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-- 259 -- Geobios, n* 21, fase. 2 ANALYSES BIBLIOGRAPHIQUES La pr6sente rubrique d'analyses d'ouvrages est ouverte ~ tous mais la direction de la revue se r6serve le droit de s61ectionner les ouvrages et leurs analyses. Les opinions 6mises dans cette rubrique sont accept6es d'office par les auteurs et les 6diteurs ; elles ne peuvent en aucun cas 8tre oppos6es ~ la direction de GEOBIOS. LES EXTINCTIONS DANS L'HISTOIRE DES VERTI~BRES M~m. Soc. GdoL Fr., Paris, N.S. 1987, M6m. n ° 150, 184 p. ISBN 2-85363-045-5. Prix : 300 FF I1 s'agit d'un recueil de notes pr6sent6es lors d'une s6ance sp6cia- lis6e de la Soci6t6 G6ologique de France. L'extinction ou dispari- tion totale, plus ou moins brutale, d'un groupe biologique semble souvent anx auteurs moins important que le ph~nom~ne de crise qui, pour un groupe donn6, taissera subsister quelques lign6es deve- nant pour un certain temps des fossiles vivants. Des crises d'exfinc- tions ayant atteint simultan6ment un grand nombre de groupes se sont r6p6t6es plusienrs lois dans l'Histoire de la Vie ; la recherche des causes et des crises majeures constitue un exercice stimulant ; les opinions diverses et contradictoires 6mises par les anteurs ont donn6 lieu, disent les organisateurs ~t des discussions anim6es qui n'ont malheureusement pas 6t6 imprim6es. Les contributions ne traitent pour la plupart que de l'histoire d'une crise pour un groupe, elles ont 6t6, dans la mesure du possible, pr6sent6es dans un ordre chronologique. L.B. Halstead met en" 6vidence le d6calage chrouologique entre la crise et l'exfinction totale pour toutes les lign6es d'Agnathes d6voniens. M. Martin traite de l'6volution des Dipneustes : fossiles vivants depuis le Pal6ozoique sup6rieur. M.J. Benton pr6sente la r6partition par &age des 858 families de T6tra- podes non-matins ; il met en 6vidence 6 p6riodes de grands renou- vellements fauniques dont 3 dans le Permo-Trias ; la crise de la fin du M6sozoique n'entra~ne l'extincfion que de 14 % des familles ; cette donn6e semble minorer cette crise qui classiquement avait an6anti les 3/4 des formes vivant au Cr6tac6 sup6rieur. R. Wild explique 1'extinction des Tanystropheus ~ la fin du Trias par suite d'une trop grande sp6cialisation. Des causes biologiques compara- bles permettent ~t B.M. Unwin d'expliquer la disparition des Ptero- sauriens (groupe sp6cialis6 en d6clin, ne r6sistant pas ~t la diversifi- cation des oiseaux), h J. Bocquentin celle du Caiman g6ant Purus- saurus ; ~t J.C, Rage celle des Squamates europ6ens x&ophiles h la fin de l'Oligoc6ne. Plusieurs communications sont consacr6es ~ la crise de la limite Cr6tac6-C6nozo'fque. Si J.D. Archibald croit ~ une extinction gra- duelle dfie ~ la grande r6gression marine. J. Smit au contraire d~fend le caract~re instantan6 (c'est-fi-dire nettement moins de 50 000 ans) de ces extinctions impliquant un 6v~nement catastrophi- que ; son argumentation s'appuie sur la stratigraphie fine de la Bug Creek area du Montana. On apprend que durant un laps de temps trbs court les derniers Dinosaures ont coexist6 avec les premiers mammif~res pal6oc~nes. E. Buffetant pr6sente une critique s6v~re de la th~orie de la r6gression. Deux notes de min6ralogie s6dimen- taire ayant trait fi l'iridium compl~tent ce dossier ; C. Jehanno assure que le mineral originel renfermant l'iridium n'est plus recon- naissable, R. Rocchia trouve que la couche renfermant de 1'iridium est 6paisse de 1 m et donc qu'elle a mis un certain temps fi se d6po- ser. H. Cappetta parle des mouvements fanniques chez les S61aciens post-jurassiques (pour ce groupe 6galement la crise de la limite M6sozo'ique-C6nozoYque a 6t6 importante entra~nant la disparition de 45 % des genres, quelque soit leur 6cologie). L'auteur nous mon- tre qu'un m~me ph6nom~ne a un impact apparent tr6s diff6rent sur un groupe suivant que l'on recense les ordres, les families, ou les genres. La crise de limite Cr&ac6-C6nozo~que est celle qui avec la disparifion des Dinosanres a le plus frapp6 les imaginations, les th6ories 6raises pour l'expliquer se renouvellent sans cesse ; post6- rienrement ~ la tenue de cette s6ance sp6cialis6e le r61e d'une dimi- nution brutale de l'oxyg6ne libre vient d'6tre soulev6 par R. Berner et G. Landis. J.L. Hartenberger recense les 310 genres des 26 fannes successives de mammif~res pal6og~nes d'Europe occidentale. Le probl6me envisag6 est particulier en raison du caract~re insulaire de ce conti- nent ~t cette 6poque et de la faible variation de latitude rendant les faunes terrestres plus sensibles aux variations climatiques. Dans ce contexte il semble que les extinctions pr6c6dent toujours 16g6rement les apparitions de nouveaux migrants venus occuper les places vides. Trois crises d'importance in6gale sont soulign6es aux limites entre : Pal~oc~ne-Eoc6ne, Eocene inf6rieur-Eoc~ne moyen, Eocene sup6rieur-Oligoc~ne. Durant le Mioc6ne terminal il y a eu des 6changes de faunes de petits mammifbres entre l'Enrope et l'Afrique du Nord et ceci dans les deux sens. J.-J. Jaeger s'int6resse ~ la long6vit6 des taxons migrants et constate qu'eUe est toujours inf6rieure h celle des for- rues autochtones. Trois notes enfin (P.Y. Sondaar, J.-D. Vigne, J.-Ch. Balouet) mettent l'accent snr le rble de l'homme dans la destruction des fau- nes insulaires, pergoivent des diff6rences chronologiques dans la date d'extinction des diff6rents taxons insulaires, suivant leur taux de reproduction et l'intensit6 de la chasse. Le recueil de ces vinpt notes est int6ressant fi lire, il donne pour presque tousles groupes de vert6br6s un apergu sur des causes pos- sibles d'extinction. Le probl~me du renouvellement des faunes appara2t plus complexe que celui des simples extinctions. D'une crise ~ l'autre, les causes majeures d'extinction sont probablement diff6rentes. I1 rant esp6rer darts l'avenir de nouvelles s6ances plus sp6cialis6es traitant de tousles groupes pour une crise donn6e. Pierre MEIN

Les extinctions dans l'histoire des vertébrés

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Geobios, n* 21, fase. 2

ANALYSES BIBLIOGRAPHIQUES

La pr6sente rubrique d'analyses d'ouvrages est ouverte ~ tous mais la direction de la revue se r6serve le droit de s61ectionner les ouvrages et leurs analyses. Les opinions 6mises dans cette rubrique sont accept6es d'office par les auteurs et les 6diteurs ; elles ne peuvent en aucun cas 8tre oppos6es ~ la direction de GEOBIOS.

L E S E X T I N C T I O N S D A N S L ' H I S T O I R E D E S V E R T I ~ B R E S

M~m. Soc. GdoL Fr., Paris, N.S. 1987, M6m. n ° 150, 184 p. ISBN 2-85363-045-5. Prix : 300 FF

I1 s'agit d 'un recueil de notes pr6sent6es lors d 'une s6ance sp6cia- lis6e de la Soci6t6 G6ologique de France. L'extinction ou dispari- tion totale, plus ou moins brutale, d 'un groupe biologique semble souvent anx auteurs moins important que le ph~nom~ne de crise qui, pour un groupe donn6, taissera subsister quelques lign6es deve- nant pour un certain temps des fossiles vivants. Des crises d'exfinc- tions ayant atteint simultan6ment un grand nombre de groupes se sont r6p6t6es plusienrs lois dans l 'Histoire de la Vie ; la recherche des causes et des crises majeures constitue un exercice stimulant ; les opinions diverses et contradictoires 6mises par les anteurs ont donn6 lieu, disent les organisateurs ~t des discussions anim6es qui n 'on t malheureusement pas 6t6 imprim6es. Les contributions ne traitent pour la plupart que de l 'histoire d 'une crise pour un groupe, elles ont 6t6, dans la mesure du possible, pr6sent6es dans un ordre chronologique. L.B. Halstead met en" 6vidence le d6calage chrouologique entre la crise et l 'exfinction totale pour toutes les lign6es d 'Agnathes d6voniens. M. Martin traite de l '6volution des Dipneustes : fossiles vivants depuis le Pal6ozoique sup6rieur. M.J. Benton pr6sente la r6partition par &age des 858 families de T6tra- podes non-matins ; il met en 6vidence 6 p6riodes de grands renou- vellements fauniques dont 3 dans le Permo-Trias ; la crise de la fin du M6sozoique n'entra~ne l 'extincfion que de 14 % des familles ; cette donn6e semble minorer cette crise qui classiquement avait an6anti les 3/4 des formes vivant au Cr6tac6 sup6rieur. R. Wild explique 1'extinction des Tanystropheus ~ la fin du Trias par suite d 'une t rop grande sp6cialisation. Des causes biologiques compara- bles permettent ~t B.M. Unwin d'expliquer la disparition des Ptero- sauriens (groupe sp6cialis6 en d6clin, ne r6sistant pas ~t la diversifi- cation des oiseaux), h J. Bocquentin celle du Caiman g6ant Purus- saurus ; ~t J .C, Rage celle des Squamates europ6ens x&ophiles h la fin de l'Oligoc6ne.

Plusieurs communications sont consacr6es ~ la crise de la limite Cr6tac6-C6nozo'fque. Si J.D. Archibald croit ~ une extinction gra- duelle dfie ~ la grande r6gression marine. J. Smit au contraire d~fend le caract~re instantan6 (c'est-fi-dire nettement moins de 50 000 ans) de ces extinctions impliquant un 6v~nement catastrophi- que ; son argumentation s 'appuie sur la stratigraphie fine de la Bug Creek area du Montana. On apprend que durant un laps de temps trbs court les derniers Dinosaures ont coexist6 avec les premiers mammif~res pal6oc~nes. E. Buffetant pr6sente une critique s6v~re de la th~orie de la r6gression. Deux notes de min6ralogie s6dimen- taire ayant trait fi l ' iridium compl~tent ce dossier ; C. Jehanno assure que le mineral originel renfermant l ' iridium n'est plus recon- naissable, R. Rocchia trouve que la couche renfermant de 1'iridium est 6paisse de 1 m et donc qu'elle a mis un certain temps fi se d6po- ser. H. Cappetta parle des mouvements fanniques chez les S61aciens

post-jurassiques (pour ce groupe 6galement la crise de la limite M6sozo'ique-C6nozoYque a 6t6 importante entra~nant la disparition de 45 % des genres, quelque soit leur 6cologie). L'auteur nous mon- tre qu 'un m~me ph6nom~ne a un impact apparent tr6s diff6rent sur un groupe suivant que l 'on recense les ordres, les families, ou les genres. La crise de limite Cr&ac6-C6nozo~que est celle qui avec la disparifion des Dinosanres a le plus frapp6 les imaginations, les th6ories 6raises pour l 'expliquer se renouvellent sans cesse ; post6- rienrement ~ la tenue de cette s6ance sp6cialis6e le r61e d 'une dimi- nution brutale de l'oxyg6ne libre vient d'6tre soulev6 par R. Berner et G. Landis.

J.L. Hartenberger recense les 310 genres des 26 fannes successives de mammif~res pal6og~nes d 'Europe occidentale. Le probl6me envisag6 est particulier en raison du caract~re insulaire de ce conti- nent ~t cette 6poque et de la faible variation de latitude rendant les faunes terrestres plus sensibles aux variations climatiques. Dans ce contexte il semble que les extinctions pr6c6dent toujours 16g6rement les apparitions de nouveaux migrants venus occuper les places vides. Trois crises d ' importance in6gale sont soulign6es aux limites entre : Pal~oc~ne-Eoc6ne, Eocene inf6rieur-Eoc~ne moyen, Eocene sup6rieur-Oligoc~ne.

Durant le Mioc6ne terminal il y a eu des 6changes de faunes de petits mammifbres entre l 'Enrope et l 'Afrique du Nord et ceci dans les deux sens. J.-J. Jaeger s'int6resse ~ la long6vit6 des taxons migrants et constate qu'eUe est toujours inf6rieure h celle des for- rues autochtones.

Trois notes enfin (P.Y. Sondaar, J.-D. Vigne, J.-Ch. Balouet) mettent l 'accent snr le rble de l 'homme dans la destruction des fau- nes insulaires, pergoivent des diff6rences chronologiques dans la date d'extinction des diff6rents taxons insulaires, suivant leur taux de reproduction et l'intensit6 de la chasse.

Le recueil de ces vinpt notes est int6ressant fi lire, il donne pour presque tousles groupes de vert6br6s un apergu sur des causes pos- sibles d'extinction. Le probl~me du renouvellement des faunes appara2t plus complexe que celui des simples extinctions. D 'une crise ~ l 'autre, les causes majeures d'extinction sont probablement diff6rentes. I1 rant esp6rer darts l 'avenir de nouvelles s6ances plus sp6cialis6es traitant de tous les groupes pour une crise donn6e.

Pierre MEIN