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Le devenir de l’adolescent allergique

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Le devenir de l’adolescent allergique

The future of the allergic adolescent

C. DelacourtService de pneumologie pédiatrique, hôpital Necker–Enfants-Malades, 161, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France

Disponible sur Internet le 19 mars 2010

Résumé

La rémission de l’asthme à l’adolescence est rarement observée en présence d’une allergie. En effet, l’allergie constitue, avec l’hyperréactivitébronchique, le principal facteur de risque de persistance de l’asthme depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Même lorsqu’une rémission clinique estprésente chez l’adolescent allergique, cette disparition des symptômes n’est le plus souvent que transitoire, suivie d’une réapparition de symptômesà l’âge adulte. Cette persistance clinique est souvent associée à une altération fonctionnelle respiratoire plus marquée, dont l’origine estprobablement très précoce dans l’histoire de l’asthme.# 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.

Mots clés : Asthme ; Remodelage bronchique ; Hyperréactivité bronchique ; Épreuves fonctionnelles respiratoires

Abstract

Asthma remission is rarely observed in allergic adolescents. Indeed, allergy, along with bronchial hyperresponsiveness, is the principal riskfactor for persistence of asthma from childhood to adulthood. Even when clinical remission is observed in allergic adolescents, the disappearanceof symptoms is most often transitory, frequently being followed by the reappearance of symptoms in adulthood. This clinical pattern is commonlyassociated with more marked abnormal lung function, its origin probably being very early in childhood asthma.# 2010 Published by Elsevier Masson SAS.

Keywords: Asthma; Adolescents; Bronchial remodelling; Bronchial hyperresponsiveness; Lung function

Revue française d’allergologie 50 (2010) 264–266

L’adolescence et la puberté qui l’accompagne ont longtempsété idéalisées comme la période de disparition de l’asthmede l’enfance. Cette donnée est en fait loin d’être exacte,notamment chez l’adolescent allergique.

1. Qu’est-ce qu’une rémission d’asthme ?

Il n’y a pas de définition consensuelle de rémission d’asthmeet les études longitudinales utilisent des critères variables[1]. Au minimum, la rémission se définit par l’absence desymptômes durant les 12 derniers mois. D’autres équipes sontplus exigeantes avec une rémission définie sur l’absence desymptômes sur les deux à trois dernières années [2,3]. Enfin,certaines études ajoutent la disparition de l’hyperréactivité

Adresse e-mail : [email protected].

1877-0320/$ – see front matter # 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.reval.2010.02.011

bronchique à l’absence de symptômes pour parler de rémissioncomplète [3].

Si l’on s’en tient à une définition clinique, le taux derémission d’asthme à l’adolescence varie de 22 à 57 % [1]. Sil’on exige une période asymptomatique d’au moins deux ans, letaux de rémission est de 30 à 45 % [2,3]. La prise en compte decritères fonctionnels respiratoires abaisse le taux de rémission à22 % [3].

La rémission clinique n’est pas synonyme de disparitiondéfinitive. Il a été montré que les patients sans symptômesdepuis au moins un an gardaient des valeurs élevées demonoxyde d’azote (NO) dans l’air expiré, comparables à cellesd’asthmatiques symptomatiques [4]. L’inflammation persis-tante des voies aériennes chez ces patients « en rémission » a étéconfirmée par la démonstration d’une éosinophilie bronchiquepersistante et de taux élevés d’IL-5 [5]. Les aspects deremodelage bronchique sont également superposables à ceuxdes asthmatiques symptomatiques [5]. Tous ces paramètres

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contribuent à la persistance d’une hyperréactivité bronchique,qui représente un important facteur de risque de réapparition del’asthme à l’âge adulte [6].

2. Quels sont les facteurs de persistance de l’asthmejusqu’à l’âge adulte ?

Le suivi prospectif de plusieurs cohortes constituées dès lanaissance des enfants a permis d’identifier les principauxfacteurs associés à la persistance ou à la rémission de l’asthme,communs à l’ensemble de ces cohortes :

� la sévérité de l’asthme influence le taux de rémission. Parmiles enfants avec des épisodes de wheezing intermittent,contemporains d’infections virales, plus de 60 % sont enrémission depuis au moins trois ans à l’âge adulte. Àl’inverse, ce pourcentage est seulement 10 % chez les enfantsavec un asthme sévère et des altérations fonctionnellesrespiratoires [7,8]. Les altérations fonctionnelles précocesont également été identifiées comme un marqueur depersistance de l’asthme [3,7,9]. Ce point semble surtoutprésent chez les enfants présentant des manifestationssifflantes en dehors des infections virales [7] ;� le phénotype de l’asthme joue également un rôle important.

Les manifestations précoces de l’asthme, contemporainesd’infections virales, sont associées à un bien meilleurpronostic que les manifestations à début tardif [2,7–9] ;� le sexe féminin est associé à un risque plus important de

persistance de l’asthme [6,9,10], ou d’autres manifestationsatopiques comme l’eczéma [11] ;� l’atopie est constamment identifiée comme un facteur de

persistance de l’asthme [6,9–12]. La sensibilisation précoceaux pneumallergènes a été identifiée comme le principalfacteur de risque d’asthme à l’âge adulte [12]. En présence demanifestations sifflantes précoces, le fait d’être un enfant « àrisque », avec un parent atopique, ne suffit pas à augmenter lerisque d’asthme à l’âge adulte : une sensibilisation précoceest nécessaire pour augmenter le risque [12]. Ces donnéessuggèrent fortement l’importance des interactions gènes–

environnement chez ces enfants « à risque ». Il a été montrétrès récemment que l’impact à long terme des infectionsprécoces à rhinovirus différait selon la présence ou non d’unesensibilisation précoce [13]. Il est également intéressant denoter que l’asthme sévère de l’enfance est associée à unrisque majoré (odds ratio = 4,7) de sensibilisation allergéni-que à l’âge adulte [11] ;� le tabagisme actif est aussi un facteur de persistance de

l’asthme [10] et de décroissance plus rapide des fonctionsrespiratoires [14].

3. L’hyperréactivité bronchique : un facteur clé de lapersistance de l’asthme

L’hyperréactivité bronchique (HRB) est déterminée parde multiples influences : génétique, taille constitutionnelledes voies aériennes, propriétés intrinsèques du muscle lisse,inflammation des voies aériennes [15,16]. De façon transver-

sale, l’HRB est associée à la sévérité clinique et fonctionnellede l’asthme [17–19]. Surtout, de façon longitudinale, l’HRB aété constamment retrouvée comme un facteur indépendantde persistance de l’asthme [6,9]. L’HRB asymptomatique del’enfance est également associé à une apparition tardivede symptômes d’asthme à l’âge adulte [9]. Enfin, en cas derémission, l’HRB constitue le principal facteur de risque deréapparition ultérieure de l’asthme [6]. C’est donc un élémentpathogénique essentiel de l’histoire naturelle de l’asthme. Lacoexistence d’une HRB et d’une sensibilisation allergénique estfortement associée à la présence de symptômes chez l’adulte[20]. L’HRB n’est pas seulement prédictive du devenir clinique,elle est également prédictive du devenir fonctionnel. L’HRB del’enfance est clairement associée à des valeurs plus basses deVEMS à l’âge adulte [14,17]. Ces mécanismes se mettent enplace très précocement, puisque nous avons montré que l’HRBmesurée à 16 mois était prédictive des fonctions respiratoires àneuf ans [21].

4. Impact des traitements sur le devenir de l’asthme

Les corticoïdes inhalés ont un bénéfice clairement démontrésur les symptômes de l’asthme. En revanche, leur capacité àinduire une rémission prolongée est loin d’être démontrée.Les études actuellement disponibles sont même en faveur d’uneffet purement suspensif des corticoïdes inhalés, même si leurvalidité est limitée par le nombre limité de participants. Aucours d’un suivi de trois ans d’enfants âgés en moyenne de11 ans et recevant du budésonide, seulement 35 % sontconsidérés en rémission à la fin du suivi, alors que 60 % ont eudes périodes d’au moins huit mois sans aucun symptôme [22].L’arrêt des corticoïdes inhalés en cas de bon contrôle, aprèsplusieurs années de traitement, entraîne une réapparition del’asthme chez 40 % des enfants [23] et deux tiers des adultes[24]. En lien avec le rôle de l’HRB discuté plus haut, il estimportant de constater que les corticoïdes inhalés à dose usuellen’ont qu’un effet partiel sur l’hyperréactivité bronchique. Parmiles enfants considérés en rémission après trois ans detraitement, seulement 40 % ont une réactivité bronchique etun VEMS normaux [22]. Il a été démontré que des doses plusimportantes de corticoïdes inhalés étaient nécessaires pourcontrôler l’HRB [18]. Il y a toutefois des données suggérant quel’introduction précoce des corticoïdes inhalés est associée à unmeilleur pronostic fonctionnel [25].

Conflit d’intérêt

Aucun.

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