1
Revue de presse scientifique Nelfinavir : un espoir dans le traitement des mdlanomes L'arsenal therapeutique dirige contre le virus de I'immunodefi- cience humaine comporte une classe de molecules de petite taille, actives contre la protease virale. Ces molecules bloquent I'etape de maturation des virions et montrent une remarquable activite antivirale. Actuellement, 9 d'entre elles sont autorisees par la FDA, parmi lesquelles ritonavir, saquina- vir, indinavir et nelfinavir. Utilisees depuis plusieurs annees chez les patients infectes, certaines de ces molecules ont manifeste des proprietes biologiques nouvelles et plut6t inattendues. Plusieurs travaux independants rapportent en effet que les patients places sous traitement antiviral hautement actif (HAART) ont une probabilite plus faible d'acquerir certaines pathologies tumorales tels la maladie de Kaposi ou cer- tains lymphomes non-hodgkiniens. II est cependant difficile de discer- ner I'effet anti-tumoral du traitement de son activite benefique sur les defenses immunitaires du patient. Des etudes menees in vitro ou sur la souris tendent pourtant & confirmer que certains inhibiteurs de protease comme indinavir, saquinavir ou ritonavir ont une activite anti-proliferative et/ou bloquent I'angiogenese, ce processus parasite essentiel & la vascularisation des tumeurs et donc & leur croissance. Une etude recente montre que le nelfinavir agit tres efficacement sur des lignees derivees de melanomes humains en culture. Les concentrations actives sont similaires aux pics de concentra- tions seriques atteints chez les patients sous traitement. Le nelfi- navir agirait simultanement en bloquant la progression du cycle cellulaire et en induisant I'apoptose des cellules tumorales. Ces r6sul- tats sont d'autant plus importants qu'ils concernent une pathologie tumorale particulierement agres- sive et pour laquelle les molecules utilisees actuellement (dacarbazine L'intefleukine 7 dans la pharmacop6e anti-VIH 'infection d VIH induit une ~limination ~[iProgressive des cellules T cellules CD4+, BIB= essentielles ~ la r~ponse immunitaire puisqu'elles organisent ~ la fois la r~ponse immune ~ mc~cliationcellulaire (cellules T CDS+) et la r~ponse humorale (cellules B). Ce ph6no- rn~)ne, lent mais ineluctable en absence de traite- men¢ affecte les cellules qui sont inlectdes, mais ~galement celles qui ne le sont pas. Les cellules infect(~es meurent probablement par cytolyse sous I'effet de la r~lication virale. En revanche, les cellules non infect~es montrent une sensibilit~ accrue d I'apoptose, une forme de mort cellulaire contr6kJe g~n~tiquemenL Cette anomalie ne concerne donc pas que les cellules CD4+. C hez ~ patients VIH-positifs, les cellules toxiques (CDS+) sont dgalement victimes dune plus grande sensibilit~ ~ I'apoptose, un ph~Jnom~ned'autant plus significatif que la maladie progresse. On peut aisdment imaginer le b~n~Jfice th~rapeutique conf~r~ par des mokJcules qui seraient capables de prot~ger les cellules de I'apoptose chez les patients infect~s. L'interleuldne 2 entre dans cette cat~gorie, et les b~n~fices ~ long terme de traitements utilisant I'lL-2 sont en cours d'~valuation clans plusieurs protocoles cliniques. Le laboratoire de Paolo Lusso (N/H, Bethesda, Etats-Unis), bien connu pour plusieurs travaux remarquables sur le VlH, vient de d#montrer qu'une autre interleukine, I'interleukJne ?, pourrait venir compl6ter I'arsenal thdrapeutique anti-VIH. Une premiere ~tude, r&alis~e dans une cohorte de patients se situant ~ divers stades de I'infection, montre en effet que I'lL-? protege partiellement les cellules T CD4+ et CD8+ d'une apoptose sponta- n6e, au moins ex vivo. Par ailleurs, et c'est la princi- pale surprise de cette 6tude, I'activit~ anti-apopto- tique de I'lL-? est d'autant plus marquee que le taux des cellules CD4 des patients - un indicateur clas- sique de la progression de I'infection - est bas. Les auteurs proposent donc de mettre en place de nouvelles ~tudes cliniques afin d'dvaluer le b~nefice th~rapeutique de I'lL-?, utilis6e comme adjuvant chez des patients se trouvant ddjd sous traitement antiviral hautement actif (HAART). Lia Vanessa et aL, /nterleukin 7 reduces the levels of spontaneousapoptosis in CD4+ and CD8+ T cells from HIV-1 infectedindividuals, Proc. Nat. Acad. Sci. USA 104(7) (2007) 2355-2360 ou temozolomide) ne sont actives que dans 15 & 20 % des cas, et sur des periodes limitees. I 'urgence de nouvelles solutions therapeu- tiques, isolees ou combinant plu- sieurs traitements, donne donc une resonance particulierement impor- tante & ces resultats. Jiang VV.et aL, HlV protease inhibitor Nelfinavirinhibits growth of humanmelanomacells by induction of cell cycle arrest, CancerResearch 67(3) (200?) 1221-1227 Virus variolique : histoire de coiffe < e virus de la vaccine a Iongtemps ete utilise dans les campagnes de vaccination contre le virus de la variole, dont il est proche genetiquement. Ces deux virus appartiennent aux Poxviridae, une famille virale reputee notamment pour son tro- pisme souvent large et la complexite des relations qu'elle entretient avec ses hbtes (homme, primates non humains, ruminants, oiseaux, insectes, etc.). II faut dire que ces virus presentent des caracteris- tiques assez remarquables. Alors que la plupart des virus ADN se repliquent dans le noyau des cellules, qui abrite I'ensemble de la machinerie de replication cellulaire, I'ADN des Poxiviridae est replique exclusivement dans le cytoplasme. Par ailleurs, la replication des Poxviridae dans I'organisme humain est associee un dereglement profond des processus inflamrnatoires et de la reponse immunitaire. IIs produisent en effet des molecules qui miment certaines cytokines ou recepteurs de cytokines cellulaires : cette strategie permet au virus d'echap- per & la reponse immunitaire et/ou d'exploiter la reponse de I'hbte pour favoriser sa multiplication ou sa dissemination dans I'orga- nisme. Des travaux publies par I'equipe de Bernard Moss (NIH de Bethesda) montrent que des proteines de la vaccine sont egalement capables de contr61erI'expression des genes viraux et cellulaires par un meca- nisme tres original. Les ARN mes- sagers (ARNm) viraux et cellulaires portent, & leur extremite 5'-termi- nale, une structure particuliere appelee coiffe (cap en anglais). La coiffe est importante pour contr61er la traduction et la stabilite des ARNm. Le virus de la vaccine code une proteine, appe- lee NDIO, qui reconna~t la coiffe des messagers et la decoupe. Les ARNm qui subissent cette modifi- cation sont rendus intraduisibles et/ou sont rapidement degrades. Les auteurs supposent que ce m6canisme, rare chez les virus & ADN, permettrait de favoriser la traduction de certains ARNm viraux dont la coiffe diff6re de celle des ARNm cellulaires. II s'agirait donc d'un mecanisme de r6gulation tres fin permettant I'expression preferentielle des prot6ines virales. Ces observations ne sont pas sans rappeler les strat6gies de vo/de coiffe decrites chez certains virus & ARN, tel le virus de la grippe. Dans ce cas, le virus emprunte la coiffe des ARNm cellulaires afin d'assurer I'expression de ses propres proteines, au detriment de I'expression des proteines cellu- laires. Parrish S. et al., Vacciniavirus DI Oprotein has mRNA decapping activity, providing a mechanismfor control of host and viral gene expression, Proc. Nat. Acad. Sci. USA 104(7) (2007) 2139-2144 Revue Fran?aise des Laboratoires, juin 2007, N° 393 1 9

L'interleukine 7 dans la pharmacopée anti-VIH

Embed Size (px)

Citation preview

Revue de presse scientif ique

Nelfinavir : un espoir dans le traitement des mdlanomes • L'arsenal therapeutique dirige contre le virus de I'immunodefi- cience humaine comporte une classe de molecules de petite taille, actives contre la protease virale. Ces molecules bloquent I'etape de maturation des virions et montrent une remarquable activite antivirale. Actuellement, 9 d'entre elles sont autorisees par la FDA, parmi lesquelles ritonavir, saquina- vir, indinavir et nelfinavir. Utilisees depuis plusieurs annees chez les patients infectes, certaines de ces molecules ont manifeste des proprietes biologiques nouvelles et plut6t inattendues.

Plusieurs travaux independants rapportent en effet que les patients places sous traitement antiviral hautement actif (HAART) ont une probabilite plus faible d'acquerir certaines pathologies tumorales tels la maladie de Kaposi ou cer- tains lymphomes non-hodgkiniens. II est cependant difficile de discer- ner I'effet anti-tumoral du traitement de son activite benefique sur les defenses immunitaires du patient. Des etudes menees in vitro ou sur la souris tendent pourtant & confirmer que certains inhibiteurs de protease comme indinavir, saquinavir ou ritonavir ont une activite anti-proliferative et/ou bloquent I'angiogenese, ce processus parasite essentiel & la vascularisation des tumeurs et donc & leur croissance.

Une etude recente montre que le nelfinavir agit tres efficacement sur des lignees derivees de melanomes humains en culture. Les concentrations actives sont similaires aux pics de concentra- tions seriques atteints chez les patients sous traitement. Le nelfi- navir agirait simultanement en bloquant la progression du cycle cellulaire et en induisant I'apoptose des cellules tumorales. Ces r6sul- tats sont d'autant plus importants qu'ils concernent une pathologie tumorale particulierement agres- sive et pour laquelle les molecules utilisees actuellement (dacarbazine

L'intefleukine 7 dans la pharmacop6e anti-VIH • 'infection d VIH induit une ~limination ~[iProgressive des cellules T cellules CD4+, BIB= essentielles ~ la r~ponse immunitaire puisqu'elles organisent ~ la fois la r~ponse immune ~ mc~cliation cellulaire (cellules T CDS+) et la r~ponse humorale (cellules B). Ce ph6no- rn~)ne, lent mais ineluctable en absence de traite- men¢ affecte les cellules qui sont inlectdes, mais ~galement celles qui ne le sont pas. Les cellules infect(~es meurent probablement par cytolyse sous I'effet de la r~lication virale. En revanche, les cellules non infect~es montrent une sensibilit~ accrue d I'apoptose, une forme de mort cellulaire contr6kJe g~n~tiquemenL Cette anomalie ne concerne donc pas que les cellules CD4+.

C hez ~ patients VIH-positifs, les cellules toxiques (CDS+) sont dgalement victimes

dune plus grande sensibilit~ ~ I'apoptose, un ph~Jnom~ne d'autant plus significatif que la maladie progresse. On peut aisdment imaginer le b~n~Jfice th~rapeutique conf~r~ par des mokJcules qui seraient capables de prot~ger les cellules de I'apoptose chez les patients infect~s. L'interleuldne 2 entre dans cette cat~gorie, et les

b~n~fices ~ long terme de traitements utilisant I'lL-2 sont en cours d'~valuation clans plusieurs protocoles cliniques.

Le laboratoire de Paolo Lusso (N/H, Bethesda, Etats-Unis), bien connu pour plusieurs travaux remarquables sur le VlH, vient de d#montrer qu'une autre interleukine, I'interleukJne ?, pourrait venir compl6ter I'arsenal thdrapeutique anti-VIH. Une premiere ~tude, r&alis~e dans une cohorte de patients se situant ~ divers stades de I'infection, montre en effet que I'lL-? protege partiellement les cellules T CD4+ et CD8+ d'une apoptose sponta- n6e, au moins ex vivo. Par ailleurs, et c'est la princi- pale surprise de cette 6tude, I'activit~ anti-apopto- tique de I'lL-? est d'autant plus marquee que le taux des cellules CD4 des patients - un indicateur clas- sique de la progression de I'infection - est bas.

Les auteurs proposent donc de mettre en place de nouvelles ~tudes cliniques afin d'dvaluer le b~nefice th~rapeutique de I'lL-?, utilis6e comme adjuvant chez des patients se trouvant ddjd sous traitement antiviral hautement actif (HAART).

Lia Vanessa et aL, /nterleukin 7 reduces the levels of spontaneous apoptosis in CD4+ and CD8+ T

cells from HIV-1 infected individuals, Proc. Nat. Acad. Sci. USA 104(7)

(2007) 2355-2360

ou temozolomide) ne sont actives que dans 15 & 20 % des cas, et sur des periodes limitees. I 'urgence de nouvelles solutions therapeu- tiques, isolees ou combinant plu- sieurs traitements, donne donc une resonance particulierement impor- tante & ces resultats.

Jiang VV. et aL, HlV protease inhibitor Nelfinavir inhibits growth of human melanoma cells by induction of cell cycle arrest, Cancer Research

67(3) (200?) 1221-1227

Virus variolique : histoire de coiffe • < e virus de la vaccine a Iongtemps ete utilise dans les campagnes de vaccination contre le virus de la variole, dont il est proche genetiquement. Ces deux virus appartiennent aux Poxviridae, une famille virale reputee notamment pour son tro- pisme souvent large et la complexite des relations qu'elle entretient avec ses hbtes (homme, primates non humains, ruminants, oiseaux, insectes, etc.). II faut dire que ces virus presentent des caracteris- tiques assez remarquables.

Alors que la plupart des virus ADN se repliquent dans le noyau des cellules, qui abrite I'ensemble de la machinerie de replication cellulaire, I'ADN des Poxiviridae est replique exclusivement dans le cytoplasme. Par ailleurs, la replication des Poxviridae dans I'organisme humain est associee un dereglement profond des processus inflamrnatoires et de la reponse immunitaire. IIs produisent en effet des molecules qui miment certaines cytokines ou recepteurs de cytokines cellulaires : cette strategie permet au virus d'echap- per & la reponse immunitaire et/ou d'exploiter la reponse de I'hbte pour favoriser sa multiplication ou sa dissemination dans I'orga- nisme.

Des travaux publies par I'equipe de Bernard Moss (NIH de Bethesda) montrent que des proteines de la vaccine sont egalement capables de contr61er I'expression des genes viraux et cellulaires par un meca- nisme tres original. Les ARN mes- sagers (ARNm) viraux et cellulaires portent, & leur extremite 5'-termi- nale, une structure particuliere appelee coiffe (cap en anglais). La coiffe est importante pour contr61er la traduction et la

stabilite des ARNm. Le virus de la vaccine code une proteine, appe- lee NDIO, qui reconna~t la coiffe des messagers et la decoupe. Les ARNm qui subissent cette modifi- cation sont rendus intraduisibles et/ou sont rapidement degrades. Les auteurs supposent que ce m6canisme, rare chez les virus & ADN, permettrait de favoriser la traduction de certains ARNm viraux dont la coiffe diff6re de celle des ARNm cellulaires. II s'agirait donc d'un mecanisme de r6gulation tres fin permettant I'expression preferentielle des prot6ines virales.

Ces observations ne sont pas sans rappeler les strat6gies de vo/de coiffe decrites chez certains virus & ARN, tel le virus de la grippe. Dans ce cas, le virus emprunte la coiffe des ARNm cellulaires afin d'assurer I'expression de ses propres proteines, au detriment de I'expression des proteines cellu- laires.

Parrish S. et al., Vaccinia virus DI O protein has mRNA decapping activity, providing a mechanism for

control of host and viral gene expression, Proc. Nat. Acad. Sci.

USA 104(7) (2007) 2139-2144

Revue Fran?aise des Laboratoires, juin 2007, N ° 393 1 9