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L’œdème aigu hémorragique du nourrisson : une vascularite bénigne et récidivante

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Page 1: L’œdème aigu hémorragique du nourrisson : une vascularite bénigne et récidivante

CAS CLINIQUE

L’œdème aigu hémorragique du nourrisson :une vascularite bénigne et récidivanteAcute hemorrhagic oedema in infant: Recurrent vascularitis

N. El Hafidi *, B. Allouch, F. Benbrahim, C. Mahraoui

Service de pediatrie 1, hopital d’enfants, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc

Journal de pédiatrie et de puériculture (2009) 22, 202—204

MOTS CLÉS¨dème aiguhémorragique ;Nourrisson ;Vascularite

KEYWORDSAcute hemorrhagicoedema;Infant;Vascularitis

Introduction

L’œdème aigu hémorragique du nourrisson (OAHN) se définitpar l’association d’un purpura particulier en cocarde ou enmédaillon, d’un œdème et d’une fièvre. Il survient chez lenourrisson entre quatre mois et deux ans. Il appartient augroupe des vascularites leucocytoclasiques cutanées attei-gnant les petits vaisseaux.

Observation

Il s’agit d’un garçon âgé de neuf mois, premier enfantde parents non consanguins, sans antécédents médicauxnotables, ayant eu quatre jours avant son admission une

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. El Hafidi).

0987-7983/$ — see front matter # 2009 Publié par Elsevier Masson SASdoi:10.1016/j.jpp.2009.03.004

diarrhée avec des rectorragies et une éruption ecchymotiquedes lobules de l’oreille. Il a reçu avant son admission àl’hôpital du triméthoprime-sulfaméthoxazole. Rapidement,l’éruption s’est généralisée aux joues, aux membressupérieurs et inférieurs, aux fesses et sont apparus desœdèmes des extrémités, une hémorragie conjonctivale bila-térale, le tout évoluant dans un contexte de fièvre chiffréeentre 38 et 38,9 8C, apparue dès le début de la symptoma-tologie.

À l’admission, l’enfant était en bon état général, pesant9 kg. Il était fébrile à 39 8C et présentait une conjonctivitebilatérale avec hémorragie sous-conjonctivale et bouffissuredu visage. Il existait une éruption cutanée généralisée faited’éléments purpuriques en cocarde avec un centre clair etune périphérie foncée, séparés d’un anneau clair intéressantsurtout les joues (Fig. 1) et les extrémités. Le membresupérieur droit était le siège d’un œdème très constrictifavec conservation des pouls (Fig. 2), sans autres signesassociés.

Le bilan biologique avait objectivé un syndrome inflam-matoire, avec une CRP à 78 mg/l, une VS à 55 mm la premièreheure, une hyperleucocytose à 12 500 éléments/mm3 et unethrombocytose à 500 000 éléments/mm3. L’examen des uri-nes était sans anomalie.

La radiographie pulmonaire, la ponction lombaire etl’échographie doppler des vaisseaux du membre supérieurdroit étaient normales.

L’enfant avait bien évolué sous traitement symptoma-tique avec défervescence thermique, régression desœdèmes et des lésions purpuriques évoluant avec le teintde biligénie.

L’enfant a eu par la suite deux poussées de sa maladie :une dix jours après la première poussée et l’autre 15 jours

.

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Figure 1 Coalescence des lésions purpuriques en cocardes auniveau des joues.

Figure 3 Lésions purpuriques diffuses au visage, extrémités etfesses.

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après la seconde poussée, avec une évolution favorable. Cetenfant n’a jamais présenté d’anomalie à la biologie urinaire.

Discussion

L’œdème aigu hémorragique cutané est un purpura enmédaillon fébrile, infiltré caractérisé par la précession oul’accompagnement d’œdèmes cutanés. L’âge de survenueest généralement compris entre quatre mois et deux ans,avec une moyenne de 14 mois [1,2]. Néanmoins, des cas surdes enfants d’un âge plus avancé ont été rapportés dans lalittérature [3,4]. Dans notre observation, l’enfant avait neufmois.

L’œdème aigu hémorragique cutané se définit comme unevascularité avec dépôts d’immuns complexes et présenced’IgA dans la paroi capillaire [1—5]. L’antigène déclenchantn’est pas connu.

Dans les deux tiers des cas, la maladie est précédée, dansles 15 jours, par une infection virale (varicelle, rougeole,adénovirus, virus Coxackie) ou une prise médicamenteuse(antipyrétique, macrolide, dérivés pénicillinamines). Ilarrive que cette affection soit déclenchée à la suite d’unvaccin [1—5].

Figure 2 Pupura en médaillon avec œdème important dumembre supérieur droit.

La phase prodromique varie entre deux et quatre jours,avec un contexte habituellement fébrile. En quelques heu-res, apparaît une éruption typique en cocarde avec maculespurpuriques arrondies de 1 à 3 cm de diamètre au centre,périphérie hémorragique et anneau intercalaire clair.

La topographie est bilatérale multicentrique et régionale,surtout sur le visage, les extrémités et les fesses (Fig. 3).Généralement, le purpura est parallèle à l’œdème [1,2]. Uneatteinte des muqueuses est possible, comme dans notreobservation où l’enfant présentait une atteinte de lamuqueuse conjonctivale.

L’œdème peut être très sérieux et impressionnant ; c’estd’ailleurs ce qui nous a motivé à faire un écho-doppler dumembre supérieur droit dans la crainte d’une ischémie sous-jacente.

La fièvre accompagne habituellement la poussée œdéma-teuse et purpurique ; elle varie entre 38 et 40 8C, est bientolérée avec un bon état général, puis régresse rapidement.

D’autres signes sont possibles : douleurs abdominales,arthralgies, protéinurie, hématurie. Les anomalies urinairessont les plus fréquentes [4—7].

Le début de la poussée est fébrile et œdémateux, maisces deux signes régressent alors que le purpura s’étendencore sur quatre à six jours ; la régression des maculesintervient ensuite en passant par le teint de biligénie. Unepoussée dure généralement entre huit et dix jours [3,4].Celle de notre patient a duré huit jours.

Entre un tiers et la moitié des cas ne présente qu’uneseule poussée. Plusieurs cas de poussées successives ont étérapportés dans la littérature ; Legrain et al. [6] ont rapportéquatre poussées successives, Lamy et al. [7] en ont décrit

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trois, alors que dans les autres séries [1,2,4], on en rappor-tait deux. Une poussée peut être trisymptomatique (purpu-ra + œdème + fièvre), bisymptomatique oumonosymptomatique [1,2].

Dans notre observation, l’enfant a présenté trois pousséessur une durée d’un mois.

Plus le nombre de poussées est important, plus la maladiedure longtemps : huit à dix jours pour une seule poussée,15 jours pour deux poussées, 16 à 24 jours pour trois pous-sées, 30 jours pour quatre poussées et 35 jours pour cinqpoussées.

La guérison est obtenue sans séquelles ; les complicationssont exceptionnelles [6—8] et peuvent être :

� articulaires (arthralgies) ;� digestives (hémorragie, perforation intestinale). La

présence de rectorragies serait probablement en rapportavec une atteinte digestive, mais elle est rapidementrésolutive ;� rénales (protéinurie, hématurie).

Aucune atteinte rénale marquée n’a été rapportée à cejour ; mais il est signalé, dans quelques observations, unehématurie microscopique ou une protéinurie modérée pas-sagère.

Fiore et al. [4], dans leur revue récente faite sur294 enfants, ne rapportent que sept cas d’atteinte rénalespontanément résolutive, aucune biopsie rénale n’ayant étéréalisée. Pour autant, le bilan rénal sera réalisé systémati-quement.

Le tableau clinique d’OAHN est ainsi impressionnant parl’importance de la symptomatologie cutanée. La présencedu purpura peut faire penser à une méningococcémie, maisla présence d’œdème et l’aspect en cocarde du purpura enplus du bon état général du nourrisson sont des élémentsrassurants.

La vascularite leucocytoclasique rapproche l’OAHN dupurpura rhumatoïde de l’enfant. L’examen histologiqued’une biopsie cutanée montre typiquement une vasculariteleucocytoclasique, avec ou sans nécrose fibrinoïde. Danscertains cas, il n’existe qu’un infiltrat lymphohistiocytairepérivasculaire avec extravasation d’hématies. L’immu-nofluorescence est le plus souvent négative, un marquagepositif en IgA, classique dans le purpura rhumatoïde, n’étantretrouvé que dans 20 % des cas [1,2,5].

Alors que les auteurs européens font de l’OAHN unevéritable entité, pour les Anglo-Saxons, il ne s’agit qued’une forme clinique particulière de purpura rhumatoïde[4]. Pourtant, l’âge de survenue, la topographie céphaliquedes lésions, l’aspect du purpura et l’importance des œdèmesdifférencient cette entité du purpura rhumatoïde. Les

complications digestives et rénales sont, de plus, exception-nelles dans l’OAHN.

Classiquement, le diagnostic est retenu sur les élémentssuivants :

� âge inférieur à deux ans ;� aspect typique du purpura en médaillon et en cocarde,

intéressant le visage et les extrémités, avec ou sansatteinte de la muqueuse ;� absence d’atteinte systémique ;� résolution spontanée en quelques jours à quelques semai-

nes avec un bon état général [4,5].

Conclusion

L’œdème aigu hémorragique est une maladie du nourrissonassociant fièvre, œdème et purpura. En urgence, il faudraitéliminer un Purpura fulminans de pronostic fâcheux. Sadistinction comme entité indépendante du purpura rhuma-toïde est sujet à controverses.

L’évolution est favorable et la guérison est obtenuegénéralement sans séquelles.

Conflits d’intérêts

Aucun.

Références

[1] Larrègue M, Vabres P, Brécheteau P. L’œdème aigu hémorra-gique du nourrisson. J Pediatr Puericult 2000;13:270—4.

[2] Amoric JC. L’œdème aigu hémorragique du nourrisson : unevascularité cutanée bénigne du nourrisson. J Pediatr Puericult1997;10:41—3.

[3] Jacobzone C, Plantin-Eon I, Vic P, Broussine L, Plantin P. Plai-doyer pour renommer « l’œdème aigu hémorragique dunourrisson ». Arch Pediatr 2001;8:770—1.

[4] Fiore E, Rizzi M, Ragazzi M, Vanoni F, Bernasconi M, BianchettiMG, et al. Acute haemorrhagic edema of young children (coc-kade purpura and edema): a case series and systematic review. JAm Acad Dermatol 2008;59:684—95.

[5] Henk Sillevis Smitt J, Vermeer MH, Faber WR. Acute hemorrhagicedema of infancy. Clin Dermatol 2002;20:2—3.

[6] Legrain V, Lejean S, Taieb A, Guillard JM, Battin J, Maleville J.Infantile acute hemorrhagic edema of the skin: study of tencases. J Am Acad Dermatol 1991;24:17—22.

[7] Lamy M, Aussannaire M, Nzezlof C. Sur une observation depurpura en cocarde, avec œdèmes. Bull Mem Soc Med Hop Paris1948;72:1136—40.

[8] Can B, Kavala M, Türkoglu Z, Zemheri E. Acute hemorrhagicedema of infancy: a case report. Turk J Pediatr 2006;48:266—8.