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218 Congrès STC 2014 Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. http://dx.doi.org/10.1016/j.toxac.2014.09.018 16 Intoxication au paracétamol et insuffisance rénale aiguë : à propos d’un cas B. Domangé 1,, J. Torrents 2 , R. Torrents 1,3 , C. Schmitt 1 , M. Glaizal 1 , A. Boulamery 1,3 , N. Simon 1,3 , L. de Haro 1 1 Centre antipoison de Marseille, AP—HM, hôpital Sainte-Marguerite, service de Pharmacologie clinique, 13274, Marseille, France 2 Service d’anatomie pathologique-neuropathologie de Marseille, Hôpital Timone, 13005 Marseille, France 3 Aix-Marseille université, Marseille 13284, France Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Domangé) Introduction L’intoxication au paracétamol est parmi les intoxications médicamenteuses volontaires (IMV) l’une des plus fréquemment rencontrée. Le nombre d’appels pour ce motif aux centres antipoison ne cesse de croître au cours des dernières années. Si le risque de toxicité hépatique est connu de tous les praticiens, celui de la toxicité rénale l’est beaucoup moins. Nous rapportons ici le cas d’une adolescente de 16 ans hospitalisée pour la prise en charge d’une IMV au paracétamol compliquée d’une insuf- fisance hépatocellulaire aiguë et d’une insuffisance rénale aiguë. Observation Une adolescente de 16 ans consulte le service des urgences pour un tableau de vomissements et d’intolérance alimen- taire, avec notion d’oligurie. Ce tableau évolue depuis 3 jours, suite à une IMV au paracétamol (16 g, prise étalée sur plusieurs heures). Le bilan initial à j3 met en évidence une insuffisance hépatocel- lulaire (ASAT = 2835 UI/mL ; ALAT = 5076 UI/mL ; TP = 45 %) associée à une insuffisance rénale aiguë (créatinémie = 531 mol/L). La paracétamolémie est à 6,45 mg/L. Un traitement empirique par N-Acétylcystéine est instauré. Parallèlement à une amélioration rapide de la fonction hépatique, s’installait une insuffisance rénale anurique nécessitant plusieurs séances d’hémodialyse itératives (l’hémodialyse n’a pas d’intérêt dans l’élimination du paracé- tamol). Devant une protéinurie à 15 g/L avec des ionogrammes urinaires en faveur d’une insuffisance rénale aiguë organique, une ponction biopsie rénale au 6 e jour de l’intoxication est effectuée : aucun argument pour une glomérulopathie mais multiples signes de souffrance tubulaire aiguë L’évolution est ensuite favorable avec une reprise progressive de la diurèse, ainsi qu’une normalisation de la fonction hépatique. À 5semaines de l’IMV, la patiente ne garde aucune séquelle apparente, la fonction rénale est normale (créatinémie à 64 mol/L, protéinurie négative) ainsi que la fonction hépatique. Discussion L’atteinte rénale, lors de l’intoxication aiguë au para- cétamol, est rarement constatée, mais également peu recherchée. Les lésions histologiques constatées sont de type nécrose tubu- laire aiguë. Si la physiopathologie hépatique est bien connue, celle rénale l’est beaucoup moins ; il semblerait pourtant qu’ils aient une mécanique commune, à savoir une production de métabolites toxiques, conduisant à une mort cellulaire apoptotique par liaisons cellulaires covalentes directes. Les dernières hypothèses, la plupart basées sur des modèles murins, impliquent le cytochrome P450, mais aussi la prostaglandine endopéroxydase synthétase, enzyme responsable également d’une production de métabolites toxiques (essentiellement le NAPQI) à partir de paracétamol. Le processus exact reste pourtant inconnu, comme le suggèrent certains cas de toxicité rénale sans toxicité hépatique associée. Conclusion Bien que peu connu et de mécanisme encore mal compris, le potentiel néphrotoxique du paracétamol est pourtant bien réel et peut amener dans les cas extrêmes à l’emploi de l’hémodialyse ; à l’heure actuelle, aucun traitement préventif n’a fait ses preuves. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. http://dx.doi.org/10.1016/j.toxac.2014.09.019 17 Les oximes dans le traitement des intoxications aiguës par organophosphorés : est-il raisonnable de vouloir s’en passer ? F. Dorandeu , F. Dhote, G. Calas, F. Nachon Institut de recherche biomédicale des armées, département toxicologie et risques chimiques, BP 73, 91223 Brétigny-sur-Orge, France Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Dorandeu) Les composés organophosphorés neurotoxiques (OP) forment une très vaste famille au sein de laquelle il est de coutume de diffé- rencier les pesticides (OPP) et les neurotoxiques de guerre (NOP). Les OPP sont utilisés à large échelle comme insecticides et dans une moindre mesure comme herbicides, fongicides ou défoliants. Près de la moitié des pesticides les plus toxiques recensés par l’organisation mondiale de la santé sont des OP. Entre 2 et 3 millions d’intoxications aiguës, accidentelles ou volontaires, et plusieurs centaines de milliers de décès sont ainsi recensés annuellement. Ces intoxications ont lieu principalement dans des pays en voie de développement, ce qui explique que cette réalité est mal connue en Europe occidentale. Les NOP, quant à eux, peuvent être utilisés comme arme chimique et constituent une préoccupation majeure pour les armées. Remis au-devant de la scène par les attaques au sarin en Syrie en 2013, ils avaient été largement utilisés durant la guerre Iran-Irak dans les années 80 et employés lors d’attaques terroristes au Japon (Matsumoto 1994 et Tokyo 1995). Les OP présentent comme point commun d’inhiber en particulier les cho- linestérases (ChE) conduisant à une hypercholinergie généralisée, responsable d’une grande majorité des symptômes de l’intoxication aiguë. Si l’usage de l’atropine dans la prise en charge médicale des intoxiqués ne fait pas débat, la place exacte à donner aux oximes réactivatrices des ChE inhibées reste, en 2014, sujet de controverses. Tout comme les OP, ces molécules ne forment pas une classe homogène. Ces diversités doivent être prises en compte si l’on veut comprendre l’origine des échecs thérapeutiques trop souvent mis en avant sans que les éléments clés ne soient connus ou présentés. Ces paramètres essentiels de la réussite du traitement seront donc illustrés par des exemples démontrant que, bien uti- lisée, une oxime peut améliorer très significativement l’efficacité non spécifique de l’atropine dans certaines intoxications. Seules des études cliniques parfaitement menées permettront d’optimiser les protocoles d’utilisation des quelques oximes actuellement disponibles. Le domaine des recherches sur la réactivation des ChE reste dynamique et nous présenterons également cer- taines études fondamentales actuelles qui visent à accroître l’efficacité des traitements dans les cas d’échappement aux oximes actuelles. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. http://dx.doi.org/10.1016/j.toxac.2014.09.020

Les oximes dans le traitement des intoxications aiguës par organophosphorés : est-il raisonnable de vouloir s’en passer ?

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Page 1: Les oximes dans le traitement des intoxications aiguës par organophosphorés : est-il raisonnable de vouloir s’en passer ?

218 Congrès STC 2014

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir deconflits d’intérêts en relation avec cet article.

http://dx.doi.org/10.1016/j.toxac.2014.09.018

16Intoxication au paracétamol et insuffisance rénaleaiguë : à propos d’un casB. Domangé 1,∗, J. Torrents 2, R. Torrents 1,3, C. Schmitt 1,M. Glaizal 1, A. Boulamery 1,3, N. Simon 1,3, L. de Haro 1

1 Centre antipoison de Marseille, AP—HM, hôpitalSainte-Marguerite, service de Pharmacologie clinique, 13274,Marseille, France2 Service d’anatomie pathologique-neuropathologie de Marseille,Hôpital Timone, 13005 Marseille, France3 Aix-Marseille université, Marseille 13284, France∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (B. Domangé)

Introduction L’intoxication au paracétamol est parmi lesintoxications médicamenteuses volontaires (IMV) l’une des plusfréquemment rencontrée. Le nombre d’appels pour ce motif auxcentres antipoison ne cesse de croître au cours des dernièresannées. Si le risque de toxicité hépatique est connu de tous lespraticiens, celui de la toxicité rénale l’est beaucoup moins. Nousrapportons ici le cas d’une adolescente de 16 ans hospitalisée pour laprise en charge d’une IMV au paracétamol compliquée d’une insuf-fisance hépatocellulaire aiguë et d’une insuffisance rénale aiguë.Observation Une adolescente de 16 ans consulte le service desurgences pour un tableau de vomissements et d’intolérance alimen-taire, avec notion d’oligurie. Ce tableau évolue depuis 3 jours, suiteà une IMV au paracétamol (16 g, prise étalée sur plusieurs heures).Le bilan initial à j3 met en évidence une insuffisance hépatocel-lulaire (ASAT = 2835 UI/mL ; ALAT = 5076 UI/mL ; TP = 45 %) associéeà une insuffisance rénale aiguë (créatinémie = 531 �mol/L). Laparacétamolémie est à 6,45 mg/L. Un traitement empirique parN-Acétylcystéine est instauré. Parallèlement à une améliorationrapide de la fonction hépatique, s’installait une insuffisance rénaleanurique nécessitant plusieurs séances d’hémodialyse itératives(l’hémodialyse n’a pas d’intérêt dans l’élimination du paracé-tamol). Devant une protéinurie à 15 g/L avec des ionogrammesurinaires en faveur d’une insuffisance rénale aiguë organique, uneponction biopsie rénale au 6e jour de l’intoxication est effectuée :aucun argument pour une glomérulopathie mais multiples signes desouffrance tubulaire aiguë L’évolution est ensuite favorable avecune reprise progressive de la diurèse, ainsi qu’une normalisationde la fonction hépatique. À 5 semaines de l’IMV, la patiente negarde aucune séquelle apparente, la fonction rénale est normale(créatinémie à 64 �mol/L, protéinurie négative) ainsi que lafonction hépatique.Discussion L’atteinte rénale, lors de l’intoxication aiguë au para-cétamol, est rarement constatée, mais également peu recherchée.Les lésions histologiques constatées sont de type nécrose tubu-laire aiguë. Si la physiopathologie hépatique est bien connue, cellerénale l’est beaucoup moins ; il semblerait pourtant qu’ils aientune mécanique commune, à savoir une production de métabolitestoxiques, conduisant à une mort cellulaire apoptotique par liaisonscellulaires covalentes directes. Les dernières hypothèses, la plupartbasées sur des modèles murins, impliquent le cytochrome P450,mais aussi la prostaglandine endopéroxydase synthétase, enzymeresponsable également d’une production de métabolites toxiques(essentiellement le NAPQI) à partir de paracétamol. Le processusexact reste pourtant inconnu, comme le suggèrent certains cas detoxicité rénale sans toxicité hépatique associée.

Conclusion Bien que peu connu et de mécanisme encore malcompris, le potentiel néphrotoxique du paracétamol est pourtantbien réel et peut amener dans les cas extrêmes à l’emploi del’hémodialyse ; à l’heure actuelle, aucun traitement préventif n’afait ses preuves.Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir deconflits d’intérêts en relation avec cet article.

http://dx.doi.org/10.1016/j.toxac.2014.09.019

17Les oximes dans le traitement des intoxicationsaiguës par organophosphorés : est-il raisonnable devouloir s’en passer ?F. Dorandeu ∗, F. Dhote , G. Calas , F. NachonInstitut de recherche biomédicale des armées, départementtoxicologie et risques chimiques, BP 73, 91223 Brétigny-sur-Orge,France∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (F. Dorandeu)

Les composés organophosphorés neurotoxiques (OP) forment unetrès vaste famille au sein de laquelle il est de coutume de diffé-rencier les pesticides (OPP) et les neurotoxiques de guerre (NOP).Les OPP sont utilisés à large échelle comme insecticides et dansune moindre mesure comme herbicides, fongicides ou défoliants.Près de la moitié des pesticides les plus toxiques recensés parl’organisation mondiale de la santé sont des OP. Entre 2 et 3 millionsd’intoxications aiguës, accidentelles ou volontaires, et plusieurscentaines de milliers de décès sont ainsi recensés annuellement.Ces intoxications ont lieu principalement dans des pays en voie dedéveloppement, ce qui explique que cette réalité est mal connueen Europe occidentale. Les NOP, quant à eux, peuvent être utiliséscomme arme chimique et constituent une préoccupation majeurepour les armées. Remis au-devant de la scène par les attaques ausarin en Syrie en 2013, ils avaient été largement utilisés durantla guerre Iran-Irak dans les années 80 et employés lors d’attaquesterroristes au Japon (Matsumoto 1994 et Tokyo 1995). Les OPprésentent comme point commun d’inhiber en particulier les cho-linestérases (ChE) conduisant à une hypercholinergie généralisée,responsable d’une grande majorité des symptômes de l’intoxicationaiguë. Si l’usage de l’atropine dans la prise en charge médicaledes intoxiqués ne fait pas débat, la place exacte à donner auxoximes réactivatrices des ChE inhibées reste, en 2014, sujet decontroverses. Tout comme les OP, ces molécules ne forment pasune classe homogène. Ces diversités doivent être prises en comptesi l’on veut comprendre l’origine des échecs thérapeutiques tropsouvent mis en avant sans que les éléments clés ne soient connus ouprésentés. Ces paramètres essentiels de la réussite du traitementseront donc illustrés par des exemples démontrant que, bien uti-lisée, une oxime peut améliorer très significativement l’efficaciténon spécifique de l’atropine dans certaines intoxications. Seulesdes études cliniques parfaitement menées permettront d’optimiserles protocoles d’utilisation des quelques oximes actuellementdisponibles. Le domaine des recherches sur la réactivationdes ChE reste dynamique et nous présenterons également cer-taines études fondamentales actuelles qui visent à accroîtrel’efficacité des traitements dans les cas d’échappement aux oximesactuelles.Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir deconflits d’intérêts en relation avec cet article.

http://dx.doi.org/10.1016/j.toxac.2014.09.020