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Mise au point L utilisation des défibrillateurs semi-automatiques en France : état des lieux et perspectives en 2005 Use of automatic external defibrillators in France: state of the art and future P. Plaisance a, *, C. Broche b a Service daccueil et de traitement des urgences, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France b Département danesthésieréanimationSMUR, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France Résumé La défibrillation semi-automatique est un paramètre fondamental de la réanimation cardiopulmonaire. Elle doit être la plus précoce possible pour avoir un impact efficace sur le pronostic des patients. Depuis une dizaine dannées, la défibrillation semi-automatique sest implantée dans le monde et particulièrement en France dès la phase de prompt secours. Les appareils sur le marché sont très fiables et permettent une utilisation simple chez les personnes formées quelles aient une formation paramédicale de base ou non. L implantation de ce type dappareil se fait de façon progressive dans des lieux spécifiques ou publics de différentes régions de France. Même si cette phase de réanimation de base doit avoir une place importante dans le traitement de larrêt circulatoire, elle ne doit pas occulter le fait quelle sinscrive dans une formation globale dapprentissage des gestes de secours. © 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Automatic external defibrillation is one of the main parameter of cardiopulmonary resuscitation. This technique must be performed as soon as possible in order to induce a positive impact on survival rate. Since the last ten years, early defibrillation has been approved all over the world and specially in France. Devices are accurate and allow a simple use from professional or non professional rescuers. Implementation of this kind of device is going progressively in specific and public areas in France. Even though this phase of basic cardiopulmonary resuscitation must have an important place in the treatment of cardiac arrest, one must still focus on global teaching and training on basic gestures. © 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Arrêt cardiaque ; Défibrillation semi-automatique ; Défibrillation automatique externe ; Réanimation cardiopulmonaire Keywords: Cardiac arrest; Semi-automatic defibrillation; Automatic external defibrillation; Cardiopulmonary resuscitation La mort subite touche de 20 000 à 50 000 personnes par an en France [1] et elle représente environ 10 % de la mortalité totale [2]. Cette étude française comme les études américaines montrent que la mort subite est plus fréquente chez lhomme et augmente avec lâge, lâge moyen se situant entre 50 et 60 ans, les affections cardiovasculaires constituant la première cause de mortalité dans les pays industrialisés. Chez ladulte, 80 % des arrêts cardiorespiratoires extrahos- pitaliers non traumatiques ont un rythme initial en fibrillation ventriculaire, quelle soit primitive ou issue de la dégénération dune tachycardie ventriculaire [3]. Plus rarement, il sagit dune bradycardie, dun bloc auriculoventriculaire ou encore dun trouble de la commande sinusale [4]. De nombreuses étu- des montrent régulièrement que le pronostic des arrêts cardio- respiratoires en fibrillation ventriculaire est amélioré par une réanimation cardiopulmonaire comprenant une défibrillation précoce. Le taux de survie des arrêts cardiorespiratoires est di- rectement lié à la rapidité de mise en œuvre des manœuvres http://france.elsevier.com/direct/REAURG/ Réanimation 14 (2005) 707711 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Plaisance). 1624-0693 /$ - see front matter © 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2005.10.012

L'utilisation des défibrillateurs semi-automatiques en France : état des lieux et perspectives en 2005

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Mise au point

L’utilisation des défibrillateurs semi-automatiquesen France : état des lieux et perspectives en 2005

Use of automatic external defibrillators in France: state of the art and future

P. Plaisance a,*, C. Broche b

a Service d’accueil et de traitement des urgences, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, Franceb Département d’anesthésie–réanimation–SMUR, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France

Résumé

La défibrillation semi-automatique est un paramètre fondamental de la réanimation cardiopulmonaire. Elle doit être la plus précoce possiblepour avoir un impact efficace sur le pronostic des patients. Depuis une dizaine d’années, la défibrillation semi-automatique s’est implantée dansle monde et particulièrement en France dès la phase de prompt secours. Les appareils sur le marché sont très fiables et permettent une utilisationsimple chez les personnes formées qu’elles aient une formation paramédicale de base ou non. L’implantation de ce type d’appareil se fait defaçon progressive dans des lieux spécifiques ou publics de différentes régions de France. Même si cette phase de réanimation de base doit avoirune place importante dans le traitement de l’arrêt circulatoire, elle ne doit pas occulter le fait qu’elle s’inscrive dans une formation globaled’apprentissage des gestes de secours.© 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Automatic external defibrillation is one of the main parameter of cardiopulmonary resuscitation. This technique must be performed as soon aspossible in order to induce a positive impact on survival rate. Since the last ten years, early defibrillation has been approved all over the worldand specially in France. Devices are accurate and allow a simple use from professional or non professional rescuers. Implementation of this kindof device is going progressively in specific and public areas in France. Even though this phase of basic cardiopulmonary resuscitation must havean important place in the treatment of cardiac arrest, one must still focus on global teaching and training on basic gestures.© 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Arrêt cardiaque ; Défibrillation semi-automatique ; Défibrillation automatique externe ; Réanimation cardiopulmonaire

Keywords: Cardiac arrest; Semi-automatic defibrillation; Automatic external defibrillation; Cardiopulmonary resuscitation

La mort subite touche de 20 000 à 50 000 personnes par anen France [1] et elle représente environ 10 % de la mortalitétotale [2]. Cette étude française comme les études américainesmontrent que la mort subite est plus fréquente chez l’homme etaugmente avec l’âge, l’âge moyen se situant entre 50 et 60 ans,les affections cardiovasculaires constituant la première causede mortalité dans les pays industrialisés.

Chez l’adulte, 80 % des arrêts cardiorespiratoires extrahos-pitaliers non traumatiques ont un rythme initial en fibrillationventriculaire, qu’elle soit primitive ou issue de la dégénérationd’une tachycardie ventriculaire [3]. Plus rarement, il s’agitd’une bradycardie, d’un bloc auriculoventriculaire ou encored’un trouble de la commande sinusale [4]. De nombreuses étu-des montrent régulièrement que le pronostic des arrêts cardio-respiratoires en fibrillation ventriculaire est amélioré par uneréanimation cardiopulmonaire comprenant une défibrillationprécoce. Le taux de survie des arrêts cardiorespiratoires est di-rectement lié à la rapidité de mise en œuvre des manœuvres

http://france.elsevier.com/direct/REAURG/

Réanimation 14 (2005) 707–711

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Plaisance).

1624-0693 /$ - see front matter © 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.reaurg.2005.10.012

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adaptées de réanimation, il diminue de 7 à 10 % par minute quis’écoule après l’effondrement [5–8].

1. Physiopathologie de la fibrillation ventriculaire

La fibrillation ventriculaire est le trouble du rythme le plusgrave, d’évolution constamment fatale en quelques minutes.Elle est due à une désynchronisation complète du myocardedu fait de l’existence de multiples circuits de microréentrée.La désorganisation de l’activité électrique est totale. Les ven-tricules demeurent dans un état intermédiaire de demi-relaxa-tion qui compromet gravement leur fonction pompe. La pertede connaissance peut survenir seulement après quatre à cinqsecondes d’hypoperfusion cérébrale, tandis que les lésions tis-sulaires cérébrales irréversibles se constituent en quelques mi-nutes.

Paradoxalement, si un courant électrique alternatif de faibleintensité délivré aux ventricules est susceptible d’induire unefibrillation ventriculaire, l’administration d’un courant élec-trique de forte intensité pendant un laps de temps réduit permetla restauration d’un rythme normal en dépolarisant une grandepartie du myocarde (près de 75 %). Cette zone demeure ensuiteen période réfractaire. Cela se traduit sur l’électrocardio-gramme par une pause électrique d’une durée de trois à cinqsecondes qui précède la réapparition d’un rythme, le plus sou-vent normal, issu du nœud sinusal. Dans certains cas, le foyerpathologique de réentrée peut être le premier à s’activer expli-quant la rechute immédiate de la fibrillation ventriculaire.

Si la fibrillation n’a pas pu être réduite par cardioversion dèsles premières minutes, l’ischémie myocardique liée à l’absencede perfusion des coronaires, ne permet plus au seul choc élec-trique de réduire la fibrillation. Il devient alors nécessaire avanttoute nouvelle tentative de cardioversion de procéder à uneréanimation cardiopulmonaire comportant notamment un mas-sage cardiaque externe. Après une ou deux minutes de réani-mation, une nouvelle série de chocs pourra être délivrée.

La fibrillation ventriculaire correspond à une activité car-diaque anarchique responsable d’une inefficacité mécanique.Si l’athérosclérose coronarienne est retrouvée chez 70 à 85 %des morts subites, il semble que l’infarctus aigu ne soit encause que dans 50 % des cas, une cicatrice d’infarctus ancienparfois passé inaperçu étant fréquemment retrouvée lorsqu’uneautopsie est réalisée [9]. Les atteintes non ischémiques dumyocarde constituent la deuxième cause de mort subite. Parmicelles-ci, on citera les cardiomyopathies dilatées liées ou non àune myocardite (le plus souvent virale), les cardiomyopathieshypertrophiques primitives, la dysplasie arythmogène du ven-tricule droit. D’autres phénomènes ont été incriminés commeles syndromes du QT long congénital, de Wolff-Parkinson-White ou de Brugada. Cependant, près de 10 % des fibrilla-tions ventriculaires paraissent idiopathiques [4].

2. Historique de la défibrillation semi-automatique

La première défibrillation de l’histoire remonte au XVIIIe

siècle, en 1775, lorsqu’Abildgaard, vétérinaire danois, ramena

à la vie une poule après avoir provoqué un état de mort appa-rente par l’application d’un premier choc électrique externe surle crâne [10]. La fibrillation ventriculaire ne sera cependantdécrite qu’en 1849 par Ludwig et Hoffa et évoquée commeorigine probable de la mort subite en 1899 par Mc. William[11]. À la même époque, les physiologistes français Prévostet Batelli ont montré que les énergies capables de défibrillerle myocarde étaient plus importantes que celles permettant deproduire une fibrillation ventriculaire et ont pour la premièrefois utilisé une forme d’onde biphasique. L’histoire de la défi-brillation est ensuite marquée par les importants travaux deKouvenhoven à partir de 1933, qui décrit le traitement de lafibrillation ventriculaire par une décharge de condensateur, etBeck et al. qui réalisent la première défibrillation interne chezl’homme en 1947 [12,13]. La première défibrillation externechez l’homme est réalisée en 1956 par Zoll et al. [14] et, pourla première fois en préhospitalier, à Belfast en 1966 par Pan-tridge et Geddes [15]. Cette tache est confiée en 1972 à deséquipes d’ambulanciers secouristes dans la ville de Portlandsous la responsabilité médicale de Rose et Press [16]. Eisen-berg et al. montrent, les premiers, une amélioration significa-tive de la survie des arrêts cardiaques pris en charge par desambulanciers équipés de défibrillateurs [17]. Les premiers ap-pareils automatiques apparaissent en Angleterre en 1980 et leurutilisation, à titre expérimental, par des ambulanciers secouris-tes est autorisée par la Food and Drug Administration en 1982aux États-Unis [18].

En France, le Comité d’éthique en 1990 puis l’Académie demédecine en 1993 donnent leur avis favorable à l’utilisation dedéfibrillateurs semi-automatiques, en contexte extrahospitalieret par du personnel non médical, après une première expéri-mentation à Lyon. Devant des premiers résultats encoura-geants, cette étude de faisabilité est étendue à Paris et Lille puisNancy. L’Académie de médecine donne ainsi en 1997 un avisfavorable à la mise sur le marché de défibrillateurs semi-auto-matiques dont l’usage est destiné à du personnel non médical[19,20].

3. Législation

Au regard de la loi, depuis la circulaire du 6 janvier 1962relative à l’autorisation d’utiliser des défibrillateurs, ce gesteest l’apanage de la profession médicale. Il faut attendre 1993pour la parution du premier décret autorisant les personnelsparamédicaux à utiliser les défibrillateurs automatiques exter-nes dans le cadre de protocoles écrits sous contrôle médical. Ladéfinition juridique du défibrillateur semi-automatique apparaîtdans le décret de mars 1998, modifié en 2000, qui précise lesconditions techniques — analyse automatique de l’électrocar-diogramme, chargement automatique de l’appareil si nécessaireet de manière adaptée à la situation clinique, déclenchement duchoc par l’utilisateur, enregistrement de l’électrocardiogrammeet des données d’utilisation de l’appareil — auxquelles doiventrépondre ce type d’appareil et les catégories de personnes ha-bilitées à l’utiliser [21]. Ces intervenants doivent avoir suiviune formation dont les clauses sont fixées dès 1999 et sontmaintenant référencées dans le guide national de référence de

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la formation à l’utilisation d’un défibrillateur semi-automa-tique, mis à jour en 2004 [22].

4. Recommandations scientifiques

Le concept de la chaîne de survie publié par Cummins et al.en 1991 pour l’American Heart Association met en évidence lerôle majeur de la défibrillation précoce dans la récupération desarrêts cardiaques [23]. Les recommandations de l’AmericanHeart Association et de l’European Resuscitation Council in-sistent dès 1992 sur le même point. En 1997, l’InternationalLiaison Committee on Resuscitation affirme que tous les per-sonnels possiblement confrontés à l’urgence doivent être for-més à l’utilisation d’un défibrillateur automatique externe ainsiqu’une partie du grand public (police, personnel naviguantcommercial, contrôleur de train...) afin de permettre une défi-brillation précoce aussi bien intra- qu’extrahospitalière [24]. LaSociété française d’anesthésie et de réanimation précise en1994 que la défibrillation est le premier geste à effectuer encas de fibrillation ventriculaire [25]. Toutes les sociétés savan-tes recommandent actuellement l’apprentissage de cette pra-tique à tout type de personne, et promeuvent en particulierson accès au grand public en axant les programmes de forma-tion vers la population non initiée [26,27].

5. Types d’appareils utilisés

Si l’on s’intéresse maintenant aux défibrillateurs semi-auto-matiques, disponibles en France, ils doivent répondre à certainsprincipes de fonctionnement tels que la détection des fibrilla-tions ventriculaires ou des tachycardies ventriculaires de fré-quence supérieure à 180/min, la délivrance d’un choc manuel-lement sur proposition de l’appareil et l’enregistrement du tracéélectrocardiographique ainsi que l’historique de l’interventionpermettant ainsi une analyse rétrospective de son déroulement.Les valeurs de sensibilité, mesurées sur des banques de don-nées américaines regroupant des pathologies diverses et ex-haustives, varient de 90 à 98 % selon les appareils mais s’ap-prochent facilement des 100 % en conditions réelles. Sur lesmêmes archives de tracés, la spécificité de détection des trou-bles du rythme à choquer est d’environ 95 %.

Deux types d’ondes sont actuellement utilisés par les cons-tructeurs :

● l’onde monophasique, retenue classiquement et depuis denombreuses années, pour la défibrillation externe ;

● et l’onde biphasique, connue depuis longtemps mais récem-ment adaptée à ce type de défibrillation.

Alors que les énergies des chocs délivrés avec une ondemonophasique font l’objet de recommandations internationales(European Resuscitation Council, International Liaison Com-mittee On Resuscitation, American Heart Association), lesseuils d’énergie à utiliser en mode biphasique restent sourcede discussion. Compte tenu de l’efficacité dite équivalented’une défibrillation à l’aide d’une onde biphasique pour des

énergies moindres, il semble logique de plafonner ce seuil à200 J, cela correspondant à une énergie de 360 J en monopha-sique. Néanmoins, cette notion d’efficacité équivalente résultede travaux sur la défibrillation de troubles du rythme provo-qués électriquement. Or, certaines études tendent à prouverque l’origine naturelle de la fibrillation serait un facteur impo-sant l’utilisation d’une énergie plus élevée même en bipha-sique. Les nouvelles recommandations internationales, qui de-vraient prochainement voir le jour, permettront sûrement derésoudre tout ou partie du problème.

Enfin, en matière de sécurité d’utilisation, aucun accidentgrave n’est a priori à déplorer depuis l’introduction, en France,des défibrillateurs semi-automatiques [28].

6. État des lieux en France

Nous l’avons vu, la défibrillation est prioritaire par rapportaux manœuvres de la réanimation de base, massage cardiaqueexterne et ventilation assistée, dès que le diagnostic d’arrêt car-diaque est posé [29]. Cependant, dans 50 % des cas, la fibril-lation ventriculaire se dégrade en asystolie entre la quatrième etla huitième minute. Or, les pourcentages de survie de patientsen fibrillation ventriculaire ayant bénéficié d’une défibrillationsont respectivement de 25 % pour un délai de sept à dix minu-tes, de 35 % pour un délai de quatre à six minutes, et de 40 %pour un délai d’une à trois minutes [30]. En revanche, seuls2 % des patients retrouvés en asystolie survivent. Les équipesmédicalisées, telles que les SAMU en France, ont des délaisd’intervention trop longs, proches de 10 à 12 minutes, pourune prise en charge optimale de la fibrillation ventriculaire. Àl’hôpital, en dehors des services de réanimation, le délai d’in-tervention d’un médecin lors d’une mort subite est lui aussicompris entre cinq et dix minutes [31]. Il apparaît donc claire-ment que les défibrillateurs doivent être confiés à des équipesde secouristes, formées aux techniques de réanimation et dedéfibrillation, avec des délais d’intervention idéalement infé-rieurs à cinq minutes.

7. Les sapeurs pompiers

La mise en place des défibrillateurs semi-automatiques s’estfaite très rapidement chez les sapeurs pompiers. Un peu plusd’une vingtaine de départements étaient totalement équipésd’un défibrillateur semi-automatique dans leurs véhicules desecours aux victimes (VSAV) en 2002 contre plus d’une cin-quantaine en 2003 [20]. Aujourd’hui, la quasi-totalité desVSAV est équipée de défibrillateurs semi-automatiques, per-mettant une couverture nationale du territoire. D’autres véhicu-les sont également équipés de ces appareils (hélicoptères, véhi-cules radiomédicalisés, ambulances de réanimation) ainsiqu’un certain nombre d’établissements tels que les antennesmobiles ou encore des écoles sapeurs-pompiers.

La mise en place progressive des défibrillateurs semi-auto-matiques dans les véhicules de premiers secours depuis unedizaine d’années a montré, de plus, que le pourcentage de fi-brillations ventriculaires analysé par le nombre d’indications au

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choc électrique externe par l’appareil était environ de 20 à25 % [32] alors que ce pourcentage n’était que de 10 % àl’époque où seuls les véhicules médicalisés étaient dotés dedéfibrillateurs manuels et arrivaient environ dix minutes aprèsces premiers secours [33]. Il est donc évident que l’avènementde ces appareils a permis de sauver un grand nombre de viesdu fait de la non-obligation de la présence médicale et de laplus grande précocité induite. En effet, environ 15 à 17 %des patients ayant bénéficié d’un choc électrique externe dansles premières minutes ont déjà repris une activité cardiaquespontanée avant l’arrivée de l’équipe médicale.

8. Les autres acteurs

Le problème du milieu rural est inhérent au fait de l’éloi-gnement du patient par rapport aux hôpitaux est donc aux dé-lais d’arrivée des moyens mobiles médicalisés. Ainsi, la forma-tion des secouristes locaux est fondamentale même si elles’adresse plus aux pompiers volontaires.

Le médecin généraliste doit être aussi un acteur prépondé-rant dans la chaîne de survie [34]. C’est bien souvent le pre-mier médecin à arriver sur les lieux. Ses relations avec les pre-miers secours doivent être étroites tant sur le plan de laconduite à tenir concertée que de la formation que celui-ci peutêtre délégué à leur apporter.

De façon logique et dans la mesure où la précocité du pre-mier choc électrique externe est fondamentale dans l’améliora-tion du pronostic, l’étude de la mise en place au grand publicpourrait être d’une grande avancée. C’est ce que l’AmercicanHeart Association a appelé le « Public Access Defibrillation ».Ainsi, l’implantation de défibrillateurs semi-automatiques dansdes lieux à risque très fréquentés (supermarchés, casinos, gran-des gares, aéroports...) a vu le jour. L’idée est de former dupersonnel non habitué au secourisme (police, personnel de sé-curité...) aux gestes simples de défibrillation. Ces expériencesont été couronnées de succès mesurés par un très fort pourcen-tage de patients arrivant et sortants vivants de l’hôpital. Cepen-dant, la généralisation de cette implantation à tout public né-cessite une formation de masse très complexe à mettre enplace.

L’utilisation précoce des défibrillateurs semi-automatiquesest donc un élément fondamental dans la panoplie des paramè-tres pouvant améliorer le pronostic vital des patients en arrêtcirculatoire [35]. En effet, il a été montré que ce pronostic étaitfonction de l’intervalle de temps entre l’arrêt circulatoire et lepremier choc électrique externe. Nous avons vu que la forma-tion du personnel de santé à la défibrillation semi-automatiqueavait permis d’améliorer la survie des patients. La formation dugrand public à cette technique est a priori séduisante car cesont, dont 70 % des cas, les premiers témoins de l’arrêt circu-latoire. Même si cette participation active des témoins sembleaujourd’hui plus importante que ce qu’elle était il y a une di-zaine d’années, (seulement 8 à 9 % des patients recevaient lesgestes de premiers secours avant l’arrivée des secours profes-sionnels), elle reste néanmoins encore beaucoup trop faible (15à 20 % des témoins assurent un massage cardiaque externe

avant l’arrivée des secours). De plus, le diagnostic d’arrêt cir-culatoire n’est pas systématiquement fait bien que celui-ci aitété simplifié par les dernières recommandations internationales.Dans ce domaine, la France est très en retard par rapport àd’autres pays surtout anglo-saxons. Ce sont ces premiers mail-lons de la chaîne de survie qui sont maintenant fondamentaux àrenforcer avant de s’attaquer à la formation plus sophistiquée,même si elle se veut simple, de la défibrillation qu’elle soitsemi-automatique ou automatique. En effet, il est inconcevablede pouvoir former très rapidement la population à la défibrilla-tion semi-automatique si celle-ci ne connaît pas la séquencedes deux premiers maillons de la chaîne de survie. La miseen place de ces appareils dans des endroits bien spécifiquesdoit obligatoirement s’accompagner d’une information et d’uneformation minimale. Cela est également valable dans le do-maine intrahospitalier où les études montrent que le personnelsoignant n’a pas la formation suffisante pour débuter les pre-miers gestes de secours et n’a pas non plus l’information surqui appeler en cas de problème dans un service d’hospitalisa-tion hors réanimation. Ainsi, même si sur le plan théorique,l’implantation progressive de ce type d’appareil permettraitun accès plus actif à la défibrillation, elle doit obligatoirements’accompagner de façon simultanée non seulement de la forma-tion à l’utilisation mais surtout d’une formation plus globaledes gestes de survie.

9. Perspectives

Le taux de survie reste faible (inférieur ou égal à 5 %). Letravail effectué sur les premiers maillons de la chaîne de survieet notamment concernant la défibrillation précoce doit permet-tre d’améliorer ce pronostic de façon significative. Le budgetest important car il comprend à la fois la formation du person-nel et l’achat du matériel.

La formation du plus grand nombre à la défibrillation semi-automatique doit passer par un apprentissage global du premiermaillon de la chaîne de survie. En outre, elle doit rester simpleet faisable. Sur le plan pratique, les huit heures de formationobligatoire semblent être dans bien des cas difficiles à tenir cartrop longues. Une formation en une demi-journée serait sûrem-ent plus adéquate. Parmi les formations courtes, testées pour legrand public, la Croix-Rouge française a assuré une formationde 90 minutes de 1300 élèves de la région de Montbard (Côte-d’Or) en novembre 2004. Une évaluation de la mémorisationde cette formation sera faite en octobre 2005. Cette formations’est effectuée sous la forme d’une initiation aux premiers se-cours (protection, alerte, inconscience, arrêt cardiaque) avecdéfibrillation entièrement automatique intégrée. Les résultatsde la formation initiale montrent des résultats satisfaisantsconcernant l’utilisation de ce type d’appareil par les enfants.Une autre formation de trois heures a été expérimentée à Hyè-res (Var) par la Fédération française des secouristes et sauve-teurs policiers (FFSSP) pour former des policiers mais aussiquelques personnes du grand public.

À ce jour, un projet de décret est en processus de signatureentre le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Santé. Il

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permettra l’utilisation des défibrillateurs automatisés externespar le grand public ayant reçu une formation sans préciser laqualité de cette formation. De plus, l’intégration de la défibril-lation automatisée externe est prévue pour l’attestation de for-mation aux premiers secours (AFPS) dès la sortie du décret.

Enfin, l’implantation de six défibrillateurs automatiquespour le grand public (gare SNCF, gymnase, restaurant...) a dé-buté à Montbard sur l’initiative de ses élus et quatre défibrilla-teurs semi-automatiques ont été placés sur la voie publiquedans des armoires métalliques équipées d’un système d’alerteà Hyères.

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[21] Décret no 98-239 du 27 mars 1998 fixant les catégories de personnesnon-médecins habilitées à utiliser un défibrillateur semi-automatiquemodifié par le décret no 2000-648 du 3 juillet 2000, accessible parl’URL : http: //admi.net/jo/20000711/MESP0021531D.html.

[22] Décret no 98-239 du 27 mars 1998 du J.O. Numéro 79 du 3 Avril 1998 :5154–5155, accessible par l’URL : http: //umvf.cochin.univ-paris5.fr/article.php3?id_article =915.

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P. Plaisance, C. Broche / Réanimation 14 (2005) 707–711 711