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Ann Dermatol Venereol2006;133:563-5Articles scientifiques
Cas clinique
Lèpre lépromateuse révélée par un œdème des mainsF. CHERIF (1), W. DAOUD (1), A. MASMOUDI (2), C. FENDRI (2), A. BEN OSMAN DHAHRI (1)
Résumé
Introduction. Nous rapportons une observation de lèpre lépromateuse
chez une femme tunisienne révélée par un tableau clinique trompeur
réalisant une infiltration isolée des mains.
Observation. Une femme, âgée de 37 ans, consultait en octobre 2000
pour un œdème bilatéral des mains associé à des paresthésies évoluant
depuis un mois. La recherche de bacilles de Hansen confirmait le
diagnostic de lèpre multibacillaire. Un traitement par trithérapie
antilépreuse en prise quotidienne était institué.
Discussion. La survenue d’un œdème, classiquement décrit comme un
des symptômes des états réactionnels, peut se voir au cours de
l’évolution d’une lèpre. Lorsqu’il est inaugural, ce mode de début
inhabituel peut être source d’erreurs et de retard diagnostique.
Summary
Background. We reported a case of lepromatous leprosy in a Tunisian
woman revealed by a potentially misleading clinical picture involving
isolated infiltration of the hands.
Patients and methods. A 37 year-old woman consulted in October 2000
for bilateral edema of the hands associated with paraesthesia that had
been present for one month. Screening for Hansen’s bacilli confirmed the
diagnosis of multibacillary leprosy. Daily therapy with triple anti-leprosy
treatment was initiated.
Discussion. The occurrence of edema, which is classically described as a
symptom of a reactional state, can occur during the course of leprosy.
Where it is a presenting symptom, this unusual heralding sign can be a
source of diagnostic error and delay.
a lèpre ou maladie de Hansen est caractérisée par son
grand polymorphisme clinique, en particulier cutané.
Ce polymorphisme est directement lié au statut immu-
nitaire du malade et en particulier à son immunité cellulaire.
Au cours de la lèpre lépromateuse, l’infiltration œdémateuse
des extrémités peut compléter la symptomatologie à la pério-
de d’état. Cependant, lorsqu’il est inaugural, l’œdème est vo-
lontiers trompeur, faisant évoquer avant tout une pathologie
générale, veineuse ou lymphatique. Nous rapportons une ob-
servation originale de lèpre lépromateuse révélée par un œdè-
me isolé et inaugural des 2 mains.
Observation
Une femme âgée de 37 ans, originaire du Nord de la Tunisie
(Aïn Draham), consultait en octobre 2000 pour un œdème
bilatéral des doigts et du dos des mains associé à des paresthé-
sies remontant jusqu’aux avant-bras, évoluant depuis un
mois. Des douleurs lancinantes de l’avant-bras droit étaient
apparues 15 jours auparavant. Il existait une infiltration œdé-
mateuse ferme des doigts et du dos des mains avec une peau
tendue, luisante, difficile à pincer au dos des phalanges, don-
nant aux doigts un aspect boudiné (fig. 1). Les articulations
des mains étaient noyées dans l’œdème mais ne semblaient
pas atteintes. Aucune autre lésion cutanée n’était objectivée.
L’examen neurologique trouvait une atteinte sensitive du
membre supérieur droit non systématisée avec une hypoes-
thésie tactile et thermoalgique sans hypertrophie des nerfs
périphériques, ni atteinte des réflexes ostéotendineux. Les
examens biologiques notamment rénaux et l’albuminémie
étaient normaux. Il n’existait pas de syndrome inflammatoire
(vitesse de sédimentation à 6 mm à la première heure). Les
radiographies des mains ne montraient aucune anomalie.
Devant cet œdème associé à des paresthésies, sans atteinte
rénale ni articulaire, le diagnostic de lèpre lépromateuse était
évoqué. La recherche de bacilles de Hansen (BH) dans le mu-
cus nasal et le suc dermique du lobule des oreilles réalisée à
2 reprises était positive, montrant 1 à 10 bacilles par champ
(index bactériologique IB = 3 +). Le diagnostic de lèpre lépro-
mateuse multibacillaire était retenu. La reprise de l’interro-
gatoire révélait que la malade habitait et travaillait dans la
capitale sans notion de séjour dans le centre ou le sud de la
Leprosy revealed by oedema of the hands.F. CHERIF, W. DAOUD, A. MASMOUDI, C. FENDRI, A. BEN OSMAN DHAHRIAnn Dermatol Venereol 2006;133:563-5
(1) Service de Dermatologie, (2) Service de Bactériologie, Hôpital La Rabta, Tunis, Tunisie.
Tirés à part : F. CHERIF, Service de Dermatologie,
Hôpital La Rabta, 1007 Jabbari, Tunis, Tunisie.
E-mail : [email protected]
L
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F. CHERIF, W. DAOUD, A. MASMOUDI et al. Ann Dermatol Venereol2006;133:563-5
Tunisie, ni à l’étranger. L’enquête familiale était négative. La
reprise de l’examen clinique ne trouvait pas de lésion cuta-
née maculeuse, de léprome ou de chute de la queue des sour-
cils. Une biopsie cutanée du dos de la main droite était dans
les limites de la normale et la coloration de Ziehl était néga-
tive. L’examen ophtalmologique révélait une anesthésie cor-
néenne avec un syndrome sec bilatéral.
L’évolution se faisait vers la régression spontanée de
l’œdème avant tout traitement. Une trithérapie antilépreuse
en prise quotidienne associant la rifampicine, la dapsone et
la clofazimine était instaurée. L’évolution était favorable avec
une disparition des troubles sensitifs en un mois. L’examen
neurologique de contrôle ainsi que l’électromyogramme avec
étude des vitesses de conduction nerveuse (réalisé unique-
ment après la régression de l’œdème) étaient normaux.
Une négativation de l’index bacillaire était observée au
bout de 7 mois de traitement. Cependant, à la suite d’une
mauvaise observance thérapeutique, une récidive de l’œdè-
me et des paresthésies de la main droite était notée treize
mois après le début du traitement. Cette symptomatologie
était corrélée à la réapparition du BH aux prélèvements bac-
tériologiques avec 1 à 10 bacilles par 100 champs (IB = 1 +).
Une reprise de la polythérapie antilépreuse supervisée par le
médecin traitant permettait une évolution favorable clinique
et bactériologique. La malade est toujours sous traitement.
Discussion
Cette observation de lèpre est originale par le caractère révéla-
teur de l’œdème des mains. En Tunisie, la lèpre est rare ; les
foyers d’endémie lépreuse sont localisés aux régions du cen-
tre et du sud [1, 2]. Dans notre observation, malgré un contex-
te épidémiologique peu évocateur, c’est l’association de
l’œdème à des paresthésies du membre supérieur droit et
l’absence de toute autre symptomatologie générale ou articu-
laire sous-jacente qui ont fait évoquer le diagnostic de lèpre.
La survenue d’un œdème peut se voir au cours de l’évolution
d’une lèpre. Il est classiquement décrit au cours des états
réactionnels de type 1, où il traduit une modification de l’im-
munité cellulaire du malade vis-à-vis du BH [3]. Souvent loca-
lisé à la région labiale ou palpébrale il peut par son caractère
subit faire évoquer un œdème angioneurotique [4]. Au cours
des réactions de type 2, un œdème des extrémités en dehors
de toute lésion cutanée peut s’observer. De même, un tableau
d’œdème généralisé simulant un anasarque a été décrit [5].
L’infiltration œdémateuse des extrémités peut également
se voir dans les formes lépromateuses polaires, en dehors de
tout état réactionnel [6]. C’est l’association à d’autres mani-
festations cutanées et neurologiques qui est alors évocatrice
de lèpre. Notre observation est originale par le caractère inau-
gural et isolé de l’œdème des mains. Ce mode de début est
rare. Il peut faire égarer le diagnostic, simulant une patholo-
gie rhumatologique ou vasculaire [7-13].
Valentini et al. [6] ont suggéré que l’œdème est un prodro-
me ou un composant silencieux des états réactionnels. Il
peut précéder les lésions cutanées de quelques mois ou an-
nées. D’autres auteurs considèrent qu’un œdème des mains
et des pieds associé à une altération de la sensibilité des prin-
cipaux rameaux nerveux doivent être considérés comme un
état réactionnel et traité comme tel [14]. Dans le cas présenté,
une forme fruste de réaction reverse de type I peut être dis-
cutée. En effet, il existait des signes neurologiques à type de
paresthésies, douleurs et déficit sensitif superficiel attestant
à eux seuls de la névrite, il n’y avait pas de signes généraux et
de syndrome inflammatoire biologique, les signes histologi-
ques étaient discrets enfin, l’évolution par poussées était ini-
tialement spontanément, puis sous clofazimine qui possède
des propriétés antiréactionnelles, résolutives. Cette réaction
serait révélatrice d’une lèpre certes multibacillaire mais bor-
derline.
En se basant sur des études histologiques ayant montré
que les BH infiltrent toutes les tuniques de la paroi des col-
lecteurs et des ganglions lymphatiques, certains auteurs ont
émis l’hypothèse que ces œdèmes seraient occasionnés par
une obstruction des lymphatiques [15, 16]. Aucune adénopa-
thie n’était palpable chez cette malade. De même, l’obstruc-
tion des lymphatiques par la clofazimine a été évoquée par
d’autres auteurs [17]. Aucune prise médicamenteuse n’était
trouvée chez cette malade. Enfin, un mécanisme immunolo-
gique mettant en jeu certains médiateurs inflammatoires a
été également fortement suggéré dans la littérature [6].
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Fig. 1. Infiltration œdémateuse du dos de la main droite avec aspect boudiné desdoigts.
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Lèpre révélée par un œdème des mains
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2. La référence doit être précise, complète et toujours la même, il faudrait que chaque université indique un libellé
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Lyon, 44 p. 100 des articles ne faisaient pas mention de l'université Claude-Bernard, seulement 15 p. 100 des adresses
étaient libellées de façon correcte). Il n'appartient pas aux évaluateurs de deviner tous les synonymes possibles et de
corriger les erreurs, les auteurs doivent donc faire l'effort.
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dans ce domaine. Les médecins même non universitaires travaillant dans un CHU devraient se plier à cette discipline
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