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LE MAG MUSICAL QU’ON N’ACHÈTE PAS ! 100.000 EXEMPLAIRES FRANCE QUÉBEC BELGIQUE SUISSE AUTOMNE 2011 N°61 INA-ICH FRÀNÇOIS & THE ATLAS MOUNTAINS WLADIMIR ANSELME WEEPERS CIRCUS TOUS BUZY MOONJELLIES FLYING POOH SHEEDUZ Un poison nommé WAMPAS WAMPAS

Longueur d'Ondes n°61 (Automne 2011)

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Sommaire : Didier Wampas, Ina-Ich, Weepers Circus, Tous Buzy, Wladimir Anselme, Frànçois & the Atlas Mountains, Rue de la Muette, General Elektriks, Moonjellies, Flying Pooh, Sheeduz, Face à la Mer, Under Kontrol, Jérémie Bossone, Crane Angels, Ornette, For Heaven's Sake, Afrodizz, Fernando Ladeiro-Marques, Another Record…

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LE MAG MUSICAL QU’ON N’ACHÈTE PAS ! 100.000 EXEMPLAIRES

FRANCE QUÉBEC BELG

IQUE SUISSE AUTO

MNE 2011

N°61 INA-ICH

FRÀNÇOIS &THE ATLAS MOUNTAINSWLADIMIR ANSELMEWEEPERS CIRCUS

TOUS BUZYMOONJELLIESFLYING POOH

SHEEDUZ

UnpoisonnomméWAMPASWAMPAS

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SUR LA MÊME LONGUEUR D’ONDES22 chemin de Sarcignan33140 Villenave d’[email protected] : 100.000 exemplaires / I.S.S.N. : 1161 7292

Longueur d’Ondes - Montréal :Distribution Renaud-Bray et iconoclasteCoordination : Marie-Hélène Mello,[email protected] : Jean-Robert Bisaillon, [email protected]

Directeur / Rédacteur en chef : Serge BeyerRédacteur en chef adjoint / Maquette : Cédric Manusset - [email protected]

Publicité : [email protected]

Ont participé à ce numéro : Lise Amiot, MaximeArdilouze, Patrick Auffret, Damien Baumal, Eric Bertrand,Alain Birmann, Jessica Boucher-Rétif, Bastien Brun,Béatrice Corceiro, Caroline Dall’o, Samuel Degasne,Sylvain Dépée, Julien Deverre, Jean Luc Eluard, LiseFacchin, Elodie Fournot, Romain Gouloumès, ThibautGuillon, Camille Larbey, Emmanuel Lauzon, Aena Léo,Sarah Lévesque, Maho, Vincent Michaud, Marie-Hélène

Mello, Eric Nahon, Mélodie Oxalia, Elsa Songis, LénaTocquer, Yves Tradoff, Johanna Turpeau.

Photographes : Roch Armando, Patrick Auffret, AlainDodeler, Marylène Eytier, Raphaël Lugassy, NicolasMessyasz, Michel Pinault, Julie Rochereau, Pierre Wetzel.Couverture : Photo © Roch Armando

Imprimerie : Roto Garonne / Dépôt légal : Septembre 2011www.jaimelepapier.fr

PROCHAiN NuMeRO Le 28 NOveMbRe 2011

MAGAZINE GRATUIT - NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.Les articles publiés engagent la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés.

Pour toute demande d’abonnement, veuillez consulternotre site Internet : www.longueurdondes.com

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Non mais attend, que saurais-tu de la vie aujourd’hui situ ne m’avais pas rencontré ? C’est grâce à moi que touta changé, ne l’oublie jamais ! Rappelle-toi, j’ai toujoursété à tes côtés. Fidèle, je ne t’ai jamais lâché la main, moi.Quand tu étais tout petit, j’étais déjà présent, jamais loin.Ton apprentissage de la vie, c’est avec moi que tu l’asfait… Et adolescent, te souviens-tu comme nous étionsproches ? “Y’a qu’avec toi que je peux m’évader de cetenfer”, me susurrais-tu ! Te rappelles-tu la sensation quetu éprouvais alors à me toucher, à m’effeuiller ? Aurais-tu oublié notre complicité ? À l’époque, tu me laissais tou-jours à regret et n’avais qu’une hâte : me retrouver vite.Faut dire que pour te séduire, j’ai su rester à la page, merenouveler sans cesse (le cuir ne m’a jamais fait peur…).

C’est vrai, je l’avoue, je ne t’ai pas toujours dit la vérité.Je t’ai parfois raconté des histoires. Mais ose me dire enface que tu n’y as pas cru ? Ou que ça t’a déplu ? Alorsque t’arrive-t-il ces temps-ci ? Pourquoi m’ignores-tu dela sorte ? Je ne te fais plus rêver ? J’ai l’impression qued’autres t’attirent plus que moi. Je vois bien le temps que tu passes devant tous tes écrans de télé, d’ordi, detéléphone… J’ai bien compris que tu fais tout pour mesupprimer de ta vie, ou me virtualiser. Crois-tu que j’ap-précie ton dernier coup de poignard : la “tablette” ?…Mais je n’ai pas dit mon dernier mot, et j’affirme quenous, les livres, nous sommes l’avenir de l’homme !

Serge Beyer

DERNIER CHAPITRE ?

Outre son CDVD qui seporte bien, GiedRé, lau-

réate du FAIR 2012, est entournée en province et

s'affiche dans la capitale :le 15 octobre à la soirée

Longueur d'Ondes au Caféde la Danse, puis le 21 au

MaMA, avant de revenirCafé de la Danse le 7 dé-

cembre, cette fois-ci touteseule et en tête d'affiche !Les infos : www.giedre.fr

SOMMAiRe

ediTOLA FiCHe SiGNALee... TOC !

GiedRe-

4 ON Y CROITFace à la Mer, Under Kontrol,Jérémie Bossone, Crane Angels,Ornette, For Heaven’s Sake

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RENCONTRESWladimir AnselmeFrànçois & the Atlas MountainsWeepers CircusTous BuzyIna-IchDidier Wampas

7 ON Y TIENTRue de la Muette, General Elektriks,Moonjellies, Flying Pooh, Sheeduz

K COMME KÉBECAfrodizz

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32 BRUITAGE

30 FESTIVALS

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INITIATIVESFernando Ladeiro-Marques

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LABEL HISTOIREAnother Record

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Face à la Mer“Rose’n’roll” - Ukunene / L’Autre Distribution - www.facealamer.netSi elles sont six, si “elles” sont des femmes,n’en prenez pas ombrage, n’ayez pas defaux semblants. “Nous sommes de bellesrencontres de hasard. D’heureux croisementsde vie.” Pas de féminisme mal placé donc,mais une féminité qu’il est bon de voir se dé-chaîner sur scène, avec leurs instruments deséduction au détour d’un refrain sonnant clairet haut. Leur second album est une étape im-portante : “Il a été réalisé avec peu demoyens et peu de temps, mais c’est un tra-vail de création dont nous sommes trèsfières.” À l’écoute, c’est une énergie qui pé-tille rock et des voix qui ne tirent ni vers laniaiserie ni vers le punk facile. C’est plutôt lafamille des saltimbanques, celle qui explosede joie, d’amour et de fragilités bien senties.“On est deux à écrire les textes. Puis on faittoutes l’accompagnement, en étant respec-tueuses des mots, les enrichissant sans ja-mais les écraser.” Et ça sonne ! Que ce soitavec les armes d’une rêveuse dentelière(Sirop de pomme), celles d’un sacré coup degueule (Marre), ou encore celles de la mé-lancolie (Pierrot), les chansons s’envolent etla musique n’est pas en reste. Violon, accor-déon, guitare, tuba, cornet, mélodica, alto,basse, kazoo… si elles ne sont que six, ellesjoutent en diablesses au bal des jongleusesde sons. Avec un grand nombre de dates àleur compteur, tant dans des petits espacesque sur des scènes de festival, elles ont jouéavec du beau linge : de Mano Solo à ÉmilieLoizeau en passant par Karpatt et La Rue Ke-tanou, c’est toute une famille qui leur a ou-vert les bras. Jusqu’à Arnaud des JoyeuxUrbains qui les a accueillies en résidence :“On est beaucoup sur scène, il nous a permisun travail de mise en espace qui nous man-quait, sans jamais verrouiller les portes.”Parce qu’avant tout, Face à la Mer est uneaffaire de scène : de la sueur des fleurs, etdu son ! Lise Facchin

JérémieBossonewww.jeremiebossone.comDeux guitares, une voix et cette tension permanentequi habite chaque morceau. Jérémie Bossone a poséson talent d’écriture aux confins de deux mondes quise jalousent : le rock et la chanson. “C’est cet inter-valle qui m’intéresse, mais le terme “chanson-rock”est galvaudé… J’aime l’idée que la chanson, ce nesont pas des tonnes de textes et une musiquechiante, et que le rock, ce ne sont pas que deuxphrases débiles.” De fait, issu d’un groupe de metal(Bloodychrist), influencé par des exhalaisons baude-lairiennes adolescentes tempérées par l’écriture deDylan, il avance en équilibre sur cette ligne de démar-cation où d’autres se sont aventurés sans garder larectitude nécessaire. Raison pour laquelle, malgré labrassée de prix scéniques remportés en six ans de car-rière sous son nom, il n’a sorti qu’un seul disque en2005 (Lili Perle) pour deux qui dorment en attendantde leur trouver une issue parvenant à maintenir cetentre-deux fragile. Car justement, si “les meilleureschansons sont écrites en une journée, un album n’estpas qu’une succession de chansons. C’est une œuvre,il lui faut du relief.” L’EP sept titres qui sort fin octobrereste “un projet compliqué dans la manière de l’abor-der” qui rend la tension palpable mais qui reste pourlui, avec sa forme épurée, une étape pour poser leschoses. Pour l’instant, la distribution n’est prévue qu’àla sortie des concerts, là où la puissance évocatricede Jérémie Bossone prend corps grâce à un spectacleépuré, sans l’esbroufe d’une mise en scène. Paradoxalpour quelqu’un qui sort du cours Florent mais qui a“un rapport compliqué avec le théâtre. Je n’aime pasles mises en scène de concerts qui masquent un vide.Je ne veux pas anéantir la notion de fragilité.” Ellefait partie de l’œuvre.Jean Luc Eluard

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Under Kontrol“1” - I.O.T. Records / Full Rhizomemyspace.com/underkontrolPas besoin de kilotonnes de matériels ou de grands camions de tournéepour assurer des spectacles. Les instruments d’Under Kontrol consistentsimplement en quelques compresseurs, des filtres… et leurs bouches !Dans une période qui est à l’ajout outrancier de sons électro, ils naviguentà contresens avec un album intégralement dédié au human beatbox (HBB) :“On estime que le beatbox sans machines n’a pas été amené jusqu’aubout de ses capacités. Notre album, c’est du HBB à 100% !” Désireux dene pas verser dans la performance, le groupe veille toutefois à proposerdes chansons structurées. “L’avantage, c’est que tu bluffes les gens àchaque fois. Si en plus tu proposes des morceaux qualitatifs et musicaux,tu ne peux qu’intéresser”, explique Fayabraz. Eparpillés entre Lyon, Mar-seille et Paris, les quatre membres d’Under Kontrol ont près de dix ansde pratique derrière eux : “Pour la plupart, on a grandi dans le milieu hip-hop qui comprend plusieurs disciplines. Quand tu es adolescent, tu choisisla tienne parmi le break, le graff, le rap, etc. Pour nous, la vraie révélationa été Rahzel [ndlr : ancien membre de The Roots, Rahzel a collaboré avecBjörk, Mike Patton ou encore IAM], qui a beaucoup participé à la démo-cratisation du mouvement.” En 2009, ils ont remporté le championnat dumonde de HBB à Berlin dans la catégorie groupe : “Étant donné qu’il n’ya aucun relais médiatique du tournoi, quand tu reviens en France, tu eschampion du monde de rien !” Quand bien même, dans la foulée, ils signentavec un label indépendant. Avec des morceaux entraînants et singuliers,Under Kontrol pourrait être le porte-drapeau français qu’il faut à un mou-vement qui recèle bien des qualités. Yves Tradoff

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CraneAngels “Le sylphide de Brighton” - Animal Factorycraneangels.bandcamp.comConnotée musique sacrée, la chorale est“has been” dans la tête des auditeursadeptes d’alternatif. Pourtant, les treizemembres issus du collectif Iceberg ont sudépoussiérer ce style et même le fairebriller comme un sous neuf. En ajoutantune touche de fun, ils incarnent le concepttout en le transgressant. “Ce n’est pasla pureté des voix qui nous touche.Même si on fait un vrai travail sur celles-ci, il y a un côté foutoir que l’on essaiede cultiver. Nous, on est pop, on estrock.” Ils utilisent néanmoins le b.a.ba detout ensemble vocal : des phrases mini-malistes répétées, des chansons directesavec des paroles très simples tout en ma-niant avec esprit l’humour absurde et lenon-sens. “Notre musique pop nousdonne une image candide. Les textes aupremier degré paraissent sages, alorsque si vous lisez entre les lignes, on a uncôté crade ! Dans le morceau Messenger,on pourrait nous prendre pour des hip-pies. Heureusement, il n’en est rien.” Af-fublés de deux guitares, une basse, unebatterie et un synthé, ces génies d’inven-tions sont tout aussi capables de fairedes concerts complètement destroy quesuper clean. À l’image de leur musique,leur prestation scénique peut prendre desallures rock’n’roll au fond d’une cave humide comme elle peut devenir lyriqueau beau milieu d’une église. Le label Ani-mal Factory sort leur premier 45T avecles titres Virgin / The world début 2011.Il sera sa première référence. La sortiede l’album est quant à elle prévue le 31octobre. Précurseur de la scene indé, leurgarage-pop décomplexé a quelque chosede novateur. Grâce à leur pugnacité, unlarge public renoue avec ce style musicalboudé. J. Turpeau & M. Ardilouze

For Heaven’s Sake“Paha sapa / Mako sika” - Autoproduitwww.forheavenssake.frClermontois d’origine, Parisien d’adoption, le multi-instrumentiste Guillaume Nicolas reste nomade avanttout et se déclare “citoyen du monde”, tout en pré-cisant que “l’expression n’est pas très belle etquelque peu galvaudée.” De ses nombreux voyages,il ramène des instruments traditionnels - bouzouki,banjo, mandoline, tambour de procession espagnol,et tant d’autres dont il ne connaît pas le nom - quiviennent enrichir la musique de For Heaven’s Sake,son projet solo. “Il n’y a rien au monde qui ne mefasse plus plaisir que de ramener un instrument d’unpays et de me dire : “OK, je ne sais pas du tout enjouer, mais je vais écrire une chanson avec.” Et réus-sir à incorporer tous ces sons à ma musique, ça c’estmagique !” Guillaume Nicolas demeure modeste caril maîtrise pourtant quelques instruments complexes,telle la sitar. Paha sapa / Mako sika, titre de sondeuxième album, signifie en langue cheyenne : Terresmaudites / Terres promises. Ce contraste n’estqu’une des multiples entrées d’une œuvre auda-cieuse, bâtie en forme de dédale mystique. Les nomsdes morceaux sont aussi dans des langues lointaines,comme pour préserver une part du mystère. Aucundes sept titres n’est construit sur le schéma classiquecouplet / refrain, mais plutôt sur un fil continu : “Àl’image de mes textes, je préfère avoir des mélodiesà tiroirs, qui ne se répètent pas. Ça vient sûrementde l’école Bob Dylan, qui écrivait dans les années 60des morceaux à rallonge, où de tout ce qui est doom,stoner, avec des morceaux mélodiques de 12 mi-nutes, sans refrain.” Un album apatride, sans hori-zon, ni frontières : musiques, influences, textes etlangues s’entremêlent dans un doux trip psyché. Età l’heure où vous lirez ces lignes, Guillaume sera sû-rement reparti, loin, à la découverte de nouvelles so-norités. Camille Larbey

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Ornette“Crazy” Discographwww.ornettemusic.comBlonde ? Oui, mais pas trop ! De son vrai nom Bettina Kee, la chanteuse a toutd’abord assuré les claviers pour Bashung, Von Poehl ou Arthur H avant de se lanceren solo, version piano. In english dans le texte, Ornette donne dans le sincère, lepersonnel, et soigne son esthétisme à coup de pinceaux aux couleurs vives. Sa pop fraîche - et plus sophistiquée qu’elle n’y parait - ramène un peu de soleilmérité en cette rentrée. Rencontre avec une perfectionniste qui a compris, avec lasortie de son premier album, comment occuper régulièrement l’espace des réseauxsociaux à coup de photos et de vidéos décalées.DES SOUVENIRS DE BASHUNG ? Ça s’est passé si vite ! La semaine auparavant,je regardai le DVD La tournée des grands espaces… Un homme assez peu bavard.Le type même qui met à l’aise, mais reste dans sa bulle. Qui, en studio, se laissepousser dans ses retranchements, puis file de temps à autre regarder la télé.ET TOI JUSTEMENT, COMMENT PROCÈDES-TU ? J’arrive plutôt avec des idées pré-cises, même si la basse vient parfois jouer les trouble-fêtes en m’orientant dansune autre direction. De toute façon, même quand je veux faire triste ça sonne lumineux. Au fond, j’aime le concept de l’obscurité avec une note d’espoir au boutdu tunnel. COMMENT S’EFFECTUE L’ADAPTATION SUR SCÈNE ? C’est plus dépouillé, car impossible de multiplier les couches de voix comme sur l’album. Mais être seule,ça donne une liberté. Une liberté à laquelle on s’attache. On a l’impression d’êtreen dialogue avec le public. Et avec le temps, j’ai parfois presque l’impression quele répertoire est neuf ! De toute façon, je déteste avoir la même set list dans lesconcerts. Je trouve que c’est le respect minimum à avoir envers les personnes quireviennent te voir…Samuel Degasne

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Le chant de Patrick Ochs charme immédiate-ment : écorché, grave, évoquant à la fois TomWaits et Arthur H, il a la chaleur tellurique et

habitée des voix qui ont voyagé, vu, vécu. Et ce n’est pasun hasard : “Je voulais que les morceaux soientconstruits autour de ma voix et uniquement d’elle, pourmettre en valeur les textes.” Après dix ans de scène ici etailleurs, le groupe revient avec un nouvel album où il dépoussière une nouvelle fois la chanson française. Lessonorités klezmer sont ici abandonnées au profit d’unson franchement rock. “Nous avons expérimenté unenouvelle façon de travailler”, explique Patrick. Lui qui,d’habitude, signe les paroles et les accompagnements,s’est limité aux textes. Le guitariste, Loïc Guillanton, s’estchargé des mélodies et de la mise en musique. “Ce travailà quatre mains m’a permis de me concentrer sur les motset d’explorer des sujets que je n’avais jusque là jamaisabordés.” De fait ses chansons, plus intimistes, évoquentl’amour, le couple, les blessures de vivre. “Je dresse enquelque sorte un bilan de rocker de 57 ans”, sourit-il. Ses thèmes de prédilection ne sont pas délaissés pourautant : le voyage (beaucoup de ces titres ont été écritssur la route, et cela se sent), les rencontres, l’enfance, letout teinté d’un militantisme poétique et gentiment caus-tique. Comme lorsque dans Cœur de cailloux, il parle desfinanciers obsédés par l’argent au point d’oublier leurmère. Ou quand, dans Militant de la base, il confie sonadmiration pour ceux qui s’engagent parfois au péril deleur vie pour une cause en laquelle ils croient. On rit,aussi, sur Britney : il décrit une séance de zapping où dé-filent les images de la pop star américaine, d’un concertde Carla Bruni et des sans-abris parisiens squattant sousles tentes. L’enchaînement a quelque chose de surréa-liste… Ce disque a également été l’occasion d’enregistrerun titre avec CharlElie Couture, avec qui il entretient de-puis longtemps une correspondance par mail. “Nous parlons de photo et d’image numérique, une passioncommune. Un jour, il m’a envoyé un texte pour l’album”,se rappelle Patrick. Une rencontre évidente, tout commeleur duo, où leurs deux voix se mêlent avec justesse.

Aena Léo“Parade” - Wagram

www.ruedelamuette.com

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Alors que nous n’en finissions pas de désespé-rer de cet été effroyable, une bombe pop etfunky vint ensoleiller notre rentrée. Summer is

here, déclarait en toute simplicité General Elektriks sur unsingle qui laissait augurer le meilleur pour cette troisièmelivraison discographique. “J’aime les morceaux qui partentd’une idée ou d’une sensation et qui essaient de les rap-peler sans chercher à aller plus loin. Un peu comme le Isn’tshe lovely de Stevie Wonder. Pour moi, Summer is here,c’est la joie que j’éprouvais enfant quand arrivaient la findes cours et le début des vacances d’été”, explique RVSalters. Car aucun véritable groupe ne se cache derrièrece nom qui évoque le mastodonte industriel américain,mais un musicien qui endosse la totalité des casquettes,du compositeur au producteur en passant par l’arrangeuret, bien sûr, l’interprète. Quelques invités sont toutefoisconviés. C’est ici le cas du batteur Michael Urbano. Pourla première fois, General Elektriks laisse de côté les pro-grammations et opte pour les fûts et le cuivre : “Je voulaisque la batterie soit partie prenante de l’esthétique du son.On la remarque davantage car nous ne sommes pas ha-bitués à entendre une vraie batterie avec cette fonctionhabituellement dédiée au beat électro : marquer et mettreen avant la rythmique tout en laissant de la place à tousles autres éléments. C’est pourtant typiquement ce quel’on rencontre dans le hip hop”, précise-t-il. Parker Streetse joue ainsi des convenances stylistiques, perdant l’au-diteur dans ses références coutumières en conviantl’acoustique en lieu et place des désormais habituellesmachines. Écrit et enregistré en seulement quatre mois àSan Francisco, ville d’adoption du Parisien, cet album estle plus intuitif d’RV : on y retrouve son amour des claviersvintage, des mélodies groovy et des atmosphères pre-nantes. La tournée, qui a déjà débutée, s’annonce desplus torrides puisqu’on y retrouvera ses quatre acolytesavec lesquels General Elektriks a bâtit sa réputation d’in-cendiaire scénique. Et pour les inconditionnels, il paraîtqu’un projet instrumental avec Chief Xcel (producteur etDJ de Blackalicious) répondant au nom de Burning Housedevrait voir le jour au printemps prochain …

Caroline Dall’o“Parker Street” - Discographwww.general-elektriks.com

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C’est l’histoire d’un groupe cannibale qui auraitréussi à piéger Paul McCartney et Elliott Smithdans une ruelle et les aurait dévorés tout cru.

Après une longue digestion et quelques galères, les qua-tre Tourangeaux formant Moonjellies présentent une ver-sion définitive de leur premier album et s’en expliquent.Damien Morisseau (guitares, chant) précise notammentque cette période de latence a été utilisée pour faireautre chose que de la musique, ce qui est indispensablede nos jours : “On a mis plus d’une année pour organiserla sortie physique de l’album, en démarchant des distri-buteurs et des attachés de presse, en structurant une as-sociation et surtout en cherchant des concerts pouraccompagner la sortie.” Finalement, après un passageobligé en autoproduction (Aftermath), le soutien est venude Un Je Ne Sais Quoi qui a déjà donné des coups depouces à des groupes comme Janski Beaaat (électro 8beat) ou Dees Chan (hip hop). À propos des influences,les intéressés répondent : “On ne s’en rend pas comptede l’intérieur. Les mélodies qui font nos chansons sontles nôtres. Au moment d’enregistrer, on peut parfois sedemander comment auraient fait Neil Young ou Lennon,mais nous n’avons pas nécessairement envie de révolu-tionner quoi que ce soit, plutôt écrire des morceaux quinous plaisent.” Et c’est réussi puisque lesdits morceauxnous plaisent aussi, entre pop et folk, compositions aupiano ou à la guitare, il y en a pour tous les goûts. Pascomplètement passéistes, les Moonjellies vivent aussiavec leur temps : “La musique dématérialisée permet ladécouverte, ce qui est très positif. Mais écouter un vinyledemande une certaine attention et procure donc un plusgrand plaisir. C’est une approche moins passive et il yaura toujours des gens pour en acheter.” Si le succès decet album ne fait aucun doute quant à sa qualité, legroupe ne sait pas encore à quoi s’en tenir pour la suite :“La question de s’engager davantage dans la musiquese pose en permanence.” Une envie cependant leurtrotte dans la tête : “Écrire au moins une chanson en fran-çais dont on soit fiers !”

Julien Deverre“Inner anger feather” - Un Je Ne Sais Quoi

myspace.com/themoonjellies

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six ans ! Une bien longue absence pour legroupe emmené par Satanus. Il avait pourtantcartonné avec Spanking day, son excellent

disque précédent. “La fin de la tournée de 60 dates a étédifficile avec le vol du camion avec le matos dedans, ledépôt de bilan de notre tourneur et un procès avec notredistributeur…” Sur le papier, la formation garde néan-moins son rythme de croisière : elle existe depuis 1992et sort son quatrième opus. Elle a pris le temps d’enre-gistrer les nouveaux titres “à l’ancienne”, en studio.Totalement autodidacte, ces passionnés de musique tra-vaillent comme des professionnels. Ils ont toujoursécarté l’option “fonctionnaires de la musique”. Un choixvisiblement payant. Alors que beaucoup ont jetél’éponge de l’intermittence, les “crottes volantes” - “l’undes noms les plus pourris qui ait jamais existé, on va legarder jusqu’au bout !” - sont toujours en orbite. De lafusion foldingue des débuts, ils ont gardé un rock dé-janté à la mode de Tarantino. Une version musicale duGrindhouse qui sert d’écrin idéal aux histoires torduesde Satanus. “Spanking day était une orgie méticuleuse-ment préparée. Là, c’est ambiance l’amour contre le muren cassant tout sur le passage.” Plus immédiat, plus dan-sant, le disque surprend par l’exigence de sa production,le glam de ses visuels et un son chaud et sale. “C’estnous de A à Z. Pas un mec n’est venu nous voir pour nousdire de faire ceci ou cela.” Les dix chansons, toutes enanglais, sont autant de scénarios envisageables.“Lorsque j’écris une histoire, je la vois en film. On n’amalheureusement pas les budgets… Dès que je pète unloto, on fait un court-métrage.” Souvent dédiés au “girlpower”, les titres sont, à l’image de My way : courts, ren-tre-dedans et très dansants. Autodérision (The lose), viede groupe (O’Brother), mais aussi pin-up rock’n’roll(Busty booty babes) et Justin Timberlake (Holy blackcandy), autant de thèmes pour faire exploser les riffs etla musique de six musiciens toujours prêts à renfiler lecostard.

Patrick Auffret“Never slow down “- Pamela Pooh Rec. / MVS

www.flyingpooh.com

SHEEDUZ

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Trois filles réunies sous un nom dans lequel ilest tentant d’entrevoir un jeu de mot sur “shedoes” et une forme volontairement 100% fémi-

nine. Mais les étiquettes que l’on voudrait trop rapide-ment leur coller, les trois Audrey de Sheeduz les rejettentles unes après les autres. “Le fait que nous formions untrio entièrement féminin n’est pas un choix, c’est un sim-ple concours de circonstances. C’est un peu dommageque notre musique soit souvent décrite comme du rockféminin, c’est une étiquette facile à mettre”, déplore laguitariste. La comparaison répétée avec Queen Adreena ?Pareillement remise à sa place : “Nous l’avons énormé-ment cité à nos débuts parce que c’est un groupe quenous aimions beaucoup et c’était l’une de nos influencescommunes, mais aujourd’hui, nous ne l’écoutons plustrop.” Ce que Sheeduz joue, c’est avant tout un rockcomme on n’en entend plus beaucoup : spontané sansêtre trop simpliste, rageur sans être dénué d’émotion.“L’absence de basse a influencé notre façon de composeret de jouer : on ne recherche pas forcément la mélodie,mais plus le côté rythmique, ce qui nous a amenées à desmorceaux assez tranchants”, analyse la batteuse. Du côtédes ballades mélancoliques, l’autre versant de l’universlégèrement sombre des trois musiciennes, il y a le pianod’Audrey guitariste : “Je suis pianiste à la base, donc celame tenait à cœur d’en introduire dans notre musiquemême si ce n’était pas évident. Cela fait partie de notreson.” À l’heure du deuxième album, Sheeduz a su valori-ser ses atouts et mettre notamment en avant la sponta-néité de sa musique. C’est sans surprise que le groupe aretrouvé pour la production Freddy Martineau, qui tra-vaille pour des groupes de rock, surtout en concert.“Nous avons amélioré l’efficacité. Nous avions fait traînerl’enregistrement du premier album sur plusieurs mois. Làau contraire, nous avons tout enregistré en une semaineet surtout, nous avons enregistré en live. Cela se ressent :l’ensemble est peut-être moins carré, mais se rapprocheplus de Sheeduz, de qui on est sur scène. C’est un albumplus vrai, qui va à l’essentiel.” Si vous voulez pleinementles découvrir, c’est donc sur scène que ça se passe !

Jessica Boucher-Rétif“All be true” - M&O Music

sheeduz.tumblr.com

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I l y a un peu plus de trois ans, WladimirAnselme, touche-à-tout vibrionnant de33 ans, passé par la vidéo, la BD et le

jazz, s’enferme une poignée de jours dansun studio de Bagnolet avec Boris Boublil,claviériste instinctif croisé aux côtésd’Edouard Baer, et Csaba Palotaï, guitaristed’Emily Loizeau, formé à l’Académie Lisztde Budapest. Ensemble, ils enregistrent, “àl’américaine” comme dirait Csaba de sonaccent hongrois, The border tapes. Aucunerépétition, de l’impro, des intuitions, desprises directes pour ce qui devait être untroisième album. Mais, voilà, d’insatisfac-tions en dé-tricotages, de résidences in-fructueuses en réenregistrements, derepentirs en jardins squattés, ce nouveaudisque prenait des allures arlésiennes. “Çam’a paru plus long que ça, confie Wladimirdans un sourire amusé. Il y a eu des pé-riodes où je ne voyais vraiment pas com-ment le terminer. Au départ, je l’imaginaisplus expérimental, plus synthétique, avecdes textes dits et des intermèdes entre deschansons assez amples. À force, il est de-venu beaucoup plus “premier degré” : il ya beaucoup moins de soucoupes volanteset d’ironie, en quelque sorte.” Et ce, grâceà l’embarquement in extremis de BenoîtGilg, ingénieur du son qui préfère se plan-ter au milieu des musiciens que de rester à

l’arrière, dans sa cabine. “Son maître-mot,c’est : connecter. Il faut qu’humainement,tout le monde soit au diapason pour avan-cer. C’est un peu new age, mais c’est sa ma-nière de faire. Il a les antennes grandesouvertes. Il suffit qu’il déplace un micro ouqu’il décide subitement de faire une prise,et il chope des instants de grâce.” Quitte àprendre au passage des pépiements d’oi-seaux ou une voiture qui passe au loin. Pen-dant ces heures incertaines, Wladimir peutaussi compter sur la patiente et créativebienveillance des Atlas Crocodiles, legroupe que Boris, Csaba et la batteuse Ma-rion Grandjean ont constitué pour l’occa-sion. “Je n’aurais pas pu l’accoucher sanseux. Ils l’ont rendu réel. Ils n’ont eu decesse de m’épauler et de me recadrer. Ilsm’ont arrimé à la chanson.”

Au bout du bout, dix poèmes musicaux quine travaillent pas de l’aube à l’aube, maisse délassent de l’aurore au crépuscule. Dixmoments lovés au creux d’un hamac queberce un vent azuréen et que réveillentquelques orages (La femme-lune, Dawnseeds). Il fourmille dans ces Heurescourtes, une électricité toute particulière,servie par la voix mi-griffée mi-velours deWladimir Anselme et son écriture douce-ment dada, mouchetée de collages, expres-

sions détournées et fulgurances magné-tiques. “Écrire, c’est forcément impudique.De peur de l’être, j’avais sans doute ten-dance à coder mes chansons, à les conce-voir pour qu’il y ait plusieurs lecturespossibles… Maintenant, je ne raconte tou-jours pas ouvertement ma vie, mais je re-cherche l’épure, la simplicité. Je veux quemes chansons soient autarciques. Je veuxqu’elles se suffisent à elles-mêmes,qu’elles se déploient avec leur propre lo-gique, leur propre espace-temps. Il mereste alors le plus dur : trouver ma place,me laisser guider par les vagues, les mou-vements des chansons.” Et il s’en tire re-marquablement. Car ce n’est pas une minceaffaire que de porter au plus haut ces hor-logeries fines, aux arythmies calculées, auxdissonances assumées. Car ce n’est paschose aisée, non plus, d’incarner ces chan-sons à la densité discrète, rivales et cou-sines de celles de Caetono Veloso ou deCartola. Enfin, ce n’est pas donner à tout lemonde d’insuffler de la lumière et de l’ur-gence dans les vers d’Apollinaire.

Sylvain Dépée“Les heures courtes” -

Klakson / L’Autre Distributionround2.free.fr

CENT FOIS, AVEC LES ATLAS CROCODILES, IL A REMIS L’OUVRAGE SUR LE MÉTIER POUR

FICELER LES HEURES COURTES. DIX CHANSONS CLIMATIQUES ET INTRANQUILLES, DIXMERVEILLES D’ÉCRITURE À L’OS. UNE CHARGE POÉTIQUE SALVATRICE EN CES TEMPS OBSCURS.

Wladimir Anselme

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S oir d’été en Charente, le soleil secouche sur l’étang Vallier au bordduquel Frànçois et ses Atlas Moun-

tains commencent leur set. Une énergieélectrique et des ondes sensuelles animentles quatre garçons sur la scène. Souriresangéliques, habits de lumière. Intéressantde voir comment le Charentais a fait grandirson projet, créant chaque disque avec unstyle singulier, se nourrissant de ses expé-riences avec divers artistes de la scène popindé de France et d’Angleterre, et laissanttoujours son collectif Atlas Mountains ou-vert aux amitiés musicales. Ses comparsesdu moment comptent Amaury Ranger(Uncle Jelly Fish), l’Écossais Gerard Black etPierre (Petit Fantôme, Crane Angels), ac-teurs des rythmiques d’inspiration afri-caines et d’une électro dansante.

Marqué par les concerts qu’ils ont donnésensemble, E volo love serait ainsi “moinscontemplatif ” que l’album précédent. Il aété conçu avec l’aide d’Amaury à la petiteet jolie chapelle Chavagne de Saintes : “J’aivraiment apprécié de pouvoir garder cettedémarche DIY, bien que le projet ait grossi.C’est important pour moi de me sentirconfortable. Je crois vraiment que l’atmo-sphère du lieu est retranscrite dans les en-registrements.” Le charme de la musique de

Frànçois doit toujours beaucoup à sonamour pour une poésie artistique, une miseen forme esthétique des mots. Il partageson expression imagée sur Cherchant desponts en compagnie de son invitée FrançoizBreut. Piscine, une vieille histoire sur sesamis de Saintes, presque un classique deson répertoire, est interprété ici avec des ar-rangements tout neufs, preuve de la re-cherche et l’expérimentation constantesdans son esprit. Il confirme aussi son choix :“J’enregistre des albums pour que l’onpuisse les écouter chez soi, à l’aise.”

Tout sourit à Frànçois aujourd’hui ; avec lesoutien du Fair, de l’Adami, du Printemps deBourges et du Chantier des Francos, cetteannée est aussi marquée par la signatureavec le prestigieux label anglais Domino. Lasensation de se laisser pousser les ailesprend forme dans le visuel du disque : “Jevoulais représenter un Icare qui aurait at-terri, un peu éberlué, un peu perdu sur lesdunes, peut-être après un lendemain defête, ou après s’être envolé une nuit. Cesont aussi des souvenirs d’avoir passé desnuits sur l’île d’Oléron : la lumière diaphaneest absolument splendide sur les dunes,quand tu te réveilles à l’aube et que le soleilse lève…” Il mesure complètement ce qui luiarrive et n’a “pas l’impression que ça tombe

du ciel”. Il a aussi conscience que sa nou-velle maison est une indépendante qui n’of-fre pas des moyens considérables. “J’aisigné sur Domino parce que j’aime et je res-pecte vraiment leurs artistes, plus que pource que le label me propose financièrement.”

La passion, le plaisir, le partage avec sesamis comptent beaucoup pour Frànçois. Etle grand respect pour “des groupes quijouent au ressenti” lors de ses derniersvoyages au Sénégal, en Colombie : “Onécoute beaucoup cette musique, des com-piles de musique africaine des années 70,par exemple… Mais la voir vivre en live,c’est un cadeau. Ça vibre, c’est une expé-rience. Ça me donne une vision de l’ampleurde ce qui reste à vivre. C’est une vraiesource d’inspiration musicale.”

Heureux Frànçois qui savoure l’efferves-cence du moment et confie sa soif de pro-chaines aventures : “Je ne cache pas l’enviede continuer tout le temps à faire une mu-sique en mouvement, qui va encore évoluerde concert en concert.”

Béatrice Corceiro“E volo love” - Domino

francoisandtheatlasmountains.com

AUTEUR D’UN PROJET MUSICAL AUX COULEURS SANS CESSE CHANGEANTES, COMMESTIMULÉ PAR LES REMOUS DE L’EAU QU’IL INSTALLE SOUVENT AU CŒUR DE SES CHANSONS,FRÀNÇOIS DÉCRIT L’AMOUR ET LE PLAISIR DANS SON CINQUIÈME DISQUE DE POP RÊVEUSE.

Frànçois & The Atlas Mountains

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Weepers Circus

L e sextuor strasbourgeois est né il y a prèsde trente ans d’une solide amitié lycéenne.Franck et Alexandre George, Éric Kaija

Guerrier et Denis Leonhardt (voir leur auto-pré-sentation sur www.longueurdondes.com) ontainsi fondé un groupe en perpétuelle rénovation,dont le caractère inventif sert l’originalité. Le suc-cès de leurs spectacles scéniques les conduit àenregistrer deux albums : Le fou et la balance en1997 et L’épouvantail en 1999. D’ores et déjà entournée nationale, leur renommée s’étendra en-core en 2000, alors que le groupe signe chez Uni-versal pour L’ombre et la demoiselle et s’enrichitmusicalement, grâce à l’arrivée du batteurAlexandre Bertrand, dit Goulec. S’ensuivent troisalbums et l’arrivée de Christian Houllé au clavieren 2007. Deux ans plus tard, les Weepers Circusproposent le livre-album pour enfants À la récré…Les invités y sont nombreux : Agnès Bihl, LesOgres de Barback, DSLZ, Jamait et Aldebert figu-rent, en autres, au sommaire de ce disque mêlantchansons traditionnelles et morceaux originaux.

En recherche perpétuelle d’évolution, la musiquedes Weepers reflète l’agencement des inspira-tions de six personnalités très différentes.Comme l’atteste Christian : “Lorsqu’on écoute

L’ombre et la demoiselle et ce nouvel album, c’estle grand écart. Mais si l’on écoute tous nosdisques suivant leur ordre chronologique, ons’aperçoit que l’on glisse doucement vers cestyle.” Bien que la place accordée à l’écriture etaux textes ne puisse être mise de côté, leur genremusical s’apparente davantage au pop-rock qu’àla chanson française. Des notes électro parsè-ment leurs compositions, y ajoutant des étin-celles surprenantes. Loin des chansonniers,Denis insiste : “Nous nous situons à l’opposé dela chanson réaliste actuelle qui raconte l’histoired’une tasse de café. Nous en sommes aux anti-podes car notre univers est complètement oni-rique.” La poésie est en effet bien présente : latraduction du titre de Baudelaire, quelque peumystique, a servi l’ensemble de leur projet. Cha-cun des musiciens a ainsi écrit librement un titresur cette thématique qui les poursuivaient depuisquelque temps déjà. La musique a spontanémentpris une tonalité assez sombre. Faisant écho àl’ambivalence d’être hors du monde quand on envient, Christian explique : “Notre époque estsombre, on ne peut pas rester insensible au ma-rasme actuel. Il n’y a pas de politique dans nostextes, mais il y a une bonne dose d’humanisme.On aime bien varier les images et utiliser des mé-

DANS UN STYLE RÉTRO-FUTURISTE ET SUR FOND

DE POP-ROCK PIMENTÉ

D’ÉLECTRO, LE NOUVEL

OBJET PROPOSÉ PAR LE

GROUPE SEMBLE TOUT

DROIT DÉBARQUÉ DU

COSMOS ! INSPIRÉS PARLE TITRE DU POÈME DE

BAUDELAIRE ANYWHEREOUT OF THE WORLD, LES

ARTISTES ONT MONTÉ

UN PROJET POLYVALENT,TRANSVERSAL ET INÉDIT.

Rencontre très spatiale !

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taphores afin que chacun puisse s’y retrouver. Nos morceaux sontsouvent empreints de surréalisme, ils ne sont pas ancrés dans laréalité : nous ne sommes pas dans une logique de récit délivrantun message clair et net.” Ainsi, leurs dénonciations n’ont pas pourobjet l’incitation à combattre. Alexandre ajoute : “Le militantismeau sein du groupe nous paraît un peu suspect. Il y a un paradoxeentre être politiquement engagés au nom de ceux qui triment vrai-ment et vivre comme nous le faisons.” Pour Éric, “on peut se dis-tancier de l’incarnation et du matérialisme ambiant pour enchanterce monde sans être de doux rêveurs naïfs. Il y a moyen d’aller aucœur des choses sans apporter une réponse définitive. Nous nevoulons pas délivrer de sentences.”

Le titre du poème a servi de trame thématique à la conception del’album et sa dimension se révèle être bien vaste. Adeptes du tra-vail d’équipe, les Weepers Circus n’ont pas dérogé aux collabora-tions et se sont entourés d’artistes de maints horizons. ChargeantJuliette d’élaborer la mise en scène de leur tournée prochaine, ilsne se sont privés de rien ni personne. Éric témoigne : “On a eu lachance d’être notre propre producteur et de faire tout ce qu’on vou-lait ! Aucun compromis et aucune contrainte !” Pour Christian, “ilest nécessaire d’adopter une démarche visant à mêler différentsunivers artistiques. Nous travaillons avec des personnes célèbres,comme Cali et Jean-Claude Carrière, et d’autres qui le sont moinsau niveau médiatique, comme le Grand Ensemble de la Méditerra-née, le Quatuor Florestan et Eddy (la)gooyatsh.” Ces partenariatsobligent les membres du sextuor à élargir leurs points de vue et àse remettre en questions. La déstabilisation, moteur de création,occasionne aussi de grands bonheurs : comme dans leurs rêvesd’enfant, Jean Rochefort a accepté d’enregistrer sa lecture dupoème de Baudelaire, et Jean Fauque rend un hommage à Bashungsur la musique du groupe très honoré. Frustrés par l’objet disque,les Weepers déclinent pour les adultes le concept transversal delivre-album. Christian explique : “Le disque ne se vend plus alorsautant proposer un objet qui nous plaît et qui nous correspond. Ona été un peu jusqu’au-boutiste sur la conception de cet album, quece soit musicalement ou sur la forme. Finalement, c’est le livre quijustifie l’objet.” Illustré par Tofdru, il est intimement lié au disquesans être redondant. En effet, son caractère inédit lui offre sa placeen librairie : Éric a sollicité des personnalités de tous les universet une trentaine d’entre-elles a accepté d’écrire un texte spécifiquesur ce que leur inspirait le titre Anywhere out of the world. “J’aivoulu des auteurs parce qu’ils sont sensibles à l’écrit, des ci-néastes parce qu’ils sont sensibles à l’image et que c’est une di-mension fondamentale sur scène, des hommes politiques, deschanteurs, des journalistes, etc.” dit-il. Ainsi, Michel Rocard, Do-minique A, Marc Lévy, Patrice Leconte, Richard Lornac et bien d’au-tres ont relevé le défi. Lancé dans l’inconnu quant à la réceptiond’un tel objet par leur public, mais très heureux de le retrouver, legroupe prépare sa nouvelle tournée. Impatient, Éric confie : “Il y atellement de portes à ouvrir, il y a encore plein d’explorations àfaire… On ne sait pas où, mais on veut y aller !” Alors pourquoipas… hors du monde ?

Texte : Mélodie Oxalia - Photo : Roch Armando“N’importe où, hors du monde” - Baz Prod / L’Autre Distrib

www.weeperscircus.com

“Nous nous situons àl’opposé de la chan-son réaliste actuellequi raconte l’histoired’une tasse de café.”

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C e qui reste dans l’inconscient collectif de lachanteuse des années 80 qui rageait Dys-lexique ou Adrian, c’est une frimousse d’ado

en rébellion et des poings serrés dans un blouson encuir juste au corps. Être rebelle, à cette époque, çaavait du sens. J’ai toujours voulu faire uniquement ceque j’avais en tête, c’est mon tempérament. Auteur-compositeur, je m’affirmais avec une forte conviction.Je refusais certaines émissions TV, les playback…Quand on la rencontre aujourd’hui, on est face à unefemme calme et posée… en apparence ! Son œil vif détaille tout comme un scalpel et son sens critique n’apas disparu : “Il y a toujours une énorme dichotomieentre l’école variété et ma façon de penser. Aujour-d’hui, être rebelle c’est être autonome, faire ce quel’on veut comme on l’entend. La technologie le permetpour les enregistrements et on peut même vendre sesCD aux concerts !” Mais ce qui marque le plus, c’estson sourire. On la sent toujours naïve et ouverte auxautres au fond d’elle, prête à partir à l’aventure. Toutle reste n’est que masque.

Et l’aventure, elle la vit pleinement en ce moment,alors qu’elle ne s’y attendait pas : “On m’a proposéde coordonner une compilation de mes titres. J’aivoulu des artistes totalement indés. Bien sûr, on s’estfoutu de moi en disant qu’il fallait des noms connus.Mais mon choix revendiqué, c’est la nouvelle scènerock émergente.” Elle a donc proposé à chacun de sescoups de cœur (voir liste ci-contre) de réinventer l’unede ses chansons : “Ils faisaient une proposition, medemandaient mon avis avant le mixage. Je me conten-tais de valider, je n’ai fait aucune ingérence… Je pleu-rais à chaque fois que j’écoutais un résultat : ils sont

extrêmement pointus et brillants. Ils portent bien lestextes. Ils se sont tous autogérés en un temps record.Je suis admirative ! On est loin des années 80 où qutrepetites nanas se bouffaient la gueule, ils sont hypersolidaires. Lyon, Clermont-Ferrand, Paris… ça a été en-registré un peu partout. Le mastering à été compliqué,mais on a trouvé une identité. Cependant, je ne suismême pas producteur de ce disque ; chacun a produitson titre. Je ne fais que gérer l’ensemble, je n’ai pasde revenu dessus. Je suis juste l’auteur-compositeur.”

Et le clou de l’histoire, c’est que ce disque est accom-pagné d’un livre de 60 pages (Vive le rock / voir ci-contre) et que l’ensemble est distribué par une boîtede com (A New Emotion)… dans les bars-tabacs ! “Sté-phane Hessel a commencé à vendre Indignez-vous parce biais : il en a vendu 300 000 exemplaires. Ça a for-cément ouvert les portes ! Sauf qu’ici, en plus du livre,il y a aussi le CD pour 8 euros.” La mise en place com-mence par Paris avec 30 000 livres-disques (elle espère vite gagner toute la France). Radieuse, elle raconte : “C’est un truc de fou ! Une maison de disquesaurait mis 1000 ou 1500 exemplaires en place, pasplus. Ce qui est étrange, c’est qu’auparavant les bars-tabacs ont déjà contacté les maisons de disques pourtravailler avec elles, mais elles ont toujours refusé afinde garder le contrôle. Ce qui m’intéresse dans la démarche, c’est qu’il n’y a pas de label, on propose uncadre de distribution inhabituel, un prix modique… Ce qui en fait un projet sociétal qui peut niquer le sys-tème ! Je veux affirmer : “C’est possible” ! Il faut êtrecréatif, trouver d’autres façons d’interpeller les gens.”C’est certain, Buzy ne changera jamais.Texte : Serge Beyer - Photo : Blondiephotographe

BuzyLA PETITE INSOUMISE

DES EIGHTIES N’A JAMAIS

BAISSÉ LES BRAS. ANTI-CONFORMISTE, ELLE SE VOIT

ÉPAULÉE EN 2011 PAR QUINZE

ARTISTES INDÉS POUR UN

PROJET TOTALEMENT BARRÉ ! À SON IMAGE, DONC.

Anatomie Bousculaire “Je suis un arbre”Elliot “Borderlove”

Nicolas Comment “Body physical”Clarika “Comme des papillons”

Prohom “Terre étrangère”La Bestiole “Délits”

Les Figurants “Les fleurs me parlent”

Nadj “Stratégie de la solitude”Fancy “Adrian”

Clarys “Dyslexique”Pierre Faa “L’art de ne pas y toucher”

Karton “Baby boum”

Ann’So M “Sous X”Les Imprudents “Up and down”Puss in Boots “Body physical”

Tous

“TOUS BUZY”

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TON PARCOURS ?Il n’est pas de celui des combattants, il commence tôt à la sortie de la maternité, il s’arrêterabientôt car son cœur n’en peut plus de souffler. Je suis un fils de petits bourgeois qui se ré-fugie dans les bons mots et les mauvaises fréquentations car il a perdu son temps à essayerdes choses sans jamais regarder devant.

GENÈSE DE CE LIVRE ?”Seuls les superstitieux prennent le hasard au sérieux”, disait AKH le leader d’IAM. Jeme prends bien trop au sérieux depuis que l’on m’a proposé d’écrire sur le rock alors queje n’écoute que du rap. Un ami qui ignorait que j’écrivais a entendu un jour l’un des siensparler de ce projet, il a pensé à moi et je ne sais toujours pas bien pourquoi ça a collé. Onm’a parlé d’un Indignez-vous de Stéphane Hessel (que je n’ai jamais lu), mais sur l’espritrock. J’ai dis “oui” car j’ai pensé à un Le temps des assis de Maurice Lemaître, que je n’ai jamais fini de lire…

UN PARCOURS IMPOSÉ DONC ; ET LA LIBERTÉ ?”La liberté, pourquoi faire ?” J’ai besoin d’être guidé, ma vie part bien trop dans tous lessens pour que mes écrits soient ordonnés. Je suis quelqu’un qui prend goût à foutre uncertain bordel dans la tête des gens, tout ça pour aspirer à son propre calme.

TON RAPPORT À BUZY ?Quand j’écrivais, c’est à ses yeux que je pensais, mais aussi à touteS LA femme que j’aiaimé. Buzy tient une génération entière par le cœur. Déjà à l’époque elle dépassait les autreschanteuses et c’est pourquoi aujourd’hui elle peut se permettre de nous porter sur ce projetqui percute les mentalités par son format non dirigé et indé !

“VIVE LE ROCK !”CLÉMENT LÉON R. EN 4 QUESTIONS

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“J’ai vécu deschoses trèsdures, il fallaitune musiqueécorchée, le rocks’est imposé.”

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Ina-IchFÉROCEMENT REMONTÉE, KIM-THUY NGUYEN AKA INA-ICH, REVIENT À LA

CHARGE AVEC L’ANNÉE DU TIGRE, UN BRILLANT DEUXIÈME ALBUM. INFLUENCESROCK-METAL ET CLASSIQUES SE MÉLANGENT DANS CET OPUS QUI EXPLOSE LES

CARCANS MUSICAUX. DE BRUIT ET DE FUREUR, MAIS AVEC SAVOIR-FAIRE.

D e son arrivée en France à l’âge d’un an, sousla neige en plein hiver 1975, Kim-Thuy gardele souvenir d’un violent déracinement ra-

conté par ses parents. “Ils avaient abandonné tousleurs rêves au Vietnam, cela se sentait au quotidien.À chaque instant de ta vie, tu existes grâce ou àcause de cela.” Après six mois dans un centre d’hé-bergement en banlieue parisienne, la famille s’ins-talle à La Rochelle. Son père, marin, voulait retrouverle contact avec la mer. La vie se déroule sur fond demusiques occidentales, des Stones à Claude Fran-çois. “Mon père a une collection de vinyles incroya-ble. Il nous a inscrites au conservatoire, moi aupiano, mes sœurs au violon, à la guitare…”

Kim-Thuy, poussée par son professeur, passe plu-sieurs heures par jour sur son instrument, mais “dé-croche à 16 ans”. En rupture avec l’école, elle décidede devenir accordeuse de piano. Avec son petit ga-barit et ses airs de garçon manqué, elle s’impose “enguerrière” et découvre, durant sa formation, le jazzet les joies de la composition : “J’avais été élevée àla partition et au par cœur. Je suis tombée des nuesen voyant des élèves totalement autodidactes jouerà l’instinct et à l’oreille de n’importe quel instru-ment. Cela me faisait envie, moi qui, sans partition,pouvais me retrouver sur un piano sans savoir jouer.”Diplôme en poche, elle débarque à Paris, trouve dutravail comme accordeuse de piano, intègre ungroupe de trip-hop / jungle, Samanawok, et monteson propre home-studio. Après cette expérience detrois ans, elle développe son propre projet, en fran-çais : Ina-Ich, “ce qui veut dire : un bruit persistantet dérangeant. Cela me va bien !”

“J’ai vécu des choses très dures, il fallait une mu-sique écorchée, le rock s’est imposé. J’ai acheté mapremière guitare en 2004.” L’inspiration est immé-diate. En 2006, une première maquette réalisée ensolo sur ordinateur, crée le buzz. Ina-Ich sort un pre-mier album éponyme dans la foulée. Il faut alors desmusiciens pour jouer les titres sur scènes. “J’ai dé-couvert l’esprit de groupe, moi qui avais passé desannées en ermite dans mon univers. J’ai tout de suiteadoré me nourrir du jeu des autres.” La formation ac-

quiert une petite notoriété, mais ne supporte bientôtplus l’étau resserré par leur producteur. “C’est de-venu très pesant, avec en plus des couacs adminis-tratifs avec le label. Il m’a fallu un an et demi pourrompre le contrat.”

La machine redémarre en septembre 2009, le tempspour Kim-Thuy d’avoir un premier enfant et de pren-dre du recul. Pour mieux revenir avec L’année dutigre, un “deuxième bébé” construit avec une équipeintégrant toujours Aurélien Clair à la batterie, maisaussi le bassiste Patrick Loiseau et le guitariste Fré-déric Mariolle : “On revient avec des dents, mais re-lancer la machine a été très dur. Aurélien a remontéle studio dans le garage. Et nous avons travaillé sanscontrainte de temps ou d’argent.” Douze titres sontenregistrés, tous en français pour “dégager de l’émo-tion”. Kim-Thuy est à l’origine des compositions,toutes faites au piano : “La musique pour moi, c’estnoir et blanc et horizontal ! La guitare, c’est descases, je ne suis pas à l’aise, je n’en joue pas surscène.” Le groupe amène ensuite “l’énergie et lesfioritures”. Le résultat est une belle réussite, soutenupar Marilyn, tube rock corrosif construit pour passeren radio. “C’est la triste réalité de certaines per-sonnes. Ce titre ne parle pas de Marilyn Monroe maisde toutes ces jeunes filles qui aspirent à devenir desstars et qui finissent mal.” Les chansons de l’album,écrites à l’envie, sont autant de tranches de vie plu-tôt ardues. “Cela ne veut pas dire que je vis dans lenégatif. Je raconte des histoires, des états d’âme,sans chercher à rallier les gens à ma cause. C’est unjournal intime.” C’est particulièrement audible surTriste danse, un dernier titre tout en introspection :“Il renvoie à une époque de ma vie où je passais lestrois-quarts de mon temps sur mon ordi, dans ma pe-tite cave de la rue des Martyrs. J’ai écrit cela en pleincoup de blues. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts.”De nouveau prêt à tourner, si possible avec leurspotes Shaka Ponk ou No One is Innocent, le groupeIna-Ich défend, au féminin, une tradition rock ten-dance metal avec classe et conviction.

Texte : Patrick Auffret - Photo : Nicolas Messyasz“L’année du tigre” - iNH-iCH Prod / Musicast

www.ina-ich.net

Emo-core, émotion dans la voix et les textes, hardcore dans la musique et lesparoles, ce deuxième album est à l’imagede sa conceptrice : sans concession.Regarde-moi et son refrain inquisiteur,Marylin, trépidant portrait désabusé d’unejeunesse bouffée par le star-system, et lacomplainte Animal, sont les trois titres fortsde l’album. Tous sont soutenus par desguitares omniprésentes et agressives. Au contraire, Mes erreurs, La pendule ouencore La bête, chansons portées par desclimats apaisés davantage tournées versMass Hysteria que vers AqME, dévoilentune sensibilité tout en noirceur. Le chant,presque scandé, affirme alors le côtédénonciateur de textes concernés. En find’album, Ton incandescent corps, morceaucoup de poing quasi sexuel, redonne del’élan à ce brûlot obsédant qui se refermesur une Triste danse portée par un pianomélancolique et une voix entre lyrisme et chuchotement.

Sertir ses griffes

“L’ANNÉE DU TIGRE”

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LE GENTIL PUNK AUX MILLES COSTUMES

TENTE POUR LA PREMIÈRE FOIS

L'AVENTURE SOLO. IL A ENREGISTRÉ

EN CALIFORNIE UN DISQUE QUI

SURPRENDRA LES HABITUÉS

DU GROS MÉCHANT SON DU

GROUPE : ROCK SIXTIES

ET CHANSONS D'AMOURAU PROGRAMME. SOUS LE MASQUE

DE WAMPAS,APPARAÎT

DIDIER...

WAMPASUn poison nommé

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P ardon mais je suis tout mouillé, c’est à cause de la cha-leur…” Didier arrive au rendez-vous à vélo, un peu es-soufflé. Short et T-shirt à la cool, visage en sueur, il

affiche un grand sourire désolé. Pas de problème, tu veux boireun coup ? On lui dégote un Coca. Il s’installe. C’est parti. Voilàprès de vingt-cinq ans que lui et sa bande hurlent leur punk-rock parfumé au yéyé, option grosse guitare et voix qui sonnefaux. En dix albums, ils sont devenus les icônes d’un rock unpeu crado qui ne se prend pas au sérieux. En 2003, ils ont connuleur premier succès “grand public” avec le single Manu Chao.Ils auraient pu choper la grosse tête. Ils ont préféré continuerde faire les cons en signant un titre où ils se moquent de leurmaison de disques, Universal. Aujourd’hui, Didier sort son pre-mier album sans les Wampas, et on se demande quelle mouchel’a piqué : ras-le-bol des autres, envie de liberté, folie des gran-deurs ? Ce serait mal le connaître : Didier Wampas a juste enviede rocker comme un ado.

EN SOLOJe n’ai jamais eu envie de faire un album sans les Wampas. Leschanteurs qui se lancent sans leur groupe font de la musiquemoins bien dans 90% des cas, je ne voyais pas l’intérêt. Seulementvoilà : Marc Thonon, le patron d’Atmosphériques, m’a proposéd’enregistrer une maquette avec un ingé-son génial qu’il connaît,à Los Angeles. Il m’avait déjà réservé un créneau de deux semainesavec lui. Impossible de résister ! En théorie, je n’étais pas libre : jedevais enregistrer un duo avec Gérard Lenorman (!) pour son pro-chain disque. Mais par chance, je me suis cassé la voix en répéti-tion en tentant de chanter aussi fort que lui. Du coup, la séance aété annulée et j’ai pu décoller pour L.A. Merci Gérard ! Là-bas, jeme suis retrouvé dans le garage de Kevin Harp, l’ingénieur sonmulti-instrumentiste, avec Ryan Ross, l’ex-guitariste de Panic atthe Disco. Ils ne parlaient pas français, mais ça a collé tout desuite. J’ai enregistré les voix au fond d’un placard à balais où Kevinavait installé un micro. Il a réussi à me faire chanter comme jamais.

ROCKMon idéal rock n’a pas changé depuis trente ans : je continue d’enfaire exactement comme je le rêvais à 15 ans. D’ailleurs, je joue tou-jours de la guitare comme quand j’étais ado, avec deux doigts ! Àl’époque, j’écoutais Elvis, Supertramp ou The Clash à la radio, etj’avais des étoiles dans les yeux. C’est ce que j’essaie de mettredans mes morceaux. Je vois le rock comme quelque chose de grand,beau et pur, avec des chansons d’amour. Bien sûr, certains pense-ront peut-être que Taisez-moi n’est pas vraiment un album rock,parce qu’il n’y a pas de gros son saturé, comme sur les disques desWampas. C’est idiot : si je chantais en anglais, on ne se poseraitmême pas la question ! En vérité, j’ai profité de cette escapade solopour ne pas jouer de guitare et laisser faire Ryan. Je ne le regrettepas : sur tous les morceaux, il a joué de la gratte comme dans lesannées 60, à l’époque des Kinks. Et ça, c’est vraiment rock.

SE PRENDRE AU SÉRIEUX ? JAMAIS !Si les Wampas jouent ensemble depuis si longtemps, c’est proba-blement parce que l’on ne s’est jamais pris au sérieux. Lorsqu’ona enregistré notre premier 45 tours, en 1985, j’étais tellement heu-reux que j’ai décidé de continuer comme ça, sans rien changer.Tenir une guitare et jouer avec les autres pour m’amuser : c’est toutce que je veux, et c’est tout ce qui compte. Le reste (la célébrité, larichesse), c’est dérisoire. Faire du rock pour gagner du fric, ce n’estpas rock du tout. L’argent tue le plaisir. Ce n’est pas un hasard siles groupes qui se mettent à jouer pour devenir des stars finissentrapidement par éclater. Voilà pourquoi je préfère n’avoir aucun plande carrière. Je pratique le “on verra bien” à grande échelle : seprendre la tête à tout planifier ne fait pas avancer les choses plusvite, ça rend seulement la vie plus chiante.

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YAOURTJ’ai toujours composé en yaourt. Je jette quelques accords à la guitare, une mélodie, et j’entre enstudio comme ça, avec des chansons à moitié écrites. Je les termine sur le tas. Créer n’est ni uneurgence, ni un besoin pour moi. Je me mets à travailler uniquement lorsque je sais que l’on va bien-tôt enregistrer : je suis obligé ! Et puis, j’aime entrer en studio avec des morceaux non achevés, etles offrir comme ça aux musiciens. J’aime qu’ils se les approprient et y mettent leur patte. C’est cequ’ont fait Kevin et Ryan. Ils ont apporté une couleur très personnelle à Taisez-moi. Ce disque estaussi le leur et je trouve ça beau.

REBELLELa rébellion, j’ai toujours trouvé ça un peu bidon. Je n’ai jamais compris : contre qui, quoi, le sys-tème ? Quel système ? À l’époque de Bérurier Noir, quand les musiciens se prenaient pour des in-soumis, je trouvais déjà ça stupide. Ils chantaient des textes contestataires et anti-FN dans dessquats, devant des types contestataires et anti-FN. Quel intérêt ? Où est le challenge ? En politique,c’est pareil, les rebelles sont ridicules. Regardez les anarchistes : ils hurlent contre les riches, maisils finissent tous par acheter un appartement. Alors voilà, je ne suis jamais entré dans le moule,mais je ne suis pas un rebelle. Si je chante des textes qui se moquent d’Universal ou de Chirac,c’est juste pour me marrer, ça ne va pas plus loin.

INDÉPENDANCEÊtre indépendant, c’est ne pas entrer en studio en se disant : “Merde, il faut que je fasse des mor-ceaux qui passent sur Le Mouv’ et Ouï FM, sinon on ne sera jamais connu.” Beaucoup de groupestombent dans ce piège : ils tentent de faire un disque qui va plaire et vident leur musique de toutce qu’elle a d’original. C’est exactement le contraire qu’il faut faire ! Devenir célèbre ne doit pasêtre le moteur d’un musicien. Jamais. Pour autant, ça ne veut pas dire qu’il faut refuser de passerà la radio le jour où ça arrive. Quand notre chanson Manu Chao tournait sur les ondes, en 2003,j’étais heureux comme un gosse. L’important, c’est que nous n’avons pas enregistré ce morceaupour ça.

DIDIER WAMPASEN QUELQUES DATES1983 Le groupe Gros Dégueulasses serebaptise Les Wampas.1985 Sortie du premier 45T, Dracu bop.1995 Sortie de Trop précieux, le cin-quième album du groupe, enregistré auTexas. Didier rêvait d’aller aux États-Unis.2003 Le single Manu Chao, extrait del’album Never trust a guy…, les faitconnaître du grand public.2004 Le groupe est nominé aux Victoires de la Musique. Ils montent sur scène encriant : “Les Wampas détestent Kyo et la variété française toute pourrie !”2006 Les radios refusent de diffuser le morceau Chirac en prison (albumRock’n’Roll part 9).2011 Sortie du premier album solo de Didier Wampas : Taisez-moi.

Exit guitares saturées, yéyé-punk et chanténervé : pour son premier album solo, Didier explore une veine plus apaisée, trèspop sixties. L’ambiance scopitone et croo-ner rétro souligne (parfois trop) le tour un peu fleur bleue que prennent certainstextes. Qu’il parle d’amour, se moque de lui-même ou taille un gentil costume àl’industrie du disque, Didier manie commeà son habitude le premier degré à prendreau deuxième, troisième, voire au qua-trième. Une expérience attachante, mêmesi le gros son des Wampas nous manque.

“Je ne suis jamaisentré dans le moule,mais je ne suis pas

un rebelle.”

“TAISEZ-MOI”

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CHIRAC EN PRISONOn a écrit ce titre en 2006 pour faire chier Universal, avec qui nous avions signé quand ils ont ra-cheté une partie du catalogue d’Atmosphériques. Mais surtout, nous voulions tester la liberté deparole. Et on n’a pas été déçu ! Aucune radio, à une ou deux exception près, n’a accepté de diffuserle single. Il n’y a eu aucune réaction politique, aucune poursuite judiciaire : les médias se sont toutsimplement autocensurés. Les télés ont même refusé de diffuser la pub du single et le clip. Lesjournalistes avaient les chocottes ! Pourtant, imaginer Chirac qui était à l’époque en fin de règne,derrière les barreaux, ce n’était pas méchant. Aujourd’hui, je serais incapable de faire la mêmechose avec Sarkozy. Il ne me donne pas envie de rire du tout !

MICHEL SARDOUTout le monde rêve d’écrire une chanson pour Johnny, mais personne ne pense à Sardou, qu’onprend pour un ringard. Alors je me suis dit que moi j’allais en écrire une pour lui : Chanteur dedroite. Évidemment, certains vont la prendre au premier degré. Tant pis ! Là encore, c’est une façonde ne pas me prendre au sérieux et de me moquer du monde. J’avais déjà fait cela en 2004. La Citéde la Musique m’avait invité au Festival de la chanson contestataire. Mais chanter un morceau en-gagé dans un concert engagé, c’est vraiment trop convenu ! Je trouvais bien plus punk de chanterun titre réac, comme Les Ricains, de Sardou. Alors, c’est ce que j’ai fait. Bien sûr, le public n’a pasapprécié : je me suis fait méchamment sifflé. (Rires)

COSTUMES(S) DE SCÈNEAu tout début, je tenais à m’habiller comme tous les jours en concert. Je trouvais ça important.Mais j’ai progressivement changé d’avis. Être normal sur scène, quand cent ou mille personnes setrémoussent devant toi ou hurlent ton nom, c’est impossible. Alors, j’ai enfilé des costumes et j’aijoué la rock star à fond, parce que c’est un peu ce que le public attend. Je m’habille en panthère etles spectateurs crient : “Didier Wampas est le roi” ! C’est absurde et dérisoire, mais c’est aussi unefaçon d’évacuer beaucoup de choses sans se prendre au sérieux. Après le dernier morceau, je re-tourne dans les loges et renfile mes vêtements de tous les jours, et je descends discuter avec lepublic : c’est fini. Faire les choses de cette façon m’évite de péter les plombs. La scène, c’est s’ex-poser, il faut savoir s’en protéger. Les musiciens qui ont refusé de le faire, comme Jim Morrison ouBertrand Cantat, se sont brûlés les ailes.

RATPJe n’ai jamais lâché mon job de technicien à la RATP parce qu’il me permet d’être libre. Je ne faispas du rock pour gagner de l’argent, je me fous donc que ça marche ou pas : je gagne ma vie au-trement. Cela m’autorise à faire ce que je veux. Dans la chanson Punk ouvrier, je me compare, pourrire, aux prêtres ouvriers, comme il en existait il y a cinquante ans : ils travaillaient avec les gars,ils avaient les mains dans le cambouis, mais leur esprit appartenait à Dieu. Mon Dieu à moi, c’estle rock. Pour le reste, c’est une question d’organisation. Je pose des congés sans solde pour partiren tournée. Je fais du vélo et j’évite de boire pour garder la forme. Ça suffit. Quant à la direction dela RATP… elle me laisse tranquille, et c’est très bien comme ça.

Texte : Aena Léo - Photos : Roch Armando - Maquillage : Daria Slusarczyk “Taisez-moi” - Atmosphériques

wampas.com

SAGE COMME UNE IMAGE…Travailler son image, c’est peut-être ça le secret de la longévité d’une carrière. Lepremier exemple de l’image chez DidierWampas, c’est celle que renvoie l’écoutede ses titres. Les bottes rouges en est laparfaite illustration : transporté dans unecour de récré à l’âge de 5 ans, vous vousposez cette question existentielle de lacouleur de vos bottes. Le live est aussisans nul doute le terrain de jeu del’image de l’artiste. On est marqué parson jeu de scène à moitié nu à lancer tan-tôt un filet tantôt une chaise pour mieuxcommunier avec son public, le micro placédans son jean serré. On tient là un débutde réponse… Ou alors il s’agit du T-shirtavec l’inscription “Le chanteur des wam-pas chante faux (mais c’est fait exprès)”que le groupe édite ? À moins qu’il nes’agisse de l’image d’un Didier Wampasà la TV, dévalant les gradins d’une céré-monie des Victoires de la Musique 2003,en criant “les Wampas n’aiment pas lesautres, ils n’aiment pas Kyo, et ils n’ai-ment pas la variété pourrie” ? À n’enpas douter, l’image est importante pourDidier Wampas, elle a du sens. D’ailleurs,pour le “retour aux sources” de Taisez-moi, son album solo, il choisit le scopi-tone (l’ancêtre du clip joué dans lesjukebox associant l’image au son) pourillustrer en vidéo son premier single ! Etpour que la boucle soit complète, DidierWampas arrive au cinéma et s’afficheavec Benoît Poelvoorde et Albert Dupon-tel affublés tous trois d’une belle crêtesur le prochain long-métrage Le grandsoir des Grolandais Benoît Delépine etGustave Kervern. Pierre DronLa suite sur www.longueurdondes.com

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uN K COMMe KebeC BUDDY MCNEIL & THE MAGIC MIRRORS “Introducing onceagain” (Autoproduit)Ces moussaillons montréalais mènent leur barquecomme bon leur semble et, pour leur troisièmecroisière, ils continuent d’explorer le répertoire du

mystérieux BuddyMcNeil. Le quatuorfait voguer sonnavire sur lesfleuves de la popdes années 60 àbâbord et le rockdes années 50 àtribord. Leur

bateau navigue gaiement entre des rythmesdansants endiablés lorsque le moteur est poussé à fond (Shoe shine, Buddy) et des rythmes lentslangoureux lorsqu’ils pagaient tranquillement(Sailors’ journey, Weather the storm). La téméritédu capitaine Alexis Roberge est adroitementsoutenue par des chœurs contagieux et le chant de la sirène Izi LaTerreur. Les traditions anciennes (soul,R’n’B, rockabilly, country) sont excessivement bienmaîtrisées par cet équipage des temps modernes.myspace.com/buddymcneilandthemagicmirrorsEric Bertrand

CAPITAINE SOLDAT“Mon amie la bouteille”(Corico)

C’est avec des moyens tout sauf militaires queCapitaine Soldat, Jean-Sébastien Massicotte-Rousseau de son vrai nom, risque de conquérir la

scène québécoiseet française. Desrythmes hip-hopflirtant avec le jazz (Bleu), desarrangementsélectro-alternatifsfrisant parfois letrip-hop (Esther),

des mélodies lénifiantes (Alexandra) et deséchantillons puisés à même le répertoire dupatrimoine culturel francophone (Gilbert Bécaud, LePère Gédéon, etc.). Avec un produit aussi solide, cetalbum est bien plus qu’une carte de visite : c’est unvéritable passeport. Au final, si vous êtes un fan dehip-hop, d’électro ambiante, d’échantillonnages et de jazz, vous ne devez vous poser qu’une seulequestion : mais qu’est-ce que je fais à ne pas être en train d’écouter du Capitaine Soldat ?myspace.com/capitainesoldatEmmanuel Lauzon

DJ BRACE“Synesthasia”(Nostomania / Select)

Ses galons de platiniste hors pair, le Canadien les agagnés haut la main en remportant le championnatnational des DMC en 2004. Cinq ans plus tard, son

Juno du meilleuralbum instrumentalpour son premierLP témoigne deses qualités deproducteur. Pasfacile de se savoirautant attendupour ce deuxième

album d’une trilogie, mais Brace déroule les bobinesde son hip-hop cinématographique avec encore unpeu plus de maîtrise. Ces ambiances en 35mm quiapparaissent presque instantanément entre sectionde cordes, échantillonnages poussiéreux etrythmiques lentes sont très pénétrantes et nousabandonnent en plein songe. En scénographe del’espace musical, DJ Brace place habilement dessonorités acoustiques et quelques scratches discretspour ne rien chambouler à l’équilibre du décor.Silence, ca tourne ! www.djbrace.comDamien Baumal

HOODED FANG“Tosta mista”(Daps Records)

S’il vous vient l’envie de twister sur de l’indie-rock, ledeuxième album du collectif torontois est assurémentun bon choix pour le faire. Commencez avec la

mélodie dansanteet rythmée deClap, puispoursuivez avec les guitareslancinantes,poussiéreuses etdouteusementaccordées de

Brahma, qui résonnent comme des boîtes deconserve. Enchaînez avec les chœurs saturés deVacationation, avant de terminer dans le mêmeesprit rétro… avec le slow Den of love ! Dixmorceaux ensoleillés, à déguster autour d’un tostamista, l’équivalent du “grilled-cheese” au Portugal.Un disque fugace - il dure une vingtaine de minutesseulement - et efficace, qui devrait ravir les amateursde rock garage comme celui du duo King Khan &BBQ. De quoi profiter d’une dernière éclaircie, avantl’arrivée de l’hiver ! www.hoodedfang.comLéna Tocquer

THE LAST ASSASSINS(Dare to Care / Select)

Leloup a longtemps cherché à disparaître, à renaîtrede 1001 façons à travers un livre, un film ou mêmevia son vrai nom, Jean Leclerc. Le voilà plongé dansune nouvelle aventure rock où il reste bien caché

derrière sa guitare.Soyez avertis : ilne reste rien duloup qui chante sesritournelles sireconnaissables.The Last Assassinsest une nouvellecellule, détentrice

de sa propre vie, avec la voix fragile et aguichantede Virginia Tangvald, et celle plus sombre etrocailleuse de Mathieu Leclerc, tous deux poètes àleurs heures. Ce sont justement ces allusions à unepoésie débridée, à une musique sale et quelque peudésorganisée, qui laissent planer sur l’ensemble de lagalette le parfum du Velvet Underground et de leursdélires sous influences. Oui, ici aussi, ça sent le grosbuzz où une fragile alchimie parfois se révèle etbrille, mais qui par d’autres moments, se perd dansles méandres d’une expérience encore brouillonne.www.thelastassassins.com Sarah Lévesque

OK VOLCA“Fréquence / Trémor”(Slam Disques / DEP)

Après avoir fait patienter leurs fans pendant plus decinq ans, le quintette originaire de St-Jean surRichelieu (capitale du rock québécois) revient avec

un album quisatisfait lesattentes. Plusmetal que l’opusprécédent,Fréquence /Trémor reste fidèleà ce qui a permisau groupe de se

distinguer, c’est-à-dire un style à la fois brutal etmélodique, des cassures rythmiques et des textes enfrançais. En plus d’opter pour une langue snobée parla majorité des groupes metal de la belle province,OK Volca propose des thèmes très québécois : ledétachement de la religion (Depuis des siècles et des siècles) et la fierté des expressions typiques(Nos jurons). Impossible de passer sous silence laparticipation d’Alex Erian, chanteur de feu DespisedIcon, sur la pièce Le plan Kevorkian. (Rencontre avec le groupe sur www.longueurdondes.com)myspace.com/okvolcarock Emmanuel Lauzon

AfrodizzÀ LA VEILLE DE SES 10 ANS, L’OCTUOR DE MONTRÉAL

LIVRE FROM OUTER SPACE, UN TROISIÈME ALBUM PLUS

TOUCHE-À-TOUT, INSPIRÉ DES BANDES ORIGINALES DE

FILMS DES ANNÉES 1970.

I ls ont beau admirer le Nigérian Fela Kuti et l’énergie collectivequi émane de sa musique, les (nombreux) musiciens d’Afrodizzse montrent prêts à s’éloigner peu à peu de l’afrobeat classique

pour développer leur son à eux. Après les disques Kif Kif et Froots,qui leur ont permis de tourner beaucoup en Europe, leur nouvelalbum témoigne de plus de liberté par rapport au genre qui les afait connaître. “J’ai voulu essayer quelque chose de nouveau, pardéfi personnel, explique Gabriel Aldame, guitariste, compositeuret “locomotive” de la formation tentaculaire. Je trouve que l’afro-beat actuel est devenu trop “propre”, en partie à cause des tech-niques de studio employées. C’est un courant plutôt jazz où lesmusiciens ont tendance à en mettre trop pour impressionner.” Legroupe a plutôt recherché un son qui évoque les années 60 / 70en enregistrant ses neuf nouveaux titres au studio d’Aldama. Ilsse sont tous mis dans la peau de musiciens de cette époque man-datés pour recréer la BO d’un film plus vieux encore (comme Itcame from outer space, film de 1953 qui a inspiré le titre). Double-ment rétro, donc.

Mais cela ne signifie pas que la bande des huit fuit la modernité,bien au contraire. “Les deux premiers morceaux composés pourl’album, Wanna see master et Flow, je les ai écrits dans un espritpresque hip-hop, pendant une période où j’avais une fixation surun album de Snoop Dogg, raconte le musicien. Ça a presque faitpeur à certains membres du groupe au début ! J’aime brasser lacage, remettre notre son constamment en question pour essayerde nouvelles choses.” Ils ont aussi opté pour raccourcir les solos :“On adore improviser, mais c’est en live que ça s’apprécie vrai-ment !” Ils ont ajouté une “touche Jimi Hendrix”, des tons inspirésdu jazz éthiopien et des voix féminines. Afrodizz n’est décidémentpas à court d’idées et Aldama sait déjà quel sera son prochain ter-rain de jeu : la musique du Bénin. “Ce sera plus près du funk, plus“sale”, plus roots !”

Marie-Hélène Mello“From outer space” - C4 / www.afrodizz.com

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iNiTiATiveS

A ux Pays-Bas, il y a Eurosonic ; aux États-Unis, le SXSW ; en Allemagne, le C/OPop. Aussi étonnant que cela puisse pa-

raître, en France, il n’y avait pas d’équivalent.“C’est effectivement curieux car la France est undes plus gros marchés musicaux d’Europe et lecinquième marché mondial” affirme Fernando La-deiro-Marques. Depuis 2009, ce n’est plus le caspuisqu’il a lancé avec Daniel Colling, directeur duPrintemps de Bourges, le MaMA (Marché des Mu-siques Actuelles). Le concept consiste à réunirdurant plusieurs jours des professionnels detoute la filière musicale, qu’ils soient français ouétrangers, autour de différentes rencontres. Uneidée qui travaille Fernando depuis longtemps :“En 1995, nous avons crée, dans le cadre du Prin-temps de Bourges, une opération qui s’appelaitTam Tam. C’était déjà un peu l’idée du MaMA.Mais ça n’a duré que cinq ans car nous noussommes rendu compte que les pros étaient làalors que ceux qui étaient censés nous aider fi-nancièrement, qu’il s’agisse du secteur privé oupublic, ne répondaient pas présents.” En 2010, leMaMA s’est définitivement émancipé de l’illustrefestival pour prendre ses quartiers dans le 18ème

arrondissement de Paris. Et le grand public y adésormais une place. “L’évènement se déroule entrois parties : les rencontres pros de 10h30 à 18havec des conférences, des débats, des speeds-meetings, des déjeuners thématiques, etc. De 18hà 20h, nous organisons dans Montmartre desconcerts gratuits dans des bars, des galeriesd’arts et des commerces. Puis ensuite, d’autres

artistes se produisent dans des salles du 18ème

(Cigale, Boule Noire…).”

Avec 39 pays représentés l’an dernier, lesgroupes qui s’y produisent s’assurent une visibi-lité importante. “Un groupe français qui joue auMaMA va toucher plus de cent festivals. D’ail-leurs, la quasi-totalité des artistes qui se sontproduits lors de l’édition 2010 ont eu des retom-bées.” Si l’évènement attire autant d’étrangers,c’est notamment grâce à l’expérience de Fer-nando : “Je travaille depuis maintenant vingt anssur l’international où j’ai produit et co-produit denombreux festivals. Composé d’une trentaine depays, mon réseau me permet à la fois de savoir cequi se passe dans chaque état et de ramener denombreux représentants de pays quand je monteun évènement quelque part.”

Mais ce n’est pas aussi simple pour tout lemonde, comme l’affirme Monsieur Mo du labelJarring Effects : “C’est toujours intéressant derencontrer en un minimum de temps un maximumde professionnels. Après, ce qui me gêne, c’estque l’on fait toujours la part belle aux gros pro-ducteurs. Aussi, les petits indépendants que noussommes ont deux fois plus de travail à faire pourtrouver leur place, organiser des rendez-vous etse faire entendre dans ce genre d’évènements.”

Yves Tradoff Du 21 et 22 octobre 2011 - 60 concerts

www.mama-event.com

FernandoLadeiro-Marques

DIRECTEUR DE LA

COMMUNICATION DU

PRINTEMPS DE

BOURGES, IL A LANCÉ

UN ÉVÈNEMENT

PERMETTANT DE RÉUNIR

TOUTE LA FILIÈRE

MUSICALE, FRANÇAISEET ÉTRANGÈRE, AUTOUR

DE RENCONTRES, DETABLES RONDES ET

DE SHOW-CASES : LE MAMA.

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LAbeL HiSTOiRe

Another RecordARTISAN DÉVOUÉ À LA SCÈNE

INDÉ, LE LABEL AUJOURD’HUIBASÉ À TOURS ÉDITE TOUJOURS

DES DISQUES ET ENCOURAGE DES

GROUPES À S’EXPRIMER.

P eu de moyens financiers n’empê-chent pas les petites mains d’Ano-ther Record de s’activer et de croire

encore qu’il est possible de partager leursgoûts musicaux avec le plus grand nombrepossible. Les bénévoles s’y attachent et endix ans, le label a forgé sa réputation.Même si les sorties restent relativementconfidentielles, un cercle d’initiés continuede suivre les nouveautés proposées. Adeline Robin, en charge de la promotionet de l’accompagnement des groupes :“Nous privilégions la diffusion via Internetafin de faire marcher le bouche-à-oreille.Nous incitons aussi les groupes à se pro-duire sur scène et les y aidons. Cela est gé-néralement un très bon moyen de toucherun public qui n’aurait pas pu découvrir legroupe.” Tout comme le fait de présenterses activités sur un stand à l’occasion decertains festivals. Pas de pensée mercan-tile dans le choix des artistes, pas d’aspectmilitant dans la démarche de licence libre(musique proposée librement sur le net),mais un côté artisanal et débrouillard af-firmé avec des CDR ou des packaging mai-son… Les disques sont avant tout unmoyen de diffuser le projet artistique, afinque “le groupe ait un public bien pluslarge qu’avant la sortie, qu’il puisse évo-luer avec un peu plus de sérénité et d’as-surance, et pourquoi pas, qu’il puisse êtrerepéré par un plus gros label qui pourra

prendre la relève.”Les responsables dulabel commencentdonc par suivre leurscoups de cœur :“Dans l’absolu,n’importe quel stylede musique, hip-hop, électro… peut

nous plaire si le groupe est intéressant. Ona été longtemps catalogué label de folk,avant que ça devienne à la mode dans noscontrées ; d’ailleurs, c’est une étiquettequi nous colle encore un peu à la peaualors qu’on sort depuis bien longtempsdes groupes bien électriques comme TheFinkielkrauts et que des groupes commeThe Wedding Soundtrack ou Odran Trüm-mel, dont le premier album était plutôtfolk, ont pris une direction beaucoup plusrock et noisy.” Des découvertes et des fa-miliers déjà inscrits au catalogue sont auprogramme pour les prochains mois :“Deux nouveaux groupes, Bajram Bili (unTourangeau), et The Keys (un Français vi-vant au Canada), un EP des WeddingSoundtrack, un deuxième album pour legroupe de Bristol Misophone, et le nouvelalbum d’Odran Trümmel qui devrait sortiren distribution nationale début 2012.”

Béatrice Corceirowww.another-record.com

DANA HILLIOT & HIS FRIENDS “I was a rabbit and I won !”Le projet de Vincent, le fondateurdu label, auquel ont participé lesgroupes alors sur Another Record :Gâtechien, Half Asleep, JullianAngel, Delphine Dora et The Wed-ding Soundtrack.

THE WEDDING SOUNDTRACK“Na na na ro”Le groupe historique du label quiprépare sa quatrième sortie et quenous voyons avec plaisir muter duprojet solo au gros projet collectif.

MISOPHONE“I sit at open windows”Un groupe de Bristol qui rencontreun beau succès à l’étranger. L’al-bum a été distribué au Japon entête de gondole des gros disquairesde Tokyo.

FRÀNÇOIS & THE ATLASMOUNTAINS “Her riverraves recollections”Bientôt, nous n’aurons plus besoinde présenter Frànçois qui est la valeur montante de la scène indéfrançaise. Nous avons sorti cetalbum en CDR limité peu avantPlaine Inondable (Talitres).

ODRAN TRÜMMEL“Rabid dogs”Le premier groupe distribué natio-nalement. Une musique très atypique et déconcertante. Le nouvel album sortira en 2012.

THE FINKIELKRAUTS“Smog”Un très jeune groupe de Tours quenous suivons depuis les débuts.C’est le premier groupe du label invité sur France Culture à l’occa-sion de la sortie de son dernier EP.

DISCOGRAPHIE SÉLECTIVEPAR ADELINE ROBIN :

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Têtes d’affiche efficaces, programmation éclectique, organisation impeccable, et 50 000spectateurs en trois jours, le festival Beauregard fait désormais partie de ceux qui comptent.Pour afficher ses différences, on mise ici sur de gros noms (ZZ Top, Motörhead et Zazie) et

on s’emploie à taper large, tous styles confon-dus. Le vendredi a fière allure. À 19h, soleil deface, Gaëtan Roussel prend du plaisir et cela sesent. Philippe Katerine cartonne entre bananeset pitreries, tandis que dEUS présente un set enforme de best of. Pas le temps de souffler queLemmy est déjà sur scène pour un assourdis-sant fracas sonore. Nettement plus audiblesera l’excellent concert de Two Door CinemaClub. Le show poilant des barbus de ZZ Top estle clou d’un samedi marqué par la douceurd’Agnès Obel au piano, le charme de Mor-cheeba ressuscité par le retour de Skye Ed-wards, et les enthousiastes Concrete Knives.Dimanche, un grand écart artistique, d’AnnaCalvi à Zazie, parachève une passe de trois,jours comme éditions, très réussies.Annabel Jouvion & Patrick Auffret

>> du 1er

au 3 juillet 2011FESTIVAL BEAUREGARDHérouville St Clair (14)

KaterineP. A

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et

30

FeSTivALS

Début juillet, Longueur d’Ondes s’est arrêté le temps d’un week-end sur ce festival auxrencontres hétéroclites : de musiques actuelles, de découvertes avec une touche nonnégligeable de simplicité. Doublement de population dans cette rase campagne ; au

total, près de 5000 personnes se sont réu-nies. Pendant trois jours, des têtes d’affichescomme Stromae, Nina Hagen, ou encore lesTambours du Bronx se sont passé le micro.Cela dit, après que les célébrités aient créél’attraction, l’intérêt du festival a retentis surles scènes découvertes. Nombreuses, on retiendra John Grape (prix Printemps deBourges), le rock expérimental de Sons ofNusku ou encore la gouaille des Tais Rien !Bien que la programmation soit limitée à environ cinq concerts par jour, l’esprit cham-pêtre et la diversité donnent un panoramaoriginal des scènes actuelles et reste un défimaintenu face à la concurrence accrue defestivals environnants.www.festivalenothe.orgElodie Fournot

>> du 8 au 10 juillet 2011FESTIVAL EN OTHEAix en Othe (10)

Nina HagenA. v

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ten

Malgré un début pluvieux et bruineux, c’est toujours un bonheur d’assister de midi à minuità un max de concerts gratuits, en plein air et au centre ville. Il y a aussi des shows en

salle, mais là où l’on peut faire le plein de découvertes (québécoises, canadiennes, fran-çaises, mais pas que…), c’est dehors ! On re-tient le conteur-slammeur-chanteur MathieuLippé, qui propose des textes si parfaitementécrits qu’il faudrait les lire au fur et à mesuretant ils sont truffés de subtilités, de jeux demots, d’emboîtage d’idées… Le concoursd’accent acadien entre Joseph Edgar (rockénervé) et la punchy Lisa Leblanc qui font

souffler un vent de fraîcheur sur le festival ; les Frenchies de La Femme qui rappellent Elli& Jacno (son hargneux des années 80, syn-thés en avant, pour quatre jeunots et une fille

méchée et énervée). Côté salle, on a aimél’univers pop-folk-rock et le chant délicat et

chaud de Jimmy Hunt et Béatrice Bonifassi (lachanteuse de Beast) qui s’offre une paren-thèse francophone. www.francofolies.com

Serge Beyer

>> du 9 au 18 juin 2011FRANCOFOLIES DE MONTRÉAL

Montréal (Québec)

Malajube M. P

inau

lt

Sur le traversier brumeux qui quitte Tadoussac, des effluves des festivités remontent à lasurface… L’énergie d’Isabeau et les Chercheurs d’Or qui “countrysent” la foule avec en-

train ; le regard plein de bienveillance de Xavier Lacouture sur la cuvée 2011 des “Artistesen résidences” ; l’écriture bouleversante et

sans fioriture d’Imbert Imbert qui fout un coupde pied dans la fourmilière ; le son inutilement

poussé au max par les Cowboys Fringuantsdans le sous-sol de l’église ; la gouaille del’Acadienne Lisa Leblanc ; le rock’n’roll deTracteur Jack qui fait un carton ; le tube La

force de la gravité des Surveillantes qui resteen tête ; la complicité d’Agnès Bihl et sa pia-niste Dorothé Daniel, pas franchement remisedu décalage horaire ; l’implication studieuse

de Louis-Jean Cormier (Karkwa) dans lesDouze hommes rapaillés et la tchatche

incroyable du diablotin Mathieu Lippé présen-tant le spectacle de clôture… Quand le

traversier arrive, ne restent que de beaux souvenirs. festivalchansontadoussac.com

Serge Beyer

>> du 9 au 12 juin 2011FESTIVAL DE LA CHANSON

Tadoussac (Québec)

VioleTT Pi M. P

inau

lt

“Le petit train s’en va dans la campagne… sous la pluie… il est beau au couchant, àtravers champs”, il mène de la gare de Nyon (à 20 mn de Genève) au site du Paléo, quiest en fait quasiment un village éphémère avec ses restos, ses boutiques et ses scènes,le tout sur une superficie de 4000 m2 avec112 restaurants et stands, 68 boutiques et 6 scènes qui accueillent, 6 jours durant,

230 000 spectateurs pour 211 shows ! Et leplus étrange, c’est que malgré cette maréehumaine, on ne se sent pas confinés ni par-qués… Ils sont forts ces Suisses ! En dehorsdes excellents shows de Oh ! Tiger Mountain,Selah Sue, Portishead, The Bewitched Hands,Mr Dame, La Fanfare en Pétard, PJ Harvey etsurtout The Dø et Shaka Ponk, les stars del’année furent la pluie et la gadoue : 62 mm

de précipitations, pas moins de 1130 m3

de paille hachée et 475 m3 de copeaux ré-pandus pour aménager le terrain gorgé

d’eau. “On dirait qu’ça t’gène de marcherdans la boue ?” Pas du tout ! www.paleo.ch

Serge Beyer

>> du 19 au 24 juillet 2011PALÉO FESTIVAL

Nyon (Suisse)

Oh! Tiger Mountain S. B

eyer

Sous le ciel nuageux des Flandres, l’énorme festival de Dour (36 000 personnes par jour) aété encore bien ficelé malgré la boue et le temps capricieux ! Côté scène belge, du beau

monde : le reggae d’Alborosie, les Marble Sounds avec une chanteuse japonaise, les poppySx d’inspiration scandinave, le trio Hoquets et

ses instruments faits maison, Primitiv, vicechampion du monde de beatbox, et de nom-

breux groupes de metal rivalisaient sur la taillede leur back drop (avec une mention spécialepour Channel Zero). Carton plein pour NosajThing, digne d’un musée d’art contemporain,pour Flying Lotus et leur vaisseau spatial faitde projections cosmiques et de lumières pro-jetées de tous les côtés, pour les fantastiquesCocoRosie qui ont écrit un nouveau chapitre de leur merveilleux conte avec des costumes

magiques et une fille incroyable au beatbox ouencore Neurosis, qui retourna littéralement la

tête du public ! À noter aussi la très bonnescène techno avec Pierre, Sascha Funke, Ellen

Allien & Pfadfinderei, Laurent Garnier…www.dourfestival.be Asako Fujimoto

>> du 14 au 17 juillet 2011DOUR FESTIVAL

Dour (Belgique)

Hoquets J. Ro

cher

eau

Page 31: Longueur d'Ondes n°61 (Automne 2011)

31

FeSTivALS

Les Francofolies voient toujours plus grand et font des écarts, entre journées etnuits de découvertes, puis soirées “grand public” sur la grande scène Saint-Jeand’Acre. Entre des têtes d’affiches au rendez-vous (Lavilliers, Aubert, The Dø), projets

plus confidentiels bourrés de talents(Nevchehirlian, Bertrand Belin, PsyckickLyrikah), et véritables découvertes (GiedRé, Mesparrow, The Shoes…), les Francos restent en France l’un desmeilleurs baromètres de la musiquefrancophone. Le festival qui s’est de-puis un moment déjà ouvert à la scèneen anglais a offert un 14 juillet dans lalangue de Shakespeare. En clôture, onretiendra la belle fête à Maxime Le Fo-restier qui a joué son premier album etrappelé plein de beaux souvenirs à sonpublic des débuts. David Guetta jouaiten même temps sur l’esplanade Saint-Jean d’Acre ? Connais pas. www.francofolies.frBastien Brun

>> du 12 au 16 juillet 2011FRANCOFOLIES DE LA ROCHELLELa Rochelle (17)

NevchehirlianM. E

ytie

r

Chauffer dans la Noirceur est un festival qui sent bon les vacances. À une poignée de mi-nutes du camping, il y a la plage dont on peut profiter en journée avant de passer la soiréeet la nuit (les live débutent peu après 20h) devant les concerts. Cette respiration salvatrice

permet de savourer pleinement les perfor-mances. Mieux encore, avec 6000 personnessur trois jours, les spectateurs bénéficient à lafois d’une ambiance de fête et d’une certaineintimité. Pour la 19ème édition, les organisa-teurs du festival ont concocté une program-mation d’un éclectisme rare, allant du folk aurap, de l’électro à la chanson, etc. PublicEnemy et les Balkan Beat Box ont su justifierleur statut de tête d’affiche contrairement auxMoriarty, qui ont livré une performance plutôttimide. Les Allemands d’Hanin Elias et de Bo-naparte ont emporté la mise le jeudi et le ven-dredi grâce à des sets à l’énergie folle tandisque La Rumeur a donné un set tonitruant à unpublic déjà dans l’ambiance hip-hop.www.chaufferdanslanoirceur.orgYves Tradoff

>> du 14 au 16 juillet 2011CHAUFFER DANS LA NOIRCEURMontmartin sur Mer (50)

BonaparteN. C

hagn

on

Pour son 10ème anniversaire, l’association Rue Tabaga a mis les petits plats dans les grandspour offrir à près de 27 000 festivaliers, une édition exceptionnelle tant par l’éclectisme de sa programmation, que par les animations : à l’image du chapiteau “Surprise” qui,

changeant de thème chaque jour, proposa unvoyage culturel entre concerts, rock-blues,

théâtre d’improvisation (compagnie Couac) etpub irlandais. Sur scène, têtes d’affiches inter-nationales et découvertes se sont succédées

non stop devant un public multi-générationnel,tous styles confondus : reggae engagé de

Danakil ou Tiken Jah Fakoly, trip-hop surpre-nant de Fuel Fandango, hip-hop envoûtant deNneka, rock avec l’excellent groupe The ClashStevens, l’énergie brute de La Phaze ou bien leshow électrisant de Shaka Ponk, de quoi déca-

per les oreilles ! Enfin, la chanson française a eu la part belle avec les fidèles Ogres deBarback, offrant un show particulièrement

abouti. Chaque année Couvre Feu surprend,étonne, émerveille… www.couvrefeu.com

Marylène Eytier

>> du 26 au 28 aout 2011COUVRE FEU

Corsept (44)

Shaka Ponk M. E

ytie

r

“Woodstock in Médoc”, tel aurait pu être le nom de cette 14ème édition, vu les nombreusesaverses tombées en journée ayant permis au public de transformer le terrain impraticable

en gigantesque pataugeoire pour s’adonner aux joies des batailles de boue. Pas moins d’unequarantaine de groupes se sont succédés surles trois scènes et, pour la première fois, pen-dant trois soirs d’affilée. Les programmateurs

ont su agilement jongler entre les têtes d’afficheincontournables comme Toots & the Maytals,LKJ, The Heptones, Stephen Marley, Aswad,

Luciano, Patrice, Dub Inc, Raggasonic et les pluspetites formations comme la chanteuse Hollie

Cook, fille du batteur des Sex Pistols qui apporteune réelle nouveauté dans le paysage reggae de

par sa voix vraiment atypique. On a pu égale-ment se délecter du set d’Harrison (Professor)Stafford, chanteur de Groundation venu cette

année avec, dans ses valises, un nouvel albumsolo. À noter également la présence, comme il y a cinq ans, du duo Winston McAnuff et Camille Bazbaz dans un registre très rock.

www.reggaesunska.com Maxime Ardilouze

>> du 5 au 7 aout 2011REGGAE SUN SKA

Pauillac (33)

Winston McAnuff P. W

etze

l

La surprise de cette nouvelle édition est l’engouement des festivaliers. Le FreeMusic affiche complet en pré-vente les deux soirs ! “Une première”, confie le direc-

teur Samuel Vincent, sourire aux lèvres. 9000 personnes par soir, c’est presque irréel pour l’organisation qui se relève

les manches depuis onze ans pour assurer cet événement. La soirée duvendredi est marquée par le plateaucomposé de Lee Scratch Perry, Max

Romeo et The Congos. La pop électrode WAT ainsi que le digital hardcore desAtari Teenage Riot déchaînent le public

mélomane et exigeant. Le samedi, The Dø a du mal à trouver sa place

avec sa pop envoûtante car l’ambianceest surchargée en électricité à cause dela venue du Wu Tang Clan. Il faut noter

que le Free Music a réussi un gros coupen les programmant puisqu’ils n’ont fait

que quatre dates en France cet été !www.freemusic-festival.com

Johanna Turpeau

>> Les 1er

et 2 juillet 2011FREE MUSICMontendre (17)

Twin Twin P. W

etze

l

Cette onzième édition n’est pas sold-out, mais presque ! 19 000 personnes le samedi,20 000 le vendredi pour la soirée reggae-électro avec notamment Groundation, Maceo

Parker et Zone Libre, et autant le dimanche pour la journée familiale avec Eddy Mitchell etZaz. Deux grosses scènes placées côte à côte

jouent en alternance. À l’autre bout du site,près de l’entrée, une troisième scène et un vil-lage associatif. Le samedi est particulièrementattractif. Avant la brit pop arrogante de BeadyEye et après la pop enlevée de Kaiser Chiefs,Jon Spencer signe un retour remarqué et volela vedette au piteux groupe de Liam Gallagher.The Klaxons emballe la foule tout comme TheHives. Queue-de-pie noire, haut-de-forme et

chemise blanche, Howlin’ Pelle Almqvist sem-ble sortir d’un cartoon de Tex Avery. C’est sou-

vent trop, presque dans la caricature, maistoujours diablement efficace ! La fraîcheur dela blonde et souriante Ritzy Bryan, de The Joy

Formidable, clôture une soirée sublime. www.papillonsdenuit.com

Sophie Bordier & Patrick Auffret

>> du 10 au 12 juin 2011PAPILLONS DE NUITSt Laurent de Cuves (50)

The Hives P. A

uffr

et

Page 32: Longueur d'Ondes n°61 (Automne 2011)

ALCAZ“Vent fripon”(Autoproduit)

Réinventer Brassens (anniversaire oblige), unedrôle de gageure en 2011… Le couple-duomarseillais (Vyvian Cayol et Jean-Yves Liévaux)s’y colle avec une inspiration reggae, descuivres, du swing, des chorus groovy, del’harmonica et puis surtout avec l’alchimie deleurs deux voix (lui rocaille, elle velours). Et lasauce prend aisément. Le petit plus, c’est quetout en restant fidèles à la mélodie, ils dévientjuste assez pour proposer, ici et là, autre choseque la ligne mélodique que connaît l’auditeur(Les amoureux des bancs publics, Leparapluie…) Et puis, au détour d’un titrecomme Le vent modernisé, on se rend compteque Thomas Fersen a dû beaucoup écouté legrand Georges ! Alcaz sera au Québec pourune tournée de novembre à décembre pour lasortie de l’album là-bas. Faut dire que c’estl’un des rares groupes français qui fidélise lesQuébécois depuis huit ans. Ce trait d’unionavec Brassens ne devrait qu’accentuer cetamour réciproque. alcaz.netSerge Beyer

bRuiTAGe ALGO RYTHMIK“Morphism”(Chaphi Records / Believe)

Le fossé est saillant entre le nom du groupe,celui de son disque et le titre des compositions.On passe des mathématiques austères - lesalgorithmes et le morphisme - à des titres quise comprennent sans difficultés (Jump forswing, Everybody gets funky, etc.). Maisrassurez-vous, la musique d’Algo Rythmik n’arien de rigoriste. Le trio emprunte autant aujazz et au funk qu’au swing et à la world musicpour former une mixture électro hip-hop pleined’énergie et de groove old-school. Il exploiteainsi la recette magique qui vise à faire duneuf avec du vieux, prenant ça et là desmélodies dansantes pour reconstituer par-dessus rythmes et structures. Et à ce petit jeu,Algo Rythmik n’a pas choisi les pires références(James Brown, Louis Armstrong, etc.). Ce melting-pot à grande échelle est savoureuxà bien des titres, laissant présager de bonsmoments en live.myspace.com/algorythmikliveYves Tradoff

ANDROID 80“Suburban robot”(Freaksville / Discograph)

Difficile de dater cet album avec certitude. Onpourrait même croire à une réédition tant lasonorité des instruments (claviers en tête) scelleune époque précise, celle du début des années80. Pas question ici d’hommage ou de posturepasséiste à la mode, tout est fait dans latradition de l’époque. Les mélodies de popsynthétique sont réalisées à la manière d’Elli etJacno : voix perdue, ritournelle d’une simplicitépunk et thème désinvolte. Android 80désacralise un peu ce mythe actuel des eightieset lui donne une accessibilité ludique. Peut-êtretout simplement parce qu’il y vit encore, commeen atteste son morceau sur le sida ou sonénumération à la Prévert des stars des années80. Peut être aussi par l’utilisation d’un matérielanalogique d’époque : l’intro instrumentale nousplonge en plein Midnight Express et l’ultimemorceau déterre les meilleures ambiancespréprogrammées des synthétiseurs d’antan.Finalement, il s’y plaît tellement qu’on ne vapas le déranger. myspace.com/android80sDamien Baumal

LES BARBEAUX“Soleil” (Irfan le Label / Barbeau Festif)

Pour prolonger l’été, ce sextuor qui rayonne du sud de la France et d’Espagne, propose unemusique dynamique et enthousiaste. Dans lalignée directe de la chanson festive, impossiblede ne pas penser aux Hurlements d’Léo (Lecafé des gens), à la Rue Két’ et bien sûr auxOgres de Barback. Les Languedociens ne sontpourtant pas plagiaires et s’ouvrent sur biend’autres voies qui rendent leur tonalité unique.Leur empreinte est voyageuse et métissée : les textes sont pour moitié en français tintéd’accents provenant du Pays Basque comme deMarseille, tandis que sept titres sont chantés enespagnol. Si accordéon, guitares, cuivres,violons et percussions invitent sans concession à l’entrain de la danse, l’esprit du bal musetteprend parfois des tournures détonantes parl’insertion de chants davantage scandés,exprimant des paroles aux douces sonorités,mais d’une forte subtilité et lourdes de sens.www.lesbarbeaux.frMélodie Oxalia

SAMIR BARRIS“Tenter l’atout”(T4A / Pias)

Après un début de carrière à la batterie au seinde Melon Gallia, combo belge de la scèneindépendante, et un premier essai autoproduit,Quel effet ? paru en 2007, en tant qu’auteur-compositeur et interprète, Samir Barris passe à la vitesse supérieure avec ce nouvel opus.Bénéficiant d’une production ambitieuse, lesnouvelles chansons, mélodiques en diable,démontrent une belle propension à l’écriturepop, un sens aigu de la rime autant qu’unehabileté à créer des ambiances particulièrementavenantes. Les thématiques abordéess’inspirent des relations humaines, qu’il exploreavec sensibilité. Pour deux titres, il partage lechant avec des voies féminines, Vanessa Klak,animatrice radio, sur Velours et mensonges, lachanteuse Auryn, avec qui il forme le duo BeauGeste dont on entendra très vite parler, pour La voie rapide, titre emprunté à Olivier Andu,autre Bruxellois de talent dont on attend desnouvelles. www.samirbarris.comAlain Birmann

DEBOUT SUR LE ZINC“La fuite en avant”(DSLZ / Musicast)

Ce cinquième album de DSLZ surprend. Onétait habitué à une couleur klezmer mâtinée defolk irlandais un peu grinçant, et c'est plutôt lefolk tout court qui nous attend sous des formesvariées, de la variété à la ballade. Quelquesmorceaux toutefois rappellent leurs premièresamours : La fuite en avant et L'équilibristeconservent le chaud des instruments de bois etdes sonorités vagabondes. Ce dernier morceauest particulièrement réussi, avec un texte vif et très rythmique et un accompagnementsurprenant, tout en étant proche des mots,sorte de périphrase musicale. D'autres, commeSur le fil ou Avance sans moi, accusent larecherche d'horizons nouveaux, plus légers etplus facile à l'écoute mais dont, par le mêmecoup, l'émotion est un peu bannie. À la fin, lacontrebasse, le violon et la clarinette qui fonttout le voyage signé DSLZ, sont un poil tropdiscrets, comme si l'on avait voulu tourner une page à regrets. www.dslz.orgLise Facchin

DEL CIELO“Sur des braises”(Idwet / La Baleine)

Très bel album du couple Liz Bastard et GaëlDesbois. Presque deux ans après un premierouvrage nommé Sous les cendres, les voicidonc Sur les braises. Ce qui ne veut pas direque le couple a perdu sa noirceur monotonepour allumer je ne sais quel feu. Non. De sa voix douce et intimiste, Liz susurre plus qu’elle ne chante des textes magnifiquesremplis d’émotions. On pense très vite à uneversion féminine de Benjamin Biolay ou deDominique A. Justement, le Nantais intervientcomme en suspension sur Casoretto. Les voixse répondent avec justesse sur une musiquesynthétique rehaussée par une guitare toujourstrès maîtrisée. Très électro, parfois rythmée etobsédante (Les rêves à l’envers) mais toujoursmélodique, la musique des Del Cielo les dévoileavec majesté. Le tout est un voyage en douzetitres parfaitement aboutis et une superbeinvitation, Veux-tu, apologie du saut dans levide. myspace.com/opendelcieloPatrick Auffret

DOCTOR FLAKE“Flake up”(New Deal / Differ-Ant)

Il découpe, il colle… Et ça décolle ! Si DoctorFlake nous avait habitués à ses débuts à delongs formats instrumentaux, il s’est ici entouréde plusieurs chanteurs, oscillant ainsi entrepuissance (Miscellaneous sur Followers etAddiction) et fragilité (Nawelle Saidi surHollow people). Un virage déjà pris avec sontroisième album, Minder surprises. Flake upest une nouvelle pierre à l’édifice ducompositeur, intégrée dans sa fidèle traditionde manipulation des échantillons musicaux,construisant un abstract hip-hop sombre et àforte teneur en émotions. À noter qu’il réussit,sur ce nouveau disque, l’intégration d’un titreen français avec l’inspiré Une île, aux côtés deVale Poher : “Une phrase. Un parfum que jeveux garder sur ma manche. L’odeur d’uncafé. Une chanson. Une séparation. Et qu’estce qu’il restera de cette journée, de cettesemaine, des années après ?”www.doctorflake.comThibaut Guillon

DR GEO“The endless thanks list”(Chez Kito Kat)

Dr Geo est un curieux monsieur. Et The endlessthanks list un curieux album. Geoffrey Lolli, quine passe pas pour inconnu sur la scène lorraine,ouvre avec ce projet solo une parenthèseexploratrice. À partir de boucles analogiquesfaites live avec sa voix, Dr Geo parcourt, guitareen main, des registres musicaux très distincts.Something that you can’t buy with gold anddimes lorgne volontiers du côté du blues folksingulier, quand Back and forth frappe par sonrock brut et abrasif, Luos ym neve ton par sapesanteur. Particulièrement agréable, l’écouteest d’une fluidité remarquable. Dr Geo instilledès la première piste une atmosphère bien à lui,quasiment western à certains égards. Devil gotmy woman ou bien encore Yeah i’ve been down child révèlent effectivement un universpoisseux, travaillé et tourmenté, où les cordes,vocales et musicales font mouche avec laprécision d’un six-coups manié par John Wayne.Une chance d’avoir un docteur sous la main.drgeo.bandcamp.comRomain Gouloumès

ELASTIK“Critik”(Koma Records)

Critik succède à Metalik. La méthode est lamême : Thomas Prigent compose et d’autresmusiciens disposent leurs mots et leur voix dansses vagues douloureuses d’électronique froidebousculée de violence indus. Metalik avait déjàtout d’un coup de maître, Critik est meilleurencore. Plus que son prédécesseur, il estdérangeant. Ses sonorités et ses mots déman-gent, perturbent, troublent… La matièremusicale s’est étoffée et paradoxalement, plusde mélodie et de clarté sont insufflées entre seslames empoisonnées. Aux longs couloirs traversésde froideur mortuaire, tunnels de fer renvoyantles échos assourdissants des machines, succèdentdes vignettes jetant une lumière blafarde sur destranches de vies défaites. Les textes de Cécilia H.,particulièrement saisissants (beaucoup plus queles caricatures naïves d’Horror 404), se font plussombres que jamais, d’une noirceur démente,distillant l’horreur de la désagrégation des chairs.Un second choc musical plus ébranlant encoreque le premier. www.elastik.frJessica Boucher-Rétif

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bRuiTAGe BOOGERS“More better”(At(h)ome / Wagram)

Quand il ne tourne pas en solo, Boogers est lebatteur de Rubin Steiner. Il partage donc avecce dernier beaucoup plus qu’un sens dubricolage : passés par Radio Béton et par lesplatines, les deux musiciens ont en effet uneessence commune. Mais la musique deBoogers, qui tape plus du côté du pop-rockadolescent que de l’électro, ne doit pas seconfondre avec celle de son double : mêmepassé par le prisme des machines, l’essentielest ici organique. Il y a une guitare, une basse,une batterie et des claviers d’occasion. Onpense à Beck, on se souvient du temps oùGreen Day faisait encore du punk-rock pourskaters, et ce mélange donne simplement lesourire. Le mérite de cet album est justementlà : pas prétentieux pour deux sous, il donne à entendre un pop-rock bien produit et facile à écouter qui, même dans ses clichés,n’ambitionne pas d’apporter autre chose qu’un bon moment. Que demande le peuple ?myspace.com/musicboogersBastien Brun

BOULBAR“Motor Hotel”(Roy Music)

Bertrand Boulbar est un homme à concept. Sonpremier album racontait la vie d’un boxeuraméricain dans les 60’s. Le disque était coupléà une BD noire dans la lignée des pulp’s qu’ildoit affectionner. Le musicien revientaujourd’hui avec un autre concept : le road-CD(ou “road-movie musical”). Il met en musiqueses errances le long de la route 66 qu’il aparcourue en intégralité. De New York à SanFrancisco, Boulbar s’est amusé à confronterson imaginaire à la réalité. Douze chansonshabitées constituent ce Motor Hotel peuplé de rencontres improbables (un vétéran duVietnam SDF…) et hanté par la solitude et le vide des petits déjeuners tout seul.Musicalement envoutant et parfois aussirépétitif que peut l’être un périple en voiture,ce disque mélancolique reste une pépiteautomnale à la lumière rase. Un peu de spleen,mais beaucoup de bonheur. Consultezégalement les très belles photos au Leica et le blog de voyage sur www.boulbar.comEric Nahon

CHRISTIAN CANTOS“La quête”(Autoproduit)

Le moins que l’on puisse dire, c’est quel’homme est polyvalent : chanteur, guitariste,auteur compositeur, poète, sculpteur et artistepeintre. Dans le style musical adossé à lachanson française aux effluves de slam parfois(cf. Culture de mort), il est tout aussiéclectique : funky, pop, blues rock indie,reggae, latino, rock franco ou hispanisant.Déambulant entre pinceaux et notes demusique, Christian est l’essence même duglobe-trotter en quête initiatique qui aimeVerlaine, Rimbaud et qui voue un intérêt plusque général à l’amour avec un grand A. Onpourrait se demander d’où sort ce garçon, alorsqu’il n’en est pas à son coup d’essai puisqu’ils’agit ici de son troisième album. Il s’imposepar sa voix grave et ronde avec élégance, surdes chemins sinueux et semblent vouloir sortirdes méandres de la vie urbaine avec plus degaîté que de tristesse. Rien de pesant, tout detouchant, on lui souhaite juste de trouver leSaint Graal. myspace.com/christiancantosMaho

LA COLLECTORE“Peuple des cendres”(Acrocs Productions)

La fanfare punk assumerait-elle son côté rock ?L’écoute de ce deuxième opus dévoile untravail abouti et une maturité musicaleévidente. Les arrangements fanfare, rock,chants en choeur et même frôlant le ska jazzsur R.A.B ou Hypothétique époque sontambitieux. L’engagement par l’écriture, fleuronde leur lutte artistique, poing levé, est toujoursprésent. Le morceau En avant est carrément un hymne révolutionnaire. Les chants sontprojetés, comme pour bousculer l’auditeur,mais en le faisant danser sur des mélodiesentraînantes. Ils reprennent un morceau desBérus (On a faim), tout aussi percutant quel’original. Ex-préface est quant à lui le rendu de la rencontre entre les deux plus grandesinfluences du collectif : un texte de Léo Ferré,sur un thème de The Ex, le tout arrangé par La Collectore. Ce disque est un bel objet sansprétentions, mais avec nombre d’intentions.www.la-collectore.comJohanna Turpeau

COMPOSER“The edges of the world”(Infiné)

Emmené par le producteur Agoria, le labellyonnais Infiné permet à l’Hexagone de joueren première division mondiale dans lacatégorie “musiques électroniques”. C’est donc avec une attention particulière que l’onaccueille chaque nouvelle signature. Ladernière en date est Composer, formé d’ÉricRaynaud - mieux connu sous le nom deFraction - et Guillaume Eluerd, musicien folk.Dans son processus de composition, le duo nese fixe aucune limite : Rooftop tend vers le folksynthétique, Check Chuck se veut rock-indie,Biome se rapproche de l’électronica et Polarbear se démarque par sa techno rugueuse.Suzanne the Man, une jolie voix entendue chezM83, fait son apparition sur quelques titres. Si The edge of the world est un albumrésolument électronique, c’est peut être le pluspop du label. Composer est donc une excellenteporte d’entrée dans le passionnant catalogued’Infiné. www.infine-music.comCamille Larbey

PIERS FACCINI“My wilderness”(Tôt ou Tard / Wagram)

Depuis son premier album Leave no traceen 2004, on sait que Piers Faccini s’aventuresur une ligne de crête, guidé par un talentconsidérable et une humilité lucide. Depuis septans, ce n’est que beautés. Et après le lumineuxTwo grains of sand, on se demandait biencomment Piers Faccini allait faire mieux, sansse répéter, ni se renier. Il a tout simplementdéplié cartes routières et marines, et a ramenéde ses voyages réels ou intérieurs des épicesd’ailleurs et pigments de nouveaux horizons.Surtout, il les a utilisés avec subtilité pour servirson folk-blues. Dans ces onze chansonsimprévisibles, ce sont ici des trompettesbalkaniques (Dreamer), là des guitareséthiopiques (And still the calling), un violontsigane qui emballe That cry ou des accords den’goni qui ouvrent Tribe. Avec My wilderness,on goutte à petites gorgées à ce fameux “vinde bohême / amer et vainqueur/ [ce] cielliquide qui parsème / d’étoiles [notre] cœur”.www.piersfaccini.comSylvain Dépée

THE FOX HEADS“We want to be numb”(Platinum)

Du hip-hop qui sonne comme du rock, etinversement. Le son né de l’association deFunken et Ira Lee (l’un Tourangeau l’autreCanadien, mais tous les deux rappeurs) estobjectivement inclassable. Il est aussiindispensable, mais pour d’autres raisons. Leur album We want to be numb est unechimère musicale, à la croisée des genres, queles oreilles s’empressent d’accepter, d’engloutir,jusqu’à l’acouphène ou la crise de foie. Au fil de douze titres irréguliers mais pas inégaux,sons électro, basses et voix frénétiquess’évertuent ensemble à créer le décalage, sans jamais donner de réponse. Rock, rap, hip-hop ? La recette, s’il y en a une, fonctionneparfaitement. Morceau incisif et entêtant,Gooogle it illustre, sans la résumer, lagénérosité sonore de l’album. Cette musique,caractérisée par une énergie dévastatrice (Tits)et un rythme turbulent (You’re so broken),n’aspire qu‘à une seule chose : lâcher les fauvesdans l’arène ! myspace.com/thefoxheadsRomain Gouloumès

GARANCE“Chantropophage”(Autoproduit / Mosaic)

Ce trio s’inscrit dans la lignée de la chansonfrançaise dont la primeur est accordée auxtextes. Tout à la fois percutantes et pertinentes,les paroles délivrent leurs messages sanstomber dans la psychanalyse ni dans leréalisme prosaïque. Garance chante dessituations rendues comiques par leur décalageet leur excessivité : Toto est aussi soumis quedépendant des machines qui l’entourent,L’homme moderne pète les plombs, la BabyBoomer de 68 n’a rien d’une révolutionnaire,Les trois singes de la sagesse amènent àl’ignorance volontaire, La mort n’est pas siterrible, La valse des désirs n’est jamaisaccordée… et bien plus encore. La sensibilitérencontre la poésie aux Îles d’Aran, notammentdans la version anglophone, tandis queRegarde moi sonne comme une douloureuseconfidence. La musique sert le sens des paroles,suivant leurs rebondissements, telle une miseen scène parfaitement adaptée. www.garance-chante.frMélodie Oxalia

GUMA GUMA“Love circus”(Autoproduit)

Deux guitares dans ce quintette au service dela chanteuse à voix Barbara Lezmy. Le son, lesinfluences, les visuels, tout dans ce groupefondé sur les cendres d’Arkham rappelle lagrande époque soul-rock des 70’s. L’ambianceest posée avec Love shoots, repris en versionacoustique en fin d’album. Les seize chansonssont en anglais, parfait pour le combo qui peutdévoiler un univers riche et coloré souvent noyépar une déferlante d’accords psychédéliques et une production assez touffue. Le morceauen français, Qu’est ce que c’est ? ne l’est quepar son titre. Également rythmé mais tout enmaîtrise lancinante, I call your name entraînel’auditeur dans les grands espaces américains.En fin d’album, un blues bien cradingue :Big wheel. Mais c’est surtout Woman crash,titre fort, porté par la voix rocailleuse d’unechanteuse habitée par les fantômes du blues et de la soul, qui retient l’oreille.myspace.com/gumagumaPatrick Auffret

HUGO KANT “I don’t want to be an emperor”(Bellring Production)

Des samples à gogo, des airs connus etmélancoliques, Hugo Kant, de son vrai nomQuentin Le Roux, a longtemps animé la scènejazz psychédélique avant de reprendre avecaisance les recettes qui ont fait le succès deWax Tailor. Beaucoup d’instrumentaux sur cetalbum que l’on qualifiera de hip, voire trip, -hop orchestral et cinématographique. On esttout de suite dans le bain avec This old tune,une chanson qui résonne comme une évidence.Multi-instrumentiste, le compositeur marseillaisa fait appel sur deux titres à Zé Mateo pour les scratches. Il est soutenu par Uli Wolters ausaxophone sur Thou shalt not kill. Braka donnedu trombone sur la chanson-titre qui comprendun sample vocal du film Le dictateur (tiens,comme l’a fait Wax Tailor…). Sur 5 for youand 5 for me, l’ambiance est plus western. Un projet qui gagnerait à multiplier lesintervenants vocaux. hugokant.comPatrick Auffret

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INSTITUT “Ils étaient tombés amoureux instan-tanément” (Rouge Déclic)

La musique d’Institut, nerveuse ou aérienne,gagnerait à être diversifiée et plus incisive.Alors que certains titres (Comme ontraverserait la rue, Capturer l’instant) sontteintés de psychologie plutôt banale, d’autresmorceaux retiennent particulièrementl’attention par leur forme et leur sens. Lestextes témoignent d’un regard âpre, franc etsociologiquement caractéristique de notreépoque : centré sur les modes de vie induitspar le capitalisme occidental, l’artiste en parle sur un ton désabusé puis rageur pourle titre explicite Ils étaient tombés amoureuxinstantanément et avaient trouvé ensemble unmodèle économique approprié. Il témoigne deses heures sombres dans Gardien de la paixou encore de la prépondérance technologiqueet numérique ambiante avec Installationimprimante et Erreur d’intitulé. Ainsi il oscilleentre perplexité et clairvoyance dans uneatmosphère floue. institut.bandcamp.comMélodie Oxalia

bRuiTAGe JUNGLE FEVER“Maja Thürüp”(Karameikos)

Exotica-garage, dans la lignée des Crampsmariés aux Wash, on assiste là à un sortilègereligieux psycho-vaudou. En guise d’offrandeinéluctable, ce sont onze titres, majorés dequatre bonus tracks, que les collectionneursatypiques devront acquérir pour vouer leurdévotion aux mondes occultes. Méfiez-vous des poupées épinglées sous peine de finirensorcelés par les Voodoo rhythms précédant le grand sacrifice, n’en déplaise au personnagede Bukowski (en clin d’œil), comblé par leslargesses de Dame Nature. Quarante-quatreminutes de transe psychotique et d’artdivinatoire oscillent entre magie noire etblanche sur fond d’amour, d’anthropophagie,d’oblation twisto-frénétique en anglais maisaussi en français, d’ode aux ténèbresunderground ponctuée de rires démoniaques.Ligotés devant l’autel jubilatoire, il ne vousreste plus qu’à éprouver une vive satisfactionau son des incantations fuzzy d’outre-tombe.www.jungle-fever.frMaho

KIM“Radio Lee Doo”(Gimme Shelter)

Kim est de cette catégorie de musiciensprolifiques qui écrit des chansons commed’autres, mâchent un chewing-gum. Peu importeque celui-ci soit l’énième, l’antépénultième ou le dix-neuvième, de toute façon, on s’y perd… Sur l’étagère, à égale distance de Stevie Wonder,du glam rock et de la musique des années 80,Radio Lee Doo se range dans la catégorie “pop”à l’anglo-saxonne. C‘est-à-dire bien dans son époque, qui recycle à tout-va. Léger etlumineux, ce disque est un peu à l’image de soncompositeur : tellement anachronique qu’il endevient dans l’air du temps. Surfant sur la crisedu disque à grands coups de singles diffusés par Internet, Kim pose aussi cette question :peut-on, en faisant autant de choses, composerune grande chanson ? La réponse affirmatives’appelle Uptown. Comme d’habitude, le titre ne devrait malheureusement pas passer lesbarrières d’un public averti. Pour le reste :l’album, globalement bon, a un goût sucré pas déplaisant. myspace.com/kimliveBastien Brun

KRONEM“Pocahontas”(Autoproduit)

Guitare électrique et voix. Minimal, simple dans l’idée, mais pourtant pas si évident àretranscrire et à faire vibrer sur la longueurd’un album. Un peu ardu car le côté rêche et brut est véritablement criant, mais l’artistesait mettre en avant une force intérieurerelativement troublante. À tel point qu’unecertaine pureté se démarque de façon assezévidente. Le côté blues, un peu mystique, finit par s’imprégner et prendre chair.L’engagement est touchant : une telleintensité, une telle soif de s’exprimer. Dans seschansons, Kronem joue avec les cordes de saguitare, module la puissance de l’électricité quialimente l’ampli. Il souligne bien les silences,met en valeur les accalmies au milieu desturbulences. Il joue aussi avec sa voix usée,son timbre de rockeur au style grunge, viril etaux écorchures apparentes. La guitare devientacoustique sur quelques morceaux et les effetssont tout aussi éloquents. www.kronem.netBéatrice Corceiro

LIPSTICK VIBRATORS“The prick”(Rockin’ Dogs / Strychnine)

Ils sont cinq dont une miss à la basse et c’est du pur punk-garage. Pas besoin de faire undessin, il est clair que cela ne fait pas dans lafinesse et j’invite ceux qui seraient d’humeurplus bucolique à se diriger vers la sortie. Dès les premiers accords agressifs, les enceintestempêtent et la membrane du caisson de basse,dans sa course chaotique, frise l’auto-combustion spontanée. Mentionner lesinfluences se voudrait de rigueur, mais sachant qu’il y a un brin de Spermicide, de Defenestrors, de Maximum Kouette, deFraction et de Sens Interdit dans ce quintetteparisien, est-il vraiment utile d’en dire plus ?Après tout, on se moque un peu de l’atavisme,seul le résultat compte et il est clairement à lahauteur de nos espérances. Un chanteur déjantéet des musiciens survoltés, il est d’évidence quecela ne va pas donner dans le thé dansant dudimanche après-midi. The prick, c’est choc !myspace.com/lipstickvibratorsMaho

MAZAL“Axerico en Selanik”(Tzadik / Orkhêstra)

Des bruits de pas ouvrent cet album pouramener l’auditeur à s’immerger dans ununivers très particulier. La chanteuse etpercussionniste Emmanuelle Rouvray puise soninspiration dans les chants séfarades anciens,qu’elle a connus au cours de ses voyages enEspagne. Les passages du peuple juif dans lesdifférents pays du pourtour méditerranéendepuis le Moyen-Âge ont constitué une cultureempreinte d’influences occidentales etorientales tout en conservant une identité forte,qui transparaît vivement dans ces chants.Thomas Baudriller ajoute encore àl’hétéroclisme assez mystérieux de l’album :compositeur et musicien, il accompagne desairs traditionnels et multi-séculaires par dessons électroniques ! L’audace est ici bien servieet il se dégage de l’album des rythmesentraînants avec des mélopées tendres etdélicates. Jamais nerveuse, la rencontre entreles genres s’avère aussi surprenante queréussie. myspace.com/mazalelectrosefaradeMélodie Oxalia

MECHANISM FOR PEOPLE“Never reach for the star”(Les Disques Normal)

Le shoegaze français se porte bien : TeamGhost fait son bonhomme de chemin et M83s’est déjà propulsé dans la stratosphère. C’est donc avec une certaine modestie (oupessimisme ?) que Mechanism for Peopleintitule son premier album Never reach for thestars (Ne jamais viser très haut). Peu probablepourtant que ce groupe explose en plein voltant il prend le temps de bien faire les choses :originaire des Yvelines, le duo a fait sesgammes sur deux EP avant de faire le grandsaut du long format. Au gré des douze titres,MFP se balade entre shoegaze, cold-wave etpost-rock. Le mariage voix féminine / voixmasculine fonctionne à merveille comme surWhen it’s over. Parfois, sujet aux soubresauts,MFP se fait plus violent sur les énervés Rottenthe core et Go feral. Cet album est à l’imagede sa pochette : il s’en dégage une certainebeauté froide, enchâssée dans des couleurssaturées. myspace.com/mechanismforpeopleCamille Larbey

MINORS“Ways / Times”(Autoproduit)

Du folk oui, mais orchestral. Les Parisiens etParisiennes de ce sextuor livrent onze chansonsjoliment troussées. De nombreuses sonoritésviennent fleurir des compositions rempliesd’harmoniques et de belles vocalises. Sur desinstrumentations originales, les voix masculineset féminines s’entrecroisent et se répondentavant de laisser un chant-lead prendre laparole comme sur Blackburn. Sans jamaistomber dans la grandiloquence d’un ArcadeFire, mais sachant donner de l’ampleur à seschansons (While indiand hunt), le collectif use du violon, du kalimba, des percus et dusynthétiseur pour donner du corps à cettegalette néanmoins très lo-fi. Il y a même un saxo pour illuminer We stars are suns.L’ensemble surfe sur la mode Fleet Foxes enappuyant sur le côté tribal. Sans posséder laferveur des Bewitched Hands, mais avec uneclasse indéniable, Minors démontre unevéritable joie de jouer et de chanter ensemble.minors.bandcamp.comPatrick Auffret

THE MISSING SEASON“To the fire”(Little Cab Records)

Les deux voix en harmonie, le phrasé aérien de la guitare acoustique de la chanson quiouvre l’album et qui porte le nom du groupe,évoquent Simon & Garfunkel ou Kings ofConvenience. Ce désir d’entretenir de bellesmélodies, tout en clarté, accompagne unequête de pureté, de sérénité et de naturel. Le deuxième morceau, To the fire (qui, lui,donne son nom à l’album), commence avecune intro plus enflammée avant de changerd’ambiance, de retrouver à nouveau un certainconfort céleste. Les deux garçons qui formentce groupe suivent bien leur chemin tout au longdes treize titres et réalisent une pop à l’âmeatmosphérique, sans luxe mais avec calme etvolupté, soin et talent. Elle s’exprime aussidans un titre plus aride comme Black bride.L’intensité est bien dosée et les sonorités sontpuisées dans une orchestration pop/folk. Unjoli disque sur le discret label indie de Tazio &Boy. themissingseason.comBéatrice Corceiro

NOSTOC“Voyage de la poussière au paradis” (Troisquatre !)

Depuis que les hommes traversent lesfrontières, des milliers d’individus choisissentd’aller voir ailleurs comment la musique se fait.C’est notamment le cas du trio Nostoc - termequi définit la “musique hybride née de lavibration du bois et du cuivre” - qui nous livreici son jazz mondialisé, composé de sonoritésindiennes à la clarinette, de rythmiques et dechant persans, et d’instruments du Laos. Bienque son univers lui soit propre, Nostoc rejointainsi largement la démarche de groupes telsqu’Hadouk Trio ou Nguyên Lê Trio, qui ontmontré avec brio l’intérêt de supprimer lesfrontières entre jazz et world music. Mais là où ces groupes choisissent d’utiliser desinstruments exotiques pour produire unemusique énergique, Nostoc vogue vers unetranse douce, lente et emplie d’une fortenostalgie. Aussi, le dépaysement est calme,l’entrée dans l’univers de Nostoc, progressive,et le plaisir durable. myspace.com/nostoc2Yves Tradoff

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bRuiTAGe ANTOINE LOYER“Poussée anglaise”(Les Disques Bien / Abeille)

Nouveau venu au sein de la chansonhexagonale, Antoine Loyer peut se vanter de lachambouler comme rarement elle ne l’a été, etsemble lui appliquer le traitement que les“modernes” du siècle dernier ont appliqué à lapeinture. Ce “peintre sonore” élague à tout va,bouleverse la structure habituelle couplets-refrain,procédant à la manière dada par collages,fragments de prose énigmatique et dépourvue derime. La musique typée et minimaliste, conçueavec des musiciens indo-pakistanais (accordéon,guitare, harmonium, flûte, guimbarde et tablas),ne cherche pas la séduction immédiate, mais sert au mieux un chant haut perché. Ceschansons ne s’apprivoisent pas sans effort, maisde cet inconfort naît le plaisir de la découverte,pour peu que l’on s’y attarde. Armelle Pioline, du groupe Holden, vient poser sa voix sur Rouge-Gorge, et Dick Annegarn, influence revendiquéedu Parisien, fait l’objet d’un hommage avec une relecture délicieuse du titre Le saule.myspace.com/antoineloyerAlain Birmann

MAGNETIX“Drogue électrique”(Born Bad Rec. / Slovenly Rec.)

Un concept album SF à vitesse grand V : noussommes en 2023, la guerre “psychotronique”finit en paix sociale grâce au Greenlight,drogue gratuite donnée à profusion à lapopulation. Les séries B, références du rockgarage, fournissent ainsi aux Magnetix lecarburant pour enrichir leurs riffs rock. LoochVibrato l’anti crooner éructe les consignes, labatterie de miss Aggy Sonora martèle lerythme à suivre. La noirceur sous-jacente etune bonne dose de malignité complètent lacharge… magnétique du combo bordelais.Darktide amène même un peu de mélancolie,une dose d’after surf music. Mais surtout, onretrouve les hymnes essentiels pour coller à larébellion d’un soir ou de toute une vie. Mieuxque le soma d’Aldous Huxley dans 1984,Spider in the corner et surtout Greenlighttiennent les fidèles en laisse. Qu’importe, ils enredemandent ! “Le temps rampe ou accélère,mais avec la drogue électrique, tout retrouvesa lumière.” magnetix.frVincent Michaud

MAISON NEUVE“Joan”(Talitres / Differ-Ant)

L’œuvre est radieuse, à la mesure des émotionsdégagées, si parfaitement retranscrites. Untravail aussi significatif dans le son, celui d’une pop claire et tragique, quedans les diverses voix qui s’expriment. La voixd’un petit garçon qui n’en est plus un, la voixdes aveux terribles et inattendus, ou encorecelles du docteur et de l’enfant sauvage quiquestionnent l’humanité. Le chanteur lesinterprète avec un sang-froid étourdissant,particulièrement désarmant dans Au large de la ville et L’attraction terrestre, deux morceauxécrits en français. C’est la vie qui s’épanchedans Joan, sous la vision d’un romantismemoderne, fait de drames humains. Si le styleépuré se confond dans des formes stoïques, les chansons n’en oublient pas de grandir etd’insuffler tout leur caractère profond. Ainsi, la pop sur mesure de Victor ou l’incandescencede Under skies of fire s’inscrivent dans lesmémoires. myspace.com/maisonneuveBéatrice Corceiro

MANSFIELD.TYA“NYX”(Vicious Circle)

Toujours troublant de chroniquer la NantaiseJulia Lanoë, même si l’aspect schizophrène del’interprète en offre une dualité excitante,quand on sait qu’elle exerce en parallèle chezles régressifs Sexy Sushi. Encore plus étrangeque le premier single de leur troisième albumDes coups, des cœurs atterrisse sur FranceInter. La situation doit faire rire l’intéressée qui oscille dans cet EP entre spleen et férocité.Écrits sous une même main, les textes fontpreuve d’une sincérité aussi désarmante,même si elle préfère ici l’émotion crue ausurréalisme infantile. Rêve ? Cauchemar ? Les compositions jouent les entre-deux,profitent des fêlures pour exploser noscontradictions. Le cœur est serré, la peau à vifet les coups bas sont autant de vengeanceenvers une vie qui ne pardonne pas. Bien sûr, il y a du du Velvet Underground, Dominique A(un compatriote) ou du PJ Harvey là-dessous,mais peu d’Hexagonaux savent sonner avectant de justesse. www.mansfieldtya.comSamuel Degasne

HAROLD MARTINEZ“Bird mum”(Autoproduit)

Ce n’est même pas la peine de le signalertellement cela saute aux oreilles, HaroldMartinez vénère Nick et autres Bad Seeds.Ainsi, Faith healer pose d’emblée uneambiance vieux blues rocailleux. Du folk post-moderne porté par les fantômes du bayou etune voix incantatoire. En neuf titres torturés et salement mis en musique, le bassiste dugroupe Clan Edison, devenu égalementchanteur, auteur et compositeur, réussit un bel album que ne renierait pas 16 Horsepower,autre influence majeure. Même White falcon,avec ses gazouillis, ne parvient à s’en défaire.Sur le morceau titre, qui clôture l’album,lorsqu’Harold Martinez pousse sa voix sombreà peine soutenue par quelques accords deguitare, il parait tout à fait évident que ceNîmois est au moins aussi possédé que sesglorieux aînés. Un album d’atmosphèreapaisant, à la fois minimaliste et inspiré, qui tient la route sur la longueur.myspace.com/haroldbrothersisterPatrick Auffret

ODRAN TRÜMMEL“Rabid dogs”(Another Record)

Cinq titres d’une fraîcheur et d’une énergiedéconcertantes, qui n’ont d’égales que leurqualité musicale. C’est en tout cas l’essaidiscographique le plus débridé d’OdranTrümmel, nerveux et fun à la fois, un genre àlui tout seul. Le Franco-Hollandais et ses deuxacolytes passent allègrement sur les frontièresde toutes sortes. Ce EP chemine comme songéniteur principal, résidant à Londres, maiss’occasionnant des périodes d’enregistrementsur Blois. On chemine entre les Wolfhounds, les Kinks, Beck première cuvée et tous leschenapans géniaux que l’industrie du rock a pu porter. Leonard wizard, en clôture du EP,emprunte les spirales psychédéliques du PinkFloyd époque Syd Barrett, lorgnant même sur la fin vers le Soft Machine et les percussionsmondialistes (on ne dira jamais world, cetteétiquette est réservé à la grande distribution !).Rabid dogs annonce un album déjà baptisé Holyphenomenon à paraître début 2012, à suivresans aucun doute. myspace.com/trummelodranVincent Michaud

OLDELAF“Le monde est beau”(Roy Music)

Piano, guitare et voix en avant, l’universd’Oldelaf est résolument chanson sourire encoin. L’écriture est narquoise (La tristitude, Lemonde est beau) et évoque Souchon ici ou là ;à d’autres moments, c’est Vincent Delerm quivient à l’esprit (Les filles qui s’appellentValérie). La plupart du temps, les chansons sontconstruites empiriquement ; l’artiste part d’undétail et tire le fil de sa pelote de lainetextuelle. Et si quelques titres sont dispensables(Danse, Vendredi), on passe un bon momenten compagnie du bonhomme et on ressortpersuadé que l’on passerait bien une soirée àdéguster le phénomène sur scène. Et puis oùtrouver un titre complet sur un sujet aussibrûlant que La jardinière de légumes (“On ena tous déjà pris, personne ne s’y accoutume,tant pis.”) ? Mention spéciale à J’ai chaud et ausarcastique Nancy : “C’est du Vezoul en moinssexy… Ici on est cousins de père en fils !”.Serge Beyer

THE PATRIOTIC SUNDAY“Actual fiction”(Collectif Effervescence)

Quand il ne joue pas pour Papier Tigre ouSeymour, le Rennais Eric Pasquereau s’occupede son side project, The Patriotic Sunday. Unpremier bon point pour le nom : l’auditeur saitd’avance qu’il voyagera au pays du Stars andStripes. Dans ce nouvel album, Pasquereaus’est offert un bon backband, La TerreTremble!!!. Pour ceux que The Patriotic Sundayévoque tout au plus un week-end douteux chezdes républicains US, disons que leur musiqueest de la pop-folk décontract’. Certes, rien denouveau dans l’Ouest sauvage, mais le tout est fait dans la joie et dans la bonne humeur.Actual fiction n’est pas sans rappeler le duoHerman Düne : les mélodies sont racées,accrocheuses, la voix est élégante et quelqueschœurs viennent parfaire le tout. “Are youcoming in ? My best friends”, nous demandeEric Pasquereau sur le morceau d’introductionGrey chair. Nous sommes tenté de lui répondre“yep” ! myspace.com/thepatrioticsundayCamille Larbey

PIANO CHAT “Ours molaire”(Kythibong / Les Pourricords)

Marceau Bore a, semble-t-il, grandi avec sondiscman vissé sur les oreilles qui diffusait lestorrents bruitistes de Sonic Youth, les envoléspost-rock de la scène montréalaise et le grungede Seattle. Un langage électrique qu’il s’estfinalement approprié seul et qu’il fait bienmieux que réciter sur ce premier album, àl’image du titre d’ouverture Ours molaire quidonne son nom au disque. Comme un symbole,le Tourangeau y orchestre une montéeprogressive où les boucles d’instrumentss’enchaînent dans une cacophonie délirante etfinalement brillante. On est même bluffé par lerendu de Marymarymary qui sonne comme unvéritable effort collectif. Au milieu d’ambiancesbruitistes ou d’atmosphères pop minimalistes,Piano Chat manie à la perfection l’art de nousfaire frissonner. Il sait nous mettre au supplicejusqu’à la limite de l’intenable (À outrance) ouépurer tout le morceau pour faire briller uneenvolée de décibels (We always are foreigners).Les dents de sagesse sont encore bien cachées !myspace.com/pianochat Damien Baumal

HERVÉ PROVINI “Digital musiclandscape for drum and computer”

(AudioActivity / Creative Commons)

Bâtir des sonorités et par là même un univers, le Graal que nombre de musiciens parviennent à peine à esquisser. Hervé Provini peinerait luiplutôt à définir des frontières à ses riches pay-sages digitaux. Son jazz chaotique et musiquesimprovisées baignant dans l’électroniquesemblent ainsi en perpétuelle exploration. Levoyage commence par Spiral, le bien-nommé,conçu pour faire tourner les têtes. En phasefinale, son chaos de batterie achève de faireperdre ses repères à l’auditeur. Dans cettesomptueuse introduction, l’énergie groove d’un Amon Tobin côtoie le sens de la ruptured’un Parmegiani, le tout dans une musicalitécoltranesque. Subway en suivant s’enfonce dans les profondeurs d’un rock volcanique, tout en tension contenue, qui finit par exploser.Encore une fois, la densité sonore et la finessedes arrangements affinent le décorum, sansjamais sombrer dans le pompier. Ce divin périple s’avère en outre très démocratique,puisque disponible en téléchargement libre.www.audioactivity.net Vincent Michaud

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SCHEISSEBERG“Cherry Mount”(DV’s Record)

Un nom à coucher dehors, mais surtout pas faitpour s’y vautrer. Scheißeberg signifie en effet“montagne de merde” en allemand. Un nomqui pue, contrebalancé par un titre d’albumaguicheur, le Mont Cerise, mais surtout unemusique sonique sans concessions. Les huittitres font mouche, sans vers, dans une veinenoise punk mélodique proches de la rencontreentre un Sonic Youth juvénile et Unsane, laterreur en moins tout de même. Les Bordelaistiennent à garder le cap pour chaque morceau,à la limite de perdre haleine. La production estidéale, aucun instrument ne prend le pas, lechant nerveux garde ses distances, le tout sedevant de laisser l’auditeur lui aussi sans repos.Une certaine idée de la noirceur s’y propage,teintée d’esprit libertaire forcément. Si sur cetessai discographique on n’est loin du bruit pour le bruit, il se murmure - si l’on peut parlerainsi - que le groupe prend une toute autreampleur en concert. scheisseberg.free.frVincent Michaud

bRuiTAGe FAUSTINE SEILMAN & THE HEALTHY BOY “The longlife’s journey” (Arbouse Rec.)

L’écoute de ces dix titres inspire un légervertige : celui d’un voyage au bout duquel onne trouve rien d’autre qu’une terre d’automne,chaude de la couleur orangée des arbres maisinfiniment triste, aussi, car déjà imprégnée parl’odeur minérale de pluie annonçant l’hiver.Faustine Seilman et Benjamin Nerot, alias The Healthy Boy, tous deux chanteurs,compositeurs et instrumentistes, se sont réunisici le temps d’un album. Ensemble, ilsexplorent une veine intimiste et mélancolique,à la fois dépouillée et luxuriante. Leurs voix,chaude et folk pour elle, grave et nervuréed’ombres pour lui, étaient faites pours’assembler. Les mélodies, sur lesquelles desfantômes balayent de leurs voiles soyeux, sontsubtiles et racées, accompagnées de guitare etpiano. Et le temps souvent se suspend, commela respiration d’un promeneur cherchant lalumière à travers la frondaison trop épaissed’une forêt. myspace.com/faustiboyAena Léo

SÉRIE NOIRE“La vita è bella” (Autoproduit)

Tiens, du rock en français sans titre anglo ! Ça devient rare et ça fait du bien. Passée ladispensable intro parlée, téléphonée plusexactement, le titre IPSOS aux accents Noir Désir est plutôt de bonne augure. Les titres qui suivent font un peu retomber lapression : les textes ne sont pas à la hauteuret sonnent juvéniles, rage adolescente (“On fait du rock’n’roll, on vit desASSEDIC”) bien que la belle énergie soit là.Mais on ré-embarque vite avec Fanny Bloomet ses recherches musicales pertinentes, Le ciel et ses envolées vocales ou Quelquesdéserts et La fugue et leurs douceursbienvenues. “Je sais encore ce qu’il me reste à faire… traverser quelques déserts”,chante Collange, le leader du trio. Allez,l’oasis n’est pas si loin. “Même pas mal, jereviens de loin”, c’est déjà une excellentenouvelle ! www.noireserie.comSerge Beyer

BERTRAND SOULIER“Single”(Abacaba / L’Autre Distribution)

La plupart du temps, il compose pour desartistes bien plus connus que lui, commeFlorent Pagny ou Sinclair. Après tout, il fautbien vivre… Mais en parallèle, BertrandSoulier a son projet solo. Il ne fait pas commeles autres et c’est tant mieux : son premieralbum, Discorama, était un best-of imaginairedes meilleurs tubes 1971-2017 d’un artisten’ayant jamais existé. Finalement, le meilleurmoyen de réussir une carrière dans la chansonest peut-être de commencer par la fin. Dansson nouvel opus, Bertrand Soulier croque le quotidien avec un regard amusé. Entreritournelles romantiques (Patiner, Ninon dansla lune), ballades (La Vologne) ou écorchuresbiolaysques (Le mépris), il manie la plumeavec adresse. On le suspecte presque d’utiliserla dérision pour masquer un petit cotésentimental, comme sur le titre Airlines. Au final, Single, ce sont treize chansons, soittreize hits ! myspace.com/bertrandsoulierCamille Larbey

SOCIAL SQUARE“For the time being”(Autoproduit)

Le larsen siffle aux oreilles, les guitaresexcitées font déjà la course et la batterie semet rapidement à leurs trousses. “Si j’étais un snowboarder…”, comprend-on dans lepremier titre. Une éclaircie transperce le ciel etla glisse speedée sur les pentes repart de plusbelle. On a embarqué avec Social Square et sapop-noisy à sensations et l’on sait déjà que l’onne va pas le regretter. Si Wasted semble pluscalme, le groove de la rythmique se fait bienressentir et le final tout en nervosité dumorceau a de quoi nous tenir animé. Superintro et solos de guitares de It vs you, lapower-pop dynamique en grande forme donnele tournis. Suivent l’orageux So cold, le rythmeaccidenté de No one knows, avant que Walk in your shoes ne conclut dans un délice de popsaturée à l’intensité flexible. Aussi puissant queréjouissant, le nouvel enregistrement du trioparisien marque encore les bons points.myspace.com/socialsquareBéatrice Corceiro

EVELINN TROUBLE“Television religion”(Chop Records)

La Suisse, nouvelle terre fertile pour jeunespousses rock féminines ? Après la révélationSophie Hunger, voici Evelinn Trouble. Et ellesont plus en commun que leur nationalité : les deux ont quitté leur groupe initial pour selancer en solo, et Sophie Hunger avait invitéEvelinn sur son album en tant que choriste.Mais pour cette dernière, après un premieralbum dans les pas pop-folk de son aînée, c’est aujourd’hui que commence la vraieémancipation, avec un album qui bascule du côté sombre d’une force indomptable.Television religion, la forme dans laquelle elle s’incarne désormais, est un capharnaümd’humeurs bariolées mais toujours vives, oùrock et machines, électricité et électronique,s’allient dans un même dessein de bousculerles cadres et les conforts. À coup de rythmiquedésordonnée, de guitares et de synthés à lacolère froide et d’une voix qui n’oublie pas de chanter, Evelinn sème le trouble…www.evelinntrouble.comJessica Boucher-Rétif

TRUNKS“On the roof”(Are You Trunked / Il Monstro)

Trunks est un quintette réunissant desmusiciens qui ont déjà de sacrés bagages àl’instar de la chanteuse-bassiste Laetitia Shériff,auteur des disques Codification (2004) etGames over (2008) ou du batteur RégisBoulard (Chien Vert, Sons of the Desert…). Le groupe tire sa force du fait que son style est proprement indéfinissable tant leschangements d’atmosphères y sont courants etpertinents. Piochant dans le post-rock par ici,dans le jazz par là, dans l’expérimentalsouvent, Trunks gère à merveille l’intensité deses titres, passant d’un saxo endiablé à uneguitare contemplative en un clin d’œil. Si saformation rock classique offre déjà à boire et à manger, le groupe a ajouté un saxophonistequi produit à la fois les mélodies et des nappesd’arrière-plan. En évitant soigneusement lacase “machines”, Trunks donne à On the roofun goût délicieusement organique.www.trunks.frYves Tradoff

TV GUESTS“Franklin 101”(Izica)

Pour enregistrer leur nouvel album, les TVGuests sont allés taper l’incruste chez JasonFalkner, à L.A. Ce musicien aguerri, aperçu aux cotés de Paul McCartney, Beck ou Air, aaccepté de donner un coup de pouce au duoparisien, après que ce dernier l’eut contactévia… Facebook ! À ceux qui rêvent de bosseravec Philippe Zdar (producteur de Phoenix etBeastie Boys), vous savez ce qu‘il vous reste àfaire ! Mais revenons à TV Guests. Ce groupesemble surgir de quelques décennies passées ;la jaquette en guise de réclame vintagel’atteste. Et la confirmation arrive lorsque les deux Parigots se déclarent fans de Blur.Tout comme le célèbre groupe britannique, ilspartagent l’amour des morceaux pop aux riffslégers, synthés enjoués et chœurs joyeux. Dans les paroles, ça parle d’amour, de filles,des dimanches et encore d’amour. De la brit-pop, oui, mais qualité “made in France”.myspace.com/tvguestsCamille Larbey

VIDEO LOVE“Mon ange”(Lentonia Records)

Elmapi compose, écrit les textes, chante, jouedes claviers et des machines. Matterlink,vidéaste (par ailleurs, réalisateur de cinéma)intervient en concert avec sa collectiond’images animées et samplées. De ce filmd’amour, nous n’aurons pour le moment que la bande son, à chacun d’imaginer son proprescénario. Pour la scène, sachez que Video Lovese produit habituellement aux États-Unis. Lesneuf titres de Mon ange sont comme autant deséquences cinématographiques, des rythmesglaçants du Bruit des machines jusqu’auxsynthés entêtants de Wild driver. Les sonsélectroniques, métalliques, tranchants, incisifs,sont adoucis par la voix d’Elmapi et ses phraséspoétiques, donnant aux compositions un espritléger, chanson, pop. Nous écoutions récemmentCharles de Goal, Martin Dupont, Kas Product,Poésie Noire : Video Love assure bien lacontinuité avec une démarche exigeante etdéterminée. myspace.com/wearevideoloveElsa Songis

WINE“No sweet home”(Bax Records)

Lorsque le grand Matthias Schneeberger(Masters of Reality, Queens of the Stone Age)accepte de quitter son étouffant désertaméricain pour venir enregistrer en plein hivernormand, c’est que la galette doit valoir lecoup. Si Mario Lalli (Fatso Jetson), parrain decette même scène stoner, fait l’effort degrattouiller sur quelques titres, c’est vraimentque l’on tient du lourd. Mais l’on n’oublie pasle duo de base sans qui rien de tout cela neserait arrivé. En seulement 11 titres et 47minutes, cette joyeuse équipe revisite le rockde racine blues de manière musclée (façonSonic Youth) et sensuelle (façon The Kills) etcrée une sacrée surprise là où on ne l’attendaitpas. Le chant de Sophie épouse parfaitementl’ombre de PJ Harvey, la basse est magistrale,les riffs bien exécutés, le tout sans trop en faireou donner dans le sensationnel. Mentionspéciale à Wheel of time qui ouvre le trip demain de maître. www.wine-music.frJulien Deverre

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bRuiTAGe SUBWAY“Hide and seek”(Autoproduit / L’Autre Distrib.)

Une nouvelle chanteuse, Adeline, mais aussiune nouvelle bassiste, Cléo, pour le groupesolidement drivé par la rythmique des soeursJulien : Samantha et Sarah. La formationrevient en grande forme avec un album touten anglais et fortement marqué par la volontépréservée de faire rugir les guitares avec unevraie féminité. No way out, son phrasé syncopéet ses contre-chants minaudants donne le tonavec une guitare saturée à la Sonic Youth.Can’t touch this confirme le désir de soignertant les climats que les ruptures mélodiques. La voix s’envole, les chœurs sont entraînants et séduisants. Le résultat ? Un excellent disquerempli de perles noires telles Blank ou Miraclesand prayers, justement noyé dans la saturationdes guitares. Débarrassé des considérationscommerciales inhérentes au rock français,Subway vient de réussir un grand album indé,un manifeste du rock au féminin.www.subway-officiel.comPatrick Auffret

TANGRAM“Mise en pièces”(Autoproduit)

On peut plier le puzzle dans tous les sens, ilinterpelle sous plusieurs angles. Incisif, parceque la forme est vive et percutante, intelligentparce que le propos entend réveiller et agiterles neurones qui s’ennuient dans nos cerveaux.Et la combinaison fonctionne bien. Pasétonnant que le duo autoproclame son propreslogan : “Le fond et les formes” ! Cette Miseen pièces revendique avant tout l’esprit du jeu,du spectacle. Par son côté malin et rentre-dedans, elle permet au spectateur de participer,de s’impliquer dans la partie. Le styled’écriture, si singulier, fait passer ses idées par une approche qui mêle poésie et rusesverbales. Les mécanismes de réflexion sont en marche. La production sonore, à base deguitares et d’électronique, donne beaucoupd’énergie et une texture originale àl’ensemble. Benjamin Vaude (MacZde Carpate)et Guillaume Dussably (Jokari Players)semblent avoir touché leur but.myspace.com/tangramusicBéatrice Corceiro

YSÉ“Nouvelle ère”(Pélican Productions)

En 2009, Ysé laisse tout tomber pour seconsacrer à son premier album. Nouvelle èreest son nom, plutôt bien trouvé d’ailleurs. À 31 ans, la chanteuse franchit un nouveau capmusical sans jeter un regard en arrière. Sur savie d’avant, mais pas sur son époque. Celle quise décrit, enfant, comme une croqueuse de 45 tours, retrouve de bon cœur la chanson àtexte d’antan. À mille lieux des vedettes auxtimbres friandises, sa voix suave, puissammentsensuelle, en évoque d’autres, beaucoup plusanciennes ou aussi affirmées qu’elle. Le premiermorceau, qui donne son titre à l’album, etcertains des suivants, ne manqueront pasd’évoquer Bashung. Comme lui, la demoisellemanie sa voix en instrument de précision. Sur des lignes écorchées, elle l’enroule dans le feutre, ralentit sciemment le rythme pourmieux monter ensuite dans l’intense et gravir les octaves. Les textes sont à l’image,prodigieux de féminité et de sens. Graves mais délicieux. www.yse-music.frRomain Gouloumès

ZEDRUS“Dans la différence générale” (Y’Qat Music)

“Je rêve d’être méchant, que mon cœur foutele camp, de botter le cul à l’abbé Pierre, defoutre une droite à ma grand-mère. J’en rêve,mais je n’y arrive pas…” Le ton est donné.Zedrus use de mots habiles pour une ode àl’amour. Sur des airs charmeurs, il détaille sonadoration pour les femmes tout en distillant çaet là ses expériences, ses déceptions et sesrêves. Maîtrisant parfaite-ment tout ce quirelève de la dualité, du parallèle et du binôme,il évoque les différents thèmes abordés enutilisant des couples d’expressions judicieu-sement choisis. Ainsi, il chante l’ambiguïtéentre les compromis de l’amour et la libertétant chérie, fait rivaliser la femme avecl’amante en énumérant leur complémentaritéet raconte qu’ils allaient ”si bien ensemble,comme la main et la fesse, le Petit Poucet etle GPS.” Empruntant le bel entrain du rock, lamusique est vive et déploie une atmosphèretendre et amusante. myspace.com/zedrusMélodie Oxalia

eN bReF & MAXiSLE BARON DE VEZELINE“Aerobic songs” (Carotte Prod) Ça démarre comme un Bowie époque Dia-mond dogs et pourtant c’est une ode à Véro-nique et Davina… Ça enchaîne avec des riffsstoniens, voix en retrait, suivent un piano à laTom Waits, une ambiance à la Sweet (Bal-room blitz), ça groove rock, ça mélodise pop,ça enfile des tubes potentiels entre INXS etMika… bref, en totale dichotomie avecl’image de clown en kilt et nez rouge affi-chée sur la pochette ! SB

BENDS “Freak’s parade”(Autoproduit) Bends ? Comme l’album deRadiohead ? Cela sonne comme une évi-dence avec Marquis on the wane. Lorsque letrio breto-normand s’en éloigne, c’est pour serapprocher des autres ténors du genre ; Musenotamment sur A swirl of dust. Vocalises lan-cinantes et guitares mélancoliques portentchaque chanson. Un album qui possède lesatouts pour séduire les adeptes du genre. PA

CLÉO T. “Songbirds singing”(Autoproduit) Après d’électriques débutsavec 21 Love Hotel et des échappées belles,bride sur le cou, avec les Fitzcarraldo Ses-sions, Cléo T. revient avec ses tout premiersmorceaux personnels, cinq chansons au par-fum magnétique et poudré, cinq titres d’unfolk mélodramatique et fantastique. À la pro-duction : John Parish, l’idéal pour servir cettevoix de magicienne, rivale de Kate Bush.myspace.com/cleotmusic SD

THE DANCERS “New chemistry”(Goo Music) À la première écoute, les re-frains obsèdent déjà. La pop festive distilléepar le trio fait vite danser les guiboles. Lestrois Angevins surprennent par une énergiedébordante et une assurance sur scène évi-dente malgré leur jeune âge. Une spontanéitéqui a séduit les Anglais de The Subways.Ceux-ci les accueilleront d’ailleurs en premièrepartie lors de leur tournée d’automne.www.welovethedancers.com AT

DATE WITH ELVIS “Twilight”(Autoproduit) Un tout petit chromosomede Johnny Rotten a dû s’égarer car le géno-type de la voix du chanteur en dégage unesuave réminiscence. Une seule envie ici : serepaître d’un rock garage trop rapidement ter-miné à notre goût. Que les fans des Crampsse lèvent, leur titre d’album a muté en unnom de groupe originaire de Marseille à nesûrement pas zapper. Maho

JUN & THE PARADOX MIND“Wandering soul” (Autoproduit)Une partie de ce premier EP aurait été com-posée en Angleterre, ce qui surprend peu à ladécouverte des racines très anglophones dugroupe. Enflammé et sensible, son rock rap-pelle les écorchures explorées par Jeff Buck-ley (dont les promptes envolées vocales del’initiateur du groupe J. Demont sont trèsproches) ou encore les Belges d’Arid. myspace.com/jun2601 JBR

KLINK CLOCK (Autoproduit)Le nom de ce duo mixte n’est pas évident àprononcer mais à le mérite de s’accorder à samusique : du bon gros garage rock. Elle mar-tèle sa batterie tout en chantant de sa voixrauque. Lui sort de sa guitare des riffs tran-chants, le pied enfoncé sur la pédale de disto.Comme les White Stripes ou The Kills, KlinkClock démontre qu’il est toujours possible defaire à deux autant de bruit qu’à douze ! CL

MODERN FOLKS “Can’t pull thewires” (Aderock Records)Faussement simple, la musique du groupe pa-risien se mérite. Après plusieurs changementsde line-up et un enregistrement hivernal, voicienfin le nouvel EP. Il y a toujours du TalkingHeads (Gimme the moon), mais aussi duWolf Parade dans le premier single So overra-ted. Sans faire de vagues, le désormais qua-tuor continue d’imprimer sa marque defabrique en attendant le succès mérité. JD

MR BIOS “Cluster” (Chez Kito Kat)Certains ont peut-être déjà croisé ChristopheBiache au sein de ses groupes Komparce etBeat for Sale. Sous le nom de Mr Bios, ilpeint sept tableaux musicaux au pinceau del’ambient. Ce Messin d’origine développe ununivers entre deep-techno et minimale. Ànoter un beau remix réalisé par Dog BlessYou, un autre excellent artiste du label. CL

MRS GOOD “The woman of manydreams” (Autoproduit)Ce groupe de chevelus aux chemises érein-tées ne fait rien comme les autres. Quelquesmois après avoir livré la BO du film La lisière,Mrs Good sort son premier maxi, dans ladroite lignée du folk-rock des 70’s. L’équi-page francilien crée automatiquement l’adhé-sion autour d’une musique fascinante,savamment ficelée en électrique comme enacoustique. Il évite même l’écueil de la nos-talgie. myspace.com/mrsgoodparis RG

NO FAÏENCE (Autoproduction)Belle pochette DIY pour ce premier 4 titres enprovenance d’un power-trio de la Roche-Guyon. À la manière de Mogwaï, avec unevraie nervosité dans les riffs, ces musiciensprivilégient les climats avant de laisser la voixse noyer dans les lignes de guitare du pos-sédé Heretic. Enfin, le terrible WFAWAF, plusBowie que post-rock, est très convainquant.nofaience.bandcamp.com PA

PASTORAL DIVISION “I heard Ken-nedy’s death on this radio” (Auto.)Quel plaisir de voir l’autoproduction en arriverlà. Un duo breton qui en 6 titres donne envied’en écouter mille autres. Des arpèges, desvoix suspendues, de la synth pop, le fantômed’Elliott Smith, des bips et des beats, voilà leprogramme d’une folktronica qui ne se prendpas la tête et qui aligne des douceurs popentre joie et tristesse. Le “bonheur d’êtretriste” selon François et Sébastien. JD

QUADRICOLOR“Hide / Lie / Pre-tend / More / Than” (Autoproduit)Depuis leur tube Euphony, sorti il y a troisans, ces cinq jeunes Niçois ont aussitôt étécatapultés “révélation /relève française” enmatière électro-pop. L’adoubement était am-plement mérité. Sur cet EP, Quadricolorconfirme leur talent dans l’art de la rupture :les césures afro-beat, psyché, prog, rock ouélectro s’enchainent avec aisance et grâce.Pour quand le premier album ? CL

THE SKANS “Alaska” (Chez Kito Kat)Ce premier EP enregistré par Fabien Pillard(Venus in the Dust) respire la fraîcheur. Surles traces des Strokes, le jeune quintette lor-rain envoie direct un enflammé Philia portépar un clavier sautillant. Golfish in a jar, plusévident, plus mélodique aussi, séduit avecson chant enlevé. Un dernier morceau, Heart-breaker, impose l’ouverture cold-wave. Pastrès homogène mais néanmoins séduisant.www.theskans.bandcamp.com PA

SONIC SATELLITE (Autoproduit)The Smiths et Jesus & Mary Chain ont eu desenfants. Pierre Dubost (Tarmac) a assisté àl’accouchement et en conclu que 5 titres pourleur rendre hommage ne seraient pas de trop.En résultent des morceaux power pop (lestubes Show me the way et I wish) qui s’ac-crochent à leurs riffs et à leur petit effet newwave comme à un hochet. On s’en seraitdouté, un album est d’ores et déjà en prépa-ration. myspace.com/sonicsatellite JD

TAPENGA “TV slept through myeducation” (Autoproduit)Dans son nouvel EP, le quatuor azuréen affineune musique schizophrène et une énergierock tout à fait dans l’air du temps, sinon enavance. Maîtrisées et originales, les six pistesparviennent on ne sait comment à former untout cohérent malgré le mélange de genres,coquets et grunge, que l’on pensait inconcilia-bles. Une démonstration de force à la Ta-penga. www.tapenga.com RG

TÉLÉMAQUE“Groupie” (Chez Kito Kat)Un hip-hop électronique inscrit dans sa géné-ration, sur les traces de TTC et autre Klub desLoosers. Groupie est le premier essai du rap-peur messin Télémaque dont le phrasé sepenche sur son cœur (Ma muse et ses mys-tères) comme sur sa condition (L’amour pro-pre). Groupie est également le titre central,remixé ici par Espion et Dog Bless You. myspace.com/telemaquehiphop TG

THIRTEEN DEAD TREES “Are theirroots still alive ?” (Hors Cage)Dans ses compositions de blues-folk, Florianmêle et superpose acoustique et électrique,compose un disque en deux parties, “deep”et “deeper”. Il formule un propos ténébreux,dans des structures qui recherchent l’envoûte-ment, quelque chose qui relève de l’incanta-tion. Pour un résultat empreint d’unesolennité grave. BC

THOMAS HOWARD MEMORIAL(Upton Park) Deux membres des Craft-men Club sont à l’origine de cette formationrock atmosphérique qui ne cache pas songoût ni son ambition. La production est bienaffirmée, les cinq titres montrent un caractèremélodique bien trempé, une électricité élé-gante, un rythme à la fois planant et exalté,entre dEUS et Archive. myspace.com/tho-mashowardmemorial BC

TWIN PRICKS “Songs about flirting” (Chez Kito Kat)Comme le titre et la pochette le laissent pré-sumer, le duo propose des chansons pop élec-triques, inspirées par le flirt et emportées parl’énergie de teenagers dans l’âme. À deuxvoix, avec guitares et synthés, et un peu devioloncelle sur le dernier titre au ton plustriste, les deux musiciens essaient des chosesdiverses avec une frénésie manifeste. BC

ZOUFRIS MARACAS “Et ta mère”(Chapter Two / Wagram)L’EP de six chansons drôles, amères ou enga-gées, rythmées par des guitares tropicales,fera danser cet automne ! Avec des textespointant du doigt la société et ses écueils (ledroit au non-travail, la parole d’un gamin ar-rêté par la police, un chant citoyen…), lesdeux Vincent savent aussi émouvoir : par unerupture amoureuse, ou au lendemain d’unenuit d’amour. myspace.com/vinsandthezou-frismaracas ES

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HUMEUR & VITRIOLCA GAve

Dites-le avec des fleurs

J e préfère me pendre plutôt que d’habiter la rue des Mimosas. Ou celle des Myo-sotis. Ou de tout autre nom de fleur, plante, espèce végétale ou animale, y com-pris celui de l’un des sept nains, Schtroumpfs ou tout autre personnage ou objet

sans intérêt autre que de ne pas faire de vague à la commission municipale de lavoirie urbaine. Non pas que j’ai un sens du ridicule développé au point de refuser dedonner une adresse qui me ferait passer pour une filiale d’Interflora ou pour un mem-bre de la Ligue de Protection des Oiseaux. Il n’y a pas de sots métiers comme disentceux qui en ont un qui rapporte. Non pas, non plus, que je répugne à ce fumet si dé-licieusement pavillonnaire que sous-entend la sonorité agreste de cette dénominationvicinale, même si la perspective d’habiter une tour d’habitation horizontale rigoureu-sement identique à celle des autres condamnés à la “rue des Renoncules”, eux aussiidentiques, de veiller à la taille mensuelle de la haie qui délimite mes 42,5 mètres car-rés de terrain et me permet de ne pas me retrouver directement dans la salle de bainde mon voisin chaque fois que je sors de chez moi, d’acquérir un chien, une RenaultEspace et une conduite rigoureusement sociable auprès d’un voisinage correspondantpeu ou prou à mon profil socio-culturel, même si donc toutes ces délicieuses pers-pectives m’enthousiasment assez modérément et pourraient me conduire, en soi et àla longue, à l’auto-pendaison évoquée plus haut. Même s’il faudrait pour y parvenirque j’apprenne à faire des nœuds et que je suis trop âgé pour m’engager chez lesscouts afin d’y suivre ce genre de leçon, quand bien même j’éprouve une fascinationsans borne pour ces jeunes gens bien sous tous rapports qui, jusqu’à un âge avancé,acceptent de se promener partout et par tout temps en culotte courte sans en éprouverla moindre vergogne. Si je n’étais pas aussi rigidement hétérosexuel au point de mesentir terriblement démodé dans les soirées branchées, cela pourrait déclencher enmoi autre chose qu’un vague enthousiasme devant tant d’ardeurs juvéniles pudique-ment dissimulées sous la toile rigide de ces uniformes seyant qui sentent la sueur etles hormones bouillonnantes difficilement canalisées à coups de marches pédago-gico-extrêmes et de veillées de prières. Il y a aussi des scouts filles, me direz-vous.Merci de la précision mais là n’est pas le sujet. Inutile d’éveiller une turgescence va-guement pédophile que je peine à dissimuler sous l’apparence glacée d’une dignitéde tous les instants. La bête sommeille, foutons-lui la paix !

Non, ce qui me désole dans le fait d’habiter la rue des Mimosas est l’affligeante miè-vrerie de cette dénomination. Soucieux de ménager les chèvres électrices et les chouxpétitionnaires récurrents, les municipalités s’abritent derrière ces nounouilleries d’uneneutralité qui feraient passer le gris souris pour une couleur criarde. Il s’est trouvérécemment de bons citoyens s’offusquant et protestant en chœur pour s’opposer,dans un trou du sud de la France, au baptême d’un rond-point du nom du GénéralBigeard. Outre le fait que le rond-point est sans doute ce qu’il convient le mieux à lacélébration d’un militaire de droite puisque c’est un endroit où l’on peut avoir l’im-pression d’avancer tout en tournant en rond, je ne vois pas en quoi donner un nom àla con à un endroit où l’on ne fait que passer peut défriser de pauvres péquins quiauraient sans doute préféré une fadeur toute moderne à cette désignation. Au moins,l’édile de cette commune a des opinions et quand bien même elles ne sont pas latasse de thé des autres, c’est méritoire de ne pas les dissimuler. Et puis personne nes’offusque lorsqu’on baptise un lieu du nom de l’entreprise qui s’est acheté le droitd’y apposer sa plaque. Je préfère mille fois voir le nom de Bigeard à celui de McDo-nald’s, fut-ce sur un rond-point miteux dans une ville où je n’irai jamais parce quej’aime pas le sud et puis c’est tout.

À une époque où avoir des convictions n’était pas une injure au bon sens démocra-tique, on fleurait bon le gros rouge devant la rue Karl Marx, le rose vif dans une avenueLéon Blum, le bleu-roi soutenu sur un Quai Louis XVIII voire le noir devant quelquevenelle Maurras. Au moins, on savait à quoi s’en tenir et cela donnait une personnalité,sinon aux habitants, du moins aux rues et aux villes qui les accueillent. C’est juste-ment ça, la démocratie : que ceux que la perspective d’habiter une rue Gagarine ouune impasse Maurice Barrès acceptent bon gré mal gré que la couleur politique desélus par leurs concitoyens et voisins s’affiche sans honte, tout comme ils ne manquentpas une occasion de montrer la leur (leur couleur politique, je veux dire ; l’épisodescouts est clos, il est trop tard pour montrer autre chose). On ne peut pas non plusappeler toutes les écoles Prévert, toutes les crèches Dolto, et maquiller toutes lesrues en devanture de jardinerie pour baigner dans la niaiserie à perpétuité. Parcequ’à force, tous ces noms de fleurs, ça finit par donner une gerbe.

Jean Luc Eluard

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