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Lésions musculosquelettiques dans l'hémophilie

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APPAREIL LOCOMOTEUR

Lésions musculosquelettiques dans l’hémophilie

Hemophilic musculoskeletal disorders

D. Morillon (Chef de clinique assistant) a,N. Boutry (Praticien hospitalier) a,X. Demondion (Maître de conférences des Universités,praticien hospitalier) a,b,B. Duquesnoy (Professeur des Universités, praticien hospitalier) c,A. Cotten (Professeur des Universités, praticien hospitalier) a,*

a Service de radiologie ostéoarticulaire, CHRU de Lille, hôpital Roger Salengro,boulevard du Professeur-Jules-Leclercq, 59037 Lille cedex, Franceb Laboratoire d’anatomie, faculté de médecine de Lille, 1, place de Verdun, 59 000 Lille, Francec Service de rhumatologie, CHRU de Lille, hôpital Roger Salengro,boulevard du Professeur-Jules-Leclercq, 59037 Lille cedex, France

MOTS CLÉSHémophilie ;Arthropathiehémophilique ;Imagerie parrésonancemagnétique ;Pseudotumeurhémophilique

KEYWORDSHaemophilia;Arthritis in infants andchildren;Joints;Magnetic resonanceimaging

Résumé Les manifestations hémorragiques de l’hémophilie prédominent au systèmelocomoteur, avec notamment des hémarthroses débutant dès l’âge de l’apprentissage dela marche dans les formes sévères. Les sièges préférentiels sont le genou, le coude, lacheville et la hanche. La répétition des épisodes aboutit à l’arthropathie hémophilique,qui participe grandement à la gravité de la maladie en raison de l’impotence fonction-nelle qu’elle génère. Nous rapportons dans cet article les stades radiographiques, lasémiologie par imagerie par résonance magnétique (IRM) et l’évolution de cette patholo-gie dont la prise en charge thérapeutique précoce et adaptée est fondamentale.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Haemophilia is characterized by abnormal blood coagulation. Hemoarthrosis is aparticularly characteristic abnormality in haemophilias, occurring in the early years oflife, leading to the haemophilic arthropathy. The most altered joints are generally theknee, the elbow, the ankle and the hip. In this paper, we will present the usualradiographic and MRI features of this disease for which early and adequate managementis of utmost importance.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

L’hémophilie est caractérisée par un déficit enfacteurs de coagulation. Les deux principales for-mes correspondent à un déficit en facteur VIII (hé-

mophilie A dont la fréquence est de 1/10 000) et enfacteur IX (hémophilie B, cinq fois moins fré-quente).3 Ces pathologies provoquent des hémorra-gies répétées de survenue facile (ou spontanée), dedurée prolongée et de volume abondant. Les hémo-philies A et B sont des maladies génétiques récessi-ves liées à l’X, quasi exclusivement rencontréeschez les sujets masculins. Leur transmission donne* Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (A. Cotten).

EMC-Radiologie 1 (2004) 283–292

www.elsevier.com/locate/emcrad

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcrad.2004.02.007

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lieu à des troubles de même importance dans ladescendance.Sur le plan biologique, la numération plaquet-

taire, le temps de saignement et le taux deprothrombine (TP) sont normaux, mais le temps decéphaline activée (TCA) est allongé. Le dosage desfacteurs de coagulation établit le diagnostic et lagravité de l’atteinte : les hémophilies sont considé-rées comme frustes lorsque le taux du facteurmanquant est supérieur à 30 % de la valeur normale(l’hémostase est normale), mineures si ce taux estcompris entre 5 et 30 %, modérées entre 1 et 5 % etsévères pour les valeurs inférieures à 1 %.7

Clinique

L’importance des signes cliniques varie selon lasévérité de l’hémophilie : saignement majoré pen-dant les interventions chirurgicales dans les formesmineures, hémorragies digestives, urinaires, rétro-péritonéales, rétropharyngées, intracérébrales etmusculosquelettiques dans les formes plus sévères.Les hémarthroses sont particulièrement fréquenteset caractéristiques (75-90 % des patients). Elless’observent aux articulations les plus exposées auxtraumatismes :6 genoux (45 %), coudes (30 %), che-villes (15 %), hanches et épaules. Elles surviennentdès l’apprentissage de la marche dans les formessévères pour des traumatismes minimes, voireinexistants. Le patient décrit parfois des prodromes(picotement ou gêne avec limitation modérée dumouvement). On distingue :10

• l’arthropathie aiguë, contemporaine des pre-miers épisodes d’hémarthrose, d’aspect in-flammatoire avec une limitation réflexe desmouvements, de la fièvre et une hyperleucocy-tose ;

• l’arthropathie subaiguë, débutant après aumoins deux épisodes aigus, lorsque se dévelop-pent un épaississement des tissus mous périar-ticulaires, une limitation des mouvementsd’origine cartilagineuse et une atrophie mus-culaire secondaire à l’impotence fonction-nelle ;

• l’arthropathie chronique, 6 mois à 1 an aprèsl’apparition du stade subaigu, marquée par unedestruction et une raideur articulaires, et par-fois une déformation.3 Les signes articulairescliniques permanents sont observés chez 50 %des patients et n’intéressent en règle généraleque quelques articulations.Le saignement peut également être intra-

osseux, sous-périosté, intramusculaire ou inter-musculaire. Les hématomes superficiels sont res-ponsables d’une douleur aiguë et, dans les

localisations musculaires, d’une contracture. Ilspeuvent se compliquer d’une compression vascu-laire ou nerveuse, d’un syndrome de loge et d’unerétraction tendineuse secondaire.

Arthropathie hémophilique

Physiopathologie

Lors d’une hémarthrose, la synoviale résorbe leséléments hématiques, mais de façon de moins enmoins efficace à mesure que les épisodes se multi-plient. La surcharge en fer des synoviocytes et deschondrocytes provoque leur lyse, libérant des enzy-mes lysosomiales responsables d’une synovite.7

Progressivement, les villosités synoviales devien-nent hyperplasiques ; la synoviale s’épaissit et lavascularisation synoviale et périarticulaire s’ac-croît. Avec le temps, l’hypertrophie synoviale de-vient progressivement fibreuse et acellulaire.L’altération du cartilage est secondaire à la libé-

ration intra-articulaire des produits de dégradationdu sang, à l’hyperpression intra-articulaire6 et àl’hyperplasie synoviale qui entraîne des érosions auxzones de réflexion de la synoviale. Une raréfactionosseuse régionale réactionnelle à l’hypervascularisa-tion est présente dans un premier temps, puis uneréaction ostéoblastique secondaire se développe pa-rallèlement aux remaniements dégénératifs.

Radiographie

L’aspect radiographique des arthropathies hémo-philiques est fortement corrélé au nombre d’épiso-des d’hémarthrose.7 On peut objectiver :3

• un épanchement articulaire dense et parfois,chez les jeunes enfants, un élargissement del’interligne articulaire qui peuvent disparaîtreen quelques semaines lors des épisodes ini-tiaux. Avec la multiplication des hémarthroses,la tuméfaction des tissus mous périarticulairesdevient permanente et peut présenter en péri-phérie un liseré dense d’hémosidérine ;

• une raréfaction osseuse périarticulaire ;• une hypertrophie épiphysaire chez l’enfantréactionnelle à l’hyperémie. Elle va progressi-vement contraster avec le caractère grêle desdiaphyses dont la corticale est fine (Fig. 1) ;

• puis des érosions bien limitées débutant typi-quement aux zones de réflexion de la syno-viale ;

• une lame osseuse sous-chondrale irrégulièreavec des érosions centrales et des géodes sous-chondrales, contrastant souvent avec la pré-servation relative de l’interligne articulaire(Fig. 2) ;

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• puis un pincement articulaire typiquement dif-fus, avec parfois engrènement des surfacesarticulaires, fragmentation des berges et des-truction articulaire (Fig. 3).

On signalera enfin la fréquence des stries d’arrêtde croissance métaphysaires (Fig. 1).3

Pettersson a proposé une stadification (Tableau1), reconnue par la World Federation of Haemophi-lia, de 0 à 13 par addition de points délivrés selondes items.11

Selon l’articulation affectée, certaines particu-larités lésionnelles peuvent être observées :

• au genou :10 modification de la forme de lapatella (aspect carré ou au contraire aminci et

Figure 1 Hypertrophie épiphysaire et volumineux épanchementdense. Noter les stries d’arrêt de croissance et l’aspect carré dela patella.

Figure 2 Érosions bien limitées de la lame osseuse sous-chondrale.

Figure 3 Engrènement des surfaces articulaires talocrurales.

Tableau 1 Stadification radiographique de Pettersson.

Ostéoporose Absente 0Présente 1

Élargissement épiphy-saire

Absent 0Présent 1

Surface sous-chondraleirrégulière

Absent 0Atteinte partielle 1Atteinte complète 2

Pincement de l’interli-gne articulaire

Absent 0Interligne de plus de 1 mm 1Interligne de moins de 1 mm 2

Kyste sous-chondral Absent 01 kyste 1Au moins 2 kystes 2

Érosion marginale Absente 0Présente 1

Incongruence articu-laire

Absente 0Discrète 1Prononcée 2

Déformation articulaire Absente 0Discrète 1Prononcée 2

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allongé) (Fig. 1, 4), kystes sous-chondraux par-fois volumineux (Fig. 5), importante hypertro-phie des épiphyses tibiales et fémorales, as-pect aplati des surfaces articulairescondyliennes (Fig. 6), élargissement del’échancrure intercondylienne ;

• à la cheville et au pied :10 inclinaison de l’arti-culation talocrurale vers le bas et le dedans

(Fig. 7), talus aplati,3 ankylose osseuse sous-talienne, élargissement du sinus du tarse,3 dé-formation en flexion plantaire, en valgus ;

• au coude :10 élargissement des incisures tro-chléaire et radiale de l’extrémité proximale del’ulna ; élargissement de la tête radiale et desfossettes olécranienne et coronoïdienne de

Figure 4 Aspect allongé de la patella.

Figure 5 Volumineux kystes sous-chondraux.

Figure 6 Aspect aplati des condyles fémoraux et élargissementde l’échancrure.

Figure 7 Discrète inclinaison de l’articulation talocrurale vers lebas et le dedans.

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l’humérus (Fig. 8), accentuation de la profon-deur de la trochlée humérale ;3

• à la hanche :10 pincement diffus (Fig. 9), pro-trusion acétabulaire, coxa valga, luxation de latête fémorale, aspect de maladie de Legg-Perthes-Calvé (en raison de la vascularisationde la tête fémorale compromise par la pressionintracapsulaire au cours des hémarthroses),6 etparfois résorption osseuse sévère.10

• à l’épaule : érosions profondes (Fig. 10), fré-quente rupture de la coiffe des rotateurs, re-modelage de la tête humérale au stade tardif.3

Échographie

Elle objective, au stade débutant, un épanchementd’échostructure variable (Fig. 11), un épaississe-ment hypervascularisé de la synoviale et un flou ducartilage d’encroûtement.7 Elle permet de fairesimplement la distinction entre un épanchement etune hypertrophie synoviale, et de suivre l’évolutionaprès un épisode aigu, ce qui facilite l’adaptationde la durée de traitement.Dans les formes avancées, on peut observer un

amincissement ou des irrégularités du cartilage,

Figure 8 Destruction du coude (A, B).

Figure 9 Coxopathie hémophilique.

Figure 10 Arthropathie sévère de l’épaule ; noter les profondesérosions osseuses humérales.

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des érosions sous-chondrales et une hypertrophiesynoviale fibreuse.3,7

Ces anomalies articulaires décelées en échogra-phie sont fortement corrélées aux signes radiogra-phiques.

Tomodensitométrie

La tomodensitométrie (TDM) n’a pas d’intérêt par-ticulier dans l’étude de l’arthropathie hémophili-que.

Imagerie par résonance magnétique

Elle montre précocement les altérations articulai-res et peut, dans cette optique, être utilisée avan-tageusement dès les premiers épisodes d’hémarth-rose, alors que les radiographies sont encorenormales.4

Le signal des hémarthroses varie avec le tempsmais au stade aigu, il est habituellement hétéro-gène avec des zones fortement hypo-intenses. Desniveaux déclives mieux visibles en T2 sont parfoisobjectivés.6 Les hémarthroses peuvent égalementse présenter sous la forme d’un épanchement liqui-dien aspécifique (Fig. 12).En pondération T1 et T2, la synoviale est hypo-

ou iso-intense aux muscles en raison des dépôtsd’hémosidérine et de la fibrose, surtout lorsque desséquences en écho de gradient sont utilisées (sus-ceptibilité ferromagnétique) (Fig. 12, 13).6 Ellepeut cependant contenir des hypersignaux T2 punc-tiformes correspondant à des zones d’inflammation

Figure 11 Hémarthrose hyperéchogène (flèches) au coude (vueantérieure de l’épiphyse humérale antérieure).

Figure 12 Épanchement liquidien, hyposignal de l’ensemble dela synoviale prédominant aux récessus synoviaux. (coupe sagit-tale pondérée en T2 en écho de gradient).

Figure 13 Arthropathie hémophilique de l’épaule avec épanche-ment intra-articulaire et profondes érosions humérales (coupesaxiales pondérées en T1 [A] et T2 [B]).

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marquée ou à de petites collections. L’injection degadolinium peut différencier la synovite de l’épan-chement intra-articulaire.Les anomalies de signal et les érosions du car-

tilage peuvent être correctement analysées sur lesséquences en écho de spin ou en écho de gradient(Fig. 13, 14, 15).10 Toutefois, leur étude peut êtreaméliorée par l’utilisation de séquences dédiées àl’exploration du cartilage, en particulier aux arti-culations dont l’encroûtement cartilagineux est defaible épaisseur. Les lésions sous-chondrales kysti-ques peuvent avoir un contenu liquidien (hyposi-gnal T1 et hypersignal T2 intense), fibrineux (hypo-signal T1 et T2) ou hémorragique (hypersignal T1 etT2), mais le plus souvent combiné en proportionsvariables.6 Les kystes en hyposignal T1 et T2 se-raient stables tandis que les autres tendraient à sedévelopper.10

Plusieurs classifications ont été proposées, dontcelle de Soler, facile à retenir et à corréler à lathérapeutique :9,11

• grade 0 : IRM normale ;• grade I : discrète hypertrophie synoviale avecdépôts d’hémosidérine dans les récessus syno-viaux, avec possibilité de retour à la normale siun traitement prophylactique est engagé ;

• grade II : hypertrophie synoviale avec dépôtsdiffus d’hémosidérine et érosions cartilagineu-ses isolées, la synoviorthèse peut être envisa-gée ;

• grade III : destruction cartilagineuse diffuse,pincement articulaire, érosions osseuses et/oukystes sous-chondraux, l’évolution vers legrade IV est, dès lors, inéluctable ;

• grade IV : remaniements articulaires sévères,arthrose secondaire et/ou ankylose.L’IRM est en fait particulièrement utile pour

guider la prise en charge thérapeutique lorsquel’arthropathie est absente ou toute débutante enradiographie.

Pseudotumeurs hémophiliques

Généralités

Elles sont rares (moins de 2 % des cas) et correspon-dent à des collections hématiques chroniques. Unantécédent traumatique de la région est fréquem-ment retrouvé. Elles peuvent être intraosseuses ousous-périostées, notamment chez les enfants et lesadolescents,3 et affectent essentiellement le fé-mur, bassin, tibia et les petits os des mains. Ellessiègent plus rarement dans les tissus mous et sont,dans ce dernier cas, entourées d’une capsule fi-breuse. Les pseudotumeurs peuvent rester stables

Figure 14 Arthropathie hémophilique talocrurale (coupe sagit-tale pondérée en T2).

Figure 15 Résorption osseuse marquée au coude avec présencede dépôts d’hémosidérine dans une synoviale hypertrophique durécessus olécranien (coupe sagittale pondérée en T2).

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pendant plusieurs années, évoluer lentement, ou serompre et être parfois létales.5

Radiographie

En radiographie, les pseudotumeurs intraosseusesse traduisent par une ostéolyse centrale ou excen-trée bien limitée, souvent cernée d’un liseré d’os-téocondensation, d’aspect pseudokystique.6

Lorsqu’elles sont excentrées ou possèdent unetaille importante, elles se traduisent par une ex-pansion osseuse avec un refoulement corticopé-riosté parfois considérable. La limite périostéepeut, dans certains cas, ne plus être visible et ilexiste alors une masse des tissus mous en regard.Les pseudotumeurs sous-périostées sont essen-

tiellement observées à la fibula. Elles se traduisentpar un scalloping osseux avec parfois des spiculespériostés.3 Les pseudotumeurs intramusculaires setraduisent par une opacité des tissus mous parfoiscalcifiée, évoluant, dans certains cas, vers un as-pect de myosite ossifiante.10 Elles peuvent éroderl’os adjacent.

Tomodensitométrie

La tomodensitométrie est surtout utilisée pourl’analyse des pseudotumeurs osseuses ou sous-périostées. D’un point de vue sémiologique, lecontenu d’une pseudotumeur est hypodense par

rapport aux muscles, avec parfois des calcifica-tions. La paroi est discrètement hyperdense.3

Imagerie par résonance magnétique

L’IRM permet de bien préciser les rapports osseuxet vasculonerveux des pseudotumeurs. Les pseudo-tumeurs intramusculaires présentent une forme va-riable, le plus souvent allongée selon l’axe desfibres musculaires. Elles sont entourées d’une co-que fibreuse hypo-intense en T1 et en T2 (Fig. 16).6

Leur centre est hétérogène dans les différentespondérations. Il est possible d’observer des nodulesmuraux hétérogènes quelquefois lobulés et dessepta intralésionnels et des niveaux liquide-liquide.Les plans graisseux et les fascias adjacents sonthabituellement respectés. Lorsqu’elles sont volu-mineuses, les pseudotumeurs peuvent entraîner unsyndrome de loge avec des modifications ischémi-ques du signal musculaire.

Lésions associées à l’hémophilie

Ce sont ;10

• les ostéonécroses, en particulier de la têtefémorale et du talus. Elles sont secondaires àun saignement au sein de l’os sous-chondral, àl’origine d’un collapsus de la surface articu-laire, ou à une hémarthrose avec augmentationde la pression intra-articulaire et occlusionvasculaire. À la tête fémorale, l’aspect radio-graphique peut être celui d’une maladie deLegg-Perthes-Calvé ;

• les ossifications des tissus mous, en particulierpériarticulaires (autour de la hanche et desgenoux) ou paravertébrales et aux cuisses. El-les sont secondaires à un saignement inter- ouintramusculaire ;

• les fractures. Elles sont secondaires à l’insuffi-sance osseuse (limitation de l’activité, raré-faction osseuse périarticulaire, contracture) età l’atrophie musculaire.3 Elles sont particuliè-rement fréquentes dans la région supracondy-lienne au genou. On signalera la possibilité dedéveloppement d’une pseudotumeur sur le sitede la fracture ;10

• une chondrocalcinose, par un potentiel effetd’inhibition du fer sur les pyrophosphatases ;

• les surinfections (articulaires, des tissusmous). Leur fréquence n’est probablement pasplus importante que celle de la populationgénérale, même si le sang constitue un excel-lent milieu pour la prolifération des bactéries.

Figure 16 Hématome de la paroi thoracique refoulant l’omo-plate (coupe frontale pondérée en T2 en écho de gradient).

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Diagnostic différentiel

Maladie de Willebrand

Elle correspond à une anomalie quantitative (formetypique) ou qualitative (variante) du facteur deWillebrand dont la fonction est de transporter lefacteur VIII et, sous forme polymérisée, d’initialiserl’adhésion entre les plaquettes et le tissu sous-endothélial. Cette maladie est de transmissionautosomique dominante et affecte les deux sexes.Sa sévérité est différente selon les membres d’unemême famille. Ses manifestations cliniques sontsurtout marquées par des hémorragies digestivesoccultes. L’hémarthrose et les hématomes muscu-laires y sont plus rares, mais présentent la mêmesémiologie radiologique que dans l’hémophilie. Lestests d’hémostase montrent un allongement dutemps de saignement, et plus discrètement du TCA,et la normalité du taux de plaquettes et du TP.

Autres affections hémorragiques

De nombreuses étiologies de coagulopathie (ano-malies auto-immunes avec présence d’un anticoa-gulant circulant antifacteur VIII ou antifacteur IX,déficits en un autre facteur de coagulation, dys-fonctions plaquettaires héréditaires, syndrome deKasabach-Merritt ou de Klippel-Trenaunay) s’ac-compagnent plus rarement d’hémarthroses, mais lasémiologie radiologique est alors similaire à cellede l’arthropathie hémophilique.D’autres étiologies d’hémarthroses itératives

avec le même tableau radiologique pourront êtreévoquées selon le contexte clinique : scorbut, af-fections myéloprolifératives, surdosage en anticoa-gulants, traumatismes répétés.

Arthrite chronique juvénile

Elle peut simuler radiographiquement une arthro-pathie hémophilique (tuméfaction synoviale, raré-faction osseuse locorégionale, altérations ostéocar-tilagineuses, hypertrophie épiphysaire, lésions deremodelage comme l’inclinaison tibiotalienne,l’élargissement de l’espace intercondylien fémoralet l’aspect carré de la patella). La distribution desatteintes aux mains, aux poignets et au rachis esten revanche un argument nettement en faveur decette arthropathie inflammatoire,10 ainsi quel’évolution vers l’ankylose.

Autres diagnostics différentiels en imagerie

Radiographiquement, les autres diagnostics diffé-rentiels sont les dystrophies musculaires, la polio-

myélite et les conséquences d’une paralysie d’ori-gine centrale.10

En IRM, les principales causes d’hypo-intensitésynoviale sont la synovite villonodulaire (monoarti-culaire), l’arthropathie amyloïde des hémodialy-sés, la goutte et la synovite sidérotique,8 rarementun hémangiome synovial (monoarticulaire)3 ou uneostéoarthropathie nerveuse.10 Des abcès et certai-nes tumeurs solides peuvent mimer une pseudotu-meur chez ces patients chez lesquels la ponction-biopsie n’est envisageable que sous couverturethérapeutique.5

Traitement

Le traitement prophylactique de l’hémophilie com-bine :

• des mesures éducationnelles : port d’une carted’hémophile, bonne hygiène dentaire, pros-cription des traitements anticoagulants, desgestes et des activités à risque hémorragique ;

• la transfusion de culots concentrés en facteurdéficitaire. Il importe, en effet, de conserverun taux du facteur déficitaire au-dessus de 1 %,et si possible au-dessus de 30 % de la normalepar des injections régulières tout au long del’existence2 et ce, probablement dès les pre-mières années de la vie.11 Ce traitementcontraignant permet d’éviter le développe-ment des arthropathies hémophiliques, mais iln’est cependant pas encore généralisé enFrance en raison de la crainte du risque infec-tieux et du coût économique.En cas de prodromes, une perfusion de facteurs

de coagulation doit être réalisée, éventuellementau domicile.L’hémarthrose aiguë nécessite :• une compression articulaire avec de la glace ;• la perfusion de facteurs de coagulation qui,durant les premiers épisodes de la maladie, peutêtre prolongée tant que l’échographie ne mon-tre pas le retour à la normale de la synoviale ;7

• une ponction évacuatrice dès la fin de la per-fusion ;

• une mise au repos de courte durée et unekinésithérapie précoce.En cas de synovite persistante en échographie ou

en IRM, la synoviorthèse isotopique ou, en casd’échec, arthroscopique peut être discutée.6,11 Dèslors que les altérations intéressent le cartilage etl’os sous-chondral, l’évolution est inéluctable et lamise en place d’une prothèse articulaire le recoursultime.1,3

Les pseudotumeurs sont maîtrisées médicale-ment si elles sont de petite taille mais leur exérèseest indispensable si elles s’élargissent.5

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