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Les troubles du comportement alimentaire : de la naissance à l’adolescence Laëtitia Sirolli © Groupe Eyrolles, 2006, ISBN 2-7081-3587-2

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Les troubles du comportement alimentaire : de la naissance

à l’adolescence

Laëtitia Sirolli

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© Groupe Eyrolles, 2006,

ISBN 2-7081-3587-2

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Chapitre 1

L’alimentation répond à des besoins

vitaux

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Nous savons que l’acte de manger répond à un besoin vital. Derrière cetteévidence se profilent des réalités physiologiques et affectives qu’il estimportant de connaître pour comprendre le comportement alimentairede l’enfant.

L’acte de manger répond à un besoin de l’organisme, mais ce besoin n’estpas la seule chose qui motive la prise alimentaire. Autrement dit, nous nemangeons pas uniquement lorsque nos réserves deviennent insuffisan-tes. Les mécanismes de la faim sont plus complexes. Par exemple, unepersonne en surcharge pondérale aura faim dès qu’elle se met au régime,bien qu’elle dispose de ressources énergétiques en suffisance.

Une réponse à la faim

Les trois phases de la prise alimentaire

On distingue traditionnellement trois phases dans la prise alimentaire :

• Avant le repas, nous avons faim. Notre attention se porte alors sur lanourriture. Différentes questions se posent : « que vais-je manger ? »,« comment vais-je m’y prendre ? ». Dès cette phase, le corps seprépare à la digestion, les signes en sont la salivation et lescontractions de l’estomac.

• Au cours du repas, tous nos sens sont simulés (odorat, goût, vue,toucher). L’estomac se remplit peu à peu, puis se relâche : les hormones

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La faim est déclenchée par différentes substances provenant des alimentsou secrétées par notre propre corps. Le jeûne entraîne un manque de« carburant » pour l’organisme qui produit alors des signaux d’alerte telsque la fatigue. L’envie et le besoin de manger se traduisent aussi par descrampes d’estomac ou encore des gargouillements.

Avant la naissance, les mécanismes de la faim sont tout à fait différents.L’enfant qui est dans le ventre de sa mère, se nourrit « naturellement » dece que sa mère ingère. Par l’intermédiaire du placenta, les aliments luiarrivent déjà digérés, il dispose de tout en quantités suffisantes. Après lanaissance, les choses changent. Le bébé fait alors très rapidement l’expé-rience de la faim. Cette sensation totalement nouvelle pour lui estdouloureuse. Il apprend peu à peu que la sensation de faim, qui le fait tantsouffrir entraîne l’arrivée de ses parents… et de la nourriture. Cet appren-tissage se fait grâce à la répétition des expériences, jusqu’à devenir uncomportement acquis pour l’enfant.

Le corps humain utilise de nombreux aliments. Ceux-ci lui fournissentl’énergie nécessaire pour assurer sa croissance, son entretien et toutes sesactivités. Pour être transformés en énergie utile au corps, les alimentssubissent une série de modifications : c’est la digestion.

digestives sont alors libérées. Des messages envoyés au cerveau luipermettent de diminuer les signaux de faim et rendent possible despensées « non alimentaires ».

• Après le repas vient une phase essentiellement centrée sur ladigestion. Nous nous sentons repus et n’avons plus faim.

D. Rigaud,

Anorexie, boulimie et autres troublesdu comportement alimentaire

, Milan, 2000.

La faim, expression d’un besoin physiologique

L’assimilation des aliments et la digestion

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Le système digestif est constitué de l’ensemble des organes qui permet-tent la transformation des aliments (sucres, graisses, protéines) en subs-tances solubles qui seront utilisables par le corps. Pour se faire, lesaliments subissent différentes modifications chimiques.

Le processus commence avec la mastication : dès que les aliments sontmis en bouche, ils sont coupés et broyés par les dents. La langue enrobeles aliments de salive qui les imprègne et commence ainsi le processus detransformation des sucres rapides. Les aliments sont ensuite avalés etenvoyés vers l’œsophage dont les muscles poussent la nourriture versl’estomac. Les muscles de l’estomac malaxent les aliments, les substan-ces que contient le suc gastrique permettent de transformer les aliments,l’acide chlorhydrique tue les microbes qui tentent de s’infiltrer. L’estomactransforme les aliments solides en une sorte de bouillie qui passe progres-sivement dans l’intestin grêle. Celui-ci mesure entre 6,7 et 7,6 mètres delong. Au début de l’intestin se déversent les sucs pancréatiques, produitspar le pancréas et contenant des substances permettant la transforma-

Le système digestif

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tion des aliments en matières solubles, ainsi que la bile qui aide à la diges-tion des graisses. La paroi de l’intestin grêle est formée de nombreuxreplis qui augmentent d’autant la surface d’absorption des substancessolubles. Celles-ci passent dans le sang ou dans la lymphe (liquide ducorps) pour être ensuite transportées vers tous les autres organes ducorps. Enfin, les déchets passent dans le gros intestin où l’eau est absor-bée et le reste, devenu solide, est évacué par l’anus.

D’une manière générale, nous apprenons à manger par faim, mais aussipar plaisir. Cette dernière dimension apparaît très vite chez le nourrisson.

La notion de plaisir est importante lorsque l’on aborde l’alimentation. Eneffet, elle est intimement liée à nos pratiques alimentaires. Ainsi, lorsquel’on mange, tous nos sens sont en éveil, tous sont sollicités et participentà l’appétence, à la satisfaction, au bien-être et au plaisir liés à ce moment.Entendre le beurre crépiter dans une poêle, sentir l’odeur du pain chaud,toucher la peau d’une pêche, goûter à un fruit juteux et sucré, apprécier lavue d’un plat bien préparé…

Trop souvent nous perdons de vue cette notion de plaisir que l’on associe,à tort, à une faiblesse ou à des accès incontrôlés de gourmandise.D’ailleurs, si bon nombre de régimes échouent, c’est en partie parce quece concept est occulté et que les privations et restrictions conduisent à detelles frustrations que les sujets finissent irrémédiablement par craquer !

Le plaisir d’être nourri

Dès la naissance, le repas est associé à la notion de plaisir

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Dés la naissance, l’acte de manger est associé à la notion de plaisir. Auxpremiers mois de la vie, le plaisir est double : d’une part, il accompagne lafin d’une situation de manque. La souffrance de la faim disparaît ; d’autrepart, il résulte du fait que l’enfant n’est plus seul, il est pris dans les bras,rassuré. Ce plaisir se traduit, chez le bébé par la cessation des pleurs, lesourire et à travers les regards qu’il porte à sa mère, par exemple. Il estégalement fréquent de voir des bébés « caresser » la peau ou le vêtementde celui qui les nourrit durant le repas. Ces gestes traduisent, à leurmanière, le bien-être et la satisfaction qu’éprouvent alors les bébés.

Les tétées du nourrisson, et plus tard les repas, constituent une expé-rience relationnelle privilégiée, renouvelée plusieurs fois par jour.

Le bébé éprouve un manque, la faim, qui le fait souffrir et qu'il exprime pardes pleurs. La mère répond à ses pleurs par la nourriture et sourit à sonenfant. Ce dernier éprouve alors une sensation de plaisir et sourit enretour. Une mère capable, dans cette situation, de décoder les messagesde son enfant et d'y répondre de façon stable et adaptée, procure à sonbébé détente, sécurité et bien-être.

Faim et plaisir

Les notions de faim et de plaisir sont intimement liées dans l’approchedes troubles du comportement alimentaire. En effet, elles sont souventen lien direct avec la pathologie elle-même.

On parlera par exemple de l’anorexie, comme d’une absence de faim, àpartir du moment où il y a privation de nourriture sans que la sensationde faim ne soit ressentie. On considère également que les prisesalimentaires dans les conduites boulimiques se font sans plaisir : aucours d'une crise de boulimie, les boîtes de conserve peuvent êtreingérées, froides, sans avoir été cuisinées au préalable.

Un moment d’échange privilégié

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Comme nous l’avons abordé précédemment, les repas ont une valeur de

socialisation. Ils permettent à l’enfant de se construire, d’entrer en rela-

tion avec ses pairs, de se situer dans un groupe. La valeur sociale du repas

reste importante tout au long de la vie, même si, nous le verrons plus tard,

l’adolescence peut donner lieu à des transformations. Le repas pourra

alors être l’occasion pour le jeune de se distinguer en refusant de le parta-

ger avec sa famille ou en adoptant des attitudes alimentaires en opposi-

tion avec celles des autres membres. Quoi qu’il en soit, ce moment reste

fondamental en tant que facteur de socialisation. Il pourra tout à la fois

servir de lieu de réassurance, de convivialité, d’expression des conflits ou

de médiation.

L'alimentation met en relation deux êtres : le plus souvent le bébé et sa

mère mais cela peut être également le père ou tout autre substitut paren-

tal (une nourrice). Les relations et la communication qui s'établissent

entre eux se font sous différentes formes : les regards, les paroles, le

toucher…

L'adulte, en faisant don de nourriture à l'enfant, fait également don de lui-

même, de son amour. L'enfant, en acceptant cette nourriture, accepte

également l'adulte qui, en retour, se sent aimé et reconnu comme un bon

père ou une bonne mère. Être nourri, pour un enfant, signifie donc

également être aimé.

Nourrir son enfant : le rôle décisif des parents

Le don de la nourriture

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En tant que parents, vous avez également des attentes à l'égard de votre

enfant. Sa physionomie, son tempérament ou encore son comportement

ne correspondent pas obligatoirement aux attentes ou aux représenta-

tions que vous vous étiez faites de lui. Vos réactions vis-à-vis de ce petit

être ne sont pas nécessairement celles que vous pensiez avoir.

L'adéquation relationnelle entre une mère (dont le rôle reste prépondé-

rant au moment des repas) et son bébé est décisive pour le développe-

ment de l’enfant. Elle se fait progressivement en fonction des spécificités

de chacun. Cette adéquation est en constante évolution. Elle n’est pas

toujours spontanée et peut être source de tensions qui se manifestent de

façon précoce, par le biais du comportement alimentaire. Ce dernier influe

lui aussi sur le développement de la relation mère-enfant.

Dans les premiers mois de la vie de l’enfant, le repas revêt une importance

centrale, car c’est un moment d’échange privilégié entre sa mère et lui.

C’est un des moments clés au cours desquels s’exprime le lien qui vous

unit à votre enfant. Le repas ne doit pas devenir pour autant l'objet

d'angoisses injustifiées de votre part.

D'une manière générale, les demandes des parents concernant l'alimenta-

tion de leur jeune enfant sont multiples et trahissent souvent leurs

inquiétudes. Ainsi, près d'une mère sur deux déclare que son enfant

mange trop peu, tout en admettant cependant qu'il ne présente aucun

retard de développement, ni baisse d'activité physique. L’absence de ces

signes alarmants écarte l’hypothèse de trouble réel du comportement

alimentaire.

«

Ma petite fille ne mange pas

», «

mon bébé refuse de prendre sesbiberons

» : toutes ces réflexions illustrent à quel point le moment du

repas peut être source de beaucoup d'angoisse pour les parents.

Une fragile adéquation

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Les TCA affectent principalement les enfants fragiles

Selon les chiffres, les difficultés liées à l'alimentation ne seraient réellementprésentes que chez 25 à 35 % des enfants. Par ailleurs, 40 à 70 % d’entre ellesconcerneraient des bébés prématurés ou atteints de maladies chroniques pourlesquels les troubles alimentaires s'expliquent directement par des causesmédicales.

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Cela met donc en évidence, le fait que les TCA restent relativementpeu fréquents, mais surtout qu'ils concernent souvent une population« à risque », c'est-à-dire des enfants pour lesquels ces troubles sont l'expres-sion de difficultés médicales importantes.

Lorsque nous aborderons les facteurs explicatifs des différents troublesdu comportement alimentaire, vous vous apercevrez que le rôle maternelest souvent évoqué.

Cela ne signifie pas qu'en tant que mères, vous êtes directement respon-sables de tous les maux de vos enfants et encore moins que les pères n'ontaucune incidence sur le développement de leur progéniture. Comment,dans ce cas, expliquer cet état de fait ?

Un modèle comportemental

Tout s'explique par le fait que nos comportements alimentaires (et, parconséquent, les troubles qui peuvent en découler) évoluent en fonctiondes expériences que nous avons eues enfant, au moment des repas. Defait, le rôle maternel (ou celui de tout autre substitut) est central et cons-titutif dans l’alimentation de l’enfant. Des troubles peuvent apparaîtredès la naissance dans la mesure où cette fonction nourricière est en quel-que sorte le premier lien de l'enfant à sa mère. On comprend mieux parconséquent pourquoi les adolescents ne sont pas les seuls à souffrir deTCA.

Les spécificités du rôle maternel

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En tant que parents, vous représentez le premier modèle pour votreenfant. Par conséquent, les comportements de votre bébé sont en lienétroit avec les vôtres. Si vous êtes en souffrance, pour des raisons quipeuvent être très diverses (dépression, deuil en cours, solitude, isole-ment…), vous lui transmettrez probablement votre anxiété, vos angoissesou votre tristesse. Ainsi, lors de moments privilégiés tels que le bain, lesrepas ou le coucher, les contacts entre votre enfant et vous prendront uneteinte différente selon les émotions que vous ressentirez.

Bien que nous évoquions peu la figure du père de manière directe, celui-cijoue lui aussi un rôle important dans le développement du comportementalimentaire de l’enfant. D'une part, parce qu'il peut aussi lui arriver d'êtreangoissé, mais aussi parce qu'à l'heure actuelle, la « fonction de nutrition »n'est plus l'apanage de la mère.

Une responsabilité à relativiser

Trop souvent, les mamans sont pointées du doigt et se sentent coupables«

j'ai mal fait

», «

mon enfant souffre par ma faute

», «

je suis unemauvaise mère

». Le fait d'évoquer l'incidence de vos difficultés, en tantque mères, sur le développement de vos enfants, en particulier sur leurscomportements alimentaires, n'a cependant pas pour objectif de vousdésigner comme responsables à part entière. Lorsqu’on cite le comporte-ment des mères pour expliquer un trouble chez l’enfant, cela vise d’abordà donner des clés pour sortir de l’impasse et rétablir une relation sereineentre la mère et l’enfant.

En résumé

L'alimentation permet à l'enfant :• de combler ses besoins nutritionnels ;• d'apaiser les sensations désagréables qu’il ressent face à la faim et à la

soif ;• d'éprouver une sensation de plaisir ;• de communiquer avec sa mère ou toute autre personne qui le nourrit, et

de créer ainsi de l’attachement pour son entourage.

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