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fiche conseil en pédiatrie conseil en pédiatrie 45 Le conseil en pédiatrie à l’officine Actualités pharmaceutiques n° 473 Avril 2008 Série conseil en pédiatrie Le conseil en pédiatrie à l’officine Encombrement nasal et maux de gorge Parasitoses externes Traumatologie Les fiches “Conseil en pédiatrie” ont pour but, dans chaque grand domaine du conseil officinal, d’aborder la symptomatologie et les spécificités liées aux jeunes âges, les thérapeutiques disponibles pour chaque indication, ainsi que les précautions d’emploi inhérentes à l’administration d’un médicament chez un enfant ou un nourrisson. L’ écoute et le conseil à l’officine restent plus que jamais, dans les turbulences que connaît actuel- lement notre profession, la qualité première des équipes officinales. Délivrer un médicament conseil s’ins- crit dans une logique de soins de proximité, en première intention avant la consultation médicale, et doit se faire dans l’intérêt de la santé publique. Face aux patients les plus jeunes, il faut déplorer un nombre insuffisant de médicaments conseil adaptés à la pédiatrie. Le phar- macien doit disposer de médicaments dont la présen- tation et le dosage sont adaptés aux enfants, ainsi que de spécialités ayant été étudiées et approuvées dans les tranches d’âges concernées (mentions légales dans le résumé des caractéristiques du produit). Quelles spécificités pour un médicament pédiatrique ? L’usage d’un médicament chez le nourrisson et l’enfant relève de certaines spécificités pour garantir la sécurité et l’efficacité du traitement. Mais, trop souvent, les médi- caments ne sont ni adaptés aux enfants ni indiqués pour une utilisation pédiatrique. La forme galénique Les enfants ont des difficultés à avaler des médicaments solides (comprimés, gélules) avant l’âge de 6 ans. Il est alors indispensable de disposer de formes galéniques adaptées : sirop, poudre, lyoc, etc., pour une adminis- tration orale sûre chez l’enfant de moins de 6 ans. Afin d’améliorer l’observance, la mise au point de formes pédiatriques doit tenir compte du goût. Mieux vaut mas- quer une amertume ou choisir un arôme apprécié des enfants (tutti frutti, fraise, caramel...). Enfin, l’administra- tion de médicaments aux plus jeunes nécessite la mise à disposition de voies alternatives à la voie orale ; la voie rectale est ainsi fréquente en médication familiale. La posologie L’étude d’un médicament doit permettre de déterminer une posologie chez l’enfant, dans les différentes tranches d’âge. La posologie est généralement exprimée en fonction du poids. Les spécialités doivent disposer de dosages adaptés pour administrer les quantités correspondantes aux diffé- rents poids. L’évaluation du médicament en pédiatrie Il n’existe pas suffisamment de médicaments ayant été étu- diés dans le cadre d’essais cliniques chez le nourrisson et l’enfant. Ainsi, trop souvent, les spécialités ne disposent pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les moins de 6 ans. Il semble pourtant indispensable de développer des médicaments pédiatriques en étudiant l’efficacité, la tolérance, la pharmacocinétique et la posologie chez les plus jeunes. Le manque de connaissances et l’absence d’études spécifiques chez l’enfant sont fréquemment res- ponsables d’une absence de mention concernant l’enfant dans l’AMM, voire d’une contre-indication explicite. Quels freins au développement de médicaments pédiatriques ? L’un des motifs invoqué au faible développement des spécialités pédiatriques est le manque de rentabilité. Au-delà de cet aspect financier, un obstacle majeur est à noter : la difficulté à effectuer des essais cliniques chez l’enfant. Parmi les différents obstacles rencontrés, citons : la crainte des investisseurs à réaliser des études chez l’enfant volontaire sain, des difficultés à mesurer certains paramètres cliniques et paracliniques, et à recru- ter un grand nombre de patients, ainsi qu’une réticence des parents à inclure leur enfant dans un essai clinique. Le conseil en pédiatrie à l’officine © BSIP/Jose Oto Les enfants ont des difficultés à avaler des médicaments solides (comprimés, gélules) avant l’âge de 6 ans.

Le conseil en pédiatrie à l’officine

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Actualités pharmaceutiques • n° 473 • Avril 2008

Série conseil en pédiatrie

Le conseil en pédiatrie à l’officineEncombrement nasal et maux de gorgeParasitoses externesTraumatologie

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Les fiches “Conseil en pédiatrie”

ont pour but, dans chaque grand

domaine du conseil officinal,

d’aborder la symptomatologie et

les spécificités liées aux jeunes

âges, les thérapeutiques disponibles

pour chaque indication, ainsi que

les précautions d’emploi inhérentes

à l’administration d’un médicament

chez un enfant ou un nourrisson.

L’écoute et le conseil à l’officine restent plus que jamais, dans les turbulences que connaît actuel-lement notre profession, la qualité première des

équipes officinales. Délivrer un médicament conseil s’ins-crit dans une logique de soins de proximité, en première intention avant la consultation médicale, et doit se faire dans l’intérêt de la santé publique. Face aux patients les plus jeunes, il faut déplorer un nombre insuffisant de médicaments conseil adaptés à la pédiatrie. Le phar-macien doit disposer de médicaments dont la présen-tation et le dosage sont adaptés aux enfants, ainsi que de spécialités ayant été étudiées et approuvées dans les tranches d’âges concernées (mentions légales dans le résumé des caractéristiques du produit).

Quelles spécificités pour un médicament pédiatrique ?L’usage d’un médicament chez le nourrisson et l’enfant relève de certaines spécificités pour garantir la sécurité et l’efficacité du traitement. Mais, trop souvent, les médi-caments ne sont ni adaptés aux enfants ni indiqués pour une utilisation pédiatrique.

La forme galéniqueLes enfants ont des difficultés à avaler des médicaments solides (comprimés, gélules) avant l’âge de 6 ans. Il est alors indispensable de disposer de formes galéniques adaptées : sirop, poudre, lyoc, etc., pour une adminis-tration orale sûre chez l’enfant de moins de 6 ans. Afin d’améliorer l’observance, la mise au point de formes pédiatriques doit tenir compte du goût. Mieux vaut mas-

quer une amertume ou choisir un arôme apprécié des enfants (tutti frutti, fraise, caramel...). Enfin, l’administra-tion de médicaments aux plus jeunes nécessite la mise à disposition de voies alternatives à la voie orale ; la voie rectale est ainsi fréquente en médication familiale.

La posologieL’étude d’un médicament doit permettre de déterminer une posologie chez l’enfant, dans les différentes tranches d’âge. La posologie est généralement exprimée en fonction du poids. Les spécialités doivent disposer de dosages adaptés pour administrer les quantités correspondantes aux diffé-rents poids.

L’évaluation du médicament en pédiatrieIl n’existe pas suffisamment de médicaments ayant été étu-diés dans le cadre d’essais cliniques chez le nourrisson et l’enfant. Ainsi, trop souvent, les spécialités ne disposent pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les moins de 6 ans. Il semble pourtant indispensable de développer des médicaments pédiatriques en étudiant l’efficacité, la tolérance, la pharmacocinétique et la posologie chez les plus jeunes. Le manque de connaissances et l’absence d’études spécifiques chez l’enfant sont fréquemment res-ponsables d’une absence de mention concernant l’enfant dans l’AMM, voire d’une contre-indication explicite.

Quels freins au développement de médicaments pédiatriques ?L’un des motifs invoqué au faible développement des spécialités pédiatriques est le manque de rentabilité. Au-delà de cet aspect financier, un obstacle majeur est à noter : la difficulté à effectuer des essais cliniques chez l’enfant. Parmi les différents obstacles rencontrés, citons : la crainte des investisseurs à réaliser des études chez l’enfant volontaire sain, des difficultés à mesurer certains paramètres cliniques et paracliniques, et à recru-ter un grand nombre de patients, ainsi qu’une réticence des parents à inclure leur enfant dans un essai clinique.

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eActualités pharmaceutiques • n° 473 • Avril 2008

Pour améliorer la prise en charge médicamenteuse des enfants, un nouveau règlement européen sur les médica-ments pédiatriques est entré en vigueur en janvier 2007. Il prévoit la mise en place de mesures incitatives pour les laboratoires en faveur du développement de nou-veaux médicaments pédiatriques (notamment une pro-longation des brevets), ainsi que la création d’instances européennes en charge de ces questions à l’image du comité pédiatrique de l’Agence européenne du médica-ment (EMEA). Ces mesures imposent notamment aux laboratoires pharmaceutiques de soumettre un plan d’investigation pédiatrique (PIP) lors de toute nouvelle demande d’AMM ou lors d’une modification de l’AMM. Ces investigations ont pour but de démontrer la sécu-rité et l’efficacité des médicaments dans les différentes catégories d’âges pédiatriques, la sécurité, l’efficacité et l’acceptabilité des formulations...

Particularités pharmacologiques chez l’enfantLes enfants présentent des caractéristiques physiologi-ques qui varient avec l’âge et ne permettent pas, dans la plupart des cas, de les assimiler à des adultes. Ainsi, un médicament administré à un enfant présente des spéci-ficités en termes de pharmacocinétique.• La résorption La résorption intestinale est plus lente chez le nouveau-né que chez l’adulte car la vitesse de vidange gastrique est diminuée. En revanche, la résorption transcutanée est accrue de façon importante chez le nourrisson en raison d’une augmentation de l’hydratation de la couche cornée et d’un rapport élevé entre la surface cutanée et le poids. Concernant la voie rectale, la résorption est peu influencée par l’âge.• La distributionLe volume de distribution chez l’enfant est supérieur à celui de l’adulte en raison d’une masse hydrique très supérieure (80 % du poids corporel chez le nourrisson) et d’un compartiment adipeux très réduit. Ainsi, les doses unitaires rapportées au poids seront plus élevées chez l’enfant que chez l’adulte. La liaison des médica-ments aux protéines plasmatiques est moindre chez le nouveau-né, d’où une augmentation de la fraction libre de certains médicaments. Toutefois, cette liaison aux protéines rejoint rapidement celle de l’adulte (en quel-ques mois).• Le métabolismeLe catabolisme hépatique des médicaments est bien moindre chez le nourrisson que chez l’adulte, mais après un à deux ans, il devient supérieur à celui de l’adulte.

Quelle place pour le conseil en pédiatrie ?• Le recueil d’informationsL’une des principales difficultés rencontrée pour conseiller un patient est le recueil d’informations : symptômes, durée, circonstances d’apparition, localisation de la gêne, antécé-dents. Dans le cas d’un nourrisson, voire même d’un enfant, une difficulté apparaît : l’interrogatoire est indirect puisqu’il se fait auprès des parents ou par simple observation.• Les limites du conseil à l’officineEn fonction de la symptomatologie, le premier choix du pharmacien sera d’orienter ou non vers une consulta-tion médicale, voire, dans certains cas, vers un service médical d’urgence.Le pharmacien constate fréquemment, pour les patients les plus jeunes, une limite dans la prise en charge thé-rapeutique à l’officine. Deux facteurs essentiels limitent ainsi son conseil. Tout d’abord, le jeune enfant, et surtout le nourrisson, doivent être systématiquement orientés vers un médecin lorsque certain symptômes surviennent tels que température, diarrhée, vomissements, certains traumatismes... De plus, le pharmacien ne dispose que d’un arsenal thérapeutique limité puisque les formes pédiatriques conseil sont peu nombreuses, voire inexis-tantes pour certaines indications.Par ailleurs, certains médicaments conseil n’ont pas d’in-dication en pédiatrie ni de présentation adaptée alors que certaines molécules possèdent des mentions légales et des formes pédiatriques parmi les médicaments sur pres-cription obligatoire.• Des médicaments adaptés à la pédiatrieDans le cadre d’une symptomatologie bénigne, le phar-macien dispose d’un nombre assez limité de médica-ments allopathiques dont l’utilisation est adaptée au nourrisson et/ou à l’enfant, c’est-à-dire pour lesquels les mentions légales indiquent, en fonction de l’âge, l’existence ou non d’indication et, en fonction du poids, la posologie adaptée. Ainsi, le pharmacien doit dispo-ser, dans son officine, des principaux médicaments conseil adaptés aux enfants dans les grands domaines du conseil officinal : affections bronchiques bénignes, encombrement nasal, maux de gorge, nausées et vomis-sements, diarrhée, constipation, allergies...L’homéopathie est, de plus, une thérapeutique de choix dès le plus jeune âge, notamment en l’absence de spé-cialités allopathiques pour certaines indications. Enfin, la phytothérapie peut, dans certaines affections bénignes, apporter une solution d’appoint. �

Gérald Beylot

Pharmacien, Limoges (87)

[email protected]