Le statut de Bruxelles dans l’hypothèse du confederalisme

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    Hugues Dumont et Sbastien Van Drooghenbroeck

    Le statut de Bruxelles dans lhypothse duconfdralisme1

    Introduction

    Dans le langage communment admis par la majorit des juristes, le confdralismeest une association entre plusieurs Etats souverains, fonde sur un trait internatio-nal et destine organiser la gestion commune de quelques matires dtermines.Muni de cette dfinition, on cartera demble comme totalement incongrue lappli-cation du label confdral lEtat belge contemporain dont on sait quil obit, pourlessentiel, aux grands principes du fdralisme.

    On nignore pas pour autant les caractristiques actuelles du schma institutionnelbelge qui autorisent un certain rapprochement, sur le plan politique, avec le modle

    confdral. La parit au Conseil des Ministres qui traduit bien le caractre essentiel-lement bipolaire de notre Etat, en est la plus frappante. Si lensemble des ministresdexpression franaise ou lensemble des ministres dexpression nerlandaise sop-pose un projet de dcision, lon se trouve devant une manire de droit de veto quifait immanquablement songer au principe dunanimit qui dtermine le modle con-fdral. En droit, il ne sagit cependant pas dune caractristique proprement conf-

    1 Texte remani dune confrence prsente le 18 mars 2005 dans le cadre dun colloqueorganis par le Centre JacquesGeorgin. Les actes de ce colloque devraient paratre dans lesCahiers dits par ce centre dtudes avec dautres contributions scientifiques sur le thme duconfdralisme dues V. de Coorebyter, A.-E. Bourgaux, Robert Deschamps et Philippe Cat-toir. Depuis ce colloque, le dbat sur lavenir de lEtat belge et donc sur celui de Bruxelles apris une ampleur considrable dans lopinion publique. Le documentaire-fiction de la RTBFBye, bye Belgium du 13 dcembre 2006 a jou un certain rle dans cette amplification, ausein de la Communaut franaise de Belgique du moins (les tmoignages et les contributionsscientifiques recueillis par le ralisateur de cette mission trs controverse sont accessiblesdans son ouvrage: cfr Ph. DUTILLEUL (sous la dir. de), Bye-bye Belgium, Loverval, Labor,2006; on se permettra de renvoyer cet gard aux commentaires de H. DUMONT, Bye-byeBelgium, une fiction rvlatrice, in La Libre Belgique, 10 janvier 2007). Mais cest surtoutdepuis les lections lgislatives fdrales du 10 juin 2007 et les difficults auxquelles se heurtela formation dun nouveau gouvernement, que le dbat sur une ventuelle scission de lEtatbelge sest gnralis dans toutes les couches de la population. Malgr ces vnements nou-veaux, nous navons pas voulu changer la tonalit du texte initial de la confrence, qui se vou-lait empreinte de prudence et de rigueur scientifique.

    la revue scientifique lectronique pour les recherches sur Bruxelles

    Contacts:Hugues Dumont, [email protected]

    Sbastien Van Drooghenbroeck, [email protected],02/211.79.37

    Michel Hubert (rd. en chef.), 02/211 78 53 0485/41 67 [email protected]

    R s u m

    Cet article se penche sur le devenir de Bruxellesdans lhypothse dun passage au confdra-

    lisme. Aprs avoir dfini ce terme en en distin- guant les usages juridiques et les usages politi-ques, les auteurs explorent les diffrents scna-

    rios pouvant mener du fdralisme au confdra- lisme, montrant que le second nest pas la conti- nuation du premier et que le chemin de lun lautre est pav de questions redoutables. Ils passent ensuite en revue les statuts envisagea-bles pour Bruxelles dans l'hypothse o ce pas-sage au confdralisme serait accompli, appelant

    de leurs vux une rflexion interdisciplinaire etcitoyenne en raction leurs analyses.

    www.brusselsstudies.be numro 10, 15 octobre 2007

    Hugues Dumontest professeur de droit constitutionnel,de thorie du droit et de droit institutionnel europen auxFacults universitaires Saint-Louis (Bruxelles). Il est actuel-

    lement prsident de lInstitut dtudes europennes des

    FUSL, codirecteur du Centre interdisciplinaire de recher-che en droit constitutionnel et de la culture (CIRCC) et duSminaire interdisciplinaire dtudes juridiques (SIEJ) desFUSL. Auteur de nombreux articles dans les domaines dudroit public et de la thorie du droit, il vient de codiriger la

    publication de La protection juridictionnelle du citoyen face ladministration, Bruxelles, La Charte, 2007.Sbastien Van Drooghenbroeck est Professeur auxFUSL, o il enseigne le Droit des droits de l'Homme, leDroit constitutionnel et les Sources et Principes du Droit.

    Auteur de diffrents articles et ouvrages relatifs aux droitsde l'Homme et la protection des minorits, il vient decodiriger avec Hugues Dumont la publication de Les droitsde lhomme, bouclier ou pe du droit pnal? et de Laprotection juridictionnelle du citoyen face ladministra-tion, Bruxelles, La Charte, 2007.

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    drale puisque les ministres du gouvernement fdral, qui dlibrent du reste selonla rgle du consensus, nont aucune instruction recevoir de la part des gouverne-ments de communauts et de rgions ni aucun compte leur rendre.

    Dans la bouche de certains acteurs qui font un usage purement politique du terme,le confdralisme revt une autre signification. Il ne vise ni le remplacement de laConstitution belge par un trait conclu linitiative des anciennes composantes delEtat belge (ou de certaines dentre elles) devenues souveraines et indpendantes,ni une qualification audacieuse de la structure institutionnelle actuelle. Il dsigneplutt un modle alternatif fond notamment sur les quatre caractristiques suivan-tes: une accentuation de la bipolarit actuelle par une marginalisation de la Rgionbruxelloise et de la Communaut germanophone, une dfdralisation de plusieurscomptences sensibles dtenues actuellement par lEtat fdral, une transformation

    des mcanismes de solidarit inter-rgionale propre diminuer et conditionner lestransferts financiers nord-sud, et une rcriture de notre Constitution actuelle, pres-que "tabula rasa", en vue d'excuter son article 35 aux fins de cantonner les com-ptences de l'tat fdral aux seules matires qui lui seront expressment attri-bues.

    Comme on le sait, cet article 35 prescrit une inversion des comptences rsiduellesqui passeraient alors de l'Etat fdral aux Communauts ou aux Rgions. Son en-tre en vigueur est subordonne deux conditions qui ne sont toujours pas rali-ses ce jour, l'une d'elles consistant dans la rdaction d'une nouvelle dispositionconstitutionnelle numrant les ultimes comptences exclusives rserves l'Etatfdral. Ce pourrait tre l'occasion pour les groupes politiques du Vlaamse Parle-mentqui ont adopt les rsolutions du 3 mars 1999 de raliser leurs vux. Ce sc-nario leur permettrait en effet de rclamer toutes les dvolutions de comptences

    intressantes pour la Rgion flamande sur le plan politique, conomique et financieret la conservation des avantages d'une cogestion de la Rgion bruxelloise. Pourbeaucoup d'acteurs politiques surtout flamands, le confdralisme doit se com-prendre de cette manire. Juridiquement, il ne s'agirait cependant que d'une accen-tuation de la tendance centrifuge conciliable avec la conservation d'un Etat unique,mme si celui-ci se rduirait une coquille presque vide.

    Dans les propos et les projets d'autres acteurs, le mme terme renvoie cependant la dfinition juridique que nous avons rappele lentame de cette contribution. Estdonc bien vise cette fois la transformation de la Belgique actuelle en une associa-tion entre plusieurs Etats souverains, fonde sur un trait international et destine organiser la gestion commune de quelques matires dtermines. Telle est l'hypo-thse que nous allons explorer dans la prsente contribution. C'est dans ce con-texte -juridiquement rvolutionnaire, faut-il le dire- que nous allons examiner ce que

    pourrait tre le statut de Bruxelles. Lentreprise est prilleuse plus dun titre. Aussice nest pas sans hsitation ni rticence que nous nous sommes mis au travail.

    Appartient-il des constitutionnalistes de raisonner sur des scnarios imaginaires,abstraitement concevables sans doute, mais tous minemment problmatiques?Sinterroger sur lavenir de Bruxelles en cas de confdralisme, cest en effet ren-contrer des hypothses comme celles-ci: annexion de la Rgion bruxelloise l'unedes futures units constituantes de la confdration; acquisition par elle-mmed'un statut d'unit constituante de la confdration; cogestion par les autres unitsconstituantes de la confdration; cration d'un statut de district europen gr par

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    l'Union europenne elle-mme Certains scnarios sont sans doute plus plausiblesque d'autres. En particulier, il ne faut pas sous-estimer les objections ou les rticen-ces que les partenaires de la Belgique au sein de lUnion europenne pourraientopposer certaines des fantaisies institutionnelles que les Belges dcideraientensemble ou en ordre dispers. Toutefois, force est de constater que le droit n'ex-clut ni n'imposea priori, de manire imprative, tel ou tel scnario. En revanche, ledroit a manifestement des enseignements fournir concernantla procdure quiconduirait l'adoption d'un nouveau statut pour Bruxelles, quel qu'il soit. Commentce nouveau statut verrait-t-il le jour? Qui en dciderait? En particulier : Bruxelles etles Bruxellois auraient-il quelque chose dire sur le sort qui leur serait rserv dansune Belgique devenue confdrale?Si nous avons accept de rflchir chacune de ces questions, cest tout simple-

    ment parce que la situation politique nous contraint envisager trs srieusementl'hypothse de la fin de la Belgique fdrale2 et faire le tour des scnarios thori-quement possibles qui pourraient induire cette fin, tout en conduisant des alterna-tives de type confdral.

    Cela dit -et nous nous permettons d'insister sur ce point-, tout ce qui va suivre nerelve videmment ni d'un plan d'action - nous n'avons pas les responsabilits desacteurs politiques - ni d'un ensemble de suggestions de lege ferenda. Nous noussommes astreints un vritable exercice d'imagination institutionnelle, dlibrmentthorique, partir de certaines donnes provenant du droit constitutionnel et dudroit international. Nous n'avons pas cart certaines hypothses sous le prtextequ'elles seraient hautement invraisemblables. Nous avons simplement, si l'on osedire, identifi des scnarios thoriquement imaginables, compte tenu de ces don-nes juridiques. C'est en tout cas ainsi que nous avons voulu comprendre notre

    mission.

    Le deuxime motif qui justifiait nos rticences initiales est d'ordre thorique. On netrouve plus dans le monde d'aujourd'hui une vritable confdration de sorte queles balises souhaites ou recherches sont particulirement peu nombreuses. On nedispose pas actuellement dun "modle d'organisation confdrale" qui pourraitservir de point de repre. Certes, on peut penser la CEI, la Communaut desEtats indpendants qui a pris la place de la dfunte Union sovitique, mais les juris-tes observent que la faiblesse de l'appareil institutionnel de cette communautoblige la situer en de du modle confdral. On peut aussi songer l'Unioneuropenne qui est souvent qualifie de confdration trs intgre3, mais pr-cisment, elle est tellement intgre qu'elle prsente pratiquement autant d'aspectsfdraux que de caractristiques confdrales. On peut encore songer toutes les

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    2 Pour faire le point ce sujet, cfr H. DUMONT, Organise en Etat, la communaut est capa-ble de prendre des dcisions, in La Revue gnrale, fvrier 1999, p. 29-38; IDEM, Saint-Polycarpe ou limpossible cohrence du fdralisme belge, inAdministration publique, T 2-3-4, 2002, p. 314-319; IDEM, La mobilisation du droit comme instrument de changement ducadre national en Belgique, inAppartenances, institutions et citoyennet, sous la dir. de P.Noreau et J. Woehrling, Montral, Wilson et Lafleur I te, 2005, p. 89-107.3 Y. LEJEUNE, Lide contemporaine de confdration en Europe: quelques enseignementstirs de lexprience de lUnion europenne, in COMMISSION EUROPENNE POUR LADMOCRATIE PAR LE DROIT, Le concept contemporain de confdration, Strasbourg, Edi-tions du Conseil de lEurope, 1995, p. 147.

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    organisations internationales de coopration, comme par exemple le Conseil del'Europe, qui relvent de la logique confdrale. Mais alors, ce n'est pas un modlequi se dgage, mais plutt une plthore d'organisations sur mesure. Nous man-quons donc aujourd'hui d'un exemple concret de confdration auquel on pourraitse rfrer pour tenter de penser ce que pourrait tre une confdration belge. Lesseuls exemples disponibles qui font autorit dans la thorie gnrale de l'Etat datentdu XVIIIe et du XIXe sicle: ce sont principalement les confdrations helvtique,amricaine et allemande4.

    Une troisime difficult doit encore tre voque. Elle tient la nature et aux effetsdes normes juridiques qui encadrent la trs hypothtique procdure qui nous feraitsortir de lEtat belge et entrer dans un lien confdral plus ou moins substitutif . Cesnormes consistent en effet en une combinaison aussi indite que complexe de r-

    gles de droit international public et de rgles et principes de droit constitutionnelbelge. La porte des rgles de droit international public applicables et parfois mmeleur existence sont controverses. Quant aux rgles et principes de droit constitu-tionnel avec lesquels les rgles de droit international doivent tre combines, leursimplications ne sont pas davantage univoques dans le cadre d'un tel exercice. Laraison d'une telle quivocit saute aux yeux. Ces rgles et principes ont t conuspour difier et assurer le fonctionnement dun tat fdral dans le respect de cer-tains quilibres internes. Or, voici que l'on dtournerait ces rgles de leur vocationpremire, en recherchant les implications quelles devraient produire dans un toutautre contexte : celui du dmembrement le plus radical de cet Etat5.

    On voit donc que, si le droit et le juriste ont sans doute quelque chose rpondre la question des incidences dun trs ventuel confdralisme sur le statut de Bruxel-les, c'est avec beaucoup de modestie, de prudence, et sur un ton rsolument con-

    ditionnel. Cette prudence, cette modestie et ce ton rsolument conditionnel, nousles ferons ntres tout au long de ce bref essai.

    Il conviendra tout dabord de sinterroger sur la procdure de sortie hors de lEtatbelge que lhypothse confdrale prsuppose ncessairement. Le passage austade confdral exige en effet une rupture du cadre tatique et son remplacement,ne ft-ce que pendant un moment de raison, par la coexistence dentits indpen-dantes et souveraines non relies les unes aux autres. Ce nest quaprs cettephase disruptive que ces Etats souverains pourraient dcider dun commun accordde conclure un trait fondateur dune confdration. Dans la premire partie decette contribution, lon va sinterroger sur les procdures qui pourraient thorique-

    Brussels Studiesla revue scientifique lectronique pour les recherches sur Bruxelles 4

    4 Voy. notamment L. LE FUR, Etat fdral et confdration dEtats (1896), Paris, Editions Pan-

    thon Assas, 2000; Ch. DURAND, Confdration dEtats et Etat fdral, Paris, Librairie MarcelRivire, 1955; COMMISSION EUROPENNE POUR LA DMOCRATIE PAR LE DROIT, Leconcept contemporain de confdration, op. cit.; O. BEAUD, Fdralisme et souverainet.Note pour une thorie constitutionnelle de la fdration, in Revue du doit public, 1998, p.83; Vl. CONSTANTINESCO, Europe fdrale ou fdration dEtats-nations, in Une Consti-tution pour lEurope?, sous la dir. de R. Dehousse, Paris, Presses de sciences po, 2002, p.115-149.5 Cfr dans le mme sens N. ANGELET, Quelques observations sur le principe de luti possi-detis laune du cas hypothtique de la Belgique, in Dmembrements dEtats et dlimita-tions territoriales: lUti possidetis en question(s), sous la dir. de O. Corten, B. Delcourt, P. Kleinet N. Levrat, Bruxelles, Editions de lUniversit de Bruxelles, 1999, p. 220.

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    ment conduire cette rupture et cette refondation. Une attention particulire serarserve la Rgion bruxelloise: lon se demandera si elle aurait son mot dire aucours de ces procdures virtuelles (I).

    Supposant achev le processus de mtamorphose confdrale, nous passeronsensuite en revue quelques-uns des statuts que Bruxelles pourrait se donner lint-rieur du cadre confdral (II).

    I. La sortie hors de lEtat belge et la refondation confdrale

    Pour baliser le trs hypothtique chemin qui pourrait conduire la sortie hors delEtat belge et la cration dune confdration dEtats, il y a lieu de rencontrer pasmoins de quatre questions.

    1. Par quel acte juridique ou politique la dissolution ou la scission de lEtat belgepourrait-elle soprer (1)?2. Dans la seconde qui suit cette dissolution, quelles collectivits politiques pour-raient-elles se prtendre souveraines et, ds lors, en mesure de participer librementau processus ultrieur de recomposition confdrale (2)?3. Par quelle procdure ces collectivits politiques pourraient-elles exprimer leurvolont dentrer dans telle ou telle structure confdrale avec tel ou tel partenaire(3)?4. Comment les frontires de ces nouveaux Etats confdrs seraient-elles dtermi-nes (4)? 1. La dissolution de lEtat belge

    A priori, on peut concevoir cinq procdures de dissolution.

    Premire procdure imaginable: la scession unilatrale dune des actuelles collecti-vits fdres en vertu du droit international au nom du droit des peuples disposerdeux-mmes. Cette premire hypothse peut tre carte trs rapidement. Eneffet, elle repose sur une interprtation consistant considrer que tout peuple quipossde en commun une assise territoriale, un pass historique, des liens cono-miques et culturels, ainsi que des objectifs politiques et sociaux auraient le droit defaire scession et de se constituer en un Etat indpendant et souverain la seulecondition que ce droit soit exerc par lensemble de la population, par exemple lasuite dunreferendum dautodtermination. Or, on sait que le droit international con-temporain interprte le droit des peuples disposer deux-mmes de manire bien

    plus restrictive: comme la rappel rcemment la Cour Suprme du Canada, il nepeut justifier un droit de scession unilatral que dans le cas dun peuple gou-vern en tant que partie dun Empire colonial, dans le cas dun peuple soumis lasubjugation, la domination ou lexploitation trangres, et aussi, peut-tre, dansle cas dun peuple empch dexercer utilement son droit lautodtermination lintrieur de lEtat dont il fait partie6. Dans les autres circonstances, les peuples

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    6 Cest--dire, selon la mme Cour, un peuple qui se voit refuser un rel accs au gouver-nement pour assurer son dveloppement politique, conomique, social et culturel.

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    sont senss raliser leur autodtermination dans le cadre de lEtat existant auquel ilsappartiennent7. On admet aussi quun peuple puisse exercer un droit lautod-termination dans lhypothse o il est victime dune violation systmatique et fla-grante des droits de lhomme ou sil est priv de toute reprsentation ou encoremassivement sous reprsent dune manire antidmocratique et discriminatoire8.Ces circonstances entrent dans la dernire hypothse envisage par la Cour Su-prme du Canada, celle dun peuple empch dexercer utilement son droit lautodtermination lintrieur de lEtat dont il fait partie.Il est vident que lon ne se trouve dans aucune de ces situations en Belgique.

    Deuxime procdure de dissolution concevablea priori: la scession unilatraledune des actuelles collectivits politiques fdres en vertu du droit constitutionnel

    belge. Cette hypothse doit aussi tre carte demble puisque la Constitutionbelge, comme celle de la quasi-totalit des Etats fdraux, exclut la scession unila-trale dune de ses composantes9. Limmense majorit des auteurs admettent quela renonciation au droit de scession unilatral drive logiquement du constitution-nalisme. Le dcret du 18 novembre 1830 sur lequel on va revenir dans un instantconfirme cet axiome.

    Troisime hypothse: la transformation de lEtat belge en une structure confdrale,dcide au moyen dune simple rvision de la Constitution fdrale actuelle10. Cettetroisime procdure est aussi exclure en droit. En effet, une Constitution ne peutpas statuer ou autoriser elle-mme la suppression de lEtat sur lequel elle repo-se11. Le pouvoir constituant driv peut rviser la Constitution. Il ne lui est paspermis de labroger, ce quil ferait ncessairement en la remplaant par un trait quisoppose trait pour trait la Constitution qui est, elle, un acte juridique unilatral.

    Brussels Studiesla revue scientifique lectronique pour les recherches sur Bruxelles 6

    7 Renvoi relatif la scession du Qubec (1998) 2 R.S.C. (217). Voyez notamment A.BAYEFSKY, Self-Determination in International Law: Quebec and Lessons Learned,The Ha-gue/London/Boston, Kluwer Law International, 2000; S. SMIS, Het zelfbeschikkingsrechtder volkeren, in Recht en minderheden. De ene diversiteit is de andere niet, Tegenspraak-Cahiers, Cahier 26, Brugge, Die Keure, 2006, p.201-213.8 Cfr Report by L. WILDHABER, in Self-Determination in International Law: Quebec andLessons Learned, op. cit., p.64.9 La seule Constitution fdrale qui consacre actuellement un droit unilatral la scession estcelle de lEthiopie (article 39), mais pour cette raison prcisment, daucuns ont mis en douteque celle-ci soit vritablement un Etat fdral, sa Constitution empruntant plus la philosophiedun trait international qu celle dune vritable Constitution. Cfr P. H. BRIETZKE, Ethiopialeap in the dark: Federalism and self-determination in the new Constitution, inJournal ofAfrican Law, 1995, p.

    19-38. Sur le droit de scession dans les Etats fdraux, voyez notam-ment C. LLOYD BROWN-JOHN, Self-Determination, Autonomy and State Secession in Fe-

    deral Constitutional and International Law, in South Texas Law Review/South Texas Collegeof Law, 1999, p.567-601; V.C. JACKSON, Comparative constitutional federalism: itsstrengths and limits, in Le fdralisme dans tous ses tats The States and moods of fe-deralism, sous la dir. de J.-Fr. Gaudreault-Desbiens et F. Glinas, Bruxelles, Bruylant, Cowans-ville, Yvon Blais, 2005, p.161-168.10 La Rgion de Bruxelles-Capitale naurait dans cette hypothse aucune voix au chapitrepuisque la procdure de rvision de la Constitution belge nassocie pas les collectivits fd-res - et encore moins Bruxelles - luvre constituante.11 O. BEAUD, La puissance de lEtat, Paris, P.U.F., 1994, p.462.

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    Autrement dit, il nest pas permis au pouvoir constituant driv daliner la souverai-net nationale qui nappartient quau pouvoir constituant originaire, cest--dire aupeuple belge lui-mme. En Belgique, cet argument de pure logique constitutionnelleest renforc par le dcret du 18 novembre 1830 par lequel le Congrs national aproclam lindpendance du peuple belge. En effet, ce dcret a t dlibrmenttenu lcart du corpus constitutionnel du 7 fvrier 1831 parce que le Congrs na-tional a voulu le soustraire lemprise de larticle131 devenu 195 qui rgle lexer-cice du pouvoir constituant driv. Ce dcret fait ainsi de lindpendance du peuplebelge, et par consquent de lexistence de lEtat belge, une norme supra-constitu-tionnelle.

    Certes, cette norme ne saurait empcher le titulaire du pouvoir constituant originairede transfrer sa souverainet au profit des composantes de lEtat, mais pareille dis-

    solution concerte de ce dernier devrait sanalyser comme une rvolution juridique,et non comme une rvision de la Constitution12. Ce cas de figure sera examin ci-dessous dans la cinquime hypothse.

    Auparavant, une quatrime hypothse mrite lattention: la scession unilatraledune des actuelles collectivits fdres, non pas au nom dun droit en loccur-rence inexistant, mais au nom dune dcision de pur fait fonde sur des argumentspolitiques. Cette hypothse est la moins invraisemblable de toutes celles envisagesjusqu prsent. En effet, quun droit la scession unilatrale nexiste pas de iure,nexclut pas quune scession unilatrale soit dcrte de facto, et soitin fine cou-ronne de succs en droit, cest--dire quelle aboutisse la cration dun nouvelEtat dont lexistence, lindpendance et la souverainet seront reconnues par lacommunaut internationale. Le droit international ninterdit pas les scessions. Il lesconsidre comme des donnes factuelles susceptibles dtre reconnues aprs

    coup en cas de succs. Il existe de nombreux prcdents en ce sens13. Tout estune question deffectivit. Tout dpend, en dautres termes, de la question de savoirsi les autres Etats de la communaut internationale, et singulirement les Etatsmembres de lUnion Europenne dans le cas qui nous occupe, accepteront de re-connatre lentit scessionniste au risque de provoquer la colre de lEtat dontcette entit sest spare.

    Il faut ajouter que les Etats membres de lONU sont unis par un large consensusconsistant ne rien faire pour favoriser les scessions14. Dans le cadre delUnion Europenne, on peut aller plus loin en prvoyant quune telle scession uni-latrale serait trs mal vue: elle fournirait un exemple qui pourrait encourager dau-tres scessions dans des Etats comme lEspagne, la Grande-Bretagne, la France,etc. Comment ces Etats de lUnion Europenne pourraient-ils reconnatre le ou lesEtats issus de cette scession sans crer un prcdent quils ne manqueront pas

    de juger dtestable?

    Brussels Studiesla revue scientifique lectronique pour les recherches sur Bruxelles 7

    12 Sur notre interprtation du dcret du 18 novembre 1830, la doctrine nest pas unanime.Voy. M.-Fr. RIGAUX, La thorie des limites matrielles lexercice de la fonction constituante,Bruxelles, Larcier, 1985, p.54 et sv. Ce serait lobjet dune autre contribution den dbattre enprofondeur.13 Cfr notamment le cas du Bengladesh.14 J. SALMON et E. DAVID, Droit des gens, syllabus U.L.B., Bruxelles, P.U.B., 2003, T. 3,p.675.

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    2. Les collectivits politiques pouvant prtendre la souverainet aprs la dissolu-tion de lEtat belge

    Dans la seconde qui suit lhypothtique dissolution de lEtat belge, quelles sont lescollectivits politiques qui pourraient prtendre la souverainet et, ds lors, partici-per librement au processus ultrieur de recomposition confdrale? Bruxellesa-t-elle quelques chances de figurer dans la liste des bnficiaires de ces nouveauxtitres de souverainet? Pour tenter de rpondre ces questions, nous devons pr-senter une rgle de droit international public, la rgle de lUtipossidedis iuris, itapossideatis: comme vous possdiez en droit, vous possderez. Ce principe a tinitialement utilis lors de la dcolonisation dans les Amriques: les Etats indpen-dants dAmrique, issus de la dcolonisation, ont accept que leurs frontires con-cident avec les limites administratives existant entre les colonies espagnoles telles

    quelles rsultaient du droit interne espagnol19. Le mme principe a ensuite tutilis pour rgler tous les contentieux territoriaux lis la dcolonisation20 et fina-lement, la rgle a t arrache son contexte dmergence coloniale et transpose,en Europe, pour rgler les problmes territoriaux ns de la dissolution danciensEtats fdraux. Cette transposition a t adopte en particulier par la CommissiondArbitrage de la Confrence europenne pour la paix en Yougoslavie, dite Com-mission Badinter du nom de son Prsident. Dans son avis n3 du 11 janvier 1992,elle estima que, sauf accord en sens contraire des parties concernes, les frontiresinternationales des nouveaux Etats issus de la dissolution de lex-Yougoslavie cor-respondraient aux frontires internes dlimitant le territoire respectif des collectivitsfdres de lancien Etat fdral yougoslave. La mme solution fut consensuelle-ment retenue lors de la partition de la Tchcoslovaquie et du dmembrement delancienne Union Sovitique21.Avant de tester lapplicabilit de lUti possidetis lhypothtique dissolution de laBelgique, deux remarques importantes simposent.

    Premirement, il apparat que la transposition de la rgle en dehors du cadre de ladcolonisation sest heurte la critique dune doctrine non ngligeable. Lavis n3de la Commission Badinter fut, et demeure, lobjet dune vive contestation. Ainsi,selon le professeur Jean Salmon, le principe de lUti possidetis iuris ne sapplique,dans lhypothse de la scession / dissolution, quaux frontires extrieures de lEtatdmembr. En revanche, en ce qui concerne la nouvelle frontire tablie entre lEtatprdcesseur et lentit scessionniste, les anciennes limites administratives ne sontadoptes comme frontires que sil y a accord entre les protagonistes sur cettesolution ou si cette solution est impose de lextrieur par le concert des puissancesavoisinantes. Dans les deux cas, ce nest pas par la vertu du principe de lUti possi-detis, par lapplication dune rgle de droit, que cette solution simpose, mais

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    19 Cfr J. SALMON et E. DAVID, op. cit., T. 2, p.251.20 Cfribidem, p.342.21 Cfr O. CORTEN, B. DELCOURT, P. KLEIN, N. LEVRAT, Dmembrements dEtats et dlimita-tions territoriales, op. cit., notamment J.-P. COT, Des limites administratives aux frontiresinternationales, rapport gnral, p.17-33.

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    comme rsultat dun rapport de force ou dun consentement - rsignation devantune insurmontable situation de fait22.Le problme provient du fait que les Etats ne se rfrent pas expressment lUtipossidetis dans leurs traits ou leurs discours politiques23. Il nen demeure pasmoins que lon a affaire une pratique uniforme: la transposition de la rgle de lUtipossidetis a t accepte sans protestation par les Etats membres de lUnion Euro-penne qui en ont fait un lment de leur politique de reconnaissance des nouveauxEtats europens. La question est de savoir si cette pratique uniforme est bien cons-titutive dune coutume internationale. Comme lcrit linternationaliste Jean-PierreCot, on sait que la preuve de lopinio iuris nest pas aise apporter. Les Etatsnont pas lhabitude daffirmer quils respectent une norme coutumire chaque foisquils sy conforment. Ils appliquent plutt la coutume comme Monsieur Jourdain

    faisait de la prose. Sauf verser dans un volontarisme paralysant, on admettra doncplutt () quun comportement uniforme constitue la preuve de lopinio iuris saufpreuve contraire24. Il nest pas inutile dajouter que la Belgique, pour ce qui laconcerne, na jamais lev dobjection sur ce point. Si lon se place sur le terrain deleffectivit pure, cest sans doute cette donne quil faut retenir, par-del les contro-verses doctrinales.

    Deuximement, il apparat, sur un plan purement logique, que la rgle de lUti pos-sidetis devrait nexercer quune fonction bien limite. Elle nest sense intervenirquen aval, pour dterminer le territoire dune entit dont le titre la souverainet et lindpendance a t pralablement reconnu25.A contrario, la rgle de lUti pos-sidetis ne confre pas par elle-mme, en amont, un titre la souverainet et lin-dpendance telle entit plutt que telle autre, srement pas en-dehors du con-texte de la dcolonisation quand le droit international ne dsigne pas les bnficiai-

    res de ce titre. Ainsi, selon Nicolas Angelet, ceux-ci ne peuvent tre identifis quepar rfrence au droit constitutionnel de lEtat prdcesseur. son estime, cetterfrence se justifie lorsque la Constitution de lEtat prdcesseur reconnat le droit la scession, mais non en dehors de cette hypothse. Il serait donc vain ()de dclarer lUti possidetis applicable aux entits fdres26. Toutefois, il noussemble que, dans la pratique, ce raisonnement inspir par une logique linaire seheurte un phnomne de rtroaction invitable: une entit sise sur un territoire surlequel, en application de lUti possidetis, aucune autre entit ne pourra faire valoir sa

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    22 J. SALMON, Les frontires de la Belgique lors de son indpendance, in Dmembre-ments dEtats et dlimitations territoriales, op. cit., p.149. De mme, selon L. WEERTS,Heurs et malheurs du principe de luti possidetis: le cas du dmembrement de lU.R.S.S.,inibidem, p.79-142, la doctrine de luti possidetis na pas t applique en tant que coutumeavec lopinio iuris pour le dcoupage territorial entre la Russie, lEstonie, la Lettonie et la Litua-nie, ni du point de vue des Etats en cause ni du point de vue des Etats tiers. Elle soutient lamme thse en ce qui concerne les autres rpubliques issues de la dsintgration delU.R.S.S. L o une doctrine trs majoritaire voit dans le trac des frontires internationalesentre ces nouveaux Etats une application de luti possidetis, Laurence Weerts y voit le fruit dela rgle suprme applicable cette matire, savoir laccord des Etats concerns.23 J.-P. COT, Intervention au cours des dbats, inibidem, p.145.24 J.-P. COT, Des limites administratives aux frontires internationales?, op. cit., p.25-26.25 N. ANGELET, op. cit., p.219.26 N. ANGELET, op. cit., p.219-220.

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    propre souverainet, trouvera dans cette situation un titre tre reconnue indpen-dante et souveraine. En dautres termes, les abornements oprs par la rgle delUti possidetis en aval, influent, en amont, sur la distribution des titres la souverai-net et lindpendance. Pour le dire trs crment, on est dans la logique deluf et de la poule, o les consquences rtroagissent sur les causes27.En gardant lesprit cette logique de type circulaire, on peut alors tenter de rpon-dre nos questions. Lon rencontre cependant une nouvelle difficult. La Belgiquefdrale ne repose pas sur une seule catgorie de collectivits fdres caractrepurement territorial, aux comptences parfaitement symtriques. Elle superpose, eneffet, les divisions rgionales et communautaires que lon connat. Lon peut nan-moins tenter davancer en identifiant dabord les collectivits politiques fdresdont le titre la souverainet parat le moins contestable.

    premire vue, cest la Rgion flamande et la Rgion wallonne qui pourraient leplus aisment revendiquer leur souverainet. y regarder de plus prs, toutefois, lecas de la Rgion wallonne comporte une difficult que lon ne rencontre pas dans laRgion flamande. En effet, celle-ci concide, comme on le sait, avec la rgion delangue nerlandaise, tandis que la Rgion wallonne comprend la rgion de languefranaise et la rgion de langue allemande qui concide elle-mme avec le territoirede la Communaut germanophone. Au soir de la dissolution, il serait parfaitementconcevable que celle-ci, en tant que collectivit politique fdre, avance un titre la souverainet. Dans la mesure o elle relve, pour les matires rgionales, de laRgion wallonne, lon ne voit pas bien comment lon pourrait trancher lventuellequestion de la souverainet sans un accord des entits concernes.

    Quen est-il en ce qui concerne la Rgion bruxelloise? Divers arguments non con-vaincants notre sens pourraient tre mobiliss aux fins de contester la prtentionde Bruxelles la souverainet et lindpendance sur le territoire de la rgion bilin-gue de Bruxelles-Capitale.

    Une premire objection pourrait tre dduite de ce que la Rgion bruxelloise nebnficie pas, la diffrence de la Communaut flamande et de la Rgion wallonne,de ce que lon appelle lautonomie constitutive en vertu des articles118, 2 et 123,2 de la Constitution. Cette objection ne pserait cependant pas lourd, vu la mai-greur des prrogatives que recouvrent, en droit constitutionnel belge, cette notiondautonomie constitutive28.Une deuxime objection pourrait tre tire de lexistence de la tutelle que lEtat f-dral peut exercer sur la Rgion bruxelloise en application de larticle45 de la loispciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises. Elle peut tre car-te pour trois motifs. Tout dabord, la tutelle en question est exceptionnelle. Il ne

    sagit pas dune tutelle gnrale dopportunit puisquelle nest prvue que dansquatre matires rgionales bien circonscrites et pour des motifs particuliers. Ensuite,elle est essentiellement symbolique, nayant jamais reu la moindre application. En-

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    27 Selon N. ANGELET, eodem loco, lapplication du principe de luti possidetis se justifie dansle cas o la sparation de commun accord comporte une identification pralable des bnfi-ciaires du principe.28 Cfr Cl. MERTES, Lautonomie constitutive des Communauts et des Rgions, C.H. duCRISP, 1999, n1650-1651.

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    fin, elle prsuppose lexistence dune autorit de tutelle, savoir lEtat qui aurait parhypothse disparu.

    Une dernire particularit institutionnelle de la Rgion de Bruxelles-Capitale pourraitencore tre avance pour lui contester son statut dentit fdre et, par cons-quent, son titre la souverainet (toujours dans les limites de la logique circulaireprsente plus haut). Cest la rgle de larticle9 de la mme loi spciale qui soumetles ordonnances bruxelloises un contrle juridictionnel de validit plus tendu quecelui qui porte sur les dcrets. Cette troisime objection nest pas plus convaincanteque les deux prcdentes dans la mesure o ce contrle dont la porte pratique esttrs faible na jamais pu tre prsent comme de nature enlever Bruxelles sonstatut de Rgion fdre, et ce dautant moins quil se rduit proportionnellement lextension des contrles de constitutionnalit confis la Cour dArbitrage sur tou-

    tes les normes de nature lgislative, ordonnances comprises.Conclusion: si Bruxelles est envisage en tant que Rgion, elle ne saurait srieuse-ment voir sa prtention la souverainet conteste. Plus dlicate est, en revanche,la question de lincidence que pourraient avoir sur cette prtention les comptencesactuellement reconnues respectivement la Communaut flamande et la Com-munaut franaise dans les matires unicommunautaires sur le territoire de la rgionbilingue de Bruxelles-Capitale. Doit-on considrer que lexistence mme de cescomptences exclut toute prtention de la Rgion bruxelloise la souverainet et larelgue par consquent au rang de condominium des Rgions wallonne et fla-mande, de sorte que - suivre lenseignement de la Cour internationale de Justicedans laffaire du diffrend frontalier Burkina Faso - Rpublique du Mali29 - le sort deBruxelles dans le cadre du processus confdral serait rgl, non par les Bruxelloiseux-mmes, mais par le commun accord des Wallons et des Flamands?Cette question renvoie laffrontement bien connu entre les visions flamande etfrancophone du fdralisme belge: un fdralisme fond essentiellement sur deuxcommunauts pour les uns, sur trois rgions pour les autres. Bruxelles est-elle es-sentiellement une sorte dextension territoriale commune aux deux grandes Com-munauts franaise et flamande, ou au contraire une collectivit fdre part en-tire, mme si, par exception, sy exercent des comptences des deux grandesCommunauts en dehors de leur assise territoriale de base, savoir respectivementla rgion de langue nerlandaise et la rgion de langue franaise? Il nous semblepour notre part que plusieurs arguments psent en faveur du deuxime terme decette alternative.

    Premier argument: les Communauts flamande et franaise nexercent que certai-nes de leurs comptences sur le territoire de la Rgion de Bruxelles-Capitale. Dans

    les matires biculturelles, biducatives, bipersonnalisables et en matire demploides langues, leurs dcrets ne peuvent pas sappliquer sur le territoire bruxellois. Lesmatires bipersonnalisables, comme les matires rgionales, relvent de la comp-tence des Bruxellois, travers la Commission communautaire commune qui con-cide pratiquement avec la Rgion bruxelloise.

    Deuxime argument: lvolution institutionnelle rcente tmoigne dune monte enpuissance du fait rgional et dun relchement du lien entre Bruxelles et les deux

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    29C.I.J., arrt du 22 dcembre 1986.

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    grandes Communauts. Dune part, la Communaut franaise a transfr, en vertude larticle138 de la Constitution, lexercice de nombreuses comptences la R-gion wallonne pour ce qui concerne la rgion de langue franaise, et la Commis-sion communautaire franaise de Bruxelles pour ce qui concerne la rgion bilinguede Bruxelles-Capitale. Dautre part, on a pu aussi observer un relchement du lienentre la Rgion bruxelloise et la Communaut flamande depuis la dernire rformede 2001 qui a supprim lappartenance des six membres bruxellois nerlandopho-nes du Parlement flamand au Parlement de la Rgion bruxelloise.

    Troisime argument: la collectivit politique qui se rapproche le plus du conceptdEtat, cest la rgion et non la communaut, prcisment parce que la premire a, la diffrence de la seconde, un territoire qui lui est propre.

    De tout ceci, nous serions enclins dduire que, au grand soir de la dissolution dela Belgique, Bruxelles pourrait prtendre au titre dentit souveraine et indpen-dante, titre qui lui confrerait un droit lautodtermination sur son sort dans le ca-dre du processus confdral.

    3. Le mode dexercice du droit lautodtermination des trois rgions devenuessouveraines

    Si lon admet, la suite de la dmonstration que lon vient dexposer, que ce sontles trois Rgions wallonne, flamande et bruxelloise qui pourraient se prtendre sou-veraines dans la seconde qui suit lhypothtique dissolution de lEtat belge, la ques-tion se pose alors de savoir par quelle procdure ces collectivits politiques pour-raient exprimer leur volont dentrer dans telle ou telle structure confdrale avec telou tel partenaire. On a rappel que le droit des peuples disposer deux-mmes,garanti par larticle1er commun aux Pactes des Nations Unies de 1966, ne confreaucun droit la scession. En revanche, il renvoie au droit pour les citoyens dunEtat de participer aux affaires publiques et comporte la libert de choix du statutinterne et international par le peuple de cet Etat qui doit avoir la possibilit dechoisir entre diffrentes options, y compris lindpendance30. Les Rgions wal-lonne, bruxelloise et flamande tant devenues par hypothse des Etats indpen-dants et souverains, il appartiendrait leurs citoyens, par la voix de leurs reprsen-tants ou par plbiscite, dopter en faveur du maintien de leur indpendance fra-chement conquise ou dun des statuts examins dans la deuxime partie de la pr-sente contribution.

    4. La dtermination des frontires des trois Rgions devenues souveraines

    Si lon admet lensemble du raisonnement qui prcde, dfaut dun accord ensens contraire, les limites actuelles des territoires des trois Rgions que comprend la

    Belgique fdrale acquerraient le caractre de frontires protges par le droit inter-national. La souverainet bruxelloise ne sexercerait donc que sur le territoire de laRgion de Bruxelles-Capitale dont les limites ont t arrtes par larticle2 de la loispciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises. On sait que cettedisposition a renvoy aux limites de la rgion bilingue de Bruxelles-Capitale tellesque arrtes par les lois coordonnes sur lemploi des langues en matire adminis-trative qui remontent elles-mmes aux frontires fixes en 1963. Sans contredire les

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    30 M.G. KOHEN, Le problme des frontires en cas de dissolution et de sparation dEtats:quelles alternatives?, in R.B.D.I., 1998/1, p.149.

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    prmisses qui fondent notre raisonnement, lon pourrait nanmoins objecter que,sur certains points, ces frontires prtent le flanc la discussion. Nul nignore que letrac de 1963 a t accept, et par la suite, confirm, en change de garantiesrelatives la protection des populations francophones souvent majoritaires dans lescommunes de la priphrie bruxelloise, et moyennant le maintien de larrondisse-ment lectoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde. La transformation de la frontire linguisti-que en frontire internationale pourrait justifier la demande par la Rgion bruxelloisedune ngociation avec la Rgion flamande visant en rectifier le cas chant letrac, pour tenir compte des rsultats dun plbiscite permettant aux populationsdes communes priphriques dites facilits dexprimer leur volont de se ratta-cher Bruxelles ou la Flandre. LUti possidetis nest en effet que une rgle dis-positive laquelle les Etats peuvent droger31. Le droit international noblige pasles Etats prendre la volont des habitants en considration lorsquils dcident dutrac des frontires32, mais bien sr rien ne les empche de le faire. Au contraire,un principe de lgitimit dmocratique devrait les y inciter, tant entendu que, detoute manire, les rgles du droit international relatives la protection des minoritsdevront sappliquer de part et dautre de la nouvelle frontire.

    II. Lavenir de Bruxelles dans un cadre confdral

    Nous venons de montrer que la Rgion bruxelloise a de srieux atouts faire valoirdans lhypothse o lEtat belge viendrait se dissoudre. Mais ces atouts demeu-rent suspendus bien des incertitudes; pour tout dire de vritables sries dincer-titudes. Il nest pas inutile de les rcapituler avant daller plus loin, pour en circons-crire la porte avec la plus grande prcision possible.

    La premire srie tient dans lemodus operandide la transformation de lEtat belge.Nous avons privilgi deux hypothses: la scession unilatrale dune des com-posantes et la dissolution concerte. En droit constitutionnel, la scession est vi-demment illicite, mais en droit international, elle nest ni interdite ni permise: ellerelve dun processus purement factuel et politique. Les Etats tiers doivent respec-ter un principe de non-intervention: ils ne peuvent que constater le rsultat deseffectivits qui se seront dployes sur le terrain33. Quel que soit ce rsultat, ledroit international des droits de lhomme continuera sappliquer34. Pour le surplus,la scession est un saut dans linconnu.

    Une scession de la seule Rgion flamande pourrait-elle, si les Bruxellois et les Wal-lons en avaient la volont, conduire au maintien dun Etat belge rsiduaire, lEtat

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    31 M.G. COHEN, op. cit., p.152.32Ibidem, p.148.33 O. CORTEN, Droit des peuples disposer deux-mmes et uti possidetis: deux facesdune mme mdaille?, in Dmembrements dEtats et dlimitations territoriales, op. cit.,p.427.34 Observation gnrale du Comit des droits de lhomme des Nations Unies n26 (61) du 29octobre 1997 portant sur les questions touchant la continuit des obligations souscrites parles Etats parties en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,A/53/40,vol.1, 1998, p.91.

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    flamand sollicitant sa reconnaissance internationale de son ct? On la dit, laquestion demeure ouverte.

    Une scession de la Communaut flamande ne serait pas moins problmatiquepour Bruxelles ds lors que ladite Communaut prtendrait englober la Rgionbruxelloise. Celle-ci devrait alors faire elle-mme scession de la Communaut fla-mande en prsentant les arguments rappels ci-dessus en faveur de la primaut dufait rgional sur le fait communautaire. Ou, autre hypothse, ce serait lEtatbelge rsiduaire qui prtendrait combattre la scession flamande.

    Dans ces scnarios scessionnistes, on doit encore ajouter celui qui verrait Bruxel-les dclarer son indpendance en premier lieu, avant la Rgion flamande ou laCommunaut flamande. Il faut reconnatre que ce scnario politiquement trs im-

    probable, faut-il le dire, aurait lavantage de forcer la Communaut flamande faireenfin un choix dnu de toute ambigut: ou bien, elle sopposerait cette sces-sion bruxelloise et affirmerait son attachement lEtat belge actuel; ou bien, elleproclamerait son tour son indpendance, mais en sachant que Bruxelles ne selaisserait pas absorber par elle.

    En toute hypothse, on le voit, Bruxelles aurait son mot dire. Bruxelles seraitmme le nud du problme, un nud qui ne saurait tre dnou sans elle ni contreelle. En effet, ces diverses occurrences virtuelles de scession creraient des con-flits qui ne pourraient se rsoudre que de deux manires: par laccord des parties,ou par la force. Mme sil faut toujours redouter lusage de la seconde, on peutesprer que le premier suffirait stabiliser la situation que les Etats tiers nauraientplus alors qu reconnatre. Dans linvitable ngociation qui conduirait cet accord,la Rgion bruxelloise a institutionnellement et politiquement les titres requis pour

    exiger dy participer en tant que partenaire part entire.Il en vaa fortioride mme si la disparition de lEtat belge devait demble se pro-duire la suite dune dissolution concerte et convenue.

    La deuxime srie dincertitudes tient dans lapplicabilit de la rgle de lUti possi-detis. On la dit, une partie importante, quoique minoritaire, de la doctrine contestecette applicabilit, dans lhypothse dune scession ou dune dissolution, aux fron-tires intrieures de lEtat dmembr. Il faut en outre rappeler la difficult dordrelogique laquelle on se heurte quand on dcide dappliquer la rgle. Thorique-ment, lUti possidetis entre en lice seulement une fois le nouvel Etat constitu. Sonbut est dtablir lassise territoriale de lEtat et non de justifier son accession lin-dpendance35. Cette nouvelle srie dincertitudes nest cependant pas non plusinvincible.

    Concrtement, dans le cas de lEtat belge, laccession lindpendance ne pourraittre revendique, au terme dune scession suivie dun accord ou dune dissolutionconcerte, que par la Rgion flamande, la Rgion bruxelloise, la Rgion wallonne(ventuellement ampute de la rgion de langue allemande) et la Communautgermanophone. Les Communauts franaise et flamande sont beaucoup moinsbien places pour revendiquer la qualit dEtat, celle-ci comprenant en principe lamatrise exclusive dun territoire propre, dans la mesure o elles partagent, par cer-

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    35 M.G. COHEN, op. cit., p.158.

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    taines de leurs comptences, un territoire commun, celui de la rgion bilingue deBruxelles-Capitale.

    Si les trois Rgions et la Communaut germanophone ou une de ces entits de-vaient prtendre accder lindpendance et si un conflit devait natre au sujet dutrac de la nouvelle frontire internationale les sparant, on voit mal comment lespartenaires de la ngociation pourraient viter de se rfrer la rgle de lUti possi-detis en cas de dsaccord persistant36. Dans tous les cas de figure, et tel est les-sentiel pour notre propos, Bruxelles pourrait revendiquer au moins le respect de sonintgrit territoriale actuelle.

    Il nous reste maintenant passer en revue les diffrents statuts que la Rgionbruxelloise pourrait se donner en faisant usage de sa nouvelle souverainet.

    On l'a dj signal dans l'introduction : les scnarios sont innombrables, et le droitn'a nulle vocation en slectionner lun ou lautrea priori. D'un point de vue juridi-que, tout peut tre construit37, et lon sait que les constitutionnalistes belges ont uneimagination fertile.

    Rappelons trs brivement les quelques scnarios thoriquement concevables ouqui ont t voqus dans les dbats publics38.

    L'indpendance. Bruxelles et sa population dcideraient de ne pas entrer dans lejeu du confdralisme, et de faire cavalier seul.

    La fusion. Bruxelles et sa population pourraient renoncer leur indpendance etsolliciter leur annexion, soit dans le cadre d'un Etat unitaire, soit dans celui d'un tatfdral, l'un des autres partenaires de la confdration - la Flandre 39 ou la Wallo-nie. Dans le second cas, l'absence de contigut territoriale entre Bruxelles et la

    Wallonie pourrait tre source de difficults. Les principales d'entre elles devraientcependant tre surmontes grce aux liberts de circulations garanties par l'Unioneuropenne40.

    La participation la confdration. Bruxelles et les Bruxellois pourraient aussi dci-der d'entrer dans les liens du trait confdral envisag par hypothse avec la Wal-lonie et la Flandre, et de convenir de la gestion commune de certaines de ses com-

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    36 Mme N. ANGELET, op. cit., p.220, le reconnat.37 En sinspirant le cas chant,mutatis mutandis, des divers statuts des capitales fdrales.

    Voyez ce propos C. VAN WYNSBERGHE, Les capitales fdrales, une comparaison, inRevue internationale de politique compare, 2003, vol. 10, n1.38

    On en trouve sept chez A. BINET et J. KOTEK, Fdralisme et rgionalisme en Europe. Ledevenir de Bruxelles, in La Belgique et ses nations dans la nouvelle Europe, sous la dir. de J.

    Lemaire et A. Miroir, Bruxelles, Editions de lUniversit de Bruxelles, 1997, p. 93-108.39 Les dputs du Vlaams Parlement J. Van Hauthem, K. Van Overmeire, G. Van Steenberge,M. Dillen, L. Van Nieuwenhuyzen et F. Dewinter ont rdig dans cette perspective un essai deConstitution pour un Etat flamand unitaire dont Bruxelles serait la capitale: cfr Vlaams Parle-ment, stuk726/1, 2005-2006.40 Le scnario dune Belgique fdrale Wallonie-Bruxelles imagin la suite dune sces-sion flamande a t prsent par Ch. FRANCK, A.-. P. FROGNIER, B. REMICHE ET V. VAG-MAN dans leur Manifeste Choisir lavenir: cfr le n spcial de La Revue gnrale, janvier 1997,p. 43-44.

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    ptences. Lesquelles? Sur ce point, le droit n'a rien imposer ni exclure : lespartenaires mettent en commun ce qu'ils veulent. La mise en commun peut treminimaliste (dfense, certains aspects des relations internationales, ...), mais riennempche qu'elle soit plus ambitieuse. On peut parfaitement imaginer que le futurtrait confdral reprenne de plano les rgles actuelles qui rgissent l'exercice descomptences rgionales et communautaires Bruxelles; ou accentue la dimensionde cogestion de Bruxelles par la Wallonie et la Flandre sur le modle de ce qui avaitt imagin par les auteurs du Proeve van Vlaamse Grondwet41;ou encore, et l'inverse, opre un relchement de l'emprise de la Wallonie et de la Flandre sur lagestion de Bruxelles (sur le modle de ce que proposent les auteurs du ManifesteBruxellois 42). Ici encore, le droit n'a rien exclure. L'on notera que les derniers sc-narios recenss (accentuation ou attnuation de la cogestion) pourraient dores etdj tre envisags mme si la Belgique ne s'engageait pas sur la voie confdrale.

    On aperoit ainsi que le confdralisme n'a pasncessairement et juridiquementvocation bouleverser la manire dont les comptences des uns et des autres sontrparties aujourd'hui concrtement Bruxelles, mme si politiquement ces boule-versements seraient plus que probables. Le seul changement qui,juridiquement,interviendrait coup sr en cas de passage au confdralisme, consisterait en ceque Bruxelles aurait le droit de consentir, en permanence, au statut qui est le sien :le pacte confdral qui rgirait ce statut ne pourrait tre mis en place qu'avec lac-cord de Bruxelles, ne pourrait tre modifi qu'avec son accord, et Bruxelles aurait, tout moment, le droit de faire scession, de "sortir du pacte" si son statut ne luiconvient plus. Nous touchons ici au coeur de la distinction entre le fdralisme et leconfdralisme43.Le district confdral. Dans son ouvrage de 1955 consacr aux Confdrations

    d'tats, Charles Durand notait que rien, dans la dfinition juridique du confdra-lisme, ne s'opposait ce qu'un territoire soit soustrait l'emprise de chacune desunits constituantes de la confdration, aux fins d'y crer une capitale de cetteconfdration, o sigeraient les organes de celle-ci ainsi que, le cas chant, cer-tains des lieux de pouvoirs des units constituantes44. En d'autres termes, le mo-dle du "district fdral", dont l'exemple type est Washington DC45, pourrait tre

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    41 Cfr J. CLEMENT, W. PAS, B. SEUTIN, G. VAN HAEGENDOREN, J. VAN NIEUWENHOVE,Proeve van Grondwet voor Vlaanderen, Brugge, Die Keure, 1996. Voyez ce propos Hoor-zittingen over een Vlaamse Grondwet. Een inhoudelijke en rechtsvergelijkende verkenning. De

    juridische invalshoek van het boek Proeve van Vlaamse Grondwet voor Vlaanderen, Verslagnamens de Commissie Vlaamse Grondwetuitgebracht door C. Berx, Vlaams Parlement, Stuk

    813/1, 2005-2006.42 Lassociation Manifestobru a rdig deux manifestes dans ce sens. Le premier date du 4fvrier 2003 et le second, rdig avec la collaboration des groupes Aula Magna etbruXsel.org, la suite de lappel Nous existons, Wij bestaan, We exist, date du 23 mai2007. On en trouve les textes sur le site www.manifestobru.be. Pour une synthse de leuresprit, voyez not. A. MASKENS, Les Bruxellois doivent abandonner le clivage linguistique,in Le Soir, 10 mars 2006.43 Cfr Ch. DURAND, op. cit., p.86-87 et 167.44 Cfribidem, p.31.45 Voyez sur ce modle ltude prcite de C. VAN WYNSBERGHE.

    H. DUMONT et S. VAN DROOGHENBROECK,Le statut de Bruxelles dans lhypothse du confdralisme,Brussels Studies, Numro 10, 15 octobre 2007, www.brusselsstudies.be

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    transpos dans un schma confdral46 : le "disctrict confdral" serait alors admi-nistr directement par les organes de la confdration. Ce modle pourrait trechoisi pour Bruxelles, pourvu que les Bruxellois y consentissent. Il est souvent d-cri, au motif qu'il relgue les habitants du district au rang de citoyens de secondezone. Il est vrai que les habitants du district de Columbia ne disposent pas d'unereprsentation digne de ce nom au Congrs amricain, qui pourtant a autorit sureux. Toutefois, le droit compar trace d'autres pistes, plus respectueuses des droitsdmocratiques des habitants du district : on songe par exemple - mais il sagitdEtats fdraux - au cas de Canberra, Brasilia, ou encore New Delhi. Dans lhypo-thse du district confdral, les Bruxellois seraient privs du droit de participer lagestion dun vritable Etat, ce quil est permis de juger peu enviable pour tous ceuxquenthousiasme encore le mtier de citoyen.Le district europen. L'ide fut lance, il y a quelques annes47, de faire de Bruxellesun district europen, sous administration directe de l'Union europenne. Du mo-ment que les Bruxellois y consentent, cette solution est, du point de vue juridique,parfaitement ralisable. Encore faut-il cependant qu'elle soit raliste, ce dont dou-tent les commentateurs les plus aviss de part et d'autre de la frontire linguistique.La souverainet - pnale, fiscale, ou autre - que l'on demanderait l'Union d'exer-cer sur Bruxelles exigerait rien moins que cette Union devienne elle-mme un tat part entire. Il est douteux que les 27 soient tous preneurs d'un tel bouleversementcopernicien du statut juridique de l'Union48On le voit, les scnarios sonta priorimultiples et la brve recension ici effectuen'puise en aucune manire l'imagination juridique. Quoiqu'il en soit cependant, leurparticularit rside dans le fait qu'ils ne pourront voir le jour sans que Bruxelles yadhre volontairement. Cette exigence de consentement fait que, sans doute, cer-

    tains scnarios sont plus improbables que d'autres, tant il est vrai que l'on naper-oit pas,a priori, les raisons qui pourraient pousser un corps de citoyens renoncer la facult d'autodtermination qui est la sienne en se plaant sous le diktat desautres.

    Conclusions

    En prenant, pour les besoins de lexercice, lhypothse dune rvolution proprementconfdrale au srieux, et en restant dans les limites dun raisonnement strictementjuridique, nous avons, en dfinitive, dfendu deux ides, sans cacher les nombreu-ses incertitudes qui les affectent.

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    46 Le groupe de rflexion flamand In de Warande suggre de sinspirer en partie de ce modlepour imaginer un statut qui mettrait Bruxelles sous la dpendance de deux Etats indpen-dants, la Flandre et la Wallonie (technique du condominium), en attendant que Bruxelles de-vienne, terme, la capitale de lUnion europenne: cfr Manifeste pour une Flandre indpen-dante dans lEurope unie, Bruxelles, Groupe de rflexion In de Warande, 2006, p. 201-212.47 Notamment par L. TOBBACK en novembre 1997 .48 Cfr Chr. FRANCK et F. DELMARTINO, Bruxelles, lUnion europenne et le scnario euro-pen, in Bruxelles et son statut, sous la dir. de E. Witte, A. Alen, H. Dumont, R. Ergec,Bruxelles, Larcier, 1999, p.721-742.

    H. DUMONT et S. VAN DROOGHENBROECK,Le statut de Bruxelles dans lhypothse du confdralisme,Brussels Studies, Numro 10, 15 octobre 2007, www.brusselsstudies.be

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    La premire: au cours de la procdure de dissolution de lEtat belge, pralable obli-g une recomposition confdrale, Bruxelles et les Bruxellois conquerront le droitde dcider eux-mmes de leur propre sort. Avec l'amertume en moins, notre ana-lyse rejoint ici le constat que faisait Marc Platel dans sa rcente Communautairegeschiedenis van Belgi: zelfs met een confederaal model is het niet zo van-zelfsprekend een min of meer aanvaardbare oplossing voor de hoofdstad vanVlaanderen uit te dokteren. Zeker niet meer sinds men ook aan Vlaamse kantinstemde met een evolutie waarbij men de Brusselaars zelf het zo goed als exclusie-ve beslingsrecht heeft gegeven over hun staatskundig organisatie"49.

    La deuxime: en droit, toutes les options sont ouvertes quant lusage que lesBruxellois voudraient faire de leur nouvelle souverainet, de lindpendance lan-nexion consentie, en passant par leur participation lhypothtique confdration

    selon des modalits ngocier avec les Etats partenaires de celle-ci. Moyennantune rserve que nous tenons ajouter: les droits de la minorit nerlandophonebruxelloise doivent tre videmment garantis dans la plus parfaite conformit avecles standards internationaux prvalant en la matire.

    Malgr la fermet de ces deux ides, nous voudrions insister une dernire fois sur leton modeste, prudent et rsolument conditionnel dont nous avons tenu assortirtous les dveloppements qui nous ont conduit les formuler. La prsente contribu-tion nest quun premier essai de rflexion qui justifie bien des approfondissements,des prolongements et surtout des discussions. Le principal mrite que lon voudraitlui voir reconnatre serait dalimenter lindispensable dbat sur les questions quilpose, un dbat auquel devraient durgence prendre part non seulement les consti-tutionnalistes, les internationalistes, les politologues et les conomistes50, mais aussiles organisations et les citoyens des socits civiles belges.

    Sur le plan technique, cest surtout le dialogue avec les spcialistes du droit interna-tional que nous voudrions susciter, tant nous sommes conscients des limites de ladiscipline des constitutionnalistes quand il est question du dmembrement dun Etatet dune ventuelle recomposition de ses units constituantes sous une structureconfdrale qui relve, par dfinition, du droit international.

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    49 M. PLATEL, Communautaire geschiedenis van Belgi van 1830 tot vandaag, Leuven, Da-vidsfonds, 2004.50 On doit relever cet gard la qualit du travail journalistique ralis sur ces questions avecla collaboration de plusieurs personnalits du monde acadmique flamand par De Standaarddans son dition des 1er et 2 septembre 2007.

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