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LE DOIGT QUI MONTRE LE DHARMAKAYA - 1/2
Jamgun Kongtrul RinpochConformment aux prdictions du second Jamgun
Kontrul Rinpoch, la troisime incarnation des Kontrul Rinpoch est ne
en 1954 dans le Tibet central et a t reconnue par le seizime
Karmapa l'ge de trois ans. Le secrtaire du prcdent Kontrul Rinpoch
demanda au Karmapa la permission d'emmener le jeune Rinpoch au
monastre de Palpoung, dans le Tibet oriental, qui tait le sige de
la ligne des Jamgun Kontrul. Mais le Karmapa savait dj que la Chine
menaait d'envahir le Tibet et ordonna que Jamgun Kontrul Rinpoch
soit emmen Kalimpong, en Inde, avec ses parents. Peu aprs, la
situation empira au Tibet et le Gyalwa Karmapa quitta son tour le
Tibet, pour s'installer dans son monastre de Rumtek au Sikkim,
Quelques mois plus tard, le jeune Rinpoch fut amen par sa famille.
Le Karmapa procda la crmonie de la chevelure et lui donna le nom de
Karma Lodreu Tcheukyi Sengu. La mme anne, l'occasion propice du
Lha-bad Duchen, le Karmapa intronisa officiellement le jeune
Rinpoch. Peu aprs, Jamgun Kontrul Rinpoch commena son apprentissage
de la philosophie et de la pratique de l'enseignement bouddhiste.
Et comme un pre lguant tout son fils, le Gyalwa Karmapa transmit
les enseignements complets de la ligne Karma Kagyu Rinpoch.
Celui-ci reut par la suite les enseignements d'autres grands
matres, dont les initiations de Kalachakra du Vnrable Kalou
Rinpoch. A partir de l'ge de vingt ans, Kontrul Rinpoch voyagea
beaucoup en Amrique du nord -et du sud, en Europe, en Australie et
en Asie, en vue de prserver et transmettre l'enseignement
bouddhiste. Jamgoeun Kontrul Rinpoch est venu plusieurs fois Dhagpo
Kagyu Ling. La premire fois, il assistait le Gyalwa Karmapa en
juillet 1974, en qualit d'intendant de Sa Saintet. Lors de son
sjour durant l't 1990, Rinpoch donna l'enseignement qui suit : "Le
doigt qui montre le Dharmakaya", directement traduit du tibtain en
franais, suivi d'un enseignement sur "L'appel au Lama de
loin".
Avant de recevoir ou d'couter les enseignements, il convient de
dvelopper la motivation pure, la bodhicitia, c'est--dire le dsir de
recevoir ces enseignements non dans un but goste mais afin d'tre
mme d'aider tous les tres sans aucune exception. Encore faut-il
pour cela viter trois erreurs ou attitudes fausses qui
invalideraient les enseignements auxquels on pourrait
assister.
La premire est d'tre semblable un bol retourn. On peut verser
autant d'eau que l'on veut sur un bol retourn, il n'en pntre pas
une goutte l'intrieur, Cela correspond l'attitude d'une personne
physiquement prsente aux enseignements, mais dont l'esprit est
ailleurs, distrait par d'autres penses. Evidemment les
enseignements: ne peuvent pas tre profitables dans ce cas.
La deuxime erreur consiste se rendre semblable un bol fl. On peut
verser de l'eau dans un bol fl, mais au bout d'un certain temps
l'eau s'coule par la flure, et en dfinitive il ne reste plus rien
dans le bol. De mme, celui qui coute et comprend, sans pour autant
rflchir encore et encore sur le sens des enseignements qui ont t
donns, les oublie petit petit. Dans ce cas, l'enseignement ne sert
rien, car il n'est pas donn pour tre oubli juste aprs ! Le but des
enseignements est de provoquer des transformations en nous-mmes et
pour que celles-ci soient effectives, ils doivent demeurer en notre
esprit.
La troisime attitude consiste se rendre semblable un bol souill. On
est prsent, on essaye rellement de comprendre le sens de
l'enseignement, mais en mme temps on oublie de dvelopper une
motivation parfaitement pure. Et notre coute se trouve contamine
par des motions conflictuelles - orgueil, jalousie, duplicit... qui
distordent notre comprhension de l'enseignement. Cela revient
verser une nourriture parfaitement saine dans un bol souill de
poison ; et lors qu'on mange cette nourriture, pourtant
parfaitement saine au dpart, on tombe malade. De mme, les
enseignements qui ne sont pas couts avec une motiation claire et
pure non seulement ne servent rien, mais, dforms, peuvent induire
une mauvaise comprhension et devenir nuisibles. Avant de recevoir
les enseignements, il faut bien examiner si l'on engendre la
vritable disposition d'esprit ncessaire : celle de l'esprit
d'veil.
De faon permettre un maximum d'tres de se librer de la souffrance,
le Bouddha a donn des enseignements extrmement vastes et varis dans
leur prsentation et leur nature. II a donn ce qu'on appelle les
trois cycles de la transmission du dharma. Certains de ces
enseignements sont tourns vers un niveau de comprhension et
d'explication gnral ou indirect, d'autres concernent plus prcisment
la nature ultime des phnomnes : c'est le cas du dernier cycle
d'enseignements considrs comme particulirement nobles et levs. Dans
ces enseignements, le Bouddha a insist sur le fait que tous les
tres sans exception sont dots de la nature mme de bouddha
(tathagatagarba}. Cette potentialit est inhrente la nature de tous
les tres, qui est pure depuis toute origine et au del de
l'illusion. Ces enseignements du Bouddha ont t consigns dans le
soutra appel : le "Soutra du samadhi royal" (Skt : Samadhiradja
Soutra), et ont donn naissance une tradition de pratique : la voie
de ralisation du mahamoudra. Cette voie du mahamoudra, qui permet
de raliser ou de retrouver cette nature parfaitement pure, a fait
l'objet d'une transmission trs soigneuse. Il ne s'agit pas
seulement d'une transmission au niveau des textes et des
techniques, mais aussi d'une
transmission directe de matre ralis disciple ralis : elle est
remarquablement profonde et effective. Il existe de nombreux
aspects, de nombreux textes et de nombreuses variantes propres aux
quatre grandes et aux huit petites coles de la ligne Kagyupa du
bouddhisme tibtain. En particulier, dans la ligne Karma Kamtsang,
cette tradition du mahamoudra a t codifie en trois textes par le
neuvime Karmapa. Le plus tendu est le Ngudeun- gyamtso ;
"L'Ocan de Certitude"; le plus condens est le Tchagtchen marik
munsel : "Le Mahamoudra qui dissipent les tnbres de l'ignorance";
le dernier, encore plus court, est le "Le Doigt qui montre le
Dharmakaya".
Le mahamoudra est une voie particulirement noble, efficace et
rapide. Il implique cependant la relation entre un matre pleinement
qualifi pour enseigner et un disciple qui soit un rceptacle
parfait. Les enseignements du mahamoudra sont des moyens destins
librer rapidement ; seul un disciple parfaitement prpar
intrieurement peut les recevoir, les comprendre et les mettre en
application. Dans le meilleur des cas, lorsque des enseignements du
mahamoudra sont transmis un disciple parfaitement qualifi, il est
possible que la ralisation de la reconnaissance de la nature de
bouddha s'opre en un instant. Sinon, il est dit qu' condition d'y
mettre la persvrance et l'ardeur ncessaires il est tout fait
possible de raliser cet veil dans l'espace d'une vie. Les
enseignements directs du mahamoudra sont librateurs par l'coute,
par le simple fait de les recevoir. Ils reprsentent le cur mme des
Bouddhas. Il y a beaucoup de noms pour les dsigner : le mahamoudra,
la Grande Perfection, etc., mais tous recouvrent une mme
ralisation. Il est dit que, si nous demeurons dans le cycle des
existences et sommes prisonniers de la souffrance, cela vient du
fait que nous ne reconnaissons pas notre vritable nature. Elle est
unique, au del de toute distinction : c'est l'tat de bouddha.
Il existe plusieurs chemins menant la reconnaissance de cette
vritable nature prsente depuis toute origine.
La voie des auditeurs (shravakas) et des bouddhas pour eux-mmes
(pratykas bouddhas) part d'un niveau tout fait relatif, qui
consiste prendre conscience du caractre ngatif du cycle des
existences et s'abstenir finalement d'entretenir ce qui pourrait
nous y maintenir.
C'est une voie de renonciation progressive et relativement
longue.
La voie du bodhisattva suppose, en plus d'une thique pure, le
dveloppement d'une motivation parfaite et leve : la bodhichitta,
qui est le rayonnement de l'amour et de la compassion envers tous
les tres. A partir de cette pure motivation, on s'engage dans la
pratique des six vertus transcendantes (les six paramitas). Aprs un
certain temps, qui peut durer de nombreuses existences, on parvient
l'veil ultime.
La voie du mahamoudra est une sorte de raccourci qui va directement
l'essentiel, mais elle implique de la part du disciple une trs
grande puret et une prparation parfaite. Lorsque le disciple est
prt et le matre parfaitement qualifi, on fait l'conomie de tout
dtour, on va directement la rencontre de la reconnaissance de la
nature ultime de tous les phnomnes et de son propre esprit : la
ralisation de la nature de bouddha. C'est une voie particulirement
noble parce qu'extrmement rapide et efficace, namoins elle implique
des matres et des disciples d'un niveau lev.
Ces enseignements sont la quintessence de la parole du Bouddha.
Leur transmission s'est fate, ainsi qu'il a t dit, au travers de
matres et de disciples raliss, sans aucune interruption depuis le
Bouddha primordial Vajradhara jusqu' Rangdjoung Rigp Dordj, le
seizime Kannapa. Cette ligne de transmission est appele le Rosaire
d'Or des Lamas Kagyupas. Ce genre de transmission ne se limite pas
de simples paroles ou des textes ; il s'agit du transfert d'une
vritable influence spirituelle, de la grce, de la bndiction relle,
ncessaire pour l'obtention de la ralisation. La qualit des lamas
qui transmettent le mahamoudra est essentielle. D'un autre ct, la
qualit du disciple est aussi importante pour la ralisation. S'il
dveloppe vraiment la confiance, l'nergie et la ferveur ncessaires,
le disciple qui se plonge profondment dans la pratique de ces
enseignements bnficie de la grce vhicule par la transmission. Cette
grce est toujours prsente ; c'est au disciple de la recevoir et
d'en profiter au travers de sa ferveur, Si le matre qui transmet le
mahamoudra n'est pas sans faute ou si le disciple n'a pas la puret
ncessaire, l'enseignement a beau tre extrmement profond et la
transmission pure, ces enseignements ne servent rien. Que faut-il
faire pour tre digne d'une telle transmission ? Il faut se prparer
par les pratiques prliminaires.Les quatre penses fondamentalesII y
a deux sortes de pratiques prliminaires, les pratiques prliminaires
communes et les pratiques prliminaires spciales. Les pratiques
prliminaires communes sont "les quatre ides fondamentales qui
dtournent l'esprit du cycle des existences". Bien que nous les
ayons entendues de nombreuses fois, nous ne les avons pas vraiment
comprises. Il ne suffit pas de les connatre intellectuellement,
c'est quelque chose qui doit vraiment faire partie de nous-mmes. On
parle de samsara, d'illusion et de leurs causes, cependant
l'origine du samsara n'est pas ailleurs qu'en nous-mmes. Nous avons
dvelopp une double saisie : la saisie gocentrique, dans laquelle on
se peroit en tant que moi, je, et la saisie de la ralit des
phnomnes, dans laquelle on prte une existence intrinsque des
phnomnes qui en
sont dpourvus.
On parle toujours d'apparences illusoires, mais la racine de
l'illusion est en nous, dans cette saisie. Il faut savoir que les
phnomnes ne sont pas la cause de l'illusion. L'illusion se produit
dans notre esprit et pas aillers. Mme s'il y a un univers
l'extrieur de nous, ces apparences sont dpourvues d'existence
intrinsque et n'existent pas par elles-mmes ; si nous ne leur
prtons pas d'existence, elles en sont dpourvues. C'est la vision de
quelqu'un qui a compris la vraie nature des phnomnes : il voit les
phnomnes mais peroit en mme temps leur parfaite vacuit, leur
absence d'essence. Tant que nous demeurons des tres ordinaires,
quoi que nous fassions, disions ou pensions, les apparences sont
perues comme vraies. Nous ne pouvons pas en nier la ralit : cette
ralit que nous voyons et laquelle nous croyons est la seule chose
qui existe pour nous. Il va falloir peu peu nous dtourner de ce
pige qu'est l'illusion de la manifestation.
En suivant les voies du monde et en partant de cette vidence
illusoire selon laquelle les phnomnes existent par eux-mmes, on ne
peut rien accomplir ni rien faire d'utile. En nous accrochant cette
vidence, en fait illusoire mais qui nous parat tre la ralit, nous
ne pouvons aller que vers davantage de souffrance ; et c'est ce qui
survient inluctablement si nous ne prenons pas la ferme dcision,
venant du fond du cur, de nous dtourner des apparences qui sont
illusoires. Pour parvenir cette dcision, qui ne dpend pas de notre
intellect, il faut mditer encore et encore sur le caractre prcieux
de l'existence humaine, sur la facilit avec laquelle elle peut tre
dtruite et sur le fait qu'elle nous permet d'atteindre la
libration. Il est fondamental de mditer srieusement sur le devenir
et la mort, sur la loi de causalit (le karma) et sur l'inanit du
cycle des existences qui nous parat rel alors qu'il est illusoire.
Mais se dtourner du cycle des existences du fond du cur ne signifie
pas fuir le monde, tout abandonner ou essayer de nier une ralit
prsent. Il s'agit de reconnatre, au plus profond de soi, que ce qui
se manifeste et apparat comme rel est en fait vide de
substance.
II est ncessaire de s'engager dans ces rflexions prliminaires car,
bien que tous les tres sans exception soient dots de la nature de
bouddha, cette simple connaissance n'est pas libratrice en
elle-mme.
Notre nature fondamentale est voile par une forte ignorance qui se
traduit par la saisie dualiste, dans laquelle on conoit l'univers
en tant que moi et ce qui n'est pas moi. La saisie dualiste entrane
un mode de fonctionnement de l'esprit perturb par les motions
conflictuelles.
Ces motions entranent des actions qui produisent du karma. Du fait
de ce karma, les choses se poursuivent sans relche et nous restons
attachs un mode de fonctionnement illusoire qui engendre la
souffrance. C'est ce qu'on appelle le cycle des existences. Ce
processus ne dpend pas de notre volont. Nous sommes impuissants
l'arrter. Si l'on veut changer quelque chose, il convient tout
d'abord de se dtourner profondment du cycle des existences, auquel
nous sommes si fortement attachs.
Pour ce faire, nous devons nous souvenir que nous avons cette
nature de bouddha. Mais cela ne suffit pas. Tout ce qui maintient
dans le cycle des existences se situe un niveau trs profond et
dispose d'nergies considrables ; les klshas ou tendances
inconscientes. Ces tendances ne sont pas un fardeau qu'on porte et
dont on peut se dbarrasser. Elles ne sont pas non plus quelque
chose de rajout l'esprit qu'on peut rejeter. Malheureusement, ce
sont des
tendances qui font partie intgrante des couches les plus profondes
de l'esprit et qui contrlent nos actions. C'est pourquoi il est trs
difficile de s'en dbarrasser, car ces tendances inconscientes sont
des habitudes implantes en nous comme des rflexes. On peut les
contrebalancer en dveloppant des tendances positives qui vont
devenir des tendances inconscientes positives. Si l'on parvient
contrebalancer les tendances ngatives qui nous retiennent dans le
cycle des existences, on peut se librer des deux sortes de
tendances. Pour y arriver, il est ncessaire de dvelopper une
dtermination suffisamment grande, issue du fond de notre esprit. II
faut percevoir clairement que cette vie et le cycle des existences
tout entier sont dpourvus de finalit et de sens. Pour l'instant
nous sommes prisonniers de tout un rseau d'attachements : notre
corps, nos proches, une situation, un mode de vie, des
circonstances, etc. II convient de ne pas traiter la lgre ces
attachements, car ils sont trs profonds et mobilisent une nergie
considrable.
La prcieuse existence humaine
Le premier pas faire pour se librer du cycle des existences et pour
aller vers cette ralisation de la nature de bouddha est de voir
l'inanit du samsara. Il ne suffit pas de le dire ou de le penser,
il faut le voir, sans quoi il n'y a pas de rel progrs possible. Il
faut d'abord raliser le caractre dpourvu de sens du cycle des
existences et nous dfaire de l'attachement aveugle .que nous avons
envers tout ce qui constitue cette existence. Un moyen efficace est
de mditer sur le devenir et la mort et sur les conditions qu'il est
ncessaire de runir pour parvenir l'veil. Chacun d'entre nous est
dot de cette potentialit d'veil, mais pour la mener ralisation, il
faut une base convenable : la prcieuse existence humaine.
Pourquoi prcieuse ? Parmi les six classes d'tres, il y a d'autres
formes d'existence considres comme plus heureuses, vivant plus
longtemps que les humains, par exemple le monde des dvas.
Cependant, mme ces tres demeurent dans le cycle des existences et
sont donc soumis au devenir. Si grande soit leur flicit, elle n'en
est pas moins temporaire et destine se transformer en souffrance.
Le bouddhisme enseigne la pluralit des mondes et des univers. Et
parmi toutes les formes d'existence possibles, la plus favorable,
du point de vue de la ralisation, est l'existence humaine dans
notre monde appel Jamboudvipa, Dans notre univers, le karma est en
quelque sorte acclr. Les actions entranent des consquences qui
sont, sinon immdiates, du moins extrmement rapides. La sanction des
actes, qu'ils soient positifs ou ngatifs, vient suffisamment tt
pour que l'on puisse dvelopper la confiance dans la loi de causalit
et que l'on s'aperoive qu'elle fonctionne : les actes provoquent
une raction ventuellement perceptible, La confiance dans la loi de
causalit entrane un dsir plus ferme de pratiquer afin de
s'affranchir du cycle des existences. Pour cela, il est ncessaire
d'avoir une prcieuse existence humaine. Prcieux ne signifie pas
possder une condition de richesse ou de pouvoir. Il s'agit
principalement de libert de pratiquer le dharma et de s'engager
dans une voie pouvant nous affranchir totalement de la souffrance.
Afin de pratiquer sans obstacle, huit liberts et: dix conditions
sont ncessaires. La premire condition est d'avoir un corps humain
libre des empchements majeurs personnels. Il faut ensuite
rencontrer celui qui nous tablit sur la voie, le matre spirituel.
Il nous fournit les moyens d'atteindre la libration en nous donnant
les instructions libratrices : l'expression du dharma. Lorsque
toutes ces conditions sont runies, pourvu que nous soyons confiants
et persvrants, nous avons une bonne chance de parvenir l'veil en
actualisant notre potentialit de bouddha. Les dix-huit conditions
sont ainsi runies.
Ne nous y trompons pas ; mme si l'existence humaine nous parat
banale, elle reste extrmement difficile obtenir. Il y a de plus en
plus d'hommes sur notre plante, mais ceux qui disposent d'une
vritable "prcieuse existence humaine" sont trs rares compars aux
myriades d'individus !
Quels qu'ils soient, les tres dsirent le bonheur et craignent la
souffrance ; pas simplement les tres humains, mais tous les tres
qui se manifestent dans le cycle des existences. Certains individus
ont une ide pour parvenir au bonheur, d'autres non. Cependant tous
dsirent la mme chose. Les animaux n'ont qu'une trs vague ide de la
faon dont ils peuvent parvenir leur satisfaction, mais ils
n'chappent pas ce dsir de bonheur. Tous les tres cherchent chapper
la souffrance, La plupart sont totalement ignorants de ce qu'est le
cycle des existences. Ils ne savent donc pas comment chapper la
souffrance de ce cycle. D'autres tres comprennent cela, mais parce
que les circonstances ne leur sont pas favorables, ils ne trouvent
pas l'occasion de se dtourner du samsara ni d'accomplir ce qui doit
tre accompli pour obtenir la libration. Or, celui qui a obtenu la
prcieuse existence humaine a tout : la connaissance du fait que le
cycle des existences est souffrance et la connaissance des moyens
qui permettent de s'en librer. Le fait de se trouver dans ces
circonstances particulirement privilgies n'est pas d au hasard ;
c'est le rsultat de l'accumulation passe d'un karma positif
extrmement important, dont le rsultat est de se trouver
momentanment dans une situation o l'on a la fois la connaissance de
la souffrance et la connaissance des moyens de s'en librer. Nous
avons la possibilit de nous librer du cycle des existences, mais
cela dpend des tendances que chacun abrite en lui-mme. Par exemple,
malgr la connaissance vidente des causes de la souffrance et des
moyens de libration, certaines personnes ne se mettent pas en
route. Elles se disent qu'elles ne pourront pas y parvenir et donc
que ce n'est pas une voie pour elles. Ce dcouragement vient d'un
manque de confiance dans le fait qu'elles possdent la nature de
bouddha, d'un manque de confiance dans le fait que les moyens mis
leur disposition sont suffisants pour chapper au cycle des
existences. D'autres connaissent des obstacles dus l'orgueil. Ces
tres pensent avoir un jugement infaillible ; impermables aux
conseils, ils ne peuvent pas dvelopper les qualits ncessaires la
poursuite de l'veil. Les circonstances dans lesquelles nous nous
trouvons maintenant ne sont ni banales, ni ngligeables. Cette
richesse, nous en sommes pour l'instant dpositaires. Nous ne devons
surtout pas la gaspiller ni laisser passer l'occasion de raliser la
vritable nature de l'esprit. Souvenons-nous qu'il est extrmement
difficile de runir les conditions d'obtention d'une prcieuse
existence humaine. Bien qu'il y ait une infinit d'tres,
comparativement trs peu sont humains. Et parmi ces tres humains
dont le nombre nous semble encore considrable, seule une infime
minorit possde toutes les conditions qui constituent une prcieuse
existence humaine et donc l'opportunit de se librer dfinitivement
de la souffrance.
Diffrents exemples illustrent les probabilits, pour un tre
quelconque du cycle des existences, d'obtenir une prcieuse
existence humaine. Si nous prenons des petits pois secs, que nous
les lanons contre un rocher lisse et vertical, les petits pois
tombent. Ils ne collent pas au rocher. Mais si nous faisons cela
suffisamment longtemps, pendant des ons et des ons, il se peut
qu'il y en ait un qui reste coll au rocher lisse. La probabilit
d'obtenir une prcieuse existence humaine est encore infrieure cela.
Tout le monde connat l'histoire de l'ocan, de la pice de bois perce
et de la tortue. La tortue est assez stupide, la pice de bois n'a
pas d'esprit et les forces qui prsident son errance sont
compltement dpourvues d'intention les vagues, le vent... Le fait
que la tortue puisse passer son cou dans le trou de la pice de bois
flottant au gr de l'ocan est quelque chose de peu probable. Encore
moins probable est la possibilit pour un tre quelconque d'obtenir
une prcieuse existence humaine Nous devons utiliser les
circonstances prsentes, car si nous laissons la mort nous
surprendre, nous ne serons pas certains du tout de retrouver une
telle occasion dans le futur.Le devenirII convient aussi de se
rendre compte du caractre transitoire de tous les phnomDes. Ceci
est l'antidote l'attachement aveugle cette existence. Nous
fonctionnons tous selon le mode de la saisie gocentrique : nous
nous considrons comme existant de manire intrinsque, et nous prtons
aux phnomnes une ralit dont ils sont dpourvus par eux-mmes. Cette
saisie conduit deux positions qui sont extrmes et opposes, toutes
deux errones, ayant la mme source. Toutes les deux survivent du
fait que nous ne percevons ni notre vritable nature, ni celle des
phnomnes.
La premire de ces positions consiste dire que tous les phnomnes
sont vides, que rien ne peut exister par soi-mme et donc que rien
n'existe. C'est la position nihiliste qui revient nier totalement
l'existence de l'univers.
L'autre position vient du manque de comprhension de la nature
illusoire des phnomnes. Dans ce cas, nous pensons que le monde
existe rellement, que nous existons. Nous nous accrochons ainsi une
ralit qui n'est pas ultime, en prtant aux phnomnes une existence et
une essence intrinsques dont ils sont dpourvus. Car en fait la
nature ultime des phnomnes est vide et aucun phnomne n'existe par
lui-mme. En nous attachant une illusion de ralit, nous agissons
comme si les phnomnes et nous-mmes tions dots d'une existence
propre. Et nous nous engageons dans une srie d'actions qui auront
toutes pour consquence de nous enfoncer encore plus dans
l'attachement ce mode d'existence et cette vie. Cela provient d'un
manque de comprhension. Tous les phnomnes sont composs ; ce
sont les douze causes interdpendantes qui maintiennent les
apparences auxquelles nous sommes si attachs et qui paraissent si
stables. Ce qui implique que cette ralit laquelle nous croyons
n'est en fait que relative. Prenons un exemple simple. Si l'on dit
que quelque chose est haut, cela induit forcment l'existence de la
notion oppose, le bas. De mme, si l'on parle de quelque chose de
grand, c'est forcment par rfrence l'existence de quelque chose de
petit. Il en va de mme lorsqu'on parle de la couleur blanche ; cela
implique quelque part son oppos, le noir. En fait rien ne se dfinit
par lui-mme : il n'y a pas de haut absolu, pas de grand absolu, ni
de petit absolu, etc. Tout est relatif. Cela est valable pour ces
exemples, mais aussi, un niveau beaucoup plus subtil et complexe,
pour tous les phnomnes. Il n'y a pas un seul phnomne dont on puisse
dire qu'il existe tout seul, par lui-mme. Nous pouvons ds lors
comprendre que les apparences, pour nous la ralit, sont dpourvues
d'existence propre. Mme si les choses paraissent exister et tre
permanentes, elles ne sont que des composs, un ensemble d'lments
eux-mmes dpourvus d'existence propre. Un compos d'lments dpourvus
d'existence propre ne peut pas non plus avoir d'existence
propre.
Malgr cette comprhension intellectuelle, nous persvrons prendre les
apparences pour argent comptant. Ce manque de comprhension en
profondeur nous entrane dans la souffrance : nous prtons une ralit
quelque chose qui en est dpourvu. Si notre comprhension n'tait pas
uniquement intellectuelle et si nous percevions directement
l'absence d'existence des phnomnes, il n'y aurait plus de
souffrance, car celle-ci est issue des phnomnes de l'existence dans
un mode relatif.
D'un autre ct, non seulement nous percevons les phnomnes et
nous-mmes comme existant intrinsquement, mais en plus nous avons
tendance nous croire ternels. Pourtant tout vient contredire cette
approche. Chacun d'entre nous a connu dans sa famille, ou parmi ses
connaissances, des dcs. Nous savons que la mort est un fait.
Nanmoins, quelque part, nous restons persuads que seuls les autres
sont concerns. Certes nous savons que nous devrons mourir un jour ;
mais ce n'est qu'une spculation intellectuelle et jamais
directement une ralit profonde qui nous frappe chaque instant. Nous
n'avons pas le sentiment d'tre prissables et moi-tels. C'est grave,
car cela ne change rien au fait que nous sommes fragiles et mortels
ni au fait que les phnomnes, que nous croyons stables et
permanente, changent. Ce changement est souffrance. Bien
qu'impermables cette ralit, nous y sommes plongs et elle nous fait
souffrir. Plus nous essayons de nous la cacher, plus nous agissons
comme notre propre ennemi, car nous continuons nous nourrir
d'informations fausses et agir selon des donnes errones qui
entranent beaucoup de dconvenues. Cela nous entrane mme nier le
dharma, tout simplement parce nous voulons refuser le devenir, la
mort et le fait d'tre dpourvu de substance. Nous pensons qu'il
s'agit de quelque chose ne correspondant pas la ralit. Cette
attitude est quelque peu suicidaire. Elle vient de l'attachement
forcen cet ici et maintenant totalement illusoire.
C'est pourquoi l'on insiste sur le fait de mditer sur le devenir :
seule la rflexion sur le devenir permet de prendre les bonnes
dcisions et de donner toute son importance l'existence humaine,
grce la prise de conscience du caractre incertain et fragile de la
situation prsente. Nous pouvons trs bien mourir d'un instant
l'autre, sans avoir eu le temps de raliser nos projets. Vues sous
cet angle, la richesse, la renomme ou la puissance apparaissent
comme futiles, non reprsentatives des buts atteindre ; par contre,
les enseignements du dharma deviennent essentiels. Quand nous
sommes confronts la ralit et l'incertitude de la mort, seuls les
enseignements du dharma sont utiles.Le karmaLa mditation sur le
devenir est un excellent remde l'attachement trop grand cette vie.
Nous devons la complter par la rflexion sur le karma et le caractre
douloureux du cycle des existences. Au moment de la mort, prouve
comme une catastrophe ultime, le corps physique dtruit retourne ses
lments constitutifs. L'esprit n'est pas pour autant oblitr. Il
continue son chemin. Les voies suivies par l'esprit, ses
expriences, sont directement dtermines par les tendances
inconscientes et par le karma que nous avons accumul. C'est cela
qui conditionne les tats intermdiaires et notre nouvelle
naissance.
A partir du moment o l'esprit quitte le corps physique, il perd
tout libre arbitre. Nous avons l'habitude de pouvoir agir d'une
manire plus ou moins directe sur les vnements qui nous arrivent ;
tant que nous sommes en vie, nous avons ce choix. Au moment de la
mort, il n'y a plus aucune libert. La possibilit de choisir
n'existe pas aprs la mort ; ce n'est que maintenant que nous
l'avons. Nous ne pouvons la mettre en uvre que dans la mesure o
nous sommes suffisamment convaincus de la ralit de cette loi du
karma et o nous nous imprgnons des enseignements du dharma jusqu'
en tre rellement persuads. Si nous restons dans l'incertitude, nous
aurons peu de chances d'influer rellement sur ce qui surviendra
aprs la mort.
Le karma reprsente la trace des actions accomplies sous l'influence
des motions perturbatrices issues des trois poisons de base que
sont l'attachement, l'aversion et l'opacit mentale. Quand les
motions conflictuelles sont trs fortes, elles entranent un karma
dont la puissance est norme. Parmi ces motions, la colre est la
plus violente : un moment de colre peut dtruire l'accumulation de
vertu de mille kalpas ! Sous l'emprise de la colre, nous perdons
toute vigilance et tout contrle sur nous-mmes. En mme temps nous
librons d'un seul coup, aveuglment, toute l'nergie dont nous
disposons, ce qui laisse des traces profondes sur les couches les
plus essentielles de l'esprit et cre un karma particulirement
puissant et ngatif.
La colre est la cause de nouvelles manifestations dans des tats
d'existence infernaux, l'avarice dans l'tat d'esprit avide et la
stupidit dans les mondes animaux. Ces diffrentes classes d'tres
dans lesquelles nous nous manifestons sont sous l'influence directe
du karma accumul, donc sous l'influence directe de la prdominance
de l'une ou l'autre des motions perturbatrices - l'orgueil, la
jalousie, etc. En prenant conscience du caractre totalement
inluctable du karma, nous dveloppons une certaine vigilance et nous
vitons les erreurs les plus grossires telles que les dix actes non
vertueux ; si nous sommes suffisamment intelligents, nous nous
efforons d'en prendre le contre-pied en mettant en pratique le
mieux possible les dix actes positifs.
Souvenons-nous que toutes les souffrances du cycle de l'existence
auxquelles nous sommes confronts, mme injustes ou apparemment sans
relation avec nous-mmes, sont directement lies notre karma
personnel. C'est quelque chose de vrifable, qui a t affirm par le
Bouddha, Le Bouddha a rsum son enseignement en disant ;
"Abstenez-vous des actes nuisibles, pratiquez les actes positifs et
contrlez votre propre esprit".La dfectuosit du samsaraII convient
de complter ces rflexions par une mditation sur le caractre
profondment douloureux et dfectueux du cycle des existences. Toute
exprience dans le cycle des existences est le fruit de notre karma
venu maturit. Le karma est la consquence directe de nos actions,
elles-mmes tant la consquence de nos dcisions. Quand l'esprit est
sous l'emprise d'une trs forte ignorance, les actions malhabiles et
ngatives sont beaucoup plus nombreuses que les actions vertueuses.
Ces ngativits entranent la souffrance. Le cycle des existences est
loin d'tre un sjour agrable, les six classes d'tres tant sans cesse
soumises trois formes de souffrance :
- la souffrance toute pntrante, qui est la consquence directe de la
saisie gocentrique et du fait d'tre compos ; en gnral, nous n'en
avons pas clairement conscience, cependant elle est la base de
toutes les autres formes de souffrances.
- la souffrance du changement : le bonheur ou le plaisir ne dure
pas, et lorsqu'il s'interrompt, il se transforme gnralement en
quelque chose de dsagrable.
- la souffrance l'tat pur ; quand nous prouvons une douleur et que
nous n'allons pas bien, nous identifions cela de la souffrance. La
renaissance dans l'une quelconque des six classes d'tres a toujours
pour origine la prdominance d'une motion conflictuelle. Toutes ces
classes d'tres font l'exprience de souffrances particulires leur
tat.
Si l'orgueil domine, nous risquons de renatre parmi les dvas, les
dieux qui gotent une existence de flicit pendant un certain temps.
Au tenue de leur vie divine, ils font l'horrible exprience de la
chute avant mme de mourir : ils ont la claire vision de l'tat en
lequel il se rincarneront, souvent un tat d'existence infrieur
empli de souffrances insupportables.
Si l'motion prdominante est la jalousie, on prend renaissance dans
le royaume des asowas. Bien que leur sjour puisse bnficier des mmes
plaisirs que les dvas, il est empoisonn par les querelles et les
affrontements.
L'motion qui pousse renatre sous forme humaine est le dsir. Les
hommes sont soumis aux quatre souffrances : la naissance, la
vieillesse, la maladie et la mort. D'innombrables souffrances
annexes peuvent se manifester : tre confronts ce que nous
souhaitons viter et ne pas trouver ce que nous voulons.
La stupidit entrane une renaissance animale. Les animaux sont
frapps par l'incapacit de comprendre le monde qui les entoure. Ils
souffrent de nombreux maux : s'entre dvorer, tre la proie d'autrui,
tre rduits eu esclavage.
L'avarice nous conduit renatre comme esprit avide ou prta.
D'innombrables souffrances sont exprimentes par ces tres, surtout
la faim et la soif. Mais il s'agit d'une faim et d'une soif dont
nous ne pouvons pas avoir ide en tant qu'humains.
La colre nous pousse reprendre naissance dans des tats infernaux.
On en compte dix-huit diffrents, tous caractriss par une dure de
vie trs longue et des souffrances extrmement violentes. Les pires
souffrances de l'tat humain, mme vraiment terribles, ne sont rien
compares la capacit de souffrir dans ces tats d'existence
infernaux.
Vu sous cet angle, le samsara, dont la raison d'tre est
l'ignorance, est une vaste absurdit pouvantable, constitue
uniquement de souffrance. Il n'y a aucune raison de s'y attacher.
Au contraire, il faut essayer de le fuir le plus vite possible.
Mais pour parvenir cette conclusion, il est ncessaire de rflchir
aux quatre ides fondamentales et de les voir clairement. Ce n'est
qu' partir de l que l'esprit se dtourne rellement du samsara.
Pour accder la ralisation du mahamoudra, il est ncessaire d'adopter
une certaine progression et de passer par des stades de prparation
cette ralisation. Il y a plusieurs sortes de prliminaires la
mditation sur le mahamoudra, dont les quatre ides fondamentales qui
dtournent l'esprit du cycle des existences. Faute de dvelopper une
vritable aversion pour le cycle des existences, il n'est pas
possible de parvenir l'veil. Tant que nous ne ralisons pas que le
samsara est dpourvu de substance et de sens, nous ne pouvons pas
nous en dtourner profondment. Ceci est expliqu dans la prire du
mahamoudra que nous rcitons tous les matins. Cette prire dit que,
sans une claire conscience du caractre douloureux du cycle des
existences, sans un dgot pour le samsara, nous nous laissons
reprendre par les distractions du monde. Raliser le non-sens du
cycle des existences est la premire tape d'une voie graduelle et
progressive qui mne la ralisation ultime.
Nous pouvons nous demander pourquoi il est si important de se
rendre compte que le samsara est dpourvu d'existence propre et
qu'il n'est que souffrance. Nous pensons l'avoir assez entendu.
Mais on insiste longuement sur ce point parce qu'il s'agit de la
premire opration pour transformer l'esprit en un rceptacle
convenable. Il y a une lgende qui dit que la femelle du lion des
neiges, animal mythique considr comme le plus puissant de tous les
animaux, allaite ses petits avec un lait particulier, d'une telle
force qu'il ne peut tre contenu dans un rcipient ordinaire qui se
briserait immdiatement son contact. Seul un rcipient parfaitement
pur, fait de matires prcieuses, d'or et de pierreries, peut
conserver ce lait. Il en va de mme pour la pratique du dharma. Nous
voulons pratiquer le dharma. Mais si notre esprit n'est pas un
rcipient suffisamment pur et fort pour contenir les enseignements
et les lments de cette pratique, nous ne pourrons pas rellement
progresser sur la voie. Il faut donc transformer notre esprit. La
premire tape de cette transformation consiste s'imprgner de la vrit
selon laquelle le samsara est dpourvu de sens et de substance. Une
telle comprhension devrait nous aider nous dtacher de la saisie
gocentrique. Quelle que soit la forme de saisie dualiste,
gocentrique ou des phnomnes existant par eux-mmes - il s'agit
toujours de la mme. Il est extrmement difficile de s'en librer
parce qu'elle fait partie de notre mode de fonctionnement. S'il est
difficile de s'en librer instantanment, nous pouvons cependant
cultiver une attitude menant au dtachement graduel du cycle des
existences. C'est le but des quatre pratiques prliminaires
communes. Mais cela ne suffit pas. Ayant reconnu le caractre
absolument indispensable de ces prliminaires communes, il est
essentiel d'accomplir ensuite les prliminaires spciales
caractristiques de la voie du mahamoudra : la prise de refuge et le
dveloppement de l'esprit de l'veil, la pratique de la purification
au moyen de la rcitation du mantra de Dordj Smpa, l'accumulation de
karma positif travers l'offrande du Mandala et l'ouverture
l'influence spirituelle du lama au moyen du Gourou Yoga. Ensuite,
on pntre dans le corps de la pratique ; on dveloppe le calme mental
(chin) et la vision pntrante (lhakthong). Apres cela, on est
capable d'aller plus loin et de mditer sur le mahamoudra, sur la
vritable nature de l'esprit.Les pratiques prliminaires spcialesLa
prise de refugePourquoi prendre refuge ? Il ne suffit pas de savoir
que le cycle des existences est dpourvu d'essence, qu'il est
absurde et par nature souffrance. Encore faut-il se tourner vers
quelque chose permettant de s'en librer. Lorsque nous cherchons une
protection contre les souffrances et les illusions du cycle de
l'existence, deux possibilits s'offrent nous. La
premire consiste rechercher une protection immdiate au niveau o
nous sommes. Une telle protection nous place l'abri des malheurs et
des souffrances. Mais d'un autre ct elle est plutt nuisible, car
nous nous tournons vers une source de protection non libre du cycle
des existences et ne se situant donc pas au-del de la souffrance.
En effet si nous atteignons le niveau de l'tre du samsara qui nous
ne serons toujours pas librs du cycle des existences.
Nous devrions plutt nous tourner vers la seconde possibilit et
trouver un refuge ultime au-del du samsara, la fois capable de nous
protger et de nous permettre d'atteindre la libration du cycle des
existences. Que signifie s'en remettre un refuge ultime ? Il s'agit
de s'en remettre une source libre des extrmes du nihilisme et du
matrialisme, tous deux errons. Les Bouddhas des trois temps et des
dix directions de l'espace sont libres et au-del de ces extrmes.
C'est pourquoi l'tat de bouddha est notre refuge ultime. Afin de
raliser cet tat, il est ncessaire de progresser sur une voie
balise, le dharma, qui reprsente l'ensemble des moyens mis notre
disposition pour parvenir l'veil. Nous prenons refuge dans le
dharma jusqu' l'obtention de l'tat de bouddha. Nou's prenons aussi
refuge dans la sangha. La sangha est la communaut de tous ceux qui
parcourent la voie du dharma et particulirement de ceux qui ont dj
obtenu l'veil ou sont plus avancs que nous.
Le vajrayana insiste sur l'importance du rle du lama. Le lama est
l'essence des Trois Joyaux : Bouddha, Dharma et Sangha. Dans le
vajrayana, non seulement nous prenons refuge en les Trois Joyaux,
mais galement en le lama, les yidams (1) et les Protecteurs.
En effectuant la prise de refuge des prliminaires spciales, nous
visualisons en face de nous l'arbre qui exauce tous les souhaits.
Il merge d'un lac. Son tronc se divise en cinq branches matresses.
Sur la branche du centre, le lama est assis sur un trne sous
l'aspect de Dordj Tchang. Il est entour de tous les lamas de la
ligne Karma Kagyu. Sur la branche d'en face, se trouvent les
principaux yidams des quatre classes de tantras, Sur la branche la
droite du lama, se trouvent tous les Bouddhas des trois temps et
des dix directions de l'espace, Derrire lui, tous les dharmas sont
reprsents par des livres contenant l'ensemble des enseignements. A
sa gauche, se trouve la noble assemble, la sangha : tous les
bodhisattvas du grand vhicule, tous les pratykas bouddhas, les
shravakas et les arhats, tous ceux ayant obtenu une forme d'veil
dans cette voie. Nous nous situons nous-mmes en face de cet arbre,
entours de tous les tres, qu'ils soient proches ou non, amis ou
ennemis. Nous dveloppons avec eux la bodhichitta de l'aspiration et
la bodhichitta de la mise en application. C'est comme cela que nous
devons prendre refuge et dvelopper d'une manire formelle l'esprit
de l'veil. Si nous nous engageons dans la pratique des prliminaires
spciales, la prise de refuge s'accompagne
de cent mille prosternations.
Tourner l'esprit vers le dharma et concevoir de l'aversion pour le
cycle des existences est excellent, mais ne sufft pas. Il ne faut
pas en rester au niveau des intentions pieuses. Nous devons agir.
La pratique du dharma ne s'accomplit pas dans le dessein d'obtenir
des avantages; elle n'est pas compatible avec l'attachement des
possessions. Cela doit tre bien clair, faute de quoi la pratique
n'est pas parfaitement pure. Pour qu'elle le soit, il est
absolument ncessaire de s'en remettre aux Trois Joyaux et aux Trois
Racines (lamas, yidams. Protecteurs). Ce faisant, n'oublions pas ce
qui est prcis dans le dveloppement de l'esprit de l'veil : la prise
de refuge ne s'effectue pas seulement pour nous, mais aussi pour
tous les tres.
La pratique du dharma permet de raliser l'tat de bouddha
potentiellement prsent, la condition de purifier les voiles qui
recouvrent l'esprit et les karmas ngatifs accumuls depuis des temps
sans commencement. Il ne suffit pas de prendre conscience que
l'esprit est voil, que nous avons accumul du karma ngatif et de
souhaiter nous en dbarrasser. Nous devons agir en dveloppant avant
tout l'esprit de l'veil. Nous serons alors mme de dployer les
puissants moyens du vajrayana permettant de purifier les actes
nuisibles, travers la pratique de Dordj Smpa. La pratique de
purification de Dordj SmpaAu-dessus de notre tte se tient l'essence
de tous les lamas, sous la forme de Dordj Smpa, blanc, avec une
face, deux mains, assis dans la posture du bodhisattva,
parfaitement orn de toutes les parures caractristiques du
sambhogakaya, le corps de gloire. En son cur, sur un lotus et un
disque de lune, est la syllabe Houng blanche, entoure des syllabes
du mantra de Dordj Smpa. Nous adressons une prire Dordj Smpa,
l'implorant de nous accorder son attention et la rmission de tous
les actes nuisibles que nous avons pu accumuler. Cette prire
provoque l'mission, par les syllabes du mantra et du Houng central,
d'un nectar d'immortalit qui emplit peu peu le corps de Dordj Smpa
du sommet de sa tte jusqu' la plante de ses pieds. Du gros orteil
droit de Dordj Smpa, le nectar excdant s'coule sur notre tte. Il
pntre notre corps tout en ruisselant dessus et nous purifie de
l'ensemble des souillures physiques et morales, que ce soient les
karmas ngatifs, mais aussi les causes de maladies et les
imperfections corporelles. Tout cela est emport par le nectar sous
la forme d'une boue noire qui est absorbe dans le sol. Peu peu,
notre corps purifi se remplit de nectar et devient transparent
comme un vase de cristal. Cela se produit durant la rcitation du
mantra de Dordj Smpa, que nous poursuivons sans relche afin de nous
purifier grce aux flots de nectar. L'offrande du mandalaVient
ensuite la phase d'accumulation. Nous offrons nos corps, parole et
esprit aux Trois Joyaux et au lama. L'offrande du mandala
s'effectue diffrents niveaux : extrieur, intrieur et secret. Elle
n'est pas excute dans le vide ; nous nous tournons en esprit vers
le lama sous la forme de Dordj Tchang, entour de tous les lamas de
la ligne et de tous les Bouddhas et bodhisattvas. Nous les
visualisons en face de nous. Si nous disposons de deux mandalas,
nous en installons un en face de nous sur l'autel, avec cinq tas de
riz ou des petits gteaux symboliques [tormas) reprsentant les cinq
lments en lesquels nous prenons refuge : le lama, les yidams, les
Bouddhas, le dharma et les bodhisattvas. Nous utilisons l'autre
mandala pour l'offrande. Si nous n'avons qu'un mandala, nous
pouvons nous contenter de visualiser celui qui se met sur l'autel.
Nous dbutons la pratique en frottant trois fois le mandala
l'offrande, ce qui symbolise la purification de toute saisie
dualiste entre celui qui excute l'offrande, ceux qui est faite
l'offrande et l'offrande elle-mme. Au moment de l'offrande qui
commence par la prire suivante : "J'asperge d'essence et de parfum
cette base d'or de l'univers, etc...", nous nous livrons
l'accumulation de mrite. Ensuite, lorsque nous demeurons dans la
pure contemplation, nous faisons la deuxime accumulation, celle de
suprme connaissance. Bien que nous accomplissions une action
extrieure - l'offrande du mandala - en essence il n'y a rien de
substantiel offrir. Il n'y a pas d'action en elle-mme. Comprenant
cela, nous demeurons dans un tat de mditation o les trois facteurs
- sujet, objet et action sont parfaitement contempls dans leur
essence de vacuit, et accomplissons ainsi l'accumulation de
sagesse.Le Gourou YogaLe Gourou Yoga qui vient aprs l'offrande du
mandala permet d'obtenir rapidement la grce du lama. Pour raliser
le mahamoudra, il est absolument ncessaire de dvelopper une ferveur
parfaitement pure. La ralisation consiste reconnatre notre propre
nature. Nous sommes seuls pouvoir le faire. C'est une tche trs
ardue qui ncessite de l'aide. L'aide ne peut venir que de la grce
du lama. Cette grce est directement fonction de notre aspiration et
de notre ferveur. Il est difficile de manifester d'emble une
ferveur spontane, naturelle et sans artifice. C'est pourquoi nous
pratiquons le Gourou Yoga qui aide dvelopper peu peu la dvotion
spontane sans artifice. Pour pratiquer le Gourou Yoga, nous nous
visualisons sous l'aspect de Dordj Pamo ou du yidam que nous
pratiquons habituellement. Le lama racine est visualis sous la
forme de Dordj Tchang entour de tous les lamas, du dbut de la ligne
jusqu' nos jours. Nous accomplissons ensuite la prire sept
branches. Nous prenons refuge et confessons tous les manquements.
Nous nous rjouissons des actes positifs accomplis et nous prions
afin que nos guides demeurent parmi nous pour tourner la roue de
l'enseignement. Nous faisons la ddicace des actions vertueuses
accumules pour le bien de tous les tres. Ensuite, nous prions le
lama racine et travers lui tous les lamas de la ligne, qui sont
unis en lui sous l'aspect de Dordj Tchang. Du corps, de la parole
et de l'esprit du lama, de son front, de sa gorge et de son cur,
manent trois lumires qui sont absorbes en nous. Elles nous confrent
les quatre initiations et la grce du corps, de la parole et de
l'esprit purs du lama. Le fruit ultime de cette union au lama est
l'obtention des quatre kayas (2) ; le dkarmakaya de corps de
vacuit), le sambhogahaya (le corps de gloire), le ninnanakaya (le
corps de manifestation) et le svabavakaya (le corps essentiel). Ds
lors, nous oprons l'union des corps, parole et esprit du lama avec
nos propres corps, parole et esprit. Jls deviennent indiffrencis. A
cette occasion, nous rcitons le Gourou Yoga qui consiste en essence
prier le lama afin qu'il nous accorde sa grce, nous permettant
ainsi de raliser le mahamoudra. Ces quatre pratiques prliminaires
spciales nous placent sur le juste chemin et nous permettent de
purifier toutes les ngativits accumules depuis des temps sans
ommencement, Elles favorisent l'accumulation de mrite et de sagesse
et nous aident nous ouvrir la grce du lama. Lorsqu'elles sont
termines, nous devenons le digne rceptacle des instructions qui
suivent et nous pouvons poursuivre le chemin vers la
ralisation.Questions - Rponses concernant tes pratiques
prliminaires- Peut-on pratiquer "L'appel au lama de loin" la place
du Gourou Yoga ?
- Oui, cette pratique peut ventuellement remplacer le Gourou Yoga.
Mais il est mieux de pratiquer les deux.- J'ai cru comprendre que
pour rflchir sur la loi de causalit on peut faire un retour sur son
pass et analyser ce que l'on fera dans le futur ?
- Oui. C'est une tradition Kadampa que de faire un examen de
conscience avant de s'endormir. On examine si les actions, les
paroles, les penses du jour ont bien t en accord avec le dharma et
la loi de causalit. Il est prudent de se livrer ce mme examen
concernant le futur. C'est une excellente habitude de constamment
revenir sur ses actions et de les examiner.- Je ne fais pas rfrence
seulement aux actions de cette journe, mais aux vnements passs de
jeunesse, d'enfance, etc...
- Oui, c'est effectivement trs bien, condition que l'on parvienne,
partir de cet examen, de ce retour que l'on fait sur sa vie,
prendre des dcisions fermes. On dveloppe la vigilance en tant
conscient des consquences et du caractre positif ou ngatif des
actions que l'on a
entreprises, que l'on va entreprendre ou que l'on est en train
d'accomplir. Si ces actions sont positives, on s'en rjouit ; mais
en voyant le caractre ngatif des actes passs, on peut prendre la
ferme dcision de ne plus recommencer.- Le fait de rflchir ainsi sur
ses actes passs peut-il tre utilis comme un remde l'attachement
?
- Oui. Le fait d'tre constamment soumis des motions conflictuelles
et de s'y laisser aller n'est possible que si l'esprit est
inattentif ou indulgent vis--vis de lui-mme. Rflchir sur nos
acteserrons provoque un certain dgot envers les actions reconnues
comme ngatives. Cela nous sert d'avertissement. L'attention et la
vigilance sont donc indispensables. Concernant les diffrentes
formes d'attachement, deux mditations particulires servent
d'antidote : la mditation sur le devenir de tous les phnomnes et la
mditation sur le caractre impur de ces mmes phnomnes.
- Est-il possible de ne plus rciter le texte d'une pratique quand
on la matrise parfaitement, pour se consacrer simplement aux
rcitations des mantras et aux visualisations prvues ?
- Oui, mais soyez absolument certains d'avoir parfaitement matris
le texte.- Qu'entend-on par un disciple qualifi, rceptacle
convenable pour les enseignements ? Faut-il pour cela avoir dj
franchi la voie des shravakas et celle des bodhisattvas ?
- Non ! Un disciple qualifi est un disciple qui a rellementaccompli
les pratiques prliminaires que l'on a expliques, c'est--dire les
prliminaires communes et spciales du mahamoudra : la prise de
refuge, le dveloppement de l'esprit de l'veil, la purification des
actes ngatifs, jusqu'au dveloppement d'une ferveur sincre et
l'ouverture la grce du lama au moyen du Gourou Yoga.
Pour pratiquer la voie du mahamoudra, il n'y a pas passer par le
petit vhicule, puis par le grand vhicule et le vajrayana. La voie
du vajrayana inclut tous les lments, toutes les pratiques et tous
les bienfaits des autres vhicules.- Est-il correct de pratiquer
chin avant d'avoir fini les pratiques prliminaires ?
- Nous allons en parler avec l'enseignement sur chin. Il faut
distinguer plusieurs sortes de chin. Les formes courantes ou
communes de chin peuvent trs bien se pratiquer avant d'avoir fait
les prliminaires. Mais il existe des formes plus spciales,
particulires la prparation du mahamoudra.- Quelle est Ici relation
entre la pratique du mahamoudra et la pratique d'un yidam ?
- Il y a une corrlation tout fait claire. Il existe plusieurs voies
du mahamoudra : la voie des soutras et la voie des tantras. Jusqu'
prsent, chin, lhakthong et mahamoudra sont "l'aspect soutra" de la
ralisation du mahamoudra. La voie purement des tantras utilise
la
phase de dveloppement et la phase de parachvement que l'on trouve
dans la pratique des yidams. Ce sont deux faons d'aborder le
mahamoudra. La relation entre les deux est vidente. Le mieux est
d'unir les deux, et c'est ce que nous faisons en gnral.- Pour la
ralisation, du mahamoudra il faut qu'il y ait entre le matre et le
disciple une relation extrmement profonde, et qui soit de plus une
relation karmique. Comment reconnat-on cela ?
- Il est ncessaire de dvelopper une ferveur sincre, profonde, et
tout a fait stable. Ce n'est pas le fait d'une relation momentane,
et ce n'est pas non plus parce qu'on rencontre quelqu'un pour la
premire fois qu'une telle ferveur s'installe profondment. Il faut
effectivementqu'il y ait eu d'autres rencontres pendant plusieurs
existences, ayant marqu profondment le disciple. Dans ces
conditions, l'insu mme du disciple, s'tablit un lien extrmement
profond qui permet l'mergence d'une grande ferveur. Cette ferveur
apparat la simple audition du nom du lama ou en le rencontrant.
Quant savoir ce qui permet de reconnatre cela, c'est une chose
purement personnelle que seul le disciple ressent. Par exemple, les
instructions du mahamoudra peuvent tre donnes un ensemble de
disciples, qui en peroivent le sens un niveau plus ou moins
profond. Cela est d la qualit plus ou moins intense de la relation
qui existe entre le matre qui transmet l'enseignement et les
diffrents disciples qui coutent.- Quelle est votre opinion sur le
fait de recevoir de nombreuses initiations et de nombreux
engagements tenir, alors que d'un autre ct cela reprsente de
nombreux montras rciter et de nombreuses pratiques effectuer
?
- Tout dpend des matres qui transmettent les initiations. Mais
avant de recevoir une grande initiation comme celle de Dordj Pamo,
il est bien prcis quels sont les engagements tenir. Avant de
recevoir des initiations, il faut tre certain de pouvoir tenir les
engagements.
C'est trs important ! De toute faon, chaque yidam est la
personnification de tous les autres, si bien qu'en pratiquant un
seul yidam, on remplit les obligations et les damtsiks (engagements
sacrs) de tous. Certaines initiations ont treize dettes la fois
!
Nanmoins, cette question reste l'apprciation de chaque matre qui
transmet les initiations. C'est une question trs importante car,
frquemment, on n'a pas clairement conscience de tout ce qu'implique
le fait de recevoir des initiations. Il ne s'agit pas de prendre
une initiation uniquement pour faire plaisir au lama, pour faire
comme tout le monde, par curiosit ou pour voir ce qui va se passer.
Une initiation majeure est quelque chose qui engage le disciple, le
lama et toute la ligne avec lui. II s'agit de quelque chose de
grave qui ne doit pas tre pris la lgre. Il convient de rflchir et
de savoir exactement ce que cela implique.
Il y va de la faute des centres qui organisent des grandes
initiations lorsque des personnes se trouvent l par hasard sans
avoir pris refuge, sans avoir conscience de ce quoi elles
s'engagent et de ce qu'implique une telle initiation. On ne peut
pas critiquer ces personnes, mais les organisateurs doivent
expliquer ce dont il s'agit et veiller ce que ce genre d'erreur ne
se produise pas. On vite ainsides dsagrments aux personnes prsentes
et on ne nuit ni auxinitiations, ni aux enseignements, ni mme la
ligne. Je recommande, dans ce domaine, la plus extrme
circonspection et des prcautions maximales. suivre...
La science de l'esprit > Le chemin > La mditation > Le doigt qui montre le Dharmakaya - 3e Jamgoeun Kongtrul
contacts
LE DOIGT QUI MONTRE LE DHARMAKAYA - 2/2
Jamgun Kongtrul RinpochLe calme mental : chinNous abordons
maintenant le corps de la pratique qui traite essentiellement de
chin (la pacification mentale) et de lhakthong (la vision pntrante)
et qui mne au samadhi (ting-ngu-dzin), ou absorption mditative,
c'est--dire la contemplation. Dans tous les enseignements et toutes
les pratiques du dhanna, on distingue traditionnellement trois
phases :
- teu, l'coute des enseignements, des lments qui nous permettent de
comprendre et de poursuivre notre pratique ;
- sam, la rflexion, la comprhension des raisonnements exposs, de
manire ce que l'enseignement devienne une part mme de notre esprit,
quelque chose de parfaitement matris intellectuellement ;
- gom, la mise en application des enseignements au cours des
pratiques mditatives, permet de passer la ralisation du sens ultime
; il ne s'agit plus du sens intellectuel, mais du sens peru au
cours de l'exprience mditative.
Il est ncessaire de runir l'coute, la rflexion sur le sens et la
ralisation du sens travers l'exprience de la mditation. On peut
procder de deux faons. La premire consiste mditer partir du point
de vue dtermin par la rflexion. Nous examinons intellectuellement
les diffrents lments notre disposition, concernant tant l'individu
que l'univers qui l'entoure, et nous nous faisons une ide de ce que
peut tre la ralit ultime. Ensuite nous mditons, en partant du point
de vue dtermin pralablement d'une manire intellectuelle. Au cours
de la mditation, nous nous rapprochons peu peu de ce point de vue,
jusqu' le percevoir directement.
Dans la deuxime mthode, il s'agit d'tablir le point de vue partir
de la mditation. C'est une faon de procder assez particulire la
tradition Kagyupa. Cela signifie qu'aprs un certain examen
intellectuel nous commenons mditer, sans perdre de temps. En
examinant ce qui apparat dans la mditation, nous affinons de plus
en plus notre comprhension intellectuelle partir de l'exprience.
Cela procure une comprhension intrieure directe des phnomnes,
qu'ils soient mondains ou au-del du monde, qu'il s'agisse du
samsara ou du nirvana.
Les deux mthodes se pratiquent et se dfendent. Mais il existe un
danger avec la premire mthode. En affinant le point de vue de
manire intellectuelle, la comprhension dveloppe n'est constitue que
de mots : c'est une sorte de coquille vide. Elle n'est connecte que
de trs loin la ralit indique par les mots et l'on risque de rester
prisonnier d'une comprhension verbale et conceptuelle.
Par contre, en utilisant la deuxime mthode, l'abord de la ralit est
plus abrupt et direct. Nous essayons ds le dpart d'en percevoir le
vrai sens, le mode d'tre fondamental. A partir de l, nous
rationalisons et conceptualisons, ce qui permet notre rflexion de
reposer sur des lments beaucoup plus certains.
De toute faon, quelle que soit la mthode employe, le processus
mditatif et de contemplation reste trs important. Sans la phase de
l'exprience de la mditation, aucune comprhension relle du mode
d'tre profond et ultime n'est possible. Ce que nous appelons
gnralement comprhension se situe au niveau intellectuel et n'a
pratiquement rien voir avec ce que nous examinons. La vraie
comprhension, qui est exprience directe au-del des mots, n'est
possible qu'au travers de la mditation. Bien que nous soyons ptris
de cette ralit ultime, nous sommes incapables de la voir, Nous
avons beau en parler et l'expliquer, toute autre dmarche
intellectuelle est incapable de dpasser le niveau des concepts et
de faire l'exprience de la ralit ultime. Il n'y a qu'une faon de la
comprendre, c'est d'en faire l'exprience par soi-mme.
Dans ses quatre injonctions de base, le Bouddha commence par : "Ne
vous attachez pas aux mots, mais plutt au sens." Ce qui signifie
qu'une, comprhension intellectuelle du dharma, du mode d'tre, ne
saurait suffire la pratique de la voie des paramitas, car cette
voie est destine nous mener au-del des concepts. Quels que soient
les aspects de l'enseignement, nous ne devons pas en rester un
abord intellectuel, mais aller plus loin et entrer dans l'exprience
mditative, dans le samadhi dont la base repose sur le dveloppement
de chin, puis de lhakthong.
Le processus d'acquisition de la facult de contemplation appele
samadhi commence par la pratique de chin. Chin est un mot tibtain
compos de deux syllabes : chi se traduit par calme, n par
demeurer.
Mais que signifie le terme calme ou pacification {Chioua) ? Que
nous soyons conscients ou non, l'esprit est constamment parcoui-u
par des phnomnes mentaux.
Mme quand nous croyons tre concentrs, l'esprit est constamment
distrait. Il saute d'un phnomne mental un autre, en tat de
perptuelle distraction. Chin permet l'esprit de s'tablir dans un
calme naturel, non forc ni contraint, sans tension. Pourquoi est-ce
essentiel ? Tant que nous ne parvenons pas tablir l'esprit dans le
calme, il est pratiquement impossible de voir l'absence d'existence
intrinsque des phnomnes (Skt : anatman). Si nous ne ralisons pas
l'absence d'existence propre des phnomnes, nous sommes dans
l'impossibilit de reconnatre la nature essentielle la fois des
phnomnes et de notre propre esprit, au-del des apparences. Cette
nature essentielle est prsente chaque instant de notre conscience,
mais nous ne la reconnaissons pas parce que nous ne voyons pas
au-del des apparences.
Avant de se lancer dans les grandes mditations et les grandes
considrations, nous devons calmer l'esprit de sorte que les
phnomnes mentaux se pacifient. C'est absolument
indispensable.
Voici un exemple destin illustrer le processus. Considrons la
surface d'une pice d'eau. Tant qu'elle reste agite par le vent ou
d'autres facteurs, nous voyons sa surface miroiter, d'o notre
incapacit dobtenir une image cohrente. Par contre, si nous
permettons l'eau dee retrouver sou tat d'immobilit naturelle, tous
les phnomnes tels que le ciel, les nuages, les arbres, etc., se
refltent avec une parfaite clart sur sa surface. Il en va de mme
pour l'esprit : tant qu'il est agit par des motions et des phnomnes
mentaux, nous ne pouvons rien contempler d'autre que l'agitation de
surface. Mais si nous laissons l'esprit retrouver son calme, nous
nous apercevons qu'il est possible d'y percevoir son mode d'tre
fondamental. Le problme du dbutant est d'avoir un esprit
constamment agit. C'est pourquoi il est inutile d'essayer de mditer
sur le sens ultime des phnomnes ds le dbut, alors que l'on n'est
pas parvenu calmer l'esprit. Ds que nous obtenons le calme mental,
quel que soit l'objet sur lequel notre attention se porte, l'esprit
n'tant plus distrait, nous pouvons l'examiner. A ce moment-l
seulement nous sommes en mesure de pratiquer la contemplation de la
nature des phnomnes tels qu'ils sont et non plus seulement tels
qu'ils apparaissent. D'une certaine faon nous passons au-del de la
surface des apparences. Et ce n'est qu' partir de chin que cela est
possible. Donc, n'oublions pas l'ordre des choses ; d'abord chin et
seulement ensuite lhakthong.1 - La posture du corps en sept
pointsDans la pratique de chin, il s'agit d'tablir la fois le corps
et l'esprit dans une attitude correcte. Il convient d'tablir le
corps dans une attitude juste car d'une certaine manire l'esprit
est directement li au corps et, au dbut, son mode de fonctionnement
dpend beaucoup de la posture du corps. La meilleure position est la
posture en sept points ; les jambes sont croises dans la position
du vajra, les mains poses l'une sur l'autre sur le giron, la droite
sur la gauche,
symbolisant l'quanimit. La colonne vertbrale doit tre aussi droite
que possible et tire ; le menton lgrement rentr de manire former
une sorte de crochet, sans baisser la tte ni se contorsionner - il
suffit de rentrer la tte et le menton en arrire. La bouche reste
ferme naturellement, sans tension, et la langue est pose derrire
les dents contre le palais. Les yeux peuvent tre ferms, si cela est
plus facile pour les dbutants ; le mieux est de les laisser
lgrement entrouverts pour ne pas sombrer dans la torpeur. Nous
pouvons poser le regard environ huit doigts en avant de l'arte du
nez.
Cette posture en sept points est importante car le corps est
parcouru de courants d'nergies subtiles {loungs ou vayous}. Pour
obtenir une bonne mditation, ces nergies subtiles doivent rentrer
dans le canal central qui se trouve au centre du corps. A ce
moment-l, toutes les nergies de diverses natures viennent alimenter
l'nergie de suprme connaissance ou loung de sagesse.2 - Comment
disposer l'esprit ?Pour placer l'esprit dans l'attitude correcte,
nous utilisons divers moyens : des mditations avec support, sans
support, avec support intrieur, support extrieur, etc. Une
mditation avec support signifie que l'on pose l'esprit sur un objet
extrieur et que l'on s'efforce de le maintenir sans tension dans la
contemplation de cet objet, alors qu'une mditation sans support
implique l'utilisation d'un objet mental, d'une ide, d'une
visualisation, d'une forme perue dans l'esprit ou tout simplement
de l'essence mme de l'esprit. De toute faon, quelle que soit la
forme de chin pratique, nous souhaitons toujours parvenir l'essence
de l'esprit qui n'est ni un objet, ni une image. L'utilisation d'un
support extrieur permet l'esprit de se fixer, mais c'est l'esprit
lui-mme qui est contempl ; ne perdons pas cela de vue !
Une bonne pratique de chin s'tablit lorsque l'on est capable de
demeurer en contemplation sans ractiver le pass et sans anticiper
sur le futur : on demeure sans espoir et sans crainte dans
l'instant immdiat. L'esprit est contamment parcouru de phnomnes
mentaux que l'on peroit davantage dans les priodes de mditation.
Ces phnomnes peuvent tre des images, des motions, etc. En gnral, ce
sont des trains de penses en relation avec ce qui vient de se
passer immdiatement, ou avec ce qui s'est droul dans un pass plus
lointain ; une rflexion mentale en dcoule et Fon brode dessus. Ou
bien on se projette dans le futur avec crainte et espoir. Lorsque
l'on considre le prsent, ce qui arrive relativement rarement, on
juge ce qui se droule : c'est bien ou mal, comme ceci ou pas comme
ceci, etc. On rajoute toujours quelque chose alors que ce qui est
dvelopper est simplement la vigilance (Tib: drnche}. Le terme
drnche renvoie la notion de rappel, de conscience : tre ici et
maintenant sans rien ajouter, en restant parfaitement conscient de
tout ce qui se passe ; demeurer dans le prsent sans artifice, dans
la nature essentielle de l'esprit sans rien ajouter.
Une erreur assez rpandue au niveau de la mditation du calme mental
consiste croire qu'il faut faire le vide dans l'esprit. C'est faux;
une sorte de vide ressemblant au coma n'a rien voir avec la
mditation de chin, car l'important dans chin est la vigilance, la
conscience de plus en plus veille et claire d'tre ici et
maintenant. Certaines personnes pensent mditer correctement en
vidant leur esprit et en passant parfois deux trois heures sans
avoir conscience de rien. Ce n'est pas encore chin, car la
mditation est le contraire d'une perte de conscience. Dans un
vritable chin, l'esprit est parfaitement limpide et ne connat pas
d'obstacle. Il n'offre aucune rsistance aux phnomnes. Il n'est pas
vide dans le sens de "rien du tout", car dans l'esprit s'lvent
constamment ds penses. Le but de cette pratique est d'tre
simplement conscient sans rien ajouter, c'est--dire sans se laisser
emporter par les trains de penses.Un autre danger guette le mditant
; c'est l'acharnement mditer. S'obstiner obtenir une bonne
mditation est l'inverse de ce que l'on veut produire ; la mditation
est au-del de l'espoir et de la crainte, il suffit juste de
s'asseoir et de mditer. Voir les phnomnes mentaux apparatre et
disparatre n'est pas le signe d'une mauvaise mditation, c'est au
contraire ce que nous devons contempler en tant parfaitement
prsents. Si nous faisons autre chose, par exemple mettre des
jugements, tre satisfaits ou insatisfaits, ce n'est plus de'la
mditation.
L'esprit demeure dans sa propre contemplation instantane et sans
artifice, ce qui signifie que les phnomnes mentaux se manifestent
au sein de l'esprit. Ces phnomnes apparaissent. Ce que nous
contemplons n'est pas l'apparence extrieure transitoire des
phnomnes mentaux, mais leur essence. Pour percevoir l'essence des
phnomnes mentaux au-del des apparences extrieures, il convient
juste de les voir sans interfrer avec eux et de les laisser dans
leur tat naturel. Nous n'essayons pas de freiner ou d'arrter les
phnomnes mentaux.
Nous ne devons pas non plus entretenir ceux qui sont parfois
sduisants et susceptibles de nous entraner dans un train de
penses.
Nous demeurons simplement l, prsents ici et maintenant, l'esprit
parfaitement lucide, clair, veill et sans tension. Nous observons
alors les phnomnes mentaux qui ne sont rien d'autre
qu'esprit-vacuit. Si nous n'interfrons pas avec eux, la nature
parfaitement limpide de l'esprit apparat.
Nous viterons de nous tablir dans une sorte d'indiffrence ou
d'anesthsie de l'esprit, car le but est de reconnatre les phnomnes
mentaux et de voir clairement leur nature essentielle. Nous pouvons
nous comporter vis--vis de l'esprit et des phnomnes comme face
l'ocan. Si, bien prsents, nous contemplons l'ocan, nous observons
avec dtails et nuances des vagues s'lever et retomber, sans essayer
de les retenir ou de les empcher d'apparatre. Nous demeurons
simplement prsents. Ce que nous percevons au-del des vagues, c'est
l'ocan. De mme, quand nous contemplons l'esprit, nous n'essayons
pas d'empcher ou de retenir l'apparition des penses ni d'autres
phnomnes mentaux. Nous restons simplement en situation de tmoins
attentifs. Par nature, l'esprit est dpourvu d'obstruction et tout
peut s'y manifester. D'innombrables phnomnes mentaux de nature trs
diverse se manifestent. Si nous sommes capables de percevoir
clairement leur apparition et leur disparition sans interfrence ni
saisie, nous exprimentons la suprme connaissance : l'esprit dans sa
nature propre.
La mditation est donc l'auto-contemplation de l'esprit sans
intervention d'aucune sorte. Ceci est parfaitement rsum dans les
trois injonctions faites aux mditants.
Ma yng, pas de distraction ! La vigilance, facult de voir et de
contempler sans intervenir ce qui se produit dans l'esprit, doit
tre totale. Il est trs important de comprendre que ce qui est
contempler, c'est notre propre nature essentielle. Mme si les
phnomnes mentaux apparaissent et disparaissent, la seule attitude
juste est de reconnatre les faits sans distraction, sans se laisser
emporter ou distraire ; cela se produit, c'est tout.
Mi gom, pas de mditation ! Qu'est-ce que la non mditation ? Il
s'agit de contempler l'essence de l'esprit, sa propre nature ; on
n'essaye pas de construire une visualisation, ni de penser ou de
percevoir quelque chose de prcis, ni mme d conceptualiser. Il n'y a
rien faire ni fabriquer dans cette mditation.
Zeu sn, ne fais rien ! La reconnaissance de la nature essentielle
de l'esprit n'est pas le fruit d'une construction mentale opre
pendant la mditation. Au contraire, il n'y a rien de spcial trouver
: cette nature est toujours l. Nous ne pouvons pas juger notre
mditation endisant : "ceci est bon ou mauvais, vrai ou faux", car
nous contemplons l'essence de l'esprit qui se trouve dans tous les
phnomnes mentaux. Nous n'avons donc pas choisir, ni intervenir dans
l'esprit.
Ces instructions rsument la mditation de chin selon l'optique de la
mditation du mahamoudra.3. Instructions dtailles pour la pratique
de la mditation de chin avec supportPort son point ultime, chin est
la contemplation de la nature de l'esprit, ce qui est un peu abrupt
pour les dbutants. Nous distinguons deux tats de l'esprit.
Le premier tat est la parfaite limpidit de l'esprit calme, non
perturb par des constructions mentales. Pour y parvenir, il suffit
simplement de demeurer dans la contemplation.
Dans le second tat, l'esprit est le sige de phnomnes mentaux. Mais
au moment mme o ils surgissent, nous sommes en mesure de reconnatre
la nature de l'esprit : les deux reconnaissances sont une seule et
mme chose. Que l'esprit soit parfaitement calme ou agit, il demeure
toujours le mme ; tout comme l'ocan parfaitement calme et l'ocan
agit sont toujours l'ocan. Rien ne change dans leur nature. Au
dpart, demeurer dans la simple reconnaissance de la nature de
l'esprit est extrmement difficile. Nous n'avons pas l'habitude de
ce genre de chose. C'est pourquoi nous avons tendance saisir les
phnomnes qui apparaissent dans l'esprit. Ds que nous saisissons un
phnomne mental, nous sortons immdiatement de cet tat de
reconnaissance. C'est pour cette raison qu'on commence par habituer
l'esprit se fixer sur un objet quelconque et qu'on dbute par la
pratique de chin avec support. L'esprit se focalise sur un objet et
se tranquillise. C'est le but des diffrentes techniques enseignes
dans le texte intitul : "Le doigt qui montre le dharmakaya".a) Six
moyens permettant de fixer l'EspritII existe de nombreux moyens
permettant de fixer l'esprit. On en compte principalement
six.
Le premier consiste disposer en face de soi un petit objet agrable,
par exemple une pierre, et poser son esprit dessus. Nous abordons
ainsi facilement l'exercice de concentration de l'esprit, car
l'esprit a cette aptitude constamment saisir les objets, ne
serait-ce qu'en les tiquetant : une pierre, une perle, etc. La
concentration s'opre sur cette saisie ; c'est donc un exercice
relativement ais pour un dbutant, car pendant que l'esprit est
occup par la saisie, il n'est pas distrait par d'autres
sujets.
Avec le second moyen, nous utilisons un support plus particulier.
Nous choisissons une reprsentation du Bouddha, une petite statuette
ou une image qui reprsente son corps. Encore une fois, nous
focalisons l'attention dessus. Cet exercice est particulirement
utile ; il permet de combattre certaines tendances qui se
manifestent parfois durant la mditation et notamment la torpeur.
Pour lutter contre la torpeur, nous nous concentrons sur le visage
du Bouddha en dtaillant ses caractristiques. Nous pouvons nous
concentrer aussi sur la protubrance crnienne. Si l'esprit est par
contre trop agit ou distrait par une foule de penses et que nous ne
pouvons pas rester en place, le remde consiste fixer l'esprit sur
le bas du corps du Bouddha : ses jambes, et plus prcisment les
roues qui se trouvent sous la plante de ses pieds. Cela nous
stabilise et calme l'agitation. Si nous nous sentons l'aise,
rveills et que nous pensons bien mditer, il est profitable de
passer en revue tous les aspects du corps du Bouddha et ses
caractristiques. Si nous connaissons les trente-deux signes de
perfection du Bouddha (la protubrance crnienne, le point entre les
yeux, la longueur des doigts, la forme des oreilles, etc), essayons
de nous en souvenir et de les passer en revue. Cette deuxime
pratique de chin n'utilise plus d'objet ordinaire comme dans le
premier cas, mais l'objet utilis, le corps du Bouddha, possde en
lui-mme des proprits particulires.
Nous pouvons aussi disposer face nous la flamme d'une lampe et y
poser notre regard. Ou bien, si nous sommes dans une pice obscure
possdant une ouverture dans le mur ou une petite lucarne, celle-ci
remplace la flamme de la lampe. Autre support possible : dessiner
en face de soi les syllabes OM, AH, HOUNG (OM blanc, AH rouge,
HOUNG bleu) ou un petit disque blanc qui reprsente un tigl,
c'est--dire une petite sphre blanche. Enfin, une forme de chin
consiste utiliser le souffle en prenant simplement conscience de la
respiration. Tels sont les moyens les plus courants permettant de
fixer l'esprit grce un support extrieur. Ils permettent aux
dbutants d'attaquer sans trop de difficults le processus de
pacification mentale.
Quand on mdite, il est important de se dbarrasser de l'anxit, des
angoisses et des tensions qui rsultent de la crainte de ne pas
pouvoir mditer correctement ou de la peur d'avoir beaucoup de
phnomnes mentaux et de penses. En effet cela est absolument
contraire l'esprit mme de la mditation. Nous pratiquons la
pacification mentale pour parvenir un tat de calme. C'est pourquoi
nous devons viter de rajouter des tensions en introduisant des
espoirs et des craintes dans la mditation. Nous tablissons le corps
dans une posture correcte. L'esprit , lui aussi, doit tre tabli
dans la juste attitude, sans espoir et sans crainte. Et si nous
observons beaucoup de penses et d'motions, cela ne fait rien. La
seule chose qui compte est d'tre prsent et de contempler le
spectacle sans attribuer de valeur quelconque au fait qu'il y a ou
non beaucoup de penses. Il ne s'agit pas de tomber dans un jeu de
comptition avec nous-mmes. L'attitude correcte est la prsence
limpide, claire et calme.
En nous entranant avec ces mthodes de pacification bases sur un
objet extrieur, nous librons peu peu l'esprit d'une emprise trop
directe des sens et de leurs objets. Nos sens sont constamment
sollicits par des objets ; des odeurs pour l'odorat, des formes
pour la vue, des gots pour l'organe gustatif, des sons pour
l'audition, des sensations tactiles pour le toucher. Nous pouvons
nous demander ce que ces considrations viennent faire l ! Nous
sommes directement concerns lorsque nous pratiquons la mditation,
car l'esprit saisit constamment ces informations et se trouve
distrait de son objet de concentration. Il est donc important de
dvelopper peu peu une forme de vigilance, la fois passive et
compltement prsente sans distraction, car trois lments sont en
oeuvre :
- les sens eux-mmes, instruments rcepteurs qu'utilise le corps pour
recevoir les informations ;
- les objets des sens, l'extrieur, d'o toutes les informations sont
mises ;
- la conscience sensorielle qui traite ces informations.
Au total, nous avons donc trois champs : les objets extrieurs, les
instruments des sens et l'esprit qui traite les informations au
moyen des consciences sensorielles. Cet ensemble est constamment
sollicit par des objets extrieurs ou des phnomnes mentaux qui
surgissent au sein mme de la conscience sensorielle. Il est
important d'apprendre considrer tout cela comme des choses qui
apparaissent et disparaissent, sans: que l'esprit soit pour autant
distrait de l'objet de sa concentration. C'est l'apprentissage que
nous faisons graduellement au moyen de cette forme de chin.b) La
vigilance, clef de la mditationLe point principal dvelopper dans
cette mditation est la vigilance, car si nous mditons avec un
esprit distrait, la mditation s'apparente de la distraction, et au
lieu de mditer, nous entretenons la distraction. Lorsque nous
mditons, nous devons tre attentifs comme quand nous essayons de
passer un fil dans le chas d'une aiguille : la moindre distraction,
le fil dvie et il devient impossible de l'introduire dans la fente.
Pour la pratique de la mditation, c'est la mme chose. Il se peut
que l'esprit soit encombr par de nombreux phnomnes mentaux, mais
cela n'empche pas la vigilance, ncessaire pour nous aider prendre
immdiatement conscience de l'apparition de ces phnomnes mentaux.
Inversement, s'il n'y a pas de phnomnes mentaux ou trs peu, nous ne
sombrons pas dans une sorte de stupeur, mais nous restons
parfaitement conscients de l'absence de ces phnomnes grce la
vigilance qui est la clef de la mditation. L'esprit doit retrouver
son calme originel et redevenir peu peu immobile comme un lac
calme. Pour y parvenir, il faut viter d'entretenir l'agitation de
l'esprit, car tant que les phnomnes mentaux sont trop nombreux, il
est trs difficile d'avoir une vision claire de la nature
fondamentale de l'esprit et de dvelopper les qualits permettant
d'aller plus loin.
Il est dit que l'attitude du mditant doit ressembler 'impassibilit
de l'aigle qui a pris son vol. Quand un aigle s'envole, il donne
quelques battements d'ailes et plane ensuite dans le ciel sans
bouger les ailes. De mme, le mditant n'a pas agir et doit laisser
derrire lui les craintes, le dsir de s'efforcer de calmer l'esprit
tout prix ou l'espoir que les choses se passent bien. Une fois que
nous commenons mditer, l'idal est de demeurer dans un tat de non
production, de parfaite contemplation, pure conscience et pure
vigilance, qui ne retranche rien aux choses, tout comme l'aigle
prsent dans le ciel se laisse porter par les courants sans bouger
les ailes, pas mme une plume, tout en restant contaminent
prsent.
L'esprit doit tre libre d'espoir et de crainte comme le lion sans
peur et sans crainte. Le lion est considr comme le roi des animaux
; il ne craint personne et marche sans hsitation, sans
proccupation. C'est ainsi que doit tre l'esprit du mditant : sans
proccupation de savoir s'il mdite bien ou non, si cela ira mieux
demain ou non, car ces proccupations n'ont rien voir avec la
mditation et peuvent au contraire empcher le droulement du
processus.
A quoi faut-il parvenir ? Que rechercher ? Nous cherchons nous
tablir dans la non distraction de faon ce que les phnomnesmentaux
ne viennent pas dtourner notre esprit de l'objet sur lequel il est
fix. Nous cherchons obtenir le calme intrieur et un esprit
parfaitement lisse sur lequel tons les phnomnes puissent se reflter
sans distorsion. Nous cherchons une certaine impassibilit dans
laquelle le mditant se laisse porter sans produire quoi que ce soit
dans sa mditation. Nous cherchons nous librer des espoirs et des
craintes qui ne pourraient tre que trop productifs dans le
processus mditatif.
Qu'exprimentons-nous dans cette mditation ? Les expriences sont
diffrentes pour chacun, selon le niveau et les particularits de
l'esprit. Il y a cependant des caractristiques qui se retrouvent
chez tous. Quand nous commenons mditer, l'esprit ressemble un
torrent de montagne extrmement agit. Il semble que l'agitation
s'acclre, que nous ne pourrons jamais la calmer et que plus nous
mditons, plus les phnomnes mentaux s'lvent. A tel point que nous en
venons penser qu'il vaut mieux cesser de mditer. Mais il n'en est
rien. Cette impression rsulte de la prise de conscience brutale de
l'agitation et de la distraction que nous n'avions jamais remarques
auparavant. Si l'on tente d'arrter les phnomnes mentaux ou de s'en
dtourner, les problmes apparaissent. Laissez-les se manifester. Ils
ne doivent pas vous troubler, car si vous persvrez dans la
mditation, l'esprit se calme de lui-mme. Peu peu il prend l'aspect
majestueux d'un fleuve de plaine qui, bien qu'encore en mouvement,
coule dornavant rgulirement et paisiblement. Et si nous continuons
encore, l'esprit s'tablit dans le calme fondamental, tel un immense
lac tranquille.
Les phnomnes mentaux ne doivent pas tre considre comme des ennemis
abattre, comme des choses contenir ou bloquer. Ce n'est pas la
bonne attitude. Au contraire, il faut les laisser apparatre sans se
dpartir de la vigilance et sans se laisser emporter par eux ni
s'engager dans leur jeu. Si nous allons dans ce gens,
graduellement, au moment mme de leur apparition, nous percevons
leur essence.
Le texte comporte de nombreuses autres instructions et
dveloppements dtaills.La vision pntrante ; lhakthongLhakthong est
aussi appel "Vision Excellente particulire ou spciale" parce que
nous voyons ce que nous ne pouvions pas percevoir auparavant. Cette
facult particulire de voir les phnomnes advient en tant que rsultat
de la pratique de chin. Grce l'absorption mditative, nous
dveloppons une sorte de sagesse qui permet de voir non seulement
les phnomnes mais aussi leur nature fondamentale.
Cette forme de vision, d'intelligence qui considre les phnomnes
dans leur vritable mode d'tre, s'apparente la sagesse discriminante
appele soso rang rikp ysh. Chin et lhakthong sont intimement lis ;
de l'un dpend l'autre. Lhakthong dpend entirement de l'obtention du
calme mental. Sans un calme mental suffisamment tabli, il n'est pas
possible que s'lve en l'esprit la vision pntrante (lhakthong en
tibtain ; vipasyana en sanscrit). L'objet de lhakthong est le mode
d'tre de l'esprit peru et reconnu travers l'exprience directe. La
difficult provient du fait que cette exprience a la fois pour sujet
et pour objet l'esprit.
Dans l'tat ordinaire, l'esprit est trs agit et incapable de
demeurer d'une manire stable sur un objet quelconque. Il est tendu
ett empli de contradictions cause des phnomnes mentaux qui le
rendent extrmement instable. Ordinairement, notre capacit
d'attention et de concentration sans tension est trs limite. C'est
la raison pour laquelle nous avons beaucoup insist sur la ncessit
de dvelopper la vigilance, cette facult de demeurer parfaitement
lucide, en observateur conscient, mais sans intervention. Et cette
vigilance ne peut se manifester qu'au travers de l'exercice de
chin. Mme si nous avons rflchi sur la nature des phnomnes, la
simple connaissance intellectuelle reste loigne de l'exprience
directe. La premire chose faire est donc de pratiquer chin pour
entraner l'esprit demeurer pos sur lui-mme. A partir de l, le terme
gnrique de lhakthong, qui dsigne la facult d'examiner d'une manire
extrmement profonde et limpide ce qui se passe dans l'esprit, prend
tout son sens.
Les cinq mthodes d'examen de l'espritOn distingue cinq mthodes
d'examen de l'esprit.
- La premire consiste comprendre l'esprit au repos : comment est
l'esprit quand il est au repos ?
- La seconde consiste observer l'esprit en mouvement.
- La troisime est l'observation des phnomnes mentaux : comment
sont-ils gnrs par les perceptions sensorielles ?
- La quatrime mthode consiste observer l'esprit dans sa relation
avec le corps et le corps dans sa relation avec l'esprit; au
travers de cette relation, il faut essayer de percevoir un mode
d'tre fondamental.
- La cinquime consiste observer la fois l'tat de repos et l'tat de
mouvement de l'esprit : qu'est-ce qui demeure au repos ? Qu'est-ce
qui change ? Qu'est-ce qui est en mouvement ?
Il s'agit donc de voir l'esprit dans tous ses tats possibles.
1. Examiner l'esprit au reposLorsque notre mditation se situe
au-del des espoirs et des craintes, lorsque nous n'essayons plus
d'arrter les phnomnes mentaux et que l'esprit demeure dans sa
simplicit, nous sommes capables d'examiner'l'essence de l'esprit
sans interfrence. Cela peut paratre paradoxal, car qui examine
l'esprit sinon l'esprit lui-mme ! L'esprit est dit
auto-connaissant, auto-limpide, auto-clarifiant ; il a la capacit
de se percevoir lui-mme. Si cette capacit est exerce correctement,
il peut demeurer dans sa propre essence et la percevoir. Ce qui
nous en a empch jusqu' prsent est le manque de vigilance. Faute de
vigilance, nos sens sont constamment voils et nous sommes
incapables de percevoir notre esprit. Mais si nous dveloppons la
vigilance travers une pratique de chin suffisamment assidue, il est
possible pour l'esprit de se prendre lui-mme comme objet de
contemplation. A ce moment-l, on peut l'examiner.
Au dpart, on envisage plusieurs hypothses. On peut dire : "l'esprit
est". S'il est, s'il a une existence propre, il doit y avoir
quelque part dans l'esprit quelque chose qui ne change pas, une
caractristique permanente... Est-ce sa forme, sa couleur ou une
autre caractristique ? Nous devons chercher dans les innombrables
aspects de l'esprit celui qui n'est pas soumis au changement, celui
qui peut apparatre comme quelque chose de stable et de
permanent.
Si nous ne trouvons rien de stable et de permanent, nous sommes
amens penser que l'esprit n'est pas. Nous pouvons tre amens croire
cela si, dans la mditation, nous nous retrouvons face un noir
absolu ou un vide total de conscience. Si ce n'est pas le cas,
alors o donc se trouve l'esprit ? Supposons que l'esprit soit, mme
si nous ne savons pas trs bien comment. II faudrait quand mme voir
o il se situe. Est-il dans ma tte, dans mon cur ou dans un
quelconque de mes membres ? Est-il dans mon corps ou l'extrieur de
lui, dans un objet quelconque ou dans un lieu ? Se dplace-t-il
l'extrieur du corps ? C'est cet examen que nous nous livrons afin
d'essayer de mettre le doigt sur le mode d'tre de l'esprit.2 -
Examiner l'esprit en mouvementII faut tre capable de demeurer dans
un tat de pacification. Au sein de cette tranquillit, admettons
qu'un phnomne mental apparaisse. D'o vient-il ? Au sein de quoi
apparat-il ? O va-t-il ? nimporte de se poser ces questions. Est-ce
le mme esprit qui se manifeste lors de l'apparition du phnomne
mental et au moment du calme complet ? La conscience qui s'applique
l'esprit au moment de l'apparition du phnomne est-elle identique
celle qui s'applique l'esprit tabli dans le calme ? Et que sont ces
phnomnes mentaux ? Ont-ils une forme, une couleur, une quelconque
caractristique propre? Il faut examiner tout cela.
En fait, il n'y a pas d'autre esprit que les phnomnes mentaux. Si
nous ne sommes pas capables de voir l'essence du phnomne,
c'est--dire le phnomne tel qu'il est en lui-mme et non pas tel
qu'il apparat, nous ne percevons qu'un phnomne mental, une pense,
une image, etc. Par contre, si nous dveloppons l'attention
suffisante, nous voyons au sein mme du phnomne mental l'essence de
l'esprit en action : cette reconnaissance est la sagesse non
conceptuelle. Nous pouvons en parler, l'expliquer, l'crire. Nous
pouvons nous dire : "Oui, bien sr, c'est comme a !" Malheureusement
cela ne sufft pas. Il ne suffit pas de le savoir
intellectuellement, il