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Annie Pourtier Conseillère pédagogique Inspection de l’Education nationale de Bourgoin-Jallieu 3 LES STRATEGIES DE LECTURE « Dans le livre, il y a des blancs. Des fois, l’auteur fait exprès de ne pas tout expliquer pour que le lecteur imagine. Des fois, il ne le fait pas exprès mais on est quand même obligé de trouver ce qui va dans les blancs. On joue au chercheur d’or ! L’or c’est le sens qui est caché. On est un bon lecteur quand on sait trouver ce qui est caché. » Léa, classe de CM1 « Le sens il est fait par l’auteur quand il écrit et par le lecteur quand il lit. » Clément, classe de CM1 « Des fois c’est dur de comprendre alors il faut jouer au vagabond qui se promène dans le texte. On relit ce qu’on a déjà lu pour voir ce qu’on n’avait pas vu la première fois. » Dorian, classe de CM1 « J’aime bien lire, parce que c’est rigolo, c’est comme un jeu. On joue parce que des fois l’auteur veut nous emmener sur des fausses pistes et il ne faut pas tomber dans les pièges. » Séverine, classe de CM1 « J’aime mieux lire qu’avant parce que je sais maintenant que le sens est caché et qu’il faut jouer à le trouver et des fois c’est difficile mais j’aime bien chercher. Pour le chercher je dois jouer au vagabond, au détective et au chercheur d’or. » Thomas, classe de CM1 « Lire veut dire imaginer des choses cachées par l’auteur.» Morgane, classe de CM1 « Lire c’est trouver l’or des motsRémi, classe de CM1

Les stratégies de lecture - ac-grenoble.fr · lecture en jeu dans l’acte de lire qu’il s’agisse de stratégies de planification, de gestion ou d’évaluation. Ces stratégies

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Annie Pourtier Conseillère pédagogique Inspection de l’Education nationale de Bourgoin-Jallieu 3

LES STRATEGIES DE LECTURE

« Dans le livre, il y a des blancs. Des fois, l’auteur fait exprès de ne pas tout expliquer pour que le lecteur imagine. Des fois, il ne le fait pas exprès mais on est quand même obligé de

trouver ce qui va dans les blancs. On joue au chercheur d’or ! L’or c’est le sens qui est caché. On est un bon lecteur quand on sait trouver ce qui est caché. »

Léa, classe de CM1

« Le sens il est fait par l’auteur quand il écrit et par le lecteur quand il lit. » Clément, classe de CM1

« Des fois c’est dur de comprendre alors il faut jouer au vagabond qui se promène dans le

texte. On relit ce qu’on a déjà lu pour voir ce qu’on n’avait pas vu la première fois. » Dorian, classe de CM1

« J’aime bien lire, parce que c’est rigolo, c’est comme un jeu. On joue parce que des fois l’auteur veut nous emmener sur des fausses pistes et il ne faut pas tomber dans les pièges. »

Séverine, classe de CM1 « J’aime mieux lire qu’avant parce que je sais maintenant que le sens est caché et qu’il faut

jouer à le trouver et des fois c’est difficile mais j’aime bien chercher. Pour le chercher je dois jouer au vagabond, au détective et au chercheur d’or. »

Thomas, classe de CM1

« Lire veut dire imaginer des choses cachées par l’auteur.» Morgane, classe de CM1

« Lire c’est trouver l’or des mots.»

Rémi, classe de CM1

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Lire, c’est construire le sens d’un texte. Nous pouvons distinguer quatre niveaux de compréhension du texte.

La compréhension littérale du texte appelée encore « compréhension a minima ». Il s’agit pour le lecteur de prélever dans le texte les indices explicites qui permettront la construction du sens. C’est une activité de tri qui tend à isoler et mémoriser parmi tous les indices explicites du texte ceux qui sont utiles à cette construction. Cette compréhension est la plus réussie par les élèves comme le prouvent les évaluations nationales

La lecture inférentielle logique. Le lecteur relève des informations

éparses dans le texte, les met en relation afin de déduire de nouveaux éléments de sens.

La lecture inférentielle pragmatique. Le lecteur met en relation des

informations contenues dans le texte avec ses propres connaissances, sa culture personnelle afin de faire du sens.

La compréhension fine. Le lecteur est alors capable de « lire entre les

lignes », c’est à dire de percevoir l’implicite du texte.

A chacun de ces niveaux de compréhension, l’élève travaille des habiletés spécifiques. Par contre, il doit nécessairement travailler ces quatre niveaux de compréhension pour construire le sens d’un texte. Ainsi se pose-t-il sans cesse des questions auxquelles il répond par des hypothèses qu’il cherche à confirmer ou à infirmer à l’aide des informations implicites ou explicites du texte et de ses connaissances. Plus précisément, la lecture littéraire est « une activité dans laquelle le cognitif est largement piloté par le culturel. » Le lecteur participe alors activement à l’élaboration du sens. Cette construction du sens exige qu’il ait à sa disposition les moyens de réaliser son projet de lecture et qu’il puisse les utiliser de façon efficace. Car si le lecteur expert repère les intentions du texte et met en œuvre les stratégies adaptées pour accéder au sens profond du texte, il n’en n’est pas de même du côté du lecteur en formation. Il convient donc de doter l’élève de stratégies de lecture adaptées qu’il s’agisse de stratégies de planification, de gestion ou d’évaluation. Il est ainsi fondamental d’expliciter avec les élèves eux-mêmes toutes les règles du jeu afin que chacun devienne un lecteur expert.

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Catherine Tauveron dans son ouvrage Lire la littérature à l’école Pourquoi et comment conduire cet apprentissage spécifique ? Hatier, 2002 convie le lecteur à endosser plusieurs rôles.

« Le rôle du détective » qui rassemble les indices, les pièces éparses du puzzle.

Celui de « l’orpailleur » dans lequel le chercheur d’or devient chercheur

de sens qui, « découvrant un petit grumeau de sens », creuse à nouveau « pour voir si la pépite ne s’étend pas en un filon. »

« Le rôle du stratège » imposé par le jeu littéraire qui conduit le lecteur à

articuler l’acceptation et le ralliement au texte à une forme de doute et de scepticisme. Ainsi, l’élève lecteur de textes littéraires va-t-il « anticiper les coups » ou « tomber dans les pièges tendus pour mieux ensuite en estimer la finesse. »

« Le rôle de l’archéologue » dans lequel l’élève côtoie une discipline

nouvelle dans laquelle le sujet d’étude est le site littéraire. Le lecteur, attentif aux sédiments du texte, collectera les résonances qui relient les œuvres entre elles à la recherche du sens.

« Le rôle du vagabond » qui conduit le lecteur à une forme d’errance

réflexive, à un voyage dans le texte autorisant les retours en arrière, les relectures, les sauts de pages, la traversée de « ponts que sa mémoire a construit. »

En construisant, chez l’élève, chacun de ces rôles, nous approchons une rénovation de l’acte didactique traditionnel qui le contraint bien souvent à une lecture linéaire, insipide et stérile. Ces objectifs comportementaux doivent faire l’objet d’un apprentissage spécifique auprès de tous les élèves. Des élèves d’une classe de CM1 ont explicité quelques unes des stratégies de lecture en jeu dans l’acte de lire qu’il s’agisse de stratégies de planification, de gestion ou d’évaluation. Ces stratégies ont été élaborées progressivement et ont été formalisées sur des affichages didactiques. L’explicitation des stratégies de lecture par les élèves peut intervenir très tôt dans la scolarité des élèves, dès l’école maternelle…

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Stratégies de lecture de la classe de CM1

Le rôle du renard stratégique

Le lecteur doit être méfiant. Il doit rester sur ses gardes pour éviter les coups et pour ne pas tomber dans les pièges tendus par l’auteur.

Le rôle du vagabond

Dans un premier temps le lecteur lit le texte de haut en bas. Comme il n’a pas bien compris et qu’il cherche des informations, il revient en arrière pour mieux voir ce qu’il n’a pas eu le temps de voir la première fois. Il se promène dans le texte comme un vagabond.

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Le rôle du chercheur d’or

Le lecteur trouve les « blancs » du texte et imagine ce qui va dans ces « blancs », c'est-à-dire ce qui n’est pas écrit par l’auteur. Pour cela, il utilise des connaissances qu’il a stockées dans sa mémoire.

Le rôle du détective

L’auteur construit des énigmes volontairement ou involontairement, le lecteur doit alors mener une enquête. Le lecteur est attentif et vigilant, il recherche des informations et des indices importants.

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Le rôle du couturier

Pour faire le sens du texte, le lecteur doit se souvenir de ses lectures précédentes. Il ouvre dans sa tête le « tiroir bibliothèque ». Mais il peut ouvrir d’autres tiroirs : le « tiroir école », le « tiroir maison »…

Le rôle du décodeur

Le lecteur, pour construire le sens du texte, est obligé de chercher ailleurs que dans sa tête (sur d’autres livres, sur le dictionnaire, sur l’ordinateur, en demandant à la maîtresse…).

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Le rôle du « Pas coupable »

Nous ne pouvons faire une lecture littéraire que si l’on accepte de se tromper et de n’avoir pas compris.

------------------------------------------------------------------------------------- Exemples de productions d’élèves de « détection et de comblement » à partir

d’un extrait de l’album de Jo Hoestlandt La grande peur sous les étoiles

Les élèves, après avoir détecté un lieu d’indétermination dans le texte (un des «blancs » du texte), ont découpé le texte. Puis, ils ont comblé ce lieu d’indétermination, en écrivant ce que l’auteur n’a volontairement pas dit. Je m’appelle Hélène et je suis presque une vieille dame à présent. Quand je ne serai plus là, qui se souviendra de Lydia ? C’est pour cela que je veux vous raconter notre histoire. En 1942, le nord de la France était occupé par l’armée allemande qui l’avait envahi. Lydia et moi, Hélène, nous avions huit ans et demi ; ni la guerre, ni les allemands ne nous empêchaient d’aller à l’école, de jouer, de nous disputer et de nous réconcilier, comme toutes les amies du monde. Un jour, pendant que nous jouions près d’elle, la maman de Lydia a cousu une étoile jaune sur leurs vestes. J’ai dit : « ça fait joli, cette étoile. » La maman de Lydia m’a répondu : « Joli ou pas, on n’a pas le choix. Tous les juifs doivent la porter. C’est une nouvelle loi ». La maman de Lydia a fini de coudre l’étoile. «La place des étoile est au ciel, dit-elle. Quand les hommes les arrachent au ciel pour les coudre sur leurs vêtements, ça n’apporte que du malheur… »

Nous, les juifs, quand on porte une étoile jaune, c’est la mort. Nous savons bien ce que cela signifie : les arrestations par les hommes en manteau de cuir noir puis les camps dans lesquels on rassemble les juifs. Et elle a brisé le fil blanc d’un coup sec avec ses dents en disant : « Etoile du matin, chagrin, mais étoile du soir espoir… alors espérons.

Je suis pas coupable !

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Je m’appelle Hélène et je suis presque une vieille dame à présent. Quand je ne serai plus là, qui se souviendra de Lydia ? C’est pour cela que je veux vous raconter notre histoire. En 1942, le nord de la France était occupé par l’armée allemande qui l’avait envahi. Lydia et moi, Hélène, nous avions huit ans et demi ; ni la guerre, ni les allemands ne nous empêchaient d’aller à l’école, de jouer, de nous disputer et de nous réconcilier, comme toutes les amies du monde. Un jour, pendant que nous jouions près d’elle, la maman de Lydia a cousu une étoile jaune sur leurs vestes. J’ai dit : « ça fait joli, cette étoile. » La maman de Lydia m’a répondu : « Joli ou pas, on n’a pas le choix. Tous les juifs doivent la porter. C’est une nouvelle loi ». La maman de Lydia a fini de coudre l’étoile. «La place des étoile est au ciel, dit-elle. Quand les hommes les arrachent au ciel pour les coudre sur leurs vêtements, ça n’apporte que du malheur… »

Les juifs qui ne veulent pas porter l’étoile jaune sont emmenés dans des camps de juifs. Les non juifs qui veulent porter l’étoile juifs sont aussi emmenés dans des camps de juifs. La gestapo se charge des arrestations. Et elle a brisé le fil blanc d’un coup sec avec ses dents en disant : « Etoile du matin, chagrin, mais étoile du soir espoir… alors espérons. Je m’appelle Hélène et je suis presque une vieille dame à présent. Quand je ne serai plus là, qui se souviendra de Lydia ? C’est pour cela que je veux vous raconter notre histoire. En 1942, le nord de la France était occupé par l’armée allemande qui l’avait envahi. Lydia et moi, Hélène, nous avions huit ans et demi ; ni la guerre, ni les allemands ne nous empêchaient d’aller à l’école, de jouer, de nous disputer et de nous réconcilier, comme toutes les amies du monde. Un jour, pendant que nous jouions près d’elle, la maman de Lydia a cousu une étoile jaune sur leurs vestes. J’ai dit : « ça fait joli, cette étoile. » La maman de Lydia m’a répondu : « Joli ou pas, on n’a pas le choix. Tous les juifs doivent la porter. C’est une nouvelle loi ». La maman de Lydia a fini de coudre l’étoile. «La place des étoile est au ciel, dit-elle. Quand les hommes les arrachent au ciel pour les coudre sur leurs vêtements, ça n’apporte que du malheur… »

Puis elle a ajouté « Les juifs ne doivent plus avoir de vélo, ils n’ont plus le droit de prendre le tramway ni de circuler en autobus ou en voiture. Les juifs ne peuvent faire leurs courses que de trois à cinq heures et ils n’ont pas le droit d’aller au théâtre et la piscine ». Et elle a brisé le fil blanc d’un coup sec avec ses dents en disant : « Etoile du matin, chagrin, mais étoile du soir espoir… alors espérons.