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1 Docteur Jacques COVIN XVièmes Journées de la FAFORMEC Président de l’ASOFORMEC Abbaye Royale de Fontevraud 25 & 26 novembre 2011 Le Sang et les défenses xùe wèi I – Point de vue de la médecine occidentale : 1 – Les mécanismes de défense : Les mécanismes de défense regroupent tous les phénomènes qui maintiennent l’intégrité de l’organisme. Ils utilisent des processus de mémorisation codés, invariables, héréditaires. Ils comprennent la réaction inflammatoire, les agents cellulaires et les facteurs humoraux. Ils peuvent mettre en route les phénomènes d’immunité, celle-ci étant définie comme la discrimination entre le Soi et le Non-Soi. 2 – La réaction inflammatoire : 1. étape métabolique : agrégation plaquettaire, dégradation mastocytaire, sécrétions de médiateurs (sérotonine, histamine, prostaglandines, leucotriènes, thromboxane). 2. étape vasculaire : une vasodilatation in situ engendre une exsudation plasmatique de substances anti-bactériennes (complément, transferrine, hapto-globuline, neuropeptides, …). 3. accumulation cellulaire : granulocytes, puis monocytes. 4. phagocytose : six heures après l’agression, libération in situ de macrophages avec dégranulation des leucocytes et libération d’une enzyme hydrolysante pour la destruction bactérienne. 3 – Les agents cellulaires : Ce sont les phagocytes du sang qui regroupent les granulocytes et les macrophages. Les granulocytes (polynucléaires neutrophiles et polynucléaires éosinophiles) détruisent les agents pathogènes, soit en les digérant, soit en mourant, engendrant alors le pus. Les macrophages, provenant des monocytes, sont capables : - de moduler la fièvre, l’inflammation et l’immunostimulation. - d’induire l’immunosuppression par les prostaglandines. - d’agir sur les infections virales par l’interféron alpha.

Le sang et les défenses médecine chinoise

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Docteur Jacques COVIN XVièmes Journées de la FAFORMEC Président de l’ASOFORMEC Abbaye Royale de Fontevraud 25 & 26 novembre 2011

Le Sang et les défenses

血 xùe 衛 wèi

I – Point de vue de la médecine occidentale : 1 – Les mécanismes de défense : Les mécanismes de défense regroupent tous les phénomènes qui maintiennent l’intégrité de l’organisme. Ils utilisent des processus de mémorisation codés, invariables, héréditaires. Ils comprennent la réaction inflammatoire, les agents cellulaires et les facteurs humoraux. Ils peuvent mettre en route les phénomènes d’immunité, celle-ci étant définie comme la discrimination entre le Soi et le Non-Soi. 2 – La réaction inflammatoire :

1. étape métabolique : agrégation plaquettaire, dégradation mastocytaire, sécrétions de médiateurs (sérotonine, histamine, prostaglandines, leucotriènes, thromboxane).

2. étape vasculaire : une vasodilatation in situ engendre une exsudation plasmatique de substances anti-bactériennes (complément, transferrine, hapto-globuline, neuropeptides, …).

3. accumulation cellulaire : granulocytes, puis monocytes. 4. phagocytose : six heures après l’agression, libération in situ de macrophages avec

dégranulation des leucocytes et libération d’une enzyme hydrolysante pour la destruction bactérienne.

3 – Les agents cellulaires : Ce sont les phagocytes du sang qui regroupent les granulocytes et les macrophages. Les granulocytes (polynucléaires neutrophiles et polynucléaires éosinophiles) détruisent les agents pathogènes, soit en les digérant, soit en mourant, engendrant alors le pus. Les macrophages, provenant des monocytes, sont capables :

- de moduler la fièvre, l’inflammation et l’immunostimulation. - d’induire l’immunosuppression par les prostaglandines. - d’agir sur les infections virales par l’interféron alpha.

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4 – Les facteurs humoraux : Le lysozyme : c’est une enzyme hydrolysante qui agit sur les mucopolysaccharides et détruit les parois de certaines bactéries. Il est présent dans certains liquides organiques, dont les larmes, et dans de nombreux tissus. Le complément : c’est une substance thermolabile complexe présente dans le sérum normal et comprenant neuf fractions. Cette substance est capable de détruire les bactéries. 5 – La réponse immunitaire : Elle peut être humorale (avec les anticorps qui sont des immunoglobulines produites par le lymphocytes B), ou cellulaire (lymphocytes T et cellules NK, natural killer). Les lymphocytes B : ils sont produits par la moelle osseuse. Quand un lymphocyte B rencontre un antigène spécifique, il prolifère et engendre des plasmocytes et des cellules à mémoire (qui réagissent donc plus rapidement), avec sécrétion d’une grande quantité d’anticorps. Les anticorps (ou immunoglobulines) sont surtout responsables de l’opsonisation (processus par lequel les bactéries sont altérées de telle sorte qu’elles puissent être englouties par les phagocytes).

- Les immunoglobulines A sont apparentées à une « glu » qui empêche l’entrée des facteurs pathogènes à travers la muqueuse. Elles sont retrouvées dans la salive, les larmes, les sécrétions bronchiques et digestives. Elles fournissent une défense précoce contre les virus et les bactéries.

- Les immunoglobulines G représentent le premier médiateur de la réponse immune secondaire contre les virus et les bactéries. Elles neutralisent les toxines bactériennes, fixent le complément et stimulent la phagocytose par opsonisation. Elles provoquent l’agglutination et la cytolyse. Elles jouent un rôle dans la « réponse mémoire ». - Les immunoglobulines M sont les premières à apparaître après stimulation antigénique. Elles réduisent la diffusion des particules extra-cellulaires, toxines, etc. Elles fixent le complément, assurent l’opsonisation, provoquent l’agglutination et la cytolyse.

Les lymphocytes T : ils sont liés à l’immunité à réponse cellulaire. Les cellules tueuses T cytotoxiques agissent sur les cellules infectées par les virus, elles induisent la lyse des cellules infectées par perforation ou désintégration interne.

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L’interféron : c’est une glycoprotéine, spécifique de l’espèce infectée. Il est rapidement produit par les cellules infectées par le virus, inhibe la reproduction virale et stimule également la réaction immunitaire cellulaire.

II – Point de vue de la médecine chinoise traditionnelle :

1 – Etude du caractère 衛 wèi : défense. La partie centrale est formée du caractère 韋 wéi qui représente le cuir travaillé (deux

hommes qui tirent et retournent la peau pour la tanner et obtenir ainsi le cuir dont on fait les cuirasses, les boucliers, les protections) ; le sens de ce caractère est « protéger, comme les gardes protègent le roi en l’entourant ».

Ce caractère est placé au centre du caractère 行 xíng qui signifie « faire route, marcher en

bon ordre, corps d’armée » ; l’interprétation traditionnelle y voit le tour de garde accompli par la patrouille militaire, le mouvement régulier des guetteurs qui arpentent les chemins de garde autour du palais.

Le caractère 衛 wèi signifie donc « escorter, protéger, défendre » ; il désigne aussi la zone

concentrique entourant le domaine impérial, la plus extérieure, formant donc les frontières du pays. 2 – Les agents pathogènes :

En Médecine Traditionnelle Chinoise, la maladie (bìng 病) apparaît lorsque les activités du

yīn yáng 陰 陽 se dérèglent, déclenchant des mouvements contraires à l’ordre naturel.

Cette désorganisation du yīn yáng, des Essences et des Souffles, de leurs circulations et de leurs transformations, peut être provoquée par des causes exogènes, endogènes ou non exogènes – non endogènes.

- Les causes exogènes : les six dérèglements liù yín 六 淫 Quand :

– les six Souffles des quatre saisons sont en excès, – ils débordent de leur temps normal, – ils sont trop faibles ou qu’ils n’arrivent pas en leur temps,

alors, ils ne sont plus corrects et leurs dérèglements peuvent engendrer des maladies. Ces agents pathogènes externes pénètrent dans le corps par la peau ou les voies respiratoires, pervertissant les Souffles corrects de l’organisme.

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- Vent fēng 風 : il correspond au printemps.

- Chaleur shŭ 署 : c’est la chaleur torride du plein été qui succède à la

chaleur plus douce d’avant le solstice d’été, appelée la « Tiédeur » wēn 溫

- Humidité shī 濕 : elle correspond à la fin de l’été et au début de l’automne.

- Sécheresse zào 燥 : elle correspond à l’automne.

- Froid hán 寒 : il correspond à l’hiver.

- Feu hŭo 火 : quand on fait correspondre ces six agents pathogènes aux Cinq

Modalités, le Feu disparaît et seule la Chaleur correspond alors à l’élément Feu. Le Feu existe en tant qu’Energie naturelle du corps : par exemple, le Feu de

mìng mén 命 門 火, indispensable à la production du Souffle.

Ici, le Feu pathogène correspond à une chaleur forte, brûlante, engendrant la montée et l’agitation. Le plus souvent le Feu pathogène est d’origine interne, produit par une perturbation physiologique ou par la transformation des émotions ; on parle

alors de Chaleur interne (nèi rè 內 熱).

- Les causes endogènes : les sept sentiments qī qíng 七 情 En Médecine Traditionnelle Chinoise, les réactions émotionnelles sont vues comme des perturbations des mouvements normalement régulés du Souffle. Les réactions émotionnelles, lorsqu’elles ne dépassent pas certaines limites, font partie du fonctionnement normal de tout être humain. A la suite de perturbations brutales, prolongées ou répétées, elles peuvent prendre des proportions excessives et perturber l’organisme en stimulant trop fortement les mouvements spécifiques des Souffles ; ces réactions émotionnelles peuvent alors directement affecter les

Organes-recel (zàng 臟) et provoquer ainsi des maladies.

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Les sept sentiments sont décrits dans le chapitre 39 du Huang Di Nei Jing Su Wen 黃 帝 內 經 素 問 :

- la colère nù 怒 : elle est rapportée au Foie gän 肝 ; la colère fait refluer

le Souffle vers le haut.

- l’allégresse xĭ 喜 : elle est rapportée au Cœur-conscience xīn 心 ; l’allégresse ralentit le Souffle car l’aire de déploiement de celui-ci est plus large. Remarque : 樂 lè : la joie, c’est le bien-être d’une vie qui compose

harmonieusement ses éléments et ressent ainsi la vibration céleste.

- la frayeur jīng 驚 : elle est rapportée au Cœur-conscience xīn 心 ; la

frayeur trouble le Souffle.

- la pensée obsessionnelle sī 思 : elle est rapportée à la Rate pí 脾 ; la

pensée obsessionnelle entraîne une stagnation du Souffle qui est alors « noué » : l’Esprit individuel shén 神, à peine parti, revient !

- la tristesse bēi 悲 : elle est rapportée au Poumon fèi 肺 ; la tristesse

entraîne une dissolution du Souffle. La tristesse correspond à un mouvement chronique, se rapprochant ainsi de la mélancolie.

- le chagrin yōu 憂 : il est rapporté au Poumon fèi 肺 ; le chagrin entraîne une

dissolution du Souffle. Le chagrin est un sentiment teinté d’anxiété correspondant à une compression d’un territoire de dialogue affectif, un territoire du Cœur-conscience n’étant plus alors fonctionnel ; c’est un mouvement brutal, aigu.

- la peur kŏng 恐 : elle est rapportée aux Reins shèn 腎 ; la peur entrave la

circulation du Souffle.

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- Les causes non exogènes – non endogènes :

- L’alimentation yĭn shí 飲 食 :

Elle est indispensable à la vie de l’Homme. Elle peut devenir une cause de maladie lorsque : – les aliments sont quantitativement inadaptés, – elle comporte des substances impropres à la consommation, – elle est déséquilibrée sur le plan de l’équilibre yīn – yáng, de la nature des aliments ou de la prédominance d’une saveur particulière.

- Les épidémies yì lì 疫 厲 :

Ce sont des maladies très contagieuses qui apparaissent brutalement et présentent des signes de toxicité élevés. Elles dépendent souvent de facteurs liés à l’environnement, à l’alimentation et / ou aux conditions sociales.

- L’excès de travail ou d’inactivité láo yì 勞 逸 :

L’excès de travail peut être : o physique, induisant un épuisement progressif des Souffles. o intellectuel, avec épuisement de l’Energie de la Rate et du Sang du Cœur. o sexuel, entraînant l’épuisement du Principe Vital des Reins.

L’excès d’inactivité perturbe la circulation du Souffle et du Sang.

- Les traumatismes wài shäng 外 傷 : Ce sont les blessures causées par les armes, les traumatismes divers, les brûlures, les engelures, les piqûres ou les morsures d’animaux …

- Les parasitoses jì shēng chóng 寄 生 蟲 : L’ingestion d’aliments souillés en est la cause principale.

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3 – Les agents de défense :

Le Foie gän 肝

Il thésaurise (cáng 藏) le Sang.

Le chapitre 8 du Huang Di Nei Jing Su Wen 黃 帝 內 經 素 問 nous dit : « Le Foie a la

charge de commandant des armées ; analyse de conjoncture et conception des plans en procèdent ». Le Foie donne l’élan pour faire circuler et s’écouler, pour faire pénétrer partout sans difficultés et sans obstacles, permettant ainsi le bon déplacement des Souffles, ce qui permet alors le bon fonctionnement des Organes … Il garde le Sang (base yīn) et en régule la quantité disponible dans l’organisme en le libérant à propos (effet yáng). Par sa capacité à dégager les blocages, il empêche les émotions et pensées de s’incruster dans l’Esprit et d’y faire des nœuds, ce qui pourrait alors agiter celui-ci et l’empêcher de se libérer.

Le Sang : xùe 血 Le Sang est la visibilité de la vie.

A la différence du Souffle – Energie (qì 氣), il est de nature matérielle : il est défini comme

un liquide rouge, très nutritif, qui circule dans les vaisseaux.

Il abrite le hún 魂, esprit associé au Foie.

Sa formation est décrite dans le chapitre 81 du Huang Di Nei Jing Ling Shu 黃 帝 內 經 靈 樞 : 腸 胃 受 穀 … 中 焦 出 氣 如 露 上 注 谿 谷 而 參 孫 脈 津 液 和 調 變 化 而赤 為 血 cháng wèi shòu gŭ … zhōng jiäo chú qì rú lù shàng zhù xī gŭ ér shèn sùn mài jīn yè hé tiáo biàn hùa ér chì wéi xŭe « L’Estomac et les Intestins reçoivent les grains … le Foyer moyen fait sortir le Souffle – Energie comme de la rosée (= ce sont les Souffles porteurs de Liquides Organiques extrêmement élaborés), cela monte et se déverse dans les petites et les grandes vallées (= les espaces inter-musculaires), et pénètre dans les vaisseaux fins comme des fils (= les capillaires) ; les Liquides Organiques superficiels et profonds s’harmonisent et s’accommodent, il y a alors changement et métamorphose et cela devient alors rouge pour former le Sang. »

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Sa formation se fait donc à partir des saveurs subtiles alimentaires (shuĭ gŭ jīng wèi 水 榖 精 味) transportées et transformées par l’Estomac-duodénum et la Rate ; celle-ci fait monter

la partie pure, à travers le diaphragme, vers le Poumon où elle se combine à la partie pure de l’air inspiré. Le Poumon la dirige ensuite vers le Cœur et le Maître Cœur (« le Cœur qui agit en maître ») et vers la superficie du corps où le Sang est alors formé.

L’Energie nourricière (róng qì 榮 氣 ou yíng qì 營 氣) et le Sang peuvent être considérés

comme deux aspects d’une même réalité. Les Liquides Organiques pénètrent également dans les Vaisseaux où ils maintiennent et régularisent la concentration du Sang.

La formation du Sang peut aussi se faire à partir du Principe Vital (jīng 精) du Ciel antérieur

contenu dans le Rein yīn et qui peut se transformer en Sang avec la participation du Foie. Les Reins sont les gardiens des Essences originelles : la fonction du Rein yīn est de modeler

les Essences, assimilées par la digestion, sur le yīn originel (yuán yīn元 陰) de façon à ce

que les Essences présentes et actives de l’organisme soient fidèles au yīn authentique (zhēn

yīn 眞 陰).

Si les Essences ont la qualité requise, les Souffles seront eux aussi fidèles au modèle originel. Le Rein yáng est garant de la quantité et de la force des Souffles, il soutient le yáng originel

(yuán yáng元 陽), ou yáng authentique (zhēn yáng 眞 陽), appelé aussi Feu de mìng mén

(命 門 火). Le Feu de mìng mén est ce qui permet à la vie de débuter et de continuer

jusqu’à son terme, en maintenant le fonctionnement du système organique et des circulations vitales.

Le Sang et les Souffles : xùe qì 血 氣 Le Sang vivifiant n’existe jamais sans les Souffles. La réalité du Sang, c’est un Sang qui circule, se distribue, se régénère, c’est-à-dire un Sang pénétré par les Souffles. Sang et Souffles présentent une intimité totale, une compénétration dans laquelle les deux éléments sont inséparables. La présence d’un agent pathogène modifie l’harmonie yīn yáng de la vitalité, ce qui est une altération du Sang et des Souffles.

Le Souffle authentique (zhēn qì 眞 氣) : l’authenticité réside dans la fidélité au naturel, à

sa propre nature ; c’est l’intégration au plus profond de soi-même du mouvement de la vie, analogue, en soi-même, à ce qu’il est dans l’Univers. L’accent est mis ici sur la fidélité à la source de vie.

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Le Souffle correct (zhèng qì 正 氣) : il suit les règles des échanges harmonieux du yīn et du

yáng et s’oppose aux Souffles pervers (xié qì 邪 氣).

Le Souffle correct n’est pas autre chose que le Souffle authentique, mais ici l’accent est mis sur le bon fonctionnement de l’organisme. Avoir un Souffle correct de bonne qualité permet à l’organisme de bien se défendre contre l’attaque des Pervers.

L’Energie défensive (wèi qì 衛 氣) : elle s’associe à l’Energie correcte pour former les

principes essentiels capables de protéger le Soi et capables de maintenir l’intégrité de celui-ci. Elle se renouvelle à partir de l’alimentation : étant yáng, elle s’appuie constamment sur le yīn pour nourrir sa puissance. Sa force centrifuge, ses qualités, prennent leur origine au Réchauffeur inférieur (xìa jiaō

下 焦), exprimant la potentialité du yáng originel (yuán yáng 元 陽). Elle enregistre ainsi,

à sa source, l’influence subtile des défenses archaïques de la lignée et de l’espèce et en subit aussi les tensions et les désirs. L’Energie défensive a une action sur les causes exogènes des maladies : pendant la veille, le Sang est extériorisé, poussé par l’Energie défensive, à partir des yeux, vers les points

« puits » (jĭng 井) aux extrémités du corps.

L’Energie défensive parcourt alors 25 tours (chaque tour s’effectuant en 28 minutes et 42 secondes, temps pendant lequel le niveau d’eau de la clepsydre descend de deux encoches), en

suivant les méridiens appelés « tendino-musculaires » (jīng jīn 經 筋 « mouvement

musculaire lié à un méridien »). Ce sont de larges bandes de diffusion sur la peau, les tendons et les muscles ; ces zones d’action déterminent le pouvoir de l’Energie défensive de réchauffement et de défense de la peau, en dirigeant la thermo-régulation et certains aspects de la sudation.

Principalement actifs en superficie, à l’avers (biăo 表), zone de la peau et des poils, elle y

maintient la juste température, y assure la circulation des Liquides et la bonne irrigation des couches de la peau ; elle contrôle l’ouverture et la fermeture des pores, laissant sortir la sueur et retenant les fluides essentiels. L’Energie défensive a aussi une action sur les causes endogènes des maladies : au moment de l’entrée dans le sommeil, il se produit un renversement de cette Energie, du Sang en direction de l’Intérieur, l’Energie défensive pénétrant par la voie du méridien des Reins

vers les cinq Organes-recel (zàng 臟).

Elle passe alors, dans sa dynamique nocturne, cinq fois dans chacun des cinq Organe-recel

selon le cycle de contrôle ou de domination (xīang kè 相 剋 ou xīang shèng 相 勝) de la

loi des Cinq Mouvements (wŭ xíng 五 行).

Cette dynamique de contrôle, placé sous la responsabilité du Foie, représente une remise en ordre avec évacuation des Energies indésirables.

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L’Energie défensive complète donc son rôle diurne par une activité nocturne destinée à exprimer et à résoudre d’éventuels conflits au sein des Organes-recel ou entre les Organes-recel eux-mêmes. Son circuit dans les cinq Organes-recel, à partir des Reins, permet à ces Souffles de garder les biorythmes spécifiques de l’individu, d’enraciner et de soutenir l’immunité.

Une partie de cette action s’exprime sous forme de rêves (mèng 夢) qui apparaissent pendant

les phases paradoxales du sommeil, l’individu possédant alors la capacité de contempler (shì

視 « voir avec les yeux de l’Esprit ») en lui-même.

Pendant le sommeil, le Sang et le hún 魂 retournent au Foie, dirigeant toute l’activité

onirique nocturne (ils n’interviennent cependant de façon active qu’au cours des cinq périodes pendant lesquelles l’Energie défensive dépendra du Foie). On peut supposer que l’ensemble des émotions, des désirs, des tensions, des défenses et des peurs survenus pendant la période de veille précédente, ait pu avoir une influence directe sur l’Energie défensive en y imprimant une empreinte énergétique participant ainsi au scénario des rêves. Remarque sur les rêves : ceux-ci peuvent être classés en cinq catégories :

- le rêve « psychologique » : il trouve son origine dans les sentiments et les pensées du jour qui, ne pouvant s’exprimer totalement le jour, vont trouver dans le rêve un exécutoire.

- le rêve « physiologique » : il trouve son origine dans les stimuli externes qui entravent le bien-être du corps et que celui-ci perçoit pendant le sommeil au moyen de l’un de ses cinq sens. Il exprime la sensation liée au stimulus externe selon une logique symbolique qui s’appui sur les souvenirs propres à chaque individu. - le rêve « organique énergétique » : c’est un rêve « psychologique » qui exprime un risque de somatisation ; il est l’expression d’un dysfonctionnement énergétique au sein des Organes-recel. Le dérèglement énergétique engendrera en rêve principalement de la peur, le corps étant menacé, mais aussi un excès émotionnel en relation avec les correspondances entre les Organes-recel et les Emotions. Il s’exprime à travers un contenu émotionnel commun à tous les Hommes, quelle qu’en soit leur culture. - le rêve « pathologique » : il est l’expression du corps malade, c’est-à-dire déjà pénétré par les Pervers. - le rêve « symptomatique » : il exprime le symptôme d’une pathologie. Il engendrera plutôt de la douleur, ou tout du moins un sentiment d’inconfort, une sensation désagréable car le corps est souffrant. Il exprime la sensation liée au symptôme selon une logique symbolique qui s’appui sur les souvenirs propres à chaque individu.

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Bibliographie : Bossy Jean – Acupuncture et immunité – Encyclopédie des médecines naturelles – Editions Frison-Roche – 1996 Connaissance de l’Acupuncture – Ming Men porte de la vie – Editions You Feng – 2010 Dictionnaire Ricci des Caractères Chinois – Instituts Ricci (Paris-Taipei) – Desclée de Brouwer – Paris – 1999 Eyssalet Jean-Marc – La rumeur du dragon et l’ordre du tigre – Guy Trédaniel éditeur – 1999 Eyssalet Jean-Marc – Séminaires de l’Institut de Développement des Etudes en Energétique et Sinologie (IDEES) – Paris.

Líng shū 靈 樞 – Traduction et commentaires de Constantin Milsky & Gilles Andrès –

Edition La Tisserande – 2009 Marié Eric – Précis de médecine chinoise – Editions Dangles – 2008 Rochat de la Vallée Elisabeth – Les 101 notions-clés de la médecine chinoise – Guy Trédaniel éditeur – 2009 Rochat de la Vallée Elisabeth & Larre Claude – La vie, la médecine et la sagesse ; Sù Wèn, les onze premiers traités – Les éditions du Cerf / Institut Ricci – 2005 Sapriel Marc & Stoltz Patrick – Une introduction à la médecine traditionnelle chinoise. Le corps théorique – Springer – 2006 Vavril Rudy – La science des rêves en Chine – Editions You Feng – 2010