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l'Hémicycle - #413

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l'Hémicycle numéro 413 du mercredi 22 juin 2011

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Le patron d’Air France ne s’attendaitcertainement pas à une salve aussirude. À peine renommé à la tête dela compagnie, le voilà sommé parplus de cent députés de droite et degauche de choisir l’européen Airbusplutôt que l’américain Boeing. Et lestrompettes ont sonné au plus hautniveau puisque Pierre-Henri Gourgeona été convoqué prestement par le

Gouvernement pour se faire entendre expliquer qu’unA350 c’est quand même beaucoup mieux et nettementplus français que les futurs B787 produits à Seattle.Il y a quelques mois déjà, ce sont les oreilles du prési-dent de la SNCF qui avaient sifflé très fort, après qu’ileut pris la décision avec les dirigeants d’Eurostar d’a-cheter quelques rames à Siemens plutôt qu’à Alstom.Bref, en ces temps de crise et de délitement européen,il ne fait pas bon pour un dirigeant d’entreprise françaisede choisir un fabricant étranger, quand bien même il seraitde meilleure facture et plus intéressant économiquement.La sauvegarde des emplois, l’image de la marque dansle monde, la capacité à s’exporter et à convaincre lesmarchés les plus lointains sont appelées à la rescoussepour justifier ces démarches officielles qui poussentdes élus et le Gouvernement à intervenir dans les choixdes entreprises publiques ou privées.Certes ce n’est pas nouveau et, depuis 1945, les commu-nistes et les gaullistes, notamment, ont souvent parléun langage commun pour défendre les interventionsde l’État dans la vie des entreprises. Il n’empêche que laconstruction de l’Europe d’un côté et la mondialisationde l’autre avaient profondément modifié depuis trente ansle rapport entre le politique et l’économique. Et une formede libéralisme plus ou moins contrôlé avait acquis droitde cité. Aujourd’hui, la violence de la crise aidant, le poidsdes nationalismes pesant de plus en plus lourd, voilàqu’au nom d’une saine concurrence avec des pays qui nese gênent pas pour faire la même chose, on revient allè-grement trente ans en arrière pour chanter les mérites d’unprotectionnisme ripoliné. La future campagne électorales’annonce joliment cocardière et sacrément passéiste.Décidément, on a bien du mal à entrer dansle XXIe siècle autrement qu’à reculons.

Le chiffre

Quel tohu-bohu ! Un ancienprésident de droite qui décla-re avec tout le sérieux qui

convient pour une mauvaise plaisan-terie qu’il votera pour un éventuel futurcandidat socialiste, et voilà le mondepolitique qui s’emballe entre éclats derire et dénonciations calomnieuses.Pour les uns, à droite comme à gauche,il ne faut voir là que propos de fin debanquet de la part d’un président pluspotache que jamais. Pour les autres, etuniquement à droite cette fois, cettepetite phrase témoignerait plutôt d’unesénilité dont plus rien ni personne nepourrait cacher les ravages. En fait, dix jours après, que reste-t-il de

ces cinq ou six mots iconoclastes ?Le débat demeure entre ceux qui n’yvoient que l’expression d’une nou-velle galéjade très chiraquienne quirelève essentiellement du bon mot etceux qui croient entendre la parolevraie d’un Jacques Chirac libéré dusurmoi présidentiel. À la réflexion,les deux ne sont pas contradictoires.Et l’âge aidant, l’ancien président n’ex-prime-t-il pas sa conviction réaffirméedans le tome 2 de ses Mémoires qu’il ya au moins deux droites, et que la siennen’est pas celle de Nicolas Sarkozy. Lerefus d’une forme d’atlantisme et dulibéralisme économique, rappelé dansLe Temps présidentiel, marque a minima

ces différences. La question n’est doncpas de savoir si Jacques Chirac rat-trapé par l’âge sombrerait dans le nau-frage de la vieillesse décrit par deGaulle, mais si la parole chiraquiennepeut encore peser dans le paysagepolitique de demain. Bref, l’héritagechiraquien existe-t-il et dans ce casquelle influence peut-il avoir sur lesélecteurs de droite en 2012 ? La raisonet l’analyse politique inclineraient àrépondre : aucune. Mais une électionn’est pas faite que de raison. C’estmême l’inverse, l’Histoire n’a pro-gressé que dans le déraisonnable.Alors ! ... R.N.

> Lire p. 2 et 3

NUMÉRO 413 — MERCREDI 22 JUIN 2011 — 1,30 ¤

ÉditorialRobert Namias

Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

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Chirac, combien de divisions ?

lhemicycle.com

Jean-FrançoisSirinelli

P. 2

AlainDuhamel

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DR

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DU

FOU

R / A

FP

Au sommaire • Plan large : Lauvergeon : le bon plaisir ? par MichèleCotta >P. 4 • Initiatives : Tourcoing et la laïcité > P. 6-7 • Focale : l’agitateurbreton, Marc Le Fur > P. 8 •Expertise : La Chine dort encore > P. 11 •Culture :Pater, très Cavalier > P. 12 • Déblogage : Ferry et la nuit du 4-Août > P. 15

80

ERIC

FEF

ERBE

RG /

AFP

C’est le nombre d’Européens victimes d’un handicap.Leurs chances d'intégration sur le marché de l'emploisont très faibles. C’est ce que souligne le rapport d’ÁdámKósa, du Parti populaire européen, seul eurodéputéhandicapé. La difficulté principale des personnessouffrant de handicap est l'accès aux services :scolarisation, emploi, santé. En Europe occidentale,seulement 40 % d'entre elles ont un emploi rémunéré.

L’euro mal en pointLe remaniement ministériel à Athènesn’y changera rien. La crise grecque perdureet met l’euro en danger d’implosion.Par Axel de Tarlé > Lire p.10

Jobs défie ses concurrentsLe patron d’Apple, Steve Jobs, lance iCloud.Avec ce nouveau service, Apple fait entrerles internautes dans l’informatique globale.Explications de Manuel Singeot > Lire p.14

AXEL

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MID

T / A

FP

Et aussi

La « petite phrase » de l’ancien président affirmant qu’il voteraitFrançois Hollande a semé la confusion à droite et fait sourire à gauche.Mais Jacques Chirac pèse-t-il encore vraiment dans le débat politique ?Réponses avec Jean-François Sirinelli et Alain Duhamel.

Protectionnisme : une(mauvaise) idée qui faitson chemin

millions

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2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 413, MERCREDI 22 JUIN 2011

Agora

Quel est le poids aujourd’huide la parole de Jacques Chirac ?Il faut d’abord insister sur sa longé-vité. Si on prend en compte la dyar-chie républicaine – c’est-à-dire lesfonctions de président et de Premierministre – Jacques Chirac est, aubout du compte, celui sous la Ve Ré-publique qui a exercé à ce jour leplus longtemps le pouvoir : seizeans au total ! Cet exercice de fonc-tions s’est réparti dans le temps. Il aété vu et entendu par plusieursgénérations de Français. Compa-rons Jacques Chirac avec un autrehomme de sa génération commeValéry Giscard d’Estaing : celui-cisort du paysage en 1981. JacquesChirac, qui a été son Premier mi-nistre, continuera lui à l’occuper.C’est une différence essentielle. Onest face à deux statues qui n’ont pasoccupé le paysage politique de lamême façon dans la mémoiredes Français. C’est essentiel pourjuger du poids de la parole. Celle deJacques Chirac est donc toujoursprésente. Il y a une autre spécifi-cité à souligner. De Gaulle et Mit-terrand sont morts quelques mois àpeine après avoir quitté l’Élysée.Pompidou, lui, est décédé au pou-voir. Giscard d’Estaing, on l’a vu, aperdu jeune le pouvoir et n’a pas pule récupérer dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. JacquesChirac a donc un statut inédit dansl’histoire de la République. De par son âge, son rôle de pa-triarche connu de toutes les géné-

rations, il marque une forme derepère et d’enracinement dans unmonde qui change à toute vitesse.Ce cumul lui donne une placeparticulière et singulière, commele montre sa popularité dans lessondages. Enfin, il est perçucomme l’envers de l’antisarko-zysme. Ce sentiment existe forte-ment. Jacques Chirac, alors qu’ilappartient théoriquement au mêmecamp, apparaît comme le plus anti-sarkozyste. Mis à part le deuxièmevolume de ses Mémoires, il n’apourtant jamais eu de parole pu-blique contre le président Sarkozy,mais chacun le voit ainsi.

A-t-il encore une autoritésur ce qu’a été son camp ?Jacques Chirac n’a plus d’autoritéstructurelle : il n’est plus au pou-voir, il ne tient plus son camp nison parti. Les tenait-il d’ailleurs en-core à la fin de son mandat ? Clai-rement non. Il ne pourrait doncavoir qu’une autorité morale. Et là,force est de constater que ce n’estpas le cas non plus. Sa popularitén’est pas jointe à l’autorité morale.Pourquoi ? D’abord parce que sonparcours est jalonné par un certainnombre de points ayant suscité lapolémique dans son propre camp :l’appel des 43, l’épisode du second

tour de 1981, la dissolution de1997. Cela laisse des traces indélé-biles. Sans compter les affaires.Peut-on avoir une autorité moralequand on en a tant et que la justiceest devant soi ?

Que pèsent aujourd’hui leschiraquiens ? Cette appellationa-t-elle d’ailleurs un sens ? Quelle est la carte d’identité deJacques Chirac ? Il incarne la troi-sième génération gaulliste. La pre-mière était celle du père fondateur,le général de Gaulle ; la deuxièmeétait celle des « barons ». La troi-sième est celle du néo-gaullisme,

celle du RPR. Il a été l’homme dela mutation du gaullisme. Ce néo-gaullisme a été le ralliement aulibéralisme économique. Son gou-vernement de 1986, sa compo-sition, la politique qui a été alorsmenée en a été l’illustration.Jacques Chirac est alors devenu unpersonnage hybride, ambivalent. Ilne renie pas la part d’intervention-nisme politique du gaullisme, maisce rapprochement avec le libéra-lisme ne lui pose pas de problèmemétaphysique. Incarne-t-il pourautant un idéologisme politique,un « isme » ? Le seul « isme » quel’on puisse évoquer à son sujet,

c’est le pragmatisme. Il y a chez luicette forme de rapport à la poli-tique qu’on trouvait chez HenriQueuille, un autre corrézien, pourlequel la vertu première d’unhomme politique était de fairedurer, de différer le traitement desproblèmes pour faciliter sa surviepolitique.

Quels sont les points communset les différences entre la droitequ’il incarnait et la droitequ’incarne Nicolas Sarkozy ?Si Jacques Chirac est le père dunéo-gaullisme, Nicolas Sarkozy enincarne la deuxième génération. Il

y a une continuité, un aspect gé-néalogique, mais lui est encore plusdans la synthèse. Jacques Chiracincarnait le RPR, un parti qui s’af-frontait à l’UDF. Aujourd’hui, il y aune synthèse de ces deux partis,l’UMP, que Nicolas Sarkozy in-carne. Ce qui pourrait apparaîtrecomme un RPR ripoliné est unevéritable synthèse. Et puis lapolitique, ce sont des combatsd’homme. Leur relation compli-quée compte aussi beaucoup dansles divergences que l’on ressententre eux. Enfin, il ne faut passous-estimer leur différence géné-rationnelle : ils ont plus de vingt

ans d’écart. Ils ne dirigent pas lamême France, ne sont pas confron-tés aux mêmes questions. JacquesChirac était Premier ministre en1974. C’est un homme qui appar-tient à la génération politique desTrente Glorieuses. Il a géré ce quej’appelle « les Vingt Décisives »,une France en crise qui poursuivaitsa mutation pour entrer dans lamondialisation. Nicolas Sarkozy ahérité d’une France ayant muté.Jacques Chirac a fait ses classes po-litiques dans la France d’avant. Ils’inscrit dans la filiation de Pompi-dou, c’est pour cela notammentqu’il rassure autant. Nicolas Sar-kozy lui est un enfant de la télé…

Sa sortie pro-Hollande renvoie-t-elleà un certain flou idéologique quil’a quelque part toujours défini ? L’historien n’aime pas employer lemot de « flou », qui est un juge-ment de valeur. Mais il est vrai quele pragmatisme de Chirac est réel.Ensuite, quand vous faites une syn-thèse politique et économique,comme lui l’a fait, cela peut créerdu flou. Enfin, il a été un véritableJanus. Il a incarné à la fois Paris etla province, été député de Corrèzeet maire de la capitale, défendu lejacobinisme gaulliste et été l’incar-nation des territoires. Mais tout ceflou a aussi produit une longévité !

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

«JACQUES CHIRAC A ÉTÉ UN VÉRITABLE JANUS.C’EST CE FLOU QUI A PRODUIT SA LONGÉVITÉ »

JEAN-FRANÇOISSIRINELLIHISTORIEN ET PROFESSEURÀ SCIENCES PO

Pour Jean-François Sirinelli, c’est la longévité de Jacques Chirac qui lui donne une place à partdans le paysage politique. L’historien considère que le prédécesseur de Nicolas Sarkozy a endosséle costume du patriarche qui rassure, mais sans poids réel sur la vie politique d’aujourd’hui.

«Jacques Chirac ne pourrait avoir qu’une autorité morale,mais force est de constater que ce n’est pas le cas.

Il est populaire mais sans autorité »

DR

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NUMÉRO 413, MERCREDI 22 JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 3

Quel est le poids de la parolede Jacques Chirac aujourd’hui ?On confond beaucoup sa popula-rité et son influence. Sa popularitéest au pinacle ; son influence réelleest beaucoup plus modeste. Maisdans un climat pré-présidentiel,il représente quelque chose. Au-jourd’hui, c’est une sorte de ta-bleau de famille. Quand on passedevant, on y jette un coup d’œil,on l’aime bien, on a du respectpour lui…

Sa sortie en faveur de FrançoisHollande peut-elle avoir un impactsur le débat électoral qui s’ouvre ?À ce stade-là, cela ne peut pas êtremauvais pour François Hollande.Je ne pense pas que cela aura uneffet très grand sur les primaires so-cialistes parce que ce sont les sym-pathisants socialistes les plusengagés qui voteront, et que, pardéfinition, ce ne sont pas eux quiaccordent le plus d’importance auxpropos de Jacques Chirac. En re-vanche, si François Hollande gagneles primaires et qu’il est le candidatdu PS devant l’ensemble des Fran-çais, le fait de recevoir – on peutmême dire régulièrement mainte-nant – des paroles aimables deJacques Chirac, cela peut jouer ensa faveur. Qu’un ancien présidentestime qu’il est capable d’exercer lafonction lui sera utile alors que ladroite rappellera en permanencequ’il n’a aucune expérience gou-vernementale. C’est une sortie qui

ne doit pas être surestimée, maiselle fait partie du paysage.

Est-ce davantage une bonnenouvelle pour François Hollandequ’une mauvaise nouvelle pourNicolas Sarkozy, ou l’inverse ?C’est davantage une bonne nou-velle pour François Hollandequ’une mauvaise pour Nicolas Sar-kozy. Jacques Chirac n’a pas parlédu second mais du premier. Il di-sait d’ailleurs le matin même de cepropos corrézien – cela a été éton-namment très peu relevé – deschoses très aimables dans Le Figaroet très contradictoires avec ses Mé-moires et ce qui allait suivre àl’égard de Nicolas Sarkozy. Ellesétaient peut-être hypocrites, peut-être forcées par la main de sonentourage, mais elles étaientpositives. Jacques Chirac a d’abordexprimé une sympathie person-nelle vis-à-vis de François Hol-lande, un consensus limousin.C’est sincère, d’autant plus queFrançois Hollande se comportecomme un héritier. Quant à Nico-las Sarkozy et lui, on sait très bienque ce sont deux adversaires. Ilsl’ont été ; ils le restent. Et ce n’estpas à son âge que Jacques Chiracva oublier qui a été son adversaireet qui ne l’a pas été. Il lui en voudrajusqu’à sa mort.

Que représente Jacques Chirac dansle paysage politique en général ? Les Français considèrent, comme

toujours, que ce qui a été est mieuxque ce qui est. Ils ont l’impressionqu’à son époque, bien que c’eût étédéjà la crise, les choses étaient plusdouces qu’aujourd’hui en France eten Europe, moins chaotiques. Ilsregrettent l’âge d’or, largementimaginé, de Jacques Chirac : il suf-fit de se rappeler ce qu’étaient lessondages lorsqu’il était président !C’est un phénomène classique dereconstruction. Les Français sontcoutumiers du fait. LorsqueJacques Chirac était chef de l’État,ils regrettaient François Mitterrand.

Lorsque c’était Pompidou, ils re-grettaient de Gaulle. Seul ValéryGiscard d’Estaing ne l’a pas été !Les Français sont spécialistes du re-gret politique.

Que représente-t-il encore à droite ?Il fait partie du patrimoine. Il estdans la galerie des personnages quel’électorat de droite a encadrés enphoto et placés sur la cheminée oule piano. Il est, derrière de Gaulle,celui dont la famille de droite al’image la plus positive, bienveil-

lante, chaleureuse. Il a compté, ilfait partie de l’Histoire. C’est unedes racines de la droite contempo-raine. Il existe des racines chira-quiennes de la droite comme ilexiste des racines chrétiennes del’Europe.

Les chiraquiens ont minoré sa sortie.Quelle conclusion faut-il en tirer ?Ses héritiers directs restent très at-tachés à lui davantage sur un planpersonnel ou affectif que sur unplan partisan. Que, dans ses Mé-moires, Jacques Chirac dise qu’il

n’a pas la même vision de la Franceque Nicolas Sarkozy ne met pasceux qui appartiennent au gouver-nement, ont des responsabilitésau Parlement ou à l’UMP, dansune position très commode, trèsconfortable. Il ne leur simplifie pasla vie.

Cet épisode ne renvoie-t-il pasau fond au flou qui a toujours régnésur ses convictions idéologiquesréelles ?Je ne crois pas qu’il faille attacher

trop d’importance à sa jeunessecommunisante, qui était plutôtune lubie d’adolescent, ou à sapériode radical-socialiste. Ellesexistent, mais elles ne sont pasdéterminantes. Je pense que cetépisode s’explique d’abord par sasympathie pour François Hollandeet par sa déception vis-à-vis deNicolas Sarkozy. François Hollandeutilise les mêmes méthodes àgauche que lui a utilisées à droite.Il y a entre eux une proximité desensibilité et de manière de faire.En revanche, Jacques Chirac a es-péré bâtir avec Nicolas Sarkozy unlien particulier, sans y parvenir.

Est-ce que ce qu’il a dit déplaceraune voix ?Cela n’a pas d’effet immédiat, maisc’est un propos qui désormais estlà, et peut influer. C’est un élémentde climat, de décor. C’est plus dif-fus, plus progressif, mais cela neveut pas dire que ce ne sera pas im-portant à long terme. Il y a enfinune dimension qu’il ne faut pasécarter : les Français savent qu’il nefaut plus écouter Jacques Chiraccomme avant, qu’il ne faut plusle prendre au pied de la lettre,comme lorsqu’il était au pouvoir,que son état de santé joue et qu’ilfaut parfois prendre les chosesrelativement.

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

Agora

«IL Y A ENTRE JACQUES CHIRACET FRANÇOIS HOLLANDE

UNE PROXIMITÉ DE SENSIBILITÉET DE MANIÈRE DE FAIRE »

«Le fait que Jacques Chirac a dit qu’il voterait pourFrançois Hollande constitue un propos qui désormais

peut influer. C’est un élément de climat, de décor»Pour Alain Duhamel, la sortie de l’ancien président ne doit pas être surestimée, mais elle fait partiedu paysage politique. L’éditorialiste estime que cette petite phrase confirme surtout l’existenced’une rancune tenace de Jacques Chirac à l’égard de Nicolas Sarkozy.

FRED

DU

FOU

R / A

FP

ALAIN DUHAMELJOURNALISTE ET ÉCRIVAIN

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Franck Riester (UMP) y aréfléchi à deux fois avantde voter pour la proposition

de loi du PS en faveur du mariagede personnes de même sexe, le14 juin. « C'est un geste qui engage,observe-t-il. J'ai une élection dans unan, et je suis dans une circonscriptionrurale [NDLR : en Seine-et-Marne],je ne suis pas député du Marais. » Lejeune élu (37 ans), protégé de Jean-François Copé, a décidé de fairepreuve de ce qu'en politique onnomme « le courage », c'est-à-direde ne pas voter comme son cample lui recommande ni comme sonélectorat est supposé l'attendre delui, mais en fonction de ses convic-tions. Quoi que, sur ce dernierpoint, il n'est pas certain d'avoirdéplu à ceux qui lui ont accordéleur suffrage en 2007. « Je crois qu'ily a une telle aspiration des gens en fa-veur de la politique autrement, que dé-fendre ses idées avant de respecter lesconsignes du parti n'est pas forcémentmal vu... même si cela a ses limites,bien sûr », analyse-t-il. Copé etChristian Jacob, patron du groupe,l'ont laissé « totalement libre ». LeGouvernement a tenté de le dissua-der, admet-il, mais « en souplesse ». Au final, dix députés de la majoritéont voté pour le mariage gay, dixautres se sont abstenus. Une écra-sante majorité UMP – NouveauCentre (293) a voté contre. Parconviction sans doute. Mais sansqu'aucun débat n'ait eu lieu sur lesujet, ni en réunion de groupe niailleurs. « C'est presque tabou, confieRiester. C'est trop clivant, ça reste pas-

sionnel. » Et la majorité n'a pu évi-ter le piège de l'affrontement entre« les modernes et les archaïques » quelui tendait le PS. Le collectif de laDroite populaire y a largementcontribué. De Brigitte Barèges

(Tarn-et-Garonne) qui lance le25 mai, en commission des Lois,« Et pourquoi pas des unions avecdes animaux ? », avant de retirer sespropos et de s'excuser, à ChristianVanneste (Nord), qui qualifie dansles couloirs le mariage entre homo-sexuels « d'aberration anthropo-logique », le débat est devenu large-ment caricatural entre une gaucheprogressiste à peu de frais (la PPLn'avait guère de chance d'êtrevotée) et une droite apparaissant

comme profondément réaction-naire. « Le problème à l'UMP, c'estque c'est désormais la voix du plusconservateur qui porte le plus fort, dé-plore Yves Jégo (Seine-et-Marne). Ily a une forme de terreur de la Droite

populaire, une pensée unique de ce col-lectif qui bloque tout et empêche ledébat de prospérer. »Le paroxysme a été atteint en fin desemaine, avec la demande de dé-mission de Roselyne Bachelot partrois députés de la Droite populaire,Philippe Meunier (Rhône), JacquesMyard (Yvelines) et Jean-Paul Gar-raud (Gironde). Motif ? La ministredes Solidarités a affirmé mercrediqu'elle aurait voté la PPL socialiste,et que le mariage homosexuel, « de

toute façon, se fera », c'est une« question de mois, d'années ». « Sielle se situe aux côtés du PS et pas dela majorité, alors il faut qu'elle dé-missionne », assène Meunier. Le Pre-mier ministre François Fillon a dûintervenir vendredi pour défendresa ministre : « Sur des sujets commeça, on ne peut pas exiger que les gensrenoncent à leurs convictions. C’estpresque totalitaire de demander ça »,a-t-il réagi. Jégo trouve « honteux »et « inadmissible » que la Droite po-pulaire en arrive à demander la dé-mission d'un ministre. « C'est unniveau d'intolérance que je n'ai jamaisvu en politique. » Le villepinisteJean-Pierre Grand est lui aussi scan-dalisé : « C'est l'intolérance érigée endoctrine, c'est affreux. »Un autre sujet de société a échaufféles esprits ces derniers jours, etpourrait bien lui aussi ressurgirdans la campagne présidentielle.En proposant la « légalisation contrô-lée » du cannabis, l'ancien ministrede l'Intérieur Daniel Vaillant a làencore provoqué un violent rejetde la majorité. « Dès qu'on touche àdes sujets sur l'évolution de la société,l'UMP est fermée à double tour,regrette Grand. Il y a quatre millionsde personnes qui fument du cannabis enFrance, et on ne peut pas en parler ! »Vaillant a aussi divisé son proprecamp. « Mais si nous ne lançons pasle débat, d'autres le feront pendant lacampagne, et on le prendra en pleinefigure », lâche Annick Lepetit(Paris), cosignataire du rapportVaillant. Ou l'art de couper l'herbesous le pied des Verts...

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Plan large

La société au ban des Quatre ColonnesRoselyne Bachelot insultée, un festival de propos homophobes, de nombreuxdéputés de l’UMP ont oublié la semaine dernière qu’on pouvait êtreopposé à un texte (la proposition socialiste sur le mariage homosexuel)sans sombrer dans l’indignité.Par Nathalie Segaunes

Quand on veut noyer son chien,on l’accuse de la rage. Car de deuxchoses l’une : ou bien Anne Lau-vergeon était la piètre gestionnaireque certains dénoncent mainte-nant qu’elle a été remerciée, et elleaurait du être remplacée bienavant. Le prix excessif de l’EPR fin-landais, le rachat périlleux de lasociété UraMin, tout cela sort,comme par miracle, pour justifierson non-renouvellement. Dans cecas, il fallait d’urgence se débar-rasser d’elle avant qu’elle ne puissenuire davantage. Nicolas Sarkozya eu tout le temps depuis 2007 defaire le tour du problème, si AnneLauvergeon avait commis des er-reurs, il lui aurait été facile d’entirer sans attendre les conclusionsqui s’imposaient. Ou bien il faut voir dans l’éloi-gnement d’Anne Lauvergeonl’aboutissement d’un long conflitqui l’oppose au président d’EDF,Henri Proglio, dont l’appétit pourle développement nucléaire estaussi notoire que les liens quil’unissent, depuis des années, àl’Élysée. Dans ce cas, il est facilede voir que la victoire est revenueà Henri Proglio. Une seule bonne raison de lasanction qui frappe Anne Lauver-geon aurait été un changementde la stratégie nucléaire française.Il est évident que si NicolasSarkozy avait choisi, aujourd’hui,comme Angela Merkel, une sortieprogressive du nucléaire, avec lesdémantèlements qui y sont liés,le départ d’Anne Lauvergeons’imposait. Mais, précisément, cen’est pas le cas. Le ministre del’Industrie, Éric Besson, a bien in-sisté sur ce point : il ne s’agit pasd’un « changement d’orientationstratégique ». La preuve de lacontinuité ? C’est qu’elle ait étéremplacée à la présidence d’Arevapar son numéro 2, Luc Oursel. Cet argument ne fait justement querenforcer le doute : si son successeurse voit fixer les mêmes objectifs,c’est bien qu’Anne Lauvergeon n’apas été remplacée à cause de sesactions à la tête d’Areva, mais parceque son indépendance, son carac-tère, son personnage déplaisaientau pouvoir en place.En tout cas, elle quitte l’entreprise,fondée il y a dix ans, avec le coupde chapeau de 17 des 18 membresdu comité exécutif d’Areva (le dix-huitième étant Oursel) : « Elle estla seule personnalité de l’entreprisedisposant des compétences et quali-tés requises », avaient-il écrit avantson remplacement.

L’opinionde Michèle Cotta

DR

Lauvergeon :le bon plaisir ?

� L’Assemblée nationale adécidé, en commission et contrel’avis du Gouvernement, de créerun droit d’appel pour lesvictimes en cas d’acquittementpar une cour d’assises. Cesamendements ont été adoptéslors de l’examen par lacommission des Lois du projetde loi visant à faire entrerdes jurés populaires encorrectionnelle. Ce projet seradébattu la semaine prochaineen séance publique. Le texte,présenté en urgence, a déjàété voté par le Sénat. LeGouvernement devra déposer

un amendement de suppressionen séance publique et le fairevoter s’il veut revenir sur cettemesure. Contre l’avis duGouvernement toujours,la commission a adoptéun amendement qui prévoitde créer une cour d’assisessimplifiée pour les crimes punisde 15 à 20 de réclusion – troismagistrats et trois jurés –« sous réserve que l’accusé ou leministère public ne s’y opposentpas ». Le projet initial duGouvernement prévoyait déjàune formation simplifiée de troismagistrats et deux « citoyens

assesseurs » dans le but deréduire la pratique consistantà requalifier certains crimes endélits afin de les faire juger plusrapidement en correctionnelle. Mais les sénateurs avaientsupprimé la disposition et rétablil’unité de la cour d’assises.La création de cette formationsimplifiée de la cour d’assises seconjuguera aux modificationsintroduites par le Sénatréduisant le nombre de jurésde 9 à 6 en première instance etde 12 à 9 en appel, pour toutesles affaires ne relevant pasde la cour simplifiée.

Le droit d’appel en cour d’assises pour les victimes En bref

PANNE D’AUDIENCEPOUR AUBRYET POUR L’ÉMISSIONPOLITIQUE DE TF1 !� « Parole directe », la nouvelleémission politique de TF1, qui avaitpour invitée le 16 juin Martine Aubry,n’a intéressé que 5 200 000téléspectateurs, soit 21,3 % de partd’audience. Question : est-ce lapremière secrétaire du Parti socialisteou le programme de TF1 qui neséduit guère les téléspectateurs ?Le 12 mai, pour la première de cetteémission, le Premier ministreFrançois Fillon n’avait rassembléque 6 100 000 pour 23,6 % de partd’audience. Un score déjà trèsmédiocre pour l’hôte de Matignon.

Franck Riester, l’un des dix députés de la majorité qui ont voté laproposition socialiste autorisant le mariage gay. Malgré ce renfort,la proposition a été finalement rejetée. PHOTO LIONEL BONAVENTURE/AFP

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Véritable « ville-monde »,avec ses croyances, ses ori-gines, ses modes de vie dif-

férents, Tourcoing affiche son multi-culturalisme. « Dans ce contexte, ilnous apparaît essentiel de rappelernotre attachement à la laïcité commerègle de vie commune » annonceMichel-François Delannoy, mairePS de Tourcoing, à l’initiativede la création du Conseil extra-municipal de la laïcité et du vivreensemble (CELVE).Confrontée comme de nom-breuses agglomérations à desphénomènes d’exclusion, d’in-compréhension et d’intolérancequi menacent la cohésion sociale,« la municipalité ose dépasser lesfausses polémiques et inaugurequelque chose de nouveau, une laï-cité appliquée, c’est-à-dire qui partdu terrain » souligne Rachid Ben-zine, parrain du projet et cher-cheur associé à l’Observatoire desreligions.Si un certain nombre de munici-palités dispose d’un conseil descultes ou des étrangers, l’initiativetourquennoise dépasse les tradi-tionnels clivages. Parce quel’identité est aujourd’hui pluscomplexe, se dessinant au-delàdes notions de nationalité et decroyance, Tourcoing est la pre-mière ville à créer une instancechargée de veiller à ce que l’inté-rêt individuel ne domine pas l’in-térêt général de la nation. « Dansla pratique, cela ne signifie pas qu’ilsuffit d’ouvrir les bras pour bien s’en-tendre. La diversité n’est une richesseque si elle est comprise et respectée. »Houari Bouissa, conseiller muni-

cipal délégué à la laïcité et auvivre ensemble, ajoute : « L’idéedéfendue est de montrer que la laï-cité telle que conçue par le législateuren 1905 était de promouvoir le vivreensemble. »

Une instance unique en FranceÀ travers cette démarche, Tourcoing

se mobilise autour d’une volontécommune de porter un projetsociétal égalitaire, refusant lesexclusions, les discriminationset le racisme. Le Conseil extra-municipal de la laïcité et du vivreensemble vise à la constructiond’une société pluraliste, respec-tueuse de la diversité des origines,des croyances et des pensées del’ensemble des Tourquennois. Unprojet salué par l’opposition, quiparle de « saine innovation ». « Maisattention, il ne faut pas que ce soitqu’un coup de publicité » commenteGérald Darmanin, élu municipal. Cette instance unique en Franceest composée de 26 membres :des représentants des cultes (catho-lique, musulman, protestant), desassociations laïques, des élus mu-nicipaux issus de la majorité et del’opposition, ainsi que du maire.La société civile est égalementprésente dans le cadre d’uneparfaite parité homme-femme.Leur vocation est d’analyser et deconseiller la ville sur les enjeux dela laïcité dans les lieux de vie so-ciale et collective de la commune.

Répondre aux questions concrètesLe rôle du CELVE est donc de ré-pondre aux questions concrètesqui se posent au quotidien. Faut-

il accéder à la demande des Tour-quennois musulmans qui récla-ment de la viande halal dans lesrestaurants scolaires de la ville ?Doit-on organiser les cimetièresen fonction des confessions ?Quelle place accorder aux nou-velles religiosités, notammentles courants évangélistes ? Quelleattitude la police municipale doit-elle adopter face au port duvoile intégral ?Pour Michel-François Delannoy,« la dimension spirituelle façonnerala ville de demain. Les habitants deTourcoing, comme des grandes villesen France et en Europe, sont de cul-tures différentes et font des choix spi-rituels divers. Cette diversité est unepromesse de richesses, mais elle pré-sente aussi un risque de repli ou deconflit. »Et si une ville ne peut évidem-ment à elle seule infléchir destendances à l’intolérance, aux dis-criminations ou au repli commu-nautaire, les élus de Tourcoingconfient : « Nous sommes persua-dés que l’échelon local, grâce à unelégitimité préservée qui doit beau-coup à sa proximité avec ses admi-nistrés, est à même d’élaborer despropositions qui renforcent le vivreensemble. »

Ludovic Bellanger

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Initiatives

� Les élus UMP Gérald Darmanin et Didier Droartdénoncent les incendies criminels qui se sont déroulésau centre-ville et dans certains quartiers de Tourcoing.Les élus de l’opposition lâchent sans hésitation : « Sinécessaire et devant la préoccupante aggravation de laviolence chez certains délinquants, nous demandonsd’instaurer un couvre-feu pour les enfants mineurs, commel’a fait la ville de La Madeleine. Cette démarche placerales parents devant leurs responsabilités. »

� Pour protester contre l’augmentation de la taxed’habitation, l’opposition UMP a quitté l’automnedernier le conseil municipal de Tourcoing. Aprèsce coup d’éclat, la majorité municipale a poursuivile débat et a adopté cette mesure, « dans la perspectivedu gel des dotations de l’État » et de la préparation dubudget 2011.

� « Nous avons impulsé un rythme au travail du conseilrégional qui n’existait pas. Nos interventions sansconcession poussent aujourd’hui d’autres groupes commeles Verts et le Front de gauche à exprimer leur critique àl’égard de l’exécutif » souligne Marine Le Pen, présidente

du groupe FN au conseil régional Nord–Pas-de-Calaisqui dénonce la politique de rénovation urbaine.

� L’opposition devrait prochainement proposer lacandidature de Tourcoing pour accueillir l’exposition« Pompidou mobile » en 2012, aux côtés de Cambrai et deBoulogne-sur-Mer. Une quinzaine d’œuvres fondamentalesde l’art contemporain y seront présentées, parmi lesquellesLe Violon d’Ingres de Man Ray, mais aussi plusieurs Matisse,Picasso, Léger, Kandinsky… « Faire venir de grandes œuvresau plus près des publics permet d’accomplir la seule politique quivaille en matière culturelle, c’est-à-dire la démocratisation,l’ouverture et l’éducation à l’art », estime Gérard Darmanin.

À contre-pied

Tourcoing la métissedéfend sa laïcitéLoin de la polémique suscitée par le débat national sur la laïcité, Tourcoing a mis en place unConseil extra-municipal de la laïcité et du vivre ensemble. Une démarche concrète appliquéeà la vie quotidienne d’une commune au métissage affirmé.

«IL FAUT ÊTRE CLAIR, VOIRE DIRE QUEDES PRATIQUES SONT CONTRAIRES

AUX VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE.LA LAÏCITÉ NE SE NÉGOCIE PAS »

Michel-François Delannoy, maire de Tourcoing. PHOTO PHILIPPE HUGUEN/AFP

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DÉPARTEMENTLE MAIRE DE TARASCONMIS EN EXAMEN� Le maire UMP de Tarascon(Bouches-du-Rhône), Charles Fabre,a été mis en examen pour« favoritisme » par le juge CharlesDuchaine. Il est soupçonné d’êtreintervenu dans l’octroi d’une partie dumarché de la future cité judiciaire deTarascon, évalué entre trois et cinqmillions d’euros.

DÉPARTEMENTUN STUDIOHOLLYWOODIENÀ TOULOUSE� Une major américainesouhaiterait installer ses studiossur la base aérienne désaffectéede Toulouse-Francazal. Une offre dereprise de la totalité du site militaire,fermé depuis le 31 août 2010, a étédéposée auprès de la préfecturede région. Malgré l’opposition desriverains au maintien en activitéde la piste de Francazal, la productionpourrait y tourner ses premiers filmsdébut 2013.

DÉPARTEMENTGRENOBLE CÉLÈBRE90 ANS D’HLM� Alors que la loi SRU impose àchaque commune de plus de 3 500habitants un minimum de 20 %de logements sociaux d’ici 2020,Grenoble a atteint ce seuil dès janvier2010. L’occasion de célébrer, ceprintemps, 90 ans d’habitat public,dans une ville où 70 % dela population est éligibleà un logement social.

DÉPARTEMENTNOVELLI, PRÉSIDENTDES ÉLUS RÉGIONAUXDE FRANCE� L’ancien ministre, aujourd’huidéputé d’Indre-et-Loire, a été élu à laprésidence de l’Association des élusrégionaux de France (AERF). À 62ans, Hervé Novelli succède à PhilippeRichert (nommé ministre desCollectivités locales). Après un tourde France des régions, Hervé Novellientend réunir d’ici l’automne« le congrès fondateur » d’uneassociation d’élus qui a vocationà contrer l’ARF (Associationdes régions de France).

DÉPARTEMENTÉOLIEN OFFSHORE :LA COLÈRE D’AUXIETTE� L’Élysée a confirmé que la zonevendéenne ne sera pas retenue dansle cadre du premier appel d’offresnational pour l’éolien en mer. PourJacques Auxiette, président de larégion des Pays de la Loire et ferventdéfenseur du projet : « Le recul opérépar le Gouvernement sur l’éolien enmer est absurde et irresponsable.Il s’ajoute aux décisionscatastrophiques prises en débutd’année concernant lephotovoltaïque. »

En bref

Ciotti, une idée Royal !La présidente de la région Poitou-Charentes propose d’expérimenterl’encadrement militaire des jeunes délinquants à La Rochelle. L’anciennecandidate à l’élection présidentielle l’avait évoqué dès 2006.

Àdéfaut d’accorder leur vio-lon, Ségolène Royal aapprouvé la proposition du

député UMP Éric Ciotti d’encadrermilitairement les jeunes délin-quants ; mesure qu’elle avait pré-conisée lorsqu’elle était candidateà l’Élysée en 2007 et qu’elle pro-pose à nouveau d’expérimenter à LaRochelle. « Je suis favorable à l’en-cadrement militaire des jeunes délin-quants, et d’ailleurs je propose que lamesure soit expérimentée dans la régionPoitou-Charentes, que je préside. »Le président du conseil généraldes Alpes-Maritimes avance dansson rapport une forme de servicecivique adapté pour les mineursles plus difficiles. « Je dis chiche auGouvernement ! Expérimentons cela.Et je suis favorable à le faire avec lemaire de La Rochelle, Maxime Bono(PS), puisque nous avons écrit en-

semble au ministère de la Défensepour expérimenter dans le régimentde La Rochelle l’encadrement mili-taire des jeunes délinquants », aajouté la candidate à la primairePS pour 2012. Ségolène Royal quiestime : « Je pense que la prison pourles jeunes c’est l’école du crime. Ils enressortent encore davantage délin-quants qu’ils y sont entrés. Il fautdonc trouver des alternatives. »Une position à contre-courantd’une partie de la gauche, dont lesréactions au rapport ne se sontpas fait attendre. Le député PSPierre Moscovici jugeant que lespropositions du député de l’UMPsoulignent « l’échec de Sarkozy surla justice. Si on a une police souspression, on a aussi une justice souspression, une justice à qui on nedonne pas les moyens de faire sontravail. »

Au cœur du parc de laclinique du Château, la« maison de répit » de la

Croix-Rouge constitue une expé-rimentation unique en France. Ellepeut accueillir, pour des séjoursallant de plusieurs semaines à plu-sieurs mois, des jeunes patients enphase terminale avec leurs parents,leurs frères et sœurs. Inspiréed’un concept canadien et anglais,« l’Oasis » offre « une réelle avancéeen matière de soins palliatifs pédia-triques », déclare Roselyne Bache-lot, ministre de la Solidarité et dela Cohésion sociale, présente lorsde son inauguration début mai.« Ce lieu est une alternative à l’hos-pitalisation », explique son respon-sable coordinateur, ChristopheCarpentier. Ouverte en décembredernier, la maison est dotée dequatre chambres et d’une « suitefamiliale », au milieu d’un parcarboré de 12 hectares. « L’Oasis »est destinée aux enfants atteintsde cancers, de maladies neuro-biologiques ou orphelines.

« La maison est un lieu de vie »Le service constitue « un lieu privi-légié pour un moment de répit entrel’hôpital et le domicile ». Il permet detraiter la douleur ou de suivre l’évo-

lution de la maladie grâce à uneéquipe paramédicale et psycho-sociale à la disposition des familles.Outre un accompagnement médi-cal et un soutien psychologique,« l’Oasis » propose des activitésludiques pour les enfants et lesadolescents en fin de vie. « Cetaccueil s’inscrit dans une approchehumaine de la prise en charge, sansblouse blanche », centrée sur laqualité de vie en évitant unemédicalisation excessive et enmettant l’accent sur l’accompa-gnement de la personne et des fa-milles. La structure personnaliséeet chaleureuse dispose ainsi d’unesalle de jeu et de lecture, d’unsalon, d’une cuisine, d’une balnéo

et musicothérapie. « La maison estun lieu de vie. Nous apportons aussinotre aide aux familles pour leurpermettre de se ressourcer après undécès. »

Créée par Christophe Carpentier,infirmier-anesthésiste, et AgnèsSuc, médecin au CHU de Toulouse,« l’Oasis » pourra accueillir chaqueannée 40 à 60 enfants avec leurs

proches. « Si l’expérimentation menéeau cours des deux prochaines annéesest une réussite, nous espérons créerune “Oasis” dans chaque région »,affirme Christophe Carpentier. �

À Seysses, « l’Oasis » des enfants en fin de vieLa première maison consacrée aux enfants malades en phase terminaleet à leur famille a été inaugurée à Seysses, près de Toulouse.

«L’ACCUEIL DE “L’OASIS” S’INSCRIT DANSUNE APPROCHE HUMAINE DE LA PRISE

EN CHARGE, SANS BLOUSE BLANCHE »Christophe Carpentier, responsable de « L’Oasis »

Christophe Carpentier et Agnès Suc, créateurs de « l’Oasis », premièremaison de vie destinée aux enfants atteints d’une maladie incurable.PHOTOS IGOR BERTRAND

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J’ai un côté trublion quej’aime, dit-il en souriant.Je suis un gaulliste ver-sion 69 ! CulturellementGaulois et fier de l’être. »

Marc Le Fur est avant tout Bretonde toutes ses fibres. Berceau de lafamille : Plévin. Un village où sesgrand-mères paysannes portaientla coiffe. Il parle breton bien sûr,mais pas ses cinq enfants.L’un de ses faits d’armes en 2008,l’introduction des langues régio-nales dans la Constitution. Àl’époque les jacobins lui sonttombés dessus. Le match a étévirulent. Pas de K.-O. Le Fur agagné aux poings avec l’appuide l’arbitre : Nicolas Sarkozy. Àses yeux le président est paré detoutes les vertus. « Sarkozydolâ-tre ». Il ne s’en cache pas. La piè-tre performance du locatairede l’Élysée dans les sondages ? Ilbotte en touche. « Mon vrai souci,ce sont les gens modestes. Si on saitleur expliquer, ils adhèrent… La va-leur travail a un sens ! » Dans saligne de mire, ou plutôt son ob-session, « l’ouvrier qui vit avecl’aide soignante, qui élèvent leurgamin… Il faut leur permettre d’ac-céder à la propriété. » Il s’arrête uninstant, ménage son effet, et s’in-surge : « La collectivité paie l’aéro-

port de Saint-Brieuc qui ne sertplus à rien… sauf à l’avion de Mme

Bettencourt », précise-t-il, perfide. Marc le Fur c’est le spécialiste dusoutien inconditionnel, versionpoil à gratter. La taxe carbone, iln’en voulait pas. Il ne s’est pasprivé de le faire savoir. « Au niveaunational, cela n’avait aucun sens !C’était vivable uniquement àl’échelle de l’Europe… »Son dernier coup d’éclat : taxer lesœuvres d’art ! « La gauche a beau-

coup à se faire pardonner, c’est pourcela qu’elle a voté mon amende-ment. » Et comme il aime lesformules, il en a ciselé une : « lesmeubles de cuisine sont imposés,pas les Degas au salon ! » En séanceson amendement a fait « pschitt ! ».Le ministre de la Culture a parléd’« aberration ». François Fillon ya vu un « signal négatif ». Le pré-sident, lui, l’a exécuté d’un mot :« stupide ». Cela s’appelle un tirde barrage. Bénéfice pour Marc leFur ? Une exposition médiatique

certaine. Peut-être pas de bon aloi.À défier ses amis pour exister,l’addition peut se révéler salée.Qu’importe, il n’en démord pas.Pour lui, ne pas taxer les œuvresd’art : « c’est fromage et doubleration de dessert. »Lucide, il avoue que les ministresle préfèrent comme présidentde séance que comme auteurd’amendement. Au perchoir, ilpréside avec un zeste d’autoritéet une bonne dose de bonhomie.

Son souci : « un débat clair, équili-bré et que cela avance », dit-il avecl’air du petit garçon que l’on sur-prend la main dans le pot deconfiture…Les parlementaires, ce n’est un se-cret pour personne, votent tropde loi. Pire, beaucoup de textes neverront jamais le jour, faute de dé-cret d’application. L’ancien hautfonctionnaire du ministère del’Intérieur, visiblement gêné, s’entire très bien, par une pirouette.« Je m’attelle aux problèmes que je

peux résoudre… Chez moi, le chô-mage ne dépasse pas les 5 %. »La langue de bois il sait aussi lasculpter, sûr de l’effet produit parses yeux qui deviennent parfoisgris-bleu. « Je suis très à l’aise àl’UMP. Toutes les questions qui seposent peuvent être débattues. Il n’ya pas de sujet tabou ! » Et hop, unpetit coup de chapeau à Copé,suivi d’un petit coup de coiffebretonne pour Fillon : « On a unbon Premier ministre. »

La taxation des œuvres d’art auxoubliettes, le voilà avec une nou-velle proposition de loi sur le feu,sur le droit des victimes : leurdonner la possibilité de faireappel. Michel Mercier y est op-posé… Ce n’est pas cela qui vaarrêter notre homme. À croire quel’important soit de faire le buzz.Quel vilain mot !Derrière lui, dans son bureau –dans l’aile réservée aux vice-prési-dents – une grande affiche du filmKatyn, l’histoire du massacre de la

fine fleur de l’armée polonaisepar des soviétiques durant la Se-conde Guerre mondiale. Le long-métrage d’Andrzej Wajda étaitsorti en catimini, une diffusionlimitée. « Cela m’a choqué, alors j’aiorganisé une projection à l’Assem-blée, qui a eu un franc succès, beau-coup de mes collègues sont venus. »Admirateur de Napoléon, il a enretenu les leçons de stratégie et detactique. Indispensable pour sur-vivre sur le champ de bataille par-lementaire. En français, Le Furcela veut dire le Sage. « J’aime toutle monde, dit-il avec un souriredésarmant. Je suis le bon gars ! »

Jean-FrançoisCoulomb des Arts

Focale

MARC LE FURDÉPUTÉ UMPDES CÔTES-D’ARMOR

Une pluie de propositions de loi, des amendements à foison et une avalanche de questionsécrites, plus de 2 300 depuis le début de la législature. Le vice-président de l’Assembléenationale occupe le terrain à sa façon…

L’agitateur breton

3 dates

1986« Je rejoins le cabinet deBalladur aux Finances. »

1993« Ma première élection.Je deviens député des

Côtes-d’Armor »

2007«Sans flagornerie,l’élection de Nicolas

Sarkozy ! »

PHOTO DR

8 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 413, MERCREDI 22 JUIN 2011

«LA COLLECTIVITÉ PAIE L’AÉROPORT DESAINT-BRIEUC QUI NE SERT PLUS À RIEN…

SAUF À L’AVION DE MME BETTENCOURT »

«

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Stop / Éject. Ouvrez les paris.Encore combien de temps vatenir l’euro ? Le célèbre éco-

nomiste Nouriel Roubini, qui avaitprédit la crise des subprimes, nedonne pas plus de cinq ans à lamonnaie unique ! Le cas grec a démontré l’impossibi-lité de l’euro. Car personne ne peutcroire que le plan d’austérité im-posé à Athènes permettra de sau-ver le pays. Et pour cause, ce plan

ne vise pas à sauver la Grèce, maisà sauver… l’euro. Nuance ! Car, s’ilfallait sauver la Grèce, on s’y pren-drait autrement. De quoi souffre lepays ? D’un problème de dette etd’un manque de compétitivité.Pour résoudre le problème dedette, on ferait ce qu’on a toujoursfait partout dans le monde : larestructuration. En clair, le non-remboursement partiel de la dette.C’est ce qu’ont fait l’Argentine, laRussie…Pour résoudre le problème decompétitivité, on ferait ce qu’ona toujours fait partout dans le

monde : dévaluer la monnaie.Pendant des décennies, Français,Italiens ou Espagnols n’ont cesséde dévaluer le franc, la lire oula peseta pour regagner en compé-titivité face au « Made in Ger-many ». Avec succès. Mais, ces deux remèdes de bon senssont interdits au peuple grec. La dé-valuation, par nature, est impossi-ble maintenant que le pays est dansl’euro. Quant à la restructuration de

la dette, les autorités européennesle lui interdisent par peur de lacontagion. Si la Grèce répudie sadette, demain ce sera le tour du Por-tugal, de l’Irlande, ouvrant unegrave crise de confiance dans toutela zone euro, à même de faire tom-ber l’Espagne, l’Italie… la France.Un « Lehman Brothers », en pire ! Donc, si on se résume, le plan desauvetage grec consiste à dire :vous rembourserez tout, jusqu’audernier centime. Tout au plus est-on prêt à repousser un peu leséchéances. C’est ce qui est actuel-lement en négociation à Bruxelles

et qu’on appelle la « participationdu secteur privé ». Quant au problème de compétiti-vité : puisqu’on ne peut pas déva-luer la monnaie, on va dévaluer…les salaires ! Véridique, les salairessont diminués de 20 %. C’est évi-demment beaucoup plus difficileà avaler pour la population. D’oùle combat des « Indignés » dansla rue.

Un cadeau empoisonnéEst-ce viable ? Même en imaginantque la dette disparaisse, restera leproblème de compétitivité. Ontouche là du doigt le vice de formede l’euro : un Grec ne sera jamaisun Allemand ! Tout le pari de l’euroconsistait à penser que, par enchan-tement, les peuples allaient conver-ger économiquement. C’était lefameux pari de la convergence. Cepari a échoué. Au contraire, l’euro aaccentué la divergence. La créationde la monnaie unique a permis auxGrecs de profiter subitement detaux d’intérêts très bas. Un cadeauempoisonné. Car les Grecs en ontprofité pour s’endetter à boncompte. Secundo : cet enrichisse-ment subit a repoussé toute réformede structure, avec des salaires pro-gressant trop vite (c’est-à-dire plusvite que l’inflation et les gains deproductivité, ce qui se traduit auto-matiquement par une baisse decompétitivité). Résultat, l’économiegrecque n’est plus compétitive. Cequi, dans une zone monétaireunique, est fatal. Si un pays n’estplus compétitif, il est condamné auchômage. Malheureusement ce constat n’estpas propre à la Grèce. Selon leschiffres de l’OCDE, sur la période2000-2009, les coûts salariaux ontprogressé de 30 % en Espagne, de20 % en France, contre à peine7 % en Allemagne. On pourra tou-jours dénoncer la rigueur alle-mande. Mais le fait est que lesAllemands ont énormémentgagné en compétitivité par rap-port à leurs voisins européens de-puis dix ans. Et maintenant qu’onne peut plus égaliser les niveauxpar le jeu des dévaluations, noussommes condamnés à la sous-compétitivité et au chômage !

Nous sommes tous des GrecsLa France affiche sur les douze der-niers mois un déficit commercial

de 55 milliards d’euros, contre unexcédent de 160 milliards en Alle-magne. Le taux de chômage esttombé à 6,4 % en Allemagne, leplus faible depuis la Réunification,contre 9,4 % en France.En clair, nous sommes tous des« Grecs »… à l’exception des Alle-mands. Comment on en sort ? Par plus defédéralisme disent les uns : conce-voir l’Europe comme un grandpays où les Allemands accepte-

raient de payer pour les Grecs. Yest-on prêt ? Sinon, il faut bien envisager la fin

de l’euro. Ce pari fou a échoué. « Sil’euro échoue, l’Europe échoue » pré-vient Angela Merkel. L’économisteJean-Jacques Rosa, auteur de L’euro,comment s’en débarrasser ?, expliqueque mieux vaut un petit paysdynamique, qu’un grand ensembleau point mort, et de citer la Suisse,le Danemark, la Suède, la Nouvelle-Zélande ou la Canada. Autant depays prospères. On rêvait d’unegrande Europe. Notre avenir seraitdans une Europe « suisse » !

«L’EURO, C’ÉTAIT LE PARI DELA CONVERGENCE. CE PARI

A ÉCHOUÉ »

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À distance

Athènes, une bombe àretardement pour l’euro

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Par Axel de Tarlé

L’entente affichée par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy à Berlin ne peut cacher l’essentiel : l’euroest en danger. Pour Axel de Tarlé, il est même en danger de mort.

Angela Merkel et Nicolas Sarkozy à Berlin le 17 juin. PHOTO ODD ANDERSEN/AFP

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3 questions à

Selon les chiffres de l’Agencefrançaise pour les investisse-ments internationaux (AFII),

les investissements chinois enFrance ont augmenté de 67 % entre2007 et 2010. La Chine s’est ainsihissée à la neuvième place des inves-tisseurs étrangers. Malgré ces succèsrécents, les implantations chinoisesrestent faibles. Il n’y a guère plusd’une quarantaine d’entreprises chi-noises installées en France, à l’exem-ple de Weicha Power, fabricant demoteurs diesel pour camions. Les centres de décision et l’installa-tion de sièges sociaux ou régionauxse taillent la part belle dans ces in-vestissements chinois (60 %), sui-vis par les services aux entreprises(30 %). En revanche, les services derecherche et développement (R&D)et d’ingénierie ne représentent que10 % de ces projets. Les trois pre-miers secteurs d’activités qui inté-ressent les investisseurs concernentles services relatifs à l’énergie et aurecyclage, l’agroalimentaire et lescosmétiques qui concentrent prèsde 43 % des investissements.Fait notable, les entreprises origi-naires de Hong Kong ont un poidsimportant dans cette présence chi-noise en France. En 2010, elles re-présentent près de 17 % des projetsd’investissements et ont permis

la création de 90 emplois. Cinqfiliales de groupes basées dansl’ancienne colonie anglaise, rétro-cédée à la Chine en 1997, repré-sentent en tout près de 4000emplois en France. Elles privilé-gient en premier lieu l’Île-de-France pour y implanter leursquartiers généraux mondiaux ourégionaux européens.

L’Hexagone est le troisième paysde la zone européenne en termesd’investissements chinois. Maisces bons chiffres masquent uneréalité : la France ne draine que9 % des investissements chinoisen Europe, contre 43 % pourl’Allemagne et 19 % pour leRoyaume-Uni.

Manuel Singeot

NUMÉRO 413, MERCREDI 22 JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 11

Expertise

En France, la Chine dort encore

LIAN

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NG/A

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La Chine sera sans doute la première puissance économique de la planète en 2030. Plus de10 000 entreprises françaises l’ont compris et se sont déjà installées dans l’empire du Milieu.À l’inverse, et malgré une amélioration significative depuis trois ans, l’implantation desentreprises chinoises en France reste très modeste.

Comment peut se développerla coopération économiqueentre la France et la Chine ?Il est clair que nous devons toutd’abord améliorer la compréhen-sion mutuelle. Si j’avais unconseil à donner aux investisseursfrançais, ce serait de réfléchir,quand ils viennent en Chine, àl’immensité du marché qui s’offreà eux. C’est le cas pour le dévelop-pement des infrastructures ferro-viaires chinoises. Nous voulonsdévelopper ce moyen de trans-port, pour en faire un outil de dé-veloppement du pays. En Chine,les besoins sont immenses. Lenombre de lignes à construire estconsidérable. Les marges bénéfi-ciaires seront certes réduites, maisgénéreront un chiffre d’affairesimportant.

Peut-on rééquilibrer la balancecommerciale entre la Chineet la France ? Ce n’est pas une question facile.Beaucoup de choses sont posi-tives. Beaucoup d’investissementsont été faits ces trente dernièresannées en Chine. Maintenant,c’est aux entreprises chinoises devenir investir en Europe, et biensûr en France. Le gouvernementchinois encourage cette politiquequi doit permettre de rééquilibrerla balance commerciale entre nosdeux pays. Mais on ne peut pasfaire des affaires tout seul. Il fautaussi un climat favorable pour lesinvestissements. Nous regrettonsbeaucoup les préjugés, souvententretenus par certains médias,dont sont victimes les entrepriseschinoises, en France et ailleurs.Regardez, à l’inverse, ce qui sepasse en Allemagne. Le « climat »est plus favorable et nos entre-prises y investissent beaucoup

plus. Il faut travailler sur ce thèmepour développer nos relations.

Que pensent les Chinoisde la France ?L’image de la France est très posi-tive en Chine, pour des raisonsculturelles et historiques. La cul-ture française est très enseignéeen Chine. Nous nous souvenonsaussi de la France du général deGaulle, qui a été la première àreconnaître la République popu-laire. Nos deux pays ont des simi-litudes. Je prends un exemple. Sil’on demande aux Français s’ilsconnaissent La Dernière Classed’Alphonse Daudet, peu répon-dent oui. Alors qu’en Chine c’estun texte très connu et très appré-cié. Tous les Chinois le connais-sent, il figure en bonne place dansnos manuels. Nous y voyons unsymbole fort. La France a été oc-cupée par l’Allemagne, nous,nous l’avons été par le Japon.C’est une expérience qui nousrapproche. La Chine et la Franceont toujours été des nationsagressées par l’extérieur. Ce textea une résonance très forte pournous. L’incompréhension, si elleexiste parfois, ne concerne que lapériode très récente. Même sibeaucoup de choses ont déjà étécorrigées de part et d’autre. Leprésident Sarkozy est aujourd’huiun acteur positif de la relation bi-latérale. Sur la majorité des dos-siers, Paris et Pékin travaillentensemble. Mais, il est sûr quepour Taïwan, pour le Tibet, les po-sitions françaises devraient res-pecter le fait historique. Cela noussurprend et cela modifie parfoisl’idée que nous nous faisons de laFrance.

Propos recueillispar Antoine Colonna

La France est-elle très présenteéconomiquement en Chine ?Quatre mille sociétés françaises sontaujourd’hui implantées en Chine.Parallèlement, le nombre d’entre-prises françaises qui exportent versla Chine a doublé depuis cinq ans,passant de 5 000 à 10 000. Je crois sa-voir que ce chiffre se rapproche pro-gressivement de celui des entreprisesfrançaises qui exportent vers leJapon. La Chine est devenue le troi-sième pays le plus attractif pour l’im-plantation des entreprises françaises.Depuis la promotion du premierprogramme d’exportation en 2006,le nombre des entreprises françaisesexportant vers la Chine, pour la plu-part des PME, a ainsi doublé. Près de70 % des entreprises ont vu leursmarges bénéficiaires en Chine su-périeures ou égales à leurs margesbénéficiaires au niveau mondial.

Les entreprises chinoises font-ellesle pari d’investir en France ?À l’inverse, peu d’entreprises chi-noises sont aujourd’hui implan-tées en France. Il n’y en a qu’unequarantaine qui génèrent 2 200emplois dont 1 500 correspondentà une main-d’œuvre française.Cela représente un investissementglobal de 1,3 milliard d’euros paran dans des secteurs très diversifiéscomme l’hôtellerie, le secteur ban-caire, l’électroménager, l’import-export par exemple.

Est-ce que globalement l’Europereste une zone clé pour lesexportateurs chinois ?Les exportateurs chinois veulentcontinuer d’accorder la priorité àl’Union européenne. Un récent rap-port montre que les réformes dutaux de change opérées par le pays

et le renchérissement continu duyuan n’ont pas pour autant exposéles exportateurs chinois aux risquesgraves qu’on pouvait craindre,quand bien même la majorité d’en-tre eux a tout de même ressenti unimpact négatif. Malgré les inquié-tudes sur l’aggravation de la crise dela dette européenne, les exporta-teurs chinois pensent toujours quel’UE reste un marché favorable etqu’elle restera leur premier choixdans les années à venir. Le renché-rissement de l’euro par rapport auyuan rend les produits chinoiscompétitifs. Mais les exportateurschinois doivent être conscients desrisques, car la crise de la dette euro-péenne va probablement s’aggraveret contraindre l’Union à lancer da-vantage d’enquêtes en protectioncommerciale contre la Chine.

J.G.

Une interview du porte-parole de l’Ambassadede Chine en France, Jin Chunlei.

ZHANG GANG, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE LA CHAMBRE DE COMMERCE CHINOISE EN FRANCE

« En France, lesentreprises chinoisessont victimesde préjugés »

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Vous n’êtes pas fou, vousparlez à votre maison ! Lesmurs s’animent et vous

voilà plongé dans l’action d’unfilm oscarisé. Ce fruit lumineuxdans l’arbre qui borde votre rues’appelle ?… Un réverbère. Voilà lapromenade futuriste que proposeOrange à la Cité des sciences. Danscette exposition originale de1 800 m², les visiteurs découvrentle futur proche autour de troisespaces : « la maison complice etconnectée », « le divertissementplus intensif » et « la ville intelli-gente ». Parmi une bonne centained’innovations, on trouvera dansle premier espace des cuisines intel-ligentes avec des tables de prépa-ration connectées à Internet ouencore My Bread, qui vous trans-formera en boulangers numé-riques. Votre pain maison assistépar un ordinateur développépar SEB. Chic non ?… Dans ledeuxième espace, vous trouvereztoutes les applications pour vousdivertir. Les murs avec le systèmeWallFX et les tables Surface deMicrosoft parlent, se font camé-léons pour s’adapter à vos envies.Autre nouveauté pour les amateursde réalisme, l’écran en 3D – sanslunettes – développé par Alioscopy.Si vous aimez la science-fiction,le RayModeler, l’hologramme depoche de Sony, est aussi fait pour

vous. Cette machine permet deprésenter des vidéos observablespar tous les angles. Les visages devos correspondants pourront aussien sortir, grâce à un réseau dédiéaux hologrammes actuellementdéveloppé par Orange. Point com-mun à toutes ces technologies dedemain, un fort appétit en fibreoptique. France Télécom a déployé

depuis 2006 quelque 700 000 kilo-mètres de fibres pour sillonner leterritoire et répondre à la demandedes particuliers. Orange ne comptepas s’arrêter en si bon chemin et amis à l’essai depuis le début del’année le nouveau réseau mobileLTE (Long Term Evolution) qui per-mettra, faut-il le souligner, desdébits encore plus puissants. Côté

culture, l’auteur de science-fictionBernard Werber a conçu l’œuvrecollective « L’arbre des futurs ». Levisiteur pourra également s’attar-der sur cinq visions d’un futur misen images par Pierre Vanni, Guil-laumit, Plastic Bionic, Shobo shobo& Creative sweatshop en collabo-ration avec le magazine Amuse-ment. À noter aussi les contribu-tions de personnalités comme lesarchitectes Jakob + MacFarlane, ledesigner Patrick Jouin, l’illustra-teur Philippe Massonnet ou encorele scénariste Philippe Yedid. Ail-leurs, entre art et divination, c’estUrban Mobs qui attire l’attention.Des points lumineux témoignentde l’activité d’une ville en s’ani-mant sous l’impulsion des appelstéléphoniques et des SMS. On s’ar-rêtera aussi sur la très utile WiserEnergy Box de Schneider qui cen-tralise et régule la consommationdes équipements de la maison.Résultat, 30 % d’économies d’éner-gie. De quoi convaincre particulierset collectivités de s’équiper pourréduire factures et impact sur l’en-vironnement. Toujours du côté desamis de la nature, on notera Mobo,un récupérateur de votre ancienet inséparable téléphone que vousn’avez gardé que trois mois. Autreinnovation utile, TraficZen, quidonne des informations de circu-lation routière en temps réel. Et

pour ceux qui ne jurent que parle vélo, V-Géo, la bicyclette connec-tée, leur ouvrira la route. Com-ment s’y retrouver dans tout ça ?Tout est prévu ! Des centainesd’écrans et quelque 400 bénévolesspécialistes vous guideront tout aulong de l’exposition destinée à tousles publics et notamment aux plusjeunes grâce à un parcours spécia-lement concocté pour les 7-12 ans.Si vous ne pouvez plus attendrele futur, rendez-vous sur le sitewww.hellodemain.fr.

Antoine Colonna

Exposition exceptionnelle et gratuitedu 23 au 26 juin à la Cité des sciences

et de l’industrie.

Le pitch ? Du suspense,quelques coups de théâtre,un dénouement ? Rien de

cela dans le nouveau film d’AlainCavalier, qui, fidèle à son goûtpour un cinéma hyperréaliste, sansfioritures et au moyen d’une DV,livre une œuvre qui pourrait mar-quer les esprits comme l’avait faitThérèse, en 1986. Tous les codes sont ici allègrementbrisés, à commencer par le scé-nario, établi au fur et à mesure dutournage. Vincent Lindon, pre-mier acteur connu à travailler avecCavalier depuis Jean Rochefort en1981, se plie à une consigne en-fantine : il s’agit de faire commes’il était Premier ministre et Cava-lier, président de la République…Leur mission ? Élaborer une loilimitant les écarts salariaux. Cesera le fil rouge ténu de dialoguesmenés tantôt à deux (la camérapassant d’un poing à l’autre), tan-

tôt sous l’œil de personnages se-condaires qui figurent le staff mi-nistériel, tantôt en ville dans leursappartements respectifs ou à lacampagne. En dehors de cette trame narra-tive simpliste, advienne quepourra. D’ailleurs, au cours d’unescène de pique-nique en forêt, leréalisateur explique à ses comé-diens qu’il se fiche pas mal de cequi sera dit tandis que Lindonajoute : « De toute façon, nous, onmélange tout »… Et c’est bien decela dont il est question dans cefilm. D’un constant mélange desgenres (est-on dans un docu-fiction ? dans un docu-réalité ?dans une potacherie qui avoueraitson nom les yeux à moitié fer-més ?), donnant la sensation auspectateur d’errer sur les rivesd’une frontière mouvante. Frontière entre le réel et la fiction.On se prend à rêver, avec Vincent

Lindon quittant pour le coup sonhabit d’acteur, que la loi en ques-tion existera un jour. On souritlorsqu’il admet qu’il s’y verraitbien et avoue que son rôle intro-duit de la confusion dans sonquotidien – et vice versa,puisqu’un élan de colère (bienréel, celui-là !) sera intégré aumontage par Cavalier.D’où une deuxième frontière, cettefois entre l’acteur et l’homme : àquel moment le jeu improvisécède-t-il place à la spontanéité, etqui finit par écrire le film ? Et cetteautre encore, qui se dessine entreutopie et pragmatisme en poli-tique. Plus subtiles, enfin, les fron-tières de l’autorité – notammentl’autorité du père, puisque Cavalierl’a subie et en représente une à sontour (en tant que président, réalisa-teur et aîné)…Les mises en abîme se multiplient,tout comme les instants de grâce :

une visite chez un boulanger dontl’humilité donne des frissons,une main sur le dos d’une femme,les fous rires nés de l’évocationdes prochaines présidentiellesauxquelles les compères seprésenteront…La réussite du film, sa sincérité, est

contenue dans cette phrase de Lin-don que n’aurait pas reniée BorisVian : « Si c’est un film, c’est que c’estvrai. »

Jessica Nelson

Pater, d’Alain Cavalier avecVincent Lindon. Sortie le 22 juin.

Culture

« Hello demain », une exposition organisée par Orange à la Cité des sciences. On y voit les exploitationsmultiples, domestiques ou artistiques, que permet la fibre optique, l’alliée indispensable du futur.

Ovation à Cannes pour un film politique très Cavalier.

La fibre optique dans tous ses états

Pater, un ovni politique et cinématographique

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 413, MERCREDI 22 JUIN 2011

Séverine Legrix de la Salle, commissaire de l’exposition «Hello demain»,directrice de la marque Orange. PHOTO DR

Alain Cavalier et Vincent Lindon. PHOTO GUILLAUME BAPTISTE/AFP

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Depuis l’avènement desmicro-ordinateurs, l’infor-matique repose largement

sur un principe très simple : unordinateur stocke en interne, surson disque dur, ses logiciels et lesfichiers créés par l’utilisateur. Celapermet à l’ordinateur de travailleren toute indépendance, sans avoirbesoin d’être connecté à un réseau

informatique quelconque, local ouglobal. Mais l’arrivée d’Internet etsurtout des connexions perma-nentes en haut débit est en trainde changer ce paradigme.

Qu’est-ce que le cloudcomputing ?Initialement, le « Cloud » désignele Web, un réseau mondial que lesinformaticiens ont pris l’habitudede représenter sous la formegraphique d’un nuage signifiantqu’on ne peut exactement définirla forme de la Toile. Dès le débutde la décennie 2000 est apparuel’idée qu’il était possible d’ystocker des informations. Dunuage, on est passé à une infor-matique du nuage. Deux acteurshistoriques de ce marché ontémergé : Amazon a lancé uneoffre de services logiciels en Cloudtournée vers les entreprises alorsque Google lançait plusieurs ser-vices destinés au grand public. Enrésumé, il s’agit de stocker sur leréseau à la fois les logiciels dontl’utilisateur a besoin pour travail-ler, mais aussi ses fichiers.

Quel est l’intérêtde cette technologie ?À partir du moment où vos logi-ciels ou vos fichiers sont stockés

sur un serveur accessible via Inter-net, vous pouvez les consulter etles utiliser pour votre travail par-tout sur le globe, depuis n’im-porte quel ordinateur. Plus besoind’être physiquement présent ausein d’une entreprise pour travail-ler sur un dossier. De plus, celapermet aussi de partager ces fi-chiers et donc de faciliter le travailcollaboratif.

Ce stockage à distance permetaussi de compacter les ordina-teurs. Longtemps limité en capa-cité de stockage, l’ordinateurportable devient un outil de tra-vail. Et si on déporte l’intégralitédes données, plus besoin mêmede disque dur : on allège encoreun outil qui a encore du mal àdescendre en dessous de deuxkilos. La mise au point des « ultra-portables » repose largement surce stockage à distance.

Dernier intérêt, mais non desmoindres : si les logiciels ne sontplus installés à demeure mais uti-lisés comme des services à dis-tance, les éditeurs ne vendrontplus d’installation permanentemais des abonnements ou unpaiement à l’utilisation. Cela per-mettra de combattre la fraude,enjeu stratégique lorsqu’on es-time qu’en France 40 % deslogiciels installés sur les micro-ordinateurs ont été piratés. Lesjeux en ligne sont aussi un mar-ché considérable : le joueur ne semesure plus seulement à un pro-gramme informatique, mais àd’autres joueurs dans des partiesqui peuvent durer, dans certainsjeux, des mois. Avec, là encore,des ventes en abonnement à laclé.

Quels sont les risques ?Le premier risque est une dépen-dance accrue ou absolue vis-à-visdu réseau. Internet ralentit outombe en panne ? Des millionsde personnes ne peuvent plus tra-vailler ou accéder à leurs fichiers.De plus se pose le respect de laconfidentialité des donnéesconfiées à ces services destockage. Les données sont entre-posées dans des « fermes de ser-veurs » quelque part sur laplanète, sans que l’utilisateursache précisément où. Quelle lé-

gislation s’applique à ces ser-veurs ? Enfin, l’utilisateur nemaîtrise plus la protection de sesdonnées. Si un « hacker » (pirateinformatique) s’introduit sur unserveur, il peut accéder aux don-nées personnelles ou profession-nelles de dizaines de milliers depersonnes. Le « Cloud » est doncau cœur des enjeux de sécurité in-formatique et de respect de la vieprivée. Des enjeux éminemmentlégaux.

2.0

Le Cloud : bienvenue dansl’informatique globale

Le chiffre

210estimation du marchédu Cloud en 2010(Source McKinsey&Company)

Marc Benioff, fondateurde Salesforce.com

La citation

«LE CLOUD ESTPOUR TOUT

LE MONDE, LECLOUD EST UNEDÉMOCRATIE »

« Cloud », nuage en anglais. Un mot synonyme de nouvelle bible pourle pape de la blogosphère, Steve Jobs. Le patron d’Apple a lancé le 6 juinson nouveau service : iCloud. Un défi à ses concurrents Google et Amazon.

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Steve Jobs, P.-D.G. d’Apple, lors de sa présentation d’iCloud. PHOTO JUSTIN SULLIVAN/AFP

OVH LANCE UNE OFFRECLOUD FRANÇAISE� OVH, leader français del’hébergement de sites Web, a choiside s’allier avec l’américain VMwarepour présenter une offre de Cloudprivé à ses clients : Private Cloud.OVH met sur la table sescompétences en termes de serveurset de garantie de fonctionnement,VMware son expertise dans lesoffres de services en Cloud pour ceservice d’infrastructure informatiqueexternalisée. L’offre, déclinée en troispacks, démarre à 428 € mensuels.

AFFLELOU APPUIESON INFORMATIQUESUR LE CLOUD� Le lunetier français passeprogressivement depuis deux anssur des services en Cloud. Lacomptabilité, la facturation, lesoutils collaboratifs basculent sur desserveurs externalisés dans un mêmedata center (centre de traitementde données). Avantage ? Une plusgrande réactivité, une informatiquequi n’est plus gênée par lesdéménagements. En revanche,Ludovic Tassy, directeur des servicesd’information, déclare sur ZDNet.frqu’il n’y mettra « pas [leurs]données sensibles ».

INTEL LANCE LA COURSEÀ L’ULTRABOOK� Selon Sean Maloney, vice-président exécutif d’Intel, leadermondial des fabricants demicroprocesseurs, les ultrabookspourraient représenter 40 % des PCportables grand public en 2012. Plusfins (moins de 2 cm d’épaisseur),présentés à un prix inférieurà 1 000 dollars, ces ordinateursbénéficieront des progrèstechnologiques d’une nouvellegénération de processeurs à la foisplus performants, plus sûrs etmoins gourmands en énergie.La consommation de la générationprévue pour sortir en 2013 devraitbaisser de moitié par rapportà aujourd’hui.

CITIGROUP TOUCHÉPAR UN VOL DE DONNÉESBANCAIRES� La banque américaine révélaitla semaine dernière avoir subi uneintrusion informatique. C’est prèsde 200 000 clients, détenteursd’une carte de paiement enAmérique du Nord, dont les donnéesbancaires ont été volées par lespirates, soit 1 % de la clientèle decette région du globe. Les piratesont profité d’une faille de sécuritésur un des sites réservés à cesclients. Le site leur a permis de testerdes dizaines de milliers de numérosde cartes et de reconnaîtreceux acceptés par le systèmeinformatique de la banque.

En bref

milliardsde dollars

«AVEC CLOUD, PLUS BESOINDE DISQUE DUR. LA MISE AU

POINT DES ULTRAPORTABLESREPOSE LARGEMENT SUR CESTOCKAGE À DISTANCE »

«NOUS ALLONSDÉPLACER LE

CENTRE DE VOTRE VIENUMÉRIQUE, DANSLE NUAGE »

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NUMÉRO 413, MERCREDI 22 JUIN 2011 L’HÉMICYCLE 15

Déblogage

Chaquesemaine,le tourdu mondedes blogspar Manuel Singeot

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 85 890 ¤. RCS : Paris 443 984 117. 44, rue Blanche - 75009 Paris. Tél. : 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]). DIRECTEUR Robert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard([email protected]). ÉDITORIALISTES Gérard Carreyrou, Michèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Paul Lefèvre, Catherine Nay AGORA Ludovic Vigogne ONT COLLABORÉ À CE NUMÉROLudovic Bellanger, Antoine Colonna, Jean-François Coulomb des Arts, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes, Manuel Singeot CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTEDavid Dumand STAGIAIRES Gabrielle Besenval, Diane Ferrandez DIRECTRICE COMMERCIALE Violaine Parturier ([email protected])PARTENARIATSJuliette Boudre ([email protected]) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70.Fax : 01 49 36 26 89. Parution chaque mercredi ABONNEMENTS [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479

Xerbias, sur son blog qu’iltient depuis 2005, rappelleque si les mécanismes qui

permettent à un fonctionnaired’occuper une fonction loin deson corps d’origine ne sont pas il-légaux, ils posent un problèmemoral.

Xerbias« En tant que telle, cette affaireLuc Ferry n’est pas un scandale.D’un point de vue juridique, il n’ya rien d’illégal, et la question estréglée. Luc Ferry ne peut êtreaccusé de malhonnêteté. Celadépasse en fait son cas personnel :le problème est plus vaste. C’estcelui de tous ces détachements,décharges, délégations ou mises àdisposition, qui permettent à desfonctionnaires d’être rémunéréspar leur corps d’origine commes’ils continuaient d’occuper leurposte, alors qu’ils vont en occuperun autre ailleurs. Tous cesmécanismes sont-ils vraimentutiles ? On peut en douter. D’unpoint de vue moral, ils ne sejustifient pas en tout cas. Plutôtque de laisser perdurer tous cesdispositifs qui entretiennentl’opacité et les difficultésadministratives, l’État feraitmieux d’y mettre fin. Celasimplifierait considérablement lagestion des ressources humainesde nombreuses administrations. »> xerbias.free.fr

RVA, sur le blog Intox2007, évo-quant l’affaire en des termes parailleurs très crus, pose lui la ques-tion de l’ouverture à tout un cha-cun de ces cénacles créés par laRépublique.

RVA« Quel est donc son travail danscet organisme qui a pourtant unrôle important dans les questionsd’éthique… nul ne le sait, lespostes ne sont pas détaillés, ni lesrémunérations. Dans unerépublique exemplaire, lesrémunérations de tout participantà un comité Théodule ou pasdoivent être publiées sur un site

Web et donc accessible à toutcitoyen désireux de s’informeret éventuellement de postuler siun poste se libérait : il pourraitconnaître ce qui est demandé à lacharge de chaque poste du comitéen question. Je précise aussi qued’autres cas identiques se sontproduits ou se produisent (avecd’autres couleurs politiques)et qu’ils doivent cesser : nonau cumul des mandatset des postes ! »> www.intox2007.info

Sisyphe, rédacteur et commenta-teur régulier sur agoravox.fr, pro-pose lui aussi une transparencequi doit s’appliquer à tous les ni-veaux de la République.

Sisyphe« Par ailleurs, effectivement,

demander la transparence de tousces passe-droits octroyés (et Dieusait s’il y en a un paquet ; desdétachements, délégations, auxnominations à toutes sortes depostes de complaisance) auxcopains et coquins des pouvoirs enplace serait une salutaire mesuredémocratique, et en financer lecoût pour la collectivité, parrapport à ce que coûtent les

“assistés” du RSA, pour que leschoses soient claires. Un bon coupde glasnost, comme un coup depied dans la fourmilière descomplaisances, arrangements,combines, passe-droits, copinages,intérêts croisés, renvoisd’ascenseur, etc. »> www.agoravox.fr

Alain Renaldini, sur bsavenir.fr,blog socialiste, n’y va pas parquatre chemins et dénonce unsystème dont Luc Ferry n’estqu’un exemple.

Alain Renaldini« C’est finalement Matignonqui se chargera de rembourserl’université Paris 7 pour les coursque n’a pas assurés Luc Ferry.L’entourage du Premier ministrel’a fait savoir à l’AFP. Bienévidemment, les Français doiventcomprendre que derrière Matignonc’est bien d’argent public, celui de

leurs impôts, dont il s’agit. Ainsiva la vie en Sarkozie : caviar etchampagne gratuits pour les uns,retraites tronquées, retour du STOpour les exclus du RSA etpaupérisation pour les autres.Tandis que Ferry le donneur deleçons de morale est surpayé,Raffarin propose une deuxième« journée de solidarité », c’est-à-dire une deuxième journée où lesFrançais travailleront sans êtrepayés. C’est donc cela laRépublique irréprochable ? »> www.bsavenir.fr

Pierre Lagier met lui aussi enparallèle la difficile situationde nombre de Français avec cellede ces personnes qui travaillentdans des institutions dont l’utilitélui semble plutôt limitée.

Pierre Lagier« Selon son article premier,ce Conseil a pour mission

“d’éclairer les choix politiques duGouvernement par l’analyse et laconfrontation des points de vue,lorsque les décisions à prendreprésentent des enjeux liés à desfaits de société”. Belle institutionqui fleure bon la républiquebananière qui engraisse déjà leConseil économique et socialoù des gens sont payés pourréfléchir à des sujets de société etse fendent de beaux rapports donttout le monde se fiche. Allerexpliquer ça aux chômeurs,aux gens qui sont au RSA.

Et, selon Luc Ferry, 70 000personnes seraient dans son cas,déchargées de leur travail poursiéger dans des organismes divers.Il paraît que certains, quandmême, servent à quelque chose. »> lagierromancier.blogs.nouvelobs.com

Certains font même le lien entrecette demande de la fin des privi-lèges dans les régimes démocra-tiques, et le mouvement desIndignés, parti d’Espagne ; parexemple sur Indymedia, un blogd’information indépendant.

Indymedia« Depuis presque un mois,les Espagnols sont dans la rue,sur les places, au cœur des villes,mais aussi dans leurs quartiers,leurs villages. Des débats ont lieu,on réfléchit, on produitcollectivement une liste derevendications minimales. ÀBarcelone, l’assemblée populairevote une série de revendicationsminimales concernant la fin desprivilèges des élus, des banquierset des grandes fortunes, dessalaires dignes et une qualitéde vie pour tous et toutes. »> nantes.indymedia.org

Le Web veut sa nuit du 4-AoûtLuc Ferry n’a pas convaincu. La décision de Matignon de rembourserl’université Paris 7 des sommes versées à l’ancien ministre provoque un tollé,et la blogosphère s’indigne de l’existence des centaines de commissionset conseils consultatifs qui génèrent privilèges et prébendes.

«LE CONSEIL D’ANALYSE DE LA SOCIÉTÉEST UNE INSTITUTION QUI FLEURE BON

LA RÉPUBLIQUE BANANIÈRE »lagierromancier.blogs.nouvelobs.com

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Si nous fournissons une énergie plus propre aux transports en commun de Lille,

nous pouvons aussi le faire pour le petit train de Marius.

Pour réduire l’impact sur l’environnement des transports en commun de Lille,

Gaz de France Provalys approvisionne les bus de la ville en Gaz Naturel Véhicules,

un carburant faiblement émetteur d’oxydes d’azote. Et pour que, vous aussi, vous puissiez faire un geste en

faveur de l’environnement, Gaz de France DolceVita vous propose l’offre de marché 2 énergies Nature qui

associe une électricité compensée 100 % hydraulique et un gaz naturel 100 % compensé carbone(1).

Dans votre ville, votre entreprise, comme chez vous, GDF SUEZ vous apporte une énergie plus sûre, plus respectueuse, mieux consommée.

(1) Les conditions de souscription de cette offre de marché DolceVita 2 énergies Nature sont disponibles sur le site www.dolcevita.gazdefrance.fr. Pour 100 % de l’électricité que vous achetez, GDF SUEZ achète son équivalent en électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable d’origine hydraulique. Les émissions de CO2 issues de la consommation de gaz naturel sont compensées par l’achat par le client de crédits carbone.

L ’ É N E R G I E E S T N O T R E A V E N I R , É C O N O M I S O N S - L A !

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