6
M&decine et Maladies lnfectieuses -- 1990 -- st~cial Ao~t - Septembre -- 414 8 419 L'EVALUATION ECONOMIQUE DU COUT ET DU TRAITEMENT DE LA PNEUMOCYSTOSE* A. FLORI** et A. TRIOMPHE*'" Les notions d'efficacit~ et d'~valuation ~conomique des strategies m~dicales sont sur toutes les lan- gues. T~moignage d'un tel engouement : la crea- tion r~cente de rAgence Nationale pour rEvaluation M~dicale. Mais, jusqu'~ present, les ~valuations effectu~es portaient essentiellement sur les r~sul- tats m~dicaux des traitements. De plus en plus, on adjoint un volet ~conomique aux ~valuations r~a- lis~es. Evaluation n~cessaire dans le domaine du m~dicament pour la r~alisation d'un dossier de prix aupr~s de la commission de transparence et qui se justifie dans une p~riode de forte croissance des d~penses de sant~. L'objet de notre presentation est de tenter une ~valuation ~conomique des strategies de prophy- laxie de la pneumocystose (PPC) dans le cadre de l'infection ~ VIH. Pour ce faire, en quelques lignes, nous d~finirons ce qu'est l'~valuation ~conomique, puis nous pr~senterons les donn~es ~pid~mio- Iogiques et les traitements s~lectionn~s. Nous ex- poserons ensuite les hypqth~ses et les m~thodes de notre recherche puis les r~sultats ; quelques re- marques sur leur port~e serviront de conclusion. DEFINITION DE L'EVALUATION ECONOMIQUE Dans son principe, l'~valuation ~conomique consis- te ~ ~valuer et ~ comparer d'une part les moyens utilis~s pour effectuer une activit~ de sant~, d'autre part les r~sultats de cette activit~ (1). L'~valuation ~conomique revient ~ apporter des ~l~ments quan- tifi~s d'appr~ciation sur l'int~r~t pour la collectivit~ d'une pratique m~dicale donn~e. * Rapport pr~sent~ lots de la premiere Conference de Consensus en th~rapeutique anti-infectieuse tenue 8 Paris le 11 mai 1990. ** Maitre de conference 8 rUniversit~ de Bourgogne, F-21000 Dijon. *** Directeur de Recherche, INSERM, Universit~ Paris I, Laboratoire d'Economie sociale, 90 rue de Tolbiac, F-75634 Paris cedex 13. Correspondance : A. Triomphe - Paris. Une ~valuation ~conomique se fair selon trois ~tapes, dont les deux demi~res sont du domaine de r~conomique et exigent, en principe, la r~alisation de la premiere. Cette derni~re, de nature m~dicale et technique, consiste ~ comparer des actions m~dicales que l'on souhaite ~valuer, l'indicateur de r~sultat ~tant exprim~ en termes de quantit~ de sant~. C'est le domaine des essais cliniques. La seconde ~tape, co0t-efficacit~, met en regard les progr~s mis en oeuvre par une action ou par des soins et les coots directs exprim~s en termes mon~taires, les b~n~fices restant exprim~s en entit~s physiques. La troisi~me ~tape introduit la valorisation des coots et des b~n~fices, qu'ils soient quantitatifs ou qualitatifs (qualit~ de vie). Ces derniers sont valoris~s selon le coot que leur fixe la collectivit~ ; c'est ce que ron appelle la m~thode co0t-b~n~fice. La m~thode co0t-efficacit~ permet de s~lectionner la meilleure strat~gie pour obtenir un but fix~ (en termes de sant~), alors que la m~thode co0t-b~n~- fice a pour but de comparer des actions qui ne sont pas du m~me domaine, afin de proc~der ~ rallocation optimale des ressources et de maximiser le bien-~tre de la societY. On peut tirer de ce qui precede que, pour une ~tude ~conomique, il conviendrait de proc~der ~ la fois l'analyse co0t-efficacit~ et du calcul du rapport coot- b~n~fice. Par ailleurs, ces analyses supposent des connaissances cliniques afin de construire des modules, ce qui fair d~faut clans le casque nous abordons aujourd'hui. N~anmoins, dans certaines situations caract~ris~es par rincertitude ou l'absen- ce de donn~es, l'analyse ~conomique peut ~tre amen~e ~ ~clairer des choix. La m~thode co0t-b~n~fice suppose des hypotheses tr~s contraignantes, notamment en termes de valorisation de la vie humaine et de comparabilit~ des individus, ce qui fait qu'une telle procedure d~passe la question posse aujourd'hui. Nous nous limiterons ici t~ une ~tude coflt-efficacit~. Pour conduire l'analyse, il a fallu calculer le coot des 414

L'evaluation economique du cout et du traitement de la pneumocystose

  • Upload
    a

  • View
    214

  • Download
    1

Embed Size (px)

Citation preview

M & d e c i n e e t M a l a d i e s l n f e c t i e u s e s - - 1990 - - s t ~ c i a l A o ~ t - S e p t e m b r e - - 414 8 419

L'EVALUATION ECONOMIQUE DU COUT ET DU TRAITEMENT DE LA PNEUMOCYSTOSE*

A. FLORI** et A. TRIOMPHE*'"

Les notions d'efficacit~ et d'~valuation ~conomique des strategies m~dicales sont sur toutes les lan- gues. T~moignage d'un tel engouement : la crea- tion r~cente de rAgence Nationale pour rEvaluation M~dicale. Mais, jusqu'~ present, les ~valuations effectu~es portaient essentiellement sur les r~sul- tats m~dicaux des traitements. De plus en plus, on adjoint un volet ~conomique aux ~valuations r~a- lis~es. Evaluation n~cessaire dans le domaine du m~dicament pour la r~alisation d'un dossier de prix aupr~s de la commission de transparence et qui se justifie dans une p~riode de forte croissance des d~penses de sant~.

L'objet de notre presentation est de tenter une ~valuation ~conomique des strategies de prophy- laxie de la pneumocystose (PPC) dans le cadre de l'infection ~ VIH. Pour ce faire, en quelques lignes, nous d~finirons ce qu'est l'~valuation ~conomique, puis nous pr~senterons les donn~es ~pid~mio- Iogiques et les traitements s~lectionn~s. Nous ex- poserons ensuite les hypqth~ses et les m~thodes de notre recherche puis les r~sultats ; quelques re- marques sur leur port~e serviront de conclusion.

DEFINITION DE L'EVALUATION ECONOMIQUE

Dans son principe, l'~valuation ~conomique consis- te ~ ~valuer et ~ comparer d'une part les moyens utilis~s pour effectuer une activit~ de sant~, d'autre part les r~sultats de cette activit~ (1). L'~valuation ~conomique revient ~ apporter des ~l~ments quan- tifi~s d'appr~ciation sur l'int~r~t pour la collectivit~ d'une pratique m~dicale donn~e.

* Rappor t pr~sent~ lots d e la premiere Conference de Consensus en th~rapeutique anti-infectieuse tenue 8 Paris le 11 mai 1990. ** Maitre de conference 8 rUniversit~ de Bourgogne, F-21000 Dijon. *** Directeur de Recherche, INSERM, Universit~ Paris I, Laboratoire d'Economie sociale, 90 rue de Tolbiac, F-75634 Paris cedex 13. Correspondance : A. Triomphe - Paris.

Une ~valuation ~conomique se fair selon trois ~tapes, dont les deux demi~res sont du domaine de r~conomique et exigent, en principe, la r~alisation de la premiere. Cette derni~re, de nature m~dicale et technique, consiste ~ compare r des actions m~dicales que l'on souhaite ~valuer, l'indicateur de r~sultat ~tant exprim~ en termes de quantit~ de sant~. C'est le domaine des essais cliniques. La seconde ~tape, co0t-efficacit~, met en regard les progr~s mis en oeuvre par une action ou par des soins et les coots directs exprim~s en termes mon~taires, les b~n~fices restant exprim~s en entit~s physiques. La troisi~me ~tape introduit la valorisation des coots et des b~n~fices, qu'ils soient quantitatifs ou qualitatifs (qualit~ de vie). Ces derniers sont valoris~s selon le coot que leur fixe la collectivit~ ; c'est ce que ron appelle la m~thode co0t-b~n~fice.

La m~thode co0t-efficacit~ permet de s~lectionner la meilleure strat~gie pour obtenir un but fix~ (en termes de sant~), alors que la m~thode co0t-b~n~- fice a pour but de comparer des actions qui ne sont pas du m~me domaine, afin de proc~der ~ rallocation optimale des ressources et de maximiser le bien-~tre de la societY.

On peut tirer de ce qui precede que, pour une ~tude ~conomique, il conviendrait de proc~der ~ la fois l'analyse co0t-efficacit~ et du calcul du rapport coot- b~n~fice. Par ailleurs, ces analyses supposent des connaissances cliniques afin de construire des modules, ce qui fair d~faut clans le c a s q u e nous abordons aujourd'hui. N~anmoins, dans certaines situations caract~ris~es par rincertitude ou l'absen- ce de donn~es, l'analyse ~conomique peut ~tre amen~e ~ ~clairer des choix.

L a m~thode co0t-b~n~fice suppose des hypotheses tr~s contraignantes, no tamment en termes de valorisation de la vie humaine et de comparabilit~ des individus, ce qui fait qu'une telle procedure d~passe la question posse aujourd'hui. Nous nous limiterons ici t~ une ~tude coflt-efficacit~. Pour conduire l'analyse, il a fallu calculer le coot des

414

strategies de traitement sur une p~riode donn~e et non le coot du traitement lui-mOme. On appeUera strat~gie une succession de d~cisions et d'inter- ventions m~dicales.

FONDEMENTS EPIDEMIOLOGIQUES UTILISES

La pneumocystose (PPC) est l'une des infections opportunistes majeures du SIDA; c'est m~.me l'infection majeure qui caract~rise le passage au SIDA (40 % des patients). Par ailleurs, 70 ~ 90 % des personnes infect~es par le virus de l'immuno- d~ficience humaine (VIH) pr~senteront un ou plusieurs ~pisodes de PPC, et cela malgr~ de r~els progr~s th~rapeutiques et diagnostiques (2). On peut estimer qu'entre la fin 1989 et la fin 1990, environ 10 000 patients atteindront le stade SIDA et que plus de 4 000 d'entre eux risquent de faire un ~pisode de PPC (2). Aux cas de pneumocystose inaugurale, il nous faut ajouter ceux des patients qui sont au stade SIDA, qui n'ont pas fair de PPC inaugurale et ceux qui vont rechuter en rabsence de prophylaxie secondaire.

Des recommandations am~ricaines (3) nous tire- rons que la prophylaxiede la PPC est indiqu~e pour les patients SIDA (prevention primaire ou secon- daire et pour les patients s~ropositifs ayant moins de 200 lymphocytes CD4 par mm 3 (200 CD4 ou T4 < 200). Ce sont les deux groupes-cibles que nous retiendrons. N~anmoins, pour des raisons li~es 8 la fois aux composantes sociales de r~pid&mie (toxicomanes) et au fait que la prophylaxie ne se pratique pas sur la dur~e totale de rinfection, la population-cible doit ~,tre r~duite ; on peut supposer que 70 % de la population th~orique (patients SIDA + ; patients CD4 < 200) b~n~ficieront du traitement.

Pour ces individus, la prophylaxie de la PPC semble ~tre route indiqu~e en l'absence de traitement curatif. II nous faut maintenant d~crire les traite- ments s~lectionn~s afin de calculer le coot d'une pneumocystose ~vit~e.

LES TRAITEMENTS "SELECTIONNES"

Le document am~ricain (3) repris par le Bulletin Epid~miologique Hebdomadaire (2) indique deux types de traitement possibles pour la prophylaxie de la PPC : tout d'abord, un traitement oral, Bactrim® fort (on choisira par facilit~ la prescription la plus fr~quemment r~pandue : trois comprim~s par jour), d'autre part, un traitement par vole d'a~rosols de pentamidine (300 mg par mois) conform~ment ~ ce qui est recommand~ dans le document am~ricain. On peut supposer, en l'absence de donn~es Clini-

ques 8 long terme, que les deux traitements altema- tifs ont, en termes d'efficacit~, des avantages pro- ches et des inconv~nients (effets secondaires et incompatibilitY) qu'il est difficile, par contre, de corn- parer.

D'autres traitements sont ~ l'~tude (Dapsone, Fansidar®, mais nous ne disposons pas aujourd'hui de donn~es, m0.me partielles pour en rendre compte. Pour faciliter l'~tude ~conomique, et en l'absence d'informations, nous avons donc choisi les deux traitements Bactrim® et a~rosols. La vacuit~ des informations nous a conduit h faire des hypotheses et h construire un module que nous pr~senterons maintenant.

PRINCIPES ET METHODES DE CALCUL

On consid&re que l'objectif essentiel de la prophy- laxie de la PPC est d'en emp~cher la survenue. On ~tudie donc le coot d'une PPC ~vit~e, c'est-h-dire en fonction des donn~es ~pid~miologiques disponibles, de l'efficacit~ des traitements proposes, des contre- indications et des modalit~s actuelles de traite- ment : combien faudra-t-il d~penser pour ~viter un ~pisode de PPC ? Puisque ron ne dispose pas de crit&res pr~dictifs certains de la pneumocystose, le coot de la PPC ~vit~e n'est pas seulement celui du traitement d'un individu mais celui de rensemble des coots engendr~s par la mise sous prophylaxie, plus ceux des bilans et du coot des soins aux personnes qui feront un ~pisode de PPC malgr~ la prophylaxie. En effet, en l'absence de prophylaxie, ce n'est pas rensemble des individus des deux populations qui fera une PPC mais 60 % seulement (estimation foumie par A. Laporte, DGS). II faudra donc rappor- ter ~ 60 % le traitement foumi ~ l'ensemble.

Dans notre calcul, nous sommes partis de ren- semble de la population-cible, en supposant qu'une seule strat~gie ou traitement est clisponible. II faut donc int~grer, d&s le d~part, les ~checs et les contre-indications (figure 1). En rabsence de don- n~es satisfaisantes sur l'efficacit(~ des strategies possibles,on supposera que leur efficacit~, ~ chaque stade de la maladie, est comparable (P3 constant) mais, ce qui diff~re entre les deux traitements, c'est P1 c'est-~-dire la probabilit~ d'entrer dans la strata- gie (contre-indication, incompatibilitY), P2 ~tant le mOme (~pid~miologie).

METHODES DE CALCUL

Le calcul a ~t~ effectu~ en trois ~tapes. Darts la pre- miere, on a calcul~ le coot d'un mois de traitement par a~rosol de pentamidine 300 mg/mois ou un mois de traitement Bactrim®, ce qui constitue la base du traitement ; si ron consid~re seulement ces deux for-

415

HGURE 1

ModUle de mesure du coat de la pneumocystose ~vit~e

100

m

P3 _ 6vit6e

P 2 ~ . , prophvlaxie P 1 ~ ~ (l-P3) ecnec

(1-P2) non survenue

(l-P2) ~ ~chec 1 \ I prophylaxle n o n

(I-P2) N non survenue l ,...i

Nombre de pneumocystoses 6vit6es : Pl*P2*P3 ]

Pl : probabilit6 d'inclusion dans le traitement ; (l-P1) contre- indication. P2 : probabilit6 d'effectuer une pneumocystose en rabsence de prophylaxie. P3 : efficacit6 de la prophylaxie; 1-P3 taux d'&chec.

HGURE 2

1400"

1200-

1000-

800-

600-

400-

200-

Coat d'un mois de prophylaxie de la PPC

Francs Avec brian [ ] A6rosol 1

H6pital de jour [ ] A~rosol 2

~ [ ] A~rosol 3

A domicile [ ] A6rosol 4

consultation [ ] A6rosol 5

o oo6 [ ] Bactrim 1

. . . . . . [ ] Bactrim 2 > ' > ' > ' > " > ' > ' ~ i

o o [ o" o" ~" o ~ ~ ~ ~ ~ B a c t r i m 3 & ~_ & o & ~. ~ ~,~, i.a ~o .~ ta o-, ~ ~o ua ~" source

Donn6es LES

60000.

50000

40000.

30000-

20000-

10000"

i 0 '

HGURE 3

Coat d'une PPC ~vit~e sur 20 mois, patients SIDA.

Francs

H6pital de jour

En consultation

:ide°mi- N

avec bilan

ImA~rosol I [

[]Aerosol 2 I

I~A6rosol 3 I

A domicile ~Aerosol 4 I UA6rosol ~ I V1A6rosot b I ~Bactrim 11 [2]Bactnm -' I

~Bac tnm .~ I

: ,' Source ¢v ~ ~ r~ Donn6es LES

rues de traitement, plusieurs modalit~s d'adminis- tration sont possibles. Les s~ances d'a~rosol peu- vent 0.ire effectu~es ~t domicile, avec ou sans raide d'une infirmi~re (strat~gie h domicile sur les figures 2 et 3) Iors d'une consultation & rh6pital (consul- tations dur les figures ci-jointes) ou au cours d'une journ~e d'hOpital de jour (hOpital de jour sur les figures); de plus, la s~ance ~ domicile n~cessite la location d'un compresseur et rachat d'un masque dont les prix sont tr~s variables. Enfin, m0.me si ris~thionate de pentamidine vient de recevoir rautorisation de raise sur le march~, son prix est en cours de n~gociation ; on a choisi donc un prix maximum et un prix minimum. De m~me, la prescrip- tion de Bactrim®, dont le prix est fix~ et connu, peut s'accompagner d'une prescription suppl~men- taire d'acide folinique ou/e t n~cessiter des bilans de suivi sp~cifique pour d~tecter les incompatibilit~s.

Ce sont donc uniquement les coats directs qui ant ~t~ ~valu~s : les coats de structure (construction, ~quipement de nouveaux services, affectation de personnels) front pas 6t~ pris en compte, ni les coats indirects (pertes de production li~es ~ rabsen- t~isme, g~ne li~e au traitement) ; on a donc suppo- s~ que la logique m~dicale pr~sidait ~ la d~termina- tion de la strat~gie sans tenir compte des ~l~ments qualitatifs li~s h la vie quotidienne des malades. C'est donc uniquement les coots induits par la strat~gie de la prophylaxie qui ant ~t~ ~valu~s, autrement dit, les coats induits par les d~cisions (prescriptions, consultations, bilans), pond~r~s par la fr~quen- ce des ~v~nements qui justifient cette d~cision (~checs, contre-indications, non-survenue de la pneumocystose). Le tableau I indique le coat d'un mois de prophylaxie suivant les diff~rentes strata- gies.

En fonction de ces calculs (coOt d'un mois de prophylaxie), deux scenarios ant ~t~ utilis&s pour calculer le coat d'une PPC ~vit~e :

1) Patients au stade S IDA

On ne consid~re que les patients au stade SIDA, chaque patient appartenant & la population-cible b~n~ficiant d'une prophylaxie durant 20 mois ; 60 % des individus risquent de faire un ~pisode de PPC. En ce qui conceme la strat~gie a~rosols, un bilan peut 0Are fait ~ l'entr&e ; coClt du bilan ; 1 797 francs (d'apr~s les informations fournies par MMrs Bez et Boulay*). Le taux de contre-indications ou de rejet du traitement est de 5 % (taux d'adh~sion : 95 %) ; le taux de r~ussite du traitement, c'est-~-dire de pneumocystose ~vit~e, est de 90 % des personnes susceptibles de faire un ~pisode de PPC (60 % de la population ~ risque d'~pisode de PPC). Le tableau II donne la d~composition des strategies a~rosols.

* F. Boulay, G. Bez Analyse de I'activit6 m6dicale des CISIH.

416

TABLEAU I

CoOt d'un mois de prophylaxie (en Francs)

A~rosol 1 250 A6rosol 2 635 A~rosol 3 295

A~rosol 4 495

A~rosol 5 870 A~rosol 6 1010 Bactrim 1 98 Bactrim 2 418 Bactrim 3 1313

A domicile sans aide A domicile avec aide En consultation ~ rh6pital

(minimum) En consultation & rh6pital

(maximum) A l'h6pital de jour (minimum) A rh6pital de jour (maximum) Bactrim® seul Bactrim® + acide folinique Bactrim® + acide folinique + bilan

Pour ce qui est de la strat~gie Bactrim®, le taux d'efficacit~ (90 %) est le m~me que pr~c~demment, ce qui diff~re c'est le taux de contre-indications ou d'incompatibilit~ (10 % au lieu de 5 %).

2) S t r ~ g i e s appliqu~es aux p~ients CD4<200

C'est ici uniquement une prophylaxie primaire qui est faite ; ce qui diff~re de la strat~gie pr~c~dente, c'est la probabilit~ de survenue d'une pneumo- cystose (40 % au lieu de 60 %), le taux de r~ussite est de 96 % au lieu de 90 % et la dur~e de la prophylaxie est de 26 mois. Pour la strat&gie a~- rosols, on suppose qu'il n'y a pas de contre-indi- cation (taux d'adh~sion : 100 %) et, pour la stra- t~gie Bactrim, le taux d'inclusion est de 90 % (10 % de contre-indications).

RESULTATS

Le cofit par mois d'une PPC ~vit~e

Le coot d'un mois de prophylaxie est l'unit~ de base de nos calculs ; c'est en fonction de cette donn~e et des probabilit~s d'occurence des ~v~nements que varie le coot d'une PPC ~vit~e. Pour les a~rosols, le coot d'un mois de prophylaxie varie ~ domicile entre 250 et 635 francs, selon le prix du m~dicament, du compresseur et du masque mais aussi selon qu'il y a ou non recours 8 une infirmi~re, et /ou une consul- tation.

- A l 'h6pi tal , e n c o n s u l t a t i o n (A~rosol 3 et A~ro- sol 4 sur la figure), le coot varie entre 295 et 495 francs selon le coot du m~dicament et la valori- sation des soins infirmiers. - A l ' h~p i ta l de j o u r (A~rosol 5 et A~rosol 6), strat~gie rare mais qui peut ~tre ~voqu~e, le coot est beaucoup plus ~lev~ que pour les autres types de prise en charge du traitement : celui-ci se situe entre 870 et 1010 francs, la composante majeure ~tant le coot d'une journ~e d'hospitalisation de jour.

Ainsi, si les coots de la prise en charge & domicile et en consultation sont, ~tant donn~ l'6tat de nos connaissances, assez proches, par contre, la prise en charge & l'hOpital de jour est nettement plus ~lev6e.

Pour la strat~gie Bactrim® (Bactrim 1, Bactrim 2, Bactrim 3), le coot de la prise en charge va de 98 francs (simplement le m~dicament) ~ 1 313 francs (avec un bilan) (Bactrim 3). Si on prescrit en m~me temps que le Bactrim de racide folinique, alors le coot passe de 98 francs ~ 418 francs par mois (Bactrim 2). Pour ce type de prise en charge plus

e n c o r e que pour les a~rosols ce n'est pas tant le coot du m~dicament qui importe que les modalit~s (bilan ou non bilan, acide folinique ou non).

R~sultats des strategies sur 20 mois

Le tableau II indique pour les a~rosols comment les calculs ont ~t~ effectu~s et le tableau III pr~sente une synth~se des r~sultats.

Le coot d'une PPC ~vit~e par a~rosol se situe entre 17 028 francs (~ domicile A~rosol 1) sans bilan effectu~ ~ l'entr~e et 48 679 francs (strat~gle A~ro- sol 6) & l'h6pital de jour avec bilan effectu~ ~ l'entr~e. En fait, le coot d'une PPC ~vit~e est dans le m~me rapport que celui d'un mois de prophylaxie puisque nous ne pouvons pas juger si, & l'int~rieur d'une po- pulation, les risques d'6chec peuvent ~tre diff~rents selon le mode de prise en charge ; nous les avons donc supposes ~gaux. Si l'on n'effectue pas le bilan & l'entr~e, le coot maximal de la prise en charge & l'h0pital passe & 28 175 francs. Ce qui montre, 1~ aussi, la grande sensibilit~ aux acres suppl~men- taires.

Pour la strat~gie Bactrim®, compte tenu du taux de non inclusion (10 %), le coot d'une pneumocystose ~vit~e varie entre 14 375 francs ~ domicile (Bac- trim 1) et 59 375 francs (strat~gie maximale). La prescription d'acide folinique suppl~mentaire donne un coot de 26 227 francs, soit un doublement du coot de la prise en charge. Le fair de pratiquer un bilan de surveillance entraTne un autre doublement du coot.

TABLEAU ii

CoOt d'une pneumocystose ~vit~e sur 20 mois

A~rosol 1 17028 A~rosol 2 34790 A~rosol 3 18028 A~rosol 4 31679 A~rosol 5 43494 A~rosol 6 48679 Bactrim 1 14375 Bactrim 2 26227 Bactrim 3 59375

417

TABLEAU III

CoOt d'une pneumocystose ~vit~e CD4<200 26 mois

Aarosol 1 18836 A~rosol 2 44904 Aarosol 3 21883 Aarosol 4 44784 A~rosol 5 60815 Aarosol 6 70294 Bactrim 1 13846 Bactrim 2 35513 Bactrim 3 59753

Le nombre de pneumocystoses ~vit~es, si l'on g~n~ralisait la prophylaxie & l'ensemble de la po- pulation cible (70 % du nombre des personnes atteintes de SIDA), serait de 4 200 (60 %) 8 7 000 jusqu'& fin 1991. Si ron suppose que le taux de mortalitY, au cours d'un @isode de pneumocystose, est de 10 %, le nombre de d~c~s ~vit~s serait alors de 420, ce qui implique que ces patients ne d~c~- deraient pas de PPC mais d'une autre affection opportuniste et cela contribuerait ~ l'allongement de leur dur~e de vie.

Stratfigie primaire pour les CD4<200

Pour la strat~gie de prophylaxie primaire, on a consid(~r~ que le taux de survenue d'une PPC ~tait de 40 %, c'est-&-dire une estimation haute de la fr~- quence des pneumocystoses inaugurales. Par ail- leurs, on a fait ~.galement une autre hypoth&se : il n'y aurait pas de contre-indication pour la strat~gie a~rosols mais 10 % des individus ne pourraient sui- vre le traitement Bactrim®. Le taux de r6ussite de chaque traitement est de 96 % (figure 4).

Pour ce qui est de la prophylaxie par strat~gie a~rosols, le CoOt va de 1 836 francs (strat~gie

FIGURE 4

CoOt d'une PPC ~vit~e en prophylaxie primaire sur 26 tools, CD4<200.

80000" Francs

70000-

60000 -

50000 A domicile

A l'h6pital de jour

En consultation

30000

20000

0o0t§ 0 ' I ; i '

o o o. ~

II A~rosol 1 Avee bilan

A domicile !

g

[] A~r~ol 2 0q A~rosol 3

A~rosol 4 A~rosol 5

D A~rosol 6 Bactrim 1

E] Bactrlm 2 I~ Bactrim 3

Source Donn6es LES

domicile) ~ 44 784 francs (consultations hospita- li~res) pour 26 mois de prophylaxie. On ne peut retenir, pour des raisons structurelles, la strat~gie hOpital de jour dont le cofJt varierait entre 60 815 et 70 299 francs. Si ron suppose qu'il n'y a pas de bilan effectu~ ~ l'hOpital, le coot maximum de la PPC ~vit~e passe de 44 784 8 40 104 francs. Ces coots sont du m~.me ordre que dans le premier scenario (prophylaxie pour les patients atteints de SIDA) car on a considerS, dans ce premier cas, qu'il n'y avait pas d'incompatibilit~. I~ aussi, on retrouve le fait que le coot de la PPC ~vit~e est largement d~pendant des modalit~s de la prise en charge des patients et non du prix du m~dicament.

Pour la strat~gie Bactrim®, le coot d'une PPC ~vit~e varie de 13 846 francs (Bactrim seul = Bactrim 1 sur le graphique) ~ 59 753 francs (Bactrim® + acide folinique + bilan = Bactrim 3 sur le graphique). Si l'on consid~re que les bilans ne doivent pas ~.tre pris en compte, le coot maximum passe ~ 35 513 francs (Bactrim + acide folinique). On retrouve le fair, not~ plus haut, que radjonction d'acide folinique ~ la prescription multiplie par 2,5 le cofJt d'une PPC ~vit~e.

Le hombre de pneumocystoses ~vit~es par une strat~gie de prophylaxie est, dans ce cas, difficile ~valuer. Si l'on suppose qu'il y a, en 1990, entre 100 000 et 150 000 s~ropositifs, on peut ~valuer le nombre de patients CD4<1 200 ~ 25 % (estimation communiqu~e par P. Buchet, d'apr~s fichier des CISIH) ; il y aurait donc entre 25 000 et 37 500 s~ropositifs ~ traiter ; la population-cible (70 %) comprendrait entre 17 500 et 26 500 patients. Ces chiffres ne peuvent ~.tre consid~r~s que comme des hypotheses hautes car on ne conna~t pas exactement le pourcentage de s~ropositifs trait~s. Si on les retient n~anmoins, le nombre de mois de prophylaxie varierait entre 455 000 et 689 000. Le nombre de PPC ~vit~es se situerait entre 7 000 et 105 000.

DISCUSSION

L'~.tude que nous avons entreprise repose sur un ensemble d'hypoth&ses et d'informations incom- pl~tes ; il faut donc consid~rer ces r~sultats avec la plus grande prudence. N~anmoins, le r~sultat mar- quant est que le cogt de la pneumocystose ~vit~e est largement d~pendant de la structure de soins plus que du coot du m~dicament.

La strat~gie Bactrim®, lorsqu'elle est effectu~e seu- le (Bactrim 1) est toujours la moins col~teuse, ce qui correspond ~ ce qui avait ~t~ not~ par ailleurs (2). Ceci correspond au fair que seul le m~dicament est administr~. Si l'on ajoute au Bactrim® de l'acide folinique, on s'aperqoit que le coot de cette stra-

4 1 8

t~gie est proche des strategies a6rosols, ~tant donn6 la faiblesse des informations disponibles. La difference entre la strat~gie Bactrim® et la strata- gie A6rosols repose donc sur le taux d'inclusion.

Quant 8 la g~n~ralisation de ces r~sultats, notam- ment le calcul de l'efficacit~ globale de la strat~gie, il est peut-Otre n6cessaire de disposer de plusieurs strategies et non d'une seule.

Par ailleurs, au sein m~.me d'une strat~gie, a~rosols ou Bactrim®, plusieurs modes de prise en charge peuvent se cOtoyer (~ l'h6pital ou en ville) ; ceci tout d'abord afin de r~duire les coots de structure et, d'autre part, d'assurer un meilleur suivi des patients par la possibilit~ de faire des bilans 8 rh6pital et enfin de permettre un plus grand confort des patients en leur donnant la libert~ de choisir leur mode et lieu de traitement. Ce dernier 61~ment - qualit~ des soins, appreciation par le patient - n'a pas ~t~ pris en compte. Or clans un traitement au long cours, com- me dans une prophylaxie (entre 20 et 26 mois), le choix fair par le patient est tr~s important pour la r6ussite des traitements. De plus, s'il n'est pas certain que le choix des patients porte sur la strat~gie ~ domicile, la mise en oeuvre d'une telle strat~gie n~cessite qu'il y ait domicile, qu'il y air de la place dans celui-ci et que le patient ait acquis une qualification suffisante pour mener ~ bien son traitement. On peut voir, dans ce dernier crit~re, une l~gitimisation du d6veloppement des services de soins ~ domicile. Mais, ces services conduiront des coots plus ~lev~s. On peut donc supposer, au vu des r~sultats, que 50 % de la strat6gie a~rosols aurait lieu ~ l'hOpital et 50 % h domicile. Tout montre en effet que l'h6pital de jour n'est pas adapt~ 8 un tel traitement et que son coot est r6dhibitoire.

D'autre part, en ce qui conceme les bilans, on peut supposer que la prophylaxie des PPC n'est pas con-

duite isol~ment, c'est-h-dire qu'elle est un ~16ment ou une composante d'un traitement global et donc que les bilans n~cessaires sont faits avec ceux des autres composantes. Le coot des bilans n6cessaires est donc compris parmi ceux qui sont effectu~s par ailleurs, notamment pour le suivi des patients sous AZT. Mais, dans ce cas, et nous n'avons p u l e faire, il faudrait ~valuer la part sp~cifique qui revient ~ la PPC dans le bilan li~ 8 rAZT.

Les coots pr~sent~s ici ne sont que des estimations car, outre le prix des m6dicaments et des appareils que nous ne connaissons pas encore, les traite- ments actuels sont en partie au stade de ressai clinique, II y a donc absence de routine et d'~cono- mie d'~chelle et un surcofit li~ 8 la recherche. Le but de la conference de consensus se situe bien dans ce cadre : r~duire le coot par la d~finition de protocoles optimaux en termes de suivi m~dical et non pas ~valuation ~conomique. D'autre part, on peut sup- poser qu'une meilleure connaissance des traite- ments permettra de r~duire les contre-indications et d'appr6cier plus finement les effets compl~mentaires (r~duction de la toxoplasmose par exemple). En l'absence de tels crit~res, les choix doivent por te r plut6t sur des strategies mixtes. On ne peut rejeter d'embl~e, en raison de leur coot, l'une ou l'autre modalit~ du traitement, sauf l'hOpital de jour ou rune ou rautre des strategies.

Ainsi, ce travail, qui devra ~tre suivi en fonction des innovations th~rapeutiques ~ venir, n'est qu'une indication compl~mentaire pour le praticien et le d~cideur. Elle permet au professionnel de la m~decine de mieux comprendre les cons6quences ~conomiques d e leurs choix, en l'~tat actuel de leurs connaissances. N(~anmoins, aujourd'hui en France, n'est-il pas souhaitable de consid6rer que les d6cisions m~dicales ne peuvent ~.tre prises que sur des crit~res 6thiques et m6dicaux, tout en optimi- sant rallocation des ressources ?

BIBLIOGRAPHIE

I. DRUMMOND M.F. et al - Methods for the Economic Evaluation of Health care programmes. Oxford University Press. Oxford 1987.

2. GIRARD P.M., SAIMOT A.G., BOUVET E. et al - La pr6- vention de la pneumocystose au cours de l'infection 8 VIH.

3. BEH, 14, 1990. Guidelines for prophylaxis against Pneumocystis carinii pneumonia for persons infected with Human Immuno- deficiency virus. MMWR, 1989, 38, (suppl. 5), 1-9.

Directrice de la Publication : C. GALLULA - D6p6t I~gal 36me trimestre 1990 ~ CPPP 51460 - Imprimerie du Maine Libre - Le Mans

419