10

Click here to load reader

Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

R

siDm(ac©

M

A

vt1atr©

K

0d

Nutrition clinique et métabolisme 23 (2009) 172–181

Réflexions

Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

The right to nutrition: A human right to promote and defend

Pascal Crenn a,∗,b,c

a Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, faculté de médecine Paris-Ile de France, groupe hospitalier Raymond-PoincaréAmbroise-Paré, AP–HP, 104, boulevard R.-Poincaré, 92280 Garches, France

b EA 2498, université Paris-Descartes, 4, rue de l’observatoire, 75006 Paris, Francec Département de recherche en éthique, université Paris 11 Sud, AP–HP, CHU Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France

Recu le 3 juin 2009 ; accepté le 21 juin 2009Disponible sur Internet le 5 septembre 2009

ésumé

La nutrition n’est pas un soin comme un autre. Besoin physiologique fondamental, il s’agit également d’un puissant vecteur émotionnel etymbolique quel que soit l’âge ainsi qu’un traitement pour la personne malade. La nutrition, l’hydratation et l’alimentation sont des droits naturelsnaliénables de la personne humaine et donc des Droits de l’homme. De ce fait, ce droit trouve place, nommément ou non, dans l’ensemble deséclarations et Conventions internationales des Droits de l’homme depuis 1948. Le droit à recevoir un support nutritionnel adapté participe auême grand principe de sauvegarde du respect de la dignité et de l’intégrité de la personne humaine, rentré dans le droit positif francais en 1994

première loi de Bioéthique) et depuis régulièrement réaffirmé dans tous les textes. Le soin nutritionnel est l’outil du droit à la nutrition. Malppliqué, il reste à faire largement connaître, défendre, garantir et protéger. Nous retracons l’émergence de ce droit à partir de ces sources, yompris en droit international, et montreront comment il a été introduit dans la relation de soin.

2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : Nutrition ; Alimentation ; Droits de l’homme ; Dénutrition ; Dignité ; Intégrité ; Besoin fondamental

bstract

Nutrition is a special treatment, between care and cure. Besides being a fundamental physiological need, it is a powerful emotional and symbolicector regardless of age, and a treatment for the sick person. Nutrition, hydration and feeding are natural inalienable rights of the human being andherefore of human rights. Thus, this right has found its place, namely or not, in the Declarations and international Conventions of human rights since

948. The right to receive adequate nutritional support is part of the fundamental principle of safeguarding the respect of the human being dignitynd integrity, entered in French positive law in 1994 (first bioethics law), and since then regularly reaffirmed in all texts. Nutritional treatment ishe tool of nutrition right. Badly applied, it needs to be widely recognized, defended, guaranteed and protected. We recount the emergence of thisight from its sources, including in international law, and will show how it was introduced in the treatment relation.

ndam

2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

eywords: Nutrition; Food; Human rights; Malnutrition; Dignity; Integrity; Fu

« Le but de toute association politique est la conservation desdroits naturels et imprescriptibles de l’homme. »Article 2 de la Déclaration des Droits de l’homme et du

citoyen du 26 août 1789.

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pasassurée (. . .) n’a point de constitution. »

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected].

1

elsl

985-0562/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.nupar.2009.06.008

ental need

Article 16 de la Déclaration des Droits de l’homme et ducitoyen du 26 août 1789.

. Introduction

Dans le Gorgias [1], Platon par la voix de Socrate nous

nseigne que « la rhétorique correspond pour l’âme à ce qu’esta cuisine pour le corps. . . Sous chacun de ces arts, la flatterie’est glissée, la sophistique sous la législation, la rhétorique sousa justice, la cuisine sous la médecine, la toilette sous la gymnas-
Page 2: Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

t mét

tanltL

cetdfpétr

ntC1mDrfevCiltPmltmt«

cededdafclgl

bdrr

lcd–dereàlts

2

dsdcpmDpmldupil1dscD2e(àdDtd

P. Crenn / Nutrition clinique e

ique ». La cuisine ferait ainsi partie des arts contestables visantu plaisir et non au bien véritable. Pour le malade, il apparaîtécessaire de privilégier le traitement médical, rationnel, sura cuisine. Cette dernière, en effet, flatte les sens et peut doncromper sur la vérité de l’action thérapeutique à entreprendre.a même idée est reprise par Aristote dans la Rhétorique.

Par la suite, la diététique s’est séparée progressivement duulinaire, en parallèle à l’éclosion de la modernité. Pour la santét la maladie, la pratique a montré qu’il n’existe pas de compéti-ion entre médecine et alimentation, fût-elle « diététique », cetteernière ne suffisant néanmoins pas à guérir, voire pouvant par-ois être nocive. Au contraire, il existe là une complémentaritéarfois indispensable. Ainsi, il est aujourd’hui scientifiquementtabli que, dans certaines situations, l’alimentation et la nutri-ion peuvent être thérapeutiques et contribuer non seulement auétablissement, mais aussi à la guérison.

Dans la communauté, se nourrir – donc l’alimentation et lautrition – s’avère, par ailleurs, pour l’espèce humaine, commeout être vivant, un besoin physiologiquement fondamental.’est ainsi que Virginia Henderson en fait le deuxième des4 besoins fondamentaux que le personnel soignant, notam-ent à l’hôpital, doit veiller à satisfaire1 [2]. Les textes desroits de l’homme, également appelés droits fondamentaux,

éférences doctrinales suprêmes des normes en Occident, enont directement ou indirectement tous allusion. L’hydratationt l’alimentation appartiennent à l’intangible « droit à la vie »,aleur suprême dans l’échelle des Droits de l’homme selon laour européenne des Droits de l’homme. Il s’agit donc d’un droit

naliénable, imprescriptible, garant de la possibilité d’exprimeres libertés physiques et individuelles. Ce droit est présent dansoutes les Conventions internationales et, en tout premier lieu, leacte des Nations Unies de 1966, premier texte stipulant nommé-ent le droit à l’alimentation (droit à la nourriture). Cependant à

’hôpital, lieu privilégié du soin, professionnalisé et technicisé,outes les enquêtes – notamment francaises et européennes –

ontrent que ce besoin et ce droit ne sont que depuis fort peu deemps, et encore partiellement, pris en compte. Il reste toujoursnormal de maigrir à l’hôpital ».

Nous essayerons d’éclairer ce paradoxe et montreronsomment la récente redécouverte, dans la jurisprudence, la loit la pratique soignante, du principe de la dignité et des Droitse l’homme s’est accompagnée d’une réflexion des soignantst des autorités de santé pour tenter de remédier à ce problèmee santé publique. La construction intellectuelle repose sur laignité dans l’être, un concept d’abord chrétien, puis éthiquevant d’être juridique et laïcisé. Son apparition dans le droitrancais en 1994 (première loi de Bioéthique) est notammentonfirmée par les lois du 4 mars 2002 et du 22 avril 2005 – sous

’appellation générique du principe du respect (ou de la sauve-arde) de la dignité (incluant notamment comme déclinaison’intégrité physique) de la personne humaine. La dignité dans

1 Les quatorze besoins fondamentaux représentent un modèle conceptuel dease en soins infirmiers. La vision de l’interdépendance des besoins humains ete leurs satisfactions, marquée par le courant béhavioriste, est de facon empi-ique quotidiennement vérifiée. Dans ce modèle, les trois premiers besoins sontespectivement respirer, boire et manger, éliminer.

psvrlep(p

abolisme 23 (2009) 172–181 173

’être est un principe à valeur constitutionnelle en France depuisette date (Déclaration de conformité du Conseil constitutionnelu 27 juillet 1994, cf. infra). Ce socle philosophique et éthiquesous forme du devoir prodiguer des soins nutritionnels – inscritans le droit, mais aussi prosaïquement des raisons économiquest financières, orientent les pratiques actuelles. Nous examine-ons, de plus, ce que représente aujourd’hui le droit à la nutritiont le soin nutritionnel (nourrir l’homme malade) face notammentl’endémie (20 à 60 % selon les structures et les définitions) de

a dénutrition nosocomiale à l’hôpital. Notre réflexion sera cen-rée tout particulièrement sur la sphère occidentale, Europe et,ingulièrement, France.

. La révolution des Droits de l’homme

.1. Philosophie et droit : les droits naturels et de l’homme,mergence puis diffusion

Le droit naturel moderne, héritier lointain de l’attitude’Antigone (chez Sophocle) contre l’oppression, d’Aristote eturtout de la pensée d’Hugo Grotius (1583–1645), postule unroit rationnel, à principes « clairs et évident par eux-mêmes »,ommun à tous les hommes et à toutes les époques, garantiar l’État. Les Droits de l’homme sont issus du droit natureloderne. Ils vont rapidement, à partir de la Déclaration desroits de l’homme et du citoyen de 1789, imprégner le droitositif, droit réel et contingent. Il s’agit de l’un des attributsajeurs de notre modernité. Pour paraphraser Marcel Gauchet,

es Droits de l’homme ont constitué une véritable « Révolution »ans le mouvement des idées. Toute personne physique devientne personne juridique titulaire de droits et d’obligations. Lesremiers droits de l’homme insistent sur les libertés publiquesndividuelles, les droits civils et politiques. Ensuite émergerontes libertés collectives avec un renouveau spectaculaire après945 manifesté notamment par la protection des droits indivi-uels et collectifs par l’État. Les textes sont nombreux, qu’il’agisse de déclarations, non contraignantes, ou de pactes ouonventions, traités ayant forces supérieures à la loi. Dans laéclaration des Droits de l’homme et du citoyen, les articles 1 etproclament notamment l’importance de la liberté, de l’égalité

t de la sûreté. La Déclaration universelle des Droits de l’hommeOnu, 10 décembre 1948) proclame, dans son article 1, le droitla dignité et, dans son article 3, le droit à la vie et à la sûretée sa personne. La Convention européenne de sauvegarde desroits de l’homme (1950, entrée en vigueur en 1953), adop-

ée par le Conseil de l’Europe, postule dans son article 2 leroit à la vie. Le Pacte international relatif aux droits civils etolitiques (Onu 1966) indique les droits universels, quel queoit le régime de droit positif en vigueur, dont le droit à laie. L’Onu promulgue, la même année, le Pacte internationalelatif aux droits économiques, sociaux et culturels – Droits de’homme de deuxième génération – où le droit à la nourriture

t à l’alimentation est considéré comme primordial. Ce dernieracte est entré en vigueur en 1976 pour les États qui l’ont signéplus de 95 %) et ratifié (150 environ, mais pas les États-Unisar exemple).
Page 3: Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

1 t mét

stietdpfiahdidLckDduCg2(cdél

dppmlfdvcsite

2

dcdtdaàdlqp

nssosdaaetp

meelmlLsrtdrldpseespCclnedldpdcpmlaee[cls

74 P. Crenn / Nutrition clinique e

En France, 1994 s’avère une année décisive durant laquelleont promulgués, dans le cadre de la première loi de Bioé-hique, les droits fondamentaux, ensemble de prérogativesndividuelles, dans le domaine de la santé. Le principe de dignitést alors « redécouvert », en rappelant le préambule de la consti-ution de 1946 (1er alinéa), comme à valeur constitutionnelle. Ilevient le principe de sauvegarde et du respect de la dignité de laersonne humaine. L’article 16 du Code civil a alors été modi-é : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toutetteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’êtreumain dès le commencement de sa vie ». En 1995, un arrêtu Conseil d’État indique qu’une collectivité territoriale peutnterdire le lancer de nain, car cette activité porte atteinte à laignité de la personne humaine et trouble l’ordre public [3].’arrêt insiste de nouveau sur le respect de la dignité et appliquee principe dû à tout être humain en tant qu’être humain, lectureantienne des principes juridiques à l’œuvre dans notre société.ans cette conception, l’homme est digne puisqu’il est titulaire’une volonté autonome qui produit des obligations car elle estniversalisable [4]. Le principe de dignité a été inclus dans leode de santé publique (article 810-2) et le Code de déontolo-ie médicale. Plusieurs textes récents sont à mentionner dont, en000, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européennenotamment chapitre I : Dignité, articles 1 à 3). Cette charte pro-lame les valeurs de liberté, égalité et de solidarité. La dignitéans l’être (humanité dans l’individu, en tant qu’être) revientgalement à une lecture kantienne insistant sur l’autonomie eta responsabilité de l’homme vis-à-vis de l’humanité.

C’est ainsi que progressivement les principes des Droitse l’homme, au sens actuel de « droits fondamentaux de laersonne humaine » (homme et femme), sont devenus toutarticulièrement en Europe la clé de voûte de tout le système nor-atif, juridique et éthique. . . Ils ont considérablement influencé

a manière d’appréhender les pratiques soignantes. Les loisrancaises de 2002 (droits des malades et qualité du systèmee santé, dite loi Kouchner) et 2005 (droits des malades et fin deie, dite loi Léonetti), qui leurs sont en parties dues, ont favoriséette évolution des pratiques. On pourra néanmoins s’interrogerur la « contrainte des textes », même s’ils sont pour certainsntégrés dans la constitution, ainsi que sur les moyens de garan-ir le respect et la protection de ces droits : cette dernière resten pratique toute relative.

.2. Le soin nutritionnel est un droit de l’homme

Les droits de l’homme sont essentiellement, à leurs débuts,es droits subjectifs (droit de. . .), des prérogatives individuelles ;ependant, ils tendent, de plus en plus, à devenir égalementes droits objectifs (droit à. . .). La nutrition, dans son accep-ion alimentation et nourriture, a été définie comme un droitans les textes internationaux relatifs aux Droits de l’hommevec, en particulier, un nombre important de textes relatifsl’enfant, adoptés depuis 1924 (Déclaration de Genève des

roits de l’enfant). Ainsi, l’article 25 de la Déclaration de’Assemblée générale des Nations Unies de 1948 proclameue « toute personne a droit à un niveau de vie suffisantour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille,

l1vd

abolisme 23 (2009) 172–181

otamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, lesoins médicaux ainsi que pour les services sociaux néces-aires ». On rappellera que, durant l’Allemagne nazie, lespérations « d’euthanasie sauvage », consistant à se débarras-er des malades non « thérapeutisables » par divers moyens,ont un « régime diététique spécial » sans matières grasses etffamant, a fait plus de 100 000 victimes dans les hôpitaux etsiles du IIIe Reich. On sait par ailleurs que la sous-alimentationst utilisée, depuis la nuit des temps, comme moyen de coerci-ion de certains prisonniers ou populations, sous divers régimesolitiques et latitudes.

L’Onu (dans le Pacte international relatif aux droits écono-iques, sociaux et culturels adopté par l’Assemblée générale

n 1966) proclame que tout homme a le droit d’être alimentét nourri selon ses besoins (article 11, pour le niveau de vie et’alimentation, article 12 pour la santé), lesquels sont plus ou

oins aisément déterminables. La FAO et l’Unicef en ont faiteur combat principal, que cela soit ou non en situation de conflit.a garantie de ces droits est suivie par le Conseil économique etocial de l’Onu [5]. Des Droits de l’homme de « troisième géné-ation » sont de proposition plus récente, supposant l’action deous (solidarité). Ils ont été proposés par l’Assemblée généralees Nations Unies, notamment en 1986. Ils incluent particuliè-ement le droit au développement et un accès à la santé et à’alimentation. Un Code international de conduite sur le droite l’homme à une nourriture adéquate a été proposé pour laremière fois au Sommet mondial de l’alimentation de 1996. Il’agit d’un droit qui nécessite, pour sa réalisation, des ressourcest donc une intervention. Les problèmes de la sous-alimentationt de la faim, qui concernent encore actuellement une personneur sept (850 millions) dans le monde et une sur cinq dans lesays en développement [6], sont à l’origine du pacte de 1966.elui-ci a été le premier à définir les obligations des États ene qui concerne le respect des droits « sociétaux » des popu-ations. Son article 11 affirme le droit de tout individu à univeau de vie adéquat, y compris sur le plan de la nourrituret « le droit fondamental qu’a toute personne d’être à l’abrie la faim ». Une réconciliation innovante de l’économie et de’éthique, notamment sur le problème de la répartition équitablees ressources alimentaires et la lutte contre les famines a étéroposée [7]. Le Pacte de l’Onu prescrit également aux Étatse faire le nécessaire pour traduire ce droit dans la réalité, yompris par des mesures visant à « améliorer les méthodes deroduction, de conservation et de distribution des denrées ali-entaires ». En fait, la sous-alimentation est une conséquence de

a pauvreté et du sous-développement, alors que la famine resteujourd’hui un produit plus ou moins voulu de la (géo)politiquet d’oppression de minorités, liée à une mauvaise distributiont non à une insuffisance, globale, de production alimentaire8]. On rappellera ici qu’au xxe siècle la sous-alimentation danses diverses variétés a fait nettement plus de morts que touteses guerres réunies (dont les pertes totales dans cette périodeont estimées entre 100 et 120 millions de décès avec près de

a moitié pour le second conflit mondial). Le Pacte onusien de966 a été la première emprise directe du droit internationalisant à améliorer les conditions alimentaires et nutritionnelleses individus dans les États. À ce titre, l’acte de nourrir est,
Page 4: Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

t mét

dlpv(ldtqctqdtsaltqrcv[teda

ngdlrpptLmlésuOlpsmdrc

dbsld

(àqrctdgdlfdtalLgdcab

tfnitedlsplKsspcnldppes

3

P. Crenn / Nutrition clinique e

ans divers textes, protégé par les Conventions internationales :a couverture des besoins doit être assurée, notamment pour lesersonnes privées de liberté ou réfugiées. La Déclaration uni-erselle sur la Bioéthique et les Droits de l’homme de l’Unesco2005) proclame également dans son article 14 (Responsabi-ité sociale et santé) : « Compte tenu du fait que la possessionu meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre consti-ue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quellesue soient sa race, sa religion, ses opinions politiques ou saondition économique ou sociale, le progrès des sciences et desechnologies devrait favoriser (a) l’accès à des soins de santé deualité et aux médicaments essentiels, notamment dans l’intérête la santé des femmes et des enfants, car la santé est essen-ielle à la vie même et doit être considérée comme un bienocial et humain ; (b) l’accès à une alimentation et à une eaudéquates. . . ». Pour Jean Ziegler, « le droit à l’alimentation este droit d’avoir un accès régulier, permanent et libre, soit direc-ement, soit au moyen d’achats monétaires, à une nourritureuantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, cor-espondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu leonsommateur et qui assure une vie psychique et physique, indi-iduelle et collective, libre d’angoisse, satisfaisante et digne »9]. Le droit communautaire européen comprend de nombreuxextes sur le droit à l’alimentation mais il ne semble pas y avoirxplicitement reconnaissance de ce droit fondamental [10], enehors des aspects qualité et sécurité. Il reste notamment enttente de jurisprudence.

Comment transposer ces principes au milieu soignant etotamment hospitalier ? Ce droit est venu progressivement inté-rer le droit interne, dans les suites de la redécouverte du principee sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Le droit à’alimentation et à la nutrition de la personne malade, vulné-able, découle immédiatement des principes généraux rappeléslus haut. Dans les pratiques soignantes, l’alimentation de laersonne malade est actuellement considérée comme un soin (toake care) à part entière, pouvant participer à la guérison (cure).a nutrition est, en revanche, plutôt considérée comme un traite-ent. L’intégrité de la personne, et donc sa dignité dans laquelle

’intégrité est l’une des composantes, est notamment liée à sontat nutritionnel. Ce dernier est, en effet, partie intégrante duchéma corporel visible à l’extérieur par autrui. Il existe ainsin rapport direct entre la dignité, l’intégrité et l’état nutritionnel.n rappellera que le terme dénutrition est un terme de physio-

ogie, d’origine latine, signifiant désassimilation2 : il s’agit duhénomène par lequel les constituants de la matière vivante seéparent de l’organisme pour devenir résidus. Il convient néan-oins de faire, au nom de la liberté individuelle, incluant le droit

e disposer de son corps, la réserve du refus alimentaire (nonare en gériatrie) et du droit à la grève de la faim. Cependant,ette dernière ne s’observe que dans des contextes particuliers

2 Selon le dictionnaire Littré. À l’opposé, le terme « malnutrition », mot’origine anglaise, signifie que les apports alimentaires ne sont pas équili-rés, désignant aussi bien une sous-alimentation par carence d’apport qu’uneuralimentation par excès conduisant à l’obésité et au syndrome métabo-ique, « épidémique » au niveau mondial depuis l’américanisation des modese consommation alimentaire.

m

tidcdal

abolisme 23 (2009) 172–181 175

revendication à caractère social ou politique), ce qui corresponden moyenne 200 personnes par an en France. On rappellera

u’en France le Code de procédure pénale (article 390) auto-ise, pour les personnes emprisonnées, l’alimentation forcée, yompris sans le consentement de l’intéressé. Le droit à la nutri-ion adéquate appartient donc, par extension, à la catégorie desroits-libertés (droit à la dignité), Droits de l’homme de premièreénération, mais aussi des droits-créances (droit à la protectione la santé), Droits de l’homme de deuxième génération, sur’État ou ses représentants, en l’occurrence les membres des pro-essions soignantes. Ce point se retrouve de même actuellementans un champ proche, la sécurité alimentaire et la sécurité sani-aire des aliments : il s’agit là d’une préoccupation constante desutorités car, en cas de défaillance ou de dysfonctionnements,es conséquences ou les crises peuvent être sociétalement graves.’État se doit de garantir la sécurité de ses citoyens en les proté-eant de la pénurie et en assurant l’hygiène publique. Hippocrateisait déjà « que de tes aliments tu fasses ta médecine » et pré-onisait une prise en charge globale du patient. Cette approche-t-elle été perdue dans nos sociétés modernes pour que l’on aitesoin de la rappeler ?

Ainsi, le droit à recevoir des soins et le droit à une alimen-ation adaptée, pour tout homme quelle que soit sa condition,ournissent la base du droit à la nutrition et au soin nutrition-el pour la personne malade. Le soin nutritionnel peut êtrenclus dans le principe de bienfaisance. Cependant, la ques-ion du respect de l’autonomie du patient, et donc de sa libertét de son consentement, peut se poser en cas de propositionu recours à une technique invasive de nutrition artificielle – à’opposé de naturelle, car utilisant un substitut technique – paronde digestive (nasogastrique ou gastrostomie) ou perfusionarentérale. On retrouve cette problématique notamment poure patient en fin de vie (score inférieur à 30 % sur l’échelle dearnofsky ou indice d’activité OMS 4) pour qui l’hydratation

ystémique et des muqueuses se révèle très probablement suffi-ante et devrait donc seule être justifiée. La même question seose lorsqu’une personne est dans l’incapacité de donner sononsentement, par exemple en cas de maladie psychiatrique oueurologique évoluée [11]. À l’instar du droit à l’alimentation,e droit à la nutrition – et le soin spécifique qui en est l’outil – estonc bien un droit de l’homme. Les principaux textes s’y rap-ortant sont indiqués dans le Tableau 1. Le droit à la nutritioneut n’être pas nommé per se, mais, implicitement, la lecturet l’interprétation des textes, par la doctrine, permettent à notreens cette classification.

. En pratique, le droit à la nutrition de la personnealade est mal respecté

Proclamés par toute une série de textes, les Droits de l’hommeraduisent un idéal de générosité politique et sociale. Cependant,l s’est toujours avéré difficile de les garantir, les protéger et leséfendre. Par ailleurs, ils apparaissent parfois contestés ou en

ontradiction avec le principe d’autonomie de la personne. Leroit à la nutrition et aux soins y afférant n’échappent pas à cettettitude et à ces critiques. Il est donc nécessaire d’interrogera pertinence des pratiques, la justification, la connaissance et
Page 5: Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

176 P. Crenn / Nutrition clinique et mét

Tableau 1Les Droits de l’homme inhérents à l’alimentation et la nutrition, selon la hiérar-chie des normes juridiques (dérivée de la pyramide de Kelsen) en France.

Autorité Texte noncontraignant

Pouvoir normatif

Constitution DDHC (1789)Préambule de laconstitution de 1946Conseilconstitutionnel (1994)

Droit international DUDH (1948)Déclaration de l’Onusur le droit audéveloppement (1986)

CESDH (1950)(Conseil de l’Europe)

DU de Bioéthique etDroits de l’homme del’Unesco (2005)

Pacte de l’Onu sur lesdroits économiques etsociaux de 1966(ratifié en 1976)

Droit communautaire(UE)

Charte des droitsfondamentaux del’UE (2000)

Bloc de légalité Loi de Bioéthique(1994)Code civil (article 16,1994) et Code desanté publiqueLois de 2002 (droitsdes malades) et 2005(fin de vie)

Jurisprudenceadministrative(principes générauxdu droit)

Conseil d’État :principe du respect dela dignité de lapersonne humaine(1994)

Actes administratifs Circulaire Clan (2002)Création du PNNS(2001)Charte de la personnehospitalisée (DHOS,2006)

Ce tableau ne comprend pas les avis et résolutions du Conseil de l’Europe, horsla CESDH protégée par la Cour européenne des Droits de l’homme, ni certainescirculaires ou directives internes à diverses institutions.DDHC : Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen ; DUDH ; Déclarationuniverselle des Droits de l’homme ; CESDH : Convention européenne de sauve-garde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Onu : organisationdes nations unies ; Unesco : Organisation des Nations Unies pour la science,l’éducation et la culture ; UE : Union européenne ; Clan : Comité de liaison ali-ml

lq

3in

nc

d

cecdssefsdgaàpnlpdédqerMlnmsvdlbegamvpd5[dmsole«Octm

entation nutrition ; PNNS : plan national nutrition santé ; DHOS : direction de’hospitalisation et de l’organisation des soins (ministère de la santé).

’acceptation de ces droits à partir d’un système de référenceue nous avons accepté ou choisi démocratiquement.

.1. La sous-alimentation et la dénutrition : unensuffisante prise de conscience du corps soignant etotamment des médecins

Malgré l’importance qualitative et quantitative du sujet, dans

os pays occidentaux, les soignants et singulièrement les méde-ins ne s’en sont pas emparés avant les années 2000.

L’explication que l’on peut y apporter est, en premier lieu,’ordre épistémologique. Il pourrait selon nous s’agir d’une des

dnms

abolisme 23 (2009) 172–181

onséquences de la médecine moderne, enfin parfois efficace,t de plus en plus technique et biologisée, « molécularisée ». Unertain aveuglement pourrait être en partie la conséquence duéclin, voire de la disparition, de la démarche clinique et du rai-onnement Hippocratique ainsi que du « sens du devoir prendreoin complètement » de la personne. De plus, la nutrition est,ncore aujourd’hui, peu ou pas enseignée, notamment dans lesacultés de médecine. Il est alors nécessaire de rechercher ce quious-tend cette « cécité » et la non-reconnaissance de l’existencee la dénutrition et de ses effets. « Le normal et le patholo-ique » questionne conceptuellement Canguilhem [12]. Il peutpparaître paradoxal que les personnes malades maigrissent

l’hôpital. Force est de s’interroger si l’état pathologiquerovoque une modification quantitative de l’état nutritionnelormal (variation du poids) ou une modification qualitative de’état normal (rupture de l’état de santé). En fait, la règle d’uneerte de poids durant l’hospitalisation s’applique une fois sureux quand le séjour dépasse une à deux semaines. On pourragalement retenir le chiffre moyen de 40 % de patients dénutrisans les hôpitaux lors des enquêtes transversales. La doxa estue ce fait est dû à la fatalité, à la maladie elle-même. Bienntendu, il est vrai et bien connu que la maladie peut avoir desépercussions sur le poids, par exemple dans certaines tumeurs.

ais la maladie n’explique au mieux que la moitié des cas,’autre moitié étant liée à des dysfonctionnements organisation-els qu’il serait trop long d’expliciter ici. De plus, même si laaladie s’avère causale, un support nutritionnel ou alimentaire

pécifique est indiqué et souvent efficace, notamment desoies aérodigestives supérieures en situation périopératoire,’insuffisance digestive, dans certains cancers (par exemple,ors de traitements radiothérapiques), certaines maladies cata-olisantes inflammatoires et dans la prise en charge des patientsn unité de soins intensifs. Dans nombre de maladies neurolo-iques chroniques, incluant certaines formes de sclérose latéralemyotrophique [13], le support nutritionnel, habituellement auoyen d’une gastrostomie, améliore la survie et la qualité de

ie. Les données scientifiques sur ces sujets ne sont néanmoinsas toujours de qualité méthodologique adéquate selon les stan-ards, acceptés bien qu’insuffisants – car n’étudiant qu’au mieuxà 15 % des situations cliniques – de l’evidence based medicine

14]. Les compléments nutritionnels oraux et l’enrichissemente l’alimentation ne font pas toujours l’objet de travaux per-ettant de conclusion scientifique nette, excepté dans certaines

ituations comme le postopératoire, en particulier en chirurgierthopédique (fracture du col du fémur) ou digestive. Au final,’importance du sujet nous semble mal appréhendée dans sesnjeux par les praticiens, le jugeant parfois marginal et pas asseznoble » au regard des techniques modernes à leur disposition.n peut, par ailleurs, s’interroger sur notre fond culturel et de

ivilisation occidentale dans lequel l’ascèse peut avoir, dans cer-aines obédiences et religions, une vertu purificatoire bien que

ortifère.Par ailleurs, l’ignorance fréquente des conséquences de la

énutrition apporte une seconde explication à cette mécon-aissance. La fréquence et la sévérité de ces complicationsontrent bien qu’il s’agit d’une rupture de l’état de santé, d’un

aut qualitatif, et que l’on est bien dans le pathologique. De

Page 6: Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

t mét

nlollanl(henamgfUàdcmedms

tcplddm

3a

«ntcsddmdtir

ecdets

lscdddp(pdaocdrvltêCmpUqaendgthtFélt–mtnida

nnnplnnni

P. Crenn / Nutrition clinique e

ombreuses publications font état des relations étroites unissanta détérioration de l’état nutritionnel et les complications post-pératoires, l’immunodépression, les infections nosocomiales,es ralentissements de cicatrisation, les durées d’hospitalisation,a qualité de vie et le coût de prise en charge des pathologiesinsi qu’au bout du compte la survie. Ce point commenceéanmoins à être connu : les services codent de plus en plusa dénutrition car, dans le système de la tarification à l’activitéT2A), elle permet d’augmenter la valorisation des séjoursospitaliers et contribue à améliorer l’équilibre budgétairet financier des établissements de santé. Une évaluationutritionnelle, parfois indispensable et toujours recommandéevant d’initier une prise en charge, apparaît donc indispensableais le chemin reste encore bien long avant son application

énéralisée. De plus, rien ne garantit qu’une prise en charge bienaite accompagne la reconnaissance des anomalies constatées.ne enquête interne d’évaluation des pratiques professionnellesl’AP–HP montre ainsi que moins de la moitié des cas de

énutrition reconnus comme tel fait l’objet d’une prise enharge diététique ou nutritionnelle spécifique, donnée large-ent extrapolable aux autres établissements de soins en Europe

t ailleurs. L’éthique pratique demande donc que des moyens,es actions de formation ainsi que des personnels dédiés soientis en place. Cette démarche commence progressivement à

’organiser.On peut ainsi en conclure que le droit à la nutrition, sous-

endant les soins nutritionnels, n’est pas bien respecté et défenduar il reste mal (re)connu. L’absence de sanction réelle – unarallèle malheureusement trop souvent avec les droits de’homme classiques – interroge de plus sur les moyens matériels,e pression, permettant l’exercice effectif et donc la garantiee ce droit. Certains pourront considérer qu’il s’agit là d’uneanifestation des lacunes de l’État de droit.

.2. Critique du principe général des Droits de l’homme etpplication au droit à la nutrition

Il existe des similitudes entre certains des droits de l’hommeclassiques » et le droit à la nutrition et à l’alimentation,ous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer. La principale par-icularité et originalité forte est que la vie et son maintienonditionnent le reste des autres droits. Le droit à la vie et àon maintien en utilisant les moyens possibles, sans obstinationéraisonnable, est donc à la base de tout l’édifice conceptuel etonc, de fait, le plus fondamental des droits fondamentaux, lesorts n’ayant plus, à proprement parler, de droits en dehors

u respect de leurs dernières volontés et d’avoir une sépul-ure décente et inviolée. . . Ces similitudes sur les principesntangibles impliquent le devoir de les respecter et de les faireespecter.

Dès la proclamation de la Déclaration des Droits de l’hommet du citoyen, ces derniers ont été contestés [4], considérésomme utopiques, produits d’un artificiel philosophique occi-

ental, abstraits, « bourgeois », non universels dans le tempst l’espace par rapport aux droits réels garantis par le législa-eur [15]. On citera, par exemple, le texte L’absurdité montéeur des échasses de Jeremy Bentham, critique des Droits de

tfqq

abolisme 23 (2009) 172–181 177

’homme au nom de l’utilitarisme naissant à la fin du xviiie

iècle. Petit à petit, malgré des droits parfois, en apparence,ontradictoires, les Droits de l’homme sont néanmoins rentrésans le droit positif des États, au moins de certains. Pour leséfendre et les faire respecter, des juridictions et des modese sanction ont été progressivement mis en place et s’avèrentlus ou moins efficaces. Les droits économiques et sociauxdroits créances) ont été particulièrement attaqués, car il s’agitlus de principes ou d’objectifs que des prérogatives indivi-uelles expressions de la liberté [4]. Certains ont estimé parilleurs que les Droits de l’homme exprimait un « droit faible »u un droit des dominés. L’invocabilité (ou justiciabilité) dees droits devant les juridictions reste dans certains domainesifficile et n’est que potentielle dès lors que l’autorité qui leseconnaît met également en place les moyens de son effecti-ité. De là émerge la deuxième grande critique des Droits de’homme, leur caractère impérialiste [15], moralisant, de préten-ion impérative – occidentale – à l’universalité. Cela peut donctre vu presque comme un totalitarisme, au moins intellectuel.’est ainsi que les Droits de l’homme pénètrent difficile-ent dans certaines civilisations (par exemple, en Chine). De

lus, par nature, ils impliquent un perpétuel inachèvement.n relativisme de ces droits est-il acceptable ou non ? Lauestion est âprement discutée et nous ne prétendrons paspporter ici d’éléments nouveaux dans ce débat. Une remisen cause théorique sinon effective est à l’œuvre, en occident,otamment parce que « les Droits de l’homme mineraient laémocratie définie comme le pouvoir d’une collectivité de seouverner elle-même au nom d’un principe supérieur, les liber-és individuelles » (M. Gauchet). De plus, le droit d’ingérenceumanitaire (en droit international) dans les affaires des États,héoriquement en leur nom, a été et reste fortement débattu.inalement, le point de vue le plus raisonnable et le plusquilibré serait probablement de considérer que les Droits de’homme ne visent pas à promettre mais à permettre, iden-iques à l’application actuelle du droit en médecine qui demandedans la majorité des situations – une obligation de moyensais non de résultats. Est-ce là à dire qu’ils ne sont pas jus-

iciables ? Dans le milieu de la santé, les Droits de l’hommee sont pas fondamentalement contestés car les équipes y sontntuitivement sensibles. Les principes de justice et d’équitéans les soins sont, au moins théoriquement, quotidiennementppliqués.

En quoi consiste vraiment le soin nutritionnel ? On peut rete-ir qu’il comprend le dépistage et le diagnostic des problèmesutritionnels au moyen d’outils cliniques et paracliniques,otamment biologiques, validés, la détermination des besoinsuis la mise en place d’actions permettant de corriger les anoma-ies constatées afin de diminuer diverses complications. Le soinutritionnel dérive donc de la diététique et constitue alors uneutrition thérapeutique. L’hydratation a toujours été pratiquée et’est pas contestée mais cela peut être relativisé dans les faits :l suffit de se remémorer de la canicule de 2003. Le soin nutri-ionnel comprend donc l’action de nourrir la personne, un des

ondements de la relation dans le soin. N’apparaît-il pas utopiqueue cet acte puisse être réalisé pleinement, au regard du tempsu’il demande et de la charge de travail des soignants ? Il suffit
Page 7: Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

1 t mét

ddsnnplsInqc2dnevldàdtedgdpnnrmdtoDd

4s

dqmxtplndp

pd

À

Adptc(

4

StdmrdlCthcldpmdn

••

••

mptCrdn

78 P. Crenn / Nutrition clinique e

e voir combien il est difficile de recueillir le poids des patients,ocumenté dans moins de la moitié des dossiers cliniques. Leoin comprend également la prise en charge des voies d’abordutritionnelles digestives ou vasculaires3. Quand une telle tech-ique est proposée les libertés individuelles, l’autonomie duatient, risquent de ne pas être respectées, fût-ce au non dea nécessité. Il s’agit d’une possible manifestation du combatéculaire entre les droits protégés – par la loi – et les principes.l est possible d’en trouver exemple notamment en effet dans lautrition artificielle où l’équipe soignante peut vouloir appli-uer le principe de bienfaisance sans l’assentiment, voire leonsentement, de la personne malade. En France, la loi (celles de002 et de 2005, cf. supra), votée par la représentation nationaleémocratiquement élue et expression de la volonté générale, aéanmoins prévu l’éventualité d’un refus de prise en charge quist applicable à l’alimentation, notamment en situation de fin deie ou reste affaire de situation ou de discussion argumentée danses autres cas. Si en fin de vie l’alimentation est bien un soin,û à toute personne, la nutrition artificielle, terme ici préférablecelui de nutrition assistée, constitue un traitement que la loi

e 2005 autorise à arrêter dans une situation où la poursuite desraitements peut être jugée collégialement déraisonnable [16]. Ilst à noter que cela n’est pas la position de certains, notammente l’église catholique. Dans un texte d’août 2007, la Congré-ation pour la doctrine de la foi (Vatican) considère que l’arrête la nutrition, notamment entérale, constitue une euthanasiear omission, car l’alimentation et la nutrition sont une finalitéaturelle obligatoire, y compris quand est utilisé un moyen nonaturel. L’activité transversale de nutrition implique une ingé-ence possible dans les affaires intérieures des services parfoisal vécues ; il s’agit donc de faire preuve de pédagogie et de

iplomatie. . . On le voit, le rapprochement avec le droit interna-ional – droit ou, pour certains, devoir d’ingérence humanitaireu responsabilité de protéger – est une nouvelle fois éclairant, lesroits de l’homme pouvant entrer en conflit avec la souverainetées États.

. Les acteurs institutionnels, administratifs et soignantse mobilisent pour la protection du droit à la nutrition

La mobilisation des acteurs et des autorités se manifesteepuis quelques années par l’aspect qualitatif, mais égalementuantitatif, des soins. Elle doit en partie son éclosion aux diversouvements éthiques et juridiques qui accompagnent la fin duxe siècle et, notamment, la redécouverte des droits fondamen-

aux comme principes et socle d’action. Nous n’évoqueronsas ici la situation spécifique des États-Unis où, par exemple,a jurisprudence autorise l’arrêt de la nutrition artificielle au

om de l’absence de consentement aux soins (arrêt Cruzane la Cour suprême en 1990 : arrêt de la nutrition entéralear sonde chez une patiente en état végétatif chronique4).

3 « La vie à un fil », nom d’une association de 1901 pour les enfants en nutritionarentérale ou entérale prolongée pour insuffisance intestinale ou pathologieiverse.4 Cruzan V. directeur, Missouri Department of Health, 110 S. Ct; 2841 (1990).noter, un arrêt similaire par la Cour suprême en 2005 lors de l’affaire Terry

ssd

Sa

i&

abolisme 23 (2009) 172–181

ujourd’hui, la nutrition et l’alimentation, au même titre que’autres domaines, sont rentrées dans le champ de la santéublique, de la politique de santé. Néanmoins, il est impor-ant de mentionné que, pour l’instant, les textes, non peuontraignant, ne manifestent qu’une volonté politique modéréeTableau 1).

.1. La position du Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe, fondé en 1949 et siégeant àtrasbourg, est une organisation qui œuvre en faveur de la cons-

ruction européenne par le biais des normes juridiques dans lesomaines de la protection des Droits de l’homme et le renforce-ent de la démocratie. Il rassemble 800 millions d’Européens

épartis dans 47 États membres. La Convention européennees Droits de l’homme et la Cour européenne des Droits de’homme qui l’applique en constituent les structures majeures.omme nous l’avons déjà mentionné, l’existence d’une dénu-

rition liée à la maladie parmi les patients séjournant dans lesôpitaux européens est établie par de nombreux travaux. Sure constat, le Conseil de l’Europe a décidé, en 1999, de réunires experts nationaux de 12 pays, dont la France, dans le cadrees « accords partiels dans le domaine social et de la santéublique ». Le but était de procéder à un état des lieux enatière de soins nutritionnels dans les hôpitaux et de proposer

es actions d’amélioration. Cinq points majeurs de dysfonction-ement ont été identifiés :

l’absence de responsabilités clairement définies ;l’insuffisance de formation en nutrition, toutes catégories depersonnels confondues ;l’absence d’influence et ignorance des patients ;l’absence de coopération entre les différentes catégories depersonnels ;l’absence d’implication des administrateurs et direction deshôpitaux.

Pour résoudre cette problématique difficile, une collaborationultidisciplinaire apparaît donc indispensable, incluant tous les

rofessionnels impliqués à un quelconque niveau dans la res-auration hospitalière et l’alimentation des malades [17,18].onsidérant que l’accès à une alimentation variée, saine et sans

isque est un droit fondamental de l’être humain, le Comitées ministres, lors de la séance du Conseil de l’Europe du 12ovembre 20035, a réaffirmé ce droit intangible pour les per-

onnes malades hospitalisées. À noter qu’il s’agit de résolutionsans caractère de contrainte ou de sanction lors de manquementûment constaté.

hievo. Cette patiente était en état végétatif chronique depuis 1990 suite à unrrêt cardiaque sur hypokaliémie dans le cadre d’une anorexie mentale.5 https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?Index=no&command=com.

nstranet.CmdBlobGet&InstranetImage=552682&SecMode=1&DocId=83040Usage=2.

Page 8: Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

t mét

4ln

rldlstepssdlladcsmeti

metemlasbmtndbtNqdesc

4

ludce

uljtplpdvmrlcti(à1bedbdpsstesssdbàls

4

qe–tlLcceIc–v

P. Crenn / Nutrition clinique e

.2. La position de la France : la circulaire du Comité deiaison alimentation nutrition (Clan), le Plan nationalutrition santé (PNNS)

En France, les autorités administratives ne sont pas restées enetard sur ce dossier. En 2002, le ministre délégué à la santé de’époque, lui-même médecin gastroentérologue, signe, à la suitees rapports des chargés de mission (B. Guy-Grand, C. Ricour)a circulaire sur la création du Clan chargé de coordonner lesoins et les aspects organisationnels dans ce domaine. Cette ins-ance n’est pas encore réglementairement obligatoire, mais ellest conseillée et inspectée par les experts certificateurs mandatésar la Haute Autorité de santé (HAS). La Charte de la per-onne hospitalisée (circulaire DHOS, mars 2006) précise danses articles 2 et 11 l’importance majeure de qualité de l’accueil,u traitement et des soins. Par ailleurs, une Commission Qua-ité et Sécurité des Soins (incluant notamment la Comité deutte contre les infections nosocomiales [CLIN], obligatoire parrrêté, Clan et diverses autres structures transversales : Comitée lutte contre la douleur [CLUD], vigilances diverses. . .) a étéréé dans les établissements de soins à partir de 2007 (Code de laanté publique : article L 6144-1). De plus, les professionnels seobilisent afin de proposer des aides à la prescription diététique

t nutritionnelle [19]. Des indicateurs de qualité (expérimen-ations COMPAQH, IPAQH. . .) comprennent en leur sein destems nutritionnels.

Parallèlement, depuis 2001, a été mis en place, sous l’égide duinistère de la Santé, le PNNS. Le deuxième volet de ce plan

st effectif depuis 2006, il vise à réaliser une politique nutri-ionnelle, fondée sur les priorités identifiées de santé publiquen France [20]. Ces priorités définies sont, tout particulière-ent, l’obésité de l’adulte et de l’enfant, les personnes âgées,

es conséquences du syndrome métabolique (insulinorésistance)insi que l’alimentation et la nutrition des personnes hospitali-ées. Les messages de communication éducationnelle « mangerouger », « cinq fruits et légumes par jour », en sont parmi lesanifestations les plus voyantes. On voit donc qu’une alimen-

ation et une nutrition saine sont prônées par les autorités deotre État-providence qui se veulent garantes du bien-être ete la santé de la population en tentant d’en prendre soin par leiais de la prévention. La pénétration et l’évaluation des résul-ats de ces actions seront réalisées dans les prochaines années.onobstant sa difficulté, le projet est louable car on rappelleraue la médecine dite curative ne détermine que 20 % de l’étate santé à l’échelle d’une population. En effet, selon les étudest les modèles statistiques utilisés, espérance de vie et niveauanitaire sont déterminés en moyenne à 80 % par l’hygiène, lesonditions de vie et l’alimentation.

.3. Aspects médicoéconomiques

Les principes généreux et les déclarations, quels qu’en soiente domaine et l’échelle, ne sont bien entendu pas suffisant pour

ne politique efficace. Il est nécessaire de favoriser une prisee conscience suivie d’actions concertées. Or l’aspect finan-ier est, on peut le déplorer mais non le nier, l’un des plusfficaces leviers à ce processus, constituant en quelque sorte

lnte

abolisme 23 (2009) 172–181 179

ne éthique conséquentialiste utilitariste. Cela peut paraître à’opposé d’une certaine philosophie mais l’économie est de nosours omniprésente, certains fustigeant le « libéralisme » des-ructeur du lien social et de la civilisation alors que d’autresroposent « l’économie du bien-être » (A. Sen), mais là n’est pas’objet de notre réflexion. Les soins nutritionnels n’échappentas à l’aspect comptable. L’hôpital est l’objet, depuis 2002,e vastes réformes de sa tarification, fonction de son acti-ité (valorisée en GHM puis GHS, groupe homogène dealades et de séjours) et de missions spécifiques (intérêt géné-

al, enseignement–recherche), financé en grande partie par’assurance maladie, donc les cotisations sociales, héritière duontrat social proposé par Rousseau et fondement de la jus-ice distributive, équitable, d’allocation de moyens. Il peut êtrenformatif de préciser qu’aujourd’hui le budget alimentationdirection logistique et des services économiques) correspond1,5 à 3 % des comptes de fonctionnement des hôpitaux, contre5 % pour les médicaments, par exemple, alors que ces mêmesudgets comptaient respectivement pour plus de la moitié (56 %)t 4 % des dépenses au milieu du xixe siècle, date de créatione l’AP–HP. Cependant, il faut préciser qu’à l’époque les éta-lissements hospitaliers et les hospices, héritiers des œuvrese bienfaisances, étaient davantage des lieux d’assistance auxlus démunis et vulnérables que des établissements généraux deoins, ce qui ne deviendra pleinement effectif qu’à partir du xxe

iècle [21]. La valorisation maximale de certains séjours hospi-aliers implique l’optimisation du codage sur des données fiablest vérifiables. La dénutrition majore la valorisation de certainséjours, beaucoup de praticiens l’ont compris et intégré, ce mes-age ayant été rapidement diffusé. Mais les marges de progres-ion sont encore importantes : une enquête interne à la directione l’AP–HP montre ainsi que le codage de la dénutrition (comor-idité associée) ne dépasse pas 2 %, pourcentage très inférieurla prévalence mesurée par toutes les enquêtes. Néanmoins,

a nutrition, l’alimentation, le dépistage et la prise en chargepécifique commencent peu à peu à rentrer dans les mœurs.

.4. Chantiers pour l’avenir

Il semble clair que les lois de 2002 (droit des malades etualité du système de santé) et de 2005 (droit des maladest fin de vie) ont représenté et continueront de représentercomme point d’orgue des évolutions des mentalités et des

extes juridiques – un impact majeur sur la facon d’appréhenderes soins en général, et l’aspect nutritionnel en particulier.es réponses adéquates ne pourront venir que d’une actiononcertée du politique et des professionnels. Une prise de cons-ience des anomalies nutritionnelles endémiques à l’hôpitalst en cours, mais le travail à venir est encore considérable.l importera tout particulièrement de bien distinguer les spé-ificités du soin de base, commun, universel, l’alimentationdroit de l’homme pour toute personne malade – et les inter-entions techniques, la nutrition artificielle notamment par

’intermédiaire des voies d’abord digestives et des supports vei-eux parentéraux. La dignité et le respect de la personne restentoujours au cœur des préoccupations. Par ailleurs, l’informationt l’explication claire de la balance bénéfice–risque, déclinaison
Page 9: Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

1 t mét

delcmdd«ddevcpena(djgEell

fnntrtelcynaadgrnlédptcl

5

nem

dteclmLdtcsdfide

smdlcielscdbÉmnend«tDm

rasfilàcasmadrd

80 P. Crenn / Nutrition clinique e

u principe de non-malfaisance, deviendront incontournablest sont déjà aujourd’hui très présentes. Cela est tout particu-ièrement vrai pour le soin nutritionnel qui peut entraîner desomplications significatives quand il devient technique : pneu-opathies, syndrome de renutrition, infections et thrombose

es voies veineuses. . . C’est ainsi que proposer et appliqueres interventions sur des indications validées ou cliniquementraisonnables » représentent la base d’une éthique actuelle,épassionnée et efficace prenant en compte les aspects indivi-uels, les Droits de l’homme, la volonté autonome du patientt les aspects plus globaux de justice et d’équité. Un conflit dealeurs est toujours possible et doit faire l’objet de réflexionollégiale dans chaque cas. Ainsi, quid de l’autonomie de laersonne malade dans le cadre de la renutrition forcée, parxemple de patient(e)s anorexiques mentales ? La réponse deotre système européen continental sera différente de celle desnglo-saxons qui privilégient toujours la liberté de la personnearrêt Cruzan aux États-Unis, cf. supra ; précédent des grévistese la faim de l’IRA au Royaume-Uni en 1981, qui sont allésusqu’à la mort sans intervention de l’État, situations inima-inable dans notre culture et notre système juridicopolitique).nfin, le but du soin doit être clairement précisé : est-ce le confortt la qualité de vie (notamment en situation palliative terminale),a prise de poids, la diminution des complications en particulierors de réalisation d’un traitement lourd ?

Une vraie culture nutritionnelle reste à insuffler à l’hôpital,ondée sur la collégialité et la complémentarité des profession-els concernés (infirmières, aides soignantes, rééducateurs et,otamment, diététicien(ne)s, médecins, psychologues, adminis-ratifs, personnel des cuisines. . .). L’éducation et l’enseignementestent indispensables pour améliorer la sensibilisation et les pra-iques. La restauration et l’hôtellerie (dont l’étymologie latinest hospitale, relatif aux hôtes, lieu d’hébergement) focalisenteurs efforts sur l’aspect qualité, de plus en plus prégnant et quionstitue un des critères de choix secondaire des établissements,compris dans le secteur public, par les patients. L’aspect orga-isationnel reste la « cuisine », sécurisée, adaptable et répondantux demandes. L’aspect interventionnel médical est à encadreru moyen de guides appropriés et d’une évaluation régulièrees pratiques (évaluation des pratiques professionnelles [EPP]),ages d’amélioration continue des acteurs de soin. Il reste à faireespecter ce droit reposant sur un besoin fondamental, à conti-uer de considérer le soin nutritionnel comme un devoir poures soignants et l’organisation, sans « paranoïa » mais avec unethique de responsabilité. En cancérologie, ce point est inclusans la mesure 42 (soins de support) du Plan Cancer de 2002. Lalace de chaque soignant dans la transversalité, une des carac-éristiques majeures de la nutrition, reste encore à préciser. Lehamp de la nutrition (sous l’angle de l’assistance nutritive) danses directives anticipées pourrait par ailleurs se développer.

. Conclusion

Le droit à la nutrition avec son instrument, le soin nutrition-el, est un droit de l’homme fondé sur un besoin fondamental,n particulier pour les populations vulnérables, incluant notam-ent les personnes malades usagers du système de santé. Ce

drLn

abolisme 23 (2009) 172–181

roit découle, de ce fait, des textes des Conventions interna-ionales. Son émergence dans les sources formelles juridiques,n France notamment, est récente et encore peu contraignante ;ependant, sa pratique empirique se réalise depuis le début de’espèce humaine. L’allaitement maternel, rappel de notre ani-

alité de mammifère, est ainsi le premier des soins nutritionnels.e lait maternel a été sacralisé il y a peu (circulaire du ministèree la Santé en 1992 pour la France, confirmé par la loi de Bioé-hique de 1994) par la reconnaissance de sa non-patrimonialité,omme pour l’ensemble des produits corporels. Malgré une sen-ibilisation récente, le soin nutritionnel reste encore largement àiffuser et, donc, à défendre dans les établissements de santé. Lanalité s’avère le respect de la dignité de la personne humaine,ans toute sa singularité, principe cardinal de l’éthique médicalet des pratiques soignantes [22].

Dérivé du droit international et du droit interne et de laanté, il est parfois considéré comme utopique et impérialiste,ais il caractérise l’un des combats de notre temps, qui se

oit néanmoins d’éviter de tomber dans le donquichottisme ou’irréalisme. Le droit à la nutrition et le soin nutritionnel véhi-ulent des valeurs universelles ou du moins universalisables,ntangibles mais non immuables, pour l’individu biologiquet la personne juridique. Ils demeurent ainsi variables danseurs manifestations (intensité) et leurs hiérarchies, selon leystème de représentation et le contexte socioculturel et psy-hologique. Le droit à l’alimentation et l’utilisation appropriéee l’hydratation et de la nutrition artificielle sont cependantien établis parmi les éthiciens, les cliniciens et, au moins auxtats-Unis, par les Cours de Justice [11]. On remarquera néan-oins qu’aucune entrée sur ce sujet n’est présent – en dehors du

éologisme alicament – dans la référence francophone Nouvellencyclopédie de bioéthique. Médecine, environnement, biotech-ologie d’Hottois et Missa (université De Boeck, Bruxelles)atant de 2001. Il en est de même à notre connaissance duDictionnaire permanent bioéthique et biotechnologie » (édi-

ions législatives, Montrouge) et du récent Dictionnaire desroits de l’homme (PUF, Paris) [5]. Pourtant la question ali-entaire reste centrale en bioéthique et au plan sociétal.Les « enjeux éthiques » de la nutrition sont donc histo-

iquement retracables mais, si de nos jours les personnelsdministratifs et soignants commencent à se mobiliser, il nousemble que cette démarche est en partie le fruit de la pressionnancière. Une prise en charge effective et de qualité doit suivre

e diagnostic. Si la situation actuelle ne s’améliore pas, il estcraindre dans un futur proche que ce soit l’injonction judi-

iaire, du juge interne ou européen et la demande politique quictivent le système, par des textes normatifs impliquant uneanction, une fois le premier procès pour dénutrition nosoco-iale médiatisé est remporté par un malade, sa famille ou une

ssociation de patients. « Nourrir l’homme malade », tel est laevise de la Société francophone de nutrition entérale et parenté-ale (SFNEP), société scientifique où vient d’être créer un comité’éthique chargé en particulier de réfléchir sur les protocoles

e soin, l’arrêt de traitement, le consentement, les projets deecherche, la nutrition dans certains États de dilemme [23]. . .’éthique, science de l’action et de la politique, devra toujoursaviguer entre les principes et les conséquences et apporter une
Page 10: Le droit à la nutrition : un droit de l’homme à promouvoir et à défendre

t mét

rfi

R

[

[

[[

[

[[

[

[

[

[

P. Crenn / Nutrition clinique e

éponse nuancée, jamais définitive, toujours à reconstruire, entrens et normes.

éférences

[1] Platon [traduction L. Robin] Gorgias ou sur la rhétorique. In: La Pléiade.Paris: Gallimard; 1950.

[2] Henderson V. The Principles and practice of nursing. Canada: The Mac-millan Company; 1947.

[3] Long M, Weill P, Braibant G, Delvolré P, Genevois B. Dignité de la personnehumaine. In: Les grands arrêts de la jurisprudence administrative. 16e ed.Paris: Dalloz; 2007, p. 730–739.

[4] Milawski R. Dignité, autonomie, vulnérabilité : approche juridique. In:Hirsch E, editor. Éthique médecine et société. Paris: Vuibert; 2007. p.176–86.

[5] Andriantsimbazovina J, Gaudin H, Marguénaud JP, Rials S, Sudre F, edi-tors. Dictionnaire des Droits de l’homme. Paris: PUF; 2008.

[6] Parmentier B. Nourrir l’humanité. Paris: La Découverte; 2007.[7] Sen A. Éthique et économie. Paris: PUF; 1993.[8] Brunel S. Famines et politique. Paris: Presses de Sciences Po; 2002.[9] Ziegler J. Le droit à l’alimentation. Paris: Mille et Une Nuits; 2003.10] Desrutins J. Existe-t-il un droit communautaire à l’alimentation ? (Mas-

ter Droit Public approfondi, Paris II-Assas 2007) http://www.aidh.org/alimentation/images/Doc-Golay.pdf.

11] Casarett D, Kapo J, Caplan A. Appropriate use of artificial nutrition andhydration. Fundamental principles and recommendations. N Engl J Med2005;353:2607–12.

[[

[

abolisme 23 (2009) 172–181 181

12] Canguilhem G. Le normal et le pathologique. Paris: PUF; 1966.13] Mazzini L, Corra T, Zaccala M, Mora G, Del piano M, Galante M. Percuta-

neous endoscopic gastrostomy and enteral nutrition in amyotrophic lateralsclerosis. J Neurol 1995;242:695–8.

14] Koretz RL. Do data support nutrition support? Part I Intravenous Nutri-tion. Part II Enteral Nutrition. J Am Diet Assoc 2007;107:988–96,1374–80.

15] Villey M. Droit et Droits de l’homme. Paris: PUF; 1983.16] Thiel MJ. Alimentation et nutrition en fin de vie. Nutr Clin Metab

2009;23:42–5.17] Beck AM, Balknäs UN, Fürst P, Hasunen K, Jones L, Keller U, et al.

Food and nutritional care in hospitals: how to prevent undernutrition–reportand guidelines from the Council of Europe. Clin Nutr 2001;20:455–60.

18] Beck AM, Balknäs UN, Camilo ME, Fürst P, Gentile MG, Hasunen K, etal. Hoc group on Nutrition Programmes in Hospitals. Council of Europe.Practices in relation to nutritional care and support–report from the Councilof Europe. Clin Nutr 2002;21:351–4.

19] Crenn P, Poisson-Salomon S, Puissant MC. Prescription médicalediététique pratique chez l’adulte à l’hôpital. AP–HP, Doin-Lamarre, Rueil-Malmaison 2005.

20] http://www.sante.gouv.fr/htm/pointsur/nutrition/index.htm Portail santé-solidarités, rubrique Nutrition du Ministère de la Santé.

21] Rosanvallon P. L’état en France de 1789 à nos jours. Paris: Le Seuil; 1990.22] Pitcho B, Sebag-Depadt V. Droits fondamentaux et pratiques soignantes.

Paris: Vuibert; 2008.23] Hébuterne X, Raynard X. Un comité d’éthique pour la Société francophone

de nutrition clinique et métabolisme. Nutr Clin Metab 2008;22:41–2.