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Revue de Pneumologie clinique (2013) 69, 283—286
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
CAS CLINIQUE
Le syndrome de détresse respiratoire aiguë au coursdu paludisme : est-il toujours l’apanage duPlasmodium falciparum ?
The acute respiratory distress syndrome in malaria: Is it always the prerogativeof Plasmodium falciparum?
M.A. Hachimia,∗, E.A. Hatima, M.K. Mouddenb,A. Elkartouti c, M. Erramic, L. Louzic, S.M. Hanafia,A. Mahmoudia
a Pôle d’anesthésie réanimation et urgences, hôpital militaire d’instruction Moulay Ismaïl,Meknès, Marocb Service de médecine interne, hôpital militaire d’instruction Moulay Ismaïl, Meknès, Marocc Service de parasitologie, hôpital militaire d’instruction Moulay Ismaïl, Meknès, Maroc
Disponible sur Internet le 18 mai 2013
MOTS CLÉSPaludisme ;Syndrome dedétresse respiratoireaiguë ;Plasmodium
Résumé Le paludisme grave, responsable de près d’un million de décès annuellement enzones d’endémie, est une priorité de santé publique au niveau mondial. La gravité liée à la sur-venue d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est une complication bien connue del’infection à Plasmodium falciparum et peut atteindre 25 % des adultes contaminés. Cependant,le SDRA est moins souvent décrit avec les autres espèces plasmodiales. Nous rapportons le casd’un jeune soldat marocain décédé dans un tableau de SDRA lié à un paludisme à Plasmodiumovale sept mois après son retour d’un pays endémique.© 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
KEYWORDSMalaria;
Summary Severe malaria causes nearly one million deaths annually in endemic areas and is apublic health priority worldwide. Severity associated with the occurrence of acute respiratory
Acute respiratorydistress syndrome;Plasmodium
distress syndrome (ARDS) is a well-known complication of infection with Plasmodium falciparumand can reach 25% of infected amodium species. We report the
related to malaria of Plasmodium© 2013 Published by Elsevier Ma
∗ Auteur correspondant. no 2, rue Jamil Ibn Maamar, résidence Salma,
Maroc.Adresse e-mail : [email protected] (M.A. Hachimi).
0761-8417/$ — see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2013.03.001
dults. However, ARDS is less often described with other Plas-case of a young Moroccan soldier who died in an array of ARDS
ovale 7 months after his return from an endemic country.sson SAS.
1er étage, appartement 3, Champs des courses-Ville nouvelle, Fès,
2 M.A. Hachimi et al.
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84
ntroduction
e paludisme sévère d’importation reste une menaceajeure pour les voyageurs. Un des éléments de gravité
st la survenue d’un syndrome de détresse respiratoireiguë (SDRA) et l’espèce la plus souvent incriminée est lelasmodium falciparum. Cependant, ces dernières annéeses Plasmodium vivax et ovale ont pu être retrouvés res-onsables [1,2]. Nous rapportons le cas d’un jeune soldatarocain âgé de 31 ans décédé dans un tableau de SDRA lié
un paludisme à P. ovale sept mois après son retour d’unays endémique.
bservation
n sergent-chef marocain âgé de 31 ans, ayant comme anté-édents une tuberculose pulmonaire à l’âge de 20 ans et unéjour de six mois en République démocratique du Congonviron sept mois avant, est admis en réanimation pour uneêne respiratoire d’installation brutale. Le début remon-ait à une semaine par une fièvre à 39 ◦C avec des frissonsans autres signes associés, en particulier pas de syndromeéningé, pas de diarrhée ni de brûlure mictionnelle etas de signe respiratoire. Un bilan réalisé le jour mêmeu service d’accueil des urgences a noté seulement unehrombopénie à 118 000 éléments par mm3. Par ailleurs, laonction rénale et la bilirubinémie étaient normales et laoutte épaisse était négative. De même la radiographieulmonaire était sans anomalie (Fig. 1). Le patient a étéospitalisé au service de médecine interne pour suspicion’un paludisme et a bénéficié d’une réhydratation à basee sérum glucosé à raison de 500 mL toutes les six heuresnrichis de 2 g de chlorure de sodium et de 1 g de chloruree potassium en plus d’un traitement antipyrétique. Uneéfervescence thermique a été notée au bout de 72 heures.es gouttes épaisses ont été réalisées quotidiennement.ur celle du quatrième jour de son admission, jour prévu
our sa sortie, ont été identifiés des trophozoïtes à P. ovalevec une faible parasitémie de moins de 0,2 % (Fig. 2).e jour même, un traitement à base de quinine en per-usion est démarré. Dix heures environ après le début dupsat
igure 2. Plasmodium ovale sur un frottis sanguin mince à gauche et
igure 1. Radiographie thoracique initiale : parenchyme pulmo-aire et silhouette cardiaque d’aspects normaux.
raitement, le patient a présenté de facon brutale une dys-née aiguë avec une désaturation à 67 % ne s’améliorantas sous oxygénothérapie à 3 L/min et dont l’auscultationulmonaire a noté des râles crépitants aux deux basesulmonaires. La gazométrie du sang artériel réalisée enrgence a noté une hypoxémie sévère avec une PaO2 à1,3 mmHg, une PaCO2 à 41 mmHg, un pH à 7,37, des bicar-onates à 30,2 mmol/L et un rapport PaO2/FiO2 à 171. Laadiographie a objectivé un syndrome alvéolo-interstitielasal bilatéral (Fig. 3). Le patient fut immédiatementis sous ventilation contrôlée avec un volume courant à
00 mL, une fréquence respiratoire à 18 cycles/min, uneiO2 à 100 % et une PEEP à 10 cmH2O. Un prélèvement distalrotégé, une hémoculture et un test de sérologie VIH réali-
és à l’admission en réanimation sont revenus négatifs. Parilleurs, l’électrocardiogramme et l’échographie cardiaqueransthoracique étaient sans particularités. L’évolution étaitsur une goutte épaisse à droite.
Syndrome de détresse respiratoire aiguë au cours du paludisme
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Figure 3. Syndrome alvéolo-interstitiel basal bilatéral.
défavorable avec une aggravation rapide de l’hypoxémie àcause des difficultés de ventilation et le patient est décédéle même jour de son admission en réanimation.
Discussion
Le paludisme grave, responsable de près d’un million dedécès annuellement en zones d’endémie, est une prioritéde santé publique au niveau mondial. Dans les pays nonendémiques, le paludisme grave d’importation reste une
infection potentiellement mortelle [3]. Selon les récentesrecommandations francaises pour la pratique clinique en2007, le diagnostic de paludisme grave d’importation reposesur la mise en évidence de P. falciparum dans le sang etlsPà
Tableau 1 Tableau récapitulatif des cas des syndromes de détrovale.
1er cas 1999 [9] 2e cas 2008 [1]
Âge/sexe 31 ans/Femme 43 ans/Homme
Antécédents Séjour au Ghana10 mois avant
Trois joursaprès le retourdu Nigeria
Symptomatologie SDRA 36 h aprèsle début dutraitement(chloroquine)
SDRA au 2e
jour dutraitement(chloroquine)
Biologie Plaquettes :75 000
Plaquettes :56 000Parasitémie :0,1 %
Ventilationinvasive
Non Oui
Évolution Favorable Favorable
285
ur la présence d’au moins un critère clinique ou biologiquee gravité comme déjà défini en 2000 [4,5]. La gravité liée
la survenue d’un poumon lésionnel aigu reconnu commen SDRA ou par les Anglo-Saxons comme acute lung injuryALI) est une complication bien connue de l’infection à. falciparum et peut atteindre 5 à 25 % des adultes contami-és [6]. Cependant, le SDRA est moins souvent décrit aveces autres espèces plasmodiales. Pour le P. ovale, seulementuatre cas sont signalés (Tableau 1) et ont évolué favorable-ent [1,7—9].La physiopathologie de l’œdème pulmonaire aigu dans le
aludisme n’est pas claire, et le mécanisme peut être diffé-ent selon l’espèce. Dans le cas du P. falciparum, le globuleouge infecté adhère à l’endothélium microvasculaire etrovoque une obstruction mécanique du système vasculaireulmonaire. Des cellules inflammatoires telles que les neu-rophiles et les mononucléaires sont activées et provoquentne augmentation de l’activité des cellules phagocytairesulmonaires avec libération intense de cytokines. Ainsi,’augmentation secondaire de la perméabilité alvéolocapil-aire menace la survenue d’un SDRA [10]. Une diminution dea biodisponibilité du NO pulmonaire est postulée comme unacteur de risque plus élevé de développement d’un SDRA.e même, le remplissage vasculaire excessif est incriminéar augmentation de l’œdème hydrostatique [11].
Au cours du paludisme à P. ovale et vivax et des cason compliqués des paludismes à P. falciparum, il est connuu’une altération de la fonction pulmonaire est fréquente.our le P. vivax, cette altération pulmonaire peut être secon-aire à une séquestration des érythrocytes infectés dans
a microvascularisation pulmonaire. Cependant, on ignorei le P. ovale peut se séquestrer dans les poumons [12].ar ailleurs, la réponse de l’hôte semble être plus fortefaible parasitémie avec les P. vivax et ovale qu’avec
esse respiratoire aiguë décrits secondaires au Plasmodium
3e cas 2011 [8] 4e cas 2011 [7] Notre cas
24 ans/Homme 46 ans/Femme 31 ans/HommeSclérosetubéreuse deBourneville ;pneumothoraxgauche ;séjour auTchad et enCôte d’Ivoire12 mois avant
Transfusion de7 culotsglobulaires1 mois avant
Tuberculosepulmonaire,séjour auCongo 6 moisavant
SDRA au 3e
jour dutraitement(chloroquine)
SDRA au 2e
jour dutraitement(chloroquine)
SDRA le mêmejour dutraitement(chloroquine)
Plaquettes :60 000Parasitémie :0,2 %
Plaquettes :108 000Parasitémie :0,2 %
Non Oui Oui
Favorable Favorable Décès
2
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[M, Reisinger EC. Stronger host response per parasitizederythrocyte in Plasmodium vivax or ovale than in Plas-modium falciparum malaria. Trop Med Int Health 2006;11:
86
e P. falciparum. De même, la dysfonction alvéolocapil-aire progressive qui est observée après le traitement dualudisme à P. vivax est compatible avec la forte réponsenflammatoire observée, phénomène qui n’est pas identifiéu cours du paludisme à P. falciparum non compliqué. Pour le. ovale, ses aspects cliniques et microbiologiques similairesvec le P. vivax pourraient fournir plus d’idées sur ses consé-uences physiopathologiques [13]. D’autres facteurs sontncriminés, notamment la co-infection par le P. falciparumui justifie en cas de doute le recours à la biologie molé-ulaire pour le diagnostic microbiologique. De même, laossibilité d’une pneumonie bactérienne associée peut êtreiscutée, imposant la réalisation systématique des prélève-ents bactériologiques et l’association d’antibiotiques. Le
iveau de parasitémie est aussi impliqué, un faible niveauenforce la possibilité d’une médiation de la réponse inflam-atoire. Enfin, contrairement aux autres cas décrits dans la
ittérature, le SDRA est survenu précocement après le débutu traitement antipaludéen. On ne peut pas, par ailleurs,xclure que la réhydratation initiale n’ait aggravé le patient,omme cela été décrit dans la littérature [1,6].
onclusion
a possibilité de développer un SDRA avec les espèceslasmodiales autres que le P. falciparum est rare maisrave voire mortelle. Ainsi, l’adage classique « seul le. falciparum tue » doit être nuancé.
éclaration d’intérêts
es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.
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