintenir la masse critique de films nécessaire pour offrir une diversité de genres et d’œuvres québécoises » (SODEC, 2005a : 34). La Société a toutefois refusé d’implanter un programme similaire à celui de Téléfilm (les enveloppes), parce que cela la priverait « de la souplesse d’action dont elle a besoin pour atteindre les divers objectifs du programme, notamment celui de favoriser la production d’œuvres originales, diver-sifiées et de qualité » (SODEC, 2005a : 35).

Quoi qu’il en soit, le gouvernement québécois s’inquiète manifes-tement de la présence accrue du palier fédéral au sein des industries culturelles. Le constat comporte même certaines tonalités plutôt... pessimistes :

Le gouvernement fédéral a considérablement étendu son intervention au fil des ans jusqu’à parler de politiques culturelles. Dans chacun des domaines des industries culturelles, on retrouve une ou des institutions mandatées pour exercer un imposant pouvoir de dépenser dans une optique pancanadienne. Il va sans dire qu’il s’agit d’une situation nou-velle, comparativement à l’époque [1992] de l’adoption de la politique culturelle du Québec. [...] Dans la meilleure des situations, les ressources disponibles devraient concourir à la réalisation des objectifs de la poli-tique adoptée par l’Assemblée nationale au Québec (SODEC, 2004 : 30, nous soulignons).

Conclusion

Il existe un véritable écart entre les intentions manifestées par le récit identitaire et les logiques d’action dominées par le récit commer-cial31. Les excellents résultats obtenus par les films québécois au cours des dernières années ne doivent pas faire oublier que des logiques discursives, économiques et politiques particulières sont à l’œuvre. Au

31. Tension d’ailleurs déjà exprimée, entre autres, par Vincent Lemieux (1996).

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moment où le Québec et le Canada viennent de contribuer à la ratifi-cation de la Convention sur la protection et la promotion de la diver-sité des expressions culturelles, i l semble que le secteur cinématographique s’oriente vers une logique entrepreneuriale et com-merciale laissant « potentiellement » la part congrue à une diversité d’expressions culturelles. Insistons sur le caractère potentiel car, comme nous l’avons déjà évoqué, les enveloppes fondées sur la performance peuvent aussi bien contribuer au financement de films « commerciaux » que de productions plus alternatives ou indépendantes. Le producteur possède à cet égard une liberté certaine..., d’ailleurs liée à son pouvoir acquis au sein du secteur cinématographique ! Une recherche de plus grande ampleur, impliquant une analyse du type de films produits durant les dernières années, sera cependant nécessaire avant d’émettre un ju-gement plus précis32.

Par ailleurs, nous avons vu que le gouvernement fédéral est lui-même marqué par une ambivalence entre le récit économique et le récit identitaire et ce, au profit de l’approche commerciale. La diversité culturelle mise de l’avant par Patrimoine Canada est en flagrante contra-diction avec l’approche des enveloppes liées à la performance de Télé-film Canada. Notre analyse rejoint d’ailleurs certains débats entourant la question des relations entre la société canadienne et les produits culturels américains. L’une des interprétations historiquement dominan-tes fut celle de la « dépendance » culturelle du Canada face au géant américain. Une autre perspective a toutefois émergé à partir des années 1990, largement inspirée de certaines forme de néomarxisme et des cultural studies anglo-saxonnes. Marquée par une préoccupation pour l’autonomie relative de la culture et du politique plutôt que par des déterminations économiques monolithiques, elle propose une réarticu-lation de l’approche classique de la dépendance en recentrant l’attention sur les facteurs internes plutôt qu’externes. La dépendance face aux Américains devient alors le résultat de forces et d’acteurs présents au sein même de la société canadienne. Bien plus, il semble que les Cana-diens « intériorisent » eux-mêmes le modèle américain... Les travaux de Manjunath Pendakur (1990), Ted Magder (1993) et Michael Dorland

32. Une recherche plus approfondie devra également être entreprise concernant la « relation » entre la politique des enveloppes fondées sur la performance et les succès récents obtenus par le cinéma québécois. D’autres facteurs viennent en effet complexifier la situation, notamment l’existence d’un star system local alimenté par une symbiose étroite entre la télévision et le cinéma.

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(1998) vont dans ce sens. Ainsi, le pouvoir culturel ne circule pas iné-vitablement du centre de l’« impérialisme américain » vers la « périphé-rie » de façon unilatérale... Cela dit, la production québécoise demeure, encore aujourd’hui, extrêmement diversifiée. Ce texte voulait cependant attirer l’attention sur un certain nombre d’enjeux structurels typiquement reliés à des dynamiques hollywoodiennes.

Il sera particulièrement intéressant de suivre l’évolution de ces tendances et contradictions entre les récits et les pratiques des acteurs. En tout état de cause, ce texte aura atteint son objectif s’il est parvenu à montrer la pertinence d’une analyse du secteur cinématographique selon une perspective soucieuse aussi bien de la sphère gouvernemen-tale que de l’univers des groupes d’intérêt.

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