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L’Ingénu

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VOLTAIRE

L’IngénuÉdition de

DOMINIQUE LANNI,professeur de lettres

Mise à jour parPATRICIA BARBARIN et HÉLÈNE CLÉVY,

professeurs de lettres

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Le siècle des Lumièresdans la collection « Étonnants Classiques »BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Paul et VirginieDIDEROT, Entretien d'un père avec ses enfants

Jacques le FatalisteSupplément au Voyage de Bougainville

Les Lumières (anthologie)MONTESQUIEU, Lettres persanesPRÉVOST, Manon LescautROUSSEAU, Les ConfessionsTrois Contes philosophiques (Madame de La Carlière de Diderot, Ziméo de

Saint-Lambert, Histoire des voyages de Scarmentado de Voltaire)VOLTAIRE, Candide

L'IngénuJeanne et Colin. Le Monde comme il vaTraité sur la toléranceZadig

© Éditions Flammarion, Paris, 2004.Édition revue, 2014 et 2018.ISBN : 978-2-0814-4485-0ISSN : 1269-8822

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SOMMAIRE

& Présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Voltaire conteur 5

Genèse et publication de L’Ingénu 6

Une « histoire véritable » ? 8

Un conte philosophique 9

À la croisée des genres 11

Malheur est-il bon à quelque chose ? Une moraleambiguë 14

& Chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

L’Ingénu

I. Comment le prieur de Notre-Damede la Montagne et Mlle sa sœurrencontrèrent un Huron 29

II. Le Huron, nommé l’Ingénu, reconnude ses parents 39

III. Le Huron, nommé l’Ingénu, converti 44

IV. L’Ingénu baptisé 48

V. L’Ingénu amoureux 52

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VI. L’Ingénu court chez sa maîtresseet devient furieux 56

VII. L’Ingénu repousse les Anglais 59

VIII. L’Ingénu va en cour. Il soupe en cheminavec des huguenots 63

IX. Arrivée de l’Ingénu à Versailles.Sa réception à la cour 66

X. L’Ingénu enfermé à la Bastilleavec un janséniste 70

XI. Comment l’Ingénu développe son génie 76

XII. Ce que l’Ingénu pense des pièces de théâtre 81

XIII. La belle Saint-Yves va à Versailles 83

XIV. Progrès de l’esprit de l’Ingénu 89

XV. La belle Saint-Yves résiste à des propositionsdélicates 92

XVI. Elle consulte un jésuite 95

XVII. Elle succombe par vertu 97

XVIII. Elle délivre son amant et un janséniste 100

XIX. L’Ingénu, la belle Saint-Yves,et leurs parents sont rassemblés 104

XX. La belle Saint-Yvesmeurt,et ce qui en arrive 111

& Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

Parcours de lecture 122

Ateliers d’argumentation : les salons littéraires 139

La liberté d’expression s'expose 142

Un livre, un film 145

Le mythe du « bon sauvage » 148

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PRÉSENTATIONVoltaire conteur

«M. le multiforme » : c’est ainsi que d’Alembert surnommaitVoltaire, rendant compte de l’aisance de l’auteur à passer d’ungenre à l’autre.

Nous sommes en 1746 et Voltaire travaille au premier conteen prose qu’il publiera, Zadig ou la Destinée. Cette année-là, il estélu à l’Académie française, qui le récompense pour ses pièces envers et ses ouvrages historiques. Après s’être fait de nombreuxennemis et avoir été contraint plusieurs fois à l’exil (en Angle-terre, en Lorraine, en Hollande), Voltaire, devenu un proche deLouis XV (il est historiographe du roi), un intime de Frédéric II dePrusse et le correspondant de tous les grands d’Europe, est eneffet reconnu, adulé pour ses poèmes épiques – La Henriade –,ses ouvrages philosophiques – Lettres anglaises ou Lettres philo-sophiques –, ses tragédies – Œdipe, Zaïre, Mahomet, Mérope – etses sommes historiques – Histoire de Charles XII.

Mais, à cette époque, Voltaire est également l’auteur de nom-breux contes en vers et en prose, qu’il n’a pas encore publiés etqu’il nomme son « fatras », ses « brimborions », ses « rogatons »,témoignant ainsi du mépris avec lequel, à l’instar de tout sonsiècle, il considère la fiction romanesque, loin des genres sérieuxet codifiés comme le théâtre. Ce sont pourtant ces récits, oùl’imagination est reine et la forme totalement libre, qui font sarenommée aujourd’hui. Voués à une diffusion clandestine, cescontes lui permettent en effet de donner libre cours à sa verve

Présentation | 5

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critique : sa pensée affûtée et son éloquence puissante s’yaffirment dans tout leur éclat. Parmi les contes les plus connus etles plus lus de nos jours figurent L’Ingénu, ainsi que Zadig (publiéla première fois sous le titre Memnon, en 1747), Micromégas(1752) ou encore Candide (1759), qui ont une valeur philoso-phique sans pareille. Mais Voltaire a écrit de nombreux autrescontes s’inscrivant dans trois traditions : celle du conte libertind’abord, à la manière des Contes et nouvelles mis en vers de Jeande La Fontaine – tels Le Cocuage, Le Cadenas –, celle du conteoriental ensuite, à la manière de la traduction des contes desMille et Une Nuits d’Antoine Galland – tel Le monde comme ilva –, celle des contes de fées enfin, à la manière des Contes deCharles Perrault et de Mme d’Aulnoy – tel Le Crocheteur borgne.Tous demeurent en prise directe avec l’actualité et sont autantd’apologues qui invitent le lecteur à réfléchir sur l’amitié, l’amour,les mœurs, le pouvoir, la superstition et la providence.

Genèse et publicationde L’Ingénu

Si Voltaire commence la rédaction de L’Ingénu au cours de ladeuxième semaine du mois de mai 1767, la conception du livreest certainement plus ancienne. Parmi les manuscrits de Voltaire,on a retrouvé l’esquisse suivante, impossible à dater précisémentet que le texte définitif ne respecte qu’en partie seulement :

Histoire de l’Ingénu, élevé chez les sauvages, puis chez les Anglais,

instruit dans la religion en Basse-Bretagne, tonsuré, confessé, se

battant avec son confesseur, son voyage à Versailles chez frère

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Le Tellier son parent. Volontaire deux campagnes [sic], sa force

incroyable, son courage. Veut être capitaine de cavalerie, étonné du

refus. Se marie, ne veut pas que le mariage soit un sacrement, trouve

très bon que sa femme soit infidèle parce qu’il l’a été. Meurt en

défendant son pays. Un capitaine anglais l’assiste à sa mort, avec un

jésuite et un janséniste. Il les instruit en mourant.

Par ailleurs, on sait que, dès l’automne 1766, il fait plusieursfois allusion à son futur conte dans sa correspondance.

C’est en juillet 1767 qu’est imprimé, à Genève, chez Cramer, unouvrage sans nom d’auteur intitulé L’Ingénu. Le 7 août, Voltaireécrit à son imprimeur parisien Lacombe qu’« un petit ouvrageintitulé L’Ingénu, d’un nommé Dulaurens, auteur du CompèreMatthieu », circule parmi les gens de lettres, et que l’auteur lui arendu visite afin qu’il favorise sa publication en France.

Le 21 août, il écrit à son ami Damilaville : « Je sais Monsieurque vous vous amusez quelquefois de littérature. J’ai fait cher-cher L’Ingénu pour vous l’envoyer ; et j’espère que vous le rece-vrez incessamment ; c’est une plaisanterie assez innocente… »

L’ouvrage est imprimé à Paris, chez Lacombe, toujours sansnom d’auteur, avec une fausse adresse pour échapper à la cen-sure, et intitulé Le Huron ou l’Ingénu. Le 13 septembre, Voltairefeint de s’insurger et écrit à Damilaville : « Je ne peux conce-voir comment on a permis en France l’impression du livre deDulaurens intitulé L’Ingénu. Cela me passe. » Comme il aime à lefaire, Voltaire avance masqué.

Aux quelques proches qui lui en attribuent la paternité dansles lettres qu’ils lui adressent, Voltaire prend un malin plaisir àrépondre qu’il n’en est pas l’auteur, qu’il ne l’a pas lu, ou bienqu’il l’a lu mais que l’auteur en est Dulaurens, ou un certainBazin…

L’ouvrage connaît une remarquable fortune en un tempsrecord : plus de trois mille exemplaires en sont vendus en l’espace

Présentation | 7

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de quelques jours. Les autorités religieuses font interdire la publi-cation et la vente de l’ouvrage en France le 17 septembre. Loin denuire à l’ouvrage, la censure attise furieusement la curiosité deslecteurs et ce ne sont pas moins de sept éditions illégales deL’Ingénu qui sont imprimées en l’espace de quatre mois.

Une « histoirevéritable » ?

C’est ce que mentionne le sous-titre du conte. Mais cetteindication ne trompe personne, pas plus que les efforts deVoltaire pour nier toute paternité de l’ouvrage…

Tout au long de son récit, Voltaire s’applique à donner uncadre spatio-temporel précis à son histoire : dès l’incipit, le lec-teur sait qu’elle se déroule en 1689, qu’elle a pour cadre laFrance de Louis XIV. Et, de fait, les lieux évoqués sont bienréels – la Basse-Bretagne, Saumur, Versailles, Paris –, les nomspropres convoqués sont ceux de personnages historiques – lepère de La Chaise, Louvois, M. Alexandre, Arnault, Nicole,Rohault, Malebranche, Racine, Fénelon, Bossuet… – et il est faitallusion à de nombreux événements qui ont réellement eu lieusous le règne de Louis XIV – la révocation de l’édit de Nantes, lamultiplication des lettres de cachet, la ruine de Saumur, la persé-cution des jansénistes, les attaques des côtes françaises par lesAnglais, les rivalités entre ces deux pays au sujet des possessionscoloniales sur le continent américain… Au moment même où ilécrit L’Ingénu, Voltaire rédige des ajouts pour son Siècle deLouis XIV (1752), qui est réédité : on imagine aisément que, pour

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donner un cadre vraisemblable à son histoire, il puise dans cettesomme.

Mais Voltaire ne donne pas à lire un texte purement histo-rique, comme le montre l’ouverture du texte, très fantaisiste…Les approximations sont par ailleurs nombreuses et certains ana-chronismes sont perceptibles (ainsi, Bolingbroke est né en 1678

et n’a que onze ans en 1689, la Télémachomanie de Faydit datede 1700

1, etc.).

Un contephilosophique

Dès lors, pourquoi Voltaire mêle-t-il ouvertement des élé-ments authentiques et des éléments de pure fiction ? Pourquoiancre-t-il son récit dans ce contexte historique précis, la Francede Louis XIV ?

Il s’agit de divertir le lecteur tout en lui permettant d’exercerson esprit critique sur des questions aussi polémiques que cellede la révocation de l’édit de Nantes.

Mais c’est aussi un moyen pour tenter d’échapper à la cen-sure en donnant à voir les dysfonctionnements des institutions,les crimes et abus dont se rendent coupables les gouvernants àtravers les yeux d’un étranger, le Huron, figure emblématique du« bon sauvage » (à l’inverse de l’Iroquois, le sauvage cruel etanthropophage 2), dont le mythe s’épanouit au XVIIIe siècle 3. En

1. Voir p. 33 et p. 80.2. Voir notes 2, p. 29, et 2, p. 31.3. Le «mythe du bon sauvage », qui se développe au XVIIIe siècle, s’est forgé dès leXVIe siècle, avec les chapitres «Des coches » et «Des cannibales » dans les Essais .../...

Présentation | 9

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mettant en évidence les travers de la France de Louis XIV,Voltaire dénonce aussi ceux de la France de Louis XV, puisqu’ilexiste une évidente continuité entre les deux règnes. SousLouis XIV, les jésuites sont puissants et les jansénistes 1, minori-taires et dissidents ; les premiers encouragent le roi à réduirepuis interdire l’exercice du culte protestant, à légitimer la répres-sion, ils infiltrent le pouvoir, s’imposent comme directeurs deconscience et confesseurs, espionnent, dénoncent, condamnent ;sous Louis XV, les jésuites sont chassés de toutes les monarchieseuropéennes, tandis que les jansénistes s’emparent des postes-clés dans les administrations et au Parlement. Sous Louis XIVrègnent la corruption, les trafics d’influence, les lettres de cachet,et les arrestations arbitraires se multiplient ; sous Louis XV, sousl’impulsion du fanatisme religieux, la justice est expéditive etpartiale, comme viennent le rappeler les affaires Calas, Sirvenet La Barre 2.

Ainsi, comme Zadig, Micromégas ou Candide, L’Ingénu, enproposant au lecteur un récit divertissant tout en l’incitant àadopter une réflexion critique sur les dysfonctionnements de la

.../... de Montaigne. Au XVIIIe siècle, il fait l’objet d’une polémique entre Voltaire etRousseau, le second considérant que l’homme dans l’état de nature est bon et quec’est la société qui le pervertit (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalitéparmi les hommes, 1755), le premier pensant que la civilisation est indispensable auprogrès et au bonheur humains.1. Les jansénistes tiennent leur nom de Jansénius, théologien hollandais (1585-1638) qui s’inspire de la doctrine sur la grâce de saint Augustin (voir note 3, p. 30) :les élus (exclusivement), auxquels est promis le paradis, y sont prédestinés parDieu ; l’homme, individu misérable marqué par le péché originel, est incapable dese sauver lui-même. Les jésuites, eux, sont les membres de la Compagnie de Jésusfondée en 1540 par Ignace de Loyola, théologien espagnol (1491 ?-1556), etconsidèrent que Dieu accorde à tous les hommes le salut s’ils le méritent parleurs actions. Cette opposition théologique des jansénistes et des jésuites a desprolongements moraux (morale stricte pour les premiers, laxisme des seconds) etpolitiques (volonté d’indépendance française des premiers contre soumissiontotale au pape prônée par les seconds).2. Voir chronologie, p. 17.

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civilisation occidentale, s’offre-t-il comme un conte philoso-phique. De ce genre, il adopte les formules sentencieuses : « Laraison fait toujours rentrer les hommes en eux-mêmes pourquelques moments » (p. 33) ; « La lecture agrandit l’âme » (p. 76) ;« Bien des gens […] ne méritent pas leurs places » (p. 82) ; « Il fautconvenir que Dieu n’a créé les femmes que pour apprivoiser leshommes » (p. 88)… Mais L’Ingénu n’est pas seulement un contephilosophique : Voltaire compose un texte à la croisée des genres,mêlant des esthétiques variées – roman de formation, romansensible, pamphlet contre les différents systèmes religieux,notamment.

À la croisée des genres

Un roman de formation

Parce qu’il retrace les expériences qui permettent au héros des’instruire et d’accéder à une certaine sagesse, L’Ingénu s’appa-rente à un roman de formation, que l’on nomme aussi romand’éducation ou d’apprentissage, comme Les Aventures de Télé-maque (1699) de Fénelon, Les Voyages de Cyrus (1727) de Ramsayet le Sethos de l’abbé Terrasson (1731).

Né au Canada mais de parents bretons, dénué de préjugés,l’Ingénu est ignorant des usages du pays lorsqu’il fait halte enBasse-Bretagne. Dès son arrivée, il se familiarise avec les mœurset pratiques desmembres de la petite communauté qui l’accueille.L’Ingénu est rapidement entouré de personnages qui jouent tousauprès de lui le rôle de pédagogues. Si l’abbé de Kerkabon secharge de son instruction religieuse, c’est Mlle de Saint-Yves quise soucie de faire son éducation sentimentale.

Présentation | 11

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n Portrait de Voltaire, par Quentin de La Tour, vers 1735.

©Ro

ger-Viollet

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CHRONOLOGIE

1694177816941778

& Repères historiques et culturels

& Vie et œuvre de l’auteur

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Repères historiques et culturels

1643 Début du règne de Louis XIV.

1682 Bayle, Pensées diverses écrites à un docteur de la Sorbonneà l’occasion de la Comète de 1680.

1695 Bayle, Dictionnaire historique et critique.

1697 Perrault, Histoires ou Contes du temps passé.

1702-1712

Guerre de Succession d’Espagne : à la mort du roi d’EspagneCharles II, en 1700, le duc d’Anjou et petit-fils de Louis XIVaccède au trône et devient Philippe V. L’Angleterre et les Pays-Bas,craignant la nouvelle puissance de la France, s’allient contreelle avec la Bavière, la Prusse et l’Autriche. En 1712, le congrèsd’Utrecht réunit les belligérants : Philippe V conserve le trôned’Espagne mais doit renoncer pour lui et pour sa descendanceau trône de France. Fin de l’hégémonie française en Europe.

1704 Début de la parution de la traduction des Mille et Une Nuitspar Antoine Galland.

1711 Bulle Unigenitus, texte par lequel le pape Clément XIcondamne les jansénistes.

1715 Mort de Louis XIV. Régence de Philippe d’Orléans.

1721 Montesquieu, Lettres persanes.

1723 Mort du Régent. Début du règne personnel de Louis XV.Marivaux, La Double Inconstance.

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Vie et œuvre de l’auteur

1694 Naissance à Paris de François Marie Arouet, fils d’un riche notaire.

1704-1711

Il effectue de brillantes études chez les jésuites au collègeLouis-le-Grand, à Paris.

1711 Il commence des études de droit.

1713-1715

Il est nommé secrétaire de l’ambassadeur de France à La Haye.

1716 Il est contraint de s’exiler à Tulle puis à Sully-sur-Loire pour avoirécrit des vers satiriques contre le Régent.

1717-1718

Il est emprisonnépendant onzemois à laBastille pour lamême raison.Il prend le pseudonyme de Voltaire et rencontre son premier grandsuccès avec une tragédie,Œdipe.

1721-1723

Voltaire est reçu par l’aristocratie comme poète mondain. Il écritet fait paraître une première version de La Henriade, son poèmeépique sur Henri IV et les guerres de Religion.

Chronologie | 19

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L’Ingénu1

HISTOIRE VÉRITABLE

TIRÉE DES MANUSCRITS DU P. QUESNEL 2

1. L’Ingénu est le titre que Voltaire donna à la première édition de son récit,imprimée chez Cramer, à Genève, en juillet 1767. Le Huron ou l’Ingénu estcelui qu’il retint pour la seconde édition, imprimée chez Lacombe, à Paris, enseptembre 1767, mais avec une adresse factice située à Lausanne pourcontourner la censure.2. Pasquier Quesnel (1634-1719) : prêtre, chef de file des jansénistes (voirprésentation, note 1, p. 10) après la mort du Grand Arnauld (voir note 3,p. 72), il écrivit divers ouvrages condamnés par Rome, notamment sesRéflexions morales sur le Nouveau Testament (1699). De ce volume furentextraites les cent une propositions jugées hérétiques et représentatives de lamouvance janséniste à l’origine de la bulle Unigenitus (voir chronologie,p. 18). L’attribution de L’Ingénu au père Quesnel est fantaisiste. L’ouvrageprésente des thèses trop hardies pour être l’œuvre d’un religieux aussi austèreque le père Quesnel, bien que l’homme soit l’auteur de manuscrits compro-mettants retrouvés chez lui lors de son arrestation à Bruxelles en 1703 (dontVoltaire s’est souvenu pour attribuer son conte au prêtre). Par le biais de cettepaternité, Voltaire a rapproché l’époque à laquelle se situe l’histoire (lesannées 1689 et 1690) et celle où le texte est supposé avoir été écrit (avant1703) et rendu son récit plus véridique.

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Chapitre I

Comment le prieur 1 de Notre-Damede la Montagne et Mlle sa sœur

rencontrèrent un Huron 2

Un jour saint Dunstan 3, Irlandais de nation et saint de profes-sion, partit d’Irlande sur une petite montagne qui vogua vers lescôtes de France, et arriva par cette voiture 4 à la baie de Saint-Malo.Quand il fut à bord 5, il donna la bénédiction à sa montagne, qui

5 lui fit de profondes révérences et s’en retourna en Irlande par lemême chemin qu’elle était venue 6.

1. Prieur : supérieur d’un couvent.2. Huron : Indien d’Amérique duNord (Canada) vivant au nord du lacHuron.Bien connus des lettrés français après la publication du Grand Voyage au paysdes Hurons (1632) par le père jésuite Gabriel Sagard Théodat, les Hurons, à ladifférence des Iroquois, ne sont pas belliqueux ; en France, ils incarnent la figuredu « bon sauvage » ; ils sont alliés des Français contre les Anglais qui s’affrontentsur le continent américain.3. Saint Dunstan (924-988) : évêque de Canterbury, Londres et Worcester, ils’est appliqué à réformer la viemonastique enAngleterre.De nationalité anglaise,il a été élevé par des moines irlandais. Cette ouverture romanesque n’a aucunrapport avec la suite du récit. On a supposé que Voltaire avait choisi de se lancerdans la rédaction de son récit en rendant un hommage fantaisiste au saint du jour.4. Par cette voiture : par ce moyen de transport (du latin vectura, de vehere,« transporter »).5. À bord : à terre, sur la côte.6. Au sujet de la foi qui déplace les montagnes, Voltaire prête à un personnageles paroles suivantes dans sa douzième Lettre sur lesmiracles : « J’ai lu dans .../...

Chapitre I | 29

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Dunstan fonda un petit prieuré dans ces quartiers-là, et luidonna le nom de prieuré de la Montagne, qu’il porte encore,comme un chacun sait.

10 En l’année 1689, le 15 juillet au soir, l’abbé de Kerkabon,prieur de Notre-Dame de la Montagne, se promenait sur le bordde la mer avecMlle de Kerkabon, sa sœur, pour prendre le frais. Leprieur, déjà un peu sur l’âge, était un très bon ecclésiastique, aiméde ses voisins, après l’avoir été autrefois de ses voisines. Ce qui lui

15 avait donné surtout une grande considération, c’est qu’il était leseul bénéficier 1 du pays qu’on ne fût pas obligé de porter dans sonlit quand il avait soupé avec ses confrères. Il savait assez honnête-ment de théologie 2 ; et quand il était las de lire saint Augustin 3, ils’amusait avec Rabelais 4 : aussi tout le monde disait du bien de lui.

20 Mlle de Kerkabon, qui n’avait jamais été mariée, quoiqu’elleeût grande envie de l’être, conservait de la fraîcheur 5 à l’âge dequarante-cinq ans ; son caractère était bon et sensible ; elle aimaitle plaisir et était dévote.

Le prieur disait à sa sœur, en regardant la mer : «Hélas ! c’est25 ici que s’embarqua notre pauvre frère avec notre chère belle-sœur

.../... l’histoire de saint Dunstan […] qu’il fit venir un jour une montagned’Irlande en Basse-Bretagne, lui donna sa bénédiction, et la renvoya chez elle. »Mais saint Dunstan ne s’est jamais rendu ni en Irlande ni en Bretagne.1. Bénéficier : titulaire d’un bénéfice, titre ecclésiastique accompagné derevenus.2. Théologie : science qui a pour objet Dieu et les choses divines. On désignepar ce terme les questions doctrinales que soulèvent la lecture et l’étude destextes sacrés d’une religion.3. Saint Augustin (354-430) : évêque africain et père de l’Église, auteurnotamment de La Cité de Dieu ; il est à l’origine de l’augustinisme, doctrinereligieuse selon laquelle l’homme est marqué par le péché originel et ne peutaccéder au salut que par la grâce de Dieu (et non par ses œuvres). C’est de sonenseignement que s’inspirent les jansénistes aux XVIIe et XVIIIe siècles, parti-sans de la pensée de Jansénius (1585-1638), disciple de saint Augustin.4. Rabelais (1494-1553) : écrivain que l’on redécouvre au XVIIIe siècle, il estnotamment l’auteur de Gargantua et de Pantagruel, deux récits associantvaleurs humanistes et réalisme drolatique.5. Fraîcheur : santé, beauté, vivacité.

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Mme de Kerkabon, sa femme, sur la frégate L’Hirondelle, en 1669,pour aller servir en Canada 1. S’il n’avait pas été tué, nous pour-rions espérer de le revoir encore.

– Croyez-vous, disait Mlle de Kerkabon, que notre belle-sœur30 ait été mangée par les Iroquois 2, comme on nous l’a dit ? Il est

certain que si elle n’avait pas été mangée, elle serait revenue aupays. Je la pleurerai toute ma vie 3 : c’était une femme charmante ;et notre frère, qui avait beaucoup d’esprit, aurait fait assurémentune grande fortune 4. »

35 Comme ils s’attendrissaient l’un et l’autre à ce souvenir, ilsvirent entrer dans la baie de Rance un petit bâtiment qui arrivaitavec la marée : c’étaient des Anglais qui venaient vendre quelquesdenrées 5 de leur pays. Ils sautèrent à terre, sans regarder M. leprieur ni Mlle sa sœur, qui fut très choquée du peu d’attention

40 qu’on avait pour elle.Il n’en fut pas de même d’un jeune homme très bien fait qui

s’élança d’un saut par-dessus la tête de ses compagnons, et setrouva vis-à-vis mademoiselle. Il lui fit un signe de tête, n’étantpas dans l’usage de 6 faire la révérence. Sa figure et son ajuste-

45 ment 7 attirèrent les regards du frère et de la sœur. Il était nu-têteet nu-jambes, les pieds chaussés de petites sandales, le chef 8 ornéde longs cheveux en tresses, un petit pourpoint 9 qui serrait une

1. En 1689, c’est-à-dire à l’époque où se déroule l’action, le Canada s’appelleencore la Nouvelle-France et il appartient à la France. Celle-ci le perd en 1763à l’issue du traité de Paris, qui met un terme à la guerre de Sept Ans.2. Iroquois : Indiens d’Amérique du Nord anthropophages, rivaux desHurons et alliés des Anglais contre les Français.3. Allusion ironique aux romans larmoyants de l’époque.4. Une grande fortune : une longue carrière. L’évocation de la disparition d’unêtre cher parti servir dans les colonies est un lieu commundes romans de l’époque.5. Denrées : marchandises.6. Dans l’usage de : habitué, accoutumé à.7. Son ajustement : sa parure.8. Chef : tête, du latin caput. L’emploi est déjà vieilli au XVIIe siècle.9. Pourpoint : vêtement d’homme qui enveloppe la partie supérieure ducorps depuis le cou jusqu’au-dessous de la ceinture.

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Chapitre XV

La belle Saint-Yves résisteà des propositions délicates

La belle Saint-Yves, plus tendre encore que son amant, alladonc chez M. de Saint-Pouange, accompagnée de l’amie chez quielle logeait, toutes deux cachées dans leurs coiffes 1. La premièrechose qu’elle vit à la porte ce fut l’abbé de Saint-Yves, son frère,

5 qui en sortait. Elle fut intimidée ; mais la dévote 2 amie la rassura.« C’est précisément parce qu’on a parlé contre vous qu’il faut quevous parliez. Soyez sûre que dans ce pays les accusateurs onttoujours raison si on ne se hâte de les confondre 3. Votre pré-sence d’ailleurs, ou je me trompe fort, fera plus d’effet que les

10 paroles de votre frère. »Pour peu qu’on encourage une amante passionnée, elle est

intrépide. La Saint-Yves se présente à l’audience 4. Sa jeunesse, sescharmes, ses yeux tendres, mouillés de quelques pleurs, attirèrenttous les regards. Chaque courtisan du sous-ministre oublia un

15 moment l’idole du pouvoir pour contempler celle de la beauté. LeSaint-Pouange la fit entrer dans un cabinet 5 ; elle parla avec atten-drissement et avec grâce. Saint-Pouange se sentit touché. Elle trem-blait, il la rassura. «Revenez ce soir, lui dit-il ; vos affaires méritentqu’on y pense et qu’on en parle à loisir ; il y a ici trop de monde ;

1. Coiffes : sortes de voiles en toile ou en tissu léger dont les femmes de labourgeoisie et de la noblesse se recouvrent la tête pour sortir et qu’ellesportent sous leurs mantilles.2. Dévote : dévouée à Dieu.3. Confondre : démasquer.4. Audience : entretien accordé par Saint-Pouange.5. Cabinet : bureau retiré.

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20 on expédie les audiences trop rapidement : il faut que je vousentretienne à fond de tout ce qui vous regarde. » Ensuite, ayantfait l’éloge de sa beauté et de ses sentiments, il lui recommanda devenir à sept heures du soir.

Elle n’y manqua pas ; la dévote amie l’accompagna encore,25 mais elle se tint dans le salon, et lut le Pédagogue chrétien 1,

pendant que le Saint-Pouange et la belle Saint-Yves étaient dansl’arrière-cabinet. « Croiriez-vous bien, mademoiselle, lui dit-ild’abord, que votre frère est venu me demander une lettre decachet contre vous ? En vérité j’en expédierais plutôt une pour le

30 renvoyer en Basse-Bretagne.– Hélas ! monsieur, on est donc bien libéral de lettres de

cachet dans vos bureaux, puisqu’on en vient solliciter du fonddu royaume, comme des pensions. Je suis bien loin d’en deman-der une contre mon frère. J’ai beaucoup à me plaindre de lui,

35 mais je respecte la liberté des hommes ; je demande celle d’unhomme que je veux épouser, d’un homme à qui le roi doit laconservation d’une province, qui peut le servir utilement, et quiest fils d’un officier tué à son service. De quoi est-il accusé ?Comment a-t-on pu le traiter si cruellement sans l’entendre ? »

40 Alors le sous-ministre lui montra la lettre du jésuite espion etcelle du perfide bailli. «Quoi ! il y a de pareils monstres sur laterre ! et on veut me forcer ainsi à épouser le fils ridicule d’unhomme ridicule et méchant ! et c’est sur de pareils avis qu’ondécide ici de la destinée des citoyens ! » Elle se jeta à genoux, elle

45 demanda avec des sanglots la liberté du brave homme qui l’ado-rait. Ses charmes dans cet état parurent dans leur plus grandavantage. Elle était si belle que le Saint-Pouange, perdant toutehonte, lui insinua qu’elle réussirait si elle commençait par luidonner les prémices de ce qu’elle réservait à son amant 2. La

1. Pédagogue chrétien (1929) : traité destiné à l’éducation des religieux écritpar le père d’Outreman (1585-1652) et raillé par Voltaire dans son Diction-naire philosophique.2. Les prémices de ce qu’elle réservait à son amant : sa virginité.

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Parcours de lecture

Ateliers d’argumentation : les salons littéraires

La liberté d’expression s'expose(éducation aux médias et à l’information)

Un livre, un film : Le Nouveau Monde, de Terrence Malick

Le mythe du « bon sauvage »(histoire des arts)

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Parcours de lecture

ÉTUDE DE TEXTE No 1 : l’Ingénuen Basse-Bretagne

Au fil du texte…Relisez les chapitres I à VII, puis répondez aux questions suivantes.

1. Voltaire était surnommé «M. le multiforme 1 » par d’Alembert. Àl’aide du tableau suivant, relevez les éléments présents dans lechapitre I de L’Ingénu qui évoquent les genres littéraires suivants :

Thèmesabordés

Types depersonnages

Registres

Nouvelle

Conte

Roman épique

Roman sentimental

Roman d’apprentissage

Roman satirique

2. Comment le portrait physique et moral du Huron se construit-il aufil des chapitres ? Vous fonderez votre analyse littéraire sur l’étude deses apparitions, ses attitudes, ses paroles et ses actes.

3. Observez le triangle amoureux qui se met en place dans ceschapitres, entre le Huron, la sœur de l’abbé de Kerkabon et Mllede Saint-Yves. Comment participe-t-il à l’ironie voltairienne ?4. Que symbolise le baptême du Huron ? Pourquoi renforce-t-ill’importance de la loi naturelle ?

1. Voir présentation, p. 5 : d’Alembert souligne le talent de Voltaire quimaîtrise différents genres littéraires et peut les combiner au sein de ses œuvres.

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5. D’après cette description de la société basse-bretonne, quelles sontles mœurs des provinciaux ? Quelle critique Voltaire en fait-il ?

À vos plumes !« [Mlle de Kerkabon et Mlle de Saint-Yves] jetèrent un grand criet se détournèrent. Mais, la curiosité l’emportant bientôt surtoute autre considération, elles se coulèrent doucement entre lesroseaux ; et quand elles furent bien sûres de n’être point vues,elles voulurent voir de quoi il s’agissait » (p. 48).En adoptant le point de vue de Mlle de Saint-Yves, brossez leportrait de l’Ingénu en une trentaine de lignes.

Pistes de recherche1. À partir de recherches en ligne et au CDI, retracez l’histoire desexplorations françaises en Amérique du Nord. Quand ont-elles étémenées ? Par qui ?2. Quelles relations les équipages français ont-ils nouées avec lesautochtones ?3. Dans les chapitres I à VII, quels sont les éléments qui renvoientà ces explorations ? Quels sont ceux qui renvoient à des événementspostérieurs, presque contemporains de la rédaction de L’Ingénu ?4. Vous présenterez le résultat de vos recherches sous la forme d’unexposé oral d’une vingtaine deminutes. Vous pourrez utiliser une frisechronologique, une carte et des documents iconographiques.

Texte d’accompagnementÀ plusieurs reprises, le Huron s’étonne que ses hôtes ne respectent pasles saintes Écritures et s’en offusque. Dans les Lettres persanes (1721)de Montesquieu, qui donnent à lire la correspondance fictive de deuxPersans partis à la découverte de l’Europe, Usbek, l’un des épistoliers,s’interrogeait déjà sur les mœurs, pratiques et coutumes religieusesdes chrétiens.

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suis sûre ; le bon Wolmar lui-même ne m’échappera pas 1. Monretour à Dieu tranquillise mon âme et m’adoucit un momentpénible ; il me promet pour vous le même destin qu’à moi. Mon sortme suit et s’assure. Je fus heureuse, je le suis, je vais l’être : monbonheur est fixé, je l’arrache à la fortune ; il n’a plus de bornes quel’éternité.

Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse, GF-Flammarion,2018.

1. Comment Julie appréhende-t-elle sa mort à venir ?

2. Comparez l’état d'esprit qu'elle connaît au seuil de la mort et celuidans lequel se trouve Mlle de Saint-Yves au mêmemoment.

1. Le bonWolmar lui-même ne m’échappera pas : M. deWolmar, l'épouxde Julie, est pourtant athée.

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Ateliers d’argumentation :les salons littéraires

Lieux de rassemblement des élites intellectuelles, les salons littérairessymbolisent l’esprit du XVIIIe siècle. On y développe des idées maisaussi un art de vivre où le langage raffiné et le trait d’esprit sont rois.Imaginez que vous participez à l’un de ces illustres salons, et débattezavec vos camarades d’un thème choisi pour vous initier à l’argumen-tation littéraire et à la philosophie.

Recherches

Afin d’intégrer les codes de ces salons, faites au préalable quelquesrecherches. Qu’appelle-t-on « salons littéraires » ? Qui les convoque ?Qui s’y rend ? Quelles activités s’y déroulent ?

Pour vous aider, voici quelques célèbres salons du XVIIIe siècle : la courde Sceaux, le salon de Mme de Lambert, le club de l’Entresol, le salonde Mme de Tencin, celui de Mme du Deffand, de Mme Geoffrin ou deMlle de Lespinasse. Notez l’importance du rôle des femmes dans cesmanifestations.

Codes et usages des salons

1. À l’aide de vos recherches ainsi que de votre travail sur leschapitres X à XIV de L’Ingénu, dans lesquels le personnage incarne unmodèle de philosophe, rédigez en groupe un code de conduite pour latenue de ces salons.Voici quelques questions auxquelles votre code devra répondre : quipeut y participer ? Quelle attitude est attendue ? Quel langage faut-iladopter ? Quels types de sujets peut-on y aborder ?

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pour lui de se rendre dans les écoles ? D’après Plantu, son rôle est« d’essayer de faire des ponts ». La liberté d’expression peut-elle êtreune forme de « pont » ?

Promouvoir la liberté d’expression,un engagement nécessaire

La liberté d’expression, un droit à promouvoir1. Analysez les campagnes de défense de la liberté d’expressiondéployées par les associations Reporters sans frontières et AmnestyInternational. Quels médias ces associations utilisent-elles pour pro-mouvoir la liberté d’expression ? Aidez-vous des rubriques «Nosactions » sur le site rsf.org et «Que faisons-nous ? » sur le siteamnesty.org. Cherchez les réseaux sociaux et les plateformes devidéos en ligne sur lesquelles ces associations sont présentes.

2. Quelles actions vous semblent les plus efficaces ?

3. Choisissez une ou deux actions de défense de la liberté d’expression(événement, affiche, spot publicitaire) et proposez une étude de leursprocédés argumentatifs.

Internet, liberté d’expression et responsabilisation1. L’anonymat dont on semble pouvoir bénéficier sur Internet libère-t-il la parole ou peut-il conduire à des dérives ?

2. Que pensez-vous des modérateurs de commentaires sur lesforums ? Sont-ils nécessaires ?

3. De plus en plus de sites et de réseaux sociaux ont lancé une chasseaux fake news, des informations mensongères se présentant commevérifiées. Est-ce contraire à la liberté d’expression ?

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Un livre, un filmLe Nouveau Monde, de Terrence Malick(États-Unis, 2006)

En 1607, des colons au service de la Virginia Company s’installent surla côte est des États-Unis et fondent la ville de Jamestown. Le capitaineSmith, membre de cette expédition, fait la rencontre de la tribuPowhatan, dans laquelle vit Pocahontas. Leur cohabitation lesconduira à découvrir, au fur et à mesure de leurs échanges, les us etcoutumes de leurs univers respectifs.

Entrée dans le film

La figure de Pocahontas

1. En groupe, effectuez des recherches sur l’histoire de Pocahontas :qui était-elle ? Dans quels pays a-t-elle vécu ? Quels sont les élémentsmarquants de sa vie ?

2. Rédigez ensuite une synthèse d’une dizaine de lignes, répertoriantles éléments significatifs de sa biographie.

Rêverie sur les cartes

1. En groupe, effectuez des recherches sur les cartes marines, en vousaidant de l’exposition virtuelle sur « Le Nouveau Monde » proposéepar le site de la BnF 1. Que montrent ces cartes ? Quels éléments lescomposent ? Comment sont-elles établies et par qui ?

2. Réalisez une synthèse de vos recherches sous forme de cartementale.

3. Regardez à présent attentivement le générique du film Le NouveauMonde (00.01.23 à 00.03.30) : en quoi le début du film rappelle-t-il lescartesmarines utilisées à l’époque des GrandesDécouvertes ? Selon vous,quel peut être l’objectif du réalisateur en créant un tel générique ?

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1. expositions.bnf.fr/marine/expo/salle1/index.htm.

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2. Quel personnage vous semble recevoir l’accueil le plus respec-tueux ? Vous fonderez votre réponse sur des éléments visuels préciset analysés.

Pour faire le point…1. Pocahontas et l’Ingénu sont deux figures d'étrangers confrontés àla civilisation européenne. D’après vous, en quoi leur parcours et leursexpériences respectives sont-ils similaires ? En quoi diffèrent-ils ?

Vous développerez votre réponse dans un paragraphe argumenté envous appuyant sur deux idées différentes, illustrées par des exemplesprécis tirés du conte philosophique et du film.

2. En quoi Le Nouveau Monde peut-il apparaître comme une œuvreargumentative, invitant à réfléchir sur ce qui fait notre humanité ?

Vous développerez votre réponse dans un paragraphe argumenté envous appuyant sur deux idées différentes, fondées sur des analyses deprocédés cinématographiques précis.

Le mythe du «bon sauvage »(histoire des arts)

L’époque des Grandes Découvertes a vu émerger la fascination desEuropéens pour les populations de ces nouvelles contrées. Entre pré-mices d’études ethnographiques et mythes, les récits se multiplient. Àla fois captivants et captifs des fantasmes occidentaux, ces peuples duNouveau Monde font l'objet de nombreuses représentations, renou-velant sans cesse l’imaginaire qui les entoure. Qu’ils soient perçuscomme sensuels ou violents, ils émerveillent autant qu’ils effraient.Barbares, hommes naturellement bons, habitants du Paradis ou créa-tures de l’Enfer : les idées les plus contradictoires leur sont attachées,le « sauvage » devenant unmiroir à travers lequel l’homme occidentalse rêve. L’art se fait ainsi le réceptacle de ces fantasmes, révélant cettefascination pour l’Autre et pour l’exotisme.

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Du cannibale au « bon sauvage »

Observez la gravure de Théodore de Bry reproduite ci-dessous etcomparez-la au papier peint Les Sauvages de la Mer Pacifique en p. 2de couverture.

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n Gravure de Théodore de Bry, extraite de l’ouvrage Americae Tertia pars(1592).

Ne s'étant jamais rendu lui-même en Amérique, Théodore de Brys’appuie sur les récits et observations rapportés par les explorateursde son temps pour réaliser cette gravure parue dans Americae Tertiapars en 1592. Il s’inspire ici de l’Histoire d’un voyage fait en la terre duBrésil (1578) rédigée par Jean de Léry, qui raconte le rituel de la tribubrésilienne des Tupinamba consistant à manger le corps de leurennemi au retour du combat.

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