7
Les cancers colo-rectaux en milieu tropical M. DIARRA (1), A. KONATE (1), A. SOUCKO DIARRA (2), A. KALLE (1), M. DEMBELE (2), G. DIALLO (3), M. NDIAYE (1), N. ONGOIBA (4), Z. SANOGO (5), S. YENA (5), H.A. TRAORE (2), M.Y. MAIGA (1), (1) Service d'hOpato-gastro-ent&ologie de l'hdpital Gabriel TourO (2) Service de mOdecine interne de l'h6pital du Point << G >> (3) Service de chirurgie visc&ale de l'hOpital Gabriel TourO (4) Service de chirurgie B de l'hOpital du Point << G ,> (5) Service de chirurgie A de l'hapital du Point <~ G >>, Bamako (Mall) Colorectal cancers in tropical environment RI~SUMI2 Le but principal de notre travail 6tait d'~tudier les aspects 6pid6miologiques, cliniques et 6volutifs des cancers colorectaux (CCR) en milieu hospitalier. Cette ~tude transversale cas-t6moins, s'est d6roul6e dans les h6pitaux du point << G >> et de Gabriel Tour6, et ~ la clinique Farako de Bamako (MALl). Tousles malades pr6sentant une tumeur maligne histologiquement confirm~e ont 6t6 colligds. Des patients ayant une endoscopie digestive basse normale ont dt~ compar6s aux pr6c6dents. Une enqu~te sur le mode de vie des patients a 6t6 r6alis6e dans les 2 groupes. Pendant la p6riode d'6tude, nous avons collig6 19 CCR repr6sentant 0,1% de l'ensemble des endoscopies digestives basses et 19 % des cancers du tube digestif. Le sex-ratio fitait de 0,4 en faveur des femmes. L'fige moyen des cancdreux 6tait de 43,7 + 16,9 ans. Les couches socioprofessionnelles les plus repr6sent6es 6tait les mdnag6res et, les cultivateurs avec 52,5 % (p = 0,001). La consommation fr6quente de poissons sdch6s et fum6s, de t6 avec potasse, de viande conserv6e naturellement, de cola et de tabac/~ ruiner, 6tait significativement associ6e aux CCR (p = 0,001). Les signes cliniques les plus observ6s 6taient la douleur, l'amaigrissement et la rectorragie. L'ad~nocarcinome repr6sentait 89,5 % des aspects histologiques. Le retard diagnostique retrouv6 dans la plupart des cas a n6gativement influenc6 les attitudes th6rapeutiques avec seulement 57,9 % de chirurgie ~ vis6e palliative et 15,8 % de chirurgie fi vis6e curative. La chirurgie, seul espoir thdrapeutique des CCR est malheureusement impossible darts la majorit6 des cas ~t cause du retard diagnostique. L'am~lioration du pronostic passe par un diagnostic et une prise en charge, pr6coces. SUMMARY The main goal ofour work was to study the epidemiological, clinical and prognostic aspects of colorectal cancers in a hospital environment. This case-control transversal survey was conducted in the hospitals of the "G point" and Gabriel TourO, and in Farako clinic of Bamako (Mali). All patients presenting a tumour histologically confirmed have been collected. The patients with normal low digestive endoscopy have been compared to the previous. An investigation about the life habits of the patients has been carried out in both groups. During the period of survey, we collected 19 CCR representing O. 1% of all low digestive endoscopies and 19 % of the cancers of the digestive tract. The sex-ratio of O. 4 was in favour of women. The average age of patients with cancer was o)'43. 7 +_ 16,9 years. The more represented social and professional groups were the housewives and the farmers with 52.5 % (p = 0.001). The frequent consumption o[ dried and smoked fish, tO with potash, of naturally preserved meat, of cola and tobacco smoking was signi~antly associated to CCR (p = 0.001). The more observed clinical signs were pain, weight loss and rectal bleeding. Adenocarcinoma represented 89.5 % of the h#tological aspects. Diagnostic delay in most cases negatively influenced the therapeutic management with only 57.9 % of palliative surgery and 15.8 % of curative surgery. Surgery which is the only therapeutic option for the CCR is" unfortunately not possible in the majority of the cases because of the delay in diagnosis. The improvement of the prognos& requires an early diagnosis and management. Tir6s ~ part : Pr Moussa Y. MAIGA - BP 2931 - Bamako (Mali). Mots-cl~s: cancer colo-rectal, mode de vie, pronostic. Key-words : colorectal cancer, life style, prognosis. Acta Endoscopica Volume 36 - N ~ 2 - 2006 187

Les cancers colorectaux en milieu tropical

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les cancers colorectaux en milieu tropical

Les c a n c e r s c o l o - r e c t a u x en m i l i e u t r o p i c a l

M. D I A R R A (1), A. K O N A T E (1), A. S O U C K O D I A R R A (2), A. K A L L E (1), M. D E M B E L E (2), G. D I A L L O (3), M. N D I A Y E (1), N. O N G O I B A (4), Z. S A N O G O (5), S. Y E N A (5),

H.A. T R A O R E (2), M.Y. M A I G A (1),

(1) Service d'hOpato-gastro-ent&ologie de l'hdpital Gabriel TourO

(2) Service de mOdecine interne de l'h6pital du Point << G >>

(3) Service de chirurgie visc&ale de l'hOpital Gabriel TourO

(4) Service de chirurgie B de l'hOpital du Point << G ,>

(5) Service de chirurgie A de l'hapital du Point <~ G >>, Bamako (Mall)

Colorectal cancers in tropical environment

RI~SUMI2

Le but principal de notre travail 6tait d'~tudier les aspects 6pid6miologiques, cliniques et 6volutifs des cancers colorectaux (CCR) en milieu hospitalier.

Cette ~tude transversale cas-t6moins, s'est d6roul6e dans les h6pitaux du point << G >> et de Gabriel Tour6, et ~ la clinique Farako de Bamako (MALl).

Tousles malades pr6sentant une tumeur maligne histologiquement confirm~e ont 6t6 colligds. Des patients ayant une endoscopie digestive basse normale ont dt~ compar6s aux pr6c6dents. Une enqu~te sur le mode de vie des patients a 6t6 r6alis6e dans les 2 groupes.

Pendant la p6riode d'6tude, nous avons collig6 19 CCR repr6sentant 0,1% de l'ensemble des endoscopies digestives basses et 19 % des cancers du tube digestif.

Le sex-ratio fitait de 0,4 en faveur des femmes. L'fige moyen des cancdreux 6tait de 43,7 + 16,9 ans. Les couches socioprofessionnelles les plus repr6sent6es 6tait les mdnag6res et, les cultivateurs avec 52,5 % (p = 0,001).

La consommation fr6quente de poissons sdch6s et fum6s, de t6 avec potasse, de viande conserv6e naturellement, de cola et de tabac/~ ruiner, 6tait significativement associ6e aux CCR (p = 0,001).

Les signes cliniques les plus observ6s 6taient la douleur, l'amaigrissement et la rectorragie.

L'ad~nocarcinome repr6sentait 89,5 % des aspects histologiques.

Le retard diagnostique retrouv6 dans la plupart des cas a n6gativement influenc6 les attitudes th6rapeutiques avec seulement 57,9 % de chirurgie ~ vis6e palliative et 15,8 % de chirurgie fi vis6e curative.

La chirurgie, seul espoir thdrapeutique des CCR est malheureusement impossible darts la majorit6 des cas ~t cause du retard diagnostique. L'am~lioration du pronostic passe par un diagnostic et une prise en charge, pr6coces.

S U M M A R Y

The main goal o f our work was to study the epidemiological, clinical and prognostic aspects o f colorectal cancers in a hospital environment.

This case-control transversal survey was conducted in the hospitals o f the "G point" and Gabriel TourO, and in Farako clinic o f Bamako (Mali).

All patients presenting a tumour histologically confirmed have been collected. The patients with normal low digestive endoscopy have been compared to the previous. An investigation about the life habits o f the patients has been carried out in both groups.

During the period o f survey, we collected 19 CCR representing O. 1% of all low digestive endoscopies and 19 % of the cancers o f the digestive tract.

The sex-ratio o f O. 4 was in favour o f women. The average age o f patients with cancer was o)'43. 7 +_ 16,9 years. The more represented social and professional groups were the housewives and the farmers with 52.5 % (p = 0.001).

The frequent consumption o[ dried and smoked fish, tO with potash, o f naturally preserved meat, o f cola and tobacco smoking was signi~antly associated to CCR (p = 0.001).

The more observed clinical signs were pain, weight loss and rectal bleeding.

Adenocarcinoma represented 89.5 % of the h#tological aspects.

Diagnostic delay in most cases negatively influenced the therapeutic management with only 57.9 % of palliative surgery and 15.8 % o f curative surgery.

Surgery which is the only therapeutic option for the CCR is" unfortunately not possible in the majority o f the cases because o f the delay in diagnosis. The improvement o f the prognos& requires an early diagnosis and management.

Tir6s ~ part : Pr Moussa Y. MAIGA - BP 2931 - Bamako (Mali).

Mots-cl~s: cancer colo-rectal, mode de vie, pronostic.

Key-words : colorectal cancer, life style, prognosis.

Acta Endoscopica Volume 36 - N ~ 2 - 2006 187

Page 2: Les cancers colorectaux en milieu tropical

INTR OD UC TION

Les cancers colorectaux (CCR) sont des affections extr~mement graves. Leur pronostic tient essentielle- ment au retard diagnostique. Plusieurs travaux ont port6 dans le monde sur la frtquence, les aspects 6pi- dtmiologiques, cliniques et pronostiques de ces can- cers [1-5]. En Afrique, certaines 6tudes, le plus sou- vent rttrospectives, ont 6valu6 leurs frtquences, leurs facteurs 6pidtmiologiques, cliniques et pronostiques [6-9]. Au Mali, peu de travaux ont 6t6 consacrts aux cancers colorectaux [10-13]. Ces diff trents travaux n 'ont pas toujours 6valu6 les facteurs de risque, notamment alimentaires de ces cancers. Nous avons donc entrepris ce travail dans le but d ' t t ud i e r les aspects 6pidtmiologiques, cliniques et 6volutifs des CCR.

PATIENTS E T ME, THODES

L ' t t ude transversale cas-ttmoins s'est d t rou l t e Bamako, dans les h tp i taux de Gabriel Tour6 et du Point ~ G ~r et ~ la Clinique Farako. Les malades pro- venaient des d i f f t rentes formations sanitaires du pays.

P a t i e n t s

Les patients ayant un cancer colorectal ont 6t6 compar ts ~ des malades t tmoins pour l ' tvaluat ion des facteurs de risque, alimentaires.

Les patients p r t sen tan t une tumeur colorectale maligne ont 6t6 recrutts selon les crit~res d'inclusion suivants :

- t u m e u r colorectale maligne objectiv6e par l 'endoscopie et/ou en per optra toire , et confirm6e par l'histologie ;

- patients physiquement retrouvts pour interroga- toire et examen physique.

Les crittres de non inclusion 6taient :

- tumeur non confirmte par l'histologie ;

- patient n 'ayant pas subi un examen clinique.

Le groupe t6moin 6tait compos t de 80 patients ayant une symptomatologie digestive basse (troubles du transit, syndrome dysenttrique, rectorragie, dou- leurs coliques), dont la coloscopie 6tait normale.

M ~ t h o d e s

L'interrogatoire a permis de prtciser :

- les sympttmes digestifs tels que diarrh6e, consti- pation ou alternance diarrhte-constipation, rectorra- gie, amaigrissement ;

- le mode de vie des patients : la consommation d'alcool, de tabac, de cola, de t5 avec potasse, de fruits et 16gumes verts (occasionnelle ou rtguli~re), le mode de conservation des viandes et poissons consommts ;

- les ant6c6dents digestifs personnels du malade et la notion de tumeur digestive dans la famille.

L 'examen clinique recherchait : une h tpa tomtga- lie, une spltnomtgalie, une ascite, des signes de carci- nose ptr i tontale, un ganglion de Troisier, une tumeur rectale bas s i tu te ou des nodules du cul de sac de Douglas au toucher rectal, une pfileur, un amaigrisse- ment, une atteinte pleuro-pulmonaire.

Des examens compl6mentaires ont 6t6 effectu6s :

- l 'endoscopie digestive basse avec biopsies de toute tumeur visualiste. Les fragments biopsiques ont 6t6 fixts dans du formol ~ 10 %, adressts aux laboratoires d 'ana tomie pathologique de l ' Insti tut National de Recherche en Sant6 Publique (INRSP) de Bamako (Mali) et du Pharo h Marseille (France) ; une endoscopie digestive haute a 6t6 r tal is te en cas d ' tpigastralgie, de dysphagie ou d 'amaigrissement inexpliqu6 ;

- la radiographie pulmonaire a recherch6 une localisation secondaire pleuro-pulmonaire ;

- l ' tchographie abdominale a recherch6 une loca- lisation secondaire h tpa t ique et les ad tnopa th ies profondes ;

- la numtrat ion formule sanguine (NFS) a prtcis6 le type d 'antmie.

Les visites ~t domicile ou de ~ personnes-contacts ~ ont permis le suivi des malades.

Les registres de comptes-rendus optra toi res ont 6t6 utilists pour la classification TNM des cancers colligts.

Les registres de comptes-rendus d'anatomie patho- logique ont 6t6 consult6s pour les r tsul ta ts des malades n 'ayant pas apport6 les r tsul tats des biopsies.

L'analyse des donntes a 6t6 faite sur logiciel Epi- Info et le test de Chi2 a 6t6 utilis6 pour comparer les rtsultats significatifs pour une probabilit6 p < 0,05.

RF_,SULTATS

19 cancers colorectaux ont 6t6 conf i rmts sur 32 aspects endoscopiques de tumeur maligne colorec- tale. Ces 19 cas reprtsentai t 0 ,1% des endoscopies digestives basses et 19 % des cancers du tube digestif confirmts pendant la m~me ptriode.

Le sex-ratio 6tait de 0,4 en faveur des femmes, (5 hommes pour 14 femmes). I1 a 6t6 de 0,5 en faveur des femmes pour les ttmoins. Les CCR 6taient signi- ficativement fr tquents chez les femmes (p = 2 10-8).

La moyenne d'fige des malades atteints de CCR 6tait de 43,7 + 16,9 ans avec des extrtmes de 25 ans et 78 ans, contre 40 + 13,6 ans avec des extremes de 13 ans et 75 ans pour les t tmoins (p = 0,57).

Les mtnag~res et les cultivateurs 6taient les couches sociales les plus reprtsent6es (52,5 %), par rapport h 15,7 % de fonctionnaires (p = 10-3).

188 V o l u m e 36 - N ~ 2 - 2 0 0 6 A c t a E n d o s c o p i c a

Page 3: Les cancers colorectaux en milieu tropical

TABLEAU I

RI~PARTITION SELON LE RI~GIME ALIMENTAIRE

Population Cas T6m, ,ins

R6gime

Alcool Tabac h fumer Tabac a chiquer Cola

Eft.

1 3 0 5

%

5,3 15,8 0

26,3

Eft.

6 11 4

17 Viande conserv6e naturellement (Viande CN) Viande r6frig6r6e Viande conserv6e par cuisson Viandes conserv6e naturellement et r6frig6r6e Viande CN + viande conserv6e par cuisson Pas de viande Poisson s6ch6 Poisson fum6 Poisson s6ch6 + rum6 Poisson ni s6ch6, ni fum6 T6* r6guli6rement Fruits et 16gumes verts r6guli6rement

18 0 0 0 1 0 1 1

17 0

18 4

94,7 0 0 0 5,3 0 5,3 5,3

89,5 0

94,7 41,1

64 3 5 6 1 1

14 6

44 16 66 28

%

7,5 13 5

22,3 80 3,8 6,3 7,5 1,3 1,3

17,5 7,5

55 20 82,5 35

NS NS NS NS NS NS NS NS NS NS NS NS

0,005 NS NS NS

* pate cuite avec farine de c6r6ales (ma~s, mil)

TABLEAU II RI~PARTITION DES CAS DE CCR SELON LES SIGNES

Population Signes

Douleur Diarrh6e Constipation Diarrh6e + Constipation

Effectif %

19 100 6 31,6 5 26,3 6 31,6 8 42,1 3 15,8

16 84,2 18 94,7 14 73,7

1 5,3 1 5,3 3 15,8 1 5,3

Vomissement I M616na i

] Rectorragie Amaigrissement P~leur H6patom6galie Ascite OMI Autre tumeur

Les patients pr6sentant un CCR ont 6t6 compar6 80 patients tOmoins. Seule la consommation de pois- son fum6 et sOch6 6tait significativement associOe aux cancers colorectaux (Tableau I).

La douleur, l'amaigrissement et la rectorragie 6taient les signes les plus frOquents de CCR (Tableau II).

La majorit4 des patients atteints de cancers colo- rectaux ont consult6 en moyenne 15 mois apr6s le d6but du premier sympt6me. Les dOlais extr4mes 6taient 1 mois et 7 ans. Le retard diagnostique a 6t6 dfi essentiellement a un retard de r6f6rence aux centres spOcialis6s.

Ac ta Endoscop ica

TABLEAU III RI~PARTITION SELON LES MODALITI~S

THI~RAPEUTIQUES

Modalit6s

Aucune chirurgie Chirurgie ~ vis6e palliative Chirurgie h vis6e curative TOTAL

Effectif

5 11 3

19

%

26,3 57,9 15,8

100

L ' a s p e c t a n a t o m o - p a t h o l o g i q u e v6g6 tan t a 6t6 le plus f r6quen t dans les C C R avec 63 ,1%.

Les l o c a l i s a t i o n s 6 t a i e n t r e c t a l e s d a n s 14 cas (73,6 %) , caeca les dans 3 cas (15,8 %) , co l iques des- c e n d a n t e s d a n s 1 cas (5,3 %) , s i g m o i d i e n n e s d a n s 1 cas (5,3 %).

Le type h i s to log ique le plus f r6quent a 6t6 l ' a d 6 n o - c a r c i n o m e r e t r o u v 6 dans 17 cas (89,5 % ) ; 2 cas de c a r c i n o m e s 6pidermoYdes (10,5 % ) 6 t a i e n t de s i6ge rectal .

Les a t t i tudes t h 6 r a p e u t i q u e s sont cons ign6es dans le t a b l e a u III .

Sur 14 cancers soumis h la c lass i f ica t ion T N M , 1 cas ( 7 , 1 % ) 6tai t au s t ade I, 8 cas (57,2 % ) au s t ade I I I et 5 cas (35,7 %) au s t ade IV.

D I S C U S S I O N

C e t t e 6 t u d e d 6 m o n t r e la f r 6 q u e n c e des c a n c e r s co lo r ec t aux au t re fo i s r6put6s ra res en mi l i eu afr icain.

V o l u m e 36 - N ~ 2 - 2006 189

Page 4: Les cancers colorectaux en milieu tropical

La concordance entre les aspects macroscopiques de ces tumeurs et l'histologie a 6t6 de 59,3 %. Ces cancers ont repr6sent6 0,1% de l'ensemble des endo- scopies digestives basses.

Les cancers colorectaux (CCR) ont repr6sent6 19 % des cancers du tube digestif, occupant la deuxi~me place apr~s ceux de l'estomac. Pour Peghini et al. [6, 7], cette fr6quence dans deux 6tudes a 6t6 respectivement de 22,61% et 50,26 %. Selon N'Garial [10], les CCR occupent la deuxi6me place des cancers du tube digestif avec 22,02 %, apr6s celui de l'estomac (62,85 %). Pour Tour6 [11], les CCR ont repr6sent6 3,70 % de l 'ensemble des cancers. En France, les CCR repr6senteraient 15 % de l'ensemble des cancers [12]. Ce taux est largement sup6rieur ceux observ6s dans certaines 6tudes en Afrique [8, 9].

La repr6sentation f6minine dans notre 6tude n'a pas 6t6 rapport6e par d'autres auteurs [6-8, 10]. Gran- jouan et al. [3] ont trouv6 un sex-ratio de 0,9 en faveur des femmes. Toutefois, la petite taille de notre 6chan- tillon ne nous permet pas d'expliquer la diff6rence entre notre r6sultat et ceux des autres auteurs.

Dans notre s6rie, l'fige moyen des malades (43,7 + 16,9 ans) est comparable h celui de N'Garial [10] qui est de 47,5 ans. I1 est inf6rieur ~ ceux de Tour6 [11] qui 6tait de 56,6 ans, de Peghini et al. [6, 7] qui ont trouv6 respectivement 50 ans et 52 ans, de Padonou et al. [8] qui ont rapport6 une moyenne d'~ge de 51,2 ans et de Grandjouan et al. [3] avec 52,5 ans.

Les m6nag~res et les cultivateurs ont 6t6 les plus repr6sent6s dans notre 6tude. N'Garial [10] a rap- port6 que les m6nag6res et les cultivateurs 6taient les plus affect6s par cette maladie. Comme les autres cancers, les CCR affectent plus fr6quemment les couches sociales d6favoris6es.

Nous constatons une consommation significative de viande mal conserv6e, de t6, de poisson rum6 et s6ch6 au cours des CCR. La consommation r6guli~re

de fruits et 16gumes crus 6tait plus rencontr6e chez les malades mais sans diff6rence significative, alors que le r61e protecteur de ces substances riches en fibres est universellement admis [1]. La taille limit6e de notre 6chantiUon pourrait expliquer l'absence de dif- f6rence entre les deux groupes quant ~ la consomma- tion des ces substances.

L'amaigrissement, la rectorragie fr6quemment rencontr6s dans notre 6tude ont 6t6 rapport6 6gale- ment par d'autres auteurs [9, 12, 13]. La fr6quente localisation au c61on distal est rapport6e par toutes les 6tudes [4-6, 10]. La fr6quence des ad6no- carcinomes (89,5 %) constat6e dans notre 6tude est classique [10, 12, 13].

En ce qui concerne le traitement, le taux de chirur- gie h vis6e curative a 6t6 de 15,8 % (3 cas/19 cas), et celui de la chirurgie ~ vis6e palliative a 6t6 de 57,9 % (11 cas/19 cas). Pour Diallo et al. [12, 13], le taux de chirurgie h vis6e curative des cancers rectaux a 6t6 de 54,17 % et celui des cancers coliques a 6t6 de 39,13 %. Ces r6sultats sont li6s au retard du diagnostic, les malades n'6tant r6fdr6s aux services sp6cialis6s que tardivement.

Les stades 3 et 4 ont repr6sent6 respectivement 57,2 % et 35,7 % des cas class6s. N'Garial [10] a rap- port6 que les T4 repr6sentent 43,48 % des CCR. Cet auteur a constat6 6galement 78,26 % de malades aux stades 3 et 4. Les cancers colorectaux sont de dia- gnostic tardif le plus souvent.

C O N C L U S I O N

Les CCR sont de diagnostic tardif. Le pronostic doit ~tre am61ior6 par une prise en charge pr6coce. Pour ce faire, une sensibilisation doit ~tre men6e d'une part auprbs des populations pour une consulta- tion pr6coce, d'autre part aupr6s des praticiens pour r6f6rer les malades aux centres sp6cialis6s dans les meilleurs d61ais.

REFERENCES

1. Adam R, Levi F, Navaro F, Brienza S, Lecouturier S, Depres- Brummer P e t al. Traitement combin6 des m6tastases hfpatiques non res6cables de cancer colorecta par chrono- chimioth6rapie syst6mique et h6patectomie secondaire. Gastroenterol Clin Biol 1992; 16: A46.

2. Bosset JF, Pavy JJ, Hamers HP, Pelissier E, Gillet M, Mantion G e t al. Association concomitante de 5-fluorouracile, acide folinique et radioth6rapie dans les cancers rectaux localement avanc6s. Gastroenterol Clin Biol 1992; 16: Q47.

3. Grandjouan S, Bognel C, Lasser P, Elias D, Zimmermann P, Crespoin B e t al. Cancers coliques familiaux : les ad6nomes plans sont pass6s inaperqus. Gastroenterol Clin Biol 1992; 16: Al16.

4. Boutron-Ruault MC. Alimentation et carcinog6n6se colo-rec- tale : donn6es r6centes. Gastroenterol Clin Biol 1999; 23: B135-D141.

5. Couturier D, Chartier A, Chaussade S, Benamouzig R, Ver- ri~re JL. Mise en pratique du traitement adjuvant (Ta) par le 5- fluorouracile (5-FU) et 16vamisole (Le) du cancer du c61on stade C d'Asthler et Coller : r6sultats d'une enqu~te franqaise. Gastro-enterol Clin Biol 1992; 16: A47.

6. Peghini M, Barrage P, Tour6 JE, Morcillo R, Veillard JM, Diagne L e t al. Epid6miologie des cancers du tube digestif au S6n6gal : apport de 18000 endoscopies effectu6es ~ l'h6pital principal de Dakar. Med Trop 1990; 20: 2054-208.

7. Peghini M, Rajaonarison P, Pecarrese JL, Raza Andramboa H, Richard J, Moran D. Epid6miologie des cancers du tube digestif ~ Madagascar : apport de 14 000 endoscopies effec- tu6es au centre hospitalier de Soaviandriana ~ Antananarivo. Med Afr Noire 1997; 44: 518-24.

8. Padonou N, Bagnan KO, Kodjoh N, Agbo N. Les cancers colo- rectaux h la clinique universitaire de chirurgie visc6rale de

190 V o l u m e 36 - N ~ 2 - 2 0 0 6 A c t a E n d o s c o p i c a

Page 5: Les cancers colorectaux en milieu tropical

CNHU de Cotonou : h propos de 10 cas observds en 7 ans. Med Afr Noire 1994; 41 : 300-3.

9. Attia Y, Soubeyrand J, Gaudet D, Manlan K, Kouakou N, Motte M e t al. Le cancer colique en C6te d'Ivoire : 6tude cli- nique et 6piddmiologique. Med Afr Noire 198l; 98: 353-8.

10. N'Garial K. Etude des cancers colorectaux dans le service de chirurgie <~ B ,> de l'h6pital national du Point ~ G >> ~ Bamako (~ propos de 96 cas). Th6se Mdd, Bamako, 1995, N ~ 32.

1 t. Tour6 A. Contribution ~ l'6tude des cancers au Mali : ~ propos d'une 6rude statistique de 1 378 cas. Th~se M6d, Bamako, 1986, N~

12. Diallo G, Ongoiba N, Ma'fga MY, Yena S, Traor6 AH, Diallo A et al. Cancer du rectum :/t propos de 67 cas. Mali Medical 1995; 10: 36-8.

13. Diallo G, Ongoi~oa N, Yena S, Ma/ga MY, Traor6 AH, Diallo et al. Cancers coliques : ~ propos de 29 cas. Mali Medical 1995; 10: 33-5.

I N T R O D U C T I O N

The colorectal cancers (CRC) are extremely serious pathologies. Their prognosis is closely correlated to the delay in diagnosis. Several works in the world have studied their frequency, clinical epidemiological and prognostic features [1-5]. In Africa, some studies, most often retrospective, evaluated these aspects [6-9]. In Mali few works have been dedicated to colorectal can- cers [10-13]. These different works have not always evaluated the risk factors for these cancers and espe- cially food habits. We therefore undertook this work with the aim of studying the epidemiological, clinical and prognostic aspects of CRC.

P A T I E N T S A N D M E T H O D S

The cross sectional case control study took place in Bamako, in the hospitals o f Gabriel Tour~ and Point ~G~ and in the Clinic Farako. The patients came from the different sanitary units of the country.

Patients

The patients with a colorectal cancer have been compared to control patients for the assessment of the risk factors linked to alimentation.

The patients suffering from a malignant colorectal tumour have been included in the study according to the following criteria :

- malignant colorectal tumour detected by endo- scopy and~or during surgery and confirmed by histo- logy;

- patientsphysically identified for enquiry andphy- sical examination.

The criteria of exclusion were:

- tumour not confirmed by histology;

- patients not having undergone a clinical examina- tion.

The control group was composed of 8O patients with digestive disorders (especially transit disorders, dysen-

teric syndrome, rectal bleeding, colic pain) and in whom coloscopy was normal

Methods

The enquiry permitted to specify:

- the digestive symptoms like diarrhea, constipation or alternate diarrhea and constipation, rectal bleeding, weight loss;

- the life habits o f the patients : consumption o f alcohol, of tobacco, of cola, of tO with potash, o f fruits and green vegetables (occasional or regular), the mean of preservation of meat and fish;

- the personal digestive history of the patient and the occurrence of digestive tumour in the family.

The clinical examination was searching for a large liver, splenomegaly, ascitis, signs of peritoneal carci- nosis, a Troisier's sign, a low rectal tumour or nodes on the Douglas pouch at digital rectal examination, paleness, weight loss, pleural and lung disease.

Additional examination

It included:

- a low digestive endoscopy with biopsies o f the whole visualised tumour. The biopsy samples were fixed in a 10 % formaldehyde solution, and addressed to the anatomo-pathology laboratory of the National Institute of Research in Public Health (INRSP) in Bamako (Mali) and to Pharo laboratory in Marseille (France) ; an upper digestive endoscopy was perfor- med in case of epigastric pain, dysphagia or unexplai- ned weight loss:

- the lung x-ray searched for a pleural or lung secondary localization;

- the abdominal scan searched for a hepatic secon- dary localization and the deep lymph nodes;

- the blood cell count specified the type of anaemia.

The follow-up of the patients was made by visiting them at home or through "contact" people.

The registers with surgical reports have been consul- ted for the TNM classification of cancers;

Acta Endoscopica Volume 36 - N ~ 2 - 2006 191

Page 6: Les cancers colorectaux en milieu tropical

TABLE I

DISTRIBUTION ACCORDING TO THE DIET

Diet

Population

Alcohol Tobacco smoking

Tobacco chewing

Cola Naturally preserved meat (NP meat)

Refrigerated Meat Cooked meat

Meats naturally preserved and refrigerated

NP meat + meat preserved by cooking

No meat

Dried fish

Smoked fish

Smoked + dried fish

Fish not dried, nor smoked

T6* regularly

Fruits and green vegetables regularly

Eff.

1

3

0

5

18

0

0 0

1

0

1

1

17

0 18

4

Case

%

5,3 15,8

0

26,3 94,7

0

0 0

5,3

0

5,3

5,3

89,5

0 94,7

41,1

Control

Eft.

6 11

4

17

64

3 5 6

1

1

14

6

44

16

66 28

%

7,5

13

5

22,3

80

3,8 6,3

7,5

1,3

1,3

17,5

7,5 55

20 82,5

35

NS

NS NS

NS

NS

NS NS

NS

NS

NS

NS

NS 0,005

NS

NS NS

* paste cooked with cereal (corn, millet)

TABLE II

DISTRIBUTION ACCORDING TO THE SIGNS OF THE CASES OF CRC

Population Nb of patients % Signs ~ ~

Pain

Diarrhea Constipation

Diarrhea + Constipation

19

6 5

6 j Vomiting

Melena Rectal bleeding

Weight loss Paleness

Enlarged liver

Ascitis Feet oedema Other tumours

8

3 16 18

14

1

1 3 1

100 31,6 26,3

31,6

42,1

15,8 84,2

94,7 73,7

5,3 5,3

15,8 5,3

The registers of histological reports have been consulted for the results of patients who did not bring the results of biopsies.

Data were analysed on the Epi-Info software and the Chi2 test has been used to compare the significant results for a probability p < 0.05.

R E S U L T S

19 colorectal cancers have been confirmed on 32 endoscopic aspects of malignant colorectal tumour. These 19 cases represented 0.1% of the low digestive endoscopies and 19% of the cancers of the digestive tract confirmed during the same period.

The sex-ratio was 0.4 in favour of the females, (5 men for 14 females). It was 0.5 in favour of the females in the control group. CRC were significantly frequent in females (p =2 104).

The mean age of patients with CRC was 43.7 +_ 16.9 years with extremes of 25 and 78 years, v e r s u s 40 +_ 13.6 years with extremes of13 and 75 years for the control group (p = 0.57).

Housewives and farmers were the more represented professional groups (52.5 %), compared to 15. 7 % of civil servants (p = 10-~).

Patients with a CRC have been compared to 80 control patients. Only the consumption of smoked and dried fish was significantly associated to the colo- rectal cancer (Table I).

Pain, weight losts and rectal bleeding were the most frequent signs of CRC (Table II).

On average the majority of the patients with colorec- tal cancers consulted 15 months after the first symp- tom. The extremes were 1 month and 7 years. The dia- gnostic delay was mainly due to a delay in addressing the patients to specialized centres.

Anatomopathology showed most often a vegetative aspect in the CRC (63.1%).

Localizations were rectal in 14 cases (73.6 %), cae- cal in 3 cases (15.8 %), on the descending colon in 1 case (5.3 %), on the sigmoid in I case (5.3 %).

The most frequent histological type was the adeno- carcinoma found in 17 cases (89.5 %) ; 2 cases of squa- mous cell carcinoma (10.5 %) were located in the rec- tum.

The therapeutic management is described on table IlL

192 Volume 36 - N ~ 2 - 2006 Acta Endoscopica

Page 7: Les cancers colorectaux en milieu tropical

TABLE III DISTRIBUTION ACCORDING

TO THE THERAPEUTIC MODALITIES

Modalities

No surgery Surgery with palliative aim Surgery with curative aim TOTAL

Nb of patients %

5 26,3 11 57,9 3 15,8

19 100

Out of 14 cancers submitted to the TNM classifica- tion, 1 case (7.1%) was at stage I, 8 cases (57.2 %) at stage III and 5 cases (35.7 %) at stage IV.

D I S C U S S I O N

This survey lays the emphas& on the frequency of colorectal cancer which used to be considered as rare in Africa.

The correlation between the macroscopic aspects o f these tumors and the histology was 59.3 %. These can- cers represented 0.1% of the whole low digestive endo- scopies.

The colorectal cancers (CRC) represented 19% of the cancers of the digestive tract, coming in the second place after those of the stomach. For Peghini et al. [6, 7], this frequency in two studies was respectively 22.61% and 50.26 %. According to Garial [10], CRC is the second cancer of the digestive tract with 22.02%, after the the stomach (62.85 %). For TourO [11], CRC represented 3 .70% of all cancers. In France, CRC would represent 15 % of all cancers [12]. This rate is quite superior to those observed in some Afri- can studies [8, 9].

The .female representation in our survey has not been reported by other authors [6-8, 10]. Granjouan et al. [3] found a sex ratio of O.9 in favour of the females. However, the small size of our sample did not allow us to explain the difference between our results and those of other authors.

In our study, the mean age of the patients (43. 7 +_ 16.9 years) is comparable to the one of Ngarial [10] (47.5 years). It is lower to the mean age mentioned by Tour~ [11] (56.6 years), by Peghini et al. [6, 7] (50 years and 52 years respectively), o f Padonou et al.

[8] (51.2 years) and Grandjouans et al. [3] (52.5 years).

Housewives and the farmers were the more repre- sented in our survey. Garial [10] reported that the hou- sewives and the farmers were the most affected by this cancer. As the other cancers, CRC affect the underpri- vileged social layers more frequently.

We noted a meaningful consumption of meat badly preserved, o f tO, o f smoked fish and dried meat in patients with CRC. The regular consumption of raw fruits and vegetables was also noticed in the patients but without meaningful difference, whereas the protec- rive role o f these fibre-rich substances in fibres is uni- versally admitted [1]. The limited size of our sample could explain the absence of difference between the two groups as for the consumption of these products.

Weight loss and rectal bleeding frequently observed in our survey have also been reported by other authors [9, 12, 13]. The frequent localization in the distal colon is mentioned in all studies [4-6, 10]. The frequency of adenocarcinomas (89.5 %) found in our survey is clas- sic [10, 12, 13].

Regarding the treatment, the rate o f surgery with curative aim & 15.8 % (3 cases~19 cases), and the rate of surgery with palliative aim was 57.9 % (11 cases/ 19 cases). For Diallo et al. [12, 13], the rates of curative surgery were 54.17% for rectal cancers and 39.13 % for colic cancers. These results are linked to the delay of diagnosis, the patients not being referred to the spe- cialized centres early enough.

The stages III and IV represented 57.2 % and 35. 7 % of the classified cases respectively. Garial [10] reported T4S represent 43.48 % o f the CRC. This author also noted 78.26 % of the patients at stages III and IV. The colorectal cancers have most often a delayed diagnosis.

C O N C L U S I O N

CRC have a delayed diagnosis. The prognosis must be improved by an early management of patients. For this purpose, a wide programme should be conducted to inform populations about the need o f an early consultation, and to obtain that the practitioners refer their patients as soon as possible in the specialized centres.

Acta Endoscopica Volume 36 - N ~ 2 - 2006 193