Le primat de l'existentiel

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    Le primal de l 'existentielS a p o r t e e e t i q u e e t r e l i g i e u s e

    G A B R I E L M A R C E LParia

    I I impor te de marquer tou t d ' abord comment ce pr imal de l ' ex i stent ie l ne doi t pas t re congu.Dans le pet i t l ivre de vulgar isat ion int i tulVExislentialisme est-il

    un humanisme? Sartre a cr i t ceci : "Ce que les exis tent ia l is tes ont encommun, c 'es t s implement le fa i t qu ' i ls es t iment que l 'exis tence precedel 'essence, ou s i vous voulez qu ' i l faut par t i r de la subject ivi t" . Oppo-san t l ' homme a un produi t fabr iqu qu i es t en que lque fagon precedepa r son prop re co ncept , Sar t re , dec lare qu e si Die u n 'exis te p as i l ya au moins un tre chez qui l 'exis tence precede l 'essence, un tre quiexis te avant de pouvoir t re df ini par aucun concept , e t que cet t re

    c 'es t l 'homme, ou s i l 'on veut , la ral i t humaine. Que veut-on dirquand on aff i rme que l 'exis tence precede l 'essence? "On veut dirque l 'hom m e exis te d ' abord , se renc ont re , surg i t dans le m ond e e t qu ' i lse dfinit aprs". L'homme tel que le conQoit l 'existentialiste, s ' i l n 'estpas df inissable , c 'es t qu ' i l n 'es t d 'abord r ien. I I ne sera qu 'ensui te , e ti l sera tel qu' i l se sera fait . Ainsi i l n 'y a pas de nature humaine, puis-qu ' i l n 'y a pas de Dieu pour la concevoir. "L 'homme est non seulementtel qu' i l se congoit , mais tel qu' i l se veut, et comme il se congoit aprsl 'exis tence, comme i l se veut aprs cet lan vers l 'exis tence, l 'honunen 'es t r ien d 'autre que ce qu ' i l se fa i t" .

    Mais i l es t craindre que ce dveloppement ne recouvre les plusgraves confusions et nous fasse passer sans t ransi t ion d 'un t ruisme une absurd i t . Heidegger, dont Sar t res'est longtemps rec lam, a p rotest de la facn la plus expresse, notamment en ma prsence i l a deuxans , contre la fagon dont sa pense a t interprte par l 'auteur deUtre et le Nan t. I I a declar que c 'es t un non-sens phi losophique depr ten dr e que 1' exis tence prec ede l 'essence. Je dirai plus exactem ent

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    que si ce n'est pas un non-sens c 'est un l ieu commun. Qui en effet ajamis pu contester que Thomme exis te avant de se def inir e t commentpourra i t - i l en t re au t rem ent? En langage hg lien il est phno mn olo-giquement vrai que Tinundiat precede le mdiat is . Cela s ignif ie- t - i lque rhomme es t d ' abord r ien? Le ra i sonnement semble t re en grosle suiv an t ; la o un tre n 'es t pas encor p ou r soi , i l f au t ou bien qu ' i lsoi t pour Dieu ou qu ' i l ne soi t r ien (dans cet te perspect ive, i l es t fa i tcur ieusement abs t rac t ion de l ' t re en so i ) . Or i l ne peut na ture l lementpas t re pour Dieu pour cet te s imple raison qu ' i l n 'y a pas de Dieu.C 'es t done la seconde hypothse qu ' i l convien t de re te i r. L 'hommeavant de s'tre dfini n 'es t r ien, ce qui revient dir que pour lui sedefinir c 'est se vouloir et se projeter.

    Mais tout d 'abord de quel homme s 'agi t - i l ic i? Si on par le de te l t re humain en par t icul ier, i l es t t rop vident qu ' i l a commenc t repour d 'autres , ne serai t -ce que pour ses parents . Mais comme l 'a fa i tt res jus temen t observer F ie r re Bo utang , l ' homm e chez Sar t re n ' es t n ile f i ls ni le pre de personne et on ne pourrai t r introduire dans sonsystme une fi l iation relle sans le faire clater. II semble d'ail leurs la vr i t qu ' i l s 'agisse plutot ic i de l 'homme en general . Seulementl 'hom m e en genera l c 'es t un e essence. M ieux vaud rai t don e s 'exprim ercomme sui t : chez l 'homme l 'essence n 'accde la comprhension de

    soi qu ' t ravers l ' ex is tence e t pa r son m oy eo form ule qu i n ' a abso lu-ment plus r ien de scandaleux, mais qui r tabl i t au fond la pr ior i t del 'essence ou quelque chose qui y ressemble beaucoup. Je noterai enpassant qu ' i l y a quelque chose de fcheux introduire ic i le mot pr ior i t , avec les rfrences invi tablement temporel les qui s 'y a t tachent .

    Notons d 'autre par t que la phrase: i l n 'y a pas de Dieu pour con-cevoir la nature humaine se s i tu non point du tout sur le plan exis-tent ie l , mais sur celui d 'un athisme objecti f e t prc r i t iqu e. I I f aud rai tproceder d 'abord une analyse rf lexive porlant sur leil y a, elle per-mettrai t de voir que s i ees mots ont un sens, c 'es t seulement la oil s'agit de quelque chose qui es t donn en fai t , ou qui es t suscept ibled ' t re propos dans l 'exprience; mais i ls doivent au contraire t reregards comme par fa i tement inadquats l a o i ls'agit d 'un t re t rans-Cendant. II est vrai que le mot t ranscendance est pr is chez Sartre e tchez un grand nombre de ph i losophes contempora ins dans un sensent i rement dva lu . Quoi qu ' i l en so i t , tou t ce qu 'on pour ra admet t rec'est que l 'tre humain tel que Sartre le conQoit ou l ' imagine, en se

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    vivant lui-meme subjectivement, en se faisant projet, en choisissant en

    somme le monde qui s 'accorde le mieux avec le clioix qu'i l fait de lui-m m e, pre nn e pa rt contre un D ieu dont i l ne veut pas . De ce poin t devue la formule de l 'a thisme, c 'es t : je me comporterai comme quel-qu 'un qui en tend v ivre dans un monde sans Dieu . On pourra i t d i rencor que l 'a thisme releve de la psychanalyse exis tent ie l le e t d 'e l leseule , e t c 'es t par une trange inconsquence que Sartre prtend sous-tendre sa phi losophie une aff i rmation non pas exis tent ie l le maisobject ive: I I n 'y a pas de Dieu au sens o un astronome dclarerai tqu ' i l n 'y a pas d 'hommes dans la lune .

    On n ' ignore pas que Sar t re a pr tendu dmontrer l ' imposs ib i l i t del 'existence de Dieu, mais i l s'est ap pu y dans ce bu t sur l 'oppo si t ionde Ten soi t e t du pour soi te l le qu ' i l l 'a lui-mme inst i tue; or, nepourra i t -on pas formuler ic i cont re lu i l e reproche que P la tn adresse celui qui ne sait pas dcoupercomme i l faut? Et la contradict ion laquel le i l se heurte n 'es t-el le pas inscr i te dans ees prmisses el les-mmes? On pourra i t en e ffe t mont rer a i sment que la c r i t ique sar-t r ie nn e, si e l le tai t vala ble , abou t irai t la ngat ion de l 'am ou r sousson aspect essent iel , de tout amour vri table; de fai t , i l n 'y a r ien dansL'tre et le Nantqui permet te non seulement de comprendre mais de

    reconnai t re l 'amour dans sa spcif ic i t ; e t par la l 'auteur s ' inscr i t enfaux cont re l ' expr ience humaine la p lus i r recusable , une expr iencequi ne peut t re re fuse qu 'au nom d 'un a priori.

    Mais la vr i t ne serai t -el le pas que Sartre se forme de l 'exis tent ie lun e not io n no n seulem ent incom plte mais f ausse, e t qui ne corre spo ndpas ce que Kierkegaard ou Jaspers ou moi-mme nous avons jamisentendu par la? J 'es t ime en tout cas , pour mon compte, que s ' i l es tpermis de parler d 'un pr imat de l 'exis tent ie l c 'es t d 'un pr imat del 'exis tence par rapport l 'object ivi t qu ' i ls'agit, et i l y aura l ieu de sedem and er s i , dans ce pr i m at , des valeu rs ou des rud im ent s de va leurne sont pas en ral i t dj impliques alors que de l 'object ivi t lavaleur aucun passage n 'es t concevable.

    Je me r frera i d 'abord mo nJournal Mlaphysiqueet l 'art iclein t i tu l Existence et Objectivit,qui tout au moins quant la date derdact ion, ont precede de plusieurs annes la publ icat ion de Seinund Zeit.

    Je part i ra i ic i d 'un texte qui me parai t t res importan! et qui datedu 2 fvrier 1922. Ayant au pralable , par t i r de l 'exprience du

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    toi, cherch def inir ce que peut t re un Toi absolu, j 'en viens medemander si je peux dpasser la posit ion de ce Toi absolu conime idee,c'est--dire s'il est legitime d'affirmer son existence. S'il me paraitul i le de rap pele r au moins par l ie l lem enl ce texte avant de le c om men ter l 'a ide de not ions labores ul t r ieu rem ent , c 'es t que , si je ne metrompe, c 'es t cet te dale qu ' intervienl pour la premicre fois cx-plicitement la distinction entre existence et objectivit.

    "Chaqu fois que je me ret rouve en prsence de cet te impossibi l i td 'aff i rmer Texis tence du recours absolu, je me sens envahi nouveaupa r le m me malaise . Je ne puis m'em pcl ier de me dem and er s i je n a lpas alore affaire simplement a une idee qui est en deg de l 'existence.

    Au fond la question est toujours de savoir comment i l est possibled 'arr iver concevoir un Toi qui ne soi t pas en mme temps un Lui . Latenlation est grande de voir dans ce Toi pour une sorte de projectionillusoire qui n 'a pas, si je puis m' exprimer ainsi , de quoi exister. C'estla-dessus qu' i l serait indispensable d 'arriver s 'expliquer.

    Je ne saurais a t tacher t rop d ' importance cet gard ce quej ' cr i -vais en avr il de rni er. II ne peu t tr e que stion disais-je, d 'e nfe rm er D icudans le cercle de ses relations avec moi. Dieu est tel que je ne comptepas seul po ur lui . Seule m ent pa r la des difficults surgissent. Est-ceque je ne resti tue pas en effet Dieu indirectemente cette objetivit

    mme que je croyais impossible de lui a t t r ibuer? Je sens confusmentque toute cet te phi losoph ie de r inv oca l ion a besoin d ' t re largie: q u ' i lfaut br iser les cadres t rop t roi ts dans lesquels je l 'a i d 'abord concue,mais d 'autre part est-ce que je ne risque pas de me priver par lades prcieux avantages que je devais la fagon stricte dont je posisini t ia lem ent les ques t ions . . . Au fond depuis plus d 'un an et sansdoute depuis beaucoup plus longtemps, mais d 'une fagon tout fa i tconfuse, je tends a dissocier radicalement les idees d 'existence etd 'objectivit; et c 'est peut-tre a ce point de vue surtout que mes rc-flexions antrieures sur le corps sonl importantes. Les choses existentpour moi dans la mesure o je les regarde comme le prolongement demon corps . Mais d 'autre par t je ne les pense comme objets que dans lamesure o je me place au point de vue des autres , de n ' importe qui ,e t f in a le m e n t, d e p e r s o n n e . . . "

    I I conviendrai t de reprendre la quest ion cntrale souleve ic i , maisen usant cette fois d 'un langage plus strict . On pourrait dir que le moide l ' invocatio n, c 'est--dire le mo i oran t, se l ieur te un e reflexin cri-

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    t ique axe sur l 'object , e t qui prtend rappeler ce Moi orant qu ' i lpourrai t bien tre vict ime d 'une i l lusion, car en ral i t i l es t bienpossible qu ' i l ne soi t pas en prsence de quelqu 'un d 'autre , qu ' i l n 'ya i t personne pour l ' en tendre e ta fortiori pour lu i repondr . C 'es t l aune ref lexin cr i t ique du premier degr qui se place sur le terrain duil y a. On part au fond ici de l ' ide que le moi orant se met en commu-nicat ion avec quelque chose ou quelqu 'un qui n 'exis te peut-tre pas ,i l n 'y a peut-tre pas de rcepteur ou de dest inataire . Mais c 'es t juste-ment cet te assimilat ion de la pr ire la mise en communicat ion objoc-t ive qui doi t t re absolument rejete. L ' ide d 'une te l le communicat ionest en effet l ie celle d'un espace o des localisations, des reprages

    peuvent t re e ffec tus ; mais le fa i t mme de pr ie r impl ique qu 'on d-passe ce plan.

    On re trou ver ai t ic i la cr i t iq ue qu e j 'a i cru pou voir adresse r laconcept ion qu 'au nom d 'une science mal comprise on se forme cou-ramment de la sensat ion. J 'a i cherch montrer que cel le-ci ne peut enaucun cas tre interprte comme la rcept ion de quelque chose quiserai t analogue un message mis et t ransmis. Etant donn que toutmessage suppos e un e sensat ion, i l ne peu t pas tre legi t ime de voir da nsle sent i r un mode de communicat ion qui s 'exercerai t en quelque sorte

    entre deux postes dis t incts .Mais ceci est infiniment plus clair la o ils'agit de la pr i re . Nousne pou von s en aucu n cas , e t cela sous pein e de la mc on nai t re e n sonessence mme, nous la reprsenter comme si e l le tai t un appel lancpar un certain poste et comme s ' i l y avait l ieu de se demander si elleest ou non capte par un autre poste , une sorte de cntrale t lphoni-que qui serai t Dieu. Cet te reprsentat ion grossire , fondee sur les don-nes de la technique, de la pense ou de l ' imaginat ion technicienne, es tsans dou te de cel les don t nous somm es bien plus pr i son nier s qu e nou s lecroyons nous-mmes. Mais le propre de la pense exis tent ie l le , en tantqu 'el le t r iomphe de la tentat ion de l 'object ivi t , es t justement de nousen l ibrer. Observons d 'a i l leurs que cet te l ibrat ion ne peut jamis t re comple te , qu 'e l le ne peut pas t re obtenue une fo is pour tou tes ;car tant que nous vivons notre vie terrestre , nous sommes invi table-ment exposs cet te tentat ion; tout ce que nous pouvons esprer c 'es td 'entrevoir le chemin par lequel i l es t possible de s 'en l ibrer en effet .

    De mme i l es t cer tain que cet te t ranscendance se presentera l ' imagina t ion f igura t ive comme dpassement espa t ia l , un dpassement

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    vers le haut ; mais i l n 'y a pas res ter pr isonnier de cet te f igurat ion. I I

    convient en ral i t de rompre avec l 'opposi t ion commune et pragmat i -qu e entr e ic i e t a i l leurs . I I faut ee rap pe ler avec Saint-Au gust in qu ecelui que je pr i e m'es t p lus in tr ie ur qu e moi-m m e: c 'es t la la ngat ionrame de l 'oppos i t ion en quest ion. Mais cet te ngat ion n 'es t qu 'un p urflatus vocis s i Fon se place dans le monde des objets , car chaqu ob-je t es t par df ini t ion, extr ieur d 'autres objets . Peut- t re vrai d i rserai t - i l poss ible de montrer que la physique e l le-mme tend jusqu 'u n cer ta in point s 'aff ranchir de cet te rep rse ntat ion . M ais je nem'aven ture ra i pas sur ce t e r ra in qu i n ' e s t pas l e men . En revanche , cequi est tout fait clair c 'est que l 'existentiel ne se pose dans sa rali t

    ou sa valeur spficique que la o i l est fai t table rase de cette f igurat ion spat ia le . Et c 'es t en cela que consis te prcisment l ' importancemtaphys ique pr imord ia le de ce que j ' a i appe l l ' incarna t ion , c ' e s t - -dire de la s i tuat ion d 'un t re qui s 'apparai t comme l i a un corpsdont i l peut di r ce corps est le mien. Ce qu i es t en e ffe t r em arq uab lec'est que Veccit vcue me con t ra in t reconna t re que je ne su i sjamis exclusivement la o je suis , mais que je suis en mme temps e tncessairement a i l leurs ; e t ic i peut- t re le mieux es t - i l de se rfrer la s i tuat ion exemplaire qui es t cel le de l 'exi l ; l ' exi l n 'es t pas exclusivement , i l n 'es t peut- t re rame pas pr incipaleraent la o i l v i t , la oi l es t condamn vivre , i l es t b ien plus encor la o i l n 'es t pas lao i l n 'es t p lus , la o i l n 'es t pa s enco r de re tou r. Un e ref lexin app ro-f ond ie sur no tre mo de d 'exis tence ne p erm et t ra i t -e l le pas de dc ouv ri rque chacun de nous es t par essence exi l , mme lors-qu ' i l es t chezlui ou plus profondment que c 'es t condi t ion de se sent i r exi lqu ' i l dpasse u n mo de d ' ex is tence pu rem ent inm dia t e t en q ue lq ueso r t e p r hu ma in?

    II va d 'a i l leurs de soi que plus Thomme deviendra esclave de sespropres t echn iques , de l a t echn ique en genera l e t d 'une ce r ta ine ph i -losophie visees technocrat iques , p lus i l sera incapable de se sa is i ra ins i dans sa t ranscendance l 'opposi t ion del'ici et de l 'a i l leurs , p lusi l se rduira une sor te de machine placee sur un cer ta in plan de lasurface terres t re , suscept ible de produire cer ta ins effe ts , e t de donnerun ce r ta in rendement . On ne peu t p lus a lo re en aucune fa^on par le rd ' incar na t ion , n i d ' a i l l eurs de c ra t io n ; e t i l e s t de tou te imp or tanc e deremarquer que du .mme coup la poss ib i l i t e t de l ' o ra i son e t de l a

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    contem plat ion tend s 'anan t i r pr cism ent parc e que l 'exis tent ie l

    disparai t au sein de l'objectif.Mais du mme coup apparaissent les valeurs l ies Fexistent iel .

    Peut-tre n'est-ce pas assez dir. Peut-tre convient-il de pensar con-trairement aux thses d 'un idal isme pi is que c 'es t rexis tent ie l quiest en ral i t la racine de la valeur. Ceci pourrai t e t re niontr de plu-s ieurs manieres .

    J 'a i fait souv ent allusio n d aus mes crits ce qu e j ' ai app el lespuissances d 'mervei l lement; e l les sont l ies un tat d 'accuei l ou dercept ivi t cratr ice dont i l es t impossible de rendre compte par t i rdes catgories qui sont celles du monde des objets.

    J 'a i cherch montrer a i l leurs Timportance de la dis t iuct ion entreaccueil et saisie; la saisie porte sur l 'objet, Taccueil s 'adresse la pr-sence; car la prsence en tant que te l le ne pourrai t t re sais ie ou cap-ture sans tre aussi tt dtrui te . On pourrai t d 'a i l leurs exprimer cecidans un autre langage en disant que le rapport de prsence prsenceest un rapport de l iber t l iber t . On devra noter d 'a i l leurs que cete rme de rap po r t est i c i inde quat , pou r au tan t que le rap po r t imp l iquedes term es. Bradley a en ef f e t m on tr adm irab lem ent les c ontradict ion sdans lesquel les la pense r isque toujours de s 'embarrasser lorsqu 'el le

    cherche def inir termes et rapports . Ic i , cet assemblage, ce makeshift,doit justement tre dpass ou br is; la prsence n 'es t pas un terme quiserai t pour un autre terme ou devant un autre terme. C'est un langagequi doi t ic i t re regard comme ent ierement inadquat . Le role de laphi losophie exis tent ie l le ne consis terai t - i l pas justement dcouvrir(plutt d ' a i l leurs qu ' inventer) par t tonnements successifs un moded'expression q ui correspon de ce type de ral i t ? C 'est d 'a i l leurs danscet te perspect ive, noterai- je en ce qui me concerne, qu 'on apercoi tdis t inctement le role majeur qui a t e t reste celui du thatre dansmon oeuvre. Role prospectif. I I fau t seu lement pour le comprendre

    garder prsente a l 'espri t la diffrence de regis tre entre le drame lui-m me qui est inter-subject i f, e t le com pte-rend u qu 'en do nn e celuiqui cherche en dgager le contenu: dans ce compte-rendu les prsen-ces deviennent prcisment des termes. On pourrai t dir dans cet te[erspect ive que le probleme diff ic i lc que tout cr i t ique dramatique setrouve avoir resondre consis te prendre d 'abord conscience de cet tedformation inevi table , e t faire en sorte que le lecteur procede unereconversin intr ieure qui lui permette de revivre comme un echo

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    du drame au l ieu de s 'en teir l 'espece de projecl ion iner te qu 'es t le

    compte- rendu .Ce ne sont point la du tout des digressions, car, en dernire analyse,l 'exis tenl ie l c 'es t r inter-subject i f ; e t r intersubject ivi t n 'es t pas s im-plement change ou communion entre des consciences dis t inctes lesunes des autres , e l le es t en ral i t une dimensin fondamentale de laconscience el le-mnie comme le demontre la s t ructure mme du motcon-science.

    La est d 'a i l leurs aussi Fuique fondement possible de l 'admirat iondont Descar tes avai t eu le mri te de reconnai t re le pr imat . On retrouveici les puissances d 'mervei l lement , e t i l y aurai t a se demander s i une

    thique digne de ce nom, qui ne peut t re sans doute que d 'essencerel igieuse, ne devrai t pas justeraent s 'ord onn er p ar ra pp or t eespuissances, seules capables de rvi ta l iser perptuel lement une vie quiautrement r isque toujours de s 'engourdir ou de dchoir.

    Ce n'est pas tout. Du point de vue existentiel , c 'est--dire dans lesperspect ives d 'une phi losophie de la prsence, le propre de Thommeest d 'a t tes ter, e t l 'a t tes ta t ion implique le courage. Entre valeur e tcourage i l existe une connexion troite dont la langue fran^aise classi-que conserve la t race mais quis'est t rangement re lche de nos jours ;i l es t d 'autant plus ncessaire de rtabl i r cet te connexion que c 'es t lemoyen le plus sur de lut ter contre une tendance funeste object iverles valeurs , e t du mme coup les degraden

    Mais ees considrat ions ne portent pas exclusivement sur le do-maine thique, e l les sont de la plus grande importance pour la phi losophie re l igieuse et sans doute pour la thologie e l le-mme. La encor,comme l 'avai t vu s i for tement Berdiaeff, c 'es t contre robject ivat ionqu' i l faut lut ter mais non pas bien entendu au nom d 'xm subject ivismequi se s i tu en-deg de l 'object . Le dpassement ne peut avoir l ieu quesi l 'opp ositio n d u sujet et de l 'objet est dpasse no n po int au sein d'u ne

    intui t ion intel lecluel le comme cel le des post-kant iens , de Schel l ing enpar t icul ie r, ma is dans une p ar t ic ip at ion l ' t re o la l iber t e t la grces ' a r t i cu len t t ro i tement .

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