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© Éditions Dalloz 2015
Livre Blanc | Loi Macron : quels impacts sur le droit des affaires ?
SOMMAIRE
Propos introductifs
I. DROIT DE LA CONCURRENCE ET DE LA DISTRIBUTION
1. Le droit de la concurrence et de la distribution après la loi Macron
2. Vers un renforcement de la concurrence ? (Transport – professions réglementées)
3. L’Autorité de la concurrence transfigurée par la loi Macron ?
4. Loi Macron : toujours plus en « pratiques restrictives »
5. Vers un nouveau contrat d’affiliation ?
II. DROIT DES SOCIÉTÉS ET DES PROCÉDURES COLLECTIVES
1. Le régime juridique des attributions gratuites d’actions et des BSPCE
2. Brèves observations sur la cession forcée d’actions d’une entreprise en redressement
judiciaire
III. DROIT DU FINANCEMENT
1. La loi Macron valide le prêt interentreprises
2. Création d’un nouveau véhicule de capital investissement, la société de libre partenariat, et
renforcement de l’attractivité des OPCI
*****
© Éditions Dalloz 2015
Livre Blanc | Loi Macron : quels impacts sur le droit des affaires ?
Propos introductifs
Face à une croissance en berne et à la morosité économique, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, se présente comme une loi à forte tonalité pro-concurrentielle, qui affecte de nombreux secteurs d’activité. Dans ses aspects de droit des affaires, le droit de la concurrence et le droit de la distribution y occupent, logiquement, une bonne place : libéralisation des transports et des professions réglementées, renforcement des prérogatives de l’Autorité de la concurrence, sécurisation du régime de la transaction, rationalisation de la procédure de contrôle des concentrations, encadrement de la négociation commerciale, rénovation du contrat d’affiliation…
La loi Macron s’intéresse également au droit des sociétés, au droit des entreprises en
difficulté et au droit financier. C’est ainsi qu’elle modifie le régime des attributions gratuites
d’actions afin de le rendre plus attractif, qu’elle permet, sous certaines conditions, le crédit
interentreprises, qu’elle prévoit la possibilité de contraindre des actionnaires à céder leurs
titres dans le cadre de la restructuration d’une entreprise en difficulté ou encore qu’elle crée
un nouveau véhicule destiné aux opérations de capital investissement et au financement de
projets, la société de libre partenariat.
Reste à appréhender ce nouveau texte et son florilège de nouvelles mesures. C’est tout l’objet
de ce Livre blanc qui, sans prétendre à l’exhaustivité, apporte des premiers éclairages sur une
loi qui, par rapport au projet initial, a subi de nombreuses modifications.
Eric Chevrier
Responsable du département Droit des affaires des Éditions Dalloz
© Éditions Dalloz 2015
Le droit de la concurrence et de la
distribution après la loi Macron
par Louis Vogel,
Professeur de droit à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2),
Avocat à la Cour, Président du Club d’Iéna.
Entretien paru dans l’AJCA d’août-septembre 2015
AJCAAJCA Août-Septembre 2015Août-Septembre 2015
384 Entretien
Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
AJ Contrat d’affaires AJ Contrat d’affaires : Le rejet par le Conseil constitutionnel du
projet phare de la loi Macron en matière de concurrence, l’injonc-
tion structurelle, est-il justifi é ?
L. Vogel :L. Vogel : L’injonction structurelle aurait permis d’imposer à une
entreprise exploitant un ou plusieurs magasins de détail de céder
des actifs ou de modifi er des contrats en cas de simple position
dominante avec une part de marché de plus de 50 % sur le seul
fondement d’une atteinte à la concurrence dans une zone où se-
raient pratiqués des prix ou marges élevées par rapport au secteur
économique concerné. Le Conseil constitutionnel 2 a considéré à
juste titre que ce dispositif pouvait remettre en cause des prix, des
marges et des contrats ou forcer à céder des actifs alors même que
la position a pu être acquise par les mérites et sans qu’aucun abus
n’ait été constaté. Qu’en outre, la disposition aurait dû s’appliquer
à toute la France métropolitaine et à l’ensemble du commerce de
détail alors que la diffi culté à résoudre ne concernait que le com-
merce de détail alimentaire dans certaines zones. Le Conseil en a
déduit à bon droit que l’injonction structurelle portait une atteinte
manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre et au
droit de propriété. Le juge constitutionnel a notamment souligné
la contradiction de la mesure envisagée avec la logique du droit
de la concurrence qui a toujours refusé d’instituer un contrôle di-
rect du degré de concentration du marché en l’absence d’abus. En
droit américain, des propositions du même type qui aboutissaient à
faire planer une menace permanente de déconcentration au-des-
sus d’un certain seuil de part de marché ont été rejetées comme
contraires aux droits fondamentaux, à la croissance interne par les
mérites et à l’innovation.
AJCA AJCA : La réforme des contrats de distribution qui a, quant à elle,
été validée par le Conseil constitutionnel, vous paraît-elle adap-
tée ?
L. V. :L. V. : La loi impose que tous les contrats entre certains réseaux de
distribution avec un magasin de commerce de détail aient la même
échéance et que la résiliation d’un contrat s’étende à l’ensemble
des contrats conclus par ce réseau avec le magasin. L’intention est
louable : fl uidifi er les réseaux de la grande distribution en évitant un
verrouillage contractuel par une différence de durée des contrats
ou des échéances empêchant la sortie du réseau. Le résultat est
catastrophique puisque la loi semble s’appliquer à la plupart des
contrats de distribution exclusive et sélective alors qu’ils ne posent
aucune diffi culté de sortie du réseau. La loi est parfaitement contre-
productive : elle n’atteindra pas son objectif de déverrouillage des
contrats de la grande distribution, car celle-ci pourra toujours re-
courir à des clauses de non-concurrence post-contractuelle 3, mais
imposera de nouvelles et inutiles contraintes au reste de l’écono-
mie. Le Conseil constitutionnel semble toutefois admettre que les
parties demeurent libres de fi xer la durée de leur
contrat et donc de recourir à des contrats à durée
indéterminée 4 . Si la décision du Conseil fait échap-
per le texte à l’inconstitutionnalité, sa conformité au
droit européen demeure discutable : le droit français
continue d’interdire des contrats qui ne portent pas
atteinte à la concurrence ou sont exemptés de plein
droit en droit européen, ce qui est illégal dès lors que
l’article 31 de la loi Macron a pour objet de protéger
la concurrence (comme cela résulte des débats par-
lementaires et des déclarations du Gouvernement).
AJCA AJCA : Les multiples autres réformes du droit de la
concurrence et de la distribution opérées par la loi
Macron sont-elles à la hauteur des enjeux ?
L. V. :L. V. : La loi Macron apporte certaines améliorations
techniques. Dans le domaine du droit de la concur-
rence, elle institue un régime de transaction plus
sécurisant pour les entreprises que la non-contes-
tation des griefs 5 . La rationalisation de la procé-
dure de contrôle des concentrations 6 et l’ébauche
d’un contrôle préventif de certains regroupements à
l’achat dans le commerce de détail sont également
utiles 7 . De même, dans le secteur de la distribution,
l’assouplissement de la convention unique pour les
grossistes est une bonne chose 8 . Mais la loi ajoute
aussi de nouvelles contraintes comme le régime
excessivement rigide des contrats de distribution.
Surtout, ces dispositions disparates ne s’attaquent
pas aux vrais problèmes. Les droits des entreprises
sont encore trop peu garantis, les droits des victimes
insuffi samment pris en compte, la durée des procé-
dures trop faiblement encadrée et les avis de l’Au-
torité n’ouvrent droit à aucun recours. Le droit de la
concurrence aurait besoin aujourd’hui d’une réforme
d’envergure : en 1986, le législateur a restitué sa
place au marché ; en 2016, il devrait rendre son rôle
au juge.
À l’occasion de l’adoption de la loi du 6 août 2015 1 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, le professeur Louis Vogel analyse ses principaux impacts sur le droit de la concurrence et de la distribution.
LE DROIT DE LA CONCURRENCE ET DE LA DISTRIBUTION APRÈS LA LOI MACRON
Entretien avec Louis Vogel Entretien avec Louis Vogel Professeur de droit à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2), avocat à la Cour, Président du Club d’Iéna
( 1 ) L. n o 2015-990 du 6 août 2015, JO 7 août.
( 2 ) Décis. n o 2015-715 DC du 5 août 2015, pts 27 s.
( 3 ) Art. 31.
( 4 ) Décis. préc., pt 25.
( 5 ) C. com., nouv. art. L. 464-2, III réd., art. 218.
( 6 ) C. com., art. L. 430-2 s. compl., art. 215.
( 7 ) C. com., nouv. art. L. 462-10, art. 37.
( 8 ) Art. 38 ; C. com., art. L. 441-7 compl. et L. 441-7-1 nouv.
© Éditions Dalloz 2015
Vers un renforcement de la concurrence ?
(Transport - Professions réglementées)
par Linda Arcelin, Maître de conférences en droit privé, Faculté de droit, de sciences
politiques et de gestion de La Rochelle,
Rapporteur extérieur au Conseil de la concurrence, Membre du CEJLR
Article paru dans l’AJCA d’octobre 2015
La loi Macron : changements en vue400 Dossier
AJCAAJCA Octobre 2015Octobre 2015 Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
Libéralisation, régulation, contrôle ? La loi pour la croissance, l’ac-
tivité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a été
promulguée le 6 août 2015 1 , après l’aval partiel du Conseil consti-
tutionnel 2 . Elle a été présentée comme un arsenal juridique per-
mettant, par le renforcement de la concurrence, de supprimer des
rentes injustifi ées et de redonner du pouvoir d’achat aux consom-
mateurs. Le premier des trois objectifs affi chés du projet consistait
ainsi à « libérer les activités contraintes » en révisant « le cadre
des professions réglementées du droit » et en engageant « des ré-
formes sectorielles destinées à améliorer la mobilité des Français
et à leur permettre ainsi de travailler ou de se loger moins cher » 3 .
La volonté proconcurrentielle s’est notamment traduite par l’asso-
ciation de l’Autorité de la concurrence qui, par ses avis sollicités 4
ou spontané 5 , a très largement orienté les débats et la loi. Le texte
fi nal est-il cependant à la hauteur de cette volonté ? Assiste-t-on à
un réel renforcement de la concurrence ? La réponse est plus que
mitigée. Du fait des nombreuses contestations qu’elle a soulevées,
notamment de la part des professions réglementées, la loi Macron
apparaît comme un texte de compromis : chaque pas en avant est
bien souvent compensé par une mesure en sens inverse ou du
moins, atténuant l’avancée. Ainsi, et globalement – la taille de l’ar-
ticle ne nous permettant pas de rentrer dans le détail de toutes les
mesures – les règles concernant le secteur des transports oscillent
entre une libéralisation et un renforcement du contrôle, tandis que
les dispositions relatives aux professions réglementées ont un effet
discutable sur la concurrence.
■ Entre libéralisation et contrôle du secteur des transports
ARAFER. Suivant les recommandations de l’Autorité de la concur-
rence, un grand régulateur des transports est créé par la loi
Macron. L’ARAF, c’est-à-dire l’Autorité de régulation des activités
ferroviaires, voit son champ de compétence opportunément étendu
à l’ensemble des transports routiers, et devient l’ARAFER : l’Auto-
rité de régulation des activités ferroviaires et routières. Elle a pour
mission de veiller au bon fonctionnement du marché au bénéfi ce
des usagers et des clients des services de transport 6 , qu’il s’agisse
aujourd’hui du transport par autocar ou des sociétés concession-
naires d’autoroutes 7 , deux secteurs, libéralisé pour l’un, mieux
contrôlé pour l’autre.
Les ouvertures renforçant l’intermodalité
Ouverture des données des services réguliers de transport public. Suite au rapport Jutand 8 , et sans attendre la prochaine loi sur le nu-
mérique, la loi Macron ouvre les données des services de transport
public de personnes et des services de mobilité au public et aux
autres exploitants 9 . Les données concernées sont listées : arrêts,
tarifs publics, horaires planifi és et en temps réel, accessibilité aux
personnes handicapées, disponibilité des services et
incidents constatés sur le réseau d’une part, don-
nées issues de services de calculateurs d’itinéraires
multimodaux d’autre part. Cet accès doit permettre
une « réutilisation libre, immédiate et gratuite » de
façon à renforcer la concurrence intermodale. Néan-
moins, il peut être payant lorsque le coût de mise à
disposition est signifi catif. Par ailleurs, certains opé-
rateurs, dont la SNCF, ont mis en avant les risques
d’abus de position dominante d’intermédiaires sus-
ceptibles de prélever des commissions, comme cela
a pu être dénoncé dans le secteur de l’hôtellerie 10
et auxquels la loi nouvelle tente de remédier 11 . Pour
éviter cet écueil, il est prévu que la réutilisation des
données devra être complète et neutre.
Confi rmation du renforcement de la concurrence entre taxis et voitures de transport avec chauf-feur (VTC). Admise par la loi relative aux taxis et aux
voitures de transport avec chauffeur du 1 er octobre
2014 12 , l’exception de stationnement des VTC à l’abord
des gares et des aérogares en cas de réservation pré-
alable du client est récrite de façon plus ferme 13 . Cette
possibilité est limitée à l’heure précédant l’horaire de
prise en charge souhaité par le client 14 .
Libéralisation timide du marché de transport par autocars. La piste d’un recours accru aux autocars
a été avancée à de nombreuses reprises comme une
alternative pertinente au train 15 . Or, le cadre régle-
mentaire constituait un obstacle au développement
de ce marché.
Jusqu’à présent, une société d’autocar ne pou-
vait relier deux villes françaises que si elle signait
VERS UN RENFORCEMENT DE LA CONCURRENCE ? (TRANSPORT – PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES)
( 1 ) L. n o 2015-990 du 6 août 2015, JO 7 août.
( 2 ) Décis. n o 2015-715 DC du 5 août 2015.
( 3 ) Doc. AN n o 2447, 11 déc. 2014, p. 3.
( 4 ) Aut. conc., avis n o 14-A-13 du 17 sept. 2014 sur le secteur des autoroutes après la privatisation des sociétés concessionnaires ; Aut. conc., avis n° 15-A-02 du 9 janv. 2015 relatif aux questions de concurrence concernant certaines professions juridiques réglementées .
( 5 ) Aut. conc., avis n o 14-A-05 du 27 févr. 2014 relatif au fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar.
( 6 ) C. transp., art. L. 3111-22.
( 7 ) C. transp., art. L. 2135-7.
( 8 ) Rapport sur l’ouverture des données de transport, 12 mars 2015.
( 9 ) C. transp., art. L. 1115-1.
( 10 ) Aut. conc., déc. n o 15-D-06 du 21 avr. 2015 sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Booking.com B.V, Booking.com SAS et Booking.com Customer Service France SAS dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne.
( 11 ) C. tour., art. L. 311-5-1 s.
( 12 ) L. n o 2014-1104 du 1 er oct. 2014, JO 2 oct.
( 13 ) Art. 19 ; C. transp., art. L. 3121-3.
( 14 ) C. transp., art. D. 3120-3.
par Linda Arcelin Arcelin Maître de conférences en droit privé, Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion de La Rochelle, rapporteur extérieur au Conseil de la concurrence, Membre du CEJLR
La loi Macron : changements en vue401Dossier
Do
ssie
r
AJCAAJCAOctobre 2015Octobre 2015Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
une convention avec la collectivité locale ou bien si
la desserte se situait sur la route d’une liaison in-
ternationale, en vertu de la pratique dite du cabo-
tage 16 . Deux sociétés se partageaient le marché de
la longue distance : Eurolines (Transdev) et iDBUS
(SNCF). La loi Macron met fi n à cette législation
jugée par beaucoup archaïque. L’article L. 3111-17
du code des transports autorise désormais les en-
treprises de transport public routier de personnes à
« assurer des services réguliers interurbains ». La
libéralisation est cependant en demi-teinte en raison
de l’absence de mesures relatives aux gares.
Seuil glissant à 100 km. Les Autorités organisa-
trices de transports (AOT) conservent une marge de
manœuvre pour les lignes inférieures ou égales à
100 km entre deux arrêts. En effet, ces services de-
vront faire l’objet d’une (simple) déclaration auprès
de l’ARAFER 17 qui sera publiée sans délai. Dans les
deux mois suivants cette déclaration, l’AOT concer-
née pourra saisir l’autorité de régulation de sa vo-
lonté d’interdire ou de limiter le service. La loi nou-
velle se montre plus ambitieuse que l’Autorité de la
concurrence puisque celle-ci avait préconisé un seuil
glissant à 200 km correspondant au seuil à partir
duquel il existe une différence notable de temps de
trajet entre les modes ferroviaire et routier, et par
conséquent, à partir duquel la concurrence entre ces
deux modes devient plus faible. Le seuil de 200 km
aurait protégé davantage les services mis en place
par les autorités organisatrices. La loi s’inscrit donc
dans une logique de plus grande concurrence inter-
modale.
Motifs d’interdiction ou de limitation. Les restric-
tions sont admises sous deux conditions cumula-
tives : que les services soient exécutés entre des ar-
rêts dont la liaison est assurée sans correspondance
par un service régulier de transport que l’AOT orga-
nise, d’une part, et qu’ils portent, seuls ou dans leur
ensemble, une atteinte substantielle à l’équilibre
économique de la ligne ou des lignes de service public
de transport susceptibles d’être concurrencées ou à
l’équilibre économique du contrat de service public
de transport concerné 18 . Concrètement, les régions
et départements pourront contester les liaisons
par autocar inférieures à 100 km dès lors qu’elles
menaceront l’équilibre économique des lignes fer-
roviaires, en particulier de leurs TER (Transport ex-
press régional). Mais la notion d’atteinte à l’équilibre
économique a été élargie afi n de prendre en compte
les effets péréquateurs d’un contrat de service public
envisagé dans son ensemble, dans lequel des lignes
rentables contribuent à fi nancer des lignes défi -
citaires. Effectivement, la diminution des recettes
d’une ligne rentable, concurrencée par un nouveau
service d’autocar, peut très bien, sans remettre en
cause directement son équilibre économique, mena-
cer la viabilité de lignes défi citaires que ces recettes servaient à
fi nancer.
Avis conforme de l’ARAFER. Le pouvoir des AOT est limité
puisqu’elles doivent obtenir un avis conforme de l’Autorité de régu-
lation et non un avis simple comme cela avait été proposé lors des
débats parlementaires.
Gares routières. La loi Macron répond très peu aux soucis d’hé-
térogénéité et d’opacité dans la gestion des gares routières de
voyageurs dénoncés par l’Autorité de la concurrence. Le fait que la
gare routière soit très souvent adossée à la gare ferroviaire, régu-
lièrement en centre-ville, et qu’elle soit surtout gérée par l’opéra-
teur historique, constituent des freins au développement des ser-
vices d’autocars, notamment longue distance. La loi 19 se contente
de renvoyer au Gouvernement le soin de prendre par ordonnance
dans les six mois à compter de sa promulgation 20 , toute mesure
visant à « modifi er et codifi er les règles applicables en matière de
création, d’aménagement et d’exploitation des gares routières de
voyageurs […] par les personnes publiques et privées, défi nir les
principes applicables en matière d’accès à ces gares par les entre-
prises de transport public routier de personnes, modifi er les règles
applicables en matière de police dans ces gares pour garantir l’ac-
cès à celles-ci de l’ensemble des usagers […] et des opérateurs, de
façon à assurer leur participation effective au développement et au
bon fonctionnement du transport router de personnes et favoriser
l’intermodalité, notamment avec les modes de déplacement non
polluants ». Au fi nal, ce n’est réellement que lorsque la question de
cette infrastructure essentielle sera réglée, que l’on pourra vérifi er
si la loi Macron tient ici ses promesses.
Le contrôle renforcé des sociétés concessionnaires d’autoroutes
Un contrôle étatique, plus qu’une régulation. Dans le secteur des
autoroutes, la loi Macron entérine également un certain nombre de
recommandations énoncées par l’Autorité de la concurrence dans
son avis n o 14-A-13 du 17 septembre 2014. Plutôt que d’une régu-
lation, la loi met en place un contrôle des sociétés par l’ARAFER au
profi t de l’État qui, grâce aux diverses informations, pourra mieux
négocier avec elles.
Rente autoroutière. Contre la rentabilité considérée comme dé-
raisonnable des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA), la
loi Macron prévoit tout un arsenal de contrôles. En premier lieu,
l’ARAFER est chargée de veiller au bon fonctionnement du régime
des tarifs de péages autorou-
tiers 21 et vérifi era chaque année
le taux de rentabilité interne de
chaque concession. Cette autori-
té est consultée sur les nouvelles
conventions de délégations et les
modifi cations des conventions
existantes dès lors qu’elles ont
une incidence sur les tarifs de
péages ou la durée de la conven-
tion. Par ailleurs, la loi modifi e
l’article L. 122-4, alinéa 5, du code
de la voirie routière : « Le cahier
des charges prévoit un dispositif
de modération des tarifs de péages, de réduction de la durée de la
concession ou d’une combinaison des deux, applicable lorsque les
revenus des péages ou les résultats fi nanciers excèdent les prévi-
sions initiales ». Les investissements et leurs amortissements font
l’objet d’une attention particulière dès lors qu’ils ont un effet sur
le tarif du péage ou sur la durée de la concession. Est en revanche
écartée la proposition de l’Autorité de la concurrence de consacrer
une obligation de réinvestissement partiel des bénéfi ces 22 . Celle-
ci avait pourtant mis en avant que cette obligation pouvait limiter
( 15 ) Conclusions de la commission n o 3 des Assises du ferroviaire,2011 ; Rapport du 27 juin 2013 de la commission « Mobilité 21 » ; Aut. conc., avis n o 14-A-07, préc. ; Cour des comptes, « La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence », 23 oct. 2014.
( 16 ) C. transp., art. L. 3421-2 anc. réd.
( 17 ) C. transp., art. L. 3111-18.
( 18 ) C. transp., art. L. 3111-18, al. 2.
( 19 ) Art. 12.
( 20 ) Soit le 7 février 2016 au plus tard.
( 21 ) C. voirie rout. , art. L. 122-7.
La loi Macron autorise désormais les entreprises de transport public routier de personnes à « assurer des services réguliers interurbains ». La libéralisation est cependant en demi-teinte en raison de l’absence de mesures relatives aux gares
La loi Macron : changements en vue402 Dossier
AJCAAJCA Octobre 2015Octobre 2015 Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
le taux d’endettement des SCA et également, dans l’intérêt de l’État, réduire l’avantage fiscal qui coule des charges financières des SCA. Si contrôle de la rentabilité il y a, celui-ci ne va donc pas jusqu’à une immixtion dans le pacte social.
Renforcement de la transparence. La loi organise une harmonisation et un renforcement des obligations de publicité et de mise en concurrence des marchés applicables aux SCA. Les marchés de travaux, mais aussi de fournitures et services, d’un montant supérieur à 500 000 € devront donner lieu à une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes. L’Autorité de la concurrence n’avait recommandé cette baisse du seuil de mise en concurrence que pour le marché de travaux, les enjeux concurrentiels du marché des fournitures et services étant moindres. Afin de garantir l’indépendance des offres et écarter le risque concurrentiel d’échanges d’information entre filiales autoroutières et filiales de travaux routiers appartenant à un même groupe, la loi Macron impose à la SCA d’instituer une commission des marchés dès lors que la longueur du réseau concédé excède un seuil défini par voie réglementaire.Cette commission sera composée en majorité de personnalités indépendantes n’ayant aucun lien direct ou indirect avec les autoroutiers et au moins un représentant de la DGCCRF. Sa mission consiste à définir les règles internes de passation et d’exécution des marchés, règles devant être validées par l’ARAFER.Au final, le marché des transports fait l’objet d’un va-et-vient, entre ouverture à la concurrence et restriction, sans que les pressions faites tout au long des travaux n’y soient étrangères. Le même sentiment domine le secteur des professions réglementées.
■ Entre régulation et libéralisation des professions réglementées
[...]
© Éditions Dalloz 2015
L’Autorité de la concurrence transfigurée
par la loi Macron ?
par Jean-Louis Fourgoux,
Avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles
Article paru dans l’AJCA d’octobre 2015
La loi Macron : changements en vue404 Dossier
AJCAAJCA Octobre 2015Octobre 2015 Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
La promulgation de la loi croissance, l’activité et l’égalité des
chances économiques, dite loi Macron 1 , au Journal offi ciel le 7 août
2015 marque une étape importante dans l’évolution du droit de la
concurrence. Cette énième réforme est, de façon assez discrète,
l’occasion de renforcer les prérogatives de l’Autorité de la concur-
rence pourtant déjà puissante et redoutée en lui conférant des ou-
tils de nature sinon à altérer, du moins à modifi er substantielle-
ment la nature de ses missions.
L’Autorité dispose depuis la Loi LME du 4 août 2008 de multiples
pouvoirs :■■ pouvoir d’enquête propre soumis au contrôle du Rapporteur géné-
ral de l’Autorité de la concurrence ;■■ pouvoir de sanction pour toutes les pratiques anticoncurrentielles
(appliqué de façon volontairement dissuasive 2 ) ;■■ pouvoir de décision en matière de contrôle des concentrations ;■■ large pouvoir consultatif, puisque l’Autorité peut se saisir d’offi ce
de toutes questions et rendre des avis, sans être préalablement
questionnée 3 .
Certes, le ministre de l’Économie et son bras armé, la DGCCRF,
ont conservé des pouvoirs résiduels en matière de pratiques anti-
concurrentielles de dimension locale et des pouvoirs subsidiaires
en matière de contrôle des concentrations (faculté d’évocation pour
des raisons autres d’intérêt général que de concurrence, jamais
encore mise en œuvre 4 ). Mais l’Autorité a acquis une aura dans le
monde national et international du droit de la concurrence qu’elle
ne tente pas de dissimuler 5 .
Fallait-il donc accroître encore les pouvoirs de l’Autorité ?
Le ministre de l’Économie, en faisant adopter par le Parlement
l’injonction structurelle et l’élargissement des pouvoirs d’enquêtes
permettant aux rapporteurs d’accéder aux relevés téléphoniques
détaillés (dits « fadettes »), semblait s’être fait l’avocat d’une au-
torité policière en dépit des critiques courtoises, mais fermes, des
professionnels du droit de la concurrence 6 .
L’affaire apparaissait gagnée pour l’institution qui, dans sa lettre
d’actualité de juin 2015, commentait les nouveaux outils et, lors de
la conférence de presse de présentation du rapport annuel, annon-
çait ces nouveaux moyens de protection des marchés 7 .
Le Conseil constitutionnel l’en a fi nalement privé et a rappelé que
la liberté d’entreprise ne pouvait être remise en cause de façon dis-
proportionnée 8 .
Ces deux nouveaux moyens ont été écartés du texte défi nitif. Ce-
pendant, cette amputation ne dissimulera pas la transformation
signifi cative du rôle de l’Autorité de la concurrence en lui accordant
de nouvelles fonctions déterminantes de régulation et en amélio-
rant les procédures dans un souci d’effi cacité.
■ Le renforcement du rôlede régulateur de l’Autorité de la concurrence
L’Autorité nationale de concurrence a vu son rôle de régulateur
considérablement élargi au fi l des réformes. De simple autorité
administrative en charge des pratiques anticoncurrentielles, elle
est devenue un moteur, avec notamment la faculté
de négocier des engagements avec les entreprises
et a, au fi l du temps, développé sa fonction « d’ advo-
cacy » de la concurrence sur le marché français 9 . La
loi Macron franchit encore une étape 10 en donnant un
rôle initial à l’Autorité pour l’ouverture à la concur-
rence de professions réglementées et dans la poli-
tique de prévention des atteintes à la concurrence
dans le marché de la distribution.
L’Autorité : nouveau régulateur des professions réglementées
L’Autorité de la concurrence connaît bien le secteur
des professions réglementées et a rendu d’ores et
déjà plusieurs avis sur ce marché. Le premier, à
l’occasion de la loi instaurant l’acte d’avocat 11 , dans
lequel l’Autorité a souligné que réserver la contre-
signature d’un acte sous seing privé à des profes-
sionnels du droit, dont la matière juridique consti-
tue l’activité principale, à l’exclusion d’opérateurs
n’exerçant des activités juridiques qu’à titre acces-
soire, à l’instar des experts-comptables, était objec-
tivement justifi é 12 .
Dernièrement et pendant le débat précédant l’adop-
tion de la loi Macron, les évolutions nécessaires des
professions réglementées ont fait l’objet d’un avis
détaillé 13 avec 80 propositions pour moderniser les
professions juridiques. L’Autorité, sans suggérer une
L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE TRANSFIGURÉE PAR LA LOI MACRON ?
( 1 ) L. n o 2015-990 du 6 août 2015.
( 2 ) « Nous avons un bâton qui peut faire peur », B. Lasserre, Le nouvel Économiste, 19 déc. 2013.
( 3 ) Par ex. Aut. conc., avis n o 12-A-20 du 18 sept. 2012 relatif aufonctionnement concurrentiel du commerce électronique.
( 4 ) C. com., art. L. 430-7-1.
( 5 ) Classement cinq étoiles par Global Competition Review mis enavant sur le site de l’ADLC http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/star_ratings_gcr.pdf.
( 6 ) Association française d’étude de le concurrence (AFEC),observations sur le projet de loi 7 janv. 2015 http://www.afec.asso.fr/IMG/pdf/observations_sur_le_projet_de_loi_pour_la_croissance_et_l_activite_dite_loi_macron.pdf, Le Figaro 24 janv. 2015 ; Association des avocats pratiquant le droit de la concurrence (AAPDC), 9 janv. 2015.
( 7 ) Entrée libre, juin 2015, p. 8 et 10 ; Présentation du Rapport annuel 2014 à la presse, 8 juill. 2015, http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/conf_presse_8juill15.pdf.
( 8 ) Cons. const., 5 août 2015, n o 2015-715 DC , JO 7 août ; D. 2015. 1692.
( 9 ) « il existe encore des marges de progression en ce qui concernel’"Advocacy" ou la pé dagogie de la concurrence. Par exemple, réfl échir au principe d’enquêtes sectorielles communes, ou bien consolider ex post les résultats d’enquêtes menées au niveau national… », B. Lasserre in Rapport annuel 2013, synthèse p. 7.
( 10 ) « une montée en puissance », D. Bosco, Attributions de l’Autorité de la concurrence, JCP E 10 sept. 2015, n o 37 p. 26.
( 11 ) L. n o 2011-331 du 28 mars 2011, art. 3.
( 12 ) Aut. conc., avis n o 10-A-10 du 27 mai 2010.
( 13 ) Aut. conc., avis n o 15-A-02 du 9 janv. 2015, D. actualités 16 janv.2015, obs. L. Constantin et J.-M. Pastor.
par Jean-Louis Fourgoux Fourgoux Avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles
La loi Macron : changements en vue405Dossier
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AJCAAJCAOctobre 2015Octobre 2015Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
abrogation du monopole des offi ciers publics minis-
tériels (notaires, huissiers de justice, greffi ers de
tribunaux de commerce et commissaires-priseurs)
et des administrateurs et mandataires judiciaires,
a recommandé des aménagements aux conditions
d’installation et fait, par ailleurs, des recommanda-
tions en ce qui concerne la fi xation des tarifs de ces
professions.
La loi Macron adoptée s’inscrit dans ce sillage et
confi e à l’Autorité un rôle consultatif sur les tarifs
des professions réglementées et un rôle d’expert
sur la cartographie et l’implantation de celles-ci 14 .
L’Autorité aura ainsi une action participant à l’ou-
verture inévitable de ces professions à la concur-
rence.
La cartographie des professionnels ou l’Autorité de la concurrence architecte de l’accroissement de l’offre. La liberté d’installation des notaires, huis-
siers, commissaires-priseurs sera possible dans
certaines zones déterminées, dès lors que « l’im-
plantation d’offi ces apparaît utile pour renforcer la
proximité ou l’offre de services » 15 .
L’Autorité de la concurrence aura un rôle prépondé-
rant puisque ces zones seront établies via une car-
tographie proposée par elle, qui sera accompagnée
de « recommandations sur le rythme d’installation
compatible avec une augmentation progressive du
nombre de professionnels ». Cette carte devra être
remise à jour tous les deux ans !
La mesure vise à permettre l’augmentation pro-
gressive du nombre d’offi ces. À cette fi n, un avis
supplémentaire sera également donné par l’Au-
torité, accompagné de recommandations en vue
d’améliorer l’accès aux professionnels concernés et
comportant notamment un bilan en matière « d’ac-
cès des femmes et des hommes aux offi ces » 16 (le
rapport avec les problématiques de concurrence est
assez éloigné).
À défaut de demandes d’installations spontanées
sur les zones identifi ées par la carte, le ministre
pourra, dans les six mois, lancer un appel à can-
didatures.
L’Autorité de la concurrence interviendra également
lorsque, sur certaines zones considérées comme
suffi samment denses, une nouvelle implantation
pourrait porter atteinte à la continuité de l’exploita-
tion des offi ces de distribution.
Pour les avocats au Conseil d’État et à la Cour de
cassation, le système est légèrement différent.
L’Autorité de la concurrence rendra un avis au mi-
nistre de la Justice avec des recommandations sur
le nombre de créations d’offi ces qui apparaissent
nécessaires, en « prenant notamment en compte
les exigences de bonne administration de la justice
ainsi que l’évolution du contentieux devant ces deux
juridictions », sans « bouleverser les conditions
d’activité des offi ces existants » 17 .
Les tarifs des professions réglementées ou l’Autorité de la concur-rence, architecte de la concurrence par les prix. L’Autorité va pouvoir
poursuivre le travail initié dans son avis de janvier dernier dans lequel
elle proposait de donner sa position sur les tarifs de les réévaluer tous
les cinq ans et, le cas échéant, de s’autosaisir si ces révisions sou-
lèvent des « questions concernant la concurrence ».
La loi Macron fait droit à cette suggestion et confi e à l’Autorité le soin
de conseiller le pouvoir réglementaire dans le cadre de l’adoption
d’un décret sur les tarifs des professions réglementées des commis-
saires-priseurs, judiciaires, greffi ers des tribunaux de commerce,
huissiers de justice, administrateurs judiciaires, mandataires judi-
ciaires et notaires. Il lui appartient de l’éclairer par un avis notamment
sur : ■■ « les modes d’évaluation des coûts pertinents de la rémunération
raisonnable, ■■ les caractéristiques de la péréquation 18 ».
L’enjeu de cette mesure vise notamment à substituer une rémunéra-
tion proportionnelle pour certains actes et à adopter à une approche
plus centrée sur les coûts, mais qui conservera une faculté de péré-
quation pour permettre de contribuer aux charges des études.
Le travail à accomplir pour établir cette méthodologie n’est pas mince,
pour ne pas dire titanesque, en raison de la diversité des actes et des
professions. Aussi, dans le cadre de cette mission, l’Autorité de la
concurrence pourra recueillir des professionnels concernés « toute
donnée utile » 19 .
Par ailleurs, une fois ce décret adopté, l’Autorité pourra, à la demande
du Gouvernement ou spontanément si le Gouvernement oubliait de la
consulter, donner son avis sur les projets de tarifs 20 . Là encore, elle
aura accès à toutes les données des professionnels et toutes les infor-
mations statistiques.
Ces nouvelles missions modifi ent
considérablement le rôle de l’Au-
torité de la concurrence. Celle-ci
disposera d’un pouvoir d’initiative
sur le marché et ajoutera, à ses
fonctions initiales de sanction des
pratiques anticoncurrentielles, des
missions lui donnant un accès à
une connaissance fi ne et approfon-
die d’un secteur, pour faire primer
l’objectif de concurrence et d’éga-
lité d’accès à la profession, sur les
autres paramètres ayant initiale-
ment fondé le monopole.
Si l’on considère que cette démarche est souhaitable, ce qui n’est pas
certain compte tenu de la confusion des genres que cela pourra ins-
taurer, il faudra néanmoins se poser la question de l’extension aux
autres secteurs : à quand une cartographie des offi cines pharmaceu-
tiques et une remise à plat de la détermination des prix et des marges
du secteur médical et offi cinal, par exemple ?
L’Autorité, le nouveau guide pour le monde de la distribution
Le règlement n o 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002 21 a été l’oc-
casion de moderniser le droit européen de la concurrence en renon-
çant à la notifi cation obligatoire des accords tombant sous le coup de
l’interdiction des ententes. La loi Macron semble sur ce point marquer
un retour en arrière en imposant la notifi cation et découvrir soudaine-
ment que les rapprochements des centrales d’achats pouvaient avoir
des effets sur la concurrence. L’avis rendu par l’Autorité sur les trois
rapprochements constatés fi n 2014 a mis en évidence des diffi cultés
sur les marchés aval (entre les distributeurs et les consommateurs)
et amont (entre les fournisseurs et les distributeurs) et préconisé
que lui soit adressés les projets de rapprochements ne tombant dans
le contrôle des concentrations 22 . La loi répond à cette invitation et
( 14 ) L. 6 août 2015, art. 50 s.
( 15 ) L. 6 août 2005, art. 52.
( 16 ) C. com., nouv. art. L. 464-1 ; L. 6 août 2015, art. 52.
( 17 ) Art. 57.
( 18 ) C. com., nouv. art. L. 444-7.
( 19 ) C. com., nouv. art. L. 444-5 ; L. 6 août 2015, art. 50.
( 20 ) C. com., art. L. 464-2-1, I.
( 21 ) JOCE, L. 1, 4 janv. 2003.
La loi Macron adoptée confi e à l’Autorité de la concurrence un rôle consultatif sur les tarifs des professions réglementées et un rôle d’expert sur la cartographie et l’implantation de celles-ci. L’Autorité aura ainsi une action participant à l’ouverture inévitable de ces professions à la concurrence
La loi Macron : changements en vue406 Dossier
AJCAAJCA Octobre 2015Octobre 2015 Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
impose, dans un nouvel article L. 462-10 du code de commerce, une
obligation de communication « à l’Autorité de la concurrence, à titre
d’information, au moins deux mois avant sa mise en œuvre, tout ac-
cord entre des entreprises ou des groupes de personnes physiques
ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs
magasins de commerce de détail de produits de grande consomma-
tion, ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale
de référencement ou d’achat d’entreprises de commerce de détail,
visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de
produits ou la vente de services aux fournisseurs ». Le champ d’appli-
cation est assez large puisque qu’il ne vise pas seulement la distribu-
tion de détail alimentaire, dont le Conseil constitutionnel a relevé qu’il
pouvait cristalliser plus de préoccupations, mais plus largement tout
le commerce de détail. Cette notion est d’ailleurs incertaine. Il est à
cet égard recommandé de s’aligner
sur la notion large utilisée dans les
lignes directrices de l’Autorité de la
concurrence relatives au contrôle
des concentrations. Il y est précisé
qu’« un magasin de commerce de
détail s’entend comme un maga-
sin qui effectue essentiellement,
c’est-à-dire plus de la moitié de
son chiffre d’affaires, de la vente de
marchandises à des consomma-
teurs pour un usage domestique.
Sont traditionnellement assimilés à du commerce de détail, bien que
ne constituant pas de la vente de marchandises, un certain nombre de
prestations de service à caractère artisanal ([…] entretien véhicules et
montage de pneus). Sont toujours exclus les prestations de service à
caractère immatériel ou intellectuel […] ainsi que les établissements
de service ou de location de matériel » 23 .
Cette notifi cation « à titre d’information » n’est pas anodine dès lors
qu’elle permettra à l’Autorité de se saisir d’offi ce et de notifi er des
griefs si les accords laissent transparaître des clauses ayant un ob-
jet ou un effet anticoncurrentiel. De l’information à la sanction, il n’y
a qu’un pas à franchir. La procédure devant l’Autorité est, à cet égard,
améliorée dans un souci d’effi cacité.
■ Le renforcement de l’effi cacitéprocédurale de l’Autoritéde la concurrence
Les modifi cations apportées peuvent sembler de simples retouches.
Elles vont néanmoins avoir un impact signifi catif sur les procédures de
sanction en matière de pratiques anticoncurrentielles ainsi que sur le
contrôle des concentrations.
L’aménagement du contrôle des pratiques anticoncurrentielles
L’Autorité de la concurrence disposera de moyens permettant de déri-
ver les dossiers, moins sensibles, vers le ministre de l’Économie, ainsi
que d’améliorer la transaction dans le cadre de la non-contestation.
Les pratiques anticoncurrentielles de dimension locale, parfois qua-
lifi ées de « micro-pac », permettent au ministre de l’Économie, en ap-
plication de l’article L. 464-9 du code de commerce, de traiter des dos-
siers dont l’impact est plus modeste, sous réserve que les entreprises
en cause réalisent chacune un chiffre d’affaires individuel inférieur à
50 millions d’euros et lorsque leur chiffre d’affaires cumulé est infé-
rieur à 200 millions d’euros.
L’Administration peut procéder à une transaction, prononcer des in-
jonctions. La DGCCRF a un rôle qui n’est pas négligeable et a, notam-
( 22 ) Avis n o 15-A-06 du 31 mars 2015, AJCA 2015. 265, note C. Pecnard et G. Robic ; Concurrences n o 3/2015, p. 97.
( 23 ) Aut. conc., Lignes directrices relatives au contrôle desconcentrations, pt 80.
( 24 ) http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/pratiques-anticoncurrentielles-transactions-et-injonctions – V. aussi supra, p. 396.
( 25 ) C. com., art. L. 462-8, nouv. al. 3.
( 26 ) L. Vogel, Le droit de la concurrence et de la distribution après la loi Macron, AJCA 2015. 392.
( 27 ) C. com., nouv. art. L. 464-2, III réd.
( 28 ) Colloque AAPDC, 24 sept. 2015.
ment prononcé plusieurs injonctions, particulièrement
dans le contrôle technique automobile, les vins de
Loire… Les décisions de cette nature sont publiées sur
le site de la DGCCRF dont la consultation fait ressor-
tir une augmentation régulière du nombre de dossiers
traités 24 .
Dorénavant, l’Autorité pourra rejeter une saisine par
décision motivée « lorsque les faits invoqués peuvent
être traités par le ministre chargé de l’Économie en ap-
plication de l’article L. 464-9 » 25 . C’est une solution qui
permet à l’Autorité de sélectionner les dossiers et, en
application d’une sorte de principe de subsidiarité, de
transférer les saisines au ministre de l’Économie, ren-
forçant ainsi la faculté de choix dans le traitement des
dossiers et des priorités que l’Autorité se fi xe.
La procédure de non-contestation des griefs prévue
par l’article L. 464-2, III du code de commerce a été
améliorée pour devenir une procédure de transaction
offrant plus d’informations et de sécurité 26 aux parties
sur le risque de sanction effective.
Avant la réforme, les entreprises qui acceptaient de ne
pas contester les griefs n’étaient informées que d’un
pourcentage de réduction de la sanction, sans connaître
véritablement le montant de la peine susceptible d’être
prononcée. Désormais, le Rapporteur général soumet-
tra à l’entreprise une proposition de transaction « fi xant
le montant minimal et le montant maximal de la sanc-
tion pécuniaire envisagée » 27 . L’Autorité prononcera la
sanction dans le cadre de la fourchette ainsi proposée.
Même si le Collège n’est pas lié par cette proposition,
cette évolution apparaît tout à fait opportune. Les condi-
tions de mise en œuvre de ses nouvelles dispositions
mériteront d’être précisées (des lignes directrices sont
attendue dans les douze mois à venir). D’ores et déjà,
Madame Virginie Beaumeunier (rapporteure générale)
a dévoilé 28 une esquisse d’application, en annonçant
que les entreprises seraient convoquées un mois avant
la notifi cation des griefs pour être oralement infor-
mées de la teneur du dossier et pouvoir envisager une
éventuelle transaction. Dans l’hypothèse où celle-ci est
acceptée, elle sera soumise au Collège qui, dans une
décision distincte, statuera sur le sort de l’entreprise.
Quelques points de fond devront être précisés : si le
Collège prononce une sanction correspondant au haut
de la fourchette proposée par le Rapporteur général,
l’entreprise disposera-t-elle d’un droit à recours ou la
transaction sera-t-elle défi nitive ? En l’état, le code de
commerce est muet sur ce point. Par ailleurs les cri-
tères de la prime à la transaction sont encore inconnus,
faudra-t-il comme pour la clémence être le plus rapide
(l’avantage procédural étant plus signifi catif pour les
premiers qui transigent que pour les derniers, person-
nellement nous n’y sommes pas favorables car cela
risque de créer une distorsion dans la sanction). Il est
cependant communément admis que pour que cette
La procédure de non-contestation des griefs a été améliorée pour devenir une procédure de transaction off rant plus d’informations et de sécurité aux parties sur le risque de sanction eff ective
La loi Macron : changements en vue407Dossier
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AJCAAJCAOctobre 2015Octobre 2015Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
nouvelle procédure de transaction rencontre le succès
elle soit suffi samment attractive !
L’amélioration procédurale se traduit également par
la possibilité, en cas de demande de clémence, en ap-
plication de l’article L. 464-2, IV, d’examiner le dossier
sans établissement d’un rapport, celui-ci n’étant main-
tenu que pour les entreprises qui ne bénéfi cient pas
d’un avis de clémence.
L’aménagement du contrôle des concentrations
La première innovation consiste à encadrer les condi-
tions dans lesquelles une dérogation à la réalisation ef-
fective d’un projet de concentration normalement sus-
pendue à « l’accord de l’Autorité » peut être accordée en
application de l’article L. 430-4 du code de commerce.
L’article L. 430-4 prévoit désormais que « l’octroi de
cette dérogation peut être assorti de conditions ». Cette
dérogation cessera d’être valable si « dans un délai
de trois mois à compter de la réalisation effective de
l’opération l’Autorité de la concurrence n’a pas reçu la
notifi cation complète de l’opération ». Cette dernière
disposition vise à s’assurer que les dossiers qui font
l’objet d’un traitement en urgence (par exemple en cas
de procédure collective) sont, dans un délai bref, effec-
tivement soumis à l’Autorité.
Plus délicate est la question des conditions qui sup-
posent peut-être un examen préalable de la situation
de concurrence sur le marché concerné, ce qui pour-
rait marquer une orientation de l’Autorité avant même
l’examen effectif du dossier.
( 29 ) Décis. n o 11-D-12 du 20 sept. 2015.
( 30 ) C. com., art. L. 430-7, II, al. 1 er compl.
( 31 ) Entrée libre, juin 2015, préc.
La loi Macron a introduit divers mécanismes simplifi ant pour l’Autorité
de la concurrence la gestion des délais d’examen. Les nouvelles règles
permettent à l’Autorité de s’affranchir de l’encadrement prévu par le
code de commerce pour l’examen initial du projet de concentration
(dit phase 1) et pour la phase approfondie (phase 2).
Désormais, l’Autorité de la concurrence pourra suspendre le délai
en phase 1 et donc retarder la décision d’autorisation sans examen
approfondi ou de passage en phase 2 lorsque les parties auront omis
d’informer l’Autorité de la survenance d’un fait nouveau ou auront
manqué de communiquer des informations demandées dans le délai
fi xé par l’Autorité ou lorsque des tiers auront manqué de lui com-
muniquer, pour des raisons imputables aux parties les informations
demandées.
Le nombre de cas permettant de mettre en place ce mécanisme de
« stop the clock » apparaît assez important et, s’ajoutant à la pratique
de l’Autorité consistant à repousser l’attestation de complétude per-
mettant de faire courir le délai, doit conduire les entreprises à plus
de prudence dans l’estimation du délai d’examen par l’Autorité de la
concurrence d’une opération de concentration.
De la même façon, en phase 2, le nouvel article L. 430-7 prévoit un
allongement de la période d’examen de 65 à 85 jours lorsque des
engagements déjà pris ont été modifi és.
Enfi n, l’article L. 430-8 du code de commerce, revenant sur les péri-
péties de l’affaire Canal + et sur la prise en compte de l’évolution des
circonstances ayant conduit à retirer une autorisation pour ensuite
imposer de nouveaux engagements 29 , permet à l’Autorité « d’en-
joindre sous astreinte aux parties à qui incombait l’obligation d’exé-
cuter dans un délai qu’elle fi xe des injonctions ou des prescriptions
en substitution de l’obligation non exécutée » 30 .
L’Autorité de la concurrence considère que ces mesures corres-
pondent « au fruit de l’expérience acquise par elle » 31 . Toutefois, ces
améliorations procédurales, introduites pour faciliter ou rendre plus
effi cace le déroulement de la procédure devant l’Autorité, le sont
peut-être au détriment du droit des entreprises et de la confi ance
que les justiciables peuvent placer dans cette institution dont l’em-
prise sur le monde économique grandit à chaque réforme. Il faut
donc souhaiter qu’outre les textes, les conditions de mises en œuvre
soient attentives au respect des droits fondamentaux.
© Éditions Dalloz 2015
Loi Macron : toujours plus en
« pratiques restrictives »
par Gilbert Parleani, Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne,
Avocat au barreau de Paris
Article paru dans l’AJCA d’octobre 2015
La loi Macron : changements en vue407Dossier
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AJCAAJCAOctobre 2015Octobre 2015Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
Le droit français s’enfonce chaque jour davantage dans
une spirale administrative qui n’a aucun équivalent en
Europe. L’objectif se dévoile chaque jour davantage. La
protection de la partie faible s’estompe au profi t d’une
véritable police administrative de la forme et du contenu des contrats,
et même des prix 1 . La seule véritable question est de savoir si les inter-
ventions publiques protègent vraiment les plus faibles 2 , et si elles modi-
fi ent réellement le fonctionnement des marchés, alors que ceux-ci sont
devenus européens ou mondiaux, et alors que des regroupements et
des concentrations européennes ou mondiales ignorent les frontières 3 .
Poser ces questions, c’est y répondre. L’Hexagone est bien petit, et son
microclimat des affaires bien singulier.
Ce n’est pas à dire que tout est à jeter dans le trop fameux « Titre IV » (du
livre IV du code de commerce). Mais peut-être faudrait-il mieux considé-
rer la réalité. Celle-ci est évidemment complexe, et multiple. L’incanta-
tion a vite fait en France de suppléer la réfl exion économique nécessaire
à toute législation économique. Peut-être pourrait-on prendre simple-
ment appui sur les réfl exions contenues dans le Livre vert de la Com-
LOI MACRON : TOUJOURS PLUS EN « PRATIQUES RESTRICTIVES »
par Gilbert Parleani Parleani Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbone, Avocat au barreau de Paris
( 1 ) V. l’articulation qui pourrait être voulue entre l’article L. 441-7 etl’article L. 442-6, I, 12° du code de commerce.
( 2 ) V. par ex. T. com. Paris, 7 mai 2015, Expédia , AJCA 2015. 376, obs.R. Maulin.
( 3 ) V. par ex. Aut. conc., avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif aurapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution, AJCA 2015. 269, note C. Pecnard et G. Robic ; V. en Europe, les centrales EMD, AMS, etc.
La loi Macron : changements en vue408 Dossier
AJCAAJCA Octobre 2015Octobre 2015 Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
mission européenne du 31 janvier 2013 sur les pratiques commerciales
déloyales (PCD) 4 .
La loi du 6 août 2015 5 , dite loi Macron, n’innove guère 6 . Elle ajoute. L’im-
pression de désordre disparaît vite, au profi t de l’accentuation tous
azimuts du carcan administratif. Toutefois, cette remarque géné-
rale ne concerne pas la réforme du droit des délais de paiement, qui
vise surtout à transposer la directive n o 2011/7 du 16 février 2011 7
d’une façon plus réaliste.
Par souci de clarté, on distinguera les trois volets dans lesquels la
loi Macron touche au « Titre IV » : quelques retouches au régime
des délais de paiement ; l’éternelle faveur accordée sans guère de
résultats aux produits agricoles ; l’encadrement de plus en plus
rigoureux de la négociation commerciale, qui va de pair avec une
toujours plus grande déconnexion avec le droit commun.
( 6 ) Sur le projet, V. M. Chagny, Concurrences, n o 3-2015, p. 102.
( 7 ) JOUE, n o L. 48, 23 févr. Cette directive refond la directive n o 2000/35/CE du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
■ Des négociations commerciales toujours plus déconnectéesdu droit commun
La dérive administrative du droit français s’accentue encore. Les
secteurs de la production et de la distribution des produits de
grande consommation (PGC) connaissent pourtant un mouvement
de concentration et de restructuration continu, sur fond d’interna-
tionalisation (et de mondialisation) rapide. Des groupes et des re-
groupements mondiaux s’affermissent davantage chaque jour.
La dérive administrative française s’accompagne d’une segmen-
tation du régime des contrats et de la négociation commerciale.
L’objectif devient évident. Il s’agit de permettre aux contrôles ad-
ministratifs d’exister, en refoulant le droit commun des contrats.
La ratio legis économique disparaît, au profi t d’un objectif de police
tatillonne de la forme des contrats. Mais la conception même de
la législation est mal assurée. Toute législation trop générale et
trop contraignante devient sans aucun doute fragile 21 , mais toute
législation trop spéciale le devient aussi. D’où le cocktail que l’on
décèle dans la loi française entre des dispositions très spécifi ques
relatives à un secteur économique particulier 22 , des dispositions
propres à un type d’activité 23 , et des dispositions générales en ap-
parence seulement 24 .
La loi Macron prolonge le droit antérieur. Une nouvelle catégorie
d’opérateur apparaît avec bien sûr un nouveau régime, de nouveaux
contrôles, et de nouvelles sanctions : il s’agit des « grossistes ».
Leur défi nition et leur régime peut surprendre.
Surtout, la loi Macron permet aux juridictions, saisies sur le fon-
dement de l’article L. 442-6 du code de commerce, de prononcer
des sanctions pécuniaires proprement hallucinantes, à un point
tel que les principes répressifs semblent avoir été oubliés. Le trop
complexe système français, autojustifi é par sa complexité et par la
sanction, est-il raisonnable ?
Le nouveau statut du « grossiste »
Le droit français se complait dans les multiples défi nitions approxima-
tives qui créent autant de régimes juridiques différents. Voici que l’on ré-
glemente aujourd’hui spécifi quement les grossistes. Il est vrai que cette
activité était jusque-là prise dans l’étau de l’article L. 441-7 du code de
commerce, qui obligeait les fournisseurs et les distributeurs à conclure
avant le 1 er mars de chaque année une convention écrite unique inté-
grant les barèmes du prix et les CGV (notamment). L’activité de grossiste
s’accommodait fort mal de cette exigence de barème fi xé une fois pour
toutes dans une convention unique. Pour simplifi er (?), ou plutôt pour
créer un nouveau régime particulier dans un secteur d’activité marqué
pourtant par une très grande diversité, on a créé le « grossiste ». Ce-
lui-ci quitte donc le droit commun qui était celui de l’article L. 441-7 pour
[...]
La loi Macron : changements en vue409Dossier
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AJCAAJCAOctobre 2015Octobre 2015Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
( 21 ) V. par ex. la décision Cons. const., 5 août 2015, n o 2015-715 DC , pts 27 s., à propos de l’injonction dite « structurelle ».
( 22 ) Produits agricoles, par ex.
( 23 ) Les grossistes de la loi Macron.
( 24 ) V. par ex. l’article L. 442-6 du code de commerce, où alternent des infractions générales et d’autres qui ne peuvent avoir été commises que par des distributeurs, ou encore l’article L. 441-7, propre à la distribution.
bénéfi cier de la fausse sollicitude du législateur qui a rédigé un ar-
ticle dédié à cette activité. Et voilà l’article L. 441-7-1, avec évidem-
ment (on est en France) son cortège de contrôles et de sanctions.
Le grossiste est celui qui, « à des fi ns professionnelles, achète des
produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre princi-
pal, à d’autres commerçants, grossistes, ou détaillants, à des trans-
formateurs, ou à tout autre professionnel qui s’approvisionne pour
les besoins de son activité ». En clair, c’est un grossiste. Il vend à
tous ceux qui s’adressent à lui, sans avoir exigé de ses acheteurs
qu’ils soient membres d’un quelconque réseau. Toute défi nition
trop précise recèle souvent des creux insondables. Par exemple,
l’activité doit être « principale », mais par rapport à quoi, et quid si
elle n’est pas principale ? Le grossiste est encore celui qui vend aux
personnes énumérées dans le texte : quid s’il vend à des industriels
non transformateurs (sont-ils « commerçants » au sens du texte,
bien que commerçants aux sens du code de commerce, etc.) ?
En tout cas, pour les soumettre aux mêmes obligations, on assimile
aux grossistes les centrales d’achat de grossistes ou de référence-
ment (bel empilement de contraintes et de contrôles inutiles).
La question essentielle d’un point de vue économique est celle des
centrales d’achat. Les centrales d’achat des groupes ou mouve-
ments de détaillants font l’objet de toutes les attentions des au-
torités françaises. Elles ne sont pas des « grossistes » au sens de
la nouvelle défi nition. En sont en effet exclues « les entreprises ou
les groupes de personnes physiques ou morales exploitant direc-
tement ou indirectement un ou plusieurs magasins de commerce
de détail, ou intervenant dans le secteur de la distribution comme
centrale d’achat ou de référencement pour les entreprises de com-
merce de détail ». Ces entreprises continuent donc de relever de la
notion de « distributeur » contenue au I de l’article L. 441-7. Au fait,
le législateur a toujours renoncé à défi nir le « distributeur ».
L’avantage du statut de grossiste est de pouvoir déroger quelque
peu aux étonnantes exigences relatives au contenu de la conven-
tion écrite annuelle. Le législateur français ne badine toutefois pas
avec une de ses plus étranges créations. Le défaut de convention
annuelle est bien sûr puni 25 ! Heureusement pour la plupart des
commerces de gros, ils ne sont pas établis en France.
L’avantage relatif de la qualifi cation de grossiste de l’article L. 442-
7-1 par rapport à celle de distributeur de l’article L. 442-7 consiste à
pouvoir insérer dans la convention unique « les types de situation et
les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opé-
ration de vente sont susceptibles d’être appliquées ». Pour le reste,
la négociation commerciale « à la française » demeure le principe
(convention unique, date uniforme pour toutes les négociations,
surprenante distinction entre les obligations d’achat et de vente et
les autres, inspirée au fond par l’idée fausse que le commerçant
n’est pas réellement propriétaire de son stock, etc.).
Finalement, la France, pays de paysans et de soldats, aujourd’hui
pays de fonctionnaires, n’a jamais vraiment compris ce qu’était le
commerce, toujours au fond considéré comme un appendice de la
fonction de producteur.
Des sanctions qui pourraient être hallucinantes
Le plus étonnant dans la procédure parlementaire qui a conduit à
la loi Macron est la relative indifférence dans laquelle a été votée
l’augmentation des sanctions pécuniaires pour violation des multi-
ples interdictions contenues dans l’article L. 442-6 du
code de commerce.
Le point III de cet article prévoit désormais que le mi-
nistre de l’Économie (puisque c’est en réalité de lui
seul qu’il s’agit) peut demander à la juridiction com-
merciale qu’il saisira le prononcé d’une « amende
civile » pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires
HT réalisé en France par l’auteur des pratiques, au
cours du dernier exercice clos, à condition que cela
soit proportionné aux avantages tirés du manque-
ment (heureusement, cela ne vise pas les sanctions
administratives, car il y aurait eu dans ce cas de très
graves problèmes de constitutionnalité et de conven-
tionalité). Les débats au Parlement ont montré une
hésitation entre le taux de 1 % ou celui de 5 % fi na-
lement retenu. Compte tenu des sommes éventuel-
lement en jeu, cette oscillation donne le vertige, et
signale une fois de plus l’inquiétante déconnexion du
législateur par rapport aux réalités économiques.
Le texte présente d’abord certaines maladresses
techniques (diffi cultés pour déterminer le chiffre
d’affaires réalisé en France seulement au cours de
l’exercice qui doit être pris en compte pour calculer
la sanction, ou encore diffi culté pour déterminer le
bénéfi ciaire effectif de l’avantage, car seul celui-ci
peut être condamné), et quelques imprécisions qui
découlent de ces maladresses, alors que l’on est en
matière pénale au sens de la Convention européenne
des droits de l’Homme 26 .
En tout cas, la marge opérationnelle dans la grande
distribution n’atteint que 3 % en moyenne (il ne faut
pas perdre de vue que le chiffre d’affaires d’un distri-
buteur est en apparence très élevé, car il intègre né-
cessairement le chiffre d’affaires – coûts et marge –
que réalisent en amont tous ses fournisseurs avec
les produits livrés). Un juge pourra ainsi placer
« dans le rouge » des groupes cotés internationaux.
On n’ose imaginer les conséquences… Bien sûr, il y a
le critère de proportionnalité par rapport à « l’avan-
tage ». Mais cela reste nébuleux, et bien peu compa-
tible avec les principes de la Convention européenne
des droits de l’Homme.
En défi nitive, la loi Macron révèle surtout, et tout
simplement, la volonté constante de toutes les au-
torités françaises (ici confondues) de contrôler admi-
nistrativement les marchés. Attendons les évolutions
qui viendront un jour du droit européen.
( 25 ) C. com., art. L. 441-7, II : amende administrative au maximum d’unmontant de 375 000 €.
( 26 ) V., sur les frontières de la matière pénale, CEDH 8 juin 1976, n°5100/71 , Engel ; 9 févr. 1995, Welch c/ Royaume Uni n° 17440/90 ; 4 mars 2014, n° 18640/10 Grande Stevens c/ Italie ; sur la nature pénale des sanctions prononcées par les autorités administratives, V. par ex. CEDH 27 août 2002, n° 58188/00 Didier c/ France ; 3 déc. 2002, n° 53892/00 Lilly c/ France . Que penser ainsi de l’appréciation de la proportionnalité par rapport aux avantages tirés du manquement par rapport à l’exigence de prévisibilité ? ; V. sur cette exigence de prévisibilité, CEDH 22 nov. 1995, n° 20166/92 S.W. c/ Royaume-Uni ; le Conseil constitutionnel n’a pas eu à apprécier ces exigences dans sa décision n o 2015-715-DC du 5 août 2015 .
© Éditions Dalloz 2015
Vers un nouveau contrat d’affiliation ?
par Alexandre Riéra,
Maître de conférences à l’Université de Perpignan Via Domitia,
Centre de Droit de la Concurrence Yves Serra,
Avocat à la Cour (AARPI RGR Avocats)
Article paru dans l’AJCA d’octobre 2015
La loi Macron : changements en vue411Dossier
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AJCAAJCAOctobre 2015Octobre 2015Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
Figurant parmi les dispositions remarquées de ce texte,
l’article 31 de la désormais célèbre loi Macron pour la
croissance, l’activité et l’égalité des chances écono-
miques 1 insère, au sein du livre III du code de commerce,
un titre IV intitulé « Des réseaux de distribution commer-
ciale ». Ainsi qu’a pu le préciser le Conseil constitutionnel
dans sa décision du 5 août 2015 validant cette disposition,
ce texte encadre « les relations contractuelles entre les
réseaux de distribution et les exploitants de commerces
de détail affi liés à de tels réseaux » 2 . L’ambition première
du législateur est de « renforcer la concurrence dans le
secteur de la grande distribution en facilitant les chan-
gements d’enseignes par les magasins indépendants
afi n d’augmenter le pouvoir d’achat des Français, de di-
versifi er l’offre pour le consommateur dans les zones de
chalandise tout en permettant au commerçant de faire
jouer la concurrence entre enseignes » 3 . On comprend
donc immédiatement l’importance de ce texte, dont la
conséquence – à défaut d’être la fi nalité – n’est donc rien
de moins que de créer l’ébauche d’un droit spécial des
contrats de distribution.
Certes, la volonté de légiférer en ce domaine n’est pas
nouvelle. En 2010 déjà, l’Autorité de la concurrence
s’était saisie d’offi ce, adoptant le 7 décembre 2010 un
avis relatif aux contrats d’affi liation de magasins indé-
pendants dans le secteur de la distribution alimentaire 4 .
L’Autorité y recensait diverses clauses et pratiques, fré-
quentes dans les contrats de distribution alimentaire,
susceptibles d’atténuer l’intensité de la concurrence
entre magasins et de dégrader la situation du consom-
mateur. En guise de conclusion, l’Autorité de la concur-
rence relevait qu’« une intervention du législateur serait
sans aucun doute nécessaire pour supprimer ces freins
à la concurrence » 5 .
L’appel fut entendu dans le cadre du projet de loi renforçant les droits,
la protection et l’information des consommateurs du 1 er juin 2011, plus
connu sous le nom de projet de loi Lefebvre 6 . L’article 1 er du projet pré-
voyait déjà la création au sein du livre III du code de commerce d’un
titre IV consacré aux réseaux de distribution, comportant sept articles,
directement inspirés des recommandations de l’Autorité de la concur-
rence. Toutefois, faute d’avoir été adopté avant le changement de légis-
lature, le projet de loi Lefebvre avait pu sembler défi nitivement enterré.
La loi du 6 août 2015 marque cependant sa résurrection, l’article 31 de
la loi Macron apparaissant, ainsi que l’a souligné la commission spéciale
devant le Sénat, comme une « forme condensée » 7 de l’article 1 er du
défunt projet de loi Lefebvre.
Pourtant, rien de tel ne fi gurait initialement dans le projet de loi pour
la croissance et l’activité, déposé
par le ministre de l’Économie le
11 décembre 2014. L’article 31 est,
en effet, issu d’un amendement
(n o 1681), déposé par le député Fran-
çois Brottes et initialement inséré
au sein de l’article 10 A du projet 8 . À
l’instar de la loi dans son ensemble,
ce texte a subi un parcours législatif
particulièrement chaotique, révéla-
teur des tensions et controverses
qu’il suscite. Après l’adoption de
la loi par l’Assemblée nationale en
application de l’article 49, alinéa 3,
l’article 10 A a été supprimé par le
Sénat, suite à la proposition formulée en ce sens par la commission spé-
ciale. Bien que rétabli en nouvelle lecture devant l’Assemblée nationale,
le texte l’a été dans une version plus consensuelle, « mieux ciblé[e] et
expurgé[e] de ses dispositions les plus contestables » 9 , comme l’écrira
la commission spéciale avant le second passage de la loi devant le Sé-
nat. C’est fi nalement ce texte qui sera considéré comme défi nitivement
adopté, les modifi cations apportées en seconde lecture par le Sénat
ayant été rejetées lors de la lecture défi nitive par l’Assemblée nationale.
Ainsi, le 6 août 2016 10 , deux nouveaux articles feront leur apparition
dans le code de commerce. Le futur article L. 341-1, dont l’intelligibi-
lité à première lecture est toute relative, précise le champ d’application
de ces dispositions tout en imposant un terme identique ainsi qu’une
résiliation commune à l’ensemble des contrats d’affi liation conclus
entre les mêmes parties, enchevêtrant ainsi notion et régime. L’article
L. 341-2 s’intéresse pour sa part aux clauses restrictives de concur-
rence post-contractuelles, dont il ne fait, pour l’essentiel, que rappeler
les exigences de validité classiques. La teneur et le caractère relative-
ment timoré du texte défi nitif tranchent radicalement avec les débats
passionnés qu’a suscités son adoption. Cependant, pour avoir perdu en
substance au fi l du processus législatif, les futurs articles L. 341-1 et
L. 341-2 n’en ont pas pour autant gagné en intelligibilité. En somme, le
commentateur éprouve sans doute plus de diffi cultés à rendre compte
clairement de leur champ d’application qu’à dépeindre le régime qu’ils
instaurent. À supposer qu’un nouveau contrat d’affi liation voie le jour à
l’été 2016, la moindre des diffi cultés ne sera probablement pas sa qua-
lifi cation, qui retiendra manifestement davantage l’attention que son
futur régime.
VERS UN NOUVEAU CONTRAT D’AFFILIATION ?
par Alexandre Riéra Riéra Maître de conférences à l’Université de Perpignan Via Domitia, Centre de Droit de la Concurrence Yves Serra, Avocat à la Cour (AARPI RGR Avocats)
( 1 ) L. n o 2015-990 du 6 août 2015, JO 7 août.
( 2 ) Décis. n o 2015-715 DC du 5 août 2015.
( 3 ) Exposé sommaire de l’amendement n o 1681 présenté par M. Brottes le 22 janvier 2015.
( 4 ) Aut. conc., 7 déc. 2010, avis n o 10-A-26, relatif aux contratsd’affi liation de magasins indépendants et les modalités d’acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire.
( 5 ) Avis n o 10-A-26, préc., n o 236.
( 6 ) Projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, Doc. AN n o 3508, 1 er juin 2011.
( 7 ) Rapport de M mes Catherine Deroche, Dominique Estrosi-Sassone etM. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale, Doc. Sénat n o 370, 25 mars 2015.
( 8 ) Sur lequel V. A Riéra, Avis de tempête sur les réseaux de distribution, AJCA 2015. 100.
( 9 ) Rapport de M mes Catherine Deroche, Dominique Estrosi-Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale, Doc. Sénat n o 541, 23 juin 2015.
( 10 ) L’article 31, II de la loi du 6 août 2015 prévoit, en effet, que cesdispositions entreront en vigueur « à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi ». Le mécanisme initialement imaginé quant à l’application de la loi dans le temps a été, fort heureusement, abandonné.
La teneur et le caractère relativement timoré du texte défi nitif tranchent radicalement avec les débats passionnés qu’a suscités son adoption. Cependant, pour avoir perdu en substance au fi l du processus législatif, les futurs articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce n’en ont pas pour autant gagné en intelligibilité
La loi Macron : changements en vue412 Dossier
AJCAAJCA Octobre 2015Octobre 2015 Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
■ Le nouveau contrat d’affi liation :une défi nition alambiquée
Le contrat d’affi liation est traditionnellement conçu comme la
convention conclue entre un groupement ou une centrale d’achats
et les distributeurs du groupe, « par laquelle se trouve recherchée,
pour une durée correspondant à l’importance des aides consenties
au distributeur par le regroupement, une discipline commerciale
des distributeurs désignés alors comme les "affi liés", qui permet
d’obtenir des conditions encore plus avantageuses auprès des
fournisseurs » 11 . Ayant ainsi pour fi nalité l’adhésion à un regroupe-
ment à l’achat, le contrat d’affi liation se distinguerait dès lors des
conventions ayant pour objet l’adhésion à un réseau 12 , bien qu’elle
en demeure le complément naturel. La défi nition retenue par la loi
du 6 août 2015 se veut bien plus large et embrasse, à quelques ex-
clusions près, l’ensemble des techniques permettant l’intégration
de commerçants indépendants au sein d’un réseau de distribution.
Catégorie vaste aux contours encore mal défi nis, le nouveau contrat
d’affi liation englobe ainsi des fi gures contractuelles bien connues,
telles que la franchise, la concession, la gérance-mandat, la licence
de marque ou encore la commission-affi liation. Nouveau contrat
nommé, sa qualifi cation est fonction non seulement du contenu de
la convention, mais encore de la qualité des parties.
Les parties au nouveau contrat d’affi liation
L’affi liant
Le champ d’application ratione personae s’avère de prime abord
très large. Le titulaire du réseau, que l’on nommera peut-être dé-
sormais l’« affi liant », est défi ni comme la personne physique ou
morale de droit privé « regroupant des commerçants » ou « met-
tant à disposition les services
mentionnés au premier alinéa
de l’article L. 330-3 [ du code de
commerce ] ». Les deux branches
de l’alternative visent deux situa-
tions juridiquement et économi-
quement différentes. Le premier
terme englobe ainsi les diverses
centrales d’achats ou de référen-
cement. Le second cible, quant à
lui, les personnes mettant à dis-
position un nom commercial, une
marque ou une enseigne com-
mune, c’est-à-dire toute personne à la tête d’un réseau de distri-
bution. Autant dire qu’au sein d’un même réseau, l’« affi liant » sera
bien souvent constitué de plusieurs personnes morales juridique-
ment distinctes (centrale d’achat et franchiseur par exemple), mais
regroupées sous une dénomination et un régime unique par la loi.
Deux exclusions sont toutefois prévues par le texte, qui réserve le
cas des personnes mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du
livre I er du code de commerce, à savoir les magasins collectifs de
commerçants indépendants et les sociétés de caution mutuelle. Si
cette exclusion semble de bon sens et n’appelle pas grands com-
mentaires, il faut en déduire, a contrario , que le contrat d’affi lia-
tion peut parfaitement être conclu par une société coopérative de
commerçants détaillants, le chapitre IV n’étant en rien exclu par le
texte, ce qui évite une inopportune distinction entre le commerce
intégré et le commerce associé.
L’affi lié
L’affi lié est, pour sa part, une « personne exploitant, pour son
compte ou pour le compte d’un tiers, un magasin de commerce de
détail ». Cette formule appelle trois remarques. En
premier lieu, le texte ne distingue donc pas selon
que le distributeur agit pour son compte ou pour le
compte d’un tiers, ce qui autorise là encore à placer
sous le même étendard des formules juridiques que
la jurisprudence s’est pourtant attachée à clairement
distinguer.
On remarquera ensuite, à l’inverse, que le texte
vise la seule « personne exploitant ». Dans le cas
où celle-ci est une personne morale, on peut lé-
gitimement s’interroger sur le sort des contrats
(cautionnements, pactes d’associés, engagements
de non-concurrence) passés entre son dirigeant ou
associé majoritaire et la tête de réseau. Une lecture
stricte du texte conduirait, en l’état, à leur refuser la
qualifi cation de contrat d’affi liation, alors qu’ils par-
ticipent indéniablement au processus d’affi liation et
ont un impact tout aussi contraignant que ceux si-
gnés par la personne morale exploitante.
Enfi n et plus fondamentalement, sont exclus de la
qualifi cation d’affi lié au sens de l’article L. 341-1 du
code de commerce ceux dont l’activité ne relève pas
du « commerce de détail ». Dans le cadre des débats,
il avait été imaginé de défi nir cette notion, au sein
de l’article L. 441-7 du code de commerce, comme
le « distributeur effectuant pour plus de la moitié de
son chiffre d’affaires de la vente de marchandises à
des consommateurs pour un usage domestique » 13 .
Bien qu’elle n’ait fi nalement pas été adoptée par le
législateur, cette défi nition peut être retenue, dans la
mesure où elle est également celle de l’Autorité de la
concurrence dans le cadre de ses lignes directrices
relatives au contrôle des concentrations 14 . Échappe-
ront donc sans doute à l’application des futurs articles
L. 341-1 et suivants, par exemple, les réseaux de res-
tauration, d’agences de voyages ou d’agences immo-
bilières et plus largement l’ensemble des franchises
de services à caractère immatériel ou intellectuel ou
de location de matériel (laveries ou vidéothèques) 15 .
En toute logique, les activités artisanales (pressing,
coiffure, esthétique, cordonnerie, entretien de véhi-
cules) devraient a fortiori être exclues, car ne pou-
vant par essence relever du « commerce », fût-il de
détail. Toutefois, pour l’Autorité de la concurrence,
ces activités sont « traditionnellement assimilé[e]
s à du commerce de détail, bien que ne constituant
pas de la vente de marchandises » 16 . Rien ne dit que
cette conception extensive sera partagée par la juris-
prudence. L’enjeu est de taille puisqu’il conditionne
l’application ou la non-application du texte à des mil-
liers d’exploitants.
Quoi qu’il en soit, le renvoi à la notion de « com-
merce de détail » accroît considérablement la por-
tée du texte au regard de ce qui était prévu par le
projet de loi Lefebvre. En effet, celui-ci, dans le droit
( 11 ) D. Ferrier et N. Ferrier, Droit de la distribution , LexisNexis, 7 e éd.,2015.
( 12 ) Sur cette distinction, V. C. Raja, Pour un renouveau du contratd’affi liation, RTD com. 2014. 1.
( 13 ) Texte n o 473 considéré comme adopté par l’Assemblée nationaleen application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution le 19 février 2015, art. 10 B.
( 14 ) Aut. conc., Lignes directrices relatives au contrôle desconcentrations, n o 80.
( 15 ) Ibid.
( 16 ) Ibid.
La défi nition retenue par la loi du 6 août 2015 se veut large et embrasse, à quelques exclusions près, l’ensemble des techniques permettant l’intégration de commerçants indépendants au sein d’un réseau de distribution
La loi Macron : changements en vue413Dossier
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AJCAAJCAOctobre 2015Octobre 2015Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
fi l de l’avis de l’Autorité de la concurrence du 7 dé-
cembre 2010, se limitait au commerce de distribution
à dominante alimentaire. L’élargissement opéré par
la loi Macron, de la « distribution alimentaire » au
« commerce de détail », assez largement critiqué en
l’absence d’étude d’impact, a pu être qualifi é par la
commission spéciale du Sénat de « saut dans l’incon-
nu » 17 . Il a toutefois été maintenu à l’issue du proces-
sus législatif, soumettant ainsi incontestablement
au dispositif notamment les magasins de bricolage,
d’électroménager, de biens culturels ou encore les
distributeurs de carburants et autres opticiens.
Le contenu du nouveau contrat d’affi liation
Au-delà de ses parties, le contrat d’affi liation est
également défi ni par référence à son contenu ; plus
précisément quant à sa fi nalité d’une part, et quant
à ses effets d’autre part. Ainsi que l’indiquait l’expo-
sé des motifs de l’amendement n o 1681, la volonté
du législateur est d’appréhender « l’ensemble des
contrats liant un commerçant à un réseau » 18 . La
fi nalité économique de la convention prime et trans-
cende donc les catégories juridiques, ce dont rend
bien compte le vocable relativement fl ou d’« affi lia-
tion ». Le contrat d’affi liation se défi nit par la logique
d’intégration économique verticale du distributeur
au sein d’un réseau, qui peut prendre des formes
juridiques très diverses, le ciment de l’ensemble
contractuel ainsi créé par détermination de la loi
étant constitué par sa seule fi nalité. Le critère retenu
par la loi tient à l’objectif de ces contrats, qui doivent
avoir « pour but commun l’exploitation [du] maga-
sin » de l’affi lié. La référence implicite à la cause du
contrat en fera sourire plus d’un, à l’heure où l’en-
terrement législatif de la notion paraît acté 19 . Outre
les classiques contrats de distribution, sont ainsi
concernés tous les contrats annexes par lesquels
s’organise le réseau : contrats d’approvisionnement,
de location-gérance, de prêt, de dépôt, pactes d’as-
sociés… Le régime juridique de ces contrats différera
donc selon qu’ils seront conclus dans le cadre d’une
relation « classique » ou qu’ils s’inséreront dans un
processus vertical d’affi liation. À l’inverse, échappe-
ront donc naturellement à cette qualifi cation l’en-
semble des contrats passés, en amont, par la tête de
réseau, notamment avec ses fournisseurs.
S’agissant des effets du contrat, l’article L. 341-1
précise que, pour relever du régime contraignant des
contrats d’affi liation, ces conventions doivent com-
porter « des clauses susceptibles de limiter la liber-
té d’exercice par cet exploitant de son activité com-
merciale ». De façon assez singulière, désormais,
( 17 ) Doc. Sénat n o 370, préc.
( 18 ) Amdt n o 1681, préc.
( 19 ) V. Projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ; R. Boffa, Juste cause (et injuste clause). Brèves remarques sur le projet de réforme du droit des contrats, D. 2015. Chron. 335.
( 20 ) Sur cette notion, V. not. B. Dondero, L’instrumentalisation dudroit des sociétés : la franchise participative, JCP E 2012, n o 46.
( 21 ) Aut. conc., avis n o 10-A-26 du 7 déc. 2010, préc., spéc. n os 178 s.et 230 s.
( 22 ) Ibid. , n o 236.
le contrat d’affi liation se défi nit donc également par son caractère
attentatoire aux libertés économiques de l’affi lié. Rares sont, en ef-
fet, les réseaux de distribution n’imposant pas à leurs affi liés une
obligation d’exclusivité, de quasi-exclusivité, de non-concurrence
(contractuelle ou post-contractuelle), ou de non-réaffi liation pour
ne citer que les plus courantes. La condition posée par le texte pa-
raît si large qu’elle confi ne peut-être à la tautologie. Il est permis
de se demander si la fi nalité même du contrat d’affi liation – im-
poser l’usage d’une enseigne ou rechercher une politique d’achat
commune – n’est pas déjà, en soi, porteur d’une limitation de la
liberté d’exercice de l’activité commerciale du distributeur. Par ail-
leurs, l’appréciation du caractère attentatoire à la liberté du distri-
buteur n’a de sens que si elle est effectuée au niveau de l’ensemble
contractuel. En d’autres termes, un contrat ne saurait être sous-
trait au régime des contrats d’affi liation au motif qu’il ne comporte,
pris individuellement, aucune limitation de la liberté d’exercice du
distributeur, dès lors qu’il s’insère dans un ensemble plus vaste
incluant de telles limitations.
Quelques contrats, expressément visés par le texte, échappent
néanmoins à la qualifi cation de contrat d’affi liation, bien qu’ils pa-
raissent a priori en remplir toutes les conditions. C’est tout d’abord
le cas du contrat de bail commercial, qui dispose d’un solide régime
légal. Cette exclusion, qui n’a jamais été remise en question au
cours du processus législatif, semble de bon sens. Outre le contrat
de bail commercial, les contrats d’association et les contrats de
société civile, commerciale ou coopérative échappent également
au dispositif prévu par l’article L. 341-1. Cette exclusion traduit
une véritable volte-face entre l’amendement initial et le texte fi -
nalement adopté. En effet, l’amendement déposé par M. Brottes
prévoyait tout au contraire l’insertion d’un article L. 341-4 préci-
sant que « les règles statutaires et décisions collectives adoptées
conformément aux lois relatives aux associations, aux sociétés ci-
viles, commerciales ou coopératives » ne peuvent contrevenir aux
règles régissant les contrats d’affi liation. Cette immunité accordée
aux contrats d’association et de société pourrait offrir un moyen
fort commode aux têtes de réseaux de contourner les exigences
légales. Une telle hypothèse risquerait de favoriser le recours à
des prises de participation minoritaires des « affi liants » au sein
du capital des sociétés affi liées, pratique plus connue sous le nom
de « franchise participative » 20 . Or, cette pratique avait été dénon-
cée avec force par l’Autorité de la concurrence dans son avis du
7 décembre 2010 21 , tant elle constitue probablement un mal pire
que ceux contre lesquels le dispositif législatif entend précisément
lutter. Une analyse plus approfondie permet toutefois de dissiper
partiellement ces craintes. En effet, l’article L. 341-1 précise que
seul « le présent article » n’est pas applicable aux contrats de
bail commercial, de société ou d’association. Il semble falloir en
conclure que ces contrats, lorsqu’ils entrent dans le cadre d’une
relation d’affi liation, sont bien soumis au régime posé, notamment,
par l’article L. 341-2. Par conséquent, seules les règles relatives
au terme et à la résiliation des contrats d’affi liation leur sont inap-
plicables. Si une telle interprétation venait à prospérer, loin d’être
une exclusion, la précision apportée par l’article L. 341-1, alinéa
3, pourrait se révéler d’une particulière utilité dans la lutte contre
la franchise participative, laquelle est souvent contraire au régime
des contrats d’affi liation tel qu’il est posé par l’article L. 341-2.
■ Le nouveau contrat d’affi liation :un régime minimaliste
L’avis de l’Autorité de la concurrence du 7 décembre 2010 ayant
enclenché le mouvement législatif identifi ait six principales pra-
tiques réputées constituer des freins à la mobilité des affi liés 22 :
la multiplicité des documents contractuels et leur décalage dans
le temps, des durées d’engagement trop longues, la présence de
La loi Macron : changements en vue414 Dossier
AJCAAJCA Octobre 2015Octobre 2015 Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
droits de priorité au profi t des groupes de distribution, les clauses
de non-réaffi liation et de non-concurrence post-contractuelles, la
présence de droits d’entrée à paiement différé, et, enfi n, les prises
de participations minoritaires de la tête de réseau au capital de l’affi -
lié conférant une minorité de blocage. Le projet de loi Lefebvre avait
pour ambition de légiférer sur l’ensemble de ces pratiques. Plus mo-
deste, l’amendement déposé par M. Brottes dans le cadre du projet
de loi Macron avait d’emblée renoncé à légiférer s’agissant des droits
de priorité (dont les effets anticoncurrentiels ne sont pas évidents 23 )
et des droits d’entrée à paiement différé. La navette parlementaire a
encore édulcoré le texte, dont la version fi nale ne traite plus ni de la
question de la durée de la relation ni – à tout le moins de façon ex-
plicite – de la franchise participative. Au fi nal, le régime des contrats
d’affi liation, réduit à peau de chagrin, se résume à deux règles, qui,
à première vue, ressemblent davantage une codifi cation du droit po-
sitif qu’une véritable réforme. L’article L. 341-1 pose ainsi le principe
d’une échéance unique et d’une résiliation commune à l’ensemble
des conventions formant le groupe de contrats, tandis que l’article
L. 341-2 rappelle et généralise le régime des clauses restrictives de
concurrence post-contractuelles applicable en droit européen.
L’exigence d’une échéance unique et d’une résiliation commune
La loi du 6 août 2015 n’a pas repris l’idée du projet de loi Lefebvre
imposant l’existence d’une convention unique fi xant les obligations
des parties du fait de l’affi liation 24 . Elle instaure en revanche une in-
divisibilité entre les différents contrats formalisant la relation d’affi -
liation : ceux-ci « prévoient une échéance commune » aux termes de
l’alinéa 1 er de l’article L. 341-1 et « la résiliation d’un de ces contrats
vaut résiliation de l’ensemble des contrats » selon le deuxième ali-
néa de l’article. La fi liation avec les recommandations de l’Autorité
de la concurrence est palpable, celle-ci ayant pu estimer que lorsque
les différents contrats d’affi liation
« sont d’une durée différente et que
l’échéance de l’un d’eux n’entraîne
pas automatiquement la rupture
d’un autre – qui s’accompagne fré-
quemment du paiement d’indem-
nités ou/et de l’entrée en vigueur
de clauses de non-concurrence
ou de non-réaffi liation, la durée
de la relation contractuelle peut
alors être artifi ciellement prolon-
gée » 25 . Le constat ne peut qu’être
partagé, y compris semble-t-il
parmi les têtes de réseau, dont
certaines avaient, dès 2011, pris l’engagement de mettre fi n à cette
situation 26 . À dire vrai, la solution n’est pas inédite et avait depuis
bien longtemps été consacrée par la jurisprudence 27 . Pour n’être pas
révolutionnaire, l’indivisibilité légale ainsi instaurée semble néan-
moins porteuse d’une simplifi cation bienvenue. Malheureusement,
ces effets bénéfi ques sont largement contrebalancés par les zones
d’ombre que laisse planer le texte et qui risquent d’alimenter le
contentieux. Trois interrogations majeures demeurent en effet quant
à la portée du mécanisme ainsi instauré.
On peut en premier lieu s’interroger sur le devenir des contrats d’af-
fi liation à durée indéterminée qui, pour être plus rares que leurs ho-
mologues à durée déterminée, n’en existent pas moins. L’exigence
légale d’une « échéance », a fortiori commune, ne les place-t-elle
pas, de facto , dans l’illicéité ? Une telle solution serait regrettable,
surtout si l’on s’attache à la motivation du législateur, qui a entendu
protéger les affi liés d’un éventuel enfermement dont, par hypothèse,
un contrat à durée indéterminée les prémunit mieux que nul autre.
Sans doute la jurisprudence saura-t-elle dissiper rapidement cette
crainte, au prix d’un contentieux dont on aurait pu faire l’économie.
( 23 ) En ce sens, V. not. M. Behar-Touchais, « Les obstacles à la sortie du franchisé », RevRLC 2012, hors-série actes du colloque « La franchise : questions sensibles », p. 32.
( 24 ) C. com., art. L. 340-1, II dans le cadre du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs préc . (art. 1 er ).
( 25 ) Aut. conc., avis n o 10-A-26, préc., n o 136.
( 26 ) Aut.conc., 16 déc. 2011, décis. n o 11-D-20 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur de la distribution alimentaire.
( 27 ) Civ. 1 re , 17 déc. 1991, n o 88-20.406, JCP E 1992. I. 199 ; Paris, 19 mars 1993, RTD civ. 1995. 363, obs. J. Mestre ; Gaz. Pal. 27-28 avr. 1994, p. 18, note Veret ; Paris, 17 nov. 1994, Palvadeau c/ Société Thor et autre , inédit ; Civ. 1 re , 1 er oct. 1996, n o 94-18.657, JCP E 1996. Pan. 1172 ; JCP E 1997. I. 617, obs. J.-B. Seube ; Civ. 1 re , 3 déc. 1996, n o 94-21.775, JCP 1997. II. 22815, obs. Ph. Reigné ; CCC 1997, comm. n o 42, obs. L. Leveneur.
( 28 ) Compte rendu intégral, séance du mardi 30 juin 2015, JO Sénatdébats, p. 7050.
( 29 ) JOUE, n o L. 102, 23 avr.
Une interrogation plus fondamentale concerne, en
outre, l’alinéa 2 de l’article L. 341-1 qui ne vise que la
« résiliation » de l’un des contrats pour lui faire pro-
duire un effet identique sur l’ensemble contractuel.
Est-ce à dire, a contrario , que la résolution, l’annu-
lation ou la caducité de l’un des contrats d’affi liation
est sans incidence sur les autres contrats ? Il y aurait
là un net recul de la protection des affi liés, au regard
de la jurisprudence en vigueur, en contrariété avec les
intentions du législateur. Celui-ci eût probablement
été plus avisé de substituer au terme « résiliation » un
vocable plus large, tel qu’anéantissement.
L’indivisibilité ainsi instaurée peut enfi n faire craindre
un troisième effet pervers pour les affi liés exploitant
plusieurs magasins sous une même enseigne : la ré-
siliation du contrat d’affi liation pour l’un de ces points
de vente impliquerait, selon une lecture littérale du
texte, la résiliation de l’ensemble des contrats de l’af-
fi lié. Une telle inquiétude avait notamment été expri-
mée par les concessionnaires automobiles pendant
le processus législatif. Sur ce point, le ministre de
l’Économie s’est voulu rassurant, affi rmant en séance
publique au Sénat que « la résiliation peut avoir
lieu magasin par magasin, sans pour autant qu’un
concessionnaire ou un professionnel de l’automobile
soit obligé de dénoncer les contrats pour tout son ré-
seau » 28 . Malheureusement, à la lecture du texte, une
telle solution ne semble pas aller de soi : une préci-
sion jurisprudentielle devra nécessairement conforter
la clarifi cation ministérielle. Des interrogations simi-
laires affl eurent à la lecture de l’article L. 341-2, qui
régit dorénavant les conditions de validité des clauses
restrictives de concurrence post-contractuelles.
L’encadrement des clauses restrictives de concurrence post-contractuelles
Ici encore, le temps et les débats parlementaires ont
eu raison de la hardiesse du législateur. À la prohibi-
tion de principe et sans exception des clauses restric-
tives de concurrence post-contractuelles posée par
l’amendement Brottes, le texte fi nal a substitué une
position plus nuancée. Celle-ci reprend pour l’essen-
tiel ce qui avait été imaginé par le projet de loi Lefebvre
et aligne le droit interne sur les exigences du règle-
ment européen n o 330/2010 du 20 avril 2010 29 relatif
aux accords de distribution. La prohibition de principe
des clauses restrictives de concurrence post-contrac-
La loi du 6 août 2015 n’a pas repris l’idée du projet de loi Lefebvre imposant l’existence d’une convention unique fi xant les obligations des parties du fait de l’affi liation. Elle instaure en revanche une indivisibilité entre les diff érents contrats formalisant la relation d’affi liation
La loi Macron : changements en vue415Dossier
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AJCAAJCAOctobre 2015Octobre 2015Actualité Juridique Contrats d’aff airesActualité Juridique Contrats d’aff aires
tuelles demeure inscrite à l’article L. 341-2, I, mais
est immédiatement tempérée par le II du même texte.
Ces clauses sont ainsi valables sous réserve de quatre
conditions cumulatives : « 1° Elles concernent des
biens et services en concurrence avec ceux qui font
l’objet du contrat [ d’affi liation ] ; 2° Elles sont limitées
aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant
exerce son activité pendant la durée du contrat [ d’af-
fi liation ] ; 3° Elles sont indispensables à la protection
du savoir-faire substantiel, spécifi que et secret trans-
mis dans le cadre du contrat [ d’affi liation ] ; 4° Leur
durée n’excède pas un an après l’échéance ou la ré-
siliation d’un des contrats [ d’affi liation ] ». En somme,
les conditions prévues par le règlement européen
d’exemption sont reprises en droit interne et généra-
lisées, quelle que soit la part de marché détenue par
le réseau 30 .
En dépit des apparences, l’article L. 341-2 réserve ce-
pendant probablement bien des surprises et promet
aux plaideurs d’intenses débats. Si le régime est mot
pour mot calqué sur le droit européen, son champ
d’application diffère notablement : là où le règlement
d’exemption vise « toute obligation […] interdisant à
l’acheteur […] de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de
revendre des biens ou des services », la loi Macron en-
( 30 ) La version initiale du texte prévoyait la fi xation par décret d’unseuil minimum de chiffre d’affaires en deçà duquel ces dispositions ne seraient pas applicables. Rien de tel ne fi gure dans la version fi nale de la loi.
( 31 ) M. Behar-Touchais, « Les obstacles à la sortie du franchisé », préc.
( 32 ) Aut. conc., avis n o 10-A-26, préc., spéc. n os 172 s.
tend encadrer les clauses « ayant pour effet […] de restreindre la li-
berté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant ». L’expres-
sion utilisée en droit interne est à l’évidence infi niment plus large que
celle employée par le droit européen. Or, mesurer les effets de telle
ou telle clause sur la liberté d’exercice de l’affi lié relève nécessaire-
ment d’une appréciation in concreto. On peut avancer sans crainte
que les traditionnelles clauses de non-concurrence ou clauses de
non-réaffi liation sont incontestablement visées par ce texte. Il est en
revanche diffi cile d’être aussi catégorique concernant une multiplici-
té de clauses tout aussi fréquentes dans les contrats de distribution :
clauses de confi dentialité, de non-sollicitation, ou encore de partage
du fi chier client. Une interprétation par trop extensive de la notion
aboutirait à remettre en cause la validité de la plupart de ces clauses,
pourtant acquise en jurisprudence, et à bouleverser l’équilibre des
contrats d’affi liation. Il en résulterait par ailleurs, sous couvert d’une
harmonisation, une dissonance malvenue entre droit interne et droit
européen. Poussée à l’extrême, la logique pourrait faire entrer dans
le champ d’application de l’article L. 341-2 les pactes de préférence
et autres droits de préemption, dont l’Autorité de la concurrence
s’était attachée à démontrer, quoique de façon assez contestable 31 ,
les effets restrictifs de concurrence 32 . La question est d’autant plus
importante que, contrairement à l’article L. 341-1, l’article L. 341-2
est applicable aux contrats d’association ou de société. Sorties par
la petite porte à la faveur de l’abandon du projet de loi Lefebvre, les
recommandations de l’Autorité de la concurrence en la matière pour-
raient ainsi signer leur retour à la faveur de la fenêtre entrouverte
par le texte. Il appartiendra en réalité aux juridictions – de droit com-
mun cette fois – de peser, pour chaque clause et dans chaque situa-
tion, les effets sur la possibilité pour l’affi lié d’exercer une activité
à l’issue des relations contractuelles. Espérons qu’elles sachent le
faire avec mesure. Voilà qui promet en tout cas, une fois encore, de
stimulants débats en perspective.
© Éditions Dalloz 2015
Le régime juridique des attributions
gratuites d’actions et des BSPCE
par Régis Foy,
Conseiller juridique à l’ANSA
Article paru dans la Revue des sociétés de novembre 2015
Novembre 2015 / REVUE DES SOCIÉTÉS / 1
ét
ud
e
/ étude
1. Depuis la loi de finances pour 2005 no 2004-1484 du 30 décembre 2004, le code de commerce propose pour toute société par actions un régime spécifique d’attribution gratuite d’actions (AGA) aux salariés et à certains mandataires sociaux (art. L. 225-197-1 à L. 225-197-6) 1. Corrélative-ment, le code général des impôts et le code de la sécurité sociale ont été modifiés afin de rendre attractif ce mécanisme (pour que cet avantage ne soit pas soumis aux dispositions applicables aux sa-laires). En contrepartie, des contraintes juridiques avaient été imposées (v. ci-dessous). Par la suite, ce régime fiscal et social a été durci pour devenir quasiment semblable à celui relatif aux salaires, ce qui supprimait de fait l’utilité du dispositif. Or, de très nombreuses entreprises de toutes dimen-sions avaient mis en place des plans d’attributions, essentiellement pour deux motifs distincts mais souvent complémentaires : offrir un substitut plus économique aux super bonus ou intéressements des dirigeants et développer l’actionnariat sala-rié sans imposer un coût aux salariés. Un grand nombre d’opérations d’attribution concernent en effet un cercle plus large que les seuls man-dataires sociaux. Un allègement du régime fiscal et social était donc devenu indispensable pour que ce procédé retrouve une quelconque utilité (compte tenu des impositions et taxes, il était en effet devenu plus simple d’attribuer des primes en
numéraire). La loi du 6 août 2015, dite loi Macron, a partiellement atteint cet objectif (art. 135, sur les modifications des dispositions fiscales et sociales, v. notamment Comité juridique ANSA no 15-036).Par ailleurs, la loi a apporté plusieurs aménage-ments de détail au régime des bons de souscrip-tion de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE). Seules les modifications des régimes juridiques de ces deux mécanismes seront abordées ici.
2. Les modifications du code de commerce re-latives aux AGA ont une portée limitée. La plus importante consiste dans la réduction significa-tive du délai d’attente avant cession possible des titres (en résumé, deux ans au lieu de quatre ans). Ont été réécrites également plus clairement les conditions du dépassement du plafond maximal d’attribution. Enfin, la liste des actions à prendre en compte pour le calcul annuel du pourcentage de l’actionnariat salarié a été étendue aux actions attribuées gratuitement sans limitation, du mo-ment qu’elles restent nominatives et qu’elles sont détenues directement par des salariés (C. com., art. L. 225-102).
Selon la loi l’article 135-VII de la loi du 6 août 2015, ces modifications s’appliquent aux actions gratuites dont l’attribution a été autorisée par une décision de l’assemblée générale extraordinaire postérieure à la publication de la loi.
I. Caractéristiques essentielles du régime
3. S’inspirant largement du régime des options desouscription ou d’achat d’actions (stock options – C. com., art. L. 225-177 s.), les textes relatifs aux attributions gratuites d’actions (AGA) prévoient
une autorisation de principe donnée au conseil d’administration ou au directoire par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires (AGE) votée dans les conditions d’une modification des statuts, sur le rapport du conseil d’administration ou du directoire et sur le rapport spécial des com-missaires aux comptes. La durée de cette autori-sation fixée par l’AGE ne peut excéder trente-huit mois. L’attribution gratuite peut s’effectuer au moyen d’actions préalablement acquises par la société en vertu de l’article L. 225-208 du code de commerce ou par des actions nouvelles émises
(1) V. notamment, A. Couret, A. Charvériat, B. Zabala, Mémento Fr. Lefebvre Soc. com. 2015, no 69980 ; J. Mestre, D. Velardocchio, A-S. Mestre-Chami, Lamy soc. 2015, no 4989 ; A-S. Kerfant, S. Schil-ler, J-F. Mandelbaum, Stock options et actions gratuites – Comparai-son des régimes juridiques, fiscaux, sociaux et comptables, Actes pratiques, mars-avril 2008 ; R. Foy, Rép. Dalloz Sociétés, vo Attri-bution gratuite d’actions ; Fr. Basdevant, Fr. Martin-Laprade, J.-Cl. Sociétés, Fasc. 1866.
Régis FoyConseiller juridique à l’ANSA
Le régime juridique des attributions gratuites d’actions et des BSPCEAprès la loi no 2015-990 du 6 août 2015
étude / Le régime juridique des attributions gratuites d’actions et des BSPCE
2 / REVUE DES SOCIÉTÉS / Novembre 2015
moyennant une incorporation spéciale de réserves de la société (sur ce point, v. Comité juridique ANSA nos 05-005, 05-069 et 07-010).
4. L’AGE fixe le pourcentage maximal du capital pouvantêtre attribué dans la limite, en principe, de 10 % du capi-tal, tel qu’il s’élève à la date de la décision d’attribution par le conseil d’administration ou le directoire. Nous al-lons voir que la méthode de calcul de ces 10 % est ina-daptée à un mécanisme pérenne et qu’il a fallu prévoir des dérogations qui se sont également révélées trop contraignantes (plafonds de 15 % ou 30 %).
5. Le conseil d’administration ou le directoire déterminel’identité des bénéficiaires et peut fixer des conditions ou critères d’attribution (dans le règlement du plan d’at-tribution). Sont visés les salariés de l’émetteur et ceux des sociétés qui lui sont liées selon les conditions défi-nies à l’article L. 225-197-2 (qui s’inspire directement des critères de l’article L. 225-180 sur les options). Les man-dataires sociaux dits « exécutifs », ainsi que le président « dissocié » du conseil d’administration peuvent égale-ment être bénéficiaires. Toutefois, ces mêmes manda-taires sociaux, d’une part, ne peuvent recevoir des ac-tions des sociétés liées que si ces actions sont cotées et d’autre part, sont soumis à des contraintes spécifiques prévues à l’article L. 225-197-1-II (blocage d’une partie des titres jusqu’à la cessation des fonctions). Dans les sociétés cotées, une opération d’AGA aux mandataires sociaux implique la mise en œuvre d’un procédé favo-rable aux salariés choisi parmi ceux énumérés à l’article L. 225-197-6 (attribution gratuite d’actions ou de stock options à l’ensemble des salariés et à au moins 90 % des salariés des filiales françaises directes ou accord d’in-téressement, accord dérogatoire de participation ou amélioration des accords existants). En vertu de l’article L. 225-197-1, il ne peut pas être attribué d’actions aux salariés et aux mandataires sociaux détenant chacun plus de 10 % du capital social. Une attribution gratuite d’actions ne peut pas non plus avoir pour effet que les salariés et les mandataires sociaux détiennent chacun plus de 10 % du capital social.
6. À l’exemple des dispositions fiscales applicables auxanciennes stock options, un délai complexe d’attente a été prévu initialement en deux temps : l’AGE détermine une première période dite d’acquisition, qui ne peut être inférieure à deux ans. Le transfert de propriété des titres aux salariés s’effectue à l’issue de cette période si le titu-laire remplit les conditions prévues dans le règlement du plan (toutefois, l’assemblée peut, selon le texte, prévoir l’attribution définitive des actions avant le terme de la période d’acquisition en cas d’invalidité du bénéficiaire correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale). Durant cette période, le bé-néficiaire n’est titulaire que d’un droit de créance (une promesse d’acquisition). Initialement, l’AGE devait éga-lement fixer une seconde période dite de conservation qui ne pouvait pas être inférieure à deux ans et durant laquelle les titres étaient indisponibles sauf exception (invalidité, décès). Cette obligation de conservation était gênante, surtout dans les groupes internationaux dans lesquels les salariés de filiales étrangères pouvaient être imposés dès l’attribution définitive des actions, sans avoir la faculté de pouvoir céder leurs titres. Une pre-mière loi no 2006-1770 du 30 décembre 2006 est venue préciser que si l’AGE a retenu pour la période d’acqui-sition une durée au moins égale à quatre ans pour tout ou partie des actions attribuées, elle pouvait réduire ou supprimer la durée de l’obligation de conservation (on peut observer que ce délai de quatre ans est calqué sur celui prévu fiscalement en matière de stock options pour l’application du régime spécial aux options attribuées avant le 28 septembre 2012). Selon le régime instauré en 2006, l’assemblée pouvait pour une partie des actions attribuées fixer la durée minimale d’acquisition à quatre ans et, à cette condition, elle pouvait réduire voire sup-primer la durée de l’obligation de conservation pour une partie de ces titres (destinés en fait aux non-résidents, v. Comité juridique ANSA du 7 févr. 2007, no 07-010).
Nous allons préciser ci-dessous, les apports de la loi Macron sur la réduction du délai d’attente.
II. Aménagement du plafond maximal d’attribution
7. Dès la loi initiale de 2004, a été fixé un plafond d’at-tribution d’action ne pouvant excéder 10 % du capital. La loi du 30 décembre 2006 a précisé qu’il s’agissait du montant du capital à la date d’attribution par le conseil d’administration. Assez rapidement, s’est posée la ques-tion de savoir si les actions déjà attribuées gratuitement restaient ad vitam aeternam comptabilisées dans ce pla-fond. Faute d’une précision légale contraire, cette solu-tion s’impose (Comité juridique ANSA no 05-005). Avec le temps, cette limitation va devenir insupportable pour certain groupes. Or, s’agissant des stock options, la limi-tation légale ne vise que les actions sous options avant que ces options soient exercées (art. L. 225-183). Autre-ment dit, à compter de l’acquisition des actions par le bénéficiaire, ces titres sont déduits du plafond légal. En matière d’AGA, il aurait fallu s’inspirer de la même règle
et préciser que le plafond de 10 % concernait unique-ment les actions qui ont été effectivement acquises et ce jusqu’à l’issue de la période de conservation (il n’est pas logique, par exemple, que les titres qui ont été attribués mais non pas été définitivement acquis, lorsque le béné-ficiaire n’a pas rempli les conditions requises continuent à figurer dans le plafond de 10 %). L’ANSA a proposé un amendement en ce sens.
8. Pour remédier à cette situation de blocage, le législa-teur a imaginé deux exceptions complexes : un premier plafond de 15 % du capital, spécifiquement pour une cer-taine catégorie de PME définie légalement (v. ci-après, loi no 2012-387 du 22 mars 2012) et un deuxième plafond de 30 %, ouvert à tous, mais à condition que l’opération concerne l’ensemble des salariés (loi no 2014-384 du
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Le régime juridique des attributions gratuites d’actions et des BSPCE / étude
29 mars 2014). De plus, cette dernière loi a prévu la règle suivante : L’écart entre le nombre d’actions distribuées à chaque salarié ne peut être supérieur à un rapport de un à cinq. La question s’est posée de savoir si cette règle de limitation de l’écart entre les attributions s’appliquait à toutes les attributions gratuites d’actions ou unique-ment à celles concernant l’ensemble des membres du personnel salarié et qui bénéficient du plafond de 30 %. Cette règle résultait d’un amendement (adopté par l’As-semblée nationale le 17 févr. 2014) qui a été présenté comme ne s’appliquant qu’aux attributions pouvant aller jusqu’à 30 % du capital. De plus, le texte vise le « nombre d’actions distribuées à chaque salarié », ce qui paraît si-gnifier que l’ensemble des salariés est concerné. Cette interprétation a été retenue par le Conseil constitution-nel dans sa décision no 2014-692 DC du 27 mars 2014 (v. Comité juridique ANSA no 14-027). La loi du 6 août 2015 a confirmé expressément cette interprétation mais en l’étendant également au plafond de 15 % (« Au-de-là du pourcentage de 10 % ou de 15 %, l’écart entre le nombre d’actions distribuées à chaque salarié ne peut être supérieur à un rapport de un à cinq »).
9. Pour définir ce qu’il fallait entendre par PME, le textedu code de commerce se réfère uniquement aux seuils qui sont fixés à l’article 2 de l’annexe de la recomman-dation de la Commission européenne du 6 mai 2003
concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (texte toujours en vigueur) 2. Ainsi, les seuils à retenir sont moins de 250 personnes employées et al-ternativement un chiffre d’affaires annuel qui n’excède pas 50 millions d’euros ou un total de bilan annuel n’ex-cédant pas 43 millions d’euros.
10. Mais les autres textes de l’annexe de la recommanda-tion, non expressément visés par le code de commerce, précisent comment on doit interpréter cette définition et notamment si le groupe est à prendre en considéra-tion. La question s’est donc posée de savoir si ces autres dispositions étaient également applicables en matière d’AGA, bien que non citées par l’article L. 225-197-1. Or, l’interprétation usuelle du code de commerce consiste, sauf mention contraire, à ne prendre en compte que la seule société attributrice en cause (et non le groupe).
11. Selon l’ANSA, il y lieu d’interpréter l’article 2 de l’an-nexe en s’appuyant sur les autres dispositions de l’an-nexe. Ainsi, on doit tenir compte de l’appartenance à un groupe pour la détermination des seuils financiers et de l’effectif caractérisant une PME et de se fonder sur des données consolidées (Comité juridique du 3 juin 2015, no 15-038). En effet, en visant les chiffres fixés par cet article 2, le législateur a entendu également inclure im-plicitement l’ensemble des précisions complémentaires permettant d’interpréter correctement cette définition 3.
III. Réduction du délai d’attente
12. Comme on l’a vu, la loi du 6 août 2015 a simplifiéle régime initial des deux périodes d’acquisition et de conservation. Dorénavant, l’attribution des actions à leurs bénéficiaires est définitive au terme d’une période d’acquisition dont la durée minimale, qui ne peut être inférieure à un an (ou deux ans, v. ci-dessous), est déter-minée par l’assemblée générale extraordinaire (sauf cas d’invalidité).
13. La principale innovation de la loi Macron est de sup-primer l’obligation légale de conservation des titres. Selon le nouveau texte, il s’agit d’une faculté de l’as-semblée générale extraordinaire : elle peut (elle n’y est pas obligée) fixer la durée minimale de l’obligation de conservation des actions par les bénéficiaires (la période d’acquisition restant obligatoire). Cette durée court à
compter de l’attribution définitive des actions (dans l’ancien texte, on pouvait supprimer, comme on l’a vu, l’obligation de conservation à condition que le délai d’acquisition soit fixé à au moins quatre ans).
14. Une nouvelle règle est importante : la durée cumuléedes périodes d’acquisition et de conservation ne peut pas être inférieure à deux ans. Autrement dit, en cas d’absence d’obligation d’une période de conservation, la période d’acquisition doit être au moins de deux ans (rappelons qu’en matière d’options de souscription ou d’achat d’actions, aucune obligation légale de blocage des options n’est imposée, seule était fréquemment prévue dans le règlement du plan une règle similaire, en raison du régime fiscal des options accordées avant le 28 septembre 2012).
(3) Dans le sens de cette interprétation, on peut observer que la déroga-tion en cause aboutit à rendre possible une augmentation de l’allègement des charges des entreprises et que sous cet angle elle pourrait constituer indirectement une forme d’aide aux entreprises. Or, selon cette apprécia-tion, il est indéniable que la définition de la PME au sens communautaire doit être conforme à toutes les conditions fixées par la recommandation. Cette définition a d’ailleurs été reprise par le règl. no 800/2008 du 6 juin 2008 sur les aides compatibles avec le Marché commun ainsi que par le régl. no 651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des art. 107 et 108 du traité. Dans le même sens, on peut observer que l’article 135-I de la loi du 6 août 2015 modifiant le régime social des AGA (CSS, art. L. 137-13) fait référence à toute l’annexe de la recommandation pour définir la PME et non uniquement l’art. 2.(2) JOCE L. 124 du 20 mai 2003.
étude / Le régime juridique des attributions gratuites d’actions et des BSPCE
4 / REVUE DES SOCIÉTÉS / Novembre 2015
IV. Calcul annuel du pourcentage de l’actionnariat salarié
15. En application de l’article L. 225-102 du code decommerce, le rapport annuel de gestion présenté à l’assemblée générale rend compte de l’état de la parti-cipation des salariés au capital social au dernier jour de l’exercice et établit la proportion du capital que repré-sentent les actions détenues par le personnel de la so-ciété et par le personnel des sociétés qui lui sont liées au sens de l’article L. 225-180, selon certains procédés d’acquisition des actions qui sont limitativement énu-mérés par le texte. Cette obligation a une importante conséquence dans les sociétés dont les titres sont co-tés sur un marché réglementé (et donc non les seules « actions », ce qui est évidemment regrettable). Dans ce cas, l’article L. 225-23 du code de commerce dispose que si le pourcentage d’actionnariat salarié recensé en vertu de cet article L. 225-102 atteint le seuil de 3 %, une procédure complexe de désignation d’administrateurs représentant ces actionnaires salariés doit être mise en place (l’art. L. 225-71 prévoit l’équivalent pour le conseil de surveillance). Un autre effet de ce seuil de 3 % est pré-vu à l’article L. 225-129-6, en ce qui concerne l’obliga-tion – mais à l’inverse, si ce seuil n’est pas atteint – d’ins-crire à l’ordre du jour des AGE un projet d’augmentation de capital réservée aux salariés adhérents d’un PEE.
16. Seules sont donc à comptabiliser, les actions qui sont détenues en application d’un régime d’actionnariat pré-vu par le texte, mais la rédaction de l’article L. 225-102 peut prêter à interprétation (le législateur a souhaité que l’émetteur puisse avec certitude dénombrer les salariés actionnaires, mais des questions demeurent 4). Sont vi-sées les acquisitions effectuées dans le cadre d’un plan d’épargne d’entreprise (C. trav., art. L. 3331-1 s.), par les salariés de la société et ceux des sociétés qui lui sont liées au sens de l’article L. 225-180 (stock options –liens d’au moins 10 % du capital). Sont également visées les détentions par les salariés et anciens salariés dans le cadre des fonds communs de placement d’entreprise (FCPE ; C. mon. fin., art. L. 214-164 s.) (Pour les PEE – en cas de détention directe des titres hors FCPE, ce qui est possible mais rare, les anciens salariés ne sont pas visés). Etaient également prises en compte, mais uniquement
durant la période d’incessibilité prévue par la législation, les actions détenues directement par les salariés en ap-plication d’un ancien régime d’actionnariat salarié dé-sormais abrogé (anciens art. L. 225-187 et L. 225-196), du régime relatif aux opérations de privatisations (loi no 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des pri-vatisations), et de celui relatif à la participation (C. trav., art. L. 3324-10).
17. La loi du 6 août 2015 a, d’une part, ajouté, dans l’énu-mération des actions à prendre en compte, les actions attribuées gratuitement selon le régime de l’article L. 225-197-1 (à condition qu’elles restent détenues di-rectement) 5 et, d’autre part, a supprimé la condition de l’incessibilité (temporaire) pour le remplacer par celle de la nominativité. Cette modification a notamment pour effet d’augmenter le nombre de titres à comptabiliser 6.
18. L’article L. 225-102 précise que lorsque le rapportannuel ne comprend pas les mentions prévues, toute personne intéressée peut demander au président du tribunal statuant en référé d’enjoindre sous astreinte au conseil d’administration ou au directoire, selon le cas, de communiquer ces informations. Lorsqu’il est fait droit à la demande, l’astreinte et les frais de procédure sont à la charge des administrateurs ou des membres du direc-toire, selon le cas.
19. En pratique, l’article 135-VII de la loi précise, commeon l’a dit, que les modifications légales, y compris celle concernant le calcul du pourcentage d’actionnariat sa-larié, s’appliquent aux actions gratuites dont l’attribution a été autorisée par une décision de l’assemblée géné-rale extraordinaire postérieure à la publication de la loi. Il en résulte que ce calcul va s’avérer délicat concernant les actions attribuées gratuitement car il conviendra de déduire de ce total, les actions qui ont été attribuées en vertu d’une autorisation données avant le 7 août 2015. La comptabilité titres des actionnaires salariés (titres no-minatifs) devrait comporter un mécanisme de datation (ce qui va encore compliquer le travail des praticiens). En bref, la prétendue simplification du droit reste un ob-jectif lointain.
V. Aménagements du régime juridique des bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE)
[...]
(5) Or, même en cas d’obligation de conservation, le dernier alinéa de l’art. L. 225-197-1 autorise, durant cette période, un apport des actions à un fonds ou à une société dont l’actif est exclusivement composé d’actions ou de VMDAC émis par l’émetteur ou une société du même groupe (au sens de l’art. L. 225-197-2).(4) V. notamment, Comité juridique ANSA no 3106, mars 2002
© Éditions Dalloz 2015
Brèves observations sur la cession
forcée d’actions d’une entreprise en
redressement judiciaire
par Philippe Roussel Galle, Professeur à l’Université Paris Descartes (Paris V), membre du CEDAG
Article paru dans la Revue des sociétés de novembre 2015
Novembre 2015 / REVUE DES SOCIÉTÉS / 1
ét
ud
e
/ étude
Le projet de réforme des entreprises en difficulté de 2013 qui a abouti à l’ordonnance du 12 mars 2014 envisageait la possibilité de contraindre les actionnaires et autres associés à céder leurs ac-tions dans le cadre de la restructuration d’une en-treprise en difficulté. In fine, l’innovation n’avait pas été reprise par l’ordonnance en question mais elle l’a été par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques 1.
On connaissait jusqu’à présent la possibilité pour le tribunal de subordonner l’adoption d’un plan de continuation en redressement judiciaire au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants, pos-sibilité qui peut aller jusqu’à la cession forcée des parts sociales et autres titres de capital desdits di-rigeants. Cette faculté, qui avait été étendue à la
procédure de sauvegarde en 2005, n’est, depuis l’ordonnance de 2008, plus applicable qu’en re-dressement judiciaire et il en va de même de l’in-novation apportée par la loi Macron.
A l’article L. 631-19-1 du code de commerce, vient donc s’ajouter une autre possibilité figurant dans un nouvel article L. 631-19-2 qui vise à vaincre le refus des assemblées compétentes d’adopter la modification du capital prévue par le projet de plan de redressement en faveur d’une ou plu-sieurs personnes qui se sont engagées à exécuter celui-ci. Comme on pouvait s’y attendre, ce dis-positif est très encadré, ce qui s’explique aisément en raison de ses effets rigoureux. Aussi connaît-il un champ d’application réduit (I), et il sera d’une mise en œuvre délicate (II).
I. Un champ d’application réduit
Outre le fait que le champ d’application du nou-veau dispositif est limité au redressement judi-ciaire, ce qui permet de conserver à la sauvegarde son attractivité, il est réduit à certaines entreprises. Celles-ci doivent compter au moins cent cin-quante salariés ou constituer, au sens de l’article L. 2331-1 du code du travail, une entreprise domi-nante d’une ou plusieurs entreprises dont l’effec-tif total est de cent cinquante salariés au moins. A cette condition de taille, le texte en ajoute une autre plus économique puisque la cessation d’ac-tivité du débiteur doit être de nature à causer un trouble grave à l’économie nationale ou régionale et au bassin d’emploi. Cette deuxième condition ne devrait toutefois pas être trop contraignante
puisque, au vu de la taille des entreprises visées, il devrait être assez aisé de juger que leur cessation d’activité entraîne de telles conséquences.
Enfin, la modification du capital envisagée doit apparaître comme la seule solution sérieuse per-mettant d’éviter ce trouble et de permettre la poursuite de l’activité, après examen des possibi-lités de cession totale ou partielle de l’entreprise 2. En d’autres termes, ce n’est donc qu’en dernier recours que cette solution peut être envisagée et ce, uniquement dans les entreprises importantes en redressement judiciaire. La règle est logique tout à la fois parce que les effets de la mesure sont très rigoureux pour les actionnaires concer-
(1) JO 7 août. (2) C. com., art. L. 631-19-2, al. 1er.
Philippe Roussel GalleProfesseur à l’Université Paris Descartes (Paris V) membre du CEDAG
Brèves observations sur la cession forcée d’actions d’une entreprise en redressement judiciaireLoi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économique
étude / Cession forcée d’actions d’une entreprise en redressement judiciaire
2 / REVUE DES SOCIÉTÉS / Novembre 2015
nés et parce que sa réalisation est lourde. Elle n’en sera pas moins parfois difficile à mettre en œuvre. A suppo-ser qu’il existe un projet de ce type, il faudra donc au préalable vérifier que d’éventuels autres projets de re-dressement sont exclus. Or, non seulement le débiteur peut proposer un tel projet mais, eu égard à la taille des entreprises concernées, le plus souvent des comités de
créanciers seront constitués, ce qui ouvre la possibilité à leurs membres de proposer des projets de plan concur-rents. Sans compter les éventuels projets de plan de cession totale ou partielle. On comprend mieux dès lors que la demande de mise en œuvre d’un tel processus ne puisse intervenir qu’à l’expiration d’un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture.
II. Une mise en œuvre délicate
Si les conditions précitées sont remplies, le processus ne peut être mis en œuvre qu’à la demande de l’adminis-trateur judiciaire ou du ministère public. Par définition, les assemblées compétentes ont refusé de voter la mo-dification de capital permettant l’adoption du projet de plan, ce qui présuppose qu’elles doivent avoir été réu-nies et sans doute que les créanciers opposants ont été identifiés. Deux possibilités s’offrent alors au tribunal.
Il peut tout d’abord désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée compétente et surtout de voter l’augmentation de capital en lieu et place des associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital à hauteur du montant prévu par le plan 3.
Mais surtout, il peut choisir d’ordonner, au profit des per-sonnes qui se sont engagées à exécuter le projet de plan, la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital par certains associés ou actionnaires im-portants ayant refusé la modification de capital 4 ; à noter toutefois que seuls sont concernés par la cession forcée de leurs titres les associés et actionnaires détenant, di-rectement ou indirectement, une fraction du capital leur conférant une majorité des droits de vote ou une mi-norité de blocage dans les assemblées générales ou qui disposent seuls de la majorité des droits de vote dans la société débitrice en application d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires, non contraire à l’inté-rêt de la société. Le texte ajoute enfin que toute clause d’agrément est réputée non écrite.
A ce stade, les choses paraissent relativement simples mais les autres associés ou actionnaires disposent d’un droit de retrait de la société, leurs droits sociaux devant alors rachetés par les personnes s’engageant à exécu-
ter le plan. Ainsi, ces derniers peuvent être conduits à racheter non seulement les titres des actionnaires évin-cés mais également ceux des actionnaires exerçant leur droit de retrait. Leur valeur sera déterminée sur la base d’un accord ou par un expert, et il semble en définitive que ce ne sera qu’à ce stade du processus que le candi-dat à la reprise connaîtra avec certitude le coût de l’opé-ration, ce d’autant que le tribunal statuera dans le même jugement sur la cession et la valeur des droits cédés.
De surcroît, le tribunal subordonne l’adoption du plan à l’engagement du souscripteur ou du cessionnaire des parts sociales et autres titres de conserver ses droits pendant une durée qui ne peut excéder celle du plan. Il peut également exiger une garantie par un organisme de crédit. L’ensemble du processus est bien sûr entouré de diverses garanties, débats en présence du ministère pu-blic, audition par le tribunal des associés ou actionnaires concernés, des associés ou actionnaires dirigeants, des créanciers ou tiers qui se sont engagés à exécuter le plan et des représentants du personnel, sans compter la consultation de l’Autorité des marchés financiers pour les sociétés cotées. Une fois la décision du tribunal ob-tenue, encore conviendra-t-il, pour un commissaire à l’exécution du plan désigné à cet effet, de le mettre en œuvre.
En conclusion, le nouveau dispositif est donc d’un champ d’application limité et surtout d’une mise en œuvre complexe, tout particulièrement si la solution passant par la cession forcée des actions se trouve en concurrence avec d’autres projets de plan. Aussi peut-on penser qu’il sera rarement utilisé, ou alors utilisé comme moyen de négociation avec des associés ou actionnaires récalcitrants, mais cela, seule la pratique pourra nous le dire à l’avenir.
(3) C. com., art. L. 631-19-2, 1°.(4) C. com., art. L. 631-19-2, 2°.
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La loi Macron valide le prêt
interentreprises
par Dominique Legeais,
Professeur à l’Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité,
Directeur du CEDAG
Article paru dans la Revue trimestrielle de droit commercial et de
droit économique de juillet-septembre 2015
565
Avec la loi Macron en date du 7 août
2015, c’est une nouvelle dérogation qui
vient d’être apportée au monopole ban-
caire pour l’octroi des crédits et elle est
d’importance. En effet, la loi modifie l’ar-
ticle L. 511-6 du code monétaire et finan-
cier en y ajoutant un alinéa permettant à
certaines sociétés d’accorder un crédit
rémunéré à des entreprises avec les-
quelles elles sont en relation. Le crédit
interentreprises est ainsi relancé alors
que depuis plus de trente ans et un rap-
port resté célèbre, ce mode de finance-
ment était contesté car affublé de tous
les maux 1. Il est vrai qu’il s’agissait d’un
crédit gratuit et le plus souvent forcé
prenant la forme de délai de paiement.
Cette forme de crédits était contestée
par les entreprises elles-mêmes (il y
avait même eu création d’une association
pour lutter contre le crédit interentre-
prises) pour plusieurs motifs. Ce n’est
pas le rôle des entreprises de se substi-
tuer aux banques dont c’est la fonction
première. D’une part, les capitaux dispo-
nibles sont mieux affectés à l’investisse-
ment. D’autre part, les entreprises n’ont
pas l’expertise des établissements de
crédit pour apprécier le risque pris. Il fal-
lait ajouter que les délais de paiement
sont aujourd’hui considérés comme l’un
des principaux maux de notre économie,
ce qui explique la sévérité du législateur
et sa lutte constante pour les réduire,
malgré l’article L. 511-7 qui en admet la
validité.
Rémunérés, les crédits interentreprises
seraient-ils donc parés de toutes les ver-
tus? Il faut le croire, tout du moins à la
lecture des travaux préparatoires de la
loi Macron. Il existe ainsi plusieurs justi-
fications au vote du texte à l’initiative des
parlementaires (et non du Gouvernement
qui y était hostile).
La première est d’ordre général et part
d’un constat : celui de l’insuffisance des
crédits bancaires et de la pénurie de cré-
dit et de financement qui en résulte. Il
est vrai, que responsables en cas de cré-
dit excessif, limités par les contraintes
CHRONIQUES
Crédit et titres de crédit
RTDCom. - - juillet-septembre 2015D
Crédit interentreprises
1. La loi Macron valide le prêt interentreprises
(Loi n° 2015-990 du 6 août 2015, JO 7 août 2015, p. 13537)
Dominique LegeaisProfesseur à l’Université ParisDescartes, Sorbonne Paris Cité,Directeur du CEDAG
(1) Rapport Mordacq sur le crédit interentreprises, Documentation française, 1979 ; D. Legeais, Les garanties conven-tionnelles sur créances, Economica, 1986, nos 570 s.
11_Chron_Legeais_RTDCom 08/10/2015 11:13 Page 565
prudentielles et le respect des ratios de
solvabilité, les établissements de crédits
sont devenus frileux dans la distribution
de certains crédits. Il faut donc se tour-
ner vers de nouveaux financements, tels
les emprunts obligataires, ou favoriser
les dérogations au monopole des établis-
sements de crédit. Toutes ces voies sont
aujourd’hui largement explorées. Il suffit
de mentionner le développement de la
finance participative.
La seconde justification tient à l’intérêt
des entreprises elles-mêmes, qu’il
s’agisse de celles qui prêtent ou de celles
qui empruntent. Les premières ont sou-
vent des excès de trésorerie et le prêt
peut s’avérer une opportunité, beaucoup
d’autres placements étant soit trop ris-
qués, soit de peu de rapport. Les entre-
prises emprunteuses peuvent ainsi être
satisfaites d’avoir un crédit obtenu facile-
ment auprès d’entreprises avec les-
quelles elles sont en relation.
Ces avantages ne sauraient occulter les
risques d’un trop grand libéralisme en la
matière. Le prêt, quel que soit le prêteur,
demeure toujours une opération à
risque. On peut même penser que le
risque est encore plus grand lorsque le
prêteur n’est pas un professionnel. On
comprend dès lors que la nouvelle déro-
gation soit introduite avec mesure et qu’il
y ait mise en place de garde-fous.
Même ainsi introduite, l’innovation nous
paraît déceler des dangers potentiels
assez similaires à ceux liés au dévelop-
pement de la finance participative.
L’encadrement de cette nouvelle forme
de crédit se traduit par quatre exigences:
la première concerne les prêteurs, la
seconde les emprunteurs, la troisième la
relation contractuelle elle-même, la der-
nière le prêt lui-même.
Le droit de prêter est réservé aux
sociétés par actions ou aux sociétés à
responsabilité limitée dont les comptes
font l’objet d’une certification par un
commissaire aux comptes. Il s’agit donc
nécessairement d’entreprises impor-
tantes. Le prêt consenti doit être acces-
soire à l’activité principale. Cette exi-
gence a été introduite dans un deuxième
temps pour limiter les dérives pos-
sibles. Seuls les établissements de cré-
dit peuvent avoir pour objet principal la
fourniture de crédits. Cependant, l’ap-
préciation du caractère accessoire
pourra toujours être source de diffi-
cultés, par exemple, dans l’hypothèse
de sociétés holdings n’ayant aucune
activité industrielle et commerciale en
elles-mêmes.
Les emprunteurs sont nécessairement
des microentreprises, des petites et
moyennes entreprises ou des entre-
prises de taille intermédiaire avec les-
quelles elles entretiennent des liens éco-
nomiques le justifiant.
La définition de ces différentes entre-
prises doit être trouvée dans un décret
en date du 18 décembre 2008.
La catégorie des microentreprises est
constituée des entreprises qui :
- d’une part, occupent moins de 10 per-
sonnes;
- d’autre part, ont un chiffre d’affaires
annuel ou un total de bilan n’excédant
pas 2 millions d’euros.
La catégorie des petites et moyennes
entreprises (PME) est constituée des
entreprises qui :
- d’une part, occupent moins de 250 per-
sonnes;
- d’autre part, ont un chiffre d’affaires
annuel n’excédant pas 50 millions d’eu-
ros ou un total de bilan n’excédant pas
43 millions d’euros.
La catégorie des entreprises de taille
intermédiaire (ETI) est constituée des
entreprises qui n’appartiennent pas à la
catégorie des petites et moyennes entre-
prises, et qui :
- d’une part, occupent moins de 5000
personnes;
- d’autre part, ont un chiffre d’affaires
annuel n’excédant pas 1,5 milliard d’eu-
566
Crédit et titres de créditCHRONIQUES
juillet-septembre 2015 - - RTDCom.D
11_Chron_Legeais_RTDCom 08/10/2015 11:13 Page 566
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Crédit et titres de crédit CHRONIQUES
RTDCom. - - juillet-septembre 2015D
ros ou un total de bilan n’excédant pas
2 milliards d’euros.
La catégorie des grandes entreprises
(GE) est constituée des entreprises qui
ne sont pas classées dans les catégories
précédentes.
La troisième exigence concerne la rela-
tion contractuelle. Il doit exister des liens
économiques justifiant le crédit. Quels
peuvent-ils être? Les travaux prépara-
toires invoquent des liens de sous-trai-
tance. On peut aussi penser aux liens
unissant fournisseurs et distributeurs.
L’exigence d’un lien économique se justi-
fie aussi par la volonté d’éviter des excès
dans la liberté nouvellement reconnue.
Il existe enfin des limitations qui tien-
nent au prêt lui-même. Tout d’abord, ce
dernier doit être d’une durée maximum
de deux ans. Ensuite, « l’octroi d’un prêt
ne peut avoir pour effet d’imposer à un
partenaire commercial des délais de
paiement ne respectant pas les pla-
fonds légaux définis aux articles L. 441-
6 et L. 443-1 du code de commerce. Un
décret en Conseil d’État doit fixer les
conditions et les limites dans lesquelles
ces sociétés peuvent octroyer ces
prêts ». Le législateur souhaite ainsi
que le prêt ne puisse être un instrument
de domination d’une société par une
autre et puisse permettre de contourner
des règles du droit de la concurrence ou
de la distribution tentant de restaurer
un certain équilibre entre partenaires.
Cette limitation suffira-t-elle ? Le ren-
forcement du lien contractuel ne peut
qu’accentuer le phénomène de dépen-
dance.
Compte tenu de la spécificité de l’opéra-
tion et de ces risques, il n’est pas surpre-
nant de constater certaines exigences
tenant au droit des sociétés lui-même.
« Les prêts ainsi accordés sont formalisés
dans un contrat de prêt, soumis, selon le
cas, aux articles L. 225-38 à L. 225-40 ou
aux articles L. 223-19 et L. 223-20 du code
de commerce [dispositions relatives aux
conventions réglementées]. Le montant
des prêts consentis est communiqué dans
le rapport de gestion et fait l’objet d’une
attestation du commissaire aux comptes
selon des modalités prévues par décret
en Conseil d’État. »
Comme en matière de garanties y aura-
t-il place pour un contrôle de l’intérêt
social par le juge éventuellement saisi
par un associé? En cas de contrariété, la
sanction serait-elle alors la nullité du
prêt consenti ce qui imposerait une res-
titution immédiate?
Pour éviter toute spéculation : « Nonobs-
tant toute disposition ou stipulation
contraire, les créances détenues par le
prêteur ne peuvent, à peine de nullité,
être acquises par un organisme de titri-
sation mentionné à l’article L. 214-168 du
présent code ou un fonds professionnel
spécialisé mentionné à l’article L. 214-
154 ou faire l’objet de contrats consti-
tuant des instruments financiers à terme
ou transférant des risques d’assurance à
ces mêmes organismes ou fonds ».
Malgré ces contraintes, il existe néan-
moins une grande marge de liberté
reconnue aux prêteurs. La principale
concerne l’intérêt et sa fixation. Il est
possible d’envisager un taux fixe ou
variable, indexé ou non. C’est le droit
commun du prêt, de l’intérêt et du TEG
qui va s’appliquer. L’interdiction de
l’usure ne s’applique pas. Entre entre-
prises, le contrat de prêt est nécessaire-
ment un contrat réel ce qui a des consé-
quences pour la formation. La remise
des fonds est une condition de validité du
contrat.
Dans le silence des textes, il est permis
de s’interroger quant à l’application
d’autres règles. Le droit bancaire a fini
par protéger complètement les emprun-
teurs. Qu’en sera-t-il en l’espèce? Qu’en
sera-t-il par exemple de la responsabi-
lité pour rupture des pourparlers ou pour
rupture de crédit. Le crédit consenti à
une entreprise rencontrant des diffi-
cultés pourra également être source
d’interrogations. Le prêteur pourra béné-
11_Chron_Legeais_RTDCom 08/10/2015 11:13 Page 567
ficier de l’exonération de responsabilité
de l’article L. 650-1 du code commerce
dans la mesure où la disposition s’ap-
plique au crédit interentreprises. De
même, il faudra transposer au prêteur
entreprise les règles applicables à un
établissement de crédit (obligation de
maintien des contrats en cours, privilège
de paiement).
Un droit nouveau reste enfin à construire,
celui de la protection du prêteur non pro-
fessionnel. La difficulté se posera égale-
ment pour le prêteur ayant consenti un
financement participatif. Que se passera-
t-il si le prêteur a été trompé sur la sol-
vabilité de l’emprunteur? Il est difficile
d’envisager une protection spécifique
dans la mesure où l’entreprise prêteuse
est un professionnel même si ce n’est
pas un professionnel du crédit. Le prê-
teur a assurément le droit de solliciter
des garanties pour se protéger. Mais il ne
peut bénéficier de la cession « Dailly »
qui ne profite qu’aux professionnels éta-
blissements de crédit
Il apparaît ainsi qu’un alinéa est peut-
être insuffisant pour régir cette nouvelle
forme de crédit. En elle-même l’innova-
tion ne se justifiait pas non plus avec la
force de l’évidence. Il est permis de se
demander si, s’agissant du monopole
bancaire, sans réflexion d’ensemble
préalable, notre droit ne passe pas d’un
excès à un autre. Le monopole a pendant
longtemps été conçu trop strictement ce
qui a pénalisé nos établissements. Mais,
pour autant, aujourd’hui convient-il d’en-
courager à ce point le financement
parallèle et les modes de financement
extrabancaires? À quoi bon avoir intro-
duit autant de règles protectrices s’il
devient aussi facile de les contourner?
Crédit et titres de créditCHRONIQUES
11_Chron_Legeais_RTDCom 08/10/2015 11:13 Page 568
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Création d’un nouveau véhicule de capital investissement, la société de libre partenariat, et renforcement de l’attractivité des OPCI
par Michel Storck, Professeur à l’Université de Strasbourg
Article paru dans la Revue trimestrielle de droit commercial et de
droit économique de juillet-septembre 2015
549
À la suite d’un amendement du député
Arnaud Leroy (n° SPE864), l’article 145
de la loi Macron créé au sein des fonds
d’investissement alternatifs (FIA) de droit
français un nouveau véhicule destiné aux
opérations de capital investissement et
au financement de projets : la société de
libre partenariat (I). Par ailleurs, pour
soutenir les investissements sous forme
de placements collectifs dans le secteur
immobilier, les articles 139 et 159 de
cette loi étendent l’objet des organismes
de placement collectif immobilier (OPCI),
ainsi que les possibilités d’investisse-
ment des Fonds Communs de Placement
d’Entreprise (FCPE) en OPCI (II).
I - Création de la société de librepartenariat
Structuration des FIA. L’article 145 de la
loi Macron créé au sein des FIA une nou-
velle forme de fonds professionnel spé-
cialisé : la société de libre partenariat
(SLP).
Les FIA, mis en place par l’ordonnance
n° 2013-676 du 25 juillet 2013 qui a
transposé la directive 2011/61/UE du
8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds
d’investissement alternatifs (directive
dite « AIFM »), sont classés dans le code
monétaire et financier en deux catégo-
ries :
- les fonds ouverts aux investisseurs non
professionnels ;
- les fonds ouverts aux investisseurs pro-
fessionnels, notamment les fonds pro-
fessionnels spécialisés et les fonds pro-
fessionnels de capital investissement
(FPCI).
La catégorie des fonds professionnels
spécialisés est elle-même issue du
regroupement des anciens OPCVM
contractuels (SICAV contractuels et FCP
contractuels) et des anciens fonds com-
muns de placement à risque (FCPR)
contractuels. Ces fonds professionnels
spécialisés, qui ne pouvaient jusqu’à ce
jour que prendre la forme d’une SICAV ou
d’un FCP, ont été institués pour faire face
au développement des Specialized
CHRONIQUES
Droit des marchés financiers
RTDCom. - - juillet-septembre 2015D
1. Création d’un nouveau véhicule de capitalinvestissement, la société de libre partenariat, etrenforcement de l’attractivité des OPCI
(Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances
économiques, dite loi « Macron » ; I. Riassetto, La société de libre partenariat, un nou-
veau fonds d’investissement professionnel dans le paysage de la gestion collective
française, Bull. Joly Bourse, oct. 2015 n° 10, p. 445).
Nicolas RontchevskyProfesseur à l’Université de Strasbourg
Michel StorckProfesseur à l’Université de Strasbourg
Charles GoyetProfesseur à l’Université de Strasbourg
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Investment Fund (SIF) luxembourgeois
ou des Qualifying Investor Fund (QIF)
irlandais. Ils sont destinés à offrir aux
investisseurs professionnels un véhicule
de droit français régulé, disposant d’une
très grande flexibilité sur la nature des
actifs éligibles, sur les ratios d’investis-
sement comme sur la gestion du passif.
La gamme des fonds d’investissement
français, ainsi structurée par l’ordon-
nance du 25 juillet 2013, ne présentait
toutefois pas de véhicule équivalent aux
Limited Partnerships anglo-saxons, qui
réunissent plusieurs associés, certains
dont la responsabilité est pleine à l’égard
des obligations de la structure (general
partners), d’autres dont la responsabilité
est limitée à leurs apports (limited part-
ners). L’impact concurrentiel de ces véhi-
cules est tel, que pour attirer les fonds
de Private Equitiy, le législateur luxem-
bourgeois a introduit en 2013, dans la loi
de la transposition de la directive AIFM
une structure juridique tout aussi attrac-
tive sous la forme de société en com-
mandite spéciale (SCSp) : ces sociétés
connaissent un succès important, plus
de 290 d’entre elles ayant déjà été créées
en 2014.
Fonds professionnel spécialisé. Pour
créer un nouvel instrument à même d’at-
tirer plus facilement les investisseurs
étrangers et de favoriser le renforcement
de l’attractivité de la place de Paris dans
le financement non coté, la loi Macron
met en place la société de libre partena-
riat. Il s’agit d’un FIA déclaré, sous forme
de fonds professionnel spécialisé (FPS),
qui ne fait pas l’objet d’un agrément déli-
vré par l’Autorité des marchés financiers
(AMF) et qui est placé sous le régime de
la société en commandite simple.
L’article L. 214-154 du code monétaire et
financier précise désormais qu’un fonds
professionnel spécialisé peut prendre la
forme d’une SICAV, d’un fonds commun
de placement ou d’une société en com-
mandite simple ; dans ce dernier cas, sa
dénomination est celle de « société de
libre partenariat ».
Société en commandite simple. Le régime
juridique applicable aux SLP, fixé par les
articles L. 214-162-1 à L. 214-162-12 du
code monétaire et financier, est un régime
hybride, qui se différencie partiellement
du régime général des sociétés en com-
mandite et du régime général applicable
aux FIA. L’objectif recherché par le légis-
lateur est d’offrir aux professionnels une
structure d’investissement comparable
aux Limited Partnerships anglo-saxons; il
est même précisé que les SLP peuvent
établir leurs statuts dans une langue
usuelle en matière financière autre que le
français (C. mon. fin., art. L. 214-162-6),
dès lors que l’extrait pour le registre du
commerce et des sociétés est en français.
Le régime juridique des SLP se distingue
sur certains points du régime des FIA
déclaré et des FPS, afin notamment d’in-
troduire une plus grande flexibilité visant
les associés de ces fonds (A). À l’inverse,
la SLP se distingue aussi sur certains
points du régime général applicable aux
sociétés en commandite, afin de tenir
compte de sa nature de véhicule d’inves-
tissement réglementé : des règles spéci-
fiques de gouvernance sont prévues (B).
En raison de cette application sélective et
partielle du droit des SCS, il s’avère que
la SLP n’est pas constituée sous la forme
d’une société en commandite simple : la
SLP est une nouvelle forme de société en
commandite simple.
A – Les associés de la SLP :investisseurs commandités etcommanditaires
Le législateur laisse aux associés une
grande liberté afin qu’ils puissent créer
un véhicule d’investissement qui réponde
exactement à leurs besoins.
Les associés déterminent librement dans
les statuts la structure du capital et les
apports (1). Le régime juridique des parts
et les droits qui y sont rattachés est éga-
lement marqué par la liberté statutaire (2).
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Droit des marchés financiersCHRONIQUES
juillet-septembre 2015 - - RTDCom.D
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Droit des marchés financiers CHRONIQUES
RTDCom. - - juillet-septembre 2015D
Le code monétaire et financier précise
les règles relatives à l’information des
associés (3).
1 - Statut des associésinvestisseursCommandités et commanditaires. La
SLP est composée de deux groupes d’as-
sociés, les commandités et les comman-
ditaires.
Les associés commandités ont le statut
des associés en nom collectif : ils sont
commerçants et sont responsables indé-
finiment et solidairement des dettes
sociales.
Les commanditaires ne sont pas com-
merçants et ne sont responsables des
dettes sociales que dans la limite de
leurs apports. La souscription et l’acqui-
sition des parts des associés commandi-
taires de la SLP sont réservées à trois
catégories d’investisseurs : d’une part, à
des investisseurs professionnels au sens
de la directive MIF, mentionnés à l’article
L. 214-144 du code monétaire et finan-
cier ; d’autre part, au gérant, à la société
de gestion et aux commandités ou à
toute société réalisant des prestations
liées à la gestion investissant directe-
ment ou indirectement, ainsi qu’à leurs
dirigeants, à leurs salariés ou à toute
personne physique ou morale agissant
pour leur compte ; enfin, à des investis-
seurs dont la souscription initiale ou l’ac-
quisition est d’au moins 100000 euros (C.
mon. fin., art. L. 214-162-1, VI).
En cas de décès d’un commandité, la
société est en principe dissoute, sauf si
les statuts en ont disposé autrement,
conformément au droit des sociétés en
commandite (C. com., art. L. 222-10),
auquel le droit de la SLP ne déroge pas.
Apports. Conformément au droit com-
mun auquel ne déroge pas le droit des
SLP, les apports des commandités peu-
vent être réalisés en numéraire, en
nature et en industrie. En revanche, les
apports en industrie sont interdits aux
commanditaires (C. com., art. L. 222-1,
al. 2). Les apports en nature sont évalués
par le commissaire aux comptes sous sa
responsabilité (C. mon. fin., art. L. 214-
162-8, I, 2°).
Protection des commanditaires. Le prin-
cipe de non-immixtion des associés
commanditaires dans la gestion externe
de la société est maintenu, tout en étant
cependant fortement aménagé.
En prenant appui sur le modèle anglo-
saxon des Limited Partnerships et sur
les nouvelles SCPs luxembourgeoises, le
législateur fixe une liste non limitative
d’actes qui peuvent être passés par les
associés commanditaires sans pour
autant que ces actes soient considérés
comme des actes de gestion : l’article
L. 214-162-3, I, du code monétaire et
financier précise que ne constituent pas
des actes de gestion externes, « notam-
ment, l’exercice des prérogatives d’asso-
ciés, les avis et les conseils donnés à la
société, à ses entités affiliées ou à leurs
gérants ou à leurs dirigeants, les actes
de contrôle et de surveillance, l’octroi de
prêts, de garanties ou de sûretés ou
toute autre assistance à la société ou à
ses entités affiliées, ainsi que les autori-
sations donnée aux gérants dans les cas
prévus par les statuts pour les actes qui
excèdent leurs pouvoirs ». Cela permet
aux commanditaires de jouer un rôle
central, sans toutefois engager leur res-
ponsabilité de façon indéfinie et soli-
daire. Par ailleurs, un associé comman-
ditaire peut être nommé gérant de la SLP
(cf. infra) et peut alors accomplir des
actes de gestion externe en cette seule
qualité par dérogation au droit commun
des sociétés.
Ces dispositions confèrent ainsi aux
associés investisseurs un pouvoir effectif
d’intervenir dans la gouvernance du véhi-
cule, ce qui n’est pas courant dans la
dynamique habituelle des FIA français.
Le dépositaire ou la personne désignée à
cet effet dans les statuts doit s’assurer
que le souscripteur remplit les qualités
et qu’il a effectivement déclaré avoir été
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informé que cette société était une SLP.
Cette vérification se retrouve pour tous
les FIA destinés à des investisseurs pro-
fessionnels.
Les FIA professionnels déclarés peuvent
se transformer sans dissolution en
société de libre partenariat dans les
conditions définies par leurs statuts ou
leur règlement. Les porteurs de parts ou
actionnaires existants deviennent asso-
ciés commanditaires de la SLP.
2 - Régime des parts émises par laSLPCatégories de parts. Les SLP peuvent
émettre différentes catégories de parts
donnant des droits différents sur tout ou
partie de l’actif de la société ou de ses
produits, tant durant sa vie qu’au stade
de sa liquidation. Les statuts peuvent
ainsi prévoir des parts traçantes (V.
I. Riassetto et N. Duguay, Parts traçantes
et FCP, Bull. Joly Bourse 2011. 57), ainsi
que des parts préférentielles ouvrant
droit à une fraction des plus-values
éventuelles (carried interest). Les parts
peuvent également être différenciées
selon les dispositions prévues au second
alinéa de l’article L. 214-24-25 ou dans
les conditions prévues par les statuts (C.
mon. fin., art. L. 214-162-8, II). Ce texte
relatif aux fonds d’investissement à voca-
tion générale renvoie à l’article 422-23 du
règlement général de l’AMF, qui prévoit
que ces parts peuvent :
« 1º bénéficier de régimes différents de
distribution des revenus ; / 2º être
libellées en devises différentes ; 3º sup-
porter des frais de gestion différents ;
/ 4º supporter des commissions de sous-
cription et de rachat différentes ;
/ 5º avoir une valeur nominale différente;
/ 6º être assorties d’une couverture
systématique de risque, partielle ou
totale, définie dans le prospectus. Cette
couverture est assurée au moyen d’ins-
truments financiers réduisant au mini-
mum l’impact des opérations de couver-
ture sur les autres catégories de parts du
fonds d’investissement à vocation géné-
rale ; / 7º être réservées à un ou plu-
sieurs réseaux de commercialisation. »
La souscription d’une catégorie de parts
ou d’actions peut aussi être réservée
à une catégorie d’investisseurs définie
dans le prospectus en fonction de
critères objectifs tels qu’un montant
de souscription, une durée minimum de
placement ou tout autre engagement du
porteur.
Emission et libération. Par dérogation au
droit commun des sociétés, les statuts
de la SLP prévoient les modalités d’é-
mission et de libération des parts et des
titres. La liberté contractuelle permet
ainsi d’organiser une émission différée
dans le temps ou une libération succes-
sive selon les modalités choisies, par
dérogation au principe de libération
immédiate posé par l’article L. 214-24-31
du code monétaire et financier visant les
fonds d’investissement à vocation géné-
rale sous forme de SICAV. L’article
L. 214-162-8, I, du code monétaire et
financier prévoit qu’à défaut de libération
dans les conditions prévues par les sta-
tuts, le gérant a la possibilité, un mois
après une mise en demeure, de procéder
de plein droit à la cession de ces parts ou
à la suspension de toute distribution. Les
statuts peuvent également prévoir à l’en-
contre de l’associé défaillant la suspen-
sion de ses droits non pécuniaires jus-
qu’au complet paiement des sommes
dues.
Dans les conditions définies par les sta-
tuts, la responsabilité à l’égard des tiers
de la centralisation des ordres de sous-
cription et de rachat des parts de la SLP
est confiée soit au gérant, soit à la
société de gestion, soit au dépositaire,
soit à un prestataire de services d’inves-
tissement agréé pour fournir l’un des
services mentionnés à l’article L. 321-1.
L’entité à qui cette responsabilité est
confiée dispose de moyens adaptés et
suffisants pour assurer cette fonction (C.
mon. fin., art. L. 214-62-4).
Cessions de parts. Les parts émises par
la SLP sont obligatoirement nominatives
(C. mon. fin., art. L. 214-162-8, I, 1°), ce
qui les distingue du régime général des
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FIA offrant le choix entre parts nomina-
tives et parts au porteur.
Par dérogation aux dispositions appli-
cables à la société en commandite simple,
les parts des associés commanditaires
sont des titres financiers négociables. Par
dérogation à l’article L. 211-14 du code
monétaire et financier, les parts des
associés commandités ne sont pas négo-
ciables. La cession de ces dernières doit
donc être constatée par écrit. Elle est
rendue opposable à la société par le
dépôt d’un original ou d’une copie certi-
fiée conforme de l’acte de cession au
siège social contre remise par le gérant
d’une attestation de ce dépôt, ou dans les
formes prévues à l’article 1690 du code
civil. Elle est opposable aux tiers après
accomplissement de ces formalités.
Les statuts peuvent prévoir que, lorsque
les parts sont cédées, le souscripteur et
les cessionnaires successifs sont tenus
solidairement du montant non libéré de
celles-ci (C. mon. fin., art. L. 214-162-8,
I, 1° al. 4).
Les statuts de la société peuvent prévoir
des clauses d’agrément, d’inaliénabilité,
de préférence, de retrait et de cession
forcée selon les conditions et modalités,
notamment de prix, qu’ils prévoient.
Toute cession effectuée en violation des
clauses statutaires est nulle. Ces clauses
sont adoptées ou modifiées par une déci-
sion collective des associés dans les
conditions prévues par les statuts (C.
mon. fin., art. L. 214-162-8, IV, al. 3).
3 - Information des associésLa société est tenue de communiquer
aux associés, à leur demande, la compo-
sition de l’actif dans un délai de huit
semaines à compter de la fin de chacun
des semestres de l’exercice (C. mon. fin.,
art. L. 214-162-10, al. 3). La société éta-
blit un rapport annuel dans les condi-
tions du droit des FIA (C. mon. fin., art.
L. 214-24-19), ainsi qu’un rapport
semestriel couvrant les six premiers
mois de l’exercice. Ces rapports sont mis
à la disposition des associés, sans frais,
dans les délais qui seront fixés par
décret (C. mon. fin., art. L. 214-162-10,
al. 5). La SLP procède à l’établissement
d’un prospectus selon les modalités qui
seront précisées par le règlement géné-
ral de l’AMF. Ce prospectus est composé
des statuts de la société (C. mon. fin.,
art. L. 214-162-10, al. 7) ; cette règle
diffère ainsi du droit commun des OPC,
pour lequel les statuts d’une SICAV ou le
règlement d’un FCP sont un document
lié, mais distinct, du prospectus.
B - Gouvernance de la SLP
À la différence de la société en comman-
dite simple, la SLP compte un ou plu-
sieurs gérants qui n’ont pas nécessaire-
ment la qualité d’associé. Ce statut de
gérant est distinct de celui de gestion-
naire qui est investi du pouvoir de gestion
du portefeuille : le gérant n’est pas
nécessairement le gestionnaire. Les
associés, commandités ou commandi-
taires, peuvent aussi être impliqués dans
la gestion de la gestion de la société. Il
convient ainsi de distinguer les pouvoirs
réservés aux associés commandités ou
commanditaires (1), ceux réservés au
gérant responsable de la gestion externe
(2) et ceux du gestionnaire (3). Les statuts
déterminent librement les règles d’inves-
tissement et d’engagement de la SLP (4).
1 - Décisions collectives desassociésLes statuts de la SLP déterminent les
décisions qui doivent être prises collecti-
vement par les associés dans les formes
et conditions qu’ils prévoient (C. mon.
fin., art. L. 214-162-8, I, 3°). Toutefois,
toutes les décisions emportant une
modification de l’objet social, la fusion,
l’absorption, la scission, la transforma-
tion ou la liquidation de la société sont
adoptées collectivement par les associés
commanditaires dans les conditions pré-
vues par les statuts et avec l’accord du
ou des associés commandités. Les déci-
sions prises en violation de cette der-
nière règle peuvent être annulées en jus-
tice à la demande de tout intéressé
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RTDCom. - - juillet-septembre 2015D
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(C. mon. fin., art. L. 214-162-8, I). Chaque
associé dispose d’un nombre de voix en
proportion des parts qu’il possède, sauf
stipulation contraire des statuts (C. mon.
fin., art. L. 214-162-8, I, 4°).
2 - GérantLa gérance de la SLP est assurée par un
ou plusieurs gérants, associés ou non. Ils
sont désignés dans les conditions pré-
vues par les statuts. La règle générale
selon laquelle, dans le silence des sta-
tuts, tous les associés d’une société en
commandite sont gérants (C. com., art.
L. 221-3, al. 1er) n’est pas applicable (C.
mon. fin., art. L. 214-162-1, I al. 1er).
La gérance peut être confiée à une per-
sonne physique ou morale, par applica-
tion du droit commun (C. com., art.
L. 221-3, al. 2). Les gérants peuvent être
des associés commandités ou comman-
ditaires, par dérogation au droit commun
de la société en commandite simple où
un commanditaire ne peut être gérant. Il
est précisé que le commanditaire qui est
désigné gérant ou société de gestion de
la SLP, peut alors accomplir des actes de
gestion externe en cette seule qualité par
dérogation au droit commun des sociétés
sans que son implication dans la gestion
de la société soit de nature à remettre en
cause sa responsabilité limitée.
Le ou les gérants assurent la gestion de
la société et sa représentation à l’égard
des tiers dans les conditions du droit des
sociétés (C. com., art. L. 221-4 à L. 221-
6 sur renvoi de l’art. L. 222-2). Ils doivent,
au moins une fois par an, rendre compte
de leur gestion aux associés, le cas
échéant dans les conditions fixées dans
les statuts (C. mon. fin., art. L. 214-162-
10, al. 4). Ils sont responsables soit des
infractions aux dispositions législatives
ou réglementaires applicables à la
société, soit des violations des statuts,
soit des fautes commises dans leur ges-
tion (C. mon. fin., art. L. 214-162-3, II).
3 - GestionnaireLa SLP peut être autogérée par son ou
ses gérants qui accomplissent tous les
actes d’administration et de disposition
sur le portefeuille. Elle peut aussi délé-
guer globalement la gestion de son por-
tefeuille à une société de gestion de por-
tefeuille, agréée conformément à la
directive AIFM. L’article L. 214-162-2 du
code monétaire et financier précise que
cette délégation seule ne confère pas à
cette société de gestion ou à ce gestion-
naire la qualité de gérant de la SLP.
Cette délégation s’effectue dans les
conditions prévues par les statuts.
La société de gestion de portefeuille a le
pouvoir de prendre toute décision relative
à la gestion du portefeuille, y compris le
pouvoir de représentation de la SLP à cet
effet (C. mon. fin., art. L. 214-162-2, al.
2) : elle agit au nom et pour le compte de
la SLP lorsqu’elle souscrit, achète ou
vend des instruments financiers ou
d’autres actifs composant le portefeuille
de la SLP.
4 - Règles d’investissementPar dérogation aux articles L. 214-24-55
et L. 214-24-56 du code monétaire et
financier, les statuts déterminent libre-
ment les règles d’investissement et d’en-
gagement de la SLP (C. mon. fin., art.
L. 214-162-7), ce qui lui confère une très
grande souplesse. Elle peut détenir des
biens, dans les conditions définies à l’ar-
ticle L. 214-154, alinéa 2 de ce code rela-
tif aux FPS.
Les actifs doivent respecter les quatre
conditions classiques des FPS: avoir la
nature de bien, ne pas faire l’objet de
sûretés autres que celles nécessaires à
la gestion, pouvoir faire l’objet d’une
valorisation fiable et disposer d’une liqui-
dité en ligne avec celle du véhicule. Par
dérogation aux articles L. 214-24-29,
L. 214-24-34 et L. 214-24-55, un FPS
peut ainsi investir dans des biens s’ils
satisfont aux règles suivantes :
« 1° La propriété du bien est fondée soit
sur une inscription, soit sur un acte
authentique, soit sur un acte sous seing
privé dont la valeur probante est recon-
nue par la loi française ; / 2° Le bien ne
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fait l’objet d’aucune sûreté autre que
celles éventuellement constituées pour
la réalisation de l’objectif de gestion du
fonds professionnel spécialisé ; / 3° Le
bien fait l’objet d’une valorisation fiable
sous forme d’un prix calculé de façon
précise et établi régulièrement, qui est
soit un prix de marché, soit un prix fourni
par un système de valorisation permet-
tant de déterminer la valeur à laquelle
l’actif pourrait être échangé entre des
parties avisées et contractant en
connaissance de cause dans le cadre
d’une transaction effectuée dans des
conditions normales de concurrence ;
/ 4° La liquidité du bien permet au fonds
professionnel spécialisé de respecter ses
obligations en matière d’exécution des
rachats vis-à-vis de ses porteurs et
actionnaires définies par ses statuts ou
son règlement. »
L’actif de la SLP peut également com-
prendre des droits représentatifs d’un
placement financier émis sur le fonde-
ment du droit français ou étranger, ce
qui permet notamment la création de
fonds de fonds. Cet actif peut également
intégrer des avances en compte courant
consenties, pour la durée de l’investisse-
ment réalisé, à des sociétés dans les-
quelles la SLP détient une participation
(C. mon. fin., art. L. 214-162-7, al. 3).
Les statuts fixent librement les condi-
tions de répartition de tout ou partie des
actifs de la SLP, y compris le rembour-
sement d’apports aux associés, ainsi que
les conditions dans lesquelles la société
peut en demander la restitution totale ou
partielle – clauses de claw-back (C. mon.
fin., art. L. 214-162-11).
Le commissaire aux comptes contrôle la
composition de l’actif avant publication
(C. mon. fin., art. L. 214-162-10, al. 3). Il
porte à la connaissance du gérant les
irrégularités et inexactitudes relevées
dans l’exercice de sa mission. (C. mon.
fin., L. 214-162-5).
Compartiments. La flexibilité dans la
gestion des actifs de la société est ren-
forcée par la possibilité de déroger au
principe d’unicité du patrimoine de la
société : la SLP peut comporter un ou
plusieurs compartiments si ses statuts le
prévoient. Chaque compartiment consti-
tue un portefeuille d’actifs (instruments
financiers, dépôts ou autres actifs) auto-
nome pouvant s’analyser en un patri-
moine d’affectation indépendant : au sein
d’une SLP, les compartiments constitués
sont soumis individuellement aux dispo-
sitions applicables aux SLP (C. mon. fin.,
art. L. 214-162-9, I).
Par dérogation à l’article 2285 du code
civil et sauf stipulation contraire des sta-
tuts, les actifs d’un compartiment déter-
miné ne répondent que des dettes, enga-
gements et obligations et ne bénéficient
que des créances qui concernent ce
compartiment.
Chaque compartiment fait l’objet d’une
comptabilité distincte, qui peut être
tenue en toute unité monétaire dans des
conditions fixées par décret (C. mon. fin.,
art. L. 214-162-9, II et III).
Régime fiscal de la SLP. Contrairement
aux dispositions initialement adoptées
par l’Assemblée nationale, la SLP ne
relève pas du régime de la transparence
fiscale : le législateur n’est pas parvenu à
anticiper les effets et les coûts d’un
système de transparence fiscale, ainsi
que son incidence sur l’application de
nos conventions fiscales (v. débats Sénat,
17 avr. 2015). La personnalité de la SLP
est distincte de celles de ses membres.
Pour l’imposition de ses bénéfices, la
SLP est assimilée à un fonds profession-
nel de capital investissement (FPCI)
constitué sous la forme d’un fonds com-
mun de placement. La SLP est ainsi sou-
mise aux mêmes obligations déclaratives
que ces fonds (CGI, art. 1655 sexies A).
La différence principale entre la SLP
française et la SCSp luxembourgeoise
réside dans l’absence de personnalité
juridique de la SCSp qui bénéficie d’une
transparence fiscale totale dans la plu-
part des cas.
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II - Renforcement de l’attractivitédes organismes de placementcollectif immobilier (OPCI)
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pour mieux les exploiter ;
� Une perspective résolument pratique grâce aux dossiers thématiques.
La Revue des sociétés publie et analyse chaque mois :
� les principales décisions de jurisprudence intervenues en matière de droit
des sociétés et des entreprises.
Elle comporte également des articles de doctrine consacrés à des questions
d'actualité et reproduit les principaux textes législatifs ou réglementaires récents. La
qualité de ses collaborateurs, universitaires ou praticiens, en fait un instrument
d'information complet, fiable et approfondi.
La revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique présente chaque trimestre :
� les développements les plus récents du droit commercial, commentés àpartir de textes législatifs et réglementaires, de la jurisprudence, desréponses ministérielles, des avis d'organismes et des circulaires del'administration.
Des chroniques régulières font le point sur tous les domaines du droit des affaires et des articles de fonds alimentent la réflexion sur les questions d'importance. Cette revue apporte aux lecteurs une réflexion doctrinale approfondie ainsi qu'une moisson d'informations techniques.
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Livre blanc | Loi Macron : quels impacts sur le droit des affaires ?
© Éditions Dalloz 2015
- Les Codes :
Le Code de commerce, 2016
Cette édition est notamment à jour des :
� décret du 18 mai 2015 relatif au droit des sociétés ;
� décret du 19 février 2015 sur le fichier des interdits de gérer ;
� décret du 12 février 2015 sur l’aménagement commercial ;
� loi du 20 décembre 2014 simplifiant la vie des entreprises ;
� directive du 26 novembre 2014 sur les actions en dommages et intérêts
en matière anticoncurrentielle.
Elle intègre, en Addendum, les articles consolidés du code et des textes
complémentaires résultant de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des
chances économiques, définitivement adoptée.
Des enrichissements jurisprudentiels et bibliographiques en matière de bail
commercial ont été apportés. Et plus de 22 000 décisions sont citées.
Le Code des sociétés 2016, commenté
L’édition 2016 du Code Dalloz des sociétés est notamment à jour des textes
suivants :
� loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi ;
� loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chanceséconomiques ;
� loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie desentreprises ;
� décret du 18 mai 2015 pris pour l’application de l’ordonnance du 31juillet 2014 relative au droit des sociétés ;
� décret du 8 décembre 2014 modifiant la date et les modalitésd’établissement de la liste des personnes habilitées à participer auxassemblées d’actionnaires et d’obligataires des sociétés commerciales.
L’ouvrage est enrichi de références bibliographiques, d’annotations de jurisprudence (près de 10 000 décisions citées) et de commentaires explicatifs très développés.
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