10
Les asyme ´tries faciales a ` composante squelettique Facial asymmetries and their skeletal component J.-M. Mercier*, J.-P. Perrin, J. Longis, L. Arzul, P. Corre Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, ho ˆtel-Dieu, CHU, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Summary The diagnosis and treatment of facial asymmetries is one of the most difficult challenges in orthognathic surgery. In some cases, the involvement of soft tissue defects or, in other cases, an associated basi-cranial asymmetry can complicate the manage- ment. The influence of various components of the cephalic end in the development of the face requires a thorough clinical and radiographic examination including the overall posture of the patient. The causes are multiple: congenital, constitutional, acqui- red with an important esthetic, functional, and psychological and social impact. The classification of these asymmetries can only be incomplete and purely didactic because of the multiplicity of clinical forms. Two elements are mandatory for the diagnosis and surgical treatment: first, the anterior clinical and radiological ‘‘craniofacial cross’’ established from the midline or midplane of the face; second, the clinical and radiological orientation of the maxillary and mandibular occlusal transverse and sagittal planes. The surgical techniques are the same as in conventional orthogna- thic surgery except for those used for the correction of the vertical posterior dimension of the face: condylectomy, lengthening osteo- tomy of the mandibular ramus, costochondral graft, and free flap. The contribution of 3D vision of the facial skeleton and its possibilities of measurement have improved the assessment of skeletal structure displacement during surgery. However, traditio- nal radiographic examinations are still useful for pre and post- operative comparison and also to assess results. Computer simulation and computer-assisted surgery should allow achieving Re ´sume ´ Le diagnostic et le traitement des asyme ´tries faciales est un des challenges les plus difficiles en chirurgie orthognathique. La participation, dans certains cas d’anomalies des tissus mous ou l’association dans d’autres cas d’une asyme ´trie basicra ˆnienne, complique la prise en charge. L’influence des diffe ´rents compo- sants de l’extre ´mite ´ ce ´phalique dans le de ´veloppement de la face implique un examen clinique et radiographique rigoureux y compris de la posture globale du patient. Les e ´tiologies sont multiples : conge ´nitales, constitutionnelles, acquises avec un important retentissement esthe ´tique, fonctionnel et psychosocial. La classification de ces asyme ´tries ne peut e ˆtre qu’incomple `te et a ` vise ´e purement didactique, tant les formes cliniques sont varie ´es. La croix faciale ante ´rieure e ´tablie a ` partir de la ligne ou du plan me ´dio-facio-cervical et l’orientation du plan d’occlusion maxillaire et mandibulaire dans les sens transversal et sagittal, clinique et radiologique, sont les e ´le ´ments fondamentaux du diagnostic et de l’indication the ´rapeutique. Les techniques chirurgicales sont les me ˆmes qu’en chirurgie orthognathique classique a ` l’exception de celles utilise ´es pour la correction de la dimension verticale poste ´rieure de la face : condylectomie, oste ´otomie d’allongement du ramus mandibulaire, greffe chondro-costale et lambeau micro- anastomose ´. L’apport de la vision en 3D du squelette facial et de ses mensurations a e ´te ´ un progre `s dans l’appre ´ciation des de ´pla- cements a ` re ´aliser pendant la chirurgie. Ne ´anmoins, la radio panoramique et les te ´le ´radiographies sont encore utiles pour la comparaison pre ´ et post ope ´ratoire et l’e ´valuation des re ´sultats. L’ave `nement de la simulation informatique et de la chirurgie * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (J.-M. Mercier). Rec ¸u le : 4 mars 2014 Accepte ´ le : 7 juillet 2014 Disponible en ligne 30 juillet 2014 50 e Congre `s de la SFSCMFCO 219 http://dx.doi.org/10.1016/j.revsto.2014.07.004 Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2014;115:219-228 2213-6533/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s.

Les asymétries faciales à composante squelettique

  • Upload
    p

  • View
    301

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les asymétries faciales à composante squelettique

������������

50e Congres de la SFSCMFCO

���

�������

Les asymetries faciales a composantesquelettique

Facial asymmetries and their skeletal component

J.-M. Mercier*, J.-P. Perrin, J. Longis, L. Arzul, P. CorreDisponible en ligne sur

����������������

Recu le :4 mars 2014Accepte le :7 juillet 2014Disponible en ligne30 juillet 2014

��

Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, hotel-Dieu, CHU, 1,place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

SummaryThe diagnosis and treatment of facial asymmetries is one of the

most difficult challenges in orthognathic surgery. In some cases,

the involvement of soft tissue defects or, in other cases, an

associated basi-cranial asymmetry can complicate the manage-

ment. The influence of various components of the cephalic end in

the development of the face requires a thorough clinical and

radiographic examination including the overall posture of the

patient. The causes are multiple: congenital, constitutional, acqui-

red with an important esthetic, functional, and psychological and

social impact. The classification of these asymmetries can only be

incomplete and purely didactic because of the multiplicity of

clinical forms. Two elements are mandatory for the diagnosis

and surgical treatment: first, the anterior clinical and radiological

‘‘craniofacial cross’’ established from the midline or midplane of

the face; second, the clinical and radiological orientation of the

maxillary and mandibular occlusal transverse and sagittal planes.

The surgical techniques are the same as in conventional orthogna-

thic surgery except for those used for the correction of the vertical

posterior dimension of the face: condylectomy, lengthening osteo-

tomy of the mandibular ramus, costochondral graft, and free flap.

The contribution of 3D vision of the facial skeleton and its

possibilities of measurement have improved the assessment of

skeletal structure displacement during surgery. However, traditio-

nal radiographic examinations are still useful for pre and post-

operative comparison and also to assess results. Computer

simulation and computer-assisted surgery should allow achieving

ResumeLe diagnostic et le traitement des asymetries faciales est un des

challenges les plus difficiles en chirurgie orthognathique. La

participation, dans certains cas d’anomalies des tissus mous ou

l’association dans d’autres cas d’une asymetrie basicranienne,

complique la prise en charge. L’influence des differents compo-

sants de l’extremite cephalique dans le developpement de la face

implique un examen clinique et radiographique rigoureux y

compris de la posture globale du patient. Les etiologies sont

multiples : congenitales, constitutionnelles, acquises avec un

important retentissement esthetique, fonctionnel et psychosocial.

La classification de ces asymetries ne peut etre qu’incomplete et a

visee purement didactique, tant les formes cliniques sont variees.

La croix faciale anterieure etablie a partir de la ligne ou du plan

medio-facio-cervical et l’orientation du plan d’occlusion maxillaire

et mandibulaire dans les sens transversal et sagittal, clinique et

radiologique, sont les elements fondamentaux du diagnostic et de

l’indication therapeutique. Les techniques chirurgicales sont les

memes qu’en chirurgie orthognathique classique a l’exception de

celles utilisees pour la correction de la dimension verticale

posterieure de la face : condylectomie, osteotomie d’allongement

du ramus mandibulaire, greffe chondro-costale et lambeau micro-

anastomose. L’apport de la vision en 3D du squelette facial et de

ses mensurations a ete un progres dans l’appreciation des depla-

cements a realiser pendant la chirurgie. Neanmoins, la radio

panoramique et les teleradiographies sont encore utiles pour la

comparaison pre et post operatoire et l’evaluation des resultats.

L’avenement de la simulation informatique et de la chirurgie

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected] (J.-M. Mercier).

219

http://dx.doi.org/10.1016/j.revsto.2014.07.004 Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2014;115:219-2282213-6533/� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

Page 2: Les asymétries faciales à composante squelettique

J.-M. Mercier et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2014;115:219-228

better and more stable results because of their reliability and easy

access.

� 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Facial asymmetry, Mandibular condyle osteogenesis,Distraction hemifacial microsomia

assistee par ordinateur devrait permettre par sa fiabilite et son

accessibilite l’obtention de resultats a la fois meilleurs et cons-

tants.

� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

Mots cles : Asymetrie faciale, Condyle mandibulaire, Distractionosseuse, Microsomie hemifaciale

L’asymetrie faciale a des aspects cliniques multiples : soitetre tres localisee au niveau de l’enveloppe cutanee etimmediatement perceptible comme un ptosis, un

trouble limite de la motricite, soit a l’oppose atteindre cer-taines structures du squelette cranio-facial et passer inaper-cue pour un œil non averti. L’integrite de l’enveloppe facialepeut masquer la malformation ou la deformation du sque-lette sous-jacent des lors que cette derniere n’affecte pas defacon pregnante l’harmonie et la symetrie du visage. Toutepathologie, congenitale, fonctionnelle, traumatique, tumo-rale, osseuse, cutaneo-musculaire, neurologique, dentaire,affectera la symetrie du visage des lors qu’elle aura uncaractere ou une preponderance unilaterale. L’influence mor-phogenetique reciproque des differents composants del’extremite cephalique impose un choix de classification avisee purement didactique limitee aux asymetries squeletti-ques en rapport avec la thematique orthognathique de cecongres. L’existence eventuelle d’une asymetrie faciale doitetre recherchee chez tout patient venant consulter pour unechirurgie orthognathique, au risque sinon de se decouvrir unefois traitee la dysmorphose associee.

Figure 1. Lignes fondamentales d’etude de la symetrie faciale.

Criteres de normalite de symetrie faciale

L’examen clinique [1–3] doit se referer a l’axe facialmedian vertical etendu a l’axe facio-cervical, voire a l’axecorporel, le patient en position debout : verticalite de lapyramide nasale et du philtrum, position mediane des lignesinter incisives, des freins labiaux et du point medio sym-physaire.A cette ligne de reference doit s’ajouter 5 lignes horizontaleset 2 lignes verticales.Ces lignes se reperent de face et en contre plongee.Lignes horizontales :� ligne bipupillaire (ou bicanthale externe) et ligne bitragale.Ces 2 lignes concernent la base du crane� ligne bicommissurale, ligne du plan occlusal et lignebiangulaire. Ces 3 lignes concernent la face proprement dite.Toutes ces lignes doivent normalement etre perpendiculairesa la ligne verticale de l’axe facio-cervico-corporeal et doncparalleles a l’horizontale. Nous pourrions y ajouter la lignebiscapulaire.

220

Lignes verticales : elles passent par le canthus interne et lesillon alogenien et doivent etre paralleles a la ligne verticalemediane.Les photographies prises en posture cephalique naturellecompletent l’examen clinique. Elles ont un interet clinique,comparatif, pedagogique, editorial et medico-legal (fig. 1).

Page 3: Les asymétries faciales à composante squelettique

Les asymetries faciales a composante squelettique

Les explorations radiographiquesL’apport diagnostique de la radiographie en 3D est un progresmajeur, mais la limitation du champ a la region faciale pour leCBCT et le caractere irradiant pour la Tomodensitometrie enlimitent son utilisation a des fins comparatives et rend tou-jours necessaire l’usage de la teleradiographie de face et deprofil. Il en est de meme de la radiographie panoramique quidoit comprendre systematiquement les articulations tem-poro-mandibulaires permettant ainsi le diagnostic immediatde certaines anomalies condyliennes. L’analyse structurale(fig. 2) et architecturale de face compare chacun des cotes,verticalement et tranversalement a partir d’une ligne medio-facio-cervicale passant par la crista galli, l’epine nasale ante-rieure et si possible la ligne medio-rachidienne cervicale.L’analyse de profil permet d’objectiver l’asymetrie des bordsbasilaires, l’orientation de la symphyse mentonniere et l’obli-quite sagittale du plan d’occlusion maxillaire et mandibulairede chacun des cotes. Les analyses cranio-faciales tridimen-sionnelles sont peu utilisables en pratique car elles corres-pondent a une transposition plus ou moins fiable des reperes,angles ou lignes 2D sur une image 3D et ne permettent pas larealisation de traces previsionnels base sur un trace ideal.

Figure 2. Asymetrie mandibulaire en rapport avec une asymetrie verticalede la partie petreuse de l’os et de la fosse temporale.

Empreintes, arc facial, moulages montes sur articulateursemi-adaptable et trace previsionnel sont autant d’outilsutiles a l’indication operatoire. Certains auteurs [4] font etatde statistiques a partir de differentes types d’analyse dimen-sionnelle portant sur le squelette ou les tissus mous de la facecomparant chacun des cotes de la face avec des formulesmathematiques difficiles a appliquer dans la pratique quoti-dienne. Des classifications geometriques sont egalement pro-posees a partir de ces analyses [5,6]. Des logiciels d’analyse etde simulation chirurgicale sur images en 3D se developpent deplus en plus mais ne sont pas encore du domaine courant enraison notamment de leur cout et du temps d’utilisation [7,8].

Les asymetries faciales pures

Les asymetries sont en rapport avec une discordance devolume ou de position dans les trois sens de l’espace, desbases osseuses d’un cote par rapport a l’autre. Il faut dis-tinguer les asymetries des bases osseuses, des asymetriesdento-alveolaires, bien que le distinguo ne soit pas toujoursevident au niveau du maxillaire.

Les asymetries maxillaires

La croissance et la morphogenese de l’etage moyen du visagedependent de l’activite physiologique et adaptative des sutu-res membraneuses separant les pieces squelettiques qui leforment (maxillaires, os zygomatiques, os nasal. . .), activiteplacee sous l’influence de la croissance, de la fonction destissus mous environnants et du capital dentaire (fig. 3). Saposition notamment sagittale etant soumise a l’evolution dela base anterieure du crane a laquelle il est appendu.Les formes basales isolees sont peu frequentes : fentes facia-les, sequelles d’osteite, de traumatisme, hemi-hypertrophied’origine vasculaire ou dans le cadre d’une hemi-hypertrophiecorporelle globale (fig. 4), neuro-fibromatose (NF1), hemi-atrophie faciale progressive (Parry-Romberg), pathologietumorale benigne (kystique dentaire, epidermique, dysplasiefibreuse, cherubinisme), ou maligne ou iatrogene (radiothe-rapie). Leurs consequences sont des modifications de volumeplus ou moins importantes selon la severite et l’age desurvenue. Le traitement sera fonction de l’etiologie, souventplus aise dans la reduction du volume que dans sa restitution.Les formes dento-alveolaires (ou etiquetees comme telles)sont beaucoup plus frequentes et plus aisees a diagnostiqueren raison du retentissement occlusal : endo-alveolie unilate-rale (fente labio-alveolo-palatine), exoalveolie unilateralecomplete du syndrome de Brodie, asymetrie d’arcade parfermeture d’espace sur agenesie ou extraction asymetrique.Les anomalies verticales du maxillaire peuvent etre basales(cf. supra) ou dento-alveolaires adaptatives secondaires a unemodification verticale de la mandibule : soit egression paredentation mandibulaire non appareillee, ou abaissement duplan occlusal mandibulaire de l’hyperplasie condylienne, soit

221

Page 4: Les asymétries faciales à composante squelettique

J.-M. Mercier et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2014;115:219-228

Figure 3. Exemple d’asymetrie maxillaire. Figure 4. Hemi-hypertrophie faciale globale associee a une hemi-hypertrophie corporelle.

ingression en cas de brachy-ramie. Maxillaire et mandibulesont etroitement lies et toute modification de l’un peutretentir sur l’autre. Cependant, la compacite et la puissancemasticatoire de la mandibule auront une prevalence sur lesecteur alveolaire maxillaire.Les asymetries maxillaires rotationnelles autour d’un axe plusou moins central sont plus difficiles a mettre en evidencesurtout si la ligne medio-incisive est restee centree par rap-port a la levre superieure : position asymetrique des secteursmolaires par rapport a la ligne medio-palatine ou deviation decelle-ci. Elles sont rarement isolees mais peuvent, avec lesasymetries d’arcade maxillaire, etre un piege en cas de chi-rurgie bimaxillaire : proeminence d’un angle mandibulaire parvalgisation de la branche horizontale.

Les asymetries de la base osseuse mandibulaire

Rappel anatomo-fonctionnel sur la mandibule

A l’inverse de l’etage moyen du visage compose de plusieurspieces squelettiques separees par des sutures d’origine mem-braneuse, la mandibule, os median, impair et symetriquepossede un mode de croissance different « sectorise » en

222

plusieurs unites squelettiques [9]. Ces unites, a l’exception del’unite symphysaire et dento-alveolaire, s’articulent autour duforamen mandibulaire. Bjork [10] a differencie 2 types derotation mandibulaire, dites matricielles, anterieure et pos-terieure en rapport avec la fermeture ou l’ouverture de l’anglemandibulaire. Ces variations d’angle temoignent del’influence de la puissance masticatoire (fermeture) ou dela capacite de projection de la symphyse (ouverture) qu’ils’agisse de rattrapage sagittal dans la classe II ou d’echappe-ment excessif dans la classe III. Elles sont donc fonctionnellesen rapport avec la morphogenese faciale. Schudy [11] a montrel’importance de la croissance condylienne dans la croissancedu ramus mandibulaire qui de part sa relation avec le corpusdetermine la hauteur posterieure du plan occusal mandibu-laire et donc son orientation. Delaire [12] a insiste sur l’impor-tance de cette orientation du plan d’occlusion dans le senssagittal et transversal en chirurgie orthognathique.Il importe donc de differencier les variations d’angulation entreunite condylienne et unite corpus d’origine (dys)fonctionnelle,des variations d’angulation dues a une variation du volume de

Page 5: Les asymétries faciales à composante squelettique

Les asymetries faciales a composante squelettique

Figure 5. Schema montrant la difference entre variation angulaire et variation de volume de l’unite condylienne.

Figure 6. Schema et radiographie panoramique d’une latero-mandibuliefonctionnelle.

l’unite condylienne (fig. 5). Les premieres, a l’inverse des secon-des, n’influent pas (ou peu) sur le niveau vertical de la partieposterieure du plan d’occlusion mandibulaire. Ces 2 types devariation vont donner lieu a 2 types d’asymetrie mandibulaire[13,14] :� la laterognathie mandibulaire fonctionnelle (fig. 6),secondaire a une endo-maxillie ou alveolie de type Cauhepeet Fieux, presentant dans sa forme caracteristique, unedeviation laterale du point inter incisif median inferieurassociee a une ouverture avec elevation plus ou moinsimportante de l’angle mandibulaire controlateral. Le pland’occlusion reste parallele a l’horizontale ou avec uneobliquite minime. Une fermeture de l’angle du meme cotede la deviation peut etre observee. La correction chirurgicalese fait par osteotomie sagittale mandibulaire bilateraleclassique type OSBM. Une preparation orthodontique ouchirurgicale d’expansion du maxillaire sera cependantnecessaire pour corriger l’endo-alveolie maxillaire opposeea la deviation mandibulaire pour permettre un recentragesatisfaisant et une bonne symetrie faciale ;� l’asymetrie mandibulaire par variation unilaterale de ladimension verticale posterieure : le plan d’occlusion presenteune obliquite marquee par rapport a l’horizontale. Le pointinter incisif median inferieur peut ne pas etre devie, mais lalaterogenie est constante. La difference de hauteur des2 angles mandibulaires est bien visible a l’examen de la faceen contre plongee.

223

Page 6: Les asymétries faciales à composante squelettique

J.-M. Mercier et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2014;115:219-228

L’exces vertical posterieur de la face (EVP)

Il est du a une augmentation de volume de l’unite condy-lienne. L’hyperplasie condylienne (ou hypercondylie) repre-sente l’etiologie dominante ; on en distingue 2 formes (fig. 7 et8) : la forme verticale pure ou il n’y pas ou peu de decalageocclusal dans le sens transversal, et la forme laterale purecorrespondant a l’hemi-elongation dans la classificationd’Obwegeser [3] avec un croisement plus ou moins completde l’occlusion du cote oppose a l’hyperplasie. Des formesintermediaires ou mixtes sont possibles. Dans ces casd’EVP, l’obliquite du plan d’occlusion de face est constante.La scintigraphie osseuse permet de confirmer le diagnostic parl’hyperfixation du produit radioactif (Tc 99) et son caractereevolutif. La condylectomie permet de traiter a la fois l’etiolo-gie et l’exces de hauteur de la branche montante. Une OSBMcontrolaterale peut etre necessaire dans la forme laterale etretrouver ainsi d’emblee une bonne occlusion. Dans la formeverticale, un remodelage du bord basilaire du cote de l’hyper-plasie est necessaire chez l’adulte pour obtenir, a terme, unebonne symetrie mandibulaire. En effet, un blocage interma-xillaire intermittent s’impose pour maintenir l’occlusion etobtenir l’horizontalisation progressive du plan d’occlusionsous l’action des muscles masticateurs. La duree de ce blocageest determinee par l’obtention du contact de la tranche desection du condyle (ou de son col) avec la base du crane.Certains auteurs comme Obwegeser [3] associent systemati-quement une osteotomie maxillaire type Le Fort 1, soit a lacondylectomie si la scintigraphie est positive, soit a une OSBMdans le cas contraire.

L’insuffisance verticale posterieure de la face (IVP)

Elle peut etre due a des etiologies differentes : hypocondyliesou acondylies congenitales isolees ou entrant dans un

Figure 7. Schema d’une hyperplasie condylienne. A. Forme verticale. B. Forme

224

contexte polymalformatif (microsomie hemi faciale [MHF]),constitutionnelles, acquises post-traumatiques avec ou sanslimitation de l’ouverture buccale (ankylose) ou par rhuma-tisme degeneratif (polyarthrite juvenile). La technique dereconstitution de la hauteur faciale posterieure depend del’etat de l’ATM. En cas de destruction (ankylose, processusdegeneratif) ou d’aplasie de l’ATM (forme IIb, III de la classi-fication de Prudzansky-Kaban), la greffe chondro-costale(GCC) est la plus utilisee [15]. Le prelevement doit se fairedu cote oppose au niveau de la 6e ou 7e cote (incision sous-mammaire) pour une meilleure adaptation du greffon. Poureviter une hypercroissance du greffon chez l’enfant, la hau-teur du cartilage doit etre limitee a 3 mm environ [16]. Chezl’adulte, dans les cas multi-operes avec recidive, certainsauteurs preconisent la prothese articulaire [17,18]. Dans lesformes IIb et III de la classification de Prudzansky-Kabandes microsomies hemi-faciales, le resultat a long termedepend de la qualite des tissus mous. Quelle que soit latechnique utilisee chez l’enfant, GCC, distraction osteoge-nique, la degradation du resultat est la regle et necessiteune intervention secondaire dont les parents doivent etreinformes [19,20]. De ce fait, certains auteurs preferent atten-dre la fin de la croissance pour la chirurgie primaire arguant lefait que la croissance mandibulaire et donc l’asymetrie facialereste homothetique de chaque cote de la mandibule [21,22]. LaGCC posee avant le debut de la puberte permet cependant decreer une branche montante et un appui basicranien qui serautile pour l’intervention secondaire. En raison de l’absenced’expansion durable des tissus mous hypoplasiques dans lesformes severes de MHF, l’utilisation de lambeaux libres peutetre proposee avec succes [23].L’existence d’une unite condylienne fonctionnelle et anato-miquement conservable de par son volume (MHF 1 et 2a,hypoplasie condylienne) permet l’allongement du ramus par

laterale.

Page 7: Les asymétries faciales à composante squelettique

Les asymetries faciales a composante squelettique

Figure 8. Aspect clinique d’une hyperplasie condylienne. A. Forme verticale. B. Forme laterale.

une osteotomie verticale retro foraminale (fig. 9). La voied’abord conjuguee intra-orale et cutanee sous-angulaire evitela greffe osseuse et permet une amplitude d’allongementsuperieure a 15 mm. Dans la quasi-totalite des cas, le caractereadaptatif de l’obliquite du plan maxillaire permet chezl’enfant et l’adolescent d’eviter l’osteotomie du maxillaireen raison de la correction spontanee de l’infraclusie paregression spontanee des dents, sans traitement orthodon-tique [13,14].

Les asymetries mandibulaires dento-alveolaires

Elles se presentent sous 2 formes :� les asymetries intra arcade dentaire horizontales secon-daires a des agenesies ou des extractions dentaires asyme-triques. Elles ont un impact majeur sur l’indication operatoireen chirurgie orthognathique mandibulaire des lors qu’ellesmodifient la position des canines par rapport au plan coronal.Si tel est le cas, la mise en classe I, objectif prioritaire de toute

chirurgie orthognathique, entraıne une rotation horizontalede la mandibule et donc un decalage tranversal des anglesmandibulaires creant une asymetrie faciale par valgisation del’angle d’un cote et varisation de l’autre. Cette situationrepresente une contre-indication operatoire et implique unecorrection orthodontique prealable de cette asymetrie parextraction ou creation d’espace ;� les asymetries dento-alveolaires verticales par ingression ouegression dentaires. Dans les cas spontanes, en regard d’unedentement ou par croisement total transversal d’articuledentaire de type syndrome de Brodie, on observe le plussouvent une arcade dentaire asymetrique sur base osseusemandibulaire symetrique. A l’inverse, les compensationsorthodontiques secondaires verticales par nivellement ontpour consequences une horizontalisation du plan occlusalmandibulaire sur base osseuse asymetrique. Dans ces cas,l’objectif d’obtention d’une arcade dentaire idealementpositionnee sur sa propre base osseuse peut etre difficile aatteindre. L’utilisation d’ancrages osseux a visee orthodontique

225

Page 8: Les asymétries faciales à composante squelettique

J.-M. Mercier et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2014;115:219-228

Figure 9. Schema de l’osteotomie d’allongement du ramus mandibulaire.

est une alternative a l’osteotomie segmentaire toujoursdelicate dans les secteurs posterieurs.

Les autres formes d’asymetries mandibulaires

Les autres formes d’asymetries mandibulaires sont :� la valgisation unilaterale de la branche montante sequel-laire d’une fracture bifocale associant fracture de la regionanterieure avec une fracture condylienne et ouverture del’arche mandibulaire ;� les deformations d’origine tumorale benignes (pathologiekystique, dysplasie fibreuse) ou malignes (sarcomes) ;� les asymetries rotationnelles sont egalement visibles auniveau mandibulaire. Elles sont souvent associees auxatteintes de la dimension verticale posterieure ou en rapportavec une discordance d’occlusion sagittale entre chaquehemi-arcade, dont l’une est en classe I. Dans ce derniercas, une osteotomie unilaterale peut suffire a corriger lamalocclusion, d’ou l’interet de toujours commencer par le cotede la deviation dans la classe II ou du cote oppose dans laclasse III.

Les asymetries faciales avec composantecranienne ou cranio-rachidienne

La region maxillo-zygomatique etant appendue sous l’etageanterieur de la base du crane et la mandibule a la partieexterne des pyramides petreuses (voir nomenclature), toute

226

deformation squelettique cranio-cervicale quelle qu’en soitl’origine aura un impact sur la symetrie cranio-faciale. Il estsouvent difficile de determiner avec precision l’etiologie deces asymetries. Certaines sont evidentes telles les cranios-tenoses (syndrome d’Appert, de Soethre-Chotzen), les trou-bles de la segmentation rachidienne (syndrome de Klippel-Feil), les retractions musculaires (pterygium colli, torticoliscongenital), les troubles de la posture d’origine visuelle(atteinte des muscles obliques de l’œil). Les plus frequentessont le plus souvent discretes et decouvertes fortuitementlors de l’examen clinique. Celui-ci montre une obliquitede la ligne bipupillaire (ou bicanthale externe) ou un deca-lage vertical et parfois horizontal des orbites souventassocie a une position asymetrique horizontale ou verticaledes pavillons de l’oreille, temoignant d’une asymetrie basi-cranienne. Toutes les combinaisons sont possibles et l’exa-men clinique du patient en position debout de face et encontre plongee est tres utile pour bien apprecier la positiondes structures cephaliques par rapport a l’axe facio-cervico-corporel.En dehors des grandes distorsions craniennes congenitalespour lesquelles une indication operatoire de chirurgie cranio-orbitaire sera eventuellement posee, les autres dissymetriesne sont traitees qu’au niveau facial.Dans ces cas, la ligne bipupillaire ne peut servir de referencepour apprecier l’orientation du plan d’occlusion maxillaire et/ou mandibulaire et d’un point de vue esthetique, c’est l’hori-zontale qui prevaut, ou plus exactement la perpendiculaire al’axe cervico-facial du patient qui sera utilisee egalementsur la radiographie en incidence postero-anterieure (fig. 10).

Page 9: Les asymétries faciales à composante squelettique

Les asymetries faciales a composante squelettique

Figure 10. Aspects cliniques d’une asymetrie faciale d’origine basicranienne avant et apres osteotomie maxillaire.

Toutefois, dans les cas de distorsion accentuee, un compromisdevra etre trouve entre l’obliquite bipupillaire et celle de laligne biscapulaire. Dans de nombreux cas, il existe unecompensation progressive de rattrapage de la mandibulede telle sorte que son plan d’occlusion est horizontal avecparfois un point interincisif median bien centre sur l’axecervico-thoracique. Il sera preferable dans cette situation deprivilegier le recentrage maxillaire par osteotomie de Le Fort 1au risque sinon d’avoir un axe facial aligne mais oblique parrapport a l’axe vertical du patient lui donnant l’aspect d’uneinclinaison permanente de la tete.Issue de la chirurgie implantaire, la chirurgie orthogna-thique assistee par ordinateur (CAO) sous ses differentesformes : logiciel de simulation, acquisition digitale desempreintes dentaires et prototypage de la gouttiere depositionnement, realisation d’un gabarit pour la localisationde l’osteotomie, a actuellement pour objectif le positionne-ment premier du maxillaire superieur [24,25]. Son develop-pement devrait avoir un interet particulier dans la precision

du positionnement des bases osseuses souvent difficile dansles asymetries faciales.

Conclusion

Si les asymetries maxillaires retentissent peu sur la symetrieglobale du visage, elles ont un impact sur l’esthetique dusourire et peuvent etre un piege pour la chirurgie mandibulairedans les asymetries d’arcade ou rotationnelle. Les asymetriesmandibulaires, par leur visibilite clinique, sont preponderantes,variees dans leurs etiologies et accessibles par differents typesd’interventions chirurgicales. Le risque est de meconnaıtrel’existence d’une asymetrie basicranienne associee. La refe-rence a un axe ou un plan median cranio-facio-cervical cliniqueet radiographique est necessaire devant toute asymetrie.Les images radiologiques en 3D et les analyses cephalometri-ques sont une aide indispensable. Les possibilites informati-ques ouvrent des perspectives therapeutiques qui ne sont pasencore de pratique courante.

227

Page 10: Les asymétries faciales à composante squelettique

J.-M. Mercier et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2014;115:219-228

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

References[1] Padwa BL, Kaiser MO, Kaban LB. Occlusal cant in the frontal

plane as a reflection of facial asymmetry. J Oral Maxillofac Surg1997;55:811–6.

[2] Arnaud E, Marchac D, Renier D. Diagnostic d’une asymetriefaciale et cranio-faciale. Ann Chir Plast Esth 2001;46:410–23.

[3] Obwegeser HL. Mandibular growth anomalies. Terminology,aetiology, diagnosis, treatment. Berlin Heidelberg: Springer-Verlag; 2001.

[4] Terajima M, Yanagita N, Ozeki K, Hoshino Y, Mori N, Goto TK,et al. Three-dimensional analysis system for orthognathicsurgery patients with jaw deformities. Am J Orthod DentofacialOrthop 2008;134:100–11.

[5] Kim JY, Jung HD, Jung YS, Hwang CJ, Park HS. A simpleclassification of facial asymmetry by TML system. J Cranioma-xillofac Surg 2013;42:313–20.

[6] Baek C, Paeng JY, Lee JS, Hong J. Morphologic evaluation andclassification of facial asymmetry using 3-dimensional com-puted tomography. J Oral Maxillofac Surg 2012;70:1161–9.

[7] Willing RT, Roumeliotis G, Jenkyn TR, Yazdani A. Developmentand evaluation of a semi-automatic technique for determiningthe bilateral symmetry plane of the facial skeleton. Med EngPhys 2013;35:1843–9.

[8] Okumura H, Chen LH, Tsutsumi S, Oka M. Three-dimensionalvirtual imaging of facial skeleton and dental morphologiccondition for treatment planning in orthognathic surgery.Am J Orthod Dentofacial Orthop 1999;116:126–31.

[9] Moss ML. A functional analysis of human mandibular growth. JPros Dent 1960;10:149–60.

[10] Bjork A. Prediction of mandibular growth rotation. Am J Orthod1969;55:585–99.

[11] Schudy FF. The rotation of the mandible resulting from growth:its implications in orthodontic treatment. Angle Orthod1965;35:36–50.

[12] Delaire J. Plan d’occlusion et chirurgie maxillo-faciale. OrthodFr 1988;59:811–90.

[13] Mercier J, Gordeeff A, Delaire J. Les alterations de la dimensionverticale posterieure de la face ; facteurs etiopathogeniques

228

criteres architecturaux et aspects therapeutiques. Orthod Fr1989;60:575–82.

[14] Mercier J, Gordeeff A, Delaire J. Le syndrome d’insuffisanceverticale posterieure unilaterale de la face. Aspects cliniques ettherapeutiques. Acta Stomatol Belg 1989;86:13–32.

[15] MacIntosh RB, Henny FA. A spectrum of application of au-togenous costochondral grafts. J Maxillofac Surg 1977;5:257–67.

[16] Peltomaki T, Vahatalo K, Ronning O. The effect of a unilateralcostochondral graft on the growth of the marmoset mandible.J Oral Maxillofac Surg 2002;60:1307–14 [discussion 1314–5].

[17] Wolford LM, Bourland TC, Rodrigues D, Perez DE, Limoeiro E.Successful reconstruction of nongrowing hemifacial microso-mia patients with unilateral temporomandibular joint totaljoint prosthesis and orthognathic surgery. J Oral MaxillofacSurg 2012;70:2835–53.

[18] Murdoch B, Buchanan J, Cliff J. Temporomandibular jointreplacement: a New Zealand perspective. Int J Oral MaxillofacSurg 2014;43:595–9.

[19] Posnick J. Hemifacial microsomia: evaluation and treatment.In: Orthognathic surgery, principles and practice. Elsevier; 2014:1095–158.

[20] Suh J, Choi TH, Baek SH, Kim JC, Kim S. Mandibular distractionin unilateral craniofacial microsomia: longitudinal resultsuntil he completion of growth. Plast Reconstr Surg 2013;132:1244–52.

[21] Meazzini MC, Mazzoleni F, Bozzetti A, Brusati R. Comparison ofmandibular vertical growth in hemifacial microsomia patientstreated with early distraction or not treated: follow-up tillthe completion of growth. J Craniomaxillofac Surg 2012;40:105–11.

[22] Pluijmers BI, Caron CJ, Dunaway DJ, Wolvius EB, Koudstaal MJ.Mandibular reconstruction in the growing patient with unilat-eral craniofacial microsomia: a systematic rewiew. Int J OralMaxillofac Surg 2014;43:286–95.

[23] Cobb AR, Koudstaal MJ, Bulstrode NW, Lloyd TW, Dunaway DJ.Free groin flap in hemifacial volume reconstruction. Br J OralMaxillofac Surg 2013;51:301–6.

[24] Li B, Zhang L, Sun H, Yuan J, Shen SG, Wang X. A novel methodof computer aided orthognathic surgery using individual CAD/CAM templates: a combination of osteotomy and repositioningguides. Br J Oral Maxillofac Surg 2013;51:e239–44.

[25] Kim BC, Lee CE, Park W, Kim MK, Zhengguo P, Yu HS, et al.Clinical experiences of digital model surgery and the rapid-prototyped wafer for maxillary orthognathic surgery. Oral SurgOral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2011;111:278–85.