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OFPPT – DRIF – CDC Tertiaire TIC Arts Graphiques Audiovisuel TSAV Module : 23 ANALYSE D’UN OBJET AUDIOVISUEL 1/43 OFPPT ROYAUME DU MAROC MODULE N :23 ANALYSE D'UN OBJET AUDIOVISUEL SECTEUR : AUDIOVISUEL SPECIALITE : TECHNICIEN SPECIALISE EN AUDIOVISUEL IMAGE NIVEAU : TECHNICIEN SPECIALISE Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail DIRECTION RECHERCHE ET INGENIERIE DE FORMATION RESUME THEORIQUE & GUIDE DE TRAVAUX PRATIQUES

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ROYAUME DU MAROC

MODULE N :23 ANALYSE D'UN OBJET AUDIOVISUEL

SECTEUR : AUDIOVISUEL SPECIALITE : TECHNICIEN SPECIALISE EN AUDIOVISUEL IMAGE NIVEAU : TECHNICIEN SPECIALISE

Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail DIRECTION RECHERCHE ET INGENIERIE DE FORMATION

RESUME THEORIQUE&

GUIDE DE TRAVAUX PRATIQUES

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SOMMAIRE

1- VOCABULAIRE DE BASE AUDIOVISUEL 03 1-1. Le montage et sa "grammaire" 03 1-2. L'emplacement et les caractéristiques de la caméra 05 1-3. Le son 06 1-4. D'autres termes utiles 07 1-5. Le récit 08 1-6. la fiction 08 1-7. Le documentaire 09

1-7-1. Une définition et quatre conditions 09 1-7-2. Trois catégories de documentaire 10 1-7-3. Documentaire et vérité 11

1-8. Les trois fonctions du montage 12 1-8-1.Fonction syntaxique 12 1-8-2. Fonction sémantique 13 1-8-3. Fonction rythmique 15

2- ANALYSE DU FILM 18

2-1. mais pourquoi donc ? 18 2-2. Comment analyser un film ? 19 2-3 Développer un regard critique vis à vis des images 21 2-4. Analyse et critique de film 23 2-5. Analyse et théorie 24 2-6. Analyse et interprétation 25 2-7 Diversité des approches analytiques : repères historiques 25 2-8. La politique des auteurs et l’analyse interprétative 26 2-9. Dernier temps : l’arrêt sur image 26

3- EXEMPLES D’ANALYSE DU FILM 28 3-1. Analyse du film : L'ODYSSEE DE L'ESPACE 28 3-2. Analyse d’une séquence du film « BLADE RUNN » de RIDLEY SCOTT 32

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1- VOCABULAIRE DE BASE AUDIOVISUEL.

1-1. LE MONTAGE ET SA "GRAMMAIRE"

• le plan : l’unité minimale du film (il faut plusieurs plans pour former une scène, d'autres encore pour construire une séquence). Le morceau de film qui défile dans la caméra entre le début de la prise et la fin de la prise est le plan. Dans le montage ("editing") qui a lieu après les prises, on prend les plans et on les met ensemble plan par plan (le plan par plan) en éliminant ce qui est inutile et en modifiant l'ordre des plans pour des raisons narratives ou logiques.

Le plan est caractérisé par :

o la position de la caméra (fixe ou en mouvement : travelling, zoom, panoramique).

o la durée de l’enregistrement : plan long, plan court (le plus long serait le plan séquence).

o la distance de la caméra par rapport à la scène filmée : plan général : cadre l'ensemble d'un décor, d'un paysage plan d’ensemble : précise le décor plan de demi-ensemble : situe les personnages dans le décor plan moyen : le personnage encadré entièrement plan américain : personnage présenté des cuisses à la tête plan rapproché : personnage coupé soit à la taille, soit à la poitrine gros plan : la tête très gros plan : encore plus proche

• la séquence : une des unités fondamentales de la grammaire cinématographique--c'est une suite de scènes qui ne se déroulent pas forcément dans le même décor, mais qui forme un tout. La séquence possède un sens propre.

• le montage: l'assemblage des divers plans enregistrés suivant l'ordre prévu par le découpage (la description écrite de tous les plans et des sons qui doivent les accompagner)

o montage linéaire : le plus simple, les plans sont assemblés en vue de raconter une histoire de la façon la plus simple.

o montage inversé ou le montage en flash-back : la chronologie est bouleversée et on saute dans le passé pour expliquer le présent.

o montage par leitmotiv : une image est insérée périodiquement comme une sorte de contrepoint.

o montage accéléré : utilisé pour augmenter l'impression de vitesse dans les films d'action (par exemple, dans les course-poursuites). On l'obtient en montant à la suite des plans de longueur très brève.

o montage cut : le montage de plusieurs plans successifs sans la liaison de transitions artificielles comme le volet ("wipe") et le fondu-enchaîné ("fade out, fade in"). C'est un montage brut et saccadé.

o Jump Cut : La saute. Effet obtenu en retirant un fragment au milieu d'un plan tourné et en raccordant le début et la fin de ce même plan, ce qui produit une saute à l'écran et un saut dans l'action (voir "A bout de souffle").

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o Montage alterné : Série de plans donnant à voir en alternance deux actions simultanées (ou davantage) ayant lieu à distance comme dans les poursuites où le montage effectue un va et vient entres les poursuivants et les poursuivis. L'essentiel ici est que les deux actions se déroulent dans le même temps. Mais outre leur lien temporel, les deux actions ont souvent par exemple un lien de causalité (cause / conséquence).

o Montage parallèle : C'est un type particulier d'alternance des plans ou des séquences n'offrant aucun rapport de simultanéité ou de causalité entre eux. Il est davantage l'expression d'une mise en rapport logique ou sémantique entre deux termes qui le plus souvent ne sont pas destinés à se rencontrer puisqu'ils appartiennent à des temps et des espaces différents. Déterminé à la fois par le contenu et par le sens explicite ou implicite de la scène, le montage en parallèle sert souvent des figures de style comme la comparaison, la métaphore ou l'opposition.

o Split-Screen : Procédé par lequel l'écran est divisé en 2 ou 3 parties. D'abord alternative du champ/contrechamp, il est devenu un moyen de s'affranchir de l'arbitraire du montage. Figure emblématique des films de Brian de Palma, il y sert une sorte de schizophrénie de la vision absolue. Le split-screen travaille le lien selon 4 modes : -un lien spatial avec la figure du suspens (poursuivi et poursuivant occupent chacun la moitié de l'écran). -un lien optique incarné par exemple par le champ contrechamp -un lien plastique -un lien mental qui, cousin de la surimpression filmique, contraint le spectateur à effectuer une synthèse imaginaire formant une 3ème image invisible.

o L'option "plan de coupe" : Si vos raccords de mouvements laissent à désirer, ou que vous avez une faute de raccords (30°, 180°, etc). Vous pouvez utiliser des plans de coupe pour lier vos plans. Il s'agit d'un plan qui évoque l'action principale sans la montrer. Par exemple pour un western cela peut être un plan de l'enseigne d'un saloon qui bat ou d'un nuage de poussière soulevé par le vent dans le désert. Mais attention, une utilisation excessive des plans de coupe va à l'encontre de l'évolution dramatique de la scène. Les plans de coupe peuvent aussi avoir un rôle dans le rythme du film par exemple en enchaînant plusieurs plans de coupe rapidement

Le raccord : un des principes de base de la grammaire du montage. Deux plans, deux séquences doivent présenter une continuité visuelle, être reliés harmonieusement. On dit qu'ils doivent raccorder ou être raccord. C'est la scripte ("script girl") qui est plus particulièrement chargée de veiller à ces liaisons, qu'on appelle raccords : raccords d'objets, de costumes, de mouvements, raccords de regards et de lumière. Un plan de raccord, tourné indépendamment des scènes principales, peut être inséré au montage pour assurer la bonne liaison entre les plans ou les séquences. Un faux raccord est une erreur de liaison entre deux images.

• Les raccords dans l'axe : On parle de raccord dans l'axe lorsqu'on passe d'un plan d'ensemble à un plan rapproché ou l'inverse sans que la caméra n'est changée d'axe, c'est à dire d'angle de prise de vue.

• Les raccords de regard : Quand à un plan A montrant un personnage regardant un objet ou une scène le plus souvent hors champ répond un plan B qui nous dévoile de son point de vue ce que celui ci regardait. Le raccord regard est lié à la figure du champ/contrechamp qui ne lui est pas réductible.

• Les raccords de mouvement/sur un geste : Quand on opère une coupe avant la fin d'un geste ou d'un mouvement pour raccorder au plan suivant sur la poursuite et la fin d'un même geste ou même mouvement à la même vitesse et dans la même direction. Note :

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cette coupe peut permettre et cacher la substitution d'un personnage par un autre, le second achevant le mouvement engagé par le premier.

• Champ/contrechamp : Quand à un premier plan dirigé sur un sujet succède un second plan dont la prise de vue est faîte dans la direction opposé. Avec ou sans corps des protagonistes en amorce et avec ou sans échange de parole.

• Les raccords de direction : C'est le fait de faire suivre un plan où une personne sort du champ avec un plan où une personne rentre dans le champ

• volet naturel : C'est à dire qu'un personnage ou un objet passe devant l'objectif, on coupe au moment où le champ est complètement obstrué (noir) et on reprend sur un autre plan ou l'on passe du noir à l'image.

• Les raccords pano : Il est employé dans les films d'action pour soutenir le rythme. Il s'agit de terminer le plan A par un pano rapide dans un sens et de débuter le plan B suivant par le même procédé.

• Les raccords au flou : On finit le plan A par un flou et on commence le plan B par un autre flou (ex : flash-back).

• Les raccords analogie : On se sert d'une similitude de formes ou de couleurs pour raccorder 2 plans.

1-2. L'EMPLACEMENT ET LES CARACTERISTIQUES DE LA CAMERA

• le champ : le champ est l'espace embrassé par la caméra. Il dépend de l'objectif employé pour la caméra.

L'acteur peut être dans le champ, mais il peut aussi :

o entrer dans le champ o sortir du champ o être hors champ

Toutes les expressions précédentes portant sur le champ peuvent également se dire du cadre (voir la rubrique suivante) : être dans le cadre, entrer dans le cadre, etc.

• le cadre : ce sont les limites de l'image ou du champ filmé qui, à la projection, se confondent avec les frontières de l'écran. Cadrer une image, c'est donc choisir les éléments visuels qui vont faire partie de l'image et exclure les autres. Tout ce qui n'entre pas dans le cadre est dit hors champ ou off (par exemple, une voix off). Malheureusement, lorsqu'on regarde un film dans sa version en vidéocassette, une bonne partie du travail de cadrage n'est plus visible, car la version en vidéocassette exige un recadrage des images. Le rectangle de l'écran de télévision n'a pas les mêmes proportions que celui de l'écran de cinéma (l'écran de cinéma est plus large que l'écran de télévision). Il faut donc recadrer les images du film pour les faire entrer dans le cadre de l'écran de télévision, c'est-à-dire, choisir seulement un fragment du cadre d'origine...

• le contrechamp : un contrechamp est la portion d'espace qui fait face au champ : elle lui est diamétralement opposée. On peut filmer des champs et des contrechamps pour définir toutes les perspectives d'un décor.

Un montage en champ-contrechamp permet par exemple de restituer un dialogue, la caméra prenant la place des acteurs au moment où ils ne parlent pas.

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• la profondeur de champ : la profondeur de champ est la portion d'espace dans laquelle tous les détails de l'image sont nets : elle peut être plus ou moins profonde et cette profondeur est surtout contrôlée par l'ouverture de l'objectif (ou plutôt du diaphragme de l'objectif), qui, à son tour est fonction de la vitesse de la pellicule et des conditions de la lumière dans la scène.

• l'angle de prise de vues : il varie en fonction des objectifs choisis et de la place de la caméra par rapport au sujet qui va être filmé. Normalement la caméra est placée horizontalement, à la hauteur du regard d'un homme, mais la position peut varier.

o prise de vue plongée : on place la caméra au-dessus du sujet à filmer. o prise de vue contre-plongée : on place la caméra en dessous du sujet à filmer. o changement d’angle : on peut, bien évidemment, bouger la caméra pendant la

prise de vue d'une scène.

• le mouvement de la caméra : on part de la situation où la caméra est fixe sur un axe. De là quatre types de mouvement sont possibles (et peuveut être combinés).

o le panoramique : la caméra reste sur place et pivote autour de son point de fixation de droite à gauche ou le contraire (panoramique horizontal) ; ou de haut en bas ou le contraire (panoramique vertical).

o le travelling : placée sur un véhicule mobile ou maniée par un opérateur utilisant un steadycam, la caméra se déplace en latéral, en vertical, en avant ou en arrière.

o le dolly : appelé ainsi car la caméra est placée sur une plateforme qu'on appelle un dolly. Se déplaçant sur le dolly, la caméra s'approche ou s'éloigne d'un objet (dolly in, dolly out). Le dolly est, en fait, une sous-catégorie du travelling, mais désigne tout particulièrement le mouvement de la caméra se rapprochant ou s'éloignant d'un objet. Le terme n'est plus guère utilisé.

o le zoom : on varie la focale de l'objectif de la caméra et ainsi la caméra donne l'impression de se rapprocher ou de s'éloigner d'un objet. L'effet d'un travelling optique n'est pas le même que celle d'un dolly où la caméra se déplace réellement, car les proportions entre les objets filmés varient de façon différente selon que l'on utilise l'une ou l'autre technique.

1-3. LE SON

• la bande sonore : la partie de la pellicule sur laquelle sont enregistrés les sons et la musique. Par extension, toute la partie "son" d'un film. "Ce film a une bande sonore très intéressante ou très artistique."

• le bruitage : l’organisation des bruits qui complèteront la bande sonore d'un film et, en particulier, des bruits qui n'ont pas été enregistrés au moment où on filmait et qui sont ajoutés après coup.

• le dialogue : l’ensemble des phrases prononcées par les protagonistes de l'histoire. Les dialogues peuvent être enregistrés en son direct au moment du tournage, postsynchronisés si le lieu du tournage est trop bruyant, doublés s'ils sont traduits dans une langue étrangère.

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1-4. D'AUTRES TERMES UTILES

• l'arrêt sur image ("freeze frame") : un trucage (littéralement, "trick," i.e., "special effect") réalisé au laboratoire. Il permet d'immobiliser le film sur une image qui peut être reproduite à l'infini. L'arrêt sur image est parfois utilisé pour clôturer un film. De la même façon, on peut arrêter un projecteur ou un magnétoscope sur une image particulière d'un film, ce qui permet d'analyser les détails. L'image équivaut alors à une photo fixe.

• le fondu : l’image sur l'écran se dilue ou se précise progressivement plutôt que de disparaître ou d'apparaître brusquement. Le fondu peut être utilisé pour ouvrir (ouverture en fondu) ou pour fermer (fermeture en fondu) un plan. L'image peut disparaître pour révéler un fond noir (fondu au noir) ou un fond blanc (fondu au blanc). Une première image peut progressivement être remplacée par une nouvelle image (fondu enchaîné). Tous ces variantes sont utilisées généralement pour clore un chapitre (une séquence) et dénotent généralement le passage du temps. Le fondu enchaîné est un trucage réalisé lorsque le caméraman ferme progressivement le diaphragme de la caméra et ensuite revient en arrière (il rembobine la pellicule jusqu'à la prise où il avait commencé à fermer le diaphragme) pour filmer une nouvelle image en rouvrant progressivement le diaphragme.

• le volet ("wipe") : un trucage réalisé au laboratoire : un cache mobile permet de chasser l'image par le côté, et à mesure que le cadre se libère, l'espace libéré est rempli progressivement par une nouvelle image. L'effet du volet est équivalent à celui du fondu.

• le ralenti : abréviation de l'expression projection au ou en ralenti, le ralenti est souvent utilisé à des fins esthétiques. En accélérant la cadence d'enregistrement des images, et en les projetant ensuite à la vitesse normale de vingt-quatre par seconde, on décompose en effet les mouvements des personnages, ce qui crée une impression féerique. Le contraire du ralenti est, bien évidemment, l'accéléré, peu utilisé depuis la transition au cinéma parlant.

• le métrage : la longueur de pellicule impressionnée au moment du tournage. Les limites suggérées ci-dessous donnent une idée des catégories généralement admises :

o long métrage ou grand film : de 60 minutes à 120 minutes généralement o moyen métrage : de 15 minutes à 60 minutes. o court métrage : moins de 15 minutes

• la pellicule : la fine membrane servant de support à la couche sensible qui enregistre les images en défilant derrière l'objectif dans le boîtier de la caméra. La pellicule peut être plus ou moins sensible à la lumière, c'est-à-dire, plus ou moins rapide. Le choix de la vitesse de la pellicule dépend des conditions de la lumière et de la profondeur de champ voulue par le cinéaste. Plus une pellicule est rapide, plus elle permet de filmer dans des conditions de lumière difficiles et plus elle permet d'augmenter la profondeur de champ. Par contre, plus la pellicule est rapide plus elle introduit de granulation dans l'image enregistrée.

• l’objectif : un dispositif optique formé de lentilles de verre ("glass lenses") montées dans un boîtier. Il transmet les rayons de l'objet que l'on veut filmer sur la pellicule--

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mais à l'envers, de sorte que l'image impressionnée sur la pellicule est renversée. L'entrée du flux lumineux à travers l'objectif est réglée par le diaphragme, qui s'ouvre et se ferme à volonté. Plus le diaphragme est fermé plus la profondeur de champ est augmentée. Pellicule rapide + diaphragme très fermé = grande profondeur de champ. Pellicule lente + diaphragme très ouvert = profondeur de champ extrêmement réduite.

• le cinéma parlant, le cinéma muet : sans besoin d'explication...

• tourner : on dit tourner (tourner tel ou tel film, tourner une scène, ou tourner tout simplement sans complément : je tourne, il tourne) pour "enregistrer les prises de vue d'un film" et l'on emploie volontiers le mot de tournage pour désigner cette opération. On notera également que tournage peut être synonyme de "lieu où se déroule le filmage" puisque, si l'on dit assister au tournage d'un film, on dit aussi aller sur le tournage de ce même film. Lorsque le metteur en scène signale son désir de commencer le tournage d'une scène, il dit : »Moteur !" ("Camera !") Les techniciens répondent : »Ça tourne !" ("Action !")

• le cinéaste : à l'origine, n'importe quel individu qui travaille dans le domaine du cinéma (terme utilisé d'abord par le critique Louis Delluc). Ce terme désigne aujourd'hui le maître d'œuvre principal d'un film : le réalisateur ou le metteur en scène. Ces trois termes sont à peu près interchangeables. Mais on aura tendance à utitiliser le terme metteur en scène pour désigner le cinéaste seulement au moment où le cinéaste est réellement en train de diriger les acteurs pour la scène qu'il tourne, c'est-à-dire, où moment où il ressemble le plus à un metteur en scène dans le sens théâtral du terme.

• le générique : qu’il soit situé à la fin du film ou, plus souvent, au début (parfois précédé d'une séquence qu'on appelle pré-générique), le générique est la fiche d'identité du film : il donne la liste précise de tous ceux qui ont participé à sa fabrication et présidé à sa naissance. L'ordre de défilement des noms ainsi que la hauteur des lettres sont souvent précisés par contrat.

1-5. LE RECIT : S'il est vrai que le récit existait bien avant le cinéma et que ce dernier a emprunté à tous les autres arts pour inventer ses propres manières de raconter, le récit cinématographique se différencie radicalement du récit littéraire par exemple. Loin de se réduire au scénario, il passe par toutes les étapes de la création, y compris le tournage et le montage, et se sert du langage propre au cinéma (l'ellipse, le fondu au noir, le flash back ou flash forward, la voix off, les effets spéciaux...) : bref, la spécificité du récit de cinéma, c'est que tout dépend de la mise en scène.

1-6. LA FICTION :

Fiction : audiovisuel œuvre cinématographique qui repose sur une histoire inventée (une fiction policière)

La fiction est une représentation littéraire qui constitue un monde autonome, ou du moins partiellement distinct du réel.

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Si la théorie moderne considérera qu'un monde fictionnel n'est ni vrai ni faux, puisqu'il ne se réfère pas à des objets dans le monde réels ou parce qu'il ne s'y réfère pas de la même manière qu'un discours ? « Standard » qui doit attester de la vérité des représentations qu'il met en œuvre la question essentielle reste l'appréciation que l'on porte sur la valeur de vérité ? De ce Monde possible, exerçant des liens plus ou moins étroits avec le monde commun, mais apte, par une imitation ressemblante, vraisemblable ou encore par un décalage anti-mimétique ? Délibéré, à fabriquer du sens.

De même, le mécanisme de reconnaissance ? Qui entre en jeu relève à la fois de l'effet de réel et d'un témoignage sur le monde.

1-7. LE DOCUMENTAIRE

1-7-1. UNE DEFINITION ET QUATRE CONDITIONS

La vérité supposée du documentaire est traditionnellement opposée au mensonge de la fiction. Ce préjugé favorable bénéficie d'autant plus au documentaire que le cinéma de grande consommation, américain notamment, ne cherche plus à rendre crédible ses histoires, et se place délibérément dans le champ de l'imaginaire. Jouant à fond sur l'identification et scénarisant ses intrigues au millimètre, le cinéma américain prend son spectateur par la main en l'oblige à penser et à sentir au rythme de son montage.

Plus récemment le documentaire s'est trouvé confronté aussi au docu-fiction (L'odyssée de l'espèce, Sur la terre des dinosaures, Pompéi, D-Day…), à la téléréalité (Le Loft, star académy…) ou aux reportages des émissions télévisées (52 minutes, zone interdite…). Ces derniers semblent vouloir évacuer toute subjectivité pour ce placer entièrement du côté de l'information, censée produire une vérité.

Pour renforcer sa position, le documentaire se doit donc garder une place pour la subjectivité (qu'il partage avec la fiction) et une place pour la saisie du réel (qu'il partage avec le reportage).

Il y a quelques années, le documentaire pouvait être défini simplement : filmer des acteurs qui interprètent leur propre rôle dans les conditions du direct. Il se voit aujourd'hui obliger de mieux préciser ses ambitions artistiques. Ainsi, alors que des entorses de plus en plus notables peuvent être admises quant à la définition initiale, quatre conditions semblent nécessaires pour qu'un documentaire puisse être considéré comme une œuvre d'art. Le documentaire, comme œuvre d'art, doit :

• laisser advenir la réalité sans chercher à confirmer trop tôt une idée préétablie. • rendre compte de la perception de son créateur par rapport au réel enregistré • dépasser son sujet pour atteindre à l'universel de la condition humaine • laisser la porte ouverte à l'imaginaire, non pas en le recréant, mais en le suggérant, et

en comptant sur la capacité de son spectateur.

La première condition n'est donnée que pour exclure le reportage télévisé, prétendument informatif, qui cherche plus à répondre (off le plus souvent) à des questions qu'à montrer la réalité du problème. L'œuvre d'art supposant néanmoins choix, subjectivité et mise en forme, il paraît évident que l'auteur doit nécessairement, à un moment ou à un autre, se saisir des rushs pour leur donner une forme et par-là un sens. C'est l'objet de la seconde condition. La troisième condition mesure la qualité de l'œuvre d'art (étant entendu que c'est souvent par un petit sujet que l'on atteint à l'universel). Enfin, et c'est par cela qu'il s'oppose à la fiction, le

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documentaire doit compter sur son spectateur pour terminer une mise en forme, nécessairement moins structurée que celle reposant sur une trame narrative.

1-7-2. TROIS CATEGORIES DE DOCUMENTAIRE

Le reportage télévisé a détruit l'obsession de la saisie pure de la réalité qui était autrefois attaché au genre documentaire. Le choix de l'angle et du cadre, du matériau d'enregistrement, de sa sensibilité oriente le regard et ajoute du sens. Le documentaire utilise la voix off ou l'interview qui sont autant d'entorses à l'enregistrement pur du réel. Le danger de manipulation peut être important : comme le montre Profession reporter, le dispositif de l'interview est déjà signifiant : l'intervieweur pose les questions dans son langage, avec sa culture et oblige son interlocuteur à répondre dans un cadre qu'il a défini. Pire, le montage, s'il se veut le plus neutre possible du point de vue du sens, doit recourir au plan-séquence, très visible formellement, et filmer l'action en continu.

• le DOCUMENTAIRE "SUR" ET "AU-DELA"

Néanmoins la première catégorie de documentaire sera définie par rapport à cette volonté d'intervention minimum par rapport à la réalité. Les 49 plans fixes de Délits Flagrants de Raymond Depardon constituent un sommet de sobriété. Les films de Depardon intéressent par la fenêtre ouverte sur la vie de gens dont nous ne partageons que brièvement l'existence. Ce sont des films "sur" : sur une institution, un évènement, un parcours. On rangera ainsi dans cette catégorie :

L'entrée en gare du train de La Ciotat (Louis Lumière, 1895), Nanouk l'esquimau (Robert Flaherty, 1922), Le monde du silence (Louis Malle, 1955), Welfare (Frederick Wiseman, 1975), Microcosmos (Claude Nuridsany, 1996), Renault, la puissance et les rêves (Philippe Worms, 1997), Etre et avoir (Nicolas Philibert, 2002), A l'ouest des rails (Wang Bing, 2002), Dix sept-ans (Didier Nion, 2003).

Au-delà de leur aspect pédagogique sur le fonctionnement judiciaire, la vie des esquimaux, des fonds marins, les insectes, l'odyssée de Renault, le quotidien des journalistes ou des urgences, ces films ont d'autant plus d'intérêt qu'ils touchent chacun sur un thème universel.

La reconstitution historique peut être plus ou moins orientée, reconstruite par la voix off. Le commentaire off peut faire signifier très différemment toute image comme le montre Chris Marker dans Lettres de Sibérie, constitué de trois commentaires contradictoires d'une même séquence.

C'est pourquoi l'interrogation de la mémoire historique s'accommode mal du soupçon de manipulation à commencer par les témoignages touchant à la shoah. Les témoignages sur les camps d'exterminations relèvent ainsi tous de la même sobriété alors que leur message (plus jamais ça) est évidemment explicite.

Nuit et brouillard (Alain Resnais, 1955), Le chagrin et la pitié (Marcel Ophuls, 1969) Shoah (Claude Lanzmann 1985) S21, La machine de mort kmère rouge (Rithy Panh, 2002)

• LE DOCUMENTAIRE MILITANT

A l'inverse de ce soucis de sobriété, le documentaire militant a tendance à être rejeté du cadre du documentaire parce qu'il prend partie très tôt, parce que la subjectivité y est manifeste. Ironique, mal élevé, il ne fait pas profession de bonne foi. Il ne fait pas la démonstration de sa

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probité, la défense et illustration d'une méthode adéquate (précise, respectueuse) de la saisie de la réalité. Les films de Chris marker ou de Michel Moore avouent leur regard orienté sur les images d'archives ou dans le dispositif d'interview. Mais il est difficile de croire que Lanzman ou Ophuls ne savaient pas, lorsqu'ils vont interroger les témoins de la collaboration de l'extermination des juifs, ce qu'ils allaient entendre. Dans le documentaire militant c'est justement le dispositif qui provoque l'émotion qui lui donne sa qualité d'œuvre d'art par rapport au reportage. C'est ainsi que l'on considérera Farhenheit 9/11 comme une œuvre d'art alors que Le monde selon Bush de William Karel n'est qu'un bon reportage télévisé, très pauvre formellement. Dans le documentaire militant c'est l'ampleur du regard, la prise de hauteur vis à vis du sujet, le dispositif d'interview, l'invention formelle qui doivent être pris en compte.

Terre sans pain (Luis Bunuel 1932), Lettre de Sibérie (Chris Marker, 1958), Le joli Mai (Chris Marker, 1962), La société du spectacle (Guy Debord, 1973), Le fond de l'air est rouge (Chris Marker, 1977), Roger et moi (Michael Moore ,1990), Bowling for Columbine (Michael Moore, 2002), Fahrenheit 9/11 (Michael Moore, 2004).

• LE DOCUMENTAIRE DE FABULATION

Il se peut que le documentaire soit documentaire d'une fiction que les personnages se jouent à eux-mêmes. Deleuze nomme "cinéma de fabulation" ce cinéma du début des années 70, lorsque les frontières se brouillent entre documentaire et fiction et invente un nouveau mode de récit pour établir un cinéma proche du road-movie (Wenders et Cassavetes) ou du cinéma primitif (Lumière, Antoine) où être sur la route était, en soi, une aventure.

L'Hirondelle et la Mésange (André Antoine, 1920), Les maîtres-fous (Jean Rouch, 1954), Pour la suite du monde (Pierre Perrault, 1963), , In girum imus nocte et consumimur igni, (Guy Debord, 1973), La bête lumineuse (Pierre Perrault, 1988), Histoire d'un secret (Mariana Otero, 2003), Basse-Normandie (Patrica Mazuy, 2004), Tarnation (Jonathan Caouette, 2004), Peau de cochcon (Philippe Katerine, 2004), Le filmeur (Alain Cavalier, 2005).

1-7-3. DOCUMENTAIRE ET VERITE

Les manipulations d'images sont aujourd'hui célèbres : trucages staliniens des photos officielles, manipulation de Timisoara, la guerre du Golf, Patrick Poivre d'Arvor à Cuba, la voiture de lady Di sur internet. Le numérique indifférencie tout composant (vivant ou mort, concret ou abstrait, pensant ou pas) Transfert de l'image de plusieurs caméras sur un même support puis techniques de digitalisation. Les effets spéciaux permettent de simuler des mouvements de caméra (travellings et panoramiques), de recadrer pour insister sur un détail, d'inscrire dans le même plan des interlocuteurs que des prises de vues distinctes séparaient, de donner du sens à des échanges, à des silences, à des regards qui s'affrontent ou se fuient. Ils aident à mieux définir les personnages.

Même les archives ne garantissent pas la production de la vérité. Deux extrêmes : The memory of the camps (1945), Roswell l'extraterrestre, la preuve, de Jean-Tedy Filipe, 1995.

Des images réelles peuvent être insérées à des fins didactiques. Ainsi dans Verboten, (1959), Samuel Fuller utilise des images du procès de Nuremberg pour montrer la possibilité de rédemption d'un jeune nazi dans l'Allemagne de l'après guerre. Au contraire de fausse images d'archives peuvent renforcer une analyse juste : fabrication baroque d'un faux film d'archives

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"Le Grito del sur : sass viejas", (1996) de Basilio Martin Pitano évoquant la répression par la république espagnole de révoltes d'inspiration anarchiste au début des années 30 en Andalousie.

Comme le soulignait Jean Louis Comolli au festival de Lussas 1997 : "La question du vrai ou du faux au cinéma est un faux débat. C'est ne pas tenir compte de l'ambiguïté fondamentale de la représentation. En dernière analyse, c'est au spectateur de décider ce en quoi il veut croire ou non".

1-8. LES TROIS FONCTIONS DU MONTAGE

Le montage est l'organisation des plans d'un film dans certaines conditions d'ordre et de durée (Marcel Martin). Le montage est "productif" : il assure la mise en présence de deux éléments filmiques, entraînant la production d'un effet spécifique que chacun de ces deux éléments, pris isolément ne produit pas.

Le montage a trois fonctions : syntaxique, sémantique et rythmique.

1-8-1.FONCTION SYNTAXIQUE :

Le montage assure, entre les éléments qu'il assemble, des relations formelles plus ou moins indépendantes du sens. Ces relations sont essentiellement de trois sortes :

• Effet de liaison : La production d'une liaison formelle entre deux plans successifs, le raccord, qui renforce la continuité de la représentation elle-même.

• Effet de ponctuation et de démarcation : la figure du fondu enchaîné marque la plupart du temps un enchaînement entre deux épisodes différents d'un film.

• Effet d'alternance : L'alternance peut être fondée sur la simultanéité temporelle. On parle alors de montage alterné. L'action peut se dérouler dans un lieu identique (poursuivant / poursuivi) ou dans des lieux différents (Dans Idle class sont décrits alternativement l'arrivée du vagabond à la gare et le réveil de riche mari de Edna). Marcel Martin réserve le terme de montage parallèle au rapprochement symbolique entre deux situations. Ainsi Eisenstein dans la séquence de La grève, juxtaposant le massacre des ouvriers par l'armée et une scène d'égorgement d'un animal à l'abattoir.

On a ainsi une première fonction de production de sens dénoté, essentiellement spatio-temporel, production d'un espace filmique, et de façon générale de l'histoire.

Ce montage que Marcel Martin qualifie de narratif est le plus transparent possible et ne produit aucun signe en direction du spectateur. Mais chacun de ces trois effets porte en germe une source de montage expressif : l'effet de liaison peut être perturbé par un faux raccord, l'effet de ponctuation d'un fondu-enchainé peut entraîner un flash-back et le montage parallèle porte en lui-même une fonction sémantique.

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1-8-2. FONCTION SÉMANTIQUE :

Production de sens connoté, le montage met en rapport deux éléments différents pour produire des effets de causalité, de parallélisme, de comparaison, etc. La production de sens connoté est omniprésente dans le montage parallèle dont le but est de rapprocher symbolique deux situations. Ainsi Eisenstein dans la séquence de La grève, juxtaposant le massacre des ouvriers par l'armée et une scène d'égorgement d'un animal à l'abattoir.

• Effet d'élargissement du champ : Le cinéaste nous indique que, pour bien voir, il faut savoir prendre du recul. Trois exemples en sont donnés par Moretti dans Aprile et trois autres par Kubrick dans Full metal jacket :

Aprile s'ouvre sur un plan du présentateur de la télévision. Lui succède un plan plus large révélant le vrai contexte de la scène avec le cadrage de Giovanni et sa mère commentant ces résultats politique de la soirée du 28 mars 1994.

Le second exemple est le plus magistrale. Giovanni, dans son bureau demande à ses collaborateurs de filmer la campagne de Berlusconi en plan fixe. Il se retrouve lui-même, seul, face à l'écran. Il se met à prononcer des mots plus extravagants les uns que les autres et qui se révèlent être - lorsqu'il est filmé au plan suivant, de derrière et dans un cadre plus large découvrant un kiosque à journaux - des titres de quotidiens ou de magazines. Mais la séquence ne s'arrête pas là. Et l'énumération des titres de journaux continue sur le plan suivant où Giovanni semble lire l'un d'entre-eux. Le plan d'après nous révèle qu'il s'agit d'un immense collage de journaux et les plans suivants, plus sinistres, finissent par donner la morale de tout cela : ces titres qui semblent si différents sont en fait un même et grand journal plein d'intérêts et de collusions cachées qui ne peut éveiller la conscience et la vigilance des lecteurs mais qui constitue, au mieux, un lit dans lequel on s'endort et, au pire, une tombe. Rarement sans doute une telle idée, banale en soi, n'aura été filmée avec une telle invention, une telle beauté, une telle efficacité.

La troisième utilisation de l'élargissement du champ est toute entière au service de l'effet comique. On a vu Giovanni au téléphone redouter d'assister à la césarienne. Soudain, en gros plan au téléphone, il annonce qu'il doit y aller. Le plan large suivant le découvre alors non plus en tenue de ville comme précédemment mais harnaché dans un habit de chirurgien. L'effet comique induit par la démesure entre la faible participation à l'accouchement demandé à Giovanni et l'accoutrement démesuré traduit bien cette inconsistance des pères dont Moretti a conscience mais que, faute de mieux probablement, il assume avec une belle lucidité.

Dans Full métal Jacket, Kubrick utilise quatre fois le procédé de l'élargissement du champ par montage qui révèle une signification de la scène toute autre que celle que l'on avait d'abord perçu en plan serré. Deux fois dans la première partie nous découvrons les soldats à l'entraînement avant de voir apparaître Léonard-Baleine, brimé, d'abord obligé de sucer son pouce. Ensuite, au moment de la correction de celui-ci, nous ne verrons d'abord qu'un savon enfermé dans une serviette avant de d'en comprendre l'utilité. Lorsque Guignol et son ami photographe prennent l'hélicoptère pour se rendre au front nous croyons d'abord que celui-ci est malade avant de comprendre qu'il vomit écœuré par le massacre des paysans vietnamiens abattus par un soldat fou. Enfin, avant d'entreprendre l'exploration de la rive de la perfume river les soldats sont interviewés par des cameramen de télévision puis brutalement un plan en contre plongé indique que l'on est passé à une autre séquence : celle de l'éloge funèbre des deux soldats morts dans l'escarmouche précédente.

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Notons toutefois que Kubrick obtient le même effet de signification retardée par deux longs travellings arrière. Le premier débute sur un fondu de soldats marchant au pas qui enchaîne sur une séance de tir dont le champ se dégage de façon extraordinaire depuis les cibles jusqu'aux recommandations du sergent. Sa signification pourrait être : vous vous croyez des hommes, vous n'êtes que les serviteurs de vos fusils. A ce travelling de la première partie répond son symétrique dans la seconde sur la découverte des vietcongs morts depuis le regard de Guignol.

• Effet par l'image modifiée : est le nom donné par Gilles Deleuze à un procédé qu'il a repéré dans deux westerns de John Ford : une image est montrée deux fois, mais la seconde fois, modifiée ou complétée de manière à faire sentir la différence entre la situation de départ et celle d'arrivée. Dans Liberty Valance, la fin montre la vrai mort du bandit et le cow-boy qui tire, tandis qu'on avait vu précédemment l'image coupée à laquelle s'en tiendra la version officielle (c'est le futur sénateur qui a tué le bandit). Dans Les deux cavaliers, on nous montre la même silhouette de shérif dans la même attitude mais ce n'est plus le même shérif. Il est vrai qu’entre les deux S et S', il y a beaucoup d'ambiguïté et d'hypocrisie. Le héros de Liberty Valance tient à se laver du crime pour devenir un sénateur respectable, tandis que les journalistes tiennent à lui laisser sa légende, sans laquelle il ne serait rien. Et, comme l'a montré Roy (Pour John Ford, édition du cerf), Les deux cavaliers ont pour sujet la spirale de l'argent qui, dès le début, mine la communauté et en fera qu'agrandir son empire."

Ce motif de l'image modifiée était déjà présent, magnifiquement, dans La prisonnière du désert. D'une part avec l'image de Debbie, qu'Ethan élève au dessus de lui au début du film pour marquer la reconnaissance de sa filiation et à la fin lorsqu'il résout enfin la question du racisme et renonce à la tuer bien que "souillée" par sa vie avec un indien. L'autre image modifiée est celle de l'embrasure de la porte, signe d'espoir d'intégration au début, signe du retour à la vie solitaire à la fin.

Au début de Citizen Kane la caméra monte au dessus d'une grille sur laquelle figure " No trespassing " et transgresse l'espace personnel de Kane au moment de sa mort, moment intime par excellence. A partir du dernier mot prononcé, "Rosebud" va s'enclencher une enquête, une chasse comme celle de Ethan dans La prisonnière du désert. Seul le spectateur apprendra ce que signifie ce mot car l'enquête menée dans le film échoue. Dans les milliards de caisses laissées à la mort de Kane, des ouvriers viennent faire du vide et jettent des caisses au feu : sous une luge, sur laquelle jouait Kane enfant on distingue le mot "Rosebud". La luge est brûlée et l'on suit le parcours des flammes et la fumée qui s'échappe. Se clôt ainsi la vie d'un homme et l'on repasse à l'extérieur du domaine. On ne peut deviner la vie d'un homme en essayant de mieux connaître son intimité. Seul l'art permet de l'approcher.

Dans La nuit du chasseur , on a bien la même scène au début et à la fin. Le père, le vrai puis celui qui a incarné le mal en pourchassant les enfants, est arrêté par les flics. Cette arrestation est filmée les deux fois dans les mêmes conditions : sur une pelouse où le père est jeté à terre par les flics. A chaque fois, l'enfant se donne un coup de poing sur le ventre. Ainsi selon Bill Khron : à la place du serment monstrueux, accepté par le fils au début du film de ne pas révéler où se trouve l'agent, l'enfant, à la fin, éventre la poupée en criant : "No, no, it's too much". Comme libéré du secret, il peut accéder à l'âge adulte.

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1-8-3. FONCTION RYTHMIQUE :

Rythmes temporels (bande son), ou plastique (répartition dans le cadre des intensités lumineuses). Gilles Deleuze distingue quatre écoles de montage : la tendance organique de l'école américaine, la dialectique de l'école russe, la quantitative de l'école française d'avant-guerre, l'intensive de l'école expressionniste allemande.

• LE MONTAGE ORGANIQUE :

Un film de Griffith est conçu comme une grande unité organique. L'organique c'est d'abord une unité dans le divers, c'est à dire un ensemble de parties différenciées : les hommes et les femmes, les riches et les pauvres, la ville et la campagne, le Nord et le Sud, les intérieurs et les extérieurs. Ces parties sont prises dans des rapports binaires qui constituent un montage alterné parallèle, l'image d'une partie succédant à celle d'une autre suivant un rythme.

Mais il faut aussi que la partie et l'ensemble entrent eux-mêmes en rapport, qu'ils échangent leur dimension relative. L'insertion du gros plan, en ce sens n'opère pas seulement le grossissement d'un détail mais entraîne une miniaturisation de l'ensemble, une réduction de la scène à l'échelle d'un personnage. En montrant la manière dont un personnage vit la scène dont il fait partie, le gros plan dote l'ensemble objectif d'une subjectivité qui l'égale ou même le dépasse.

Enfin, il faut encore que les parties agissent et réagissent les unes sur les autres, à la fois pour montrer comment elles entrent en conflit ou restaurent l'unité. De certaines parties émanent des actions qui opposent le bon et le méchant, mais d'autres parties émanent des actions convergentes qui viennent secourir le bon : c'est la forme du duel qui se développe à travers toutes ces actions et passe par différents stades.

En effet il appartient à l'ensemble organique d'être toujours menacé ; ce dont les noirs sont accusés dans Naissance d'une nation c'est de vouloir briser l'unité récente des Etats-Unis en profitant de la défaite du Sud. Les actions convergentes tendent vers une même fin, rejoignant le lieu du duel pour en renverser l'issue, sauver l'innocence ou restaurer l'unité compromise, telle la galopade des cavaliers qui viennent au secours des assiégés. C'est la troisième figure du montage, montage convergent, qui fait alterner les moments des deux actions qui vont se rejoindre. Et plus les actions convergent, plus la jonction approche, plus l'alternance est rapide (montage accéléré)

• LE MONTAGE DIALECTIQUE :

La loi du processus quantitatif et du saut qualitatif : le passage d'une qualité à une autre et le surgissement soudain de la nouvelle qualité. L'un qui devient deux et redonne une nouvelle unité, réunissant le tout organique et l'intervalle pathétique.

Eisenstein fait un reproche majeur à Griffith : les parties différenciées de l'ensemble sont données d'elles-mêmes comme des objets indépendants. Il est dès lors forcé que lorsque les représentants de ces parties s'opposent ce soit sous forme de duels individuels où les motivations collectives recouvrant des motivations étroitement personnelles (par exemple une histoire d'amour, élément mélodramatique). Griffith ignore que les riches et les pauvres ne sont pas donnés comme des phénomènes indépendants, mais dépendent d'une même cause qui est générale qui est l'exploitation sociale. Ce qu'Eisenstein reproche à Griffith, c'est de s'être fait de l'organique une conception toute empirique, sans loi de genèse ne de croissance ; c'est d'en avoir conçu l'unité d'une manière toute extrinsèque, comme unité de rassemblement,

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assemblage de parties juxtaposées et non pas unité de production, cellule qui produit ses propres parties par division, différenciation ; c'est d'avoir compris l'opposition de manière accidentelle, et non comme la force motrice interne par laquelle l'unité divisée reforme une unité nouvelle à un autre niveau.

L'organique est une grande spirale conçue scientifiquement en fonction d'une loi de genèse, de croissance et de développement. La spirale organique trouve sa loi interne dans la section d'or, qui marque un point césure, et divise l'ensemble en deux grandes parties opposables mais inégales. On a un montage d'opposition et non plus un montage parallèle.

La composition dialectique ne comporte pas seulement la spirale organique, mais aussi le pathétique ou le développement. Il n'y a pas seulement unité organique des opposés, lien organique entre deux instants, mais bond pathétique où le deuxième instant acquiert une nouvelle puissance puisque le premier est passé en lui. De la tristesse à la colère, du doute à la certitude, de la résignation à la révolte. Le pathétique est passage d'un terme à l'autre, d'une qualité à une autre, et le surgissement soudain de la nouvelle qualité qui naît du passage accompli. Il est à la fois compression et explosion. La ligne générale divise sa spirale en deux parties opposées, "L'ancien" et "Le nouveau" et reproduit sa division, répartit ses oppositions d'un côté comme de l'autre : c'est l'organique. Mais, dans la scène célèbre de l'écrémeuse, on assiste au passage d'un moment à l'autre, de la méfiance et de l'espoir au triomphe, du tuyau vide à la première goutte, passage qui s'accélère à mesure que s'approche la qualité nouvelle, la goutte triomphale : c'est le pathétique, le bond ou le saut qualitatif.

• LE MONTAGE QUANTITATIF :

Dans l'école française d'avant guerre (Abel Gance) on assiste aussi à une rupture avec le principe de composition organique. Avec un certain cartésianisme le maximum de mouvements est recherché, composition mécanique (fête foraine d'Epstein dans Cœur fidèle, Le bal de Marcel L'Herbier dans El Dorado, les farandoles de Grémillon. Plus que la conception organique des danseurs ou la conception dialectique de leurs mouvements, on cherche à abstraire un seul corps qui serait le danseur et un seul mouvement. A la limite, la danse serait une machine dont les pièces seraient les danseurs. Le type de machine privilégié est l'automate, machine simple ou mécanisme d'horlogerie. Clair mouvement mécanique comme loi du maximum de mouvement pour un ensemble d'images qui réunit en les homogénéisant les choses et les vivants, l'animé et l'inanimé. Les pantins, les passants, les reflets des pantins, les ombres de passants vont rentrer dans des rapports très subtils d'alternance, de retour périodiques et de réaction en chaîne qui constituent l'ensemble auquel le mouvement mécanique doit être appliqué (la fugue de L'Atalante, la composition de La règle du jeu, les abstractions géométriques dans un espace homogène lumineux et gris, sans profondeur de René Clair, Un chapeau de paille d'Italie, Le million). L'objet concret, l'objet de désir, apparaît comme moteur ou ressort agissant dans le temps. L'individualisme est partout l'essentiel, il tient le rôle de ressort ou de moteur développant ses effets dans le temps, fantôme, illusionniste ou savant fou destiné à s'effacer quand le mouvement qu'il détermine aura atteint son maximum ou l'aura dépassé. Goût général pour l'eau, la mer ou les rivières permettent de trouver dans l'image liquide une nouvelle extension de la quantité de mouvement dans son ensemble ; de meilleures conditions pour passer du concret à l'abstrait, une plus grande possibilité de communiquer aux mouvements une durée irréversible indépendamment de leurs caractères figuratifs. Pour la lumière, l'école française substitue l'alternance à l'opposition dialectique et au conflit expressionniste.

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• LE MONTAGE EXPRESSIONNISTE :

La force infinie de la lumière s'oppose les ténèbres comme une force également infinie sans laquelle elle ne pourrait se manifester. La lumière n'a qu'une chute idéale, mais le jour, lui, a une chute réelle : telle est l'aventure de l'âme individuelle, happée par un trou noir dont l'expressionnisme donnera des exemples vertigineux (la chute de Marguerite dans le Faust de Murnau, celle du Dernier des hommes avalé par le trou noir des salles de toilette du grand hôtel, ou chez Pabst celle de Lulu). La vie non organique des choses, une vie terrible qui ignore la sagesse et les bornes de l'organisme. Un mur qui vit est quelque chose d’effroyable ; mais ce sont aussi les ustensiles, les meubles, les maisons et leurs toits qui penchent, se serrent guettent ou happent. L'expressionnisme est un mouvement violent qui ne respecte ni le contour organique, ni les déterminations mécaniques de l'horizontal et du vertical. Worringer, qui a créé le terme expressionnisme, l'a défini par l'opposition de l'élan vital à la représentation organique, invoquant la ligne décorative " gothique ou septentrional « : ligne brisée qui ne forme aucun contour où se distingueraient la forme et le fond, mais passe en zigzag entre les choses, tantôt les entraînant dans un sans fond où elle se perd elle-même, tantôt les faisant tournoyer dans un sans-forme où elle se retrouve en "convulsion désordonnée ".

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2- ANALYSE DU FILM :

2-1. MAIS POURQUOI DONC ?

Quelle étrange approche diront certains que de privilégier l'analyse de film... Pourquoi donc s'échiner à un travail nécessitant de nombreuses heures d'attention et de réflexion et ne pas accepter "comme tout le monde" le doux plaisir d'une salle qui s'éteint, du silence qui se fait (ce qui reste à voir... ou plutôt à entendre), et ce délice qui consiste à se laisser emporter par ce bel espoir, celui d'obtenir un spectacle conforme à son attente (le spectateur étant censé avoir choisi son film, quoique les cartes d'abonnement organisent insidieusement de savants réseaux de distribution).

Pourquoi ne pas accepter le principe de divertissement ? Pourquoi ne pas se laisser aller et opter pour l'affect ou le sentiment via la représentation cinématographique ? S'il s'agit d'analyser un film c'est qu'au fond il ne s'agit plus d'aimer le cinéma. La démarche deviendrait presque une manifestation agressive autorisant quelques quolibets sur un intellectualisme supposé et, plus sûrement, sur un penchant coupable à couper les cheveux en quatre.

Et pourtant, ne faut-il pas admettre que la deuxième vision d'un film (outre le bouleversement qu'opère le changement de support : un écran en salle, si modeste soit-il, n'est pas un écran "home cinéma" si cher soit-il) génère d'autres réactions ? Mieux, qui n'a pas ressenti lors d'une conversation entre amis qu'en fait chacun avait vu un film fort différent au point parfois de s'opposer sur le b.a. ba du récit filmique ?

Vu par quinze personnes différentes, le film devient dans la conversation un objet kaléidoscopique. Parfois même il devient l'enjeu de débats dans lesquels les expériences cinématographiques de chacun deviennent les axes véritables de la confrontation d'idées. Quant au matériau filmique, il est désormais bien loin, impressionné de façon parcellaire dans la mémoire et projeté sous forme d'anamorphose.

L'objet cinématographique est sans aucun doute le vecteur culturel possédant le plus fort coefficient sur l'échelle de la manipulation. Cette phrase est si banale ! Et pourtant, le consensualisme s'accorde à faire comme si...

L'analyse de film n'a pas pour objet de révéler des secrets qui auraient été savamment cachés ou de dévoiler des manœuvres pernicieuses qui fonderaient une quelconque tromperie du spectateur. Quoique : certaines méthodes élémentaires d'analyses d'images appréhendées dès le collège par exemple, auraient sûrement pour utilité de détruire l'efficacité redoutable du message publicitaire (conçu précisément par des techniciens de la réception spectatorielle) et de rendre celui-ci tout simplement irregardable car trop grotesque.

L'analyse de film participe avant toute chose d'un plaisir commun à aborder une œuvre d'art. Pour se cantonner au film narratif - qui demeure une constante en état de quasi monopole - il est selon nous essentiel de revenir à une observation prudente et rigoureuse de la matérialité filmique. La vision première d'un film laisse inaperçue toute la complexité des si nombreux éléments rassemblés en l'espace de 90 minutes de projection. Combien de contrevérités stupéfiantes ont-elles pu naître sous la plume de tel ou tel, fondées sur un point de départ (on a cru voir ou entendre ceci alors qu'il s'agissait de cela) objectivement erroné ? Combien de propos délirants ont-ils pu voir le jour s'agissant par exemple de certains films réalisés en France durant l'Occupation ? Combien d'aveuglements générés par le principe du référentiel auteuriste ont-ils perpétué de soi disantes évidences d'interprétation ?

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Oui, l'interprétation est nécessaire. Celle-ci devient alors personnelle et ne vaut que pour la qualité de son argumentaire et non pour un prétendu tenant de vérité. Mais ce travail d'interprétation n'est lui-même envisageable qu'après une approche (elles sont en fait fort nombreuses) analytique. Un film, comme le réel, est construit sur des sous-entendus, sur des non-dits. Les ellipses dévorent tout le film, aussi médiocre soit-il. Seule l'analyse permet de les appréhender.

L'analyse de film offre à celui qui s'y livre des richesses insoupçonnées. Un détail (si cher à la pensée du formidable Daniel Arasse qui a tant œuvré pour inciter chacun à entreprendre le voyage du regard) peut acquérir une importance considérable, qu'il soit visuel, sonore ou musical. Une bonne compréhension d'un enchaînement de séquences peut avoir bien plus de prix qu'un petit mot d'esprit dans un dialogue.

L'analyse n'entre aucunement en concurrence avec l'adhésion empathique : chacun doit revendiquer le droit de pouvoir être très simplement ému par telle ou telle œuvre. L'analyse s'efforce simplement d'exister.

Revenir tout simplement au texte. Exercer son acuité à regarder, à écouter. Rechercher par un principe de plaisir ce petit détail qui ravit aussitôt qu'il est reconnu... Pour pouvoir ensuite se livrer, sur des bases un peu moins fluctuantes, au charme très égocentrique de l'interprétation ou bien aborder l'exercice du travail critique, exercice périlleux s'il en est.

Et si l'on délaissait un peu l'heure indiquée (toujours la même, toujours changeante, comme les histoires...) pour s'intéresser d'un peu plus près au mécanisme élaboré par l'horloger ?

2-2. COMMENT ANALYSER UN FILM ?

Commencez toujours par décrire quelques séquences (images + mots + sons). Relevez les effets produits et reliez les, aux procédés utilisés.

Mais reconnaître, identifier et interpréter les procédés utilisés par le cinéma doit conduire à mieux lire le film. Cette approche assez technique devrait donc être enrichie par quelques considérations sur le contenu. Notamment en ce qui concerne la cohérence entre les séquences étudiées et l'ensemble de l'œuvre. En quoi telle séquence participe-t-elle à la construction d'un sens ?

Vous pourrez prolonger par une analyse plus systématique envisageant en outre le film comme récit et comme discours porteur d'une vision du monde, d'une idéologie.

Voici, à cet effet, quelques pistes pour analyser et développer notre regard critique. Il s'agit de balises destinées à guider la réflexion. À vous de structurer votre travail selon le type de recherche que vous entendez mener et dont vous souhaitez rendre compte.

Un récit

Il faut cependant se souvenir que tout est disposé pour l'œil et que l'art du cinéaste est de fournir les informations par les images, surtout. Une fois de plus, répétons qu'une image ne se charge de sens que par ses relations avec les autres ; il s'agit donc de s'attacher à découvrir des faisceaux d'éléments convergents.

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Personnages

Ils peuvent être tranchés, taillés d'une pièce ou nuancés, aux motivations complexes. Leur apparence : physique, habillement, objets familiers, trahit une vie intérieure que l'on peut décoder. Faites bien la différence entre acteur et personnage.

Temps

Quelle est la durée du film ? Quelle est la durée de l'action représentée ? Comment est rendu le déroulement du temps ? Narration

Montage : Comment le film est-il construit ? L'introduction : au début du film, il faut exposer la situation, présenter les personnages, bref, donner un certain nombre d'informations. Comment le fait-on ? Que dire des premières images ? Le nœud : quels sont les grands moments du film, les scènes importantes ? Comment ces scènes s'agencent-elles ? La fin : comment conclut-on ? Que dire des dernières images ? La fin est-elle "ouverte" ou "fermée" ? Quel est le rythme du film ? Quelles figures sont utilisées ? Quelles transitions joignent les séquences ? Plans & Angles Avez-vous remarqué des cadrages, des usages intéressants de la caméra ? Quels effets ont-ils ? Quelles couleurs dominent ? Quels éclairages ? Y a-t-ils des images ou des détails symboliques qui se répètent ? Quand ? Avec quels effets ? Son

Quel fond sonore a-t-on choisi ? Avec quels effets ? Certaines musiques, certains bruits sont-ils associés à des personnages ou des situations ? Quelle est la part des silences ? Parler du cinéma

La lecture du scénario peut vous apporter une aide considérable. Le générique, quant à lui, fournit des indications très intéressantes si vous souhaitez en savoir plus sur le réalisateur, le producteur, le sponsor ou l'importance des moyens financiers. Vous pouvez encore aborder d'autres sujets, comme :

- L'affiche, - La place des acteurs, des "vedettes", - La traduction, lorsqu'il s'agit d'une version doublée, - La place de l'œuvre dans une filmographie, situant le film comme un moment dans l'évolution d'un créateur, dans l'histoire du cinéma, dans la culture actuelle… Méfiez-vous de l'abondance de la documentation directement inspirée par le producteur et dont le langage utilise l'hyperbole à jet continu : génial, extraordinaire, merveilleux, éblouissant,... Ce n'est pas le ton que le professeur attend dans un texte scolaire ! Veillez plutôt à maintenir une certaine distance qui manifestera votre impartialité.

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Une bonne manière de travailler : voir et revoir ! La première vision d'un film ne permet guère que de découvrir l'histoire, sauf, bien sûr, si vous êtes cinéphile averti. C'est en revoyant, plusieurs fois, certains passages, que le regard s'affine et que vous irez de découvertes en découvertes. La méthode est simple, très efficace et stimulante. 2-3 DEVELOPPER UN REGARD CRITIQUE VIS A VIS DES IMAGES

L’humanité vit désormais dans un univers audiovisuel où les images fabriquées, jouent un rôle aussi important que celui de la langue, parlée ou écrite.

Comment trier, organiser, interpréter et évaluer l’information transmise par des procédés visuels ? Il ne peut pas s’agir simplement de se promener les yeux ouverts sur le monde naturel comme à l’époque de notre petite enfance.

Les images créées par le monde contemporain, et surtout celles qui émanent de la technologie audiovisuelle, ne sont ni naturelles ni innocentes. Elles ont le pouvoir de manipuler nos pensées et nos sentiments, et ainsi notre liberté d’esprit dépend de notre capacité de comprendre leurs compositions, leurs agencements, et leurs fonctionnements.

Voilà une liste de productions à voir pour développer son sens critique vis-à-vis des images. ++ Zeitgeist (http://www.zeitgeistmovie.com/) ++ arrêt sur images (http://www.arretsurimages.net/)

Les faux documentaires ou les documenteurs :

Les documenteurs ("mockumentary" in English) sont des films de fiction ayant l’apparence de films documentaires. C’est Agnès Varda qui forgea le terme français pour son film homonyme. Dans un documenteur, les conventions fictionnelles ne sont pas, ou peu, utilisées ; en revanche les codes du documentaire sont réquisitionnés ou adaptés : images tremblantes, plans mal cadrés et témoignages des protagonistes face à la caméra (Le projet Blair Witch), archives bidonnées (Zelig) ou fausses vraies archives avec effet "comme si". Très loin du cinéma du réel, toutes ces techniques sont utilisées pour nous leurrer. A la manière de la rumeur, les documenteurs décrivent un possible, une éventualité, et regarder un documenteur c’est se poser des questions sur ce que l’on voit : est-ce joué où est-ce vécu ? est ce vrai ou est-ce faux ? Le but est de produire l’étonnement, l’interrogation et bien sûr le plaisir.

Le plus souvent les documenteurs sont des comédies, mais les films ici proposés sont tout aussi bien des films d’horreur que des films purement politiques. Opération Lune Le 20 juillet 1969, la mission Apollo 11 alunit sur la mer de la Tranquillité. Deux milliards de téléspectateurs sont devant le petit écran pour suivre en direct les premiers pas de l’homme sur la Lune. Ces images, devenues historiques, étaient-elles authentiques ? Quels arguments et quels détails permettent d’en douter ? Une chose est sûre : en pleine guerre froide, les enjeux liés à la conquête de la Lune n’autorisaient pas l’échec du vol Apollo 11. Mais jusqu’à quel point le président Nixon était-il prêt à mentir pour donner le change ? En quoi le tournage de 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick a-t-il influé sur le cours des événements ? Et

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si le film du premier homme marchant sur la Lune n’était Vérités et mensonges (F for Fake) En début de programme, Orson Welles annonce au spectateur : « Tout ce que vous verrez dans l’heure qui suit est absolument vrai ». Le ton est donné, et le jeu commence : qu’y a-t-il de vrai dans ce documentaire sur les faussaires ? Si pour beaucoup cette variation sur l’art et le faux est le film testament de Welles, c’est en tout cas son dernier film achevé. This is Spinal tap Spinal Tap est un groupe de hard-rock britannique très populaire. Lors de leur tournée triomphale aux Etats-Unis, le réalisateur Rob Reiner décide de réaliser un "documentaire" sur ce groupe plus vrai que nature, une manière de voir le rock’n’roll de l’intérieur avec ses joies, ses philosophes, ses galères... Depuis le film est devenu culte et le groupe tourne vraiment. Zelig "Documentaire" historique sur l’étrange vie de Leonard Zelig, l’homme caméléon, qui, dans les années 20 & 30, souffrait d’un mal étrange, en prenant systématiquement l’aspect des personnes avec lesquels il était en relation. A partir d’images d’archives et de nombreux témoignages le film nous permet de suivre le parcours atypique de ce personnage singulier. Un Woody Allen original et drôlatique... D'autres perspectives : Punishment Park En 1971, les Etats-Unis promulguent une loi d’exception permettant d’incarcérer "toute personne susceptible de porter atteinte à la sécurité intérieure". Dans une zone désertique, un groupe de condamnés se voit proposer une possibilité d’échapper à la prison... En pleine guerre du Vietnam, Peter Watkins tourna cette docu-fiction politique immédiatement interdite aux Etats-Unis. Strass En Belgique, une équipe de reporters décide de réaliser un film sur les cours d’un extravagant professeur de comédie d’une école d’art dramatique. Mais le programme pédagogique de ce professeur tyrannique n’est pas du goût des étudiants et la tension monte... Filmé suivant la charte du Dogme, un documentaire belge surréaliste et absurde. Forgotten silver Contrairement à ce que vous avez toujours cru, c’est en Nouvelle-Zélande que furent inventés le cinéma, la pellicule couleur, le travelling et autre techniques cinématographiques par le seul vrai génie du cinéma : Colin McKenzie. Une expédition dirigée par Peter Jackson, nous emmène sur les traces de ce génial inconnu, à la recherche des ruines de son gigantesque studio perdu en pleine jungle. Projet Blair Witch

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Trois amis partent camper en pleine nature pour réaliser un film sur des phénomènes de sorcellerie, et disparaissent... Un an plus tard, leurs caméras sont retrouvées et permettent de comprendre ce qui s’est réellement passé durant leur randonnée. Effrayant et entêtant. Ou comment les caméras numériques permettent un nouveau style de cinéma... The Rutles Vous connaissez les Beatles mais connaissez-vous les Rutles ? Un "documentaire" nous permet de rencontrer ces méconnus cousins des Fab Four, qui vécurent les mêmes problèmes que leurs glorieux aînés : les rivalités entre musiciens, les égos surdimensionnés, les problèmes d’argent et d’agent. Eric Idle, ex-Monty Python, se met en quatre pour nous faire découvrir la vérité derrière le mythe de ces rockstars, de leur formation à leur séparation. La guerre des mondes En 1938, à la veille d’Halloween, Orson Welles et la troupe du Mercury Theater font trembler les Etats-Unis avec une émission radiophonique adaptée du roman d’HG Wells, sur l’invasion des martiens sur terre... 2-4. ANALYSE ET CRITIQUE DE FILM Il faut distinguer ce que l’on appelle l’analyse et ce qui appartient au discours sur le film. L’ANALYSE s’en tient à l’œuvre prise pour elle même de façon indépendante et infiniment singulière. LE DISCOURS envisage le film d’un point de vue extérieur à l’œuvre, il existe un discours juridique, sociologique, psychologique sur le film. L’ANALYSE DE FILM dans l’acceptation que nous lui donnerons, n’est pas étrangère à une problématique d’ordre esthétique ou langagière. LE BUT DE L’ANALYSE DE FILM est alors de faire mieux aimer l’œuvre en la faisant mieux comprendre. Il peut également être un désir de clarification du langage cinématographique, avec toujours un présupposé valorisant vis-à-vis de celui-ci. LES METHODES D’ANALYSE appartiennent à un ensemble d’analyses (textuelle, narratologique, iconique, thématique, structurale,…) où le film étudié doit être considéré comme une œuvre artistique autonome, susceptible d’engendrer un "texte" (analyse textuelle) fondant ses significations sur des structures narratives (analyse narratologique), sur des données visuelles et sonores (analyse iconique) produisant un effet particulier sur le spectateur (analyse psychanalytique). Cette œuvre doit être également envisagée dans l’histoire des formes, des styles et de leur évolution. LE REGARD porté sur un film devient analytique dès que l’on décide de dissocier certains éléments du film pour s’intéresser plus spécialement à tel moment, telle situation, telle image ou partie d’image. Ainsi l’analyse peut devenir une attitude critique commune au cinéaste et à tout spectateur un peu averti. ANALYSE ET CRITIQUE DEUX DISCOURS A DISTINGUER

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• L’approche cinéphilique prioritairement fétichiste fondée sur le culte de l’acteur et des

stars (magasines grands publics Première / Studio) • L’approche cinéphilique analytique à la base de la critique conçue comme critique d’art (Cahiers du cinéma / Positif). • L’activité critique suppose toujours la culture cinéphilique alors que l’amour du cinéma

peut se satisfaire d’une relation exclusivement passionnelle et aveuglée, le désir de connaître étant alors perçu comme un obstacle à la jouissance.

L’ACTIVITE CRITIQUE A TROIS FONCTIONS PRINCIPALES : • Informer • évaluer • promouvoir Ces trois fonctions concernent très inégalement l’analyse surtout car le critère d’actualité ne joue quasiment aucun rôle dans la démarche de l’analyse. • LE CRITIQUE informe et offre un jugement d’appréciation • L’ANALYSTE doit produire des connaissances. Il est tenu de décrire minimalement son

objet d’étude, de décomposer les éléments pertinents de l’œuvre, de faire intervenir le plus grand nombre possible de ses aspects dans son commentaire et d’offrir ce faisant une INTERPRETATION.

L’ANALYSE n’a donc ni à définir les conditions les moyens de la création artistique ni à porter des jugements de valeur ni à établir des normes. Ce dernier trait, en particulier, est important ; outre le fait qu’il distingue l’analyse d’une certaine conception de la critique, il contribue en effet à rapprocher l’analyse d’un autre ensemble de discours sur le cinéma que l’on a pris l’habitude de rassembler sous l’appellation de « théorie du cinéma ». 2-5. ANALYSE ET THEORIE L’ANALYSE ET LA THEORIE partagent en fait les caractéristiques suivantes : • L’une et l’autre partent du filmique, mais aboutissent souvent à une réflexion plus large

sur le phénomène cinématographique. • L’une et l’autre ont un rapport ambigu à l’esthétique, rapport souvent nié ou refoulé, mais apparent dans un tel choix d’objet. • L’une et l’autre enfin ont actuellement leur place pour l’essentiel dans l’institution

éducative. D’emblée nous pouvons affirmer qu’il n’existe pas de méthode universelle d’analyse de film mais il existe certes des méthodes relativement nombreuses, et de portée plus ou moins générale, relativement indépendantes les unes des autres. Chaque analyste doit se faire à l’idée qu’il lui faudra plus ou moins construire son propre modèle d’analyse, uniquement valable pour le film ou le fragment de film qu’il analyse ; mais en même temps, ce sera toujours, une possible ébauche de modèle général, ou de théorie : c’est là, au fond, une conséquence directe de ce qui vient d’être dit sur le rapport d’ordre entre l’analyse et de la théorie.

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2-6. ANALYSE ET INTERPRETATION LA QUESTION EST LA VALIDITE DE L’ANALYSE Pour beaucoup, le mot "interprétation " est marqué péjorativement et souvent synonyme de surinterprétation ou d’interprétation arbitraire ou délirante. La question n’est pas simple certes on peut souvent rejeter des interprétations abusives fondées sur des éléments trop peu nombreux ou incertains mais il faut aussi l’admettre l’analyse a bel et bien à voir avec l’interprétation. En effet, celle-ci serait le "moteur" imaginatif et inventif de l’analyse et la preuve en est que l’analyse réussie serait celle qui parvient à utiliser cette faculté interprétative mais en la maintenant dans un cadre aussi strictement vérifiable que possible. Roger Odin dans « Pour une sémio-pragmatique du cinéma » propose l’hypothèse que chaque film peut donner lieu, sinon à une infinité du moins à un grand nombre d’analyses et que le texte même du film jouerait par rapport à cette possibilité de multiplication comme une limitation : le film, en somme, ne proposerait de lui-même aucune analyse particulière. Il ne ferait qu’interdire certaines voies d’approches. « Non seulement un film ne produit pas de sens en lui même, mais tout ce qu’il peut faire, c’est bloquer un certain nombre d’investissements signifiants ». Cette formulation à l’avantage de définir le film comme garant – et seul garant – de la pertinence de l’analyse, et du non-délire de l’analyste. L’histoire du cinéma est riche en films ayant donné lieu à des interprétations largement divergentes, voire franchement contradictoires. Ex : L Buñuel : Nazarin 1958 ; l’Ange exterminateur 1952 ; le Fantôme de la Liberté 1974 Ex : P.P. Pasolini : l’Evangile selon Saint Matthieu 1964 ; Théorème 1968 ; Salò ou les 120 jours de Sodome 1974 2-7. DIVERSITE DES APPROCHES ANALYTIQUES : REPERES HISTORIQUES Un des précurseurs est Lev Koulechov, jeune cinéaste soviétique et enseignant de cinéma en 1919 au sein de la jeune École d’État de la Cinématographie de Moscou. En dix ans, il voit défiler tous les noms du cinéma muet russe. En 1929, il publie un livre intitulé L’art du cinéma où il reprend et synthétise l’essentiel des acquis théoriques et pratiques de ses dix années d ‘enseignement. Il traite systématiquement des principaux problèmes de l’art du cinéma, d’un point de vue mi-théorique mipratique : le montage, l’éclairage, le décor, le travail du cameraman, le scénario, le jeu de l’acteur. Il regine présente chaque problème sous une forme extrêmement articulée et même parfois carrément sous forme de grille analytique. Par exemple, son étude sur le jeu de l’acteur par rapport à la mise en scène de tous les mouvements envisageables pour le corps devant la caméra. Dans les mêmes années, on trouve les travaux du hongrois Béla Balàzs dans l’Esprit du cinéma et aussi du russe Vsevolod Poudovkine dans Technique du film MAIS on ne trouve pas encore véritablement d’analyse de séquences de films ou d’analyses par rapport à la construction générale d’un film. Il faut attendre 1934 et S.M. Eisenstein en raison de l’ampleur et de la précocité de ses écrits consacrés tant à l’esthétique générale du cinéma qu’à l’analyse d’œuvres artistiques de différents domaines : romans, peinture, pièces de théâtre, etc. En 1934, Eisenstein se livre à une analyse systématique d’une suite de 14 plans extraits de son Cuirassé Potemkine (1925). Il inaugure une première période de l’esthétique du cinéma allant jusqu’aux années 60, car on retrouve une démarche du même type dans la plupart des essais didactiques consacrés au découpage cinématographique.

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D’autre part l’analyse d’Eisenstein restée inédite en français a seulement été traduite et publiée en 1969 soit 35 ans après dans le N° 210 des Cahiers du cinéma. Cette publication ne précède que de six mois la publication de la première analyse structurale de film par Raymond Bellour dans la même revue à propos d’une séquence des Oiseaux de A. Hitchcock (1963). En France, à partir de 1943 grâce à la création de l’IDHEC (Institut des Hautes Études Cinématographique) par Marcel L’Herbier et l’extension très rapide des ciné-clubs à partir de la libération ce sont les "les fiches filmographiques" qui vont favoriser la naissance de revues destinées à l’origine aux animateurs de ces nouvelles salles dites : d’art et d’essai. La fiche filmographique comportait traditionnellement trois parties : 1. l’une informative : générique détaillé, bio filmographie du réalisateur, conditions de production et de distribution du film. 2. la seconde descriptive et analytique : liste des séquences ou résumé du film, partie analytique de la fiche ou corps de la fiche. 3. la troisième énumérait les questions suscitées par le film, des suggestions pour l’animateur du débat. Cette répartition reproduit à l’évidence le modèle de la dissertation littéraire classique qui régnait alors sans partage. 2-8. LA POLITIQUE DES AUTEURS ET L’ANALYSE INTERPRETATIVE L’histoire de la critique et par voie de conséquence celle de l’analyse ont été marquées dans les années 50 par une manière particulière d’aborder les films : à travers la "politique des auteurs", principalement définie et pratiquée par les Cahiers du cinéma à partir d’un numéro spécial consacré à Alfred Hitchcock en 1954 (A.Hitchcock est traité de « brillant technicien » sans « message personnel » comme tout le système hollywoodien ce qui fait dire à André Bazin : comment peut-on être" Hitchcocko-Hawskien ?"). La politique des auteurs est donc, au départ polémique, d’où pour certains la volonté de montrer que les problèmes de fond et de forme sont liés d’une manière particulièrement étroite. Rohmer et Chabrol dans leur article sur Hitchcock disent que « c’est dans la forme qu’il convient de chercher la profondeur, c’est elle qui est grosse d’une métaphysique ». A la fin de l’essai de Chabrol et Rohmer, Hitchcock se retrouve « père d’une métaphysique » pour reprendre leur expression. Ainsi la politique des auteurs, logiquement centrée sur l’analyse de l’œuvre est donc une méthode interprétative des films. 2-9. DERNIER TEMPS : L’ARRET SUR IMAGE Lié à l’importante vague sémiologique des années 60/70 avec l’apparition de nouvelles générations de cinéastes-cinéphiles, tous ces facteurs incitent à l’étude détaillée des films, en lui procurant, qui plus est, un lieu d’actualisation et une légitimation culturelle. La théorie et l’image ont fait bon ménage. Très souvent l’analyse a été vécue à la fois comme le moment empirique et comme le moment qui sert à la découverte de la théorie : moment et moyen de vérification des théories mais aussi de leur invention et ou de leur perfectionnement. Il est clair que toute l’analyse ne se résume pas à l’arrêt sur image ; c’est pourquoi on peut dire que celui-ci est l’emblème de celle-là et non sa méthode ou son essence.

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En conclusion de cet essai de typologie et de ce bref parcours historique on peut retenir trois principes : 1. Il n’existe pas de méthode universelle pour analyser des films. 2. L’analyse de film est infinie puisqu’il restera toujours, à quelque degré de précision et de longueur qu’on atteigne, de l’analysable dans un film. 3. Il est nécessaire de connaître l’histoire du cinéma et de l’histoire des discours tenus sur le film choisi pour ne pas les répéter, de s’interroger d’abord sur le type de lecture que l’on désire pratiquer.

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3- EXEMPLES D’ANALYSE DU FILM : 3-1. ANALYSE DU FILM : L'ODYSSEE DE L'ESPACE

Il ne nous est jamais possible d’aborder toutes les composantes de 2001 : l'odyssée de l'espace, toute sa richesse, d'en épuiser toutes les interprétations. Impalpable, ce film se décèle dans le domaine de l’abstraction, de l’esthétique, et du symbolisme.

« J'ai essayé de créer une expérience visuelle, qui contourne l'entendement et ses constructions verbales, pour pénétrer directement l'inconscient avec son contenu émotionnel et philosophique. J'ai voulu que le film soit une expérience intensément subjective qui atteigne le spectateur à un niveau profond de conscience, juste comme la musique ; « expliquer » une symphonie de Beethoven, ce serait l'émasculer en érigeant une barrière artificielle entre la conception et l'appréciation » — Stanley Kubrick

« Quand un film a de la substance ou de la subtilité, on ne peut jamais en parler de manière complète. C'est souvent à côté de la plaque et forcément simpliste. La vérité a trop de facettes pour se résumer en cinq lignes. Généralement, si le travail est bon, rien de ce qu'on en dit n'est pertinent » — Stanley Kubrick

« Vous êtes libres de vous interroger tant que vous voulez sur le sens philosophique et allégorique du film - et une telle interrogation est une indication qu'il a réussi à amener le public à un niveau avancé - mais je ne veux pas donner une grille de lecture précise pour 2001 que tout spectateur se sentirait obligé de suivre de peur de ne pas en saisir la signification8 » — Stanley Kubrick

Bien que Clarke ait participé à la rédaction du scénario, le film porte nettement la patte de Kubrick, notamment de son pessimisme. Ainsi, le premier effet de l'intelligence est, pour notre ancêtre, l'invention d'une arme et un meurtre. Les personnages sont singulièrement inactifs : les astronautes sont totalement sous le contrôle d'un ordinateur, et seul un sursaut permettra au dernier survivant de se sauver au prix d'un nouveau meurtre symbolique. La question de savoir si la fin du film est optimiste ou non est incertaine. Est-ce la préfiguration d'un dépassement de l'espèce humaine (ce que suggère le titre musical Ainsi parlait Zarathoustra) ? D'une évolution ou d'autre chose ?

Du point de vue des avancées technologiques au début du XXIe siècle, 2001 : l'odyssée de l'espace donne une vision assez optimiste. Dans la représentation de ce qu'étaient au milieu des années 1960 les technologies du futur, Kubrick a poussé la précision et le réalisme à un point qui ne s'était pas encore vu dans un film de science-fiction. Il aurait méticuleusement détruit toutes ses maquettes (ce qui n'est pas sûr puisqu'on voit le vaisseau Explorer 1 dans un épisode de la série Cosmos 1999) avant de proclamer : « Si d'autres veulent faire un film plus réaliste, il faudra qu'ils aillent le tourner sur place. » L'obsédant silence du vide spatial, où l'astronaute, enfermé dans sa combinaison, n'entend que sa propre respiration, joue un rôle de premier plan dans le film. La Guerre des étoiles n'en a pas retenu l'idée, ni même 2010 (la suite de 2001) où l'on entend des bruits d'explosion dans le vide (ce qui est une absurdité du point de vue physique).

La qualité de ce travail et le perfectionnisme du réalisateur ont permis aux effets spéciaux utilisés dans le film de conserver une force qui crée encore aujourd'hui l'illusion. De plus, les thèmes soulevés par ce film : la nature de l'humanité, l'intelligence, notre place dans l'univers, restent toujours d'actualité, près de quarante ans plus tard.

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Ellipse

Si 2001 : l'odyssée de l'espace devait être réduit à une scène emblématique, ce serait sans doute (du moins dans la conscience collective, d'après les nombreuses parodies qu'elle engendra) celle où le singe premier-homme lance en l'air le premier outil de l'humanité (un os) et que celui-ci s'élève (sur la musique de Richard Strauss) puis retombe (sur la musique de Johann Strauss, musicien paradoxalement antérieur au précédent) et se « transforme » soudain en une bombe nucléaire9 (et non en un vaisseau spatial) flottant dans l'espace et qui semble même « tomber » dans le prolongement de la trajectoire de l'os. La particularité de cette scène tient essentiellement en sa forme (le montage). Cet enchaînement extrêmement simple, puisqu'il n'y a nulle utilisation de transitions (ex : fondu, etc.), peut être qualifié à la fois de brutal et de cohérent. Brutal parce qu'il oppose deux situations très différentes et surtout deux âges très éloignés. Cohérent parce que les formes de ces deux objets sont à l'écran, très semblables et que le mouvement n'est pas rompu. Ce montage est inhabituel puisque traditionnellement, un fondu au noir aurait été utilisé pour signifier le changement de contexte. Ceci a pour effet d'effectuer un certain rapprochement entre les deux outils, en l'occurrence l'os et la bombe. La force de cette scène se trouve précisément dans l'ellipse que le réalisateur choisit d'opérer. Ainsi pour Kubrick les millions d'années d'évolution de l'homme ne représentent qu'une fraction de seconde. Toute cette évolution n'est qu'une transition qui a permis à l'homme de passer des premières inventions à la marche sur la Lune, étape jugée comme révélatrice de maturité puisque c'est ici que l'on découvre le monolithe. L'homme n'évolue donc, dans 2001, que par paliers successifs.

La symbolique des formes

Il est intéressant de remarquer la forte valeur attribuée aux formes dans ce film, deux modèles ressortent principalement de cette observation : le cercle et le rectangle. Le cercle semble représenter ce qui se rapporte à l’homme, notons par exemple l’œil du héros filmé en gros plan, les premiers hommes qui forment un cercle autour du point d’eau ou le fœtus astral. De même, au niveau des réalisations techniques, la station orbitale est composée de deux gigantesques roues qui tournent harmonieusement dans le vide, la partie habitable du vaisseau Discovery est de forme cylindrique et beaucoup de vaisseaux (comme les Pods) sont sphériques. La forme rectangulaire prend, quant à elle, une signification que l'on peut associer au monolithe. Ce parfait parallélépipède rectangle, symbole évolutif, peut nous amener à percevoir la forme rectangulaire comme la représentation de l'intelligence supérieure. Dès lors, un détail révèle toute son importance concernant l’interface de l’ordinateur HAL. Celui-ci communique avec les astronautes par un objectif circulaire encadré d'un rectangle aux proportions du monolithe. Ainsi on peut concevoir HAL comme un intermédiaire entre l’homme et l’entité supérieure.

« L'ordinateur Hal représente à lui seul les deux formes parfaites du film, le rectangle et le cercle, c'est-à-dire l'organique et l'inorganique, l'artefact construit et l'intelligence biologique.10. »

La dualité des héros

La dualité, idée récurrente dans les œuvres de Stanley Kubrick (la dualité présente en chaque homme et qui en fait un être pouvant choisir) le plus souvent représentée par les célèbres parquets noir et blanc dans ses films, se retrouve dans 2001 d'une manière inattendue. En effet Kubrick choisit ici de filmer les deux principaux astronautes de Discovery d'une manière spécifique. Ainsi ces deux héros ne se rencontrent presque jamais dans 2001 (alors qu'ils sont pourtant sur le même vaisseau !) et même lors de l'une de leurs rares discussions, celle qu'ils

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tiennent en mangeant, ils ne se regardent pas une seule fois. Kubrick va même plus loin dans les scènes de sortie dans l'espace. Il est alors très intéressant de remarquer que leurs positions semblent s'inverser parfaitement lors de la deuxième sortie. En effet lors de la première, c'est Dave qui va chercher la balise radio dans un Pod pendant que Franck l'assiste depuis le vaisseau avec l'aide de HAL. Puis quand HAL propose d'aller replacer la balise à sa place, les rôles s'inversent : Franck sort avec le Pod et Dave l'assiste de la même manière. De plus, coïncidence encore plus troublante, les gestes des deux héros pour aller chercher la balise sont sensiblement identiques. Le seul instant où Dave regardera directement Franck se déroule dans des circonstances tragiques puisque ce dernier sera mort et que Dave tentera de reprendre son corps dérivant dans l'espace. Enfin dernier indice, alors que l'un est gaucher, l'autre est droitier. Certains critiques ont même avancé l'idée que ces deux héros n'en formeraient qu'un. Mises à part ces théories, il est cependant évident que Kubrick exprime une fois de plus son obsession de la dualité humaine.

« Bowman et Poole se comportent durant leur voyage comme d'étranges miroirs l'un de l'autre (...) Kubrick a d'ailleurs choisi intentionnellement deux acteurs qui se ressemblent extrêmement11. »

Il est aussi intéressant de remarquer que, dans cette dualité, Kubrick réserve généralement la partie gauche de l'écran (celle tournée vers le passé) à Franck et la partie droite (celle de l'avenir, de la progression chronologique) à Dave. Ceci peut être vu comme une annonce de la fin du film : Dave est l'humain qui va passer au stade d'évolution suivant, qui va atteindre le rang de « fœtus astral » et dépasser son statut d' homme. Le fait que Dave soit l'« élu » est aussi prévisible dans le sens où il est le seul personnage principal à ne pas être encore lié à la Terre : Floyd parle depuis l'espace à sa fille, Franck à ses parents mais Dave, lui, semble seul.

Rupture

Comme Michel Chion le fait remarquer dans son livre 12, il existe un passage précis où le spectateur assiste au changement de comportement de HAL 9000 qui annonce sa future tentative de tuer les astronautes. Cette scène est celle où HAL questionne Bowman sur sa motivation et ses craintes concernant leur mission. Après quelques phrases échangées, Bowman demande à HAL si ces questions ont pour but de permettre à l'ordinateur de préparer un rapport psychologique. Après quelques instants, HAL le reconnaît et s'en excuse. C'est à partir de ce moment que les deux astronautes vont commencer à se méfier de HAL et que celui-ci va chercher à les éliminer. Il s'est produit dans cette scène un véritable changement dans l'attitude de la machine. Le spectateur peut ressentir cette rupture dans les longues secondes où HAL a hésité avant de donner sa réponse. Une sorte de malaise s'installe dans l'esprit du spectateur car ce temps d'attente n'est pas normal étant donné qu'une machine ne peut pas hésiter mais seulement calculer ou répondre rationnellement. Il s'est donc produit une véritable rupture sous les yeux du spectateur et cela s'est fait par un silence.

Autour du film

• L'initiative du projet revient à Stanley Kubrick, qui, connaissant l'œuvre de Clarke, le contacta afin de voir dans quelle mesure ils pourraient travailler ensemble sur « the proverbial good science-fiction film » (« le légendaire bon film de science-fiction »).

• Le scénario du film, ainsi que le livre correspondant, ont été écrits conjointement par Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick. Néanmoins, il fut convenu qu'Arthur C. Clarke conserverait officiellement la paternité du livre, et Stanley Kubrick celle du scénario. Le film et le livre ont en fait été développés en parallèle : le livre est par exemple

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fondé sur certains des rush quotidiens du film... et vice-versa... (pour plus de détails concernant la collaboration de Clarke et Kubrick sur ce projet, voir The Lost Worlds of 2001, Arthur C. Clarke, Signet, 1972). Précisons toutefois que la nouvelle The Sentinel, de Arthur C. Clarke, constitue la véritable origine du film en reprenant l'idée d'un objet extraterrestre abandonné sur la Lune et servant depuis comme alarme : toutefois, il ne s'agissait encore que d'une pyramide et non d'un monolithe.

• Le nom de HAL 9000 correspond au décalage alphabétique des lettres du mot « IBM », entreprise qui a participé à la réalisation du film ; Arthur C. Clarke eut beau démentir, certains pensent toujours qu'il s'agit de l'origine du nom. Dans la version française, l'ordinateur s'appelle Carl (acronyme de Cerveau Analytique de Recherche et de Liaison ).

• Également, ce film est supposé suivre, selon certaines interprétations, une constante mythologique comme par exemple celle des argonautes. Joseph Campbell, dans son livre Les Héros sont éternels, a analysé cette constante, courante en alchimie (départ du héros de sa contrée, combat contre le monstre mythologique, révélations initiatiques faites au héros, retour du héros dans sa contrée d'origine, le héros devient maître des deux mondes). Sous cet aspect, le film prend un relief inattendu.

• Dans le film, le vaisseau spatial se dirige vers Jupiter autour de laquelle le monolithe est en orbite alors que dans le livre, il se dirige vers Japet, un satellite de Saturne où se trouve le monolithe, Jupiter étant visitée pour utiliser son assistance gravitationnelle. Le monolithe est totalement noir et opaque dans le film et est décrit comme étant translucide dans le livre. De plus, un point essentiel qui n’est évoqué que par la plume de C. Clarke à plusieurs reprises dans le roman, les proportions de l’objet, quelles que soient ses dimensions, sont de 1 x 4 x 9, c'est-à-dire les trois premiers nombres élevés au carré. Ces chiffres magiques se révèlent être pour David Bowman, soudainement vers la fin de son épopée d’être humain, la clé du secret qui régit le comportement du monolithe et ce pourquoi il a été créé. Malgré les différences entre le film et le livre, les romans de Clarke qui feront suite à 2001, l'odyssée de l'espace prendront les éléments du film et non du livre.

• 2001 explora de nombreuses techniques d'avant-garde en matière d'effets spéciaux et fut notamment à l'origine du motion control. L'ensemble des éléments scénaristiques et des décors firent l'objet d'une attention toute particulière et plusieurs scientifiques et experts en matière d'exploration spatiale coopérèrent.

• La suite du film et du livre : 2010 : l'année du premier contact (2010, The Year We Make Contact) répond à certaines des interrogations que le premier pouvait laisser en suspens. Cependant, ni le livre, ni le film n'eurent le succès escompté. Arthur C. Clarke publia malgré tout deux volumes supplémentaires : 2061, Odyssée trois (1988) et 3001, L'Odyssée finale (1997).

• La fille de Floyd, à qui il téléphone depuis l'espace, est jouée par la propre fille de Stanley Kubrick.

• La scène finale du film est basée sur un fragment d'Héraclite d'Éphèse, philosophe présocratique, qui parle de la continuité cyclique de la vie.

• Jack Kirby s'inspire du film pour créer une version comics en 1976 et le super-héros Machine Man.

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3-2. ANALYSE D’UNE SEQUENCE DU FILM « BLADE RUNN » DE RIDLEY SCOTT

l'analyse plan par plan de quelques séquences. Certains seront sans doute peu à l'aise avec cet exercice un peu obscur et très technique, surtout s'ils sont peu familiers du jargon cinématographique. Mais nous pensons qu'après avoir évoqué bien des aspects du film, il nous faut maintenant s'attarder sur le travail de mise en scène qui fait de Blade runner ce qu'il est, et de Ridley Scott, un grand réalisateur.

Cette anatomie d'une scène est surtout destinée à tenter de comprendre l'impact des choix du réalisateur et à essayer de percer sa mise en scène. L'exercice peut sembler vain : vouloir expliquer tout ce qu'a mis le réalisateur relève plutôt du bavardage inutile sur une mise en scène née de l'instinct d'un homme. Dans un film, dans chaque plan, il y a énormément de choses qui ont été pensées alors que d'autres sont laissées totalement au hasard. Mais c'est cette « dynamique de création » qui fait que les évènements parfois insignifiant ou non-réfléchis du tournage participent activement au film et trouvent une signification. Sans gâcher le plaisir de la vision, l'exercice est une expérience bénéfique qui n'a en aucun cas la prétention de tout exploiter ou de tout expliquer. Et le génie de l'époque d'un grand réalisateur visionnaire ne s'explique pas !

Nous espérons que ce sera aussi l'occasion de se pencher sur d'autres films du strict point de vue de la mise en scène, en montrant que le choix de tel ou tel plan, filmé de telle ou telle manière, part d'une ou plusieurs intentions du réalisateur d'obtenir des réactions, plus ou moins conscientes, chez le spectateur. Ne vous étonnez donc pas du caractère parfois répétitif et fastidieux de l'exercice. Ceux qui y sont totalement hermétiques peuvent retrouver une analyse plus « générale » du film en retrouvant sur cette page le sommaire du dossier complet.

Nous attaquons cette dissection du travail de Scott sur Blade runner en commençant par l'analyse de la première scène, celle du générique, qui situe l'action dans la mégalopole du futur, qui, en un long travelling aérien découpé, se dissout tout entière dans un œil filmé en gros plan. La rencontre de l'infiniment grand et de l'infiniment petit...

Note : - Lorsque plusieurs images sont présentées dans le même paragraphe, il s'agit bien d'un même plan dont nous avons fait plusieurs captures (début et fin d'un travelling par exemple) pour améliorer la lisibilité de l'explication. Il ne s'agit aucunement d'une coupe dans le montage. - Certaines images de Blade runner étant très sombres, certaines des captures ci-dessous ont été retravaillées pour mieux ressortir sur un écran d'ordinateur. Merci de votre compréhension. - Les storyboards ci-dessous ont été refaits par l'auteur et ne sont pas les originaux. Leur reproduction est interdite.

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1– Scène d'ouverture

PLAN 1

Ouverture au noir. Trois coups de basses sourdes se font entendre. « Los Angeles, Novembre 2019 » : l'accroche et la date de l'action à quelque chose d'énigmatique. Le thème musical est d'abord annoncé sans accompagnement, environné d'une vaste réverbération, faisant ressortir un immense vide cependant que les titres du générique se succèdent sur fond noir (dans la version de 1992, un menu déroulant explique également les origines du mot « réplicant »). Puis, sur les premières images de Los Angeles dans un futur proche, il sera intégralement repris sur de vastes et longs accords de synthétiseur, comme un grand orgue. Le concept du début du film est clair : le thème musical, symbole du film, installe une certaine atmosphère épique, mais aussi créé, avant le lever de rideau, une sorte de vide. La suite emplit visuellement l'écran par une véritable explosion de couleurs et de sonorités. La plupart du temps les spectateurs ne se rendent absolument pas compte que le thème qu'ils entendent sur les premières images est strictement le même que celui du générique. Le plan se clôt par une fermeture au noir sur ce dernier carton du générique. Le choix du mois, novembre, n'est pas innocent. C'est, de manière répandue, le mois considéré comme le plus triste de l'année.

PLAN 2

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Travelling avant en plan très large. Ouverture au noir. Explosion sonore et visuelle. Des flammes qui explosent littéralement tels des jaillissements, ponctuent cette vue aérienne. La mégalopole nous apparaît comme une masse sombre dont les multitudes de lumières constituent les uniques détails. Ciel et terre sont confondus. Un vaisseau arrive vers nous du fond de l'image et un éclair déchire ensuite le ciel dès sa sortie de champ. Nous allons nous apercevoir au cours de cette séquence que tout est parfaitement orchestré, chorégraphié, donnant cette impression de mouvance. A chaque fois au cours de « l'avancée » imperceptible de la caméra, un élément va intervenir dans l'image, liant chaque plan, dans un rythme lent et calculé qui se poursuivra tout au long du film, faisant ressortir le côté oppressant de l'atmosphère.

PLAN 3

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Travelling avant plus serré. Une flamme jaillit, semble sortir de terre, comme répondant à l'éclair et projette une gerbe de feu. Les éléments se déchaînent. Le cut très violent permet à Ridley Scott de se rapprocher du cœur de la ville (en ellipsant une partie du mouvement) tout en conservant le subtil travelling très fluide. Il nous dirige inconsciemment dans cet univers apocalyptique sans repère. Ce monde est plongé dans la brume et ce mouvement est perçu comme une errance. D'où la nécessité d'avoir un guide qui nous apparaît sous la forme d'un vaisseau dont la lumière rouge à l'arrière perce le ciel obscur et se dirige vers le fond de l'image. Son entrée est amenée par quelques notes au-dessus des autres dans la partition musicale qui se transforment en bourdonnement immédiatement repris par le son du réacteur à son entrée dans le champ. Musique, sons et image sont en parfaite adéquation comme dans un immense ballet.

PLAN 4

Plan fixe. Très gros plan. La disparition du vaisseau-guide fait place à un très gros plan de l'œil dans lequel se reflètent les lumières de la ville. Ridley Scott passe en cut d'une très grande à une très petite échelle de plan. L'œil est une image attirante mais qui, par ses diverses représentations cinématographiques (l'œil mort de Psychose par exemple) est devenue inquiétante : c'est « l'œil de la conscience », la conscience étant un des thèmes fondamentaux de Blade runner. L'irruption de cet œil a quelque chose d'insolite. On a l'impression que toute la ville s'engouffre, s'inscrit dans cet œil (le spectateur s'aperçoit par la suite qu'il s'agit vraisemblablement de l'œil de l'homme situé à la fenêtre d'une des pyramides). L'œil a une importance primordiale dans Blade runner : c'est par son intermédiaire que l'on distingue l'humain de l'androïde grâce au test de Voigt-Kampf. On note

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que la mégalopole et l'œil occupent à l'écran une place et une importance inversement proportionnelles à leurs tailles.

PLAN 5

Plan un peu plus serré toujours en travelling avant. Ridley Scott poursuit son découpage en nous approchant par plans successifs des deux pyramides tout en gardant une transition entre chaque plan pour ne pas perdre le mouvement fluide « d'approche » auquel le spectateur ne prend pas garde. Sans s'en rendre compte, il va se retrouver « au pied » des pyramides. Il découvre dans ce plan le but de cette vue planante, le « vaisseau-guide » passe d'ailleurs à côté des pyramides, sortant du champ par la gauche, comme s'il avait rempli sa mission maintenant que nous les avons sous nos yeux. Le passage au plan suivant s'effectuera, là encore, au moment où il disparaîtra. Les deux pyramides sont massives et dominatrices, tels deux mausolées à la gloire de Tyrell. Les lumières très blanches dirigées vers le ciel leur donnent un caractère céleste et divin. Mais Tyrell n'est-il pas le créateur ? L'homme qu'elles abritent n'est-il pas une sorte de dieu ? Une chose est sûre : il se prend pour un pharaon tout-puissant !

PLAN 6

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Plan large. Travelling avant. La transition est faite ici de manière sonore : c'est le réacteur du vaisseau qui, en entrant dans le champ, justifie le cut. Nous suivons maintenant le flux des vaisseaux qui convergent vers un même point. Nous n'avons plus besoin d'être guidés, l'errance s'est transformée en une trajectoire vers un point précis qui justifie à elle seule le cut puisque l'unique but est de s'en approcher.

PLAN 7

Plan fixe. Très gros plan de l'œil, idem plan 4 (plans tournés/plans montés). L'œil représente la vie et par voie de conséquence la conscience. C'est un des thèmes forts de Blade runner. Ridley Scott, en nous montrant cet œil en gros plan, pose déjà la thématique du film. La conscience peut-elle se communiquer ? Dans ce plan, l'homme représenté par l'œil semble supérieur à l'univers qui l'entoure. Le propre de l'homme est d'avoir une conscience qui lui permet de réfléchir sur ses actes et sa condition au contraire de l'androïde, mais cette suprématie de l'homme sur le robot va-t-elle être toujours d'actualité ? D'autre part, nous noterons que l'œil est l'empreinte externe la plus évoluée d'un individu. Blade runner, pendant tout son métrage, va nous interroger sur l'identité des hommes par rapport aux robots. Qu'est ce qui fait que nous sommes plus humains qu'eux ? L'œil synthétise au mieux cette crise identitaire et existentielle futuriste à l'heure où, tout récemment à notre époque, les administrations mettent en place le passeport biométrique incorporant des données sur l'iris de la personne auquel il appartient.

PLAN 8

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Travelling avant large de la pyramide. Le travelling est ici plus rapide. Le cadrage (désaxé sur la droite) désaccorde avec celui, très symétrique et frontal, des plans précédents. Inconsciemment, nous sentons que nous approchons du but, nous arrivons au terme de la destination vers laquelle nous emmène Ridley Scott. Nous avons l'impression d'être dans un des vaisseaux en phase d'approche qui n'ont cessé de traverser l'image de part en part. La contre-plongée renforce le gigantisme de la pyramide

PLAN 9

Plan fixe. Une silhouette se tient debout de dos, immobile, devant une fenêtre, baignant dans une lumière éblouissante et crue contrastant étrangement avec la lumière extérieure (raccord totalement irréaliste, la lumière intérieure ne provenant d'aucune source extérieure identifiée). Son immobilité et son calme apparent détonnent également avec l'extérieur fourmillant et agité, quasiment apocalytpique. Seul un imposant ventilateur dynamise l'image et lui donne du mouvement. Il se trouve vraisemblablement à l'intérieur de la pyramide.

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PLAN 10

Cut. Plan pyramide. Travelling avant. La pyramide nous apparaît massive et gigantesque. Très imposante, c'est elle qui, à son tour, a une taille dépassant les limites de l'écran. L'image très géométrique (axes horizontal et vertical bien centrés) lui donne stabilité et respect. La façon dont elle est filmée nous la fait apparaître fantastique et irréelle, enfermant on ne sait quel secret machiavélique. Elle est à la fois attirante et repoussante, inquiétante, dégageant des forces obscures et inconnues. Elle nous apparaît enfin comme le point de départ, le centre de l'histoire.

PLAN 11

Plan fixe, plus large. Nous sommes en fait dans un bureau où un homme boit paisiblement son café en fumant, bureau situé à l'intérieur de la pyramide (on est à la « Tyrell Corporation »

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comme nous pourrons le lire sur les dossiers des fauteuils). On remarque que la séquence est construite en un faux champ contre-champ de 180° entre l'homme qui regarde (l'œil qui pourrait être un articulateur sans point de vue) et les vues de la ville (le faux point de vue).

PLAN 12

Cut. Un mouvement de grue plus sophistiqué et beaucoup plus rapide (très « ciblé », la caméra « vise » un point du décor) nous fait découvrir un point particulier de la pyramide (là où se situe effectivement le bureau) accompagné par un son cristallin et se terminant sur un bruit d'aspiration amenant le cut suivant. Nous plongeons littéralement au cœur de la ville, de l'action et finalement... du film. Un bourdonnement très sourd supporte ce plan, ce dernier nous amenant au début de l'histoire.

PLAN 13

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Mouvement de grue partant d'une plongée. Au mouvement du plan 12 répond ce mouvement de grue. La situation géographique du bureau est donc établie à la fin de la séquence. Ces deux mouvements « complémentaires » permettent de débuter l'histoire car ils ramènent les deux éléments de la scène d'ouverture (« l'œil-homme » et « la pyramide-bureau ») à une même échelle. Et c'est là toute la force de cette séquence : la découverte de l'homme et de la pyramide se font à des échelles inverses en alternant les plans ainsi constitués. Ridley Scott commence par un large plan de la ville et un gros plan de l'œil pour terminer sur un plan très serré de la ville (les fenêtres de la pyramide) et un plan large du bureau. Au début de la séquence, l'homme semble supérieur à l'immensité de la ville alors qu'il nous apparaît à la fin bien petit au regard des plans précédents. Il est littéralement aspiré, noyé dans cette mégalopole.

L'histoire peut alors commencer... Comment l'homme pourra garder et affirmer une part d'humanité dans ce monde apocalytpique et inhumain qui grouille de robots à peine différenciables des hommes...

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Liste des références bibliographiques

• Christian Metz : Essai sur la signification au cinéma - Tome 1 Éditions Klincksieck Paris1968 ; Tome 2 Éditions Klinsckieck Paris 1972 • Le signifiant imaginaire - Union Générale d’Editions Paris 1977 . • Raymond Bellour : L’analyse du film Editions Albatros Paris 1979 . • Jacques Aumont, Michel Marie, Alain Bergala, Michel Vernet : Esthétique du film Editions Nathan Paris 1983. • André Bazin : Qu’est ce que le cinéma ? Editions du Cerf Paris 1985 ; L’énonciation impersonnelle ou le site du film in Vertigo N°1 Paris 1988. • Jacques Aumont et Michel Marie : L’analyse des films Editions Nathan Paris 1988. • Laurent Jullier : L’analyse de séquences Editions Nathan Paris 2003 • Les principaux documentaires Retour en Normandie Nicolas Philibert France 2007 Sicko Michael Moore U.S.A. 2007 Le filmeur Alain Cavalier France 2005 La blessure Nicolas Klotz France 2004 Peau de cochon Philippe Katerine France 2004 Tarnation Jonathan Caouette U.S.A. 2004 Basse-Normandie Patrica Mazuy France 2004 Fahrenheit 9/11 Michael Moore U.S.A. 2004 10e chambre, instants d'audience Raymond Depardon France 2003 Dix sept-ans Didier Nion France 2003 Histoire d'un secret Mariana Otero France 2003 Le cauchemar de Darwin Hubert Sauper France 2003 A l'ouest des rails Wang Bing Chine 2002 S21, La machine de mort kmère rouge Rithy Panh France 2002 Bowling for Columbine Michael Moore U.S.A. 2002 Etre et avoir Nicolas Philibert France 2002 Renault, la puissance et les rêves Philippe Worms France 1997 Microcosmos Claude Nuridsany France 1996 Délits flagrants Raymond Depardon France 1994 Roger et moi Michael Moore U.S.A. 1990 Au bord de la mort Frederick Wiseman U.S.A. 1989 Hotel Terminus Marcel Ophuls France 1988 La bête lumineuse Pierre Perrault Canada 1988 Urgences Raymond Depardon France 1987 Shoah Claude Lanzmann France 1985 Faits divers Raymond Depardon France 1983 Reporters Raymond Depardon France 1982 San Clemente Raymond Depardon France 1980

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In girum imus nocte et consum.. Guy Debord France 1978 Le fond de l'air est rouge Chris Marker France 1977 Numéro zéro Raymond Depardon France 1977 Welfare Frederick Wiseman U.S.A. 1975 50,81% Raymond Depardon France 1974 La société du spectacle Guy Debord France 1973 Le chagrin et la pitié Marcel Ophuls Suisse 1969 A bientôt, j'espère Chris Marker France 1967 Pour la suite du monde Pierre Perrault Canada 1963 Le joli Mai Chris Marker France 1962 Lettre de Sibérie Chris Marker France 1958

Nuit et brouillard Alain Resnais France 1955

Le monde du silence Louis Malle France 1955 Les maîtres-fous Jean Rouch France 1954 Louisiana story Robert Flaherty U.S.A. 1948 L'Electrification de la terre Joris Ivens Hollande 1940 Terre d'Espagne Joris Ivens Hollande 1938 Borinage Joris Ivens Hollande 1933

Terre sans pain Luis Bunuel Espagne 1932

Nanouk l'esquimau Robert Flaherty U.S.A. 1922 L'Hirondelle et la Mésange André Antoine France 1920 L'entrée en gare du train de La Ciotat Louis Lumière France 1895