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N ichol as S haxson es aradis fiscaux nquête su les ravages de la financ e néo libérale Traduit e l  anglais p a r Emmanuel Fourmont

Les Paradis Fiscaux - Chap13 Luxembourg - Shaxson-2012

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N icholas Shaxson

es aradis fiscaux

nquête su les ravagesde la finance néolibérale

Traduit e l anglais par Emmanuel Fourmont

And ) V lS Ji  o oditour

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L s lecteurs sont invités à prolonger la lecture de cet ouvrage par la consultation

de notre site www.andrevcrsailleediteur.com. De nombreuses autres infonnations

rclat1ves au sujet traité sont présentées sur la page dédiée au livre. Celle-ci sera

régulièrement actualisée et étoffée de nouveaux documents.

Le texte de cet ouvrage a été entièrement revu et augmenté

pour l'édition française.

Copyright < Nicholas Shaxson, 201 1First publishcd s Treasure Islands Tax Havens am the Men

11 /ro Stole the World by Bod ley Head, Random Hou sc, Londres,

Royaume·Uni

Copyright traduction © 2 12, André Versa ilie éditeur

< André Vel \nllk · d i t ~ u r : 012~ \ N < 7X :; X711l"' 1MO·O

1 /:,: Il.., 11 l X l

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SOMMAIRE

PROLOGUE

Comment le colonialisme est sorti parla grande porte

er est revenu par a fenêtre de derrière .. .....

CHAPITRE L B iENVENUE NULLE PART

lnJroduction aux paradis fiscaux .... ...... ... .. ... .... .....  . ..... _. .. ...... . . 19

CHAPITRE 2 - A L ÉTRANGER, I I  CI-INIQUEMENT

Laforrune desfi'ères Vesrey : Alfrape-moi si ru pew: » 5

CHAPITRf:. 3 - UNI: LUCRATIVb NEUI RALITE

La Suisse. le plus ancien paradis fiscal d'Europe ...............- ............................... ... 71

Ct IAI ITRL 4 - UN AUliΠMONDE POSSIBLE

Le combat cie Keynes contre le capital financier ... .. ·-·· 87

CHAPITRE 5 - EURODOLLARS : LE VRAI BIO-BANG

L Euromarker, les banques er/a grande évasion .... ,_ ............................_.... ... 107CHAPITRL 6 - L ARAIGNEE 1 SSI:. SA TOILE

Comment la Grande-Breragne a bâti un nouvel empire 135

C llAPITRt:: 7 - LA C HU rE DE L AMÉ:RJQUE

Commem les États-Unis ont appris à aimer les paradisjiscaw: 159

CHAPI fRt: 8 LES SI Pl iONS OU DÈVI·LOPPEMENl

Comml lll h•s paradisfiscaux ntil1ent les pays pauvres

CHAPITRF 9 L ENG RLNAGE

Aux rucines de la crise

CIIAI I fRL 10 - RI ,SJSl ANCt::.

Cumbaffre les idéolof(lll S des paradisfiscattx ..  .... ....... .

CIIAI  I RI I l LA Vll· Ofl- iHORF

l.t' fuch •ur humcun

( llo\1   11 RI · 12 LI: (.lU I·FON

Lu Cifl ( /1 ontfon Co tflrii'Utlllll

C..lt\1 1110 ~ L  U · I)I I.AI\1\ll{l

/ ,• / 11\ 1 111/>tllll )> . (/1111 111· d •f / 1/Hifll

1 7

209

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CONCJ .USION

Retrouver os valeur \

NOI S ....

R EMFRCIEMrNTS

l fS PARAOIS FISCAIJX

l NDT:X ....... • • ........ . .. _...  .... ····· ···· ...... ··· ········· .

381

397

433

435

Avertissement :

Les mots en italique suivis d'un astérisque( )

sont en français dans le texte original.

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CHAPITRE 3

L ÉTOILE DE LA MO RTLe uxembourg, t ou noir de l  Europe

Quand l industriel cr homme <.l affaires Vincent Bolloré pren<..l le

contrôle <.le l empireR.ivauden 1996,le siège de la soctété vient de faire

l objet de cc que Libération appelle« la plus spectaculaire perquisitionde l histoire»- une descente massive du f1sc. Bolloré parachute peu

après un de ses licutenanrs,Jacques Rossi ,à la tête de la banque Rivaud,le cœur financier Ju respectable groupe inJustricl. Rossi n est pas un

tcn<..lre ct il promet d emblée de faire le ménage:« Je provisionnc, je

tupe brutalement, je récure sauvagement», <..lit-il.ll va bientôt découvrirc.1ue la banque n est pas une banque ordinaire ct qu il a beaucoup demal à faire son travail.

ondé par un entrepreneur be lge ayant fait fortune au Congo belgedans les temps brutaux Ju roi LéopolJ 1,lc groupe RivauJ est au Jébutdu siècle un puissant conglomérat colonial. QuanJ Bolloré emrel n scène, le groupe possède des millions d hectares Je terres en Afriquel t en Asie et est dominé par trois pôles <.l actionnaires : ln richissimefamille Fabri en Belgique et, chez les Français, .Jean de Beaumont et le

comt<: Édouard<.le

Ribes- celui-ci vient J une famille qui été anobliepour avoir financé la fuite à Varennes <.le Louis XVI en 1791.

L organigramme des sociétés Rivaud révèle la structure <.l un véricuble nid d oiseau : un entrelacs de participations croisées enserre la

planète, avec des sociétés holding empilées les unes sur les autres. Une

nébuleuse de banques habite les paradis fiscaux ; on trouve ces tirelires11 GUl.:l lll ~ l y , :Ill Luxembourg, à rscy, en Suisse ct au P<HHtma. li y H

l Il fa it d l ll h,mqtllS Rivau<..l. comme l expliquait un ancien employé:« L ttll l .1 u 1 i ~ 11i·-. IWBG ; l autre à Genève, 4ui récupérait cout

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cc qui est inavouable. » Des notes personnelles dccouvt•rtcs tLms le ·

bureau d'un ancien directeur décrivent le systeme comme un,. urctnl

de blanchiment».

Les plantations sont la pompe à argent du groupe , la hanqlll' :--1111

marigm polirique; et les paradis fiscaux, bien sûr, le moyen J'ensl·wlu

tout ça dans l'obscurité. l..'organigrammc csr devenu si complexe tpwmême les dirigeants ne semblent plus rien y comprendre.« Im,tgutt /

un grand-pèrequi dissimule son argent un peu partout ct ne sc sou\'Ïl'll lplus où est le lingot d'or>), dit l'un des associés de Ribes, qui dl-cri1 h

comte comme« perdu Jans son propre labyrinthe » 2•

Cn 1981, la ~ m q u e Rivaud, la pompe linancière du groupe, s l-I :til

inst.tllée avec armes el bétgages au Vanuatu (ex-Nouvelles Hébridt·''·un ;tncien condominium franco-bntanniquc nouvellement indépcndanl

~ d o n t prt·sse. la dl-cisinn de s'installer dans ce paradis fisca l <1\ ;til l hnHll n c p.11 la t r ~ t i n t e dt· ,·oir le nou,·eau gouvernement socialiste cl1·

hatH,nts M llermnd na1 ionaliscr k:s banques. 11 y avait semble-t· ilttlll'l l l l l l l r.tison : la banque ~ t a i t um· plaque toumame du financcmett '

on11ltt· dtt HPR \

romp t  parm1

ses clients certains des hommes p\)lt1 qttl·.., le:., plu" ntrttll ts de France Quinn: ;tns plus rard, e Poml apjkl.

ttlljltttrs l.t h;lnqtll « groupe fmancicr le plus secret de France •· ;

pnu r L I J t ' r r ~ l lfm le groupt• Rivaud est « tt société la plus mystéril'tt :o-1

du ctpltaltsrne françai -. ·1•

Hossi trouve son job pénible: «Ceuc banque de merde commence 1

mc faire chier»,l'cnrend on s'emporter o ~ de son grand nenoyagl'. l...

fin de corn pre, sa tâche 5\wère si énorme cr il y a tellemcnr Je cadm·rc..,

dans les placards qu'il quitœ son poste au bout de six mois sculemcm

Un proche le décrit au moment de son départ comme ayant« le 1sagc

ha ll uciné du GI t cvenanl de la guerre du Vietnam »  •

Bolloré avait promis de faire toute la lumière sur les agissement s

obscurs de Rivaud mais, comme le dit un proche du dossier,« le monde

politique est intervenu pour lui faire comprendre qu'il n a v ~ t i t p u r ~ upas intérêt à mettre tout sur la place publique». L'affaire est entcrri·1'

sans bruit 6 : maJgré un début d'enquête tonitruant, le dossier pé11.1l

est classé s;tns suite et les pla intes retirées. Ainsi a pris fin ce scandal1·politico-financier uw les paradis fisca ux.

Nous retrouverons Bolloré plus loin dans le chapitrl'. Pour l ' i n ~tant,l'épisode préc.édcnt o;uffit à noue; rum:ttrc l l1 tt-t(' n " l l ( ' l J t R · ~ t i o t l

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Jér<lllgcanlc : pourquoi les gouvernements tolèrent-ils k·s paruJrs

fiscaux? Pour ceux qui omlule livre jusqu ici. hr réponse est dmre:

parce que, dans notre monde globalisé, c est dans les paradis fiscauxque sc concentre de plus en plus le pouvoir politique et économique.

La question Je la tolérance Ju pouvoir politique ù l égard des pamJisfiscaux est particulièremem sensible en Europe. Commenr se fair-ilque les paradis fiscaux puissent con tinuer à opérer ouvertement au

beau mili u de cet espace de coopération er de souveraineté partagée,

unique dans l histOire mondiale ?

La bataille se joue sur un échiquier politique complexe ct mouvant. A

l intérieur Je la zone euro figurent cinq paradis fiscaux majeu rs 1 Autrichc,la Belgique, l Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas er Jeux

acteurs mineurs connectés à la toile J araignée britannique: Chypre

et Malte. Le Luxembourg ct l Autriche sont à la tête du combat pour

entraver les cfforrs européens en faveur dt la transparence financière ;

ils om conclu des alliances discrètcs avec k s paradis tiscaux limitrophes

que som la Suisse, le Liechtenstein, Saim-Marin, Monaco ct Andorre.PHrmi les« cinq grands »,l Autriche est sans doute le moins impor

tant. Elle pratique le secret bancaire et abrite beaucoup Je banques

peu regardantes opérant surtout en Europe de l Est dans l ex-Union

sodénquc. Ses dirigeants cr ses médias répètent toujours les memesarguments écu lés en faveur des paradis fiscaux, opposent toujours 1< :

même mutisme délibéré ùl égard Jes criliques cr soutiennem toujoursle même consensus officiel en faveur du secret bancaire.

Les attraits fiscaux de l Autriche sont vaüés: il n y a pas cle droits

de succession, la fiscalité sur les retraités s installant dans le pays est

très faib le ct les sociétés non résidentes bénéficient d avantages. EUepropose également deux structures garant issant l anonymat, le 1i·euhanJ

ct la Foundation utilisées cou ramment à Jes fins illicites. En septembre2009, l'AU[ riche a été retirée Je la lis re grise des pmaJis fiscaux de

l OCDE après avoir signé les douze accords d échange d informations

rcqui:> p l l l Organisation- dont dix avec d autres paradis fiscaux MJ ai dcJa mont re: tltiJeurs en quoi cc type d accords était insuffisam cr

prc.:squl' itutlilc.

Lal l   ~ t" iC

uussi 1111 pm.tJis fiscal plutôt pc tiL Beaucoup J étranJ.\l IS. l tl p:ut Îl'11liPt des t u ~ ct des Hollandais. v habnctH pour

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des raisons fiscales. « Les grosses fortunes du nord de la FrallCl ~ 0 1 1 1routes en Belgique>), m'expliquait un banquier français. L a frit m.tt Ï<lll

est un peu exagérée- n'oublions pas qu'il y a le Luxembourg rot tt .1

côté- mais eUe compone une grande pan de vérité. Ln Rdg.tt.JIIl , 1n'y a pas d'impôt sur les plus-va lues quand vous vendez b. acttotl '

d'une société ou une société qui vous apparriem entièrement. (.d:1 .1

dû être d'un grand secours pour Paul Louis Halley, qui s'est in..,talh·en Belgique peu avant la venre en 1999 de son groupe de dist nbttl i.u.

Promodès au groupe Carrefour pour plus de 16 milliards de dol111 ..

Vous pouvez également en Belgique vous soustraire aux drntt :-- d,succession ou à l imposrcion sur les dons. avec la bénédiction J l · l , ~ t lministnuion fiscale; de plus, à la différence de la France, il n'y a p.1 ..

d'impôt sur la fortune.

Bruxelles n'éwnr qu'à une heure et quart en train de Paris, l a d 1

saon de panulà-b;ts n'est parfois pêlS rrop difficile à prendre. Parmi lt·.

q ~ t d q u c trni' à q11atre mille e'\ilés flscaux français en Belgique ngttt\ tlldes membres de la lumille Ttlittinger. la famille Mullie7 (propriét rite

k la cluinl' de dtstrihuuon Aucb,m), l'auteur Eric-Emmanuel Sch111 111

et les membres de .1 famiJic Halley. La fiscalité n'est en général <JIIt

l'une des misons du d0pan. L'écrivainc Anne-Marie Mittcrnmd ,lnp;tr exemple que sa décision de s'insraller en Belgique reflète S<ltk · ..,

l<ttton de« cette mcnwliré française qu'il faut changer [ .. 1. La l11t h'

des classes, le désordre, les taxes er les textes: c'est tout cela q11v J.u

fui. » 9 Quant aux Hollandais, qui aimenr hien faire Jes blagu es 'leurs voisins du Sud, ils riratent sans doure moins s ils savatent qt tl

probablement une plus grande parr encore de leurs grosses f o r n u us'est instaUée en Belgique pour des raisons flscales.

Les entreprises sont également friandes du pa} s Reau coup , 1·

multinationales, dont Carrefour, s'installent en Belgique pour motll t

un «centre de coordination », qui leur permet de jongler avec les pnc.lc transfert. Une banque, par exemple. peut centraliserses opérat to .

de prêrs dans un centre de coordination belge, afin de prêtern n t:III X

d'intérêt élevé aux aurres filiales du groupe; le revenu des inrl-rï-r,perçus en Belgique est ensuite pussé au wmi..; d'une autre niche lisc.tlc

pour réduire fonemem la note d'impôt, t.mdis que le P<llemcnt .J,.,

intérêts des flJiales installées dans les pé V'i Ù forte flscalitl CS dl dlllt de•\impôts au titre des coûts 10. Bt <llli llltp d .1u1rcs niciK·., som <Ill lllt tlll.

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  n tk-pit dl I O U l e ~ C:CS niches, les prélèvements obligatoires enBelgique tcprc >cntcnl presque 45 du PlB, l un des plus forts tauxd Europe. Les riches toutefois comribuent peu, comme J'a rappelé en

Ja nvier 2012 la petite manifestation choc organisée square du Bois àBruxelles. Se référant au «jour de Hbération fiscale» calculé chaque

ttnnée aux États-Unis- c est-à-dire le premier jour de l a m1ée à partirduquel le pays a accumulé suffisamment d argent pour payer ses prélèvements obligatoires (le moment, selon les adversaires de J impôt, où

vous cessez de travailler pom l État et commencez à travailler pourvous» -, les manifestants ont porré u toast« à la sanré des grossesfortunes » ct fêté ainsi le2 janvier, le jour où les Belges les plus riches

cessent de payer l impôt. Pour les Belges ordinaires, ce jour tom bepresque au milieu Je l année.«La Belgique est devenue les îles Caïmans mais sans les îles, explique

un auteur. En gros, si vous travaillez pour un salaire, la Belgique estun enfer fiscal; si vous êtes riche, c est le paradis.» JJ

L'Irlande cr les Pays-Bas jouent Jans une catégorie supérieure. Lesecret n est pas leur principal attrait pour attirer les capira11>:: çç paysjouent en Europe un rôle différent.

J ai déjà brièvement explique Lt place d<.·lïrlull1k wmmc o : e t l l r t •majeur de la déréglementa tion/ in:HH:ierc: t n.l uni it•u 11 lt·s hulllptcseuropéennes viennent faire ce qui est int<.:rdit r h l 7 t . • l l e ~ Lt.•( ~ · n t r ~

Jcs services financiers internationau:x de Dublin (lutcmnuouulFinancial Services Centre, IFSCl esr à la base un proJet cnticrcmcntvkié. Il a été créé en 1987 par le financier Dermot Desmond, Ut lproche du Premier ministre irlandais Charles Haughey, lequel lui

a en fait donné carte blanche pour rédiger la législation financièredu pays. Haughey- un homme« avide ct corrompu », selon un

contemporain- a régné sur un système régi par ce que l auteurirlandais Finland O Toole appelle« un cocktail monel d idéologiemondialisée et de coutumes irlandaises» ; le« miracle» irlandais,Hujourd hui en m o r c e ~ m x s est produi t au sein de cc qu un autrerémoin appelle« une culture Je la corruption si éhontée et spectaculaire qu elle fai[sai]t ressembler Dublin à Kaboul. [.. .]La seule

idée de suncrionner les responsables est vue par l élite au pouvoircomme tkloyalc: < :l ~ m antipatriotique» 12.

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L'Irlande est également une boîte à malices fiscales. Lt pays est

connu surtout pour son fameux taux de l'impôt sur les sociétcs, hxt;seulement 12,5 %. Bien que très dommageable, cer impôt est pourtantun écran de fumée.

Le prmcipal attrait de l'Irlande réside en réalité dans une lac e

fiscale gigantesque et délibérée: une absence quasi rotale de règles 'Illes prix de transfert. En pratique, cela sign ifie que lorsqu'une mul11n.t

tionale élabore un montage fiscal artificiel et particulièrement alamhi

qué, le fisc irlandais n'y trouve rien à redire. Google, par exempl(', .1

utilisé la Lechnique du« double irlandais»- bien connu des fiscal '  'spécialisés- pour ne payer qu'un taux Je 2,4% sur ses profits réal, ,;...,

hors des États-Unis. L'astuce unpliquc deux filiales de Google: l'tr lll'

encaisse les ventes des produits et services Googlc en Europe, Moy l'

Orient er Afnque, mais doit verser dans le même temps des royal lll

(pour l'utilisalion des brevets Google grevant ces produits t servin·')a une atme filtale du groupe; ceue seconde filwle est d o m i c i l i ~ e \11

Irlande, mais sa direction générale sc trouve aux Bermudes. Résuh .ll

la première filiale déduit de ses impôts le paiemenr des royalties, cc qréduit sa no te fiscale en Irlande; celle des Bermudes ne paie pratiqttlmem pas d'impôt (puisqu'elle esr dnns un paradis fiscal). Le mont agl.·nécessite toutefois un troisième intervenant: à cause d'une bizartTIII 'de la lot irlandaise, les royalt ies doivent être Lransférées aux r m u dvi une fi liale de Google installée aux Pays Bas (une coquille vide awt

zéro en1ployé). Ce détour par les Pays-Bas, tout comme le « douhl t>

irlandais», est Lm procédé d'évitement fiscal couramment ut iljsé p:11

les muhinationales. Il a même un nom : le« sandwich hoiJandais l t

société des Pays -Bas est prise « en sandwich » emre les deux alli e ~structures).

C'est en large parue grâce à l'Irlande et aux Pays-Bas que les s o c t L t Laméricaines détiennent plus de 1000 miJiiards de dollars Je prohh

non imposés dans les paradis fiscaux, ce qui contribue grandenwntaux déficits fiscaux américains qui déstab ilisent l'économie'\

Les Pays-Bas sont un acteur majeur de la fiscalité d e n r r C p r i ~ e .ur

niveau international. Ils abritent une armée de 15 000 conseiller list:•lll xer avocats fisca listes enchaînés à la tùche dans 11n qu;uuer d'all.ur (''

moderne du sud d'Amsterdam. Une enquêLe dtt .d PuJciii(Ù dt•

Dctl .hlad L'n2011mdtqtt.llt que RO d t · ~ 100 pl ,., tthlc·s '' 'ltlll.ui,,n:dc  

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mondi,tlc.:s a\ ;tienc recours aux momagcs fisc;tux du pays . d'autresétudes révélaient la même annee que les dix plus grandes sociétéspétrolières. gazières ct minières de la planète détenaient à eUes seules358 filiales aux Pays Bas, et que les 50 plus grosses entrepnscs se parlugeaient pru. moins de 858 filiales dans le pays 14.

Selon une note de 2011 Je la banque centrale néerlandaise. lepays avait réa lisé 3700 milliards de dollars J'investissements directsà l'étranger (LDE) en 2009- soit 18   du total mondial, plus encoreque les États-Unis Bien sûr, il s'agit J'investissements sur le papier,

non d'investissements réels du pays : les sociétés étrangères utilisentles Pays Bas comme lieu de transit off shore. Par ailleurs, en 2007,une somme totale Je 8000 milliards Je dollars (dividendes, paiementsd'imérêts, royalties ct plus-values) était passée par des structures par

ticulières du pays appelées« institutions financières spéciales»- soitdix fois le PIB narionalls.

Outre leurs nombreux attraits, l'Irhmde ct les Pays-Bas offrenttrois avantages absolument cruciaux : une n..:lative ::;wbilité politique,

l'appartenance à la zone euro et un \ aSte réseau de comentio11s fiscaksbila térales qui permet aux mulr inationales de se ratlk:r dt:., t h c n r n ~défiscalisés à mn-ers les différents rég imes f1.,ctux de t pl.ultlc.

Bien que ces deux gigtllltcsqucs p;u ,tdts Irseaux t l n ~ k l l l l t l l . l Ï Il'

se trouvent au cœur de l'Union t:liW(K l lllll . ou nt· fui 1 p1111ÎlJIIt'l1 H. lll

rien pourles cornbaure.Si l'on regarde l'échiquier poli 1iqul' cumpœn. lu lut t l' \. llllllt: ks

paradis fiscaux semble pourratll még.tlt: D'un coré -.r rrou\'l'nt dt·ux

puissants pays - la France ct l A llemagne :tlu po111rc du combatcontre le monde o(f.shorc : « Nous voulons en finir avec les paradisfiscaux, disa it Nicolas Sarkozy en février 2009.Je veux que les banquesne travaillent plus avec ~ îles Caïmans. Hong-Kong er Macao. Je

démissionnerai Je mon poste Je coprince d'Andorre (si les chosesn'avancent pas). Monaco doit aussi s'aligner.» 6 t ainsi de suite.Même s il ne faut pas prendre pour argent comptant les déclarationsde Sarkozy, la société civile française est sans douce dans le monde la

plus viscéralement et la plus bruyamment hostile aux paradis fiscaux.

D'un Jutre côté. la saga de la banque Rivaud.I'aflaire Ell,les scan·

du les Je la f rançafrLque, le fair que Sarkozy lui-même traîne quelquesl .tssl·wks d.ms les paradis fiscaux (comme nous allons le voir) nous

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rappellent que, même en France, la lune reste très difficile. Il y a t l

outre un élément important: les paradis fiscaux de l'Union curopcc•Hu

ont des alliés et protecteurs - la Suisse, ce monceau d' intransige;llll t

presque au sud de l'Europe (elle-même soutenue par le pe tit rnqlH 'I

alpin du Liechtenstein), Jersey et Guernesey au large Jes cô tes 11.11 1

çaises, ct derrière eux, énorme et avide, la City de Londres.Et comme si tout cela ne suffisait pas, il y a également le plus gr:llld

paradis fiscal de la zone euro: le Grand-Duché de Luxembourg.

La plupart des gens considèrent lé Luxembourg et son d e m i ~ n 1 1 llion J'habitants comme un gentil petit pays, courtois, richissinH ,.1

r ~ p t w u x dl's lois, qui en général s'occupe de ses affaires. < ,, 1.rcssçmhlc un peu i l l ï m t ~ g c qu'on avait de Bernard Madoff avam \nt•

Il rt•st;lllnn en 2008 . Anr1u1 prés1Jcnr du NASDAQ, gestionnain. l1·

l o n d ~ cnlcritt', inwsllSSl Ur aux lll<tins d'or, pilier de la haure soc11t• ·new v m k u ~ c pcrsnnnl' n\ 1 emi ' en cause sa réputation avant que 1 111 1

uppat llllc qu'il .lVII Il molllé u n ~ formiJablc pyramide de Pomi dc 111

Il l i litll ds dedoiiH

rs.De l.1iL l Luxembourg st un pays courrois et riche, et la plup .111

des habitants respectent les lois. Le pays n'en reste pas moins un t re 111

noir financiet· au cœur de .l'Europe, une taupe qui creuse avec disL il

Lion eL obstination des tunnels sous les fondations de la transparet•

financière. À seulement deux heures de train de Paris, le Luxemhn111

offre tout l'arsenal des sortilèges off-shore: une opacité financlt' tt'quasi impénétrable, une application paresseuse des lois p é n a l e ~ t

financières, des niches fisca les à profusion, une régulation fin.m ctu t•

dans la plus pure trad ition du laisser-faire économique. Le p[1ys t .. 1

l'homme-orchestre des seiVices off-shore européens, il est ce que IPIH

Christensen, de TaxJusrice Network, appelle 1 « Étoile de la mort

de l'opacité financière sur Je vieux continent.Avant de me rendre au Luxembourg en octobre 2001 j\1\ .1i

demandé à un correspondant du pays de me suggérer des pcrson1H ,à rencontrer pendant mon séjour. Sa réponse m'avait été fort

mais le p o s t ~ s c r i p t u m m'avait inLrigué: «Une a r a c t é · i ~ t i y u c l s

importante du Luxembourg comme centre financier, c'est la diverg\ tt• ,.

absolument scandaleuse enu·e les textes de loi et leur applicarton d;tu..,le cours ordinaire de lt1 justice, < : n v a i t ~ i l C'est lill fall h1cn connu d1  >

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institutions mtc:rnationalcs qui s intércssc:nr aux paradis hscaux. Bten

que la pression internationale ait obligé le Luxembourg üadopter des

mesures restrictives concernant les activites financtères sur son territoire,

il esr indispensable de prendre en compte la non application desditcs

mesures par la justiœ pour sc faire une idée exacte du Luxembourg

comme ccnu·c bancaire. »

Après un récent séjour à Jersey- pamclis fiscal notoirement cor

rompu-, cet em.til ne m ~ 1 \ a i t pas pamculièrement surpris. concordait

du reste avec les constations d\m rapport de l'Assemblée nationale

française quelques années plus tôt : «Pays des sociétés holding et de

la tiducic qui garantbscnr dis<.:rétion cr anonymat aux investisseurs

et épargnants, le Grand-Duché défend aussi un secret bancaire Jesmieux protégé au monde, disait il Cerre foneresse financière au cœur

de l'Europe n'accorde qu'une coopération judiciaire limitée-l'évasion

fisca le n'entre pas dans le champ Je l'entraide- er reconnaît toujours

d'interminables voies de recours contre les demandes des magistrats

étrangers. » 17

J'avais Jemandé toutdois à mon correspondant J'être plus précts,ce it quoi il avttit répondu : « Le problème, c'est que les personnes

impliquées ont peur Jes represailles tics aurontcs luxcmbourgeotst:s

si elles se manifestent en public. Je sais par expérience personnelle

jusqu'où ça peut aller, écrivait il. Vous n'arri ez à rien dans ce pays

sauf si vous prouvez vorrc ab :.oluc loyauté au S) rèmc en place:. œ qu1

inclur n'avoir aucun problème avec les pratiques frauduleuses. le suis

aussi par expérience personnelle que les étrangers om bt:aucoup Je

mal à comprendre que le Luxembourg fonctionne comme une mafia.

Personne itl'étranger n'imagine combien l situation est épouvamable.

Mais si vous voulez vraiment le sa,·oir, l vaut mieux être prévenu pour

éviter les surprises. »

Il s'est avéré au cours Je mon séjour que le Luxembourg n'érait

pas aussi féroce que mon corrcspontlam semblait le dire. du moins en

apparence. Son cas était hors du commun: il avait directement affronté

une institution financière luxembourgeoise devant les tribunaux cr il

avait perdu tous ses moyens de subsistance Jans une bataille où, je

suis d an on avec lui, il s'était fair rouler en beauté, illégalement cr à

plu-.tl'lll' lt'pll>l'' \on hi,toirL' mêlait Jcs avocms fourbes et malhon

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\ Ous attaquez au secteur financier er des institutions financières locale iayant purement et simplement enfreint la loi. Ses propos reflénùent une

expérience personnelle extrême: en creusant un peu, allais je décom ri1111 Luxembourg plus en phnsc avec son aventure tragique? Après toi Il .

la haute finance tient fermement la barre: ses acteurs savem que, -; Il

désobéissent à la loi, ils ne seront pas san ct ion nés.Le Luxembourg est sans aucun doute moins répressif que Jersey ct

il redistribue bien mieux sa richesse auprès de ses habitants. Le Prenlll 'lminisrreJean-ClaudeJuncker, au pouvoir depuis l995, est populain ·.Cc n \ st pas du tout un liberttlrien enragé comme fen ai rencontré t<l lldans les paradts fiscaux, mais plutôt un soctal-démocrate à la S<HKl

européenne, heureux de faire profiter à d'autres l richesse du pays lde consacrer à l'aide internationale une pan du revenu national pin -,

clcvéc que presque partout ailleurs. La pauvreté est exceptionnelleselon les standards européens, et le PIB par habitant est presque r nfois supérieur à la moyenne de l UE 18.

« 1\:ous avons ici la stabilité», explique Fernand Grulms,le prc 1dent de Luxembourg for Finance, une agence pour le développementdu secteur financier. « Stabilité du régime juridique et fisetù et st.th ilite politique, économique Cl sociale, ce qui est très rmportant poult·s investisseurs. Cela est lié au modèle social luxembourgeois, olt kgml\ crnemcnr. le patronat ct les syndicats c; assoiem ensemble pou

trouver des solutions aux problèmes.»

Lt finance ne sera pas avant longtemps dérangée par les révolu1 OiliHures. [Ile est protégée par un vaste consensus que nourrissentles rm•dias et les protestations à son endroit sont exuêm<:ment ran:sLe stTteur financier est de loin le plus ~ r o s employeur du pa\s lcont rihue <Hl quart des rccctres de l'ÉtaL La presse, q111 reçoit dllnr·gcs subvcnt ions Ju gouvcrncmen t 1

, relaie inlassablement le méml'

mcss:IRC auprès de la population : le Luxembourg est. un cen tnllnancicr responsable, pas un paradis fiscal ; le Luxembourg est 11D,1vid habtlc ct honnête, entouré de Goliath menaçants lt c u p ~ t k .« .k n'ncceptr pas les propos de certains ministres français, dis.titl l C\ 'IHillentJunckcr lors de J'une ne SL \ colères traditionndll_.s ,1

dc tin.tuon cxcluc;ivc de son op1111on pul,hqtlC, qu1 nous t.' xplh.JIICIII

qu 'un comrn i >snire \ i.'ll:l l l i , I '   'IÏ I El il l l llt 'l l lhrc t ;I11U II1 dro11 dt•

f t i ~ · l ll l, llll l l l l  , l .llh111.  ' l•1c " 1nvc loppt: dun' 11  d11 ui ll ,•1

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consensus, Je pays n a jamais été invité à s interroger véritablement

sur l origine réelle de sa prospérité.

Si vous critiquez le secteur financier, la réaction peut être brutale.

En 2008, Arlette Chabot, alors directrice de l information de France 2,a essuyé un rude camouflet après un reportage de la chaîne sur le secrer

bancaire au Luxembourg. La Chambre des députés du Luxembourg,dans une lettre venimeuse, a qualifié le programme J « irresponsable,

voire diffamatoire », ajoutanr avec indignation : « La Chambre des

députés récuse toute insinuation visant à discréditer le Grand-Duché de

Luxembourg et sa place financière.» Chabot a dû se fendre d uneletrre

d excuse à j ean-ClaudeJuncker: «Jev us demande de ne pas consi

dérer ce reportage comme une nouvelle manifestation de l arrogancefranco-française mais plutôt comme une insuffisance professionnelle,

écrivait-elle. La mise en image était facile , voire de mauvais goût. >> 20

Même si Je reportage de France 2 comportait beaucoup d 'a llégations

et peu de fa irs précis, le fond du propos t ~ 1 i t juste: présenter ainsi sesexcuses à un pays entier esL plutôt étonnant 21 .

En 2009, le Cercle de coopération, une pla re-forme d ONG luxem bomgeoises, a eu l audace de se demander si le secret bancaire du paysétait compatible avec sa politique d aide au développemenr. Les pertes

occasionnées aux pays en développement, estimait-il, étaient supé

rieures au montant de l aide étrangère du pays 22 • La réaction offidelle

encore une fois a été violente. Le Premier ministre J uncker a attaqué

publiquement l étuJe, la qualifiant Je «primitive er primaire», er alaissé entendre que le financement du Cercle pourrait être supprimé.

La presse luxembourgeoise s en est pris aux ONG, ct l Association desbanques et banquiers du Luxem bourg a téléphoné à Mike Mathias, alorssecrétaire général du Cercle, pour lui demander de retirer l étude. Le

ministère de la Coopération au développement a clairement fair savoir

que le Cercle devait s inquiéter pour son financement s il persis Laitdans son erreur. L étude aéré vite reLirée2J.

« II y a un consensus au Luxembourg : nous ne parlons pas de

choses qui pourraient nuire au secteur financier, dit Mathias.J ai étéchoqué J'avaÎ . toujours pensé que J uncker étair correct ; du moins,

je c o n ~ i t k : r a i ~ qm: l l l g a g ~ : m c n en fawur du développement était

sim:l l l l..1 lc  ; l l l lntt , i l l ~ son dtscours ét<tit selon mni :lhsnlutlH. Ill.lltltdc·nttH ·I .tl llflll   t  l tu• 1 ~ ~ 1 111 JI"' k ldwt t t \ cl\ tlvs ..k lit l i l l \Ill >

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Le Luxembourg n'est P•lS st:ulemcnr membre de l't. E, poursuit

Brooks.« appartienr aussi à l'OCDE et JOUit <.l'un réseau de conven

tions Je double imposition de type OCDE -lesquelles en principesont

r é s r v é ~ aux pays qui ne sont pas des paradis fiscaux; ces conventions

permettent à l'argent - les intérêts en particulit:r- d'entrer et Je sortir

du pay'i sans être soumis l'impôt. Évitcmenc fiscal en béton armé.»Ce dernier point est essemiel. Comme je l'ai déjà indiqué, les pays

signent en général deux types de conventions fiscales. Le premier typesont lesaccords d'échange J'informations fiscales. centrés sur la trans

parence ct permettant aux signataires de sc communiquer entre eux

des renseignements fiscaux. C'est le seul type de convention que les

pays devraient signer avec les paradis fiscaux. Le second type J'accordssont les conventions Je double imposition (CDI) dom parle Brooks,

qui ont un objet bien plus vaste que le simple échange d'informations.

Quand la soc iété d'un pays investit dans un autre pays, la CDl déter

mine lequel des deux pays prélève l'impôt sur relie parr des profits. Ceprincipe fonctionne quùnd aucun des pays n'est un paradis fiscal : il

permet d'éviter la double imposition, c'est-à-dire évircr que les profitsde la soc iété soient taxés Jeux fois. Mais si un pays signe une CO I avecun paradis fiscal, l ouvre grand sa porte à de nombreuses po'isibililés

d'évitement fiscal et permet aux entreprises J'accéder au graal : ladouble non-imposition - les profits ne sont imposés dans aucun desdeux pay:,, ct souvent nulle part. Ains1. aux termes J'une convention

fiscale avec le Luxembourg, la f-rance peut renoncer à prélever cerrai.nsimpôts sur les entreprises- mais le Luxembourg ne les prélèvera pas

pour autant : il est un lieu de transit, prélevant au passage quelques

frais et alimentant les bonus des dirigeants de sociétés- candis que,

pour la l rance, les perrcs fiscales sont conséquenres.

L'appartenance à wus ces clubs fermés permet au Luxembourg de

ne pas figurer sur les listes des paradis fiscaux er lui donne les dés dumonde merveilleux des COI.« Le Luxembourg est un membre à part

entière de ces clubs, explique Brooks, ct en même temps il chaparde

dans la caisse. »

Bil'll que l'Ut.: ait parfois contraint le Luxembourg à éliminer sesupp Hs , t u · ks plu ostenstbles. assoupliss tm cenmns des aspects

h:s pltts ugtl'ssib d,· •t l q ~ i s l u r i o n , sn gcslion adroite des nombreuseslltllll s ,J, t t t l nil ,ltnn·l·t \ t l'<llll);ti\s;lllce de 1\·xtr;tordinairc

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complexité du droit européen ont permis à son industrie financière desc développer de façon spcccaculairc

Le Luxembourg a acquis aujourd'hui un statut de« cluster »-un

« pôle de compétences» suffisamment important pour engendrerlui-même sa croissance. Offrant la gamme complète Jes services

financiers off-shore, il est devenu une sorte de guichet unique pourde nombreux investisseurs qui savent y trouver ce qu'ils cherchent.Le pays est l'heure actuelle le second marGhé mondial des f o n d ~communs de placement derrière les États-Unis, avec plus de 2000

milltards d'actifs 25. Il esr le second lieu de domiciliation des bcdf .c

lund Jans le monde et le plus imponant centre de banques privées

de la zone euro- représemam a peu près la moitié Je la Suisse entermes d'actifs. Il abrite le plus gros marché de captives de reassuranced Emopc er a été l'un des acteurs majeurs du marché ô combien1oxiquc des créances titrisées. Ce petit pays enclavé dispose mêmed'un rc.:gi..,trc maritime un peu mystérieux, offrant une réglementationsoupic et une faible fiscalité 26

I:n venu d'une loi bancaire de 1981, les professionnels des institutions fin;mcières qui enfreignent les obligations strictes Ju secretprol(·ssionnclluxernbourgeois peuvent être emprisonnés. La législationc o;t si bi<tiscc en faveur des institut i o n ~ financières qu'un employé qui

dt·noncc.: une infraction financière peut aller en prison pour avmr viole

k sl'cn.·t bancaire

À la différence de la Suisse, qui c.tccueille des fonds du monde entier.près de R cy; des JOO mill1arJs d'euros d'actifs gérés au Luxrmhourg\'tcnncnr J'Curope En fa isant mes recherches sur les paradis fiscaux

en Europe,l'un de mes contacts sc souvenait d'une conversation avec

un dtplomatc luxembourgeois en poste à Paris. Celu1 ci lUI Jp,,ut quL

des Françats l'accosraiem parfois discrètement dans les couloirs et

s'cnqut"r<IICnt à voix basse:« Comment fait-on?» La qucs Îon- murnH1rl-c sur k· ton de la conspir.ttion, ou comme si on lt1i dl'nHtnd,ütl'adrc 'lst· du bordel le p l u ~ proche était parfaitcml'nl rlnirc. Clk:\igniliall . rommenr fait-on pn111 < Ill u-r snn argenr au Luwmhourg .J

l.n hillll l l l l pnvéc, hien sCu . t 1.111 I I IW tl'ponse, et tOll l t l'a -.llltt' rom.isl l l Î I 1tlnts 1 110ll\' l l un mnvcn ~ t l l t l l de: lr<tnsfércr l ' ; l lg l l l l 011 la

S(l l l f [ l l l l ( t l l l ( IOI: l l ll l : l l gCil l 1111 l . l l ll t . : l l lhnurg dt·puis b Fl ':lll t e . c l S

l ( l l l l t l l o t l l t l l o l l l ' l l l •t •lll ljll1

1111t ' j>t'IÏI1• p ;111ÎI  o i11 Lt11 t •, ttt

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Le secteur de l'assurance au Luxembourg, par exemple. cache toute

une industrie de l'évasion fiscale 28 •

Le sec ret bancaire cr les niches fiscales pour anircr les capitaux

é t r a n ~ c r s sont si indispensables au secteur financier luxembourgeois que

ses représentants le reconnaissent ouvertement:<< Si nous appliquions

les mêmes taux que nos voisins, il n'y aurait plus d'intérêt à investir

au Luxembourg», dit Lucien Thiel, un homme politique et l'ancien

président de l'Association <.les banques et banquiers du Luxembourg.

C'est donc une question de survie économique que de préserver notre

système fiscal. 2 Le Luxembourg est réputé parmi les conseillers

tiscuux pour être un lieu où vous pouvez obtenir un accord fiscal avec

vou·e percepteur autour J'un bon dîner- dans un restaurant étoilé

Michelin, bien sûr. Cc sont <.lu reste toujours les mêmes artifices :

selon les mots mêmes de Bill Dodwell, l'un des cadres importants du

cabinet d'audit Deloitre, «presque personne n'a une activité réelle au

Luxembourg » 30•

Les wxcs sur le carburant font également partie de la boîte à malices

fiscales du Luxembourg: bien plus faibles que dans les pays limitrophes,

elles encouragent w1 vascc «tourisme à la pompe» d'alllomobt Jsres en

quête d'essence bon marché. Ces achats transfromaliers représentent

les trois quarts de toutes les ventes: le Luxembourg finance amsi Lme

bonne part de son budget aux dépens de ses voisins (tout en accentuant

le réchauffement climatil(UC) 3•

.Jérôme Turquey, tul consultant J'cnrreprise ec l'une Jcs très ra res

p e r ~ o n n c s à critiquer l'industrie off-shore au Luxembourg, résume

ce modèle économique consistant à « plumer tous les autres» en une

apostrophe simple : Allez-vous faire mettre Laissez-nous faire de

l a r ~ e n t »Lucien Thiel dtr la même chose autremenr : « L existe

toujours un secret bancaire, le Luxembourg n'est pas obligé Je com

muniquer les informations Je ses clients.[ ..] Ce n'est pas notre devoir

Je contrôler si le contribuable a été honnête. » 32

Si l'on plonge au cœur Ju système luxembourgeois, un élément

domine tous les autres : le contrôle effectif du pays par les intérêts

fina t t · i c r ~Turt.Jlll ) nous c:->p liqlll'l'Ommcnt · a marche.« l y a un pouvoir ici

qu i, d ,111s ht.':tlll'llllp li<.· p a . ~ . n t.:xro,tc..· pas bren qu'on le · UOli\C Jans

hl'ollh 1111p ''''l'•llollll'i (, , , ,li l l\. ln .tppl'lll' l'l' Jltlll\llil' la Fin:ttll l: » 11

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dessine cinq cases sur un bout de papier, avec ces mots:« cxécULif »

« législatif», «judiciaire», «médias» et enfin « finance». Désignan1

li1 dernière case, il dit:« C'est un pouvoir comme les autres, mais auss1plus rmporrant que les autres. JI peut y avoir une loi ou un projet dvlot quelque pan . si les acteurs financiers disent non, cette loi ne se1.1

pas adoptée, ou ne sera pas appliquée. »

L'autorité de régulation du Luxembourg (la Commission de sutvcillance du secteur financier). poursuit-il, es t constituée de comitL'>fnrmes par des professionnels du sectem financier 33• Cette autoritel'n t.:ffer, ne rend compce qu'au secteur financier et I St traversée l'lpermanence Je conflits d'intérêts.« Ils n'acceptent pas qu'on puisslles réglementer, dit-il. Ce sone eux, les professionnels du secteur fi nanCler. qu1 décident ce que doit être la réglementation. Si vous regartllleurs rapports financiers, ils discm à chaque fois : "Tout est parfait'Jous sommes le pays le mieux réglementé de la planète." Mais ils Illnomml'nt jamais personne dans leurs rapports. > La Commission .1llOtumment pour mandat d'assurer« le développement ordonné Ju

secteur financier» -un bur dangereux pour une autorité Je régulati<'llfinancière.

1 1 Cellule dL renseignement financier (CRF) offre toutefois u1wrnison de ne pas désespérer : comme elle est intégrée au parquet, n ·q111 l'SI plutôt inhabituel, elle CM un peu protégée des interférenceextérieures. « La finance rêve de faire t peau au RF », explique'1\trquey, raisanr allusion à un projet Je loi Je 2007 jamais aboud, qu ivisau a la wmsformer en simple unité administrarive.

Comme l soulignait mon correspondant Jans ses CITlails, la loiluxembourgeoise emre les mains des acteurs financier'\ rc >rc une suh-.l i l l l l l halllcment malléabll . Un rapport du l;MI de 201 1 évoquauduns son style guindé habi tue l, « une certaine répugnance utihst'llt·s pouvoÎPi de rcdressemenr officiels, donr les sanc1ions ». C'ér.tirlllphcmisme Dnns son dernier rapport, leGroupe d'acrin11 financÎl'tl'(G ·\1 11, le pnnc1pal organisme i n t e r g o u v e r n m n t ~ l l t k Imre con Hl '1<> hl11nchimen1 d'argent cl le financement du tcrrorisnw, drcss;tÎIl i lhl( <llt devast<lll'llr tJc l'aclloll du 1 m;emhnurg en b matiL I L . Sur l(•squ.ll;lllll IH.'UitntcrL' tllils•·" l I l le ( u\11 pomt·valul·ll.l pl llfll l ll.HHI

du p.tvs, Il 1.11' l'mlw11rg 1 t   m p l i s o ; a i t pll·Ïill'l11l'IH q11 t111 >l' Ill - l l

l let , il lgl '>.lit l  t I l l l I l l Lt . l  t l l l l . ~ ~

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résultats concernaient d e ~ aspects parriculièremenr imporrancs dela lurtc contre le blanchiment - ceux jugés les plus pcnincnrs pourempêcher l'argent sale de pénétrer le système financier. Selon le rapport, le Luxembourg sc donnait aussi beaucoup de mal pour · a s : , u r e rqu'aucune preuve ne puisse être utilisée Jans les enquêtes fiscales des

pays étrangers; les professionnels luxembourgeois o u \ ~ Ü e m m ê m e ne

pas être aucorisés à signaler les infractions fiscales commises dans un

autre p a ~ s La liste de ses défaillances s'allongeait ainsi indefiniment.Depuis la publication du rapport du GAFI, le Luxembourg .1 améliorécertaines de ses lois, mais il lui reste encore beaucoup de chemin àparcourir 34 .

En octobre 2011, lors J'un rare éclat public. Robert Bievcr,lc procureur gcnéral d Émr du Luxembourg, se plaignait que le pays consacre sesefforts à rép rimer les infractions routières cr pas à poursuivre les délitsfinanciers : «L'énergie criminelle du Luxembourg se concentre-t-elleréellement sur la circulation rourière ~ »se demandait il tour haut 35•

En décembre 20ll, une lettre adressée au min istre des Financesluxembourgeois par un cabinet juridique représentant 2 5 invesLis

seurs lésés dans l'affaire Madoff trois ans plus tôt illustre plu > neuememencore la politique de laisser-faire caractéristique du pays. J s q u ~ t 65

milliards de dollars om disparu dans la chi.lîne Je Ponzi mise en place

parMadoff,où les sociétés luxembourgeoises, les fonds off-shore luxem

bourgcllis ct les prcstawircs de servicesf i n a n c e r ~

luxcmbomgeois onejoué un rôle centra l. Les investisseurs ayant engagé des poursuites unpeu partout dans le monde one été régulièrement invités à demanderrépararion devant les tribunaux du Luxembourg- pays Jont l'autoritéde régulation s'étnir quelque temps auparavant félicitée d'offrir« une

protection optin1ale pour les investisseurs ».

Les dicnts de Madoff sc sont fondés sur l'exceHcnte réput:Hiondu Luxembourg, dit ht leme, mais il s'est avéré que les socié tés duluxembourg« onr limité leur rôle à n'être que des sociétés boiresaux kttrcs . Les institutions du Luxembourg ont accordé leur créditkt cdui du Luxembourg) au projet d'invesrissemem [ ..], alors quen projcl n'était en fait rien d'autre tju'unc escroquerie. Pire encore,

~ h 1 1 1 q u c ~dépositmrc:-. ct les gestionnaire<; d'actifs one donné un

dti. qm· l Il hbnc à l:ktll<Hd ~ l a J n l l ~ • l l l L I C , U \ l l k drou d cxt. ITCI

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yeux sur ces irrégularités et il semble qu'aucun d'entre eux n'ait jamaissoulevé la moindre objection à l'attention de 0 autorité de régulation].et moins encore à ce lle des investisseurs. »

«Jusqu'à présent, aucune de ces insütutions n'a eu à rendre Je

comptes», poursuit la lettre. Trois ans après la fraude, les tribunaux d11

Luxembourg one« jusqu'à maintenant refusé aux nombreux investisscurs l'accès à la justice, les privant de vo ies de recours effectives»- er.ajou te la lettre, aucune voie de recours ne sembleouverte pour l'avenir.

Une fois encore, les paradis fiscaux apparaissent comme un rêwde libertarien, d'où est bannie tome surveillance digne de ce nomLe Luxembourg prélève quelques droits et raxes et joue le rôle lk

forteresse off-shore, chargée de protéger les acteurs financiers de-.co nséquences de leurs actes.

L'audit des comptes des grandes sociétés comme ce lles de Ma dolest insuffisant. Pour les petites sociétés, c'est bien pire. Concernant le-.

soc1étés anonymes (SA) du Luxembourg, en dessous d'une certain\·taille.les procédures de vérification et de contrôle comptables les plu'elementaires s'évanouissent. Les sociétés doivent dés igner un com

missRire aux comptes, mais il n y a aucune exigence de compétencl'pour remplir ce rô le36 . «Vous pouvez prendre le gars quj vous livrrdes pizzas pour contrôler vos comptes ou être votre commissaire», dnTurquey. Il m'a parlé d'une affaire récente en Belgique où 400 s o c i ~ t l '

auraient utilisé cette lacune comptable pour créer des sociétés écrnnau Luxembourg, dans un seul et unique immeuble. En l'absence d ~contrôle des au torités luxembourgco.ises, cela aurait permis une évnsion fiscale de grande ampleur. Selon les articles de presse, ces fraudes

~ c r a i e n t «le sommet de l iceberg>> 37 •

'li1rquey renchérit sur un point soulevé par l lettre des i n v e ~ t l

scurs de Madoff : Ici, les gensma

lhonnêtes ne som pas virés outlt·

démissionnent pas. Plus vous êres malhonnête, plus apparemment c\·stlnci lc de trouver un emploi.» Le rapport du GAF1 co nfirm e ce prnpns : entre 2003 et 20 10, des sanctions n om été prononcées dans tJ,.,affjlircs financières tlllC dans huit c s -oui: huir - , c'rst à dire unt' p:11

nn. l.l S soc iétés de cornmiss;Jri,u ' h, comptes se trouvent sot l\ t nt hot '

d'at teinte, aux îles Vitrges hnt.llllllljlll''· lHir exemple, ou au IJd;J\\ : lH

- Sillls aucun moven l k wr rlu•J qrrr < 11 · ~ o t.onr véti l tlhknwnt. Po l l prof 11cr

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taille (son chiftrt J .tff;mcs Joit être inférieur à 3,1 millions J euros).Toutefois. vous pouvez contourner cette disposition en fmgmentantvotre société en un11es plus petites qui rombent en-dessous Ju seuil.

Le trou noir de l uuJic luxembourgeois a également joué un rôlemajeur Jans le -..canJalc dt : Karachi. L'aHmre ayant été largement déve

loppée Jans la presse, j en résume ici les grandes lignes.

En l994.1a l  rance vcnJ trois sous-marins au Pakistan pour l équivalent Je 825 millions d euros; la vente s accompagne de pots-de-vinplantureux, Jont trois millions d euros de rétrocommissions qui, selonles juges français, servcnr à financer la campagne présidentielle (mal

heureuse) J ÉdouarJ Balladur en 1995 À son arrivée au pouvoir.Jacques Chirac interrompt le versement Jcs pots-de-vin, pour punir le

camp BaUaJur disent certains. (D autres Jévcloppemenrs Je l affairesuggèrent que, en représailles à l arrêt des versements, des militairespaklswnais privés de leur enveloppe auraient organisé 1\mcntat JeKarachi Je 2002 qui n coûré la vie à onze ingénieurs françats.)

Selon un rapport Je lu police luxembourgeoise rendu public en2010, Ntcolas Sarkozy, alors ministre du BuJget, aurait en 199 1 « direc

tement» supervisé la création d une société off-shore au Luxembourgnommél Heine,laquclle a servi à l acheminement des rétrocommissions(société remplacée plus tard duns cc rôle par Eurolux) 8• Sarkozy a re jeté

ces a l l é ~ a r i o n s , les qualifiant de« grotesques» , en septembre 2011,

l Élysée u indiqué que le nom de Nicolas Sarkozy n e ~ p p a r a i s ~ a i t nullepan Jans l enquête judiciaire. Le camp Sarkozy évoque lm coup tordudu Luxembourg; Le Motl /e écrü ainsi:« L'entow-age de M. Sarkozy

a vu derrière ce rapport au vitriol la main du Premier ministre JeanClaudeJ ncker, qw aurait voulu sc venger du président français, accusé

de 1\tvoir empêché J accéder à la présiJcnce Ju Conseil européen. »

On pourrait aussi s ~ dcmunder s il ne s agit pas d un avertissement àceux qui s en prennent, ne serait-ce qu en paroles, aux paraJis fiscaux.

Heine cr Eurolux révèlent Jes chemins purriculièrement sinueux.Le paragraphe suivant va sans doute vous paraître difficile-n essayezpas b ~ o u m n r d en sui\Tc la logique li donne un aperçu de la grandelibcné dont jouissent les sociétés luxembourgeoises.

Lurolu,.. a éré monré< · au Luxembourg en 1998 par une société

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administrateurs de sociétés professionnels- ainsi qu'une sociéTé deDublin nommée Senron Enrerprises. Une sociétc panaméenne, Pcachwood Invest Trade SA, succède à Sert ron en 1999 w puis, en

juillet 2002, Birtler ct Schm it sont remplacés par René Faltz, un avo cat luxembourgeois, et deux autres personnes ; le commissaire aux

comptes esr également remplacé. Quatre mois plus tarti, Euroluxremplace son commissaire par Eraco Lt<.l, une société enregistrée<lUX îles Vierges britanniques. Un an après, ul) nouveau c o m m i s S < l i r ~esr désigné- une socteté luxembourgeoise avec un actionnaire ~îles Vierges britanniques. l lcine- la société créée en 1994 par CHI

ont transité les comm issions avant qu'Eurolux ne prenne le relais- aégalement une histoire mouvementée : son commissaire aux comptesa changé plusieurs fois, d'abord BBL Trust Service<.; Luxembourg Cl

1996 puis la société Lomac SA en 1997. Ses administrateurs onr ete

tour à tour Peachwood, Sertron, Bütler, Schmit, faltz, un c.lénommL

Tom Felgen, et Jean-\11arie B01vin, un avocat habitué du monde oiÏ

shore, quePam Matc b

décrit comme l'« un des hommes qui con nanle mieux les secrets c.le l'affaire de Kar<tcbi, [... ] le grand manitou desrircuirs financiers off-shore de la DCNJ - la branche internation.tltde la Direction des constructions navales».

Pourquoi une relie succession de comm issaires HliX comptes, dés1

gnés en général pour des périodes de six mois? Pourquoi des d é l a i ~

mexpliqués et si longs dans la publication des décisions de ccnain<.-.réunions? Qui a été le commissaire aux. comp tes <.I E urolux pour plus

d'un an emre 2002 et 2003 ?« L<.: registre des sociétés du Luxembourg est truffé d \ m o m a l i ~ ~

qui menacent la répmation du pays, écrit Turquey. Mais, à cause du

'\ystèmc , personne n'est disposé à renforcer la <.lis<.:iplinc. » ~

Lt nchesse du Luxembourg n'a pas son origine dans le l c r ~ r han

C<llre mais dans le fer et l'acier, et remonte à la <.kcouvcne au cour..,

des <H11lCCS 1870 devastes gisementS Je minerais de fer qui ont rond\la p r n ~ p c rité Ju pavs.

~ c s premiers pm. comnw puradts hscal datt:nt dl' llJ2'), q11a11d il

ltllopl<.' un nouvellr lq.:1-;l.t111111 -.u a k-. on\·tcs trè-; -.oupk·,lJIII .Hilori c

1:1 cté.uion tks -.o<·t,;ll''-   Iii ·• 11h l u t ~ 1?29 » . 1 1 n 1 dll·s.Jeo 1111tl

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autant qu'elles n'exercent aucune activité commerciale au Luxcmbourg41. (L'empire Rivaud a été l'un des premiers utilisateurs de ces

sociétés 1929.) Les multinationales n'en étant à l'époque qu à leursbalbutiements, ce service off-shore ne reste toutefois qu'un corn plémentà l'activité principale du pays: le fer et l'acier.

Dans les années 1970, les gisements de fer commencenr soudainà s'épuiser. La production plonge d'une moyenne Je 7 millions detonnes par an à 4 millions en 1972 puis à 1 million en 1978. Économie rentière vivant confortablement de ses ressources naturelles, leLuxembourg ava it négligé sa base entrepreneuriale ct doit faire face à

des licenciements massifs. Quoi de plus naturel alors que dt: sc tourner vers son industrie off-shore embryonnaire ? Le sec ret bancaire etune régulation laxiste seraienr la somce J un autre type de rente : ils

attireraient au Luxembourg des flots d'argent facile, avec l'aimableparricipation des nantis de la planète- et l'aimable participation descontribuables lésés partout ailleurs.

Lors d'un voyage à Luxembourg en octobre 20 11, j'ai pu visua liser Je manière saisissante ce changement de paradigme économique- au ° 8 de la rue Heinrich Heine, tout près de la luxueuse avenueJe la Liberté : dos au 11° 8 je voyais se dresser de l'autre côté de hl

rue le supe1·be bâüment en pierres abritant Je siège J Arcelorl\llirtal.L'édifice esr si imposant et si majestueux que les touristes le prennent

souvent pour le palais ducal. Sa taille ct son éclat représentent bien cc

qu 'est ArcelorM ittal : une véritable société, qui exerce Lme véritableactivité au Luxembourg et qui emploie des milliers Je personnes. Me

tournant alors pour faire face au no 8, je me suis trouvé nez à nez avec

une petite boîte aux letn·es gris argenté accrochée au mur, de la tailled'une boîte ordinaire. Elle n'a rien de particulier si cc n'est un détail:le nom« TUNES». tapé grossièrement sur un bout de papier blancau coin en haut Jroire. C'est là que se trouve Je siège social de lafilia le J App le qui gère routes les opérations en Europe du serviceiTunes Le con trasre avec Mitral ne saurait être plus frappant. LeLuxembourg ab t·itc Jes filiales semblables pour J'autres géants deI  Lntcrncl : Paypal, Skype, eBuy et Amazon- toutes ces sociétés onttk i ~ n l I S bureaux au Luxe1nhourg qui kur permettent, grâce à des

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- logiciels, brevets, marques, etc. Cela permet de faire passer le taux

de l'impôt sur les sociétés du Luxembourg de plus de 20% (théori

quement) à moins de 5 .

L'activité off-shore elu Luxembourg avait dejà commence tl décoller

avant même l'épuisement des gisements de fer. Signe peur-être m n o n -ciareur de temps nouveaux, le groupe Rivaud transfère les actifs Je

~ c s plantations dans un e société hokling luxembourgeoise dès 1959.

Puis trois ans plus rard, le grand escroc Bernie Cornfeld choisit le pays

pour ~ t a b l i r son premier fonds commun de placement. C'est l année

~ u i v a n t e , toutefois, que le i ~ - bang lu xembourgeois a lieu: la p r e m i è r ~cm tsston d'euro-obligations dans le monde.

L'émission, pour le compte d'une socicté italienne d'amoroute

Autostrade , est préparée à Londres mais a lieu au Luxembourg

pour des raisons fisca le et réglementaire: l'émission n'est pa s taxée

l ' l, J,ms la pure tradition du laisser· faire, prut sc réal iser sans pros

pcctm. . L o p e r a t i o n a été« la rampe de lanccmcnr du Luxembourg

comme centre bancaire international », selon les mots mêmes duh.mqwcr luxembourgeois Edmond Israel, qui insistait sur l' impor

t;mct: Ju parrcnariat avec la City de Londres:« Ç a été fascinant pour

moi d'cmrer en contact avec les banquiers du Square Mile, disait il.

Ils Ct<uenr creatifs, ils prenaient le pouls d'une nouvelle forme de

hnance internationale.» En 1963, moins de 100 ohligations étaient

cotées au Luxembourg; quarante ans plus mrd. elles etaient 20o o o ~ ~ :

1ujourd'hui, les deux cinquièmes Jes obligtltions émises en Europe

som cotées au Luxembou rg.

En 1967. une fois assouplie par les Alliés l'interdiction faite aux

hanques allemandes d'opérer hors de leur zone d'occupation,les pre

m i è r l · ~ h<mqucs aJiemandes commencent à efrectucr des t r a n s a c r i o n ~hors J A l l e m < l ~ n e . La DresJner Bank ouvre le bal en se a n ç < ~ n t sur lem.1rché des eurodoUa rs au Luxembourg. Le GranJ Duch.:. germano

phone, devien t bientôt la première érnpe des h ~ m q u e s a U e m t ~ n d c s avant

leur l·nncc sur les marchés londoniens, plus grands d plus sauvages .

Au d ~ b u t des annn·s 1970, r a n ~ l que l1 proJu< tton lk 1er ù:f

l'ondrl', k Luxcmho11rp clwr{ la· dvst SJWrénw nt ~ a t t i r e r dl·s rapila   x.

S.t polllllJlll' du« Jl' I H J ~ < l ~ ' p11 s 1 · t t l . : ~ U o m » cnl. l l l l lnc l · ~ t l l l H I O i lde ciH1ix pour b tud. ol 1 ,1\ ' 1lu 1111d l :lllllllllTn: fnt l'Ill. l i t \tl. tl 1B< ( 1)

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pivot des agissements tle la BCCI duns le finunccmenr tlu terrorisme.le trafic de drogue et la prostitution ; bien que les décisions opérationnelles soient prises à Londres, la filiale du Luxembourg - HCCIHolding ( u x e m b o u r ~ SA- est le co.;ur de lu structure elle est le seulacrionnam: de BCCI (Overscas) Lrd Oa filia le des Caïmans gérant k:s

opérations inrernauonales). J une autre fiüale opérationlle11e imponantc(BCCI SA, enregistrée elle aussi au Luxembourg) er de plus tlt tleuxcents autres filiales tians trente pays travers le monde. La filiale Ju

Luxembourg, qui contrôle en secret Jes banques aux Ùats-Unis, eninfracnon aux lois bancaires américames, csr tmpliquée la-bas dans Jesfraudes informatiques, des affaires de blunchimcnt d argcm, de traficde drogue cr J autres activités illicites. Des commissaires aux comptesJi(fércms sont en charge des filiales Jcs Caïmans ct du Luxembourg,cc qui parachève le saucissonnage.

La filiale de Luxembourg a été au cœur Je lu fraude, mais les autorité::;du Luxembourg n ont jamais cu ni l envie ni la capacité de contrôlerles opérations de la BCCI, ni d ailleurs les ressources pour le faire.Dans le monde à l envers yu est un paradis fiscal. l absence de banquecemrale au Luxembourg a même été un attmil supplementaire pourla BCCI, comme une enquête internationale sur l effondrement de labanque l a expliqué plus tard : « L e ~ sièges sociaux de la BCCl ontété établis dans des pays dmés de faibles autorités de surveillance erJe solides lois sur le secret, cr dépourvus de preteur en d ~ r n i e r ressorter Je fonds Je garamie des dépôts qui auraicm eu des raisons finan-cières d être concemés par la so lvabilité de banques agréées Jans leurjuridiction. »  

La structure de la BCCI était très sun il ire à ccHe de la Banco Ambro-siano, um: banque italienne qui en 1981 a été au cœur d un scHndaleimpliquant le V a t i ~ . : u n cr l Mafia. lnsta11éc au Luxembourg dès 1963,Ambrosiano posséJait égalcmem une sociéLé holding chapeautantJ autres lilia les ; alors que la BCCl (Üverseas) Ltd était située auxCaïmans, Ambrosiano Overseas LtJ se trouvait aux Bahamas Danslc :s Jeux cas, la loi luxembourgeoise prévoyait que, puisque la sociétéholding n exerçait <lllcttne activité dans le pays, elle n était pas souslu r e ' p o n s a h i l i t ~ . · dn auttl l ÎIL S de >urn:ilbnl l. - ct. htl ll sür. le st·crcthanctiiL .thsol11 d11 l .ll   t  tiiiHHIIg Ctllp(·dwit les :nHnt itéo ; i-tntllgL rL

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Tandis que ce genre de sociétés louches se met à proliférer au

Luxembourg, des inquiérudes se m,mifestcnt sur les marchés des euro-

obliga tions alors en plein boom. Quand on achète une obligation, on

a toujours la crainte que le vendeur de l obUgation- celui qui vous

emprume de l argent et promet de vous rembourser avec intérêt- ne

fasse faillite. Pour maîtriser ce« risque de conrrepanie »,des chambresde compensacion ont été créées, où les membres mettent les collatéraux

dans un fonds commun, lesquels peuvent être utilisés pour gHrantir les

paiements en cas de défaillance de l un des membres.

En septembre 1970, juste au moment où la BCCI se prépare à

naître, le Luxembourg ouvre sa chambre de compensation : Cede)

(rebaptisée plus tard Clearstream 6 qui sera à l origine d une autreaffaire ternissant durablement la réputation du Luxembourg.

Le scandale Clearstream esc inclissociable du journaliste e n i ~Robert: c est lui qui, dans son livre Révéltllinn 4 publié en 2001, puis

dans les articles et ouvrages qui ont suivi, a accusé Clearstream et l e ~banques membres d être impliquées dans toute une série d accivités

illégales (complicité de blanchiment d argent, évasion fiscale ... ).

J ai rencontré Robert Jans un café à la gare de Metz, à env iron une

demi-heure en train de ht frontière luxembourgeoise. l i soupire tandis

qu il mc décrit son enquête: il a déjà expliqué cela, dit-il, à un nombrt

« infini » de journalistes.

Pour faire court, il y a deux dimensions à l affaire. D une part, les

banques membres de Clea rstream ydétenaient des« comptes publiés»,

où leut·s transactions étaient reportées su r les registres officiels. Au

milieu des années 1970, sui r à une demande dedeux banques iraliennes

les banques ont obtenu la possibilité d attacher à ces comptes des sous

rom ptcs non publiés, à la discrétion de Cedel. Puis un 1roisième type dv

comptes esr apparu dans le système: des comptes secrets, non publiés.

ntttachés à aucun compte principal. Ces« comptes volants» ont perm t .,

comme l a relevé Lil l rapport de l Assemblée nationa le française,« Lr

rén lisation de tnmsactiom financières totlllement confidentielles p;u

des rlien 1s de Cirarstream (. ll \ 111t ll1CS llO Il pu bJiés. r ]Cira rst rea

numit vendu tl ses clil·nro.; d ~ l < r ~ · r <pt ullnme h<1nquc aux ~ t H r H . b r d ~.mti hlanchimc·nt n ;uii.IÎI p11 nfl11r ' ' l 11nr des grandcc; placl c; euro

pét l l l l{ S >l IR . J .nH SI l\,1\  Jtl•s , II IH  i t tl Jmttl I < . S p P i l ~ : l h de ( t•dl J t 1

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du secret. Les corn pres volants. disaü-il, «appartiennent it des sociétés

ou des banques. qui ne souhaitent pas qu'w1e autorité quelconque de

recherche sache qu'elles sont membres d W1e chambre de compensarion.

Si Inte rpol, par exemple, se présente chez Ucarstream pour S<tvoir si

la banque Mcnatcp lune banque russe liée ù lu Mafia 1 y possède un

compte, elle lui présentera la lisre des comptes publiés cr pourra ainsi

affi rm er que la Mcnatep ne possède aucun c o m p t e > ~ . Backcs a été

licencié en 1983 -selon lui puree qu'il en savait trop sur le scandale

Ambrosiano ; deux mois après son licenciemcm, Gérard Soisson, le

directeur général de Cede . 4ui en savait auram que lut sur l'affaire,

mourrait subitement en Corse d'une crise cardtalJue - a 48 ans.

La seconde panic des révélations de R o b ~ : n concerne les acteurs

impliqués dans le sys tème. Légnlement, seules les ins titutions financières

ét<t icnt autorisées à ouvrir un compte chez Clcarstream. Cependanr,

de > mulcinarionales non financières ont commencéàapp.uaître parmi

les clienrs. Régis l lempel, un ancien vice-président de Cedel cr spé

cia liste informatique, a décrie comment les trunsferts secrets étaientannoncés à l'avance, un par un, et commem lui -même devait ensuite

effacer minuticuscmcnr les traces de chaque rransaclion, vi cc qu'il

appeUe Je« h rd codm » des corrections duns le programme-source.

Ainsi, les rr.msactions n apparaissaient pas pour cc qu'elles étaiem dans

les enregistrements de Cedcl: «C'était ni vu ni connu. » 9 L'une des

dédarations de Hcmpel dcvJnt une mission p<lrlemcntatn.: f r a n ç a i ~ cen septembre 2001 lair direcrcmcnr écho aux allégations Je mon cor

respondant clans ses cmails :

« Rapporteur : Vous \oulez dire que la justice est subordonnée :mx

imérêrs financiers du Luxembourg ?

H empel : On parle à d'un quart du budget national t

Rapporteut' : Bien sûr. S1 vous considért'7. que les magistrats sont

persormcUcmcm houuêLes, ils ne sont pas inJépenJ nnts. C'est votre

p o ~ i t i o nH empel ..k suis fomH:I à cet égard. »

Clearst rcam er, sem ble-t il, l'ensemble du secteur financier luxcm

h P m ~ c o t ont r é c u . ~ . : k-s alkgatttms Jt· Ruben. Hempd cr Backes.lcsqualill.uH d'ulventton-. cr d ~ · lllen-.ongl'S k-.11-.rrl <lm < ~ k c r c qu'un

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n'avaient trouvé aucune preuve de leurs assertions. Selon Hempel, les

données clés om été effacées avam les perquisitions de la p o l i c e ~ ~ .Dès les premiers écrits de Robert sur Clearstream, les poursuites

< >n diffamaLion ont commencé à pleuvoir sur lui, ses témoins, son éditeur et les médias qui rapportaient ses enquêtes. Depuis 2000, Jit-il,

soixante deux procédures ont été lancées contre lui au Luxembourg.en Belgique, en France, au Canada et en Suisse. Au Luxembourg, où

son livre ne s'est vendu qu'à 421 exemplaires, on lui réclamait 100000ru ros. Un cortège d'aur res intervenants, telle la branche à Gibraltar dt

ln hanq uc russe Menatep, particulièrement agressive, ont égalemempoursuivi Robert. La presse du Luxembourg l'a calomnié: il élait un« anarchisre »,un drogué et bien d'autres choses encore. Par défi, il amonte un jour une exposition dans une galerie d'arr à Luxembourg:~ d o n le propriétaire,les gens crachaient sur la devanture de la galerie

Devant les tribunaux, Robert remporte d'abord une série de ,·ictcurcs, mms les insruuuons financières, très bien poun ucs, enchaînenlk·:- appels, ce qui fait traîner les procédures. Il commence à perdre.

Apres une condamnation en diffamation du tribunal de Bordeaux enjwn 2008 et tm réqursiroire supplétif du parquet de Paris, qui demanJ<.

on renvOI en correctionnelle pour recel d'abus de confiance ct recel

dr vol dr documents t ~ n c a i r e s il diffuse une courte vidéo enregistréednns un hM où, après avoir dit« o o d bye» en anglais, il étnnonœ avec

tnstcssc qu'il n'accordera plus d'entretiens aux médias: «Je jeuel't·pongc, dir-il. C'est une victoire de Clearstream, Je ses avocats, J e

~ t : s junstcs, de ses dirigeants, Jes banquiers de son conseil \ t d m i n i ~tration. l 1ne \'Ïctoirc de la censure.»

Robrrt fHit appel, routefois, ct les procedures se poursuivent. En

).() 11, il rem porte une victoire décisive: la Cour de C<ISsarion en l'r<l ne<.·

llllllulc sa condamnation en appel; après drx ans de combat. hl justiet.:rrconn.ut enfin que ses enquêtes som le fruit d'un travail ~ e r r e u x dejnmnalist<' et présentent un inrérêr général. Il est libre à nouv<..\ll t J<

p.uler d<.·l'.rffairc ct ses livres som en lihr;tirie.Clcarst rcam est rmpliqucc dnn' , liwrs :111 tres scantbles. 1 , tn porr<.

~ lill<. vente Je 1{·gai<. S Taïw:m l ln 11111re conceme les vicunwr:: dl'

1\urcur.u.rlahomh<.'<t)llll< l';llllh,l~ a . l t · u u w r i c a m e a B < : v r n r n h l l t i > ~ H

c l l ~ ~ s ar t l l t m ( lu1 , r· t',lll . l ott a ill(. l 1 i l l l .t 11,11\'.lt 1 illt•galenllnl

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dommages cr intérêtss •J n'ai pas la place ici de traiter ces ,lffaircs.Jevoudrais simplement mentionner un point sur lequel Roberr a voulu

insister : «Combattre les paradis fiscaux est inutile : ils sont Ul1l th\'er

sion, un Jeurre, dit-il. faut regarder comment les banques sont ali

mentées. li ya une centralisation du système financier 1 1 C l c a r ~ t r e a m ;

ces [chambres de compensation] jouent un rôle névralgtquc. elles sont

les pompes qui alimcmcnt le système. Si vous voulet pourchasser les

paradis fiscaux, pourchassez le Luxembourg Euroch:ar Ua m .tle Je

Clearstream] à Bruxelles a de meilleurs contrôles. Au Luxembourg, il

n'y a pas de contrôles. »

L'argument est solide. Clcarstream, c:omme dit Robcn, est gigan

tesque: selon les derniers calculs, elle a en conc;ervation des acüfs J'une

valeur de presque 11000 milliards Je dolhlrs- une somme comparable

au montant total des fonds détenus off shore par les particuliers 52•

lJ est terrifiant de penser qu'une telle entité esr logée au cœur J'une

jmidiction du secret inrransigeanre, qu1 a fait de la vio lation des lois

(inancièrcs une vertu. Mais s'imércsser aux paradis Gscuux n'est to u

tefois pas inutile. Le monde olT-shore est une hydre à mille têtes :

seule une arme à mille pointes en viendra a bout. La corruption Je la

finance mondiale doir être combattue sur plusieurs champs Je bataille.

L un Jes authentiques vétérans de cette lutte est Caroline Doggart,

l'auteure en 1971 J un rapport pionnier de l'Economisr Intelligence

Unit sur les paradis fiscaux. LUe a v ~ ù t conclu il y a fort longtemps

que les paradis fiscaux n'étaient rien Je moins qu w1 ensemble unifié

assujetti tl ses propres règles politiques ct économiques Pour com

prendre la nJrure du combat contre les paradis fiscaux en [urope,

il faut considérer l'Lurope comme un continent poreux où pénètre

cette zone off-shore : un groupe homogène où les élites ct leurs lieu

tenants, ù peine gênés par les frontières, sont au service exclusif delu richesse ct Ju p rivilcge. S'intéresser à uu seul nœuJ au sein Je ce

système imcrconnccté ne suffit pas. Même si l'on éliminait un nœud

« névralgique», J'autres apparaitraient pour le remp lacer.

Cene wnc off-shore unique et homogène, sans véritables lois, est tissée

p r les 111êmcs Lens Je confiance ct les mêmes réseau)< d'infl uence que j'ai

l l llllllllrcs dans k S p< vs petroliers d'Afriqw: de l Olll St ctt . f c r \ C y .

Pourdnll l l l ' l ' lllll.' tllusliJ l tOll dl. n--:.lt1.'1lS l.'t ll Sl<III X, Ïl vai' tl \ l llll h m · ~ . · m c n r

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Après avoir pris l contrôle de 1 empire Rivaud en 1996, Bolloré amaintenu certains des actionnaires originaux dans les structures du

groupe, avec de plantureuses rémunérations. L un est aujourd hui l

vice-président du groupe: le comte Édouard de Ribes.

Édouard de Ribes est membre du conse il de surveillance de la banqll\:

Jean-Phllippe Hottinguer & Cie-w1e vieille banque privée suisse dotéL·

d une petite clientèle ultraforrunée. L une de ses principales filial es.

Hottinger Bank & Trust Ltd, se trouve à Nassau, aux Bahamas. Au

conseil d administration de celle-ci figuremJohn Delaney,le procureurgénéral des Bahamas, et David Hayton, l un des juges de la Conr de

justice des Caraïbes. que le site présente comme l un des meilleur 

spécialistes au Royaume-Uni et en Europe du droir des rruscs. Ancie11juge de la Cour suprême des Bahamas, Hayton a été à la tête en 198-.l

de la délégation britanniqne à la Conférence de La Haye de dro i1

international privé concernant la Convem ion relative à la loi applicableau trust er à sa reconnaissance- une importante convention dans Ilcomexre off-shore. TI aété également au cœur de l élaboration en 1999

des huit principes du droit européen des trusts 54• ~ m s le monde desparadis fiscaux. il s agir là d hommes influents: Delaney étant à la roi-.

procureur général et membre du conseil d t ~ d m i n i s t r a ù o n d Hotting( t-un conflit d intérêt patent-, on voi t mal ses services enquêtant à fon li

sttr Hottinger si celle-ci étai t soupçonnée de délits économiques. Q t l<tnl

à b société-mère, la banque Jean-Philippe Hottinguer & Cie, siègent

à son conseil d administradon le prince Guillaume de Luxembourg c 1

les puissaors hommes d affaires français Jean Burelle, [dmonJ M,u

chegay et Cédric de Baillicncourt- des atliés de Bolloré. On pomnlitrirer ces fils indéfiniment.

J.es réseaux de Bolloré sont paniculièrement étendus, bien '>ÎII

Personnage charismatique, exubérant er hyper-connecLé, il compltpa rmi ses amis Nicolas Sarkozy, lequel est intervenu pcrsonneUemcnt

pt) l l f défendre ses intérêts commerciaux ss. Ses ac tivilés couvrenl (o ttont couvenl la presse. la télévision. le papier, la publicité, les télécom

muntrations, le fret marilinw.lc tramport ;Jérien, l huile dr palnw, lt·: .

p l : ~ m a t l o n s d h é v é a ~ . h1 haiH ] l ll , k·s <1 - 'llll':lnces, l acier, l énergie, k·-.

V l i UTes élccl riques, IL·s1 1lllt c•t l . Ln oll l tCturc de 1•mpi re Hollon ·n•-,,t·mhk·lw:tti( Otql .1l t t i l l Wll l l dt lu hanquL· Rivnllll dl.' . socil-tt•s t Il

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façon étroite er brumeuse, avec le Luxembourg qul coiffe l ensemble.

Bolloré est sous certains aspects l équivalent contemporain des

frères Vestcy un siècle plus tôt. Comme les Veste) l avaient tres bten

compris, la dé est de dominer le marché partout ou vous le p(lllvcz :

si la concurrence est faible, vous pouvez engranger de gros p r o l i t ~ en

pressant les producteurs en début Je chaîne, les consommateur.; en

bour de chaine, et en transférant rous les profits Jans un abn •• Luble

fiscalité ct peu réglementé. Pour Boll01·é, cet abri est le Luxembourg 56.

En Afrique, il a acquis un grand nombre Je posittons dommanres

Jans les transports, un sccrcur clé qui permet l'exportHtion des m t ~ t i è r e spremières africaines. Comme la Banqw: mondiale l ~ c r i t poliment, la

caille Je ses holJing «pose la question J un évcnrud pouvoir exces

sif dans la fixation des prix de m<trché dans l.t chaîne logistique des

transports »   La Banque mondiale en sait beaucoup sur le sujet :

qttand elle même et le FMI ont poussé les pays endettés à privutiser

leurs actib dans les années 1990, Bolloré a éré l un des acheteurs les

plus emhou::,iastes, si cc n est le plus sélectif. Ua acquis des lignes de

chemin Je fer, des concessions Je terminaux portuaires, des sociétés Je

transport p<lr barges, des entrepôts, des sociétés Je mainten<lllte, des

grues, etc., partout sur la côte J Afrique del Oucst 5 • Aujourd hui. il se

félicite d être, entre autres, le plus grand groupe Je logistique d Ah14ue,

avec des acrivirés dans quarante-trois pays ; selon une estimation, il

transporte 20 à 30< .l{)

delOULle

chocolat, café, huile de palmeCl

cotonqui quirtem le condncnt afncain.

Une affaire judiciaire a mis récemment en lumière la façon dont

Bolloré fait main basse sur l Afrique. Dans cerre affaire portant sur la

concession de ports en Afrique de l Ouest, Boll01·é a été accusé par l un

de ses concunents, la société ProgosH, de truquer le jeu de la concur

rence. Progosa avait été fundée en999

avec l aide de Ballore, maiscelui-ci av.u t retiré sa participation en 2003. Or, selon les dirigeants Je

Progosa, 13olloré avait continué à garder un fort degré Je contrôle sur

b société t t t l des actionnaires dormanrs, notamment une société de la

fHmille llotnnguer. Gérard Perrier, l un des dirigeants de r o ~ o s a a

produit au c o u r ~ th: la prm:édure une note de 2003 J un haut cadre

dl· Bollmc,m r i t u l ~ l . :

«P r n ~ o s a :

modifications àn v i s a ~ c r

»,contenantll's m o l ~ <• :-.ttliCILHt. opaqlll a n<.'l'l lstrucll i iL IH itannique-ttusl par

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était destiné à masquer la présence de Bolloré au sein du capital de

Progosa. Une note interne rédigée par le directeur juridique de Bol-

loré disait également : «Il pourrait êt re envisagé de faire nommer des

auditeurs proches du groupe mais n'apparaissant pas trop liés à lui,

aux différents étages.» Bolloré avait annoté cette note: «OK, prendre

les mesures nécessaires. »

« S'il peut se placer aux nœuds stratégiques, il devient incon-

tournable dans les transports et le trafic Je marchandises » 60, écrit

Martine Orange en 2009 dans une enquête approfondie de Mediapm l

sur l'empire Boll01·é. Une telle pénétration des marchés lui permet de

recueillir Jes informations clés, de promouvoir ses intérêts auprès des

décideurs politiques et d'établir des réseaux d'influence lui permettam

de s'étendre encore plus. «na pour lui de bien connaître l'Afrique,

d'avoir ses entrées auprès de tout le personnel politique africain et

d'avoir les réseaux qu'il convient, poursuit Orange. Et il ne manque

pas de les ménager. » i

Bolloré ressemble un peu à ces nababs modernes que son t Silvio

Berlusconi et Rupert Murdoch, deux grands maîtres des structures

d'entreprise à participations croisées et ramifications dans les paradis

fiscaux. (Bolloré est d'ailleurs un gros actionnaire et un administra-

teur de la société italienne Mediobanca, aux côtés de la fille de Silvio

Berlusconi, Marina 62,)

Ces structures byzantines er impénétrables permettent d'asseoir et

J étendre son pouvoir politique et économique bien au delà. appa-

remment, de ses seules ressources financières.

Quand une société en détient une autre, ce n'est pas forcément en

totalité. Imaginez sept sociétés- A, B, C, D, E, F et G - avec chacune

un capital de 1 mi ll ion de dollru·s. Vous possédez 501 000 Jollars en

actions de la société A, ce qui vous donne la majorité nécessaire pour

contrôler la société ; les investisseurs extérieurs, trop conrents J être

dans votre sillage, contribuent au reste. La société A détient 501000

dollars des sociétés B ct C, ce qui lui donne (et donc à vous) le contrôle

de ces sociétés. Bet C reproduisent le schéma : B a une trt icipation

ma joritair·c dans D Cl E, el cdans re l C.

Cet exemple très simpl ilîc. hien î11·) permet de comprendre com

ment dest poc:;sihle m.t lg n · l l l l ~ rm·nt in itial lim itt\ dt·contrôler

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fois la mise de départ. Il n est pas étonnant que les hommes d affaires

ayant davantage le goût du pouvoir que le goût de l argent chérissent

ce genre de structures complexes. C est peut-être d ailleurs ce goût

du pouvoir qui pousse les Berlusconi ou les Bolloré à acheter des

entreprises de médias.Le modèle peut se déployer indéfiniment. Plusieurs dispositifs

permettent d en renforcer l opacité et la complexité : injecter de ladette dans les montages ; coter les sociétés en bourse pour lever descapitaux ; construire des réseaux alliance pour éviter des participations

majoritaires ou des prises de contrôle directes ; donner des droits devote différents à des catégories différentes d actions ; utiliser plus

d une société pour en contrôler une autre ; masquer une participation

dans une société à travers des sociétés écran, etc. Sans oublier enfin

d ensevelir le tout sous un voile de secret off-shore. L empire Bolloré

au Luxembourg repose sur w1e société holding centrale, qui détient

d autres sociétés holding, lesquelles détiennent à leur tour des plan

tations et d autres sociétés à travers le monde63.

Cette complexité permet au groupe de présenter un visage publicqui dissimule un ensemble plus vaste, plus profitable et plus puis

sant. «Il y a bien une face cachée de l empire Bolloré, écrit Orange.

Juste évoquée en quelques mots pour ne pas donner l impression

du secret, mais en fait totalement obscure. Entre Afrique et Luxem

bourg, Vincent Bolloré a bâti un deuxième groupe puissant, discret

et tentaculaire. I l lui permet de faire ses coups financiers à l abri

des regards, de prospérer hors de nombreuses conrrainres fiscales

et réglementaires et d accumuler une richesse sans proportion aveccelle revendiquée. » 6 

Le choix du Luxembourg n est pas uniquement motivé par le secret

mais aussi pour des raisons fiscales. Je ne démêlerai pas ici les affaires

fiscales du groupe Bolloré: celui-ci est si tentaculaire, si complexe et sienraciné Jans le monde off-shore que je ne peux tout simplement pas

en avoir une vue d ensemble. Le Luxembourg est un lieu toutefois où

-comme je le disais plus tôt -l on peut faire fondre sa note fiscale après

un bon dîner uvee son percepteur: les réseaux de confiance informels

so nt une r(li l k l llls i n d i ~ s o c i s de cette fameuse« souplesse» qui

cn r clt- t '>t   k-. putttdi i ,l uttx dès qu   il s'ctgit Je la règ le Je droit.

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La concemrarion Je pou\'oir poliuque Cl économique que le système

off shore engendre n'est tout simplement pas quantifiable. Ce livre amis en évidence certains des dégâts qu'il occasionne : les pertes derecettes fiscales, directement ou indirectement; le pillage des pays en

développement par leurs propres éli res; la création Je zones dérégle

mentées ayant rendu poss1ble la crise financière, cre. Cc que je viensde décrire révèle une autre dimension inexplorée du phénomène : la

capacité qu'ont les élites à fausser en leur faveur la concurrence surles marchés.

C'est ainsi que beaucoup de personnes parmi les plus riches du

monde - b1en plus nches que Bolloré - om bâti leur fonune. CarlosSlim, le magnat mexicain Jes télécommunications, un remps l'hommele plus riche de la terre, avait été surnommé« M. Monopole» par le

all Street journal. C'est bien un genre de monopole que Bill Gares,act uellernent la deuxième fortune mondiale, a créé avec son système

d'exploitarion \XIindows. \XIarren Buffett a longtemps eu un œil sur lc:

marchés à faible concurrence. De puis qnc l'économie ex iste, limiterla concurrence sur un marché donné a LOu jours éré le me illeur moyen

de construire une fortune - aux dépens des autres. Restreindre 1 1

concurrence sur les marchés des matières premières en Afrique < k

l'Ouest, par exemple, permet de soustraire de l'argent aux producteursafricains et aux consommateurs français (ct autres) pour le transférerdans la poche de nantis Ces profits fimsscnt bien souvem dans Je,

lieux comme le Luxembourg.l i est impossible de mesurer ou même d'évaluer l'ampleur du Jom

mage que ces atteintes àla concurrence infligent aux marchés mondiaux .du reste, les paradis fiscaux ne sont que l'un des rouages de la constitution

d'un monopole. On peur tmagincr que son impact est a11ss1 imporram

que celui des paraJis fiscaux sur les receues fiscales, par exemple.

Àchaque fois que j'ai examiné un aspect Je l'économtc mondiak· .les paradis fiscaux étaient là, causant des ravages Jan 1\•xistencc dt gens ordinaires au profit d une oligarc htl • ne rendam de complt.., .1

personne. La quantité to11 jours cn,iss:lllll' dl' richesst :- vt de pmtvoit

générée par les juriJictiOtls du Sl t H·ll 1 lltlOillt'\;thllMon tr<t\ ad sur le lt\. tt rn':tll'lltlll p l 1 1 1 ~ p l > ~ i m i s t t s t l l ll'lll<llllll'.t'll

p;lllirlllicr pn111 l.tvcnit ,1· 1111 ., d, ·,tx l l l lu   t•nl . l l l l 1\ks tci'lll'tt'llt 

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m'ont fait appantître Lunpleur du problème auquel nous sommes

confronrés aujourd'hui. Le système se renforce lui-même : à chaque

fois qu'un pays sc rapproche un peu plus du modèle oH-shore, les

autres pays lui emboîtent le pas pour rester dans la course. Les élites

fortunées Je la planète -  c 1 , comme l'on dit aujourd'hui - ;;c ser-

venr des paradis fiscaux pour menacer les représentants élus « Pas

J 'impôts, pas de régulation- ou l'on va ailleurs », gémissent elles, et

nos hommes poltriques. cfira}és. s'exécutent. Et ce 1 Je\ienr alors

encore plus riche ct plus puissant.

L'année demièn.· toutefois, j'ai retrouvé un peu d'espoir. La riposte

a nni par venir. Le mouvement des indtgnés, Occupy Wull Street et

ses répliques, ont propagé à travers le monde les germes d'une po li

tique emièrement nouvelle. La question désormais à l'ordre du jour

transcende l'opposition droite-gauche traduionnelle: elle porte sur la

corruption du capitalisme lui-même-   t la lune contre la corruption

n'est la chasse gardée ni Je la gauche ni de la droite. Les partis politiques

u s ~ i q w.:s

ont du mal à appréhender correctement cette question.Mai:-.

les gens ordinaires sur toute la p l a n è u ~ ont enhn ouvnt les ywx sur

l'échec le plus manifeste Je la mondialtsarion.

Maintenant, pour finir, quelques indicarions pour la Wllll ' qui ~ · o u ·

devant nous.